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ÎGaiE MILIEIS9 A. Bmwti C@ILILIEeTa@tJI.
REVUE
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
I
REVUE
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
RÉDIGÉE PAR MESSIEDBS
C. BANNELIER,
G. BÉNÉDICT,
HECTOR BERLIOZ,
P. BERNARD,
MAURICE BOURGES,
OSCAR COMETTANT,
MAURICE CRISTAL,
ELWART,
FÉTIS père,
EDOUARD FÉTIS,
ARMAND GOUZIEN,
MAURICE GRAY,
STÉPHEN HELLER,
LÉON KREUTZER,
DE LAUZIÈRES,
ED. MONNAIS,
MATHIEU DE MONTER,
EDMOND NEUKOMM,
ARTHUR POUGIN,
ELIAS DE RAUZE,
ERNEST REYER,
THOMAS SAUVAGE;
SAINT-YVES,
PAUL SMITH,
THURNER.
TRElVTE-CmQUIÈME ANNÉE
1868
PARIS
A«J BUREAU DU JOUn:VAI>, 1, BO(JL.EVARD DE» ITAL.IEX'S
1868
TABLES DU TRENTE-CINQUIÈME VOLUME
DE LA
REVUE
ET
GAZETTE MUSICALE
mm wAWktB.
TABLE AlVALYTIQUE DES MATIÈRES.
Académies des Be^nx-Artg.
(iNSTITDT BE FRANCE.)
Eleciion de M. le comte Walewski, comm« académi-
cien libre, en remplacement de Georges Kastner, 54.
Prix d'encouragemeut-Frémont décerné à M. Léonce
Cohen, 366.
Prix annnel de la musique de chambre décerné à M.
Ch. Dancla, 390.
Associations,
Election de deux vice-présidents par le comité de la
Société des artistes musiciens, 62.
Don d'une somme de 5,000 francs par Mme G. Kastner
à la même association, 110.
Assemblée géni'rale de cette Société, 158, 162.
Assemblée générale de la Société des auteurs et com-
positeurs dramatiques, 174.
Assemblées générales des trois Sociétés pour la percep-
tion des droits d'auteurs, art. de T. Sauv;ige, 195.
Assemblée générale de la même Société pour la ques-
tion de révision des statuts, 384.
Anditions musicales de Paris.
(Voyez aussi Concerts.]
MATINÉES, SOIRÉES, CONCERTS, ETC.
Baur (J.), 133.
Bedel (Mlle L.), 133.
Béguin -Salomon (Mme),
101.
Benoiton (La petite Fan-
fan), 109.
Bériot fils (C. de), 93.
Bonewitz, 43. 24. 125.
Boscowitz (F.), 109.
■Callias (Mlle N. de),414.
•Carreno (Mlle T.), 93.
Caussemille (Mlle G.), 141.
Charles (A.), 60.
Colonne (E.), 77.
Console (F.), 125.
Delaborde E.), 133.
Delahaye (L.), 95.
J)elgado , S>3 .
Ernesti (T. d'), 93.
Errera (U.), 190.
Tibre (Mlle A.), 116,
Firmin (N.). 101.
Frémeaux (La famille),
141.
Gagliano (Mme), 93.
Garcin, 198.
Gernsheim (F.), art. de C.
Bannelier, 148.
Golduer iW.), 117.
■jGouffé (A.), 93,165, 414.
Grignon (H.), 141.
Guzmun (F.), 70.
Jacobi (G.), 93.
Jellsch (C), 133.
JCowalski ;H.), 93.
Kruger (W.), 93.
Lamoureux (C), art, de
C. Bannelier, 51.
Xanghans [ M. et Mme
W.), 109.
Lapret (L.), 85.
Larg.jntière (Mlle de), 173.
Lalapie (Mlle de), 77.
Lavini (Mlle), 101.
Xebouc, 29, 109, 116, 141,
350, :«9.
Lemmens, 374.
Lévy (Mlle C), 101.
Leybaque (Mlle H.), 141.
Liebé (Mlle T.), 141,
Lopez, 190.
Magnus (D.), 60.
Id. (2" concert), 93.
Martin (Mlle J.), 125.
Martin-Robinet (Mme), 70.
Monbelli (Mme), 193
Mortier de Fontaine, 141.
NormanNéruda (Mme) art.
de Mathieu de Monter,
98.
Pellini sœurs (Mlles), 93.
Pénavaire, 109.
Pérelli (G.), 77.
Pfeifi-er (G.), 93.
Potier (Mlle D. de), 77.
Régnier (Mlle P.), 193.
Rendano (A,), 133.
Rosenhain {J.),101.
Rouxel (Mme),), 93.
Rubinstein (A.' — 1" con-
cert, art. de C. Banne-
lier, 89.
Id. (2' concet), 101.
Id. (3" concert), 108.
Id. (4* concert), 116.
Id. (5» et 6 concert), 125,
141.
Saint-Saëns (C), 157.
Sauret fr., 93.
Sécrétain (Mlle M.), 37.
Simonet (Mme M.), 101.
Skiwa (Mlles C), 70.
Staps (Mlle A.), 70.
Teysson, 53.
Valdès (R.), 85.
Van-Lier (Mlle R.), 70.
Villa, 37.
Vivier, art. de C, Banne-
lier, 130.
B
Biographies.
Etudes sur Charles-Marie de Weber, d'après la bio-
graphie écrite par son fils (suite), art. de Paul
Smith, 1.
Gi'orges Kastner et son œuvre, par E. Reyer (Extrait du
Journal des Débats], 44.
Détails biographiiiues sur Edouard Monnais, par J.
Janin (Extrait du Journal des Débats), 85.
Troisième partie des Etudes sur Charles-Marie de We-
ber, art. d'E. Neukomm, 139, 16?, 179, 193, 217,242,
284, 3(i6, 353,387, 393, 401.
Mortier de Fontaine, 155.
Stephen Heller (Etudes biographiques et critiques), par
Mathieu de Monter, 329. 337.
Léon Kreutzer, art. d'A. Pougin, 347, 363.
Minnie Hauck (Détails extraits de l'Illustraled London
NeivsJ, 403.
Concerts à Paris.
(Voir aussi Auditions musicales.]
Audition des sœurs Pellini à la Société philharmonique
de Rueil, 14.
Première audition du psaume CXXXVII, mis en musi-
que par M. Jules Béer, art. signé S. D., 27.
Premier concert de l'année, donné à l'Institution des
Jeunes Aveugles, 29.
Grande soirée musicale à la salle Herz, 29.
Concert de la Société chorale allemande Liederkranz,
37.
Concert de la Société Sainte-Cécile, sous la direction de
M. Wekerlin, 53.
Soirée musicale à l'Institution impériale des Jeunes
Aveugles, 60.
Concerts du ministère de la marine et de la surinten
dance des Beaux-Arts, 69, 7G, 100, 116.
Concerts des Tuileries, 76, 85, 92, 100.
Concert donné pour l'Orphelinat de Sainte-Marie, 77.
Second concert de Mme la duchesse de Galiera, 85.
Concert de la loge maçonnique les Frères-unis-insépara-
bles, art. de Mathieu de Monter, 90 .
Concerts de l'HOtel-de-Ville, 92, 100, 116.
Concert au profit de la crèche du quartier des journaux,
93.
Concerts do la princesse Malhilde, 100, 116.
Matinée musicale à Notre-Dame des Arts, 100.
Audition de fragments du Dante, opéra .du duc de
Massa, art. d'A. Gouzien, 106.
Soirée musicale pour l'inauguration de la mairie du 3"
arrondissement, 109.
Soirées musicales du comte d'Osmont, de M. Ed. Four-
nier et de Mme la baronne de Maistre, 116.
Concert, à la Sorbonne, au profit de la crèche de Sainte-
Geneviève, 116.
Concert de l'Institut de la Providence, à la Sorbonne,
133.
Concert annuel de la Société des concerts de chant
classique, 150.
Concert pour la fondation d'une crèche, 150.
Concerts de la Société académique de musique sacrée,
157, 173.
Concert au profit de l'Orphelinat des jeunes filles d'Al-
ger, 165.
Concert à Notre-Dame des Arts, 173.
Concirt annuel des élèves de l'institution de Notre-
Dame d'Autouil, 182.
Audition de la musique d'un ballet chez le comte d'Os-
mont, 206.
Séance musicale des Enfants d'Apollon, 374 .
Concert de la Société chorale allemande la Lieder-
kranz, au Grand-Orient, 390.
Nouvelles séances théâtrales à l'Ecole spéciale de chant,
art. signé M. M., 411.
Concert de la Sorbonne, au profit de l'Institut de la
Providence, 414.
Concerts du Conservatoire, 14, 22, 37, 45, 60, 69, 85,
92, 108, 116,125.
Premier concerts delà nouvelle saison, art. de C.
Bannelier, 403.
Deu.îième concert, 414.
Concerts populaires de musique classique, au cirque
Napoléon :
Léonard, art. signé P. S., 12.
L'ouverture de Manfred, et la Sicilienne de S.
Bach, 22.
Joachim Raff, 37.
Suite d'orchestre, par M. Masscnet, art. d'A. Gou-
zien, 42.
Marche religieuse de Lohengrin, 53.
Mme Néruda-Norman, art. d'A. Gouzien, 59, 69, 77.
Symphonie posthume de Mendelssohn ; adapo de
M. Garcin, art. d'A. Gouzien, 99.
Fragment de Roméo et Juliette, 116.
Concert spirituel du vendredi saint, 125.
Réouverture, art. de C. Bannelier, 340, 350.
Concerts de la saison nouvelle, 350, 366, 374, 389,
397, 406.
Opéras de salon.
Le Double Piège, opéra-comique en un acte, musique
de G. Douay, représenté à la salle Herz, 182.
Le RÉve d'un écolier, opéra-comique de Gariboldi, re-
présenté par les élèves de l'Ecole internationale de
Saint-Germain en Laye, 206.
Conservatoire impérial de musique
et de déclamatiou.
Nomination de M. Charles Colin, comme professeur Je
hautbois, en remplacement de AI. Barthélémy, 62.
Concours ouvert pour les paroles de la cantate du grand
prix de Rome, 68.
Nomination de M. G. Hainl comme membre du comité
des études musicales, 86.
Composition du jury pour le prix de Rome, 151 .
Souscription pour élever un monument à la mémoire
d'Ed. Monnais, 165, 190, 206, 229, 253.
Examens préparatoires pour l'admission aux concours
publics, 191,
Décision du jury au sujet du grand prix de composition
musicale, 214.
Concours à huis clos, 225.
Concours publics, art. de Ch. Bannelier, 233.
Concours publics (suite), 241.
Distribution des prix, 249.
Examens annuels pour l'admission dans les classes de
chant, 358.
Démission de M. Révial, professeur de chant, 366.
Son remplacement par Roger, 374.
Nomination de M. Jules Cohen comme professeur de la
classe d'ensemble vocal, 374.
Résultat du concours d'harmonie écrite et d'orchestra-
tion des élèves militaires, 389.
Nomination de M. Altès comme professeur de flttte, en
remplacement de M. Dorus, démissionnaire, 398.
Résultat du concours de solfège de la classe des élèves
militaires, 206.
Nomination de M. Leroy, comme professeur de clari-
nette, en remplacement de M. Klosé, 406.
D
Départements.
THÉÂTRES, CONCERTS, NOUVELLES MUSICALES,
ETC., ETC.
Alger. — Représentation de la Grande-Duchesse, 166.
— Représentation de Fleur de Thé, 389.
Amiens. — Grand Concert de la Sociiîté Pliilliarnionique,
29, 37. — Nouveau concert au profit rUs pauvres, 93.
— Concert avec le concours d'Adelina Patii, 157. —
Concert des Orpliéonisles, iil4.
BAGNÈnBs-DE-BiGoiiRE. — Inauguration du nouveau Ca-
sino, 263.
Baïonne. — Inauguration du grand orgue de l'église
Saint-Esprit, 294.
Besançon. — Représentation de la Grande-Duchesse, 30.
Biarritz. — Concours de sociétés chorales et inbtru-
mentales, 318.
Bordeaux. — Association des artistes du Grand Théâ-
tre, 21. — Représentation de la Leçon d'Ainoui-, opéra-
comique de M. Alphonse Varncy, 5i. — Norainaiion
de M. Halanzicr comme directeur du Grand Tliéàlre.
se. — Reprise do l'Africaine, 102. — Représentation
de Quand les C/tals n'y soni pas, opérette do L, La-
laste, 110. — Représentations de Hiibinson Cnisoé et
de kl Grande-Duchesse, 134. — Repréâcnlation de
Fleur de Thé au théâtre Français, 24û. — Représen-
tation de Peau d'Ane au Grand Théâtre, 2:8. — Ou-
verture du nouveau théâtre Louit, i94.
BouLOG^E-sl^n-MER. — Représentation de Stais un Bal-
con, opérette n'A. Sergent, 110. — Conceit de la So-
ciété philharmonique au profit des pauvres, 117. —
Inauguration de l'église Notre-Dame, 151. — Premier
concert de la saison d'été, 2d3.
Brest. — Représentation de la Grande-Dïichcsse. 342.
Breteuil. — Concours de musiques, 173.
Caen. — Représentation de la Grande-Duchesse, 71. —
Inauguration du nouvel orgue de l'église Saint-Sau-
veur, 198. — Concert à l'occasion des Courses, 255.
CARC.\ssoi\KE. — Représentation des Drarjons ae Yillars,
246.
Chartres. — Concours musical, 190.
CoLSiAn. — Don fait au Conservatoire en voie de for-
mation, par Mme veuve Kastncr, d'un exemplaire des
oeuvres de son mari (e\tr. du journal l'Alsace), 3G5.
Contrexeville. — Concert de bienfaisance organisé par
E. Ettling, 294.
Deauville. — Correspondance de Paul Cernard : courses
annuelles; bal des courses, etc. , 25').— Grand bal au
bénéfice de M. Desgranges, 279.
DiEPFE. — Représentation île ta Ciande-Ducliessc;con-
cert do la compagnie Ulmann-Patti, 202.— Fêtes et
concerts, 286.
Dijon.— Représentation du Pardon de Ploërmel, 14.
Dreux. — Inauguration d'un orgue dans l'église parois-
siale, 263.
Dukkerque. — Représentation au Casino des Noces Bre-
tonnes, opéra-comique nouveau de M. V. Buot, 262.
—Inauguration du Casino de la villa des Dames, 279.
Grenoble. — Représentation de l'Africaine, 38. — Rè-
glement d'un giand concours musical, 158. — Médaille
offerte par les religieux de la Grande - Chartreuse
pour ce concours, 174. — Procès-verbal du classement
des Sociétés chorales et instrumentales, 231. — Cor-
respondance de Mathieu de Monter : grand concours
musical et inauguration de la statue de Napoléon l'',
267. — Election de M. J. Monesiier comme président
des Sociétés musicales de cette ville, 343.
Havre (i.e). — Représentation de II Barbicre avec Ade-
lina Paiti, 46, 54. — Représentation de l'Africaine,
126. — Cértmonie d'ouvcTluie de l'Exposiliou mari-
lime, 182. — Correspondance de Fr. Crisson ; la mu-
sique à TExpcsilion, 301.
Lille. — Reprise de /aCïj'aîirff-Dwc/iesse, avccMmeUgalde,
102. — Distribution des prix au Conservatoire, 271.
— Reprise de Fleur de Thé, 302.— Représentation de
laPériclwle, 383.
LïOH. — Succèsde rj/)icaiiie, 6. — Représentation d'un
opéra-comique de M. E. Pichoz, Dans les Gardes
françaises, 30. — Représentation (le Robinson Crusoé,
61. — Concert de la compagnie Patti-Ulmanu, 77. —
Xa Grande-Duchesse aux Célestins,avec Zulma-Bouf-
far, 274. — Fleur de Ilié, au même théâtre, 3i6.
Lorient. — Représentation de la Grande-Duchesse, 35'7.
Marseille. — Conceit donné par la compagnie Patti-
Ulmann, 60. — Représentation du Pelil-I'ouce/, opé-
rette nouvelle d'Ed.Audran, 118.— Concert de Mlle A.
Meyer, 157. — Représentation de la Grande-Du-
chesse, au Gymnase, 262. — Réouverture du Grand-
Théâtre par te Tromèrc, 317. — Représentation de
Fleur de Thé, au Gjœase, 366. — Débuts du té-
nor Lbérie, 390
Mabeelce. — Inauguration du grand orgue de Merklin-
Schutze.lll.
Montpellier. — Reprise de l'Africaine, 30.
Moulins.- Médaille décernée au concours pour la com-
position d'un chant choral, 190.
Nancy.— Réouverture du Théâtre, avec les Dragotis de
Villars, 334.
Nantes. — Reprise de l'Africaine. — Représentation de
la Grande-Duchesse avec Mme Dgalde, 246.— Grand
concert au bénéfice de la caisse de secours de l'Asso-
ciation philharmonique, 358.
Nice. — Succès de l'Africaine, 6. — Concert de la com-
pagnie Patti-Ulmann, 70. — Accident arrivé à H.Ber-
lioz, 118. — Repiise de la Grande-Duchesse, avec
Mlle Géraldine, 326. — Représentations de Mme Bor-
ghi-Mamo, 406.
NÎMES. — Représentation de VElo'ile du Nord, 62.
Orléans.- Représentations de la Grande- Duchesse, avec
Mme Ugalde, 206.
Rennes. — Concert au profit des pauvres, 101.
RoDEN. — Représentation de la Luria. avec Adelina
Patti, 38.— Représentation de l'Africaine, 62.— Con-
cert annuel de bienfaisance de la Société lyrique, 86.
. — Inauguration de l'Exposition régionale, 173. — Con-
cours d'Orphéons; exécution du Salut Impérial, d'A.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES.
Ehvart, en présence de Leurs Majestés, 182. — Ban-
quet offert â M. A. Méreaux par ses élèves, 207.
Strasbourg. — Conceits classiques de la Société du con-
servatoire, 70. — Exécution d'une messe de F. Schwab,
231. — Reprise des Dragons de Viltars,3lt'>.
Toulon. — Première représentation do l'Afiicaine, 30.
Tooloise. — Reprise de l'Africaine, 21.— Reprise du
Prophète, W2. — Mlle Schneider dans la Grande-Du-
chesse, 166. — Inauguration de l'orgue du chœur de
la cathédrale, 175.
Tboyes. — Représentation de l'Africaine, 230
'i^ERSAiLLES. — Cérémonie religieuse au profit de l'Œuvre
des Crèches, 1^2. — Messe de Hajdji, exécutée pour
la fête de Sainte-Cécile, 390.
ViCBV. — Ouverture de la saison, 191. — Capoul et
MmeCabel dans la Fille du Héyiment, 222. — Corres-
pondance signée S. D. : Exécution d'une œuvre de
M. Schimon, 253.
Ëtraug^er.
THÉÂTRES, CONCERTS, NOUVELLES MUSICALES,
ETC., ETC.
Aix-ia-Chapelle. — Représentation de l'Africaine, 302.
Amsterdam. — Concerts d'Arban, dans le Parc, 255, -
Concours international d'Orphéons, 271.
Anvers. — Représentations de Mme Marie Sass, 47.
Bade. — Inauguiaiion de la saison, 167. — Audition
des enfants Frémeaux, 182. — Représentation de
l'Ogre, opérette de Mme P. Viardot, à la villa Tour-
gucnicf, 183. — Premières fêtes musicales, 191. —
Concerts de la salle Louis XIII, 215. — Correspon-
dance signée M. S. : Fête musicale à la villa Viardot,
271. — Correspondance signée S. : Débuts de
l'Opéra allemand par Lohcngrin, 293. — Grand con-
cert à l'occasion de la fête du gtrnd-duc, 294, 302.
— Représentations de l'Opéra Italien, 3i0. — Concert
de Besekirsky, 311.
Barcelone. — Représentation du Pardon de Ploérmel,
63. — Repiésentation des Dragons de Villars par la
troupe française d'Opéra-Co'.iiique, 223.
Berlin. — Rentrée de Mlle Artôt dans te Domino noir,
15.— Représentation de Dvu Parasol, ballet nouveau
de Taglioni. Représentation de la Grande-Duchesse
au théâtre de Friedrich-Wilhemstadt, 23. — Repré-
sentation au théâtre Kroll de In loyaije d'artiste,
opérette nouvelle, 47. — Représentation de Die Fii-
bier, opéra de Langert, 72. — Rentiée de Pauline
Lucca à l'Opéra, 79. — Rentrée de Kiemann dans le
Prophète, 87. — Représentation de Die llerren Ter-
tianer, opérette de A. L'Arronge, 183. — Représen-
tation de la Plus belle Fille du b' urg, opéra-comique
en deux actes de A. Conradi, lSi9. — Mise au con-
cours par l'éditeur Bock d'un opéra-comique, texte et
musique, 214. — Représentation du Templier et de tu
,luice, de Marschner, 327. — Mlle J. David dans les
.loyeux Mouscjuetairts, ballet nouveau de P. Tcglioni,
335. — Mlle Oigéni dans les huguenots, 343. —
Début de Mlle M. Calisto dans la Travialu: concerts
de Tausig, 301.
Birmingham. — Représentation de la Grande-Duchesse,
127.
Bologne. — Représentation à'IlBarhiere di Scviglia, de
■ Liall'Argine, 375, 391. — Cérémonie funèbre en l'hon-
neur de Rossini, 415.
Bonn. — La musique au congrès international archéo-
logique, 319.
Breslau. — Repiésentation de l'Afrcaine, 183.
Bruxelles. — Correspondance signée E. F. : nouvelles
musicales, 19. — Second concert du Conservatoire,
31. —Représentation du Bramais, opéra-comique en
trois actes, de M. Radoux, 19. — Représentation de
Robinson Crusoé, 61. — Nouveau concert du Con-
servatoire, 62. — Représentation de ZJoii Carlos, 87.
— Dernier concirt du Couservatoiie: représentation
du Tricorne emhan/é, cpéra-comique de M. L. Jouret,
113. — Représentation de Don Carias, 119. — Re-
présentations de Mme Marie Sass, 120.— Représen-
talions de la Compagnie Italienne, 151. — Mme Car-
valho dans Roméo et Juliette, 159. — Audition du
grand oigue au Palais-bucal, 166. — Représentations
de la troupe de l'Athénée de Paris, 222. — Grand
concert militaire, 239. — Nomination d'un jury pour
le concours international de musique religieuse,
263. — Résultat de ce concours, 26b. — Réouverture
du théâtre de la Monnaie, 287. — Séance publique
de l'Académie royale, sous la présidence de M. Féiis,
319. — Correspondance de M. Féiis: inauguration
d'un nouvel oigue à Iselles, 325 — Débuts de Warot,
dans la Muette; sérénade donnée l^ M. Fétis par
YOrplwon, 327. — Correspondance signée F.: com-
mencements difficiles de l'année théâtrale, 332. —
Représentation du Premier Jour de bonheur, 359. —
Réouverture des concerts populaires, 367. — Reprise
de l'Africaine ; lepréseniation de la Périchole aux
Galeries-Saint-Hub«rt, 397. — Audition de Mme Plej el
dans nu concert, 398. — Reprise du Pardon de
Ploérmel, 415.
Cablsrcue. — Représentation de la Fiancée d'Asola,
opéra nouveau de L. Liebé, 310.
Cologne. — Célébration du 45« festival Bas Rhénan, 181.
— Examens publics du Conservatoire, 287. — Audi-
tion de G. Saint-Saéns, 367.
Constant. NOPLE. — Représentation de gala au théâtre
Naum, 135.
Darmstadt. — Sixième festival du Rhin central, 327.
Ems. — Inauguration de la saison, 207. — Théâtre el
concerts, 255. — Représentations des Bouffes-Pari-
siens, 270.
Florence. — Inauguration de la saison d'hiver de la
Pergola par Vn Ba'lo in Mascliera, 15.— Représen-
tation de Rosmunda, opéra nouveau de Gialdini, 87.
— Représentation de la Schiaca Greca, de l'ontoglio,
335. — Réouverture de la Pergola par le Prophète,
367. — Concerts de Sivori ; fermeture du théâtre Pa-
gliano, 391.
Fraicfort-sub-le-Mein. — Audition de Rosenhain, 22.
Gand. — Reprise de l'Africaine, 399.
GÊNES. — Réouverture du Carlo-Felice par le Prophète,
8. — Représentation de (/ Sugno d'Inès, ballet nou-
veau de Piuzuti, 79.
Genève. — Représentation de Rob'mson Crusoé, 134. —
Représentations de Montaubry, 174.
GoTiiA. — Représentation de la Nuil de Sainl-Jean,
opéra-comique d'EUers, 87.
Haïe (La). — Grand concert national â l'occasion du
congrès des savants, 319.
HosiBoiRG. — Ouverture du théâtre Italien, 239. —
Réprésentation de Faust, 247. — Le Domino noir,
avec Mlle Artût, 255. — Représentations diverses de
la Société italienne, 263. — Repiésen talions d'Ade-
lina Patti, 271, 295.
KœNiG;BEriG. — Représentations de la la Grande-Du-
chesse, 247.
Leipzig. — Inauguration du nouveau Théâtre d'opéra,
47. — Exécution de la Symphonie fantastique et du
Reguiem d'H. Berlioz, 238. — Représentation de la
Phœdra, de Taubeit, 311. — Audition de C. Saint-
Saiins au Gevatidhaus, 343.
Liège. — Représentation des Bavards, d'Ofl'enbacb, 95.
Lisbonne. — Représentation de la Grande-Duchesse, 96.
— Représentation de l'^rco de Smita-Anna opéra
nouveau de Kororha, 111. — Représentation de F(cMr-
de-Thé, 327.
Livebpool.— Représentation de la Grande-Duchesse, 143.
Londres. — Incendie de The Oxford Music-Hall, 55.
— Programme de Covent-Garden, 102. — Ouverture
de //(•»■ Majesty's Opéra et de Covent-Garden, 111.
— Rentrée de Mario; concert; divers, 119. — Ren-
trées d'Adelina Patti, de Mlle P. Lucca et de Mlle
Nilsson, i52. — Grand concert annuel d'Aiditi, 175.
— Reprise de la J/ct/cc, do Cherubini, à Drury-Lane;
concerts divers, 183. — Grand mteting annuel des
Charitij Childrcn, 191. — L'Afiicaine h. Covent-Gar-
den ; grand l'estival triennal de Haendcl, 199, 207. —
Mlle Schneider dans ta Grande- Duchesse au théâtre
Saint-James, 206. — Représentations et concerts, 215.
— Correspondance de C. L. Gruneisen : Représenta-
tion du Domino noir â Covent-Garden, 237. — Mariage
d'Adelina Patti avec le inarqi is de Caux, 246. — Re-
présentation de clôture à Covent-Garden, au béné-
fice d'Adtlina Patti; rfpréstnt,ations de cltiture de
Her Majesty's Opéra, 2.'i7. — Concerts-promenades du
Fairy-Palace, 319. — Concerts du Palais-de-Cristal,
sous la direction de M. Matins, 327. — Ouverture de
la saison d'automne â Covent-Garden, avec Lucrezia
Borcjio, 351. — Construction d'un nouveau théâtre
dans le Strand, 357. — Début de Mlle de Murska
dans Lvcia, 367. — Concerts populaires de Saint-
James Hall, 375. — Représentation de Dinorah à
Covent-Garden, et de lu Grande-Duchesse au Sten-
dard, 384.
Madrid. — Arban et son orchestre au théâtre des Jo-
vellanos, 159. — Représentation de la Muette au bé-
néfice des blissis d'Alcoléa, 335. — Reprise de l'Afri-
caine, 351. — Début de Mme (jueymard dans le
Troralore, 359. — Représentation de la Grande-Du-
chesse aux Bufos Ardenius, 375.
Magdebourg. — Représentation de lUro el Léandre,
opéra-comique de ^V. Steinhart, 79.
Manchester. — Représentation de la Grande-Duc.hcsse,
167. — Accident arrivé dans une salle de concert.
255.
Mannheiu. — Représentation du Voisinage dangereux,
opérette nouvelle de Langer, 207. — Repiise de l'A-
fricaine, 280.
Milan. — Représentation de la Camurgo, ballet nou-
veau de Monplaisir, 23. — Représentation de Pielro
da Padova, opéra nouveau de Fioii, 72. — Représen-
tation de Biahma, ballet de Monplaisir, 79.— Repré-
sentation de Mefistofete, opéra nouveau d'A. Boiio,
96. — Embarras ûe la Scala, 247. — Représentation
de la Grande-Duchesse au théâtre de Santa-Rade-
gonda, 294: — Ouverture du Carcano avec Dinorah,
295, 311. —Brochure du directeur Lamperti relative à
la dotation du Grand-Théàlre, 357. — Programme de
la Scala, 415 .
MoNS. — Représentation de l'Etoile du Nord, 72.
Moscou. — Début de Mlle Artot dans Faust, 143. --
Représentation â son bénéfice, 166. — Représentations
brillantes du théâtre Italien, 357, 365. — Début de
Mlle Sarolta dans Don Giovanni, 399. — Représen-
tation de Faust au bénéfice de Mlle Artôt, 407, 414-
Munich. — Représentation des Maîtres chanteurs de
Nuremberg, opéra-comique en trois actes, de Richard
\Vagner, art. de Ch. Banuelier, 205-210. — Représen-
tation du Manteau rouge, opéra-comique de Krem-
peisefzer, 415.
Naples. - Programme du Théâtre San Carlo, 319. —
Ouverture de ce 'i héâtre avec Jone, opéra nouveau de
Pétrella, 359.
New-York . — Ouverture du Théâtre Pike, 55. — Re-
préseniation des Dragons de Villars, 175. — Repré-
sentations de l'Opéra-bouffe Français, 254 — liarbe
Bleue et la Grande-Duchesse, 325. — Début de miss
Kellogg, 358.
Oldenbourg. — Grand festival des Sociétés chorales de
l'Allemagne du Nord, 263.
Pesth. — Représentation des Zrinyi, opéra nouveau
d'Adelburg, 215, 223,
Pmi.AOELPeiE. — Représentation do la Grande- IJucliesse,
199.
Phacue. — Représentation de la Cronde Viicliesse, 39.
— Représentation de lins Kaelhchen von Iffilbronu,
opéra noincau de Jaffé, 119. — Représentation de
Ain Itiiiieins/ein, opéra nouveau de MM. de Flotow
et R. Gênée, 127, 1.35. — Représentation dn Dniibor,
opéra nouveau de Smolana, 175. — Mlle Yilali dans
le Pardon de Ploermel, 303. — Représentation au
Théâtre Tchfci|ue de la Fiancée Jlussile, opéra nou-
veau de Seiror, :M3.
Rio-i)E-jANEino. — Représentation de la Grandc-Du-
c/icsse, 102.
Rome. — Représentation de la Tombola, opéra nouveau
de Cagnoni, 39 — Représentation de la Grande-Du-
c/iessi\ 78. — Représentation de Dinorah au théâtre
Arfrentina, 375.
SAiNT-PiÎTPiisniiuiio. — Concerts dirigés par Berlioz, 15.
Ri'prespnuuions de Pauline Lucca, Ï|7. — Ovations
laites à iMlles Lucca et Granlzofî, 63. — Prcgrammedu
Théâtre italien, 103. — Exécution de la symphonie
héroîi|tie Jeanne d'.-IccdeA. Holmes, 1/i3. — Représen-
tation dn liai Canrlaale, ballet de MM. de St-Georges,
Marius Petipa et Pugni ; F/eur de TM au théâtre
Michel, 357. — Représentation de Lohengrin, 367. —
liéouverture du théâtre italien par Maria, 38i. —
Rentrée de Mlle P. Lucca dans Don Juan et dans
l'Africaine, lilô .
Solf.uhe. — Fêles fédérales suisses, 2i6.
Spa. — Programme de 1". saison, li3. — Premier con-
cert, 247. — Grands concerts à la Redoute, 203, 295.
Stottcabd. — Reprise de l'Africaine, 31. — Exécution
A' Elle, oratorio de Michel Costa, 359.
Tkèves. — Représentation de l'Africaine, 79.
Trévise. — Incendie du T/téûtre sociale, 326.
Trieste. — Représentation de Fiamclta, ballet nouveau
de Saint-Léon, 95.
Tdbin. — Incendie du Théâtre Alberto-Nota, 230. —
Réouverture de la saison avec Dinorah, 335, — Re-
présentation de Gli arlisli alla Fiera, opéra comique
de L. Rossi, au théâtre Carignan, 375. — Représenta-
tion de Un Fallo, ballet nouveau de Rota, 39].
Venise. — Représentation de l'Africaine, 81.
Vienne. — Représentation de Lucifer, opérette de S.
Duniecki, au théâtre An derVien,15. — Représenta-
tion de Nana-Sahib, ballet nouveau d'H. Desplaces, 23.
— Représentation de Madame, la maîtresse, opérette
de Suppé, et de la Somnambule, opérette de Zaytz,
30. — Représentation de Roméo et Juliette, de Gou-
nod, 55. — Représentations dn ténor Sontheim , 143.
— Réouverture de l'opéra avec Guillaume Tell, 223.
Constitution de la Sociéié des auteurs et compositeurs
allemands, 263. — Début de Mlle Gindele dans l'A-
fricaine, 263, — Début de Mlle Salvioni dans le Dia-
ble amoureux, 279. — Premier jubilé de l'orphéon
Viennois, 343. — Représentation de Mijnon, 351.
Weimar. — Représentation des Héros du Nord, nouvel
opéra de C. Gcetze, 31.
Wiesbaden. — Représentation du Prophète et concert,
223. — Concert en l'honneur du roi de Prusse, 271.
WoBHS. — Inauguration du monument de Luther, 223.
H
Hommages, décorations et récompenses
accordés aux artistes.
( Voyez aussi Nominations.)
Arban, décoration d'Isabclle-la-Catholique, d'Espagne,
198.
Arditi, décoration d'officier du Medjidieh, de Turquie,
262.
Bagier, décoration de l'ordre des Saints Maurice et
Lazare, d'Italie, 62.
Capoul, décoration d'officier du Nischam, de Tunis. 287.
Caire M.), décoration de l'ordre de la Légion d'hon-
neur, 270.
Choudens, décoration de l'ordre de Gustave-Wasa, de
Suède, 23.
Dauverné, décoration de l'ordre de la Légion d'honneur,
270.
Elwart (A.), médaille d'argent offerte par le départe-
ment de la Seine-Inférieure 254.
Gautier (E.), décoration de l'ordre de la Légion d'hon-
neur, 270.
Gérard (E.), décoration de l'ordre de Charles III, d'Es-
pagne, 174.
HainI (G.), décoration de l'ordre de la Légion d'hon-
neur, 270.
Lachner (F.), décoration de commandeur de l'ordre du
mérite de Saint-Michel, de Bavière, 55.
Le Couppey (F.), décoration de commandeur de l'ordre
du Lion de Perse, 183.
Massé (V.), décoration de l'ordre de Charles III, d'Es-
pagne, 30.
Masset (J.-J.), décoration de l'ordre de Gustave-Wasa,
de Suède, 415.
Mercadante, décoration de l'ordre du Mérite d'Italie,
287.
Méreaux (A.), décoration de l'ordre de la Légion d'hon-
neur, 183.
Roger, grande médaiUe des Arts et Sciences, décernée
par l'empereur d'Autriche, 23.
Rossini, décoration du grand-cordon do l'ordre de la
Couronne, d'Italie, 143.
Saint-Saéos (C), décoration de l'ordre de la Légion
d'honneur, 270.
Sivori (C.), décoration de l'ordre de la Couronne, d'Ita-
lie, 318.
Stoltz (Mme R.), décoration de l'ordre du Mérite, de
Saxe, 318.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES.
Strakosch (Maur.), décoration d'officier du Medjidieh,
de Turquie, 374.
Thomas (A.), décoration do commandeur de l'ordre de
la Légion d'honneur, 254.
Jarisprudencc artistique, scicnfiflque
et théâtrale.
Jugement de la Cour impériale relatif ù Mme Monbelli,
ô.
Jugement de la Cour impériale de Rennes, confirmant
la jurisprudence relative aux droits d'autoris.ation des
composiieiirs do musique pour l'exécution de leurs
œuvres, 8.
Jugement du Tribunal correctionnel d'Arras dans une
action intentée par la Société des sutcurs dram.aiiques
contre la musique des amateurs, 118.
Arrêt du Tribunal civil relatif aux billets de faveur dans
les théâtres, 174.
Arrêt du Tribunal civil de la Seine (1" chambre) dans
le procts intenté par M. Blaze de Bury aux héritiers
Meyerbeer, à propos de la Jeunesse de Gœthe, plai-
doiries, 273, 281.
Arrêt de la Cour impériale dans un appel relatif à la
contrefaçon d'objets d'art; application de la loi sur
la propriété littéraire et artistique, 356.
Jugement du Tribunal de première instance dans un
procès entre la direction des théâtres impériaux de
Russie et le ténor Fraschini, 414.
Iiettres .
H. Berlioz à un ami, 20.
Otto Nicolai à son ami M. deFilippi, 46.
M. Fétis père au directeur du journal, à propos de M.
Edouard Monnais, 84.
M. N. Noetinger aux membres de l'Association des so-
ciété chorales d'Alsace, au sujet de G. Kastner, 115.
Roger â H. de Pêne, â propos de son engagement à la
Porte-Saint-Martin, 270.
F. A. Gevaërt, au directeur du journal, à propos d'une
note de M. Fétis, 404.
liiltérature musicale.
Histoire de la musique instrumentale (suite), art. de
Maurice Cristal, 17, 65, 73, 113, 129.
Du nouveau en musique, art. d'Ed. Fétis, 25.
Les droits des auieurs (suite), par Thomas Sauvage, 49,
66, 169, 201, 211, 219, 226, 258.
Les théâtres lyriques secondaires à Paris depuis 1820,
art. d'A. Pougin, 106, 203, 228, 243, 259, 263, 290,
299.
Songe de Ch.-M. de Weber écrit par lui-même, 257.
La critique musicale, par Mathieu de Monter, 289.
Armide, étude par A. Thurner, 305,315.
M
Slnsiiiae militaire.
Dernier concert de la garde de Paris, 318.
SInsiqne religieuse.
MESSES, ORATORIOS, SOLENNITÉS RELIGIEUSES,
ORGUE.
Inauguration du grand orgue de Notre-Dame, recons-
truit, 79, 85, 95.
Messe de Weber, exécutée à Notre-Dame par l'Associa-
tion des artistes musiciens, 102.
Messe solennelle du prince Poniatowski à Saint-Eusta-
che(2« audition), 102.
Audition du Jugement dernier, oratorio de J. Duprez,
art. d'A. Gouzien, 106.
Solennités religieuses de la seaiaine s.ainte, 118.
Les Se/it paroles du Chri.il, oratorio de Th. Dubois ;
Stabat, de Palestrina, exécuté par plusieurs sociétés
chorales; Messe solennelle, de Fr. Schwab, à Saint-
Eostache; La Création, d'Haydn, exécutée par le
Lieder-Kranz de Paris, art. de Mathieu de Monter,
121.
Exécution du Stabat â la chapelle des Tuileries, 125.
Rapport adressé au ministre des cultes sur la recons-
truction du grand orgue de l'église Notre-Dame, 131.
Visite au grand orgue par les délégués des sociétés sa-
vantes de France, 134.
Exécution de la 6° messe solennelle d'A. Leprévost, à
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, 141.
Première communion du Prince Impérial, à la chapelle
des Tuileries, art. signé A. E., 148.
Messe de Ch. Vervoitte exécutée à l'église de Saint-
Cloud, 173.
Application de l'électricité aux grandes orgues, à propos
du grand orgue de la nouvelle église Saint-Augustin,
art. de Mathieu de Monter, 180.
Bénédiction solennelle de cet orgue, 198.
Audition des grandes orgues de Notre-Dame par les
membres de l'Association scientifique dn France, 222.
Solennité religieuse à l'institution impériale des Jeunes
Aveugles, 238.
Distribution des prix à l'Ecole de musique religieuse
Niedermeyer, 246.
Inauguration du grand orgue de la nouvelle église pa-
roissiale de Saint-Denis, 271, 219.
Inauguration d'un nouvel orgue à l'église Saint-Ambroise,
334.
Messe de Sainte-Cécile, d'A. Thomas, exécutée à Saint-
fjiistache, pour la fête de l'Associ.ition des artistes
musiciens. — Messe de Sainte-Cécile , de Mme de
Gramlval, à Sainte-Geneviève, art. signé M. M., 388.
Société des oratorios, sous la direction de J. Pasdeloup:
l" e.'iécution, au Panthéon : la Passion, de J.-J.
Bach ; Ode à sainte Cécile, de Haendel, art. de Ma-
thieu do Monter, 145.
2" exécution, 157.
N
Xôcrologie.
Alsaniello (Mlle E.), 247.
Arban père, 95.
Artois de Bournonville
(A. d'). 398.
Barrez, 390.
Barsotti, 111.
Barthélémy, 55.
Béquignolles (de), 7.
Ber (E.;, 203.
Berwald (F.), 151.
Bessems (A.). 343.
Blanchard (Mlle), 297.
Blaquières (P.), 126.
Bocquillon, art. nécrol.
par T. Sauvage, 20.
Bovery 'J.j, 239.
Brendel, 390.
Calderon, 359.
Challiot, 351.
Chevé (Mme veuve E.>,
215.
Cicéri père, 279.
Conti (C), 255.
Cotta (J.), lis.
Cruvelli (Mlle M.), 255.
Dauprat (L. F.), 255.
Delavigne (G.), 359,
Deleurie (L.), 263.
Desnoyers (L.), 407,
Ducis (Mme L.), 39.
Duponchel, 118.
Eberwein (C), 103.
Empis, 407.
Epagny (V. d'), 367.
Favarger (R.), 287.
Ferrand (H.), 311.
Franck (li.), 103.
Franck-Marie, 15.
Ganz (M.), 39.
Gaspérini (de), 135.
Gaudonnec fils, 143.
Gide (CI, 62.
Harrison (W.), 374.
Hauptmann (M.), 15.
Hugo (Mme V.), 279
Hûttenbrenner (A.), 297.
Ketterer (.Mme), 325.
Kistner IJ.), 175.
Kittl (J.-F.), 255.
Kolesowsky (S.), 287.
Kreutzer (L.), 327.
Kriiger père, 158.
Laborie (le docteur). 23.
Lacombe (Mme L.), 280.
Lacour (Mme), 263.
La Madeleine (S. de), 237.
Leduc (A.), 199.
Fétis
Lemoine (R.), 95.
Lomagne (J.), 271.
Louis I'', roi de Bavière,
79.
Lover (S,), 239.
Margueritat (R.), 31.
Marck (le docteur), 31.
Marque (A.), 398.
Mazrtti (R.), 39.
Mazilier, 107.
Mercier (J.), 87.
Mévil (C), 55.
Michel (Cam.), 239.
Michel (Marc), 87.
Mitheli (J.), 407.
Monnais (E.), 68.
Ses obsèques, 69.
art. nécrol. p&.r
père, 75.
Monpou (Mme veuve), 135.
Montoriol, 5ô.
Morelly (L.l, 287.
Mouravieff (Mlle), 359.
Naum (M.), 223, 302.
Paulowna 'Anna) Frarevna,
de Géorgie, 71.
Péronnet, 279.
Pillet (L.), 102.
Ponchard (Mlle J.), 55.
Prémaray (J. de), 191.
Prumier (A.), 31.
Reinecke (Aime), 287.
Remack (E.). 398.
Ronzoni, 398.
Rossini (note), 371.
Ses funérailles, art. de
Mathieu de Monter, 367,
381.
Ryan (D.-H.l, 398.
Schnyder de Warlensée
(X ), 287.
SchrœdRr (Mme S.), 87.
Simon (F.-J.), 374.
Simrock (N.), 415.
Stigelli, 223.
Taglioni ,S.), 335.
Tromba (Mlle A.), 247.
Ugalde (Mlle), 135.
Van-Eyken (J.-A.), 335.
Viennet, 231.
Vieuxtemps (Mme), 207,
Vieyra (A.), 215.
Vitali (Mme), 118.
Walewski (le comte), 219.
Wurtemberg (le prince E.
de), 359.
Zabalza (A.), 62.
IVominati ons.
Baille (G.), comme directeur du Conservatoire de Per-
pignan, 326.
Baneux (G.), comme sous-chef de musique de la 5" sub-
division de la garde nationale, 30.
Beauplan (A. de), comme commissaire impérial près les
théâtres lyriques et le Conservatoire, 78.
Cabanis, comme inspecteur des théâtres des départe-
ments, 30.
Dessane, comaie organiste du choeur, à Saiut-Sulpice,
158.
Dubois, comme maître de chapelle de la Madeleine,
374.
Eigenschenck, comme officier d'.Vcadémie, 294.
Ferrand (E.), comme chef du bureau des théâtres, au
ministère de la maison de l'Empereur, 30.
Fissot (H.), comme organiste de Saint-Merri, 151.
Gautier (T.), comme bibliothécaire de S. A. I. la pria-
cesse Mathilde, 351.
Hess (H.), comme maître de chapelle de la cathédrale
de Nancy, 414.
Hurand, comme officier d'Académie, 113.
Jancourt, comme capitaine de musique de la 5= subdi-
vision de la garde nationale, 6.
Jonas (E.), comme inspecteur général des corps de mu-
sique de la garde nationale de la Seine, 6.
Pasdeloup, comme directeur privilégié du théâtre Lyri-
que impérial, 278.
Id. comme officier d'Académie, 279.
Thibaut, comme capitaine de musique de la 2" subdivi-
sion de la garde nationale, 6.
O
Orphéons.
Festival donné au cirque de l'Impératrice, par l'Associa-
4
tion des sociélc's chorales de Paris et du départe-
ment de la S^ine, 60.
Médailles distribuées par le préfet de la Seine , à la
suite du concours ouvert pour la composition de
chœurs sans accompagnement, l^^ ■
Séance solennelle de l'Orphéon de Paris (rive gauche),
article de Mathieu de Blonter, 99.
Séance annuelle de la Société chorale d'amateurs, 141.
Séance solennelle de l'Orphéon de Paris (rive droite),
art. de Matliieu de Monter, 146.
Concours choral et instrumental à Melun, art. d'A. EI-
wart, 156.
Concours d'Orphéons à Choisy-le-Roi, 206.
Concours d'Orphéons, de Fanfares et de Musiques mili-
taires à Senlis, art. d'A. Ehvart, 229.
Concours de musique entre les écoles communales de
la ville de Paris dirigées par M. F. Bazin, 2(i6.
Concert de la Société choiale des Enfants de Saint-
Denis, 318.
Concert donné à la salle Dourlens par quatre sociétés
chorales allemandes de Paris, 414.
Questious arliiitiiiues, miusicaJcB
et théâtrales.
Concours pour la composilion d'un poëme d'opéra, 75.
Election d'un jury pour ce concours, 100.
Rapport de la rommissioii instituée par le ministère de
la maison de l'Empereur pour juger les poèmes, 123.
Avis relatif à la délivrance du poëme, 141.
Nouveau traité intervenu entre la direction de l'Opéra-
Comique et la Société des auteurs et compositeurs
dramatiques, 222.
Concours pour la mise en musique de l'opéra-comique
le Flurtnlin, 229, 254.
Reconnaissance du traité international pour les droits
de propriété des auteurs français, par la Hongrie, 229.
Vote des subventions théâtrales par le Corps législatif,
238.
Constitutions du jury pour le concours de l'Opéra-Co-
mique, 332 .
Nomination des jurys pour le concours du théâtre Lyri-
que impérial, 366, 373, 40f'.
IKcvue critique.
L'acoustique, ou Les phénomènes du son, par R. Ra-
dau, art. d'Arthur Pougin, 19.
Le trésor des pianistes (11» et 12° livraisons), art, de
Fétis père, 4^.
La musique ta-]jliquée aux gens du monde, par A.
Meliot, art. de Maurice Bourges, 51.
Galerie des musiciens célèbres anciens et nouveaux,
92.
Compositions diverses d'E. Stœger, art. signé C. B., 98.
Un nouveau système d'acoustique musicale, par M. G.
Bertrand, art. d'A. Pougin, 108.
La musique et l'amour, pai A. de Lasalle, art. de
Mathieu de Monter, 140, 164.
Chœurs suédois et nurrégiens, à quatre parties pour
voix d'hommes, art. de Maurice Bourges, 154.
■ Un livre incomplet, art. d'A. Pougin, 156.
Etudes pratiques de sli/le vocal, par S. de la Madelaine,
art. de A. Pougin, 171.
La notation de la musique classique comparée à la
notation de la musique moderne, etc., par M. E.
Deldevez; De l'émission de la voix, par Jules Lefort,
art. d'A. Pougin, 181.
La musique, le théâtre et la danse, à l'exposition des
Beaux-Arts (salon de 1868), art. de Mathieu de Mon-
ter, 185.
Bellini, sa rie, ses œuvres, par A. Pougin, art. de Ma-
thieu de Monter, 220.
lUisères d'un prix de Rome, par A. Second, art. de
Mathieu de Monter, 235.
Lettre allemande stir la musique française, par Szar-
vady, 244.
Les étoiles du c/iant (Adelina Patti), par Guy de Char-
nacé, art. de Mathieu de Monter, 250.
Etude en taniineiir, de Mcndelssohn; Tzigane, marche,
souvenir de Hongrie, par D. Magnus; Gavotte, par
Ch. Lecoq ; Ma, par Martin de Fontaine, pour piano,
261.
Abrégé du système d'acoustiqiie musical de Belmholtz,
par E. Mach, art. de C. Bannelier; Adagios de Beethoven,
transcrits par F. Brisson, 292.
Phénomènes musicaux-pliysiologiqucs, par Ch. Meerens,
art. signé C. D. G., 300.
Chœur des Evèques, de l'Africaine, transcrit pour
piano, par J. Baur; fantaisie sur l'Africaine, par
Teresa Carreno ; trois morceaux de concert, par E.
Stœger; Murmures, nocturue pour piano et si vous
n'avez rien à me dire, pour le chant par C. A.
Palmer; le Message, mélodie pour piano par J. P.
Goldberg; fantaisie sur les Dragons de f'illars, par
J. B. Duvernoy; fantaisie sur le même opéra par
E. Ketteier, 355.
La musique de la Périchole, art. de P. Bernard, 412.
Théâtres lyriques de Paris.
OPÉRA.
Sérénade donnée à Rossini par les artistes de l'Opéra, à
l'occasion de la 500= représentation de Guillaume
Tell, 53.
Début de Maurel dans le Trouvère, 78.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES.
Première représentation à'Hamlel, opéraen cinq actes,
musique de M. Ambroise Thomas, art. de Paul Ber-
nard, 81.
Rentrée de Mlle Granzow, dans le Corsaire, 126.
Représentation au bénéfice de la caisse des pensions de
retraite, 142.
Rentrée de Mme M. Sass dans Don Juan, 150.
Représentation extraordinaire au profit de la Caisse de
secours des acteurs et compositeurs dramatiques, 150.
Début de Mazzoleni dans le Trouvère, 166.
Reprise A' Herculanuni , de F. David, art. de Paul Ber-
nard, 209.
Début de Mlle J. Hisson dans le Trouvère, 230.
Représentation gratuite du 15 août ; l'Hymne de Ros-
sini, 261, ï69.
Rentrée de Mlle M. Battu dans Berculanvm, 301.
Devoyod dans le rôle de Guillaume Tell, 350.
Reprise des Huguenots, art. de E. de Rauze, 361, 373.
Mme Carvalho dans les Huguenots, art. d'E. de Rauze,
377.
Représentation solennelle de Guillaume Tell, à la mé-
moire de Rossini, 389.
OPÉRA-CUMIQUE.
Première représentation du Premier Jour de bonheur,
opéra-comique en trois actes, musique d'Auber, art.
de Paul Bernard, 57.
Début de Hayet dans Zampa, 78.
Représentation au bénéfice de la Caisse de secours de la
Société des auteurs dramatiques, 94.
Reprise de la Part du Diable, art. de Maurice Gray,
97.
Picmière représentation de Mademoiselle Sylvia, opéra-
comique en un acte, musique de M. Samuel David,
art. de Paul Bernard, 121.
Reprise des ]'oilures versées, 142.
Première représentation lu Pénitente, opéra-comique en
un acte, musi(|ue de Mme deGrandval, art. de Paul
Bernard, 153.
Première représentation (â ce théâtre) des Dragons de
Vilturs, opéra-comique en trois actes, musique
d'Aimé Maillarl, art. de Paul Bernard, 117.
Reprise du Docteur Mirobolan, 222, 230.
Représentation gratuite du 15aoilt; la Honnc Moisson,
cantate de M. Chariot, 261, 269, 271.
Début de Mlle Guillot dans le Chalet, 356.
Première représentation du Corrlcolo, opéra- comique en
trois actes, musique de M. Ferdinand Poise, art.
de Paul Bcrnaid, 385.
Représentation au bénéfice de Mme Ugalde, 413.
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN.
Reprise de la Gazza-Ladra, 21.
Grand concert donné par la Société italienne de bien-
faisance, 29.
Première représentation de H Temptario. opéra-seria
en trois actes, musique d'Otto Kicolai, art. de
Maurice Gray, 33.
Reprise de Don Giovanni. 54.
Reprise de Malilda di Shabran; débuts de M. et de
Mme Tiberini, art. de Maurice Gray, 84.
Adelina Patti dans le Trovatore, 86.
Première représentation de Giovanna d'Arco, opéra en
quatre actes, musique de T. Soléra, art. de Maurice
Giay, 105.
Concert spirituel du jeudi saint, 117.
Représentation au bénéfice d'Adelina Patti, 134.
Première représentation de la Conlessiiui, opéra semi-
spria en trois actes, musique du prince J. Ponia-
touwski, art. de Maurice Gray, 137.
Représentation au bénéfice de Mlle Krauss, 142.
Pi ogranime de la saison nouvelle, 286.
Réouverture par la Lncia, art. signé E. R., 313.
Rigoletio; Crispino e la Comare, art, d'E. deHauze, 321.
Ld Trariala, art. d'E. de Rauze, 330.
La Conlessina ; Maria ; Don Pasquale, art. d'E- de
Rauze, 338.
Lucrezia Borgia, art. d'E. de Rauze, 355.
Semiramide, art. signé E. R., 378.
Otello ; In Serva padrona, art. d'Elias de Rauze, 410.
Adieux d'Adelina Parti, 414-
THÉÂTRE LYRIQUE IMPÉRIAL.
Première représentation de la Jolie Fille de Perth,
opéra en 4 actes et 5 tableaux, musique de M. Georges
Bizet, art. d'A. Gouzien, 3.
Reprise de la Fanchonnette, 13.
Soirée d'inauguration du théâtre de La Renaissance, par
Faust, 94.
Roméo et Juliette à ce même théâtre, 110.
Secours accordé aux choristes par le Ministère de la
Maison de l'Empereur, 166.
Prise de possession du théâtre Lyrique par M. Pasde-
loup, 293.
Personnel et travaux artistiques, 301.
Réouverture, art. d'A. Gouzien, 345.
Reprise du Barbier de Séville; début de M. Aubéry,
357.
Reprise à'îphigénieen Tauride, de Gluck, art. de Paul
Bernard, 379.
Reprise du Maître de Chapelle, 405.
Reprise du Brasseur de Preston, d'A. Adam, art. de
P. Bernard, 409.
BOUFFES-PARISIENS.
Réouverture : l'A:r<:he Marion, opérette de M. Adolphe
Nibelle; le Fifre enchanté, opérette d'Offenbach;
l'Ile de Tulipalan, opérette du même, art. d'Elias de
Rauze, 313.
Reprise des Deux Aveugles, 342.
Reprise de la Chanson de Forlunio et de Jeanne qui
pleure et Jean qui rit; rentrée de Désiré, 357.
Petit Bonhomme vit encore, opéra-comique en deux
actes, musique de L. Defl'ès, art. signé D., 411.
FANTA ISIES-PARISIENNES .
La Croisade des Dames, opéra-comique en un acte, de
François Schubert; l'ÉUjAr île Cornélius, opéra-co-
mique en un acte de M. Em. Durand; reprise du
Farfadet, d'Ad. Adam, art. signé D., 41.
Roger llonlemps , opéra- comique en deux actes, de
M. Debillemont, art. signé D., 91.
Reprise du Midetier, d'Hérold, 101.
Le Barbier de Séville, de Paësiello, art. signé D., 163.
L'Amour mouillé, opérette en un acte, musique d'E. de
Bartog, art. signé D , 178.
Fermeture annuelle, 198.
Réouverture par le Barbier de Séville, art. signé M. G.,
215.
Le Soldat malgré lui , opéra-comique en deux actes,
musique de F. Barbier, art. signé D. A. D., 339.
Reprise de la Fêle du Village voisin, art. signé D.,
362.
Reprise de Gilles ravisseur, art. signé D., 411.
THÉÂTRE BE L'ATHÉNÉE.
L'Amour et son carquois, opéra-bouffe en deux actes,
musique de Ch. Lecocq, art. signé D., 35.
Fleur de Thé, opéra-bouffe en trois actes, musique de
(h. Lecocq, art. signé D., 122.
Fermeture annuelle, 206.
Réouverture par Fleur de Thé, 286.
Le Petit Poucet, opéra-boufl'e en trois actes, musique de
Laurent de Rillé, art. signé D., 324-
Le Vengeur, opéra-boufl'e en un acte, musique d'Isidore
Legouix, art. signé D., 380.
Les Horreurs de la guerre, opéra-bouffe en deux actes,
musique de M. Jules Cosié, art. signé D., 395.
REVUE DES THÉ.4.TRES
Par D.-A.-D. Saint- Yves.
12, 28, 36, 52, 75, 91, 114, 132, 149, 172, 189, 213, 237,
^45, 268, 277, 292, 308, 332, 348, 372, 396.
Au théâtre des Menus-Plaisirs, Geneviève de Brabant,
opéra- bouffe en trois actes et dix tableaux, musique
de J. Offenbach, art. signé D., 5.
Au théâtre de Cluny, Un Cousin de retour de l'Inde,
opérette de Bovery, 134.
Au théâtre des Jeunes-Artistes, un opéra-comique de
M. Mailyns, 142.
X\i llu-âtru du Palais-Royal, le Château à Toto, opéra-
bouffe en trois actes, musique de J. Offenbach, art.
signé D., 147.
Au théâtre des Variétés, reprise du Pont des Soupirs,
opéra-boufl'e en cinq tableaux, musique d'Offenbach,
art. signé D., 148.
A l'Eldoiado, \'énus infidèle, opérette de M. L. Roques,
278.
Aux Menus-Plaisirs, les Croqwusesde Pommes, opérette
eu cinq actes, musique de L. Deffès, art. de Maurice
Gray, 314-
Aux Variétés, la Périchole, ipéra-bouffe en deux actes,
musique de J- Offenbach, art. signé D. A. D., 322.
Aux Folies-Dramatiques, Chilpéric, opéra-boufl'e en trois
actes, d'Hervé, art. signé D. , 346.
Aux Folies-Marigny, J(_nn qui pleure et Jean qui lit,
opérette de Marc-Chautagne, ;i57.
Aux Menus-Pluibirs , le Grand Duc de Matapa, opéra-
bouffe en cinq tableaux, musique de M. Debillemont,
art. signé D., 380.
CONCERTS, BALS ET SPECTACLES DIVERS.
Grand Festival donné au Casino, par Arban, 109.
Ouverture du Jardin Mabille, 135.
A l'Eldorado, débuts des frères Guidon, 150.
Ouverture du Pré-Catelan, 151.
Réouverture du Casino-Cadet, 310.
Réouverture de l'Alcazar, 326.
Concerts d'Arban à la salle Valentino, 334. — Festival
Meverbcer, 342. — Mme Taroni, 366.
Inaugurati'-n des Bals du Cirque de l'Impératrice, 374.
Bals de l'Opéra, 415.
Variétés.
Revue musicalp de l'année 1867, art. de Em. Mathieu
de Monter, 9.
A propos de la Jeunesse de Goethe, drame de M. Blaze
de Bury, 45.
Un inconnu, art. d'A. Pougin, 68.
Une séance de musi<iue intime, art. de L. Kreutzer, 74.
A propos d'une erreur commise dans la distribution des
médailles, à la suite de l'Exposition internationale, au
détriment de Ph. Herz neveu, 172, 239, 396.
Beethoven à Tœplitz, 267.
Le Chant hturgique au monastère de la Grande Char-
treuse (extrait d'un nouvel ouvrage de M. E. Mathieu
de Monter, 297).
Vl'achtel et le Postillon de Lonjumeau, art. signé XX.,
316.
La Périchole (opinion de la presse), 331, 340.
L'Hymne de Riego, art- d'A. Pougin, 341.
Note sur un poiut de l'histoire de l'Harmonie et de la
Tonalité, art. de Fétis, 381.
Catalogue des œuvres posthumes de Rossini (extr. du
Mémorial diplomatique), 406.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS.
Abel (MUeL.j, 123, 286.
Abraham (E.), 300.
Achard (L.), 97, 144, 214, 215,
222, 201
Accursi (M. et Mme R.), 191, 237,
253, 302, 320.
Adam (A.), 41, 409.
Adelburg Id'), 63, 213.
Adenis (J.), 3.
Agnesi, 21, 30, 35, 61, 84, S6,
107, 124, 125, 215, 239, 247,
203, 280; 313, 322, 339, 370,
3T8, 389, 41('-
Alary (G.), 117.
Alboni (Mme), 370.
Alplioûsine (Mlle), 147.
Altbs, 374, 398.
Ambioselli, 326.
Ancoiia (d'), 370, 383.
Andréeff, 63.
Aniigny (Mlle B. d'), 347.
Arbaa, 37, 95, 109, 143, 151, 159,
191, 198, 255, 263, 302, 334,
342.
Archainbaud, 77, 93.
Arditi, 175, 262, 358, 377, 391.
Arnaud (Mlle), 42.
Arrouge-Sury (M . et Mme L.), 175
Arsandaux, 164, 315, 362.
Artois de Bournonville (A d'),398.
Artot (Mlle D,), 15, 23, 31, 47,
63, 72, '103,111,143, 159, 166,
174, 191, 239, 247, 255, 263,
271, 279, 294, 317, 327, 357,
365, 407, 414.
Artus (A.), 318.
Asantchewski (d'), 109.
Auber, 39, 57, 62, 97, 116, 148,
233, 237, 244, 405, 411.
Aubéry, 234, 270, 357, 380.
Audran (E.), 118.
Audran fils (A.), 60, 78, 158.
Auer, 311.
Augier (E.), 36, 270.
Aurële, 381.
Auzende, 2:î3.
Avenel(P.), 195.
B
B« (D.), B.
Bach, 215.
Bach (Les), 17.
Bacqaié, 270.
Baëtz (E.), 246.
Bagier, 33, 54, 6Î, 198, 270, 286,
378.
Baille (G.), 320.
Balakireff, 391.
Baltard, 180.
Baneux (G.), 30.
Barbier (F.), 317, 333, 339.
Barbier (J.) 81.
B:irbot, 01.
Barbot(Mme), 397.
Barker, 180.
Baraolt, 164, 178, 411.
Barré, 5, 94, 174, 178, 254, 255,
386.
Banez, 390.
Barrière (A.), 182.
Barsctti, 111.
Barth (H.), 47.
Barthe-B:inderali (Mme), 53, 90.
Baiiste (E.), 198, 207, 279, 334,
388.
Batia (A.), 255, 390.
Battaille, 102, 182, 388.
Battu (Mlle M.), 10, 29. 45, 92,
100, 125, 150, 209, 222, 245,
301, 350, 372, 389.
Baudier (Mlle), 6.
Baunay ((Mlle de), 109, 334, 342.
Baur (J.j, 133, 301, 305,355,367.
Bausewein, 211.
Bayeux (M.), 28,
Bazin (F.), 99, 246.
Bazzini, 47, 135.
Beaugrand (Mlle), 362, 378,
Beaiiplan (A. de), 78.
Beck.-r (J.) 31.
Bédel (Mlle L.), 133.
Bédora (Mlle), 126, 230.
Boer (J.), 27.
BOguin-Salomon (Mme), 29, 93,
lui, 374.
Bélia (Mlle), 97, 2)4, 230.
Bell de La Porrmcraye (Mme R.),
21, 54. 81'., 1.15, 134, 246, 262,
327, 34^, 350, 306.
Bellini, 220.
Belval, 51, 83, 222, 302, 378.
Bcnaben, i30.
Benati (Mme), 357.
Bénazet (E.i, 7, 390.
Bencteux, 111.
Bender (V.), 229,
BiiiiiSdict (I,), 207.
Bennett (W. S.), 39.
Beiiou, 3111.
Bcnza (Mlle), 167.
Béquignolles (de), 7.
Bir (E.), 203.
Bergson (M.), 231.
Bériot fila (C. de), 03,
Berlioz (II,), 15, 20, 46, 63, 87,
116, 118, 175, 183, 238, 267.
Berlyn (A.), 30, 127, 167.
Bernard [de l'Opéra-Comique],
7, 286.
Bernard (P.), 60, 109.
Bernardi, 254.
Bernardin, 36, 123, 325, 380.
Berthélemy, 55.
Berthelier, 22, 102, 116, 125, 150,
183, 230, 240, 279, 314, 342,
411.
Berton (P.), 28.
Bertrand (G.), 108.
Berwald (F.), 151,
Besekirski, 103, 280, 311, 375.
Bessems (A), 93, 231, 343.
Bessin-Pouilley (Mme), 02.
Bettini (Mlle) , 247.
Betz, 72, 211, 280, 293.
Beumer, 398.
Biancolini (Mlle), 391.
Biron, 141.
Bischoffbheim, 11.
BIzet (G.), 3, 10, 174.
Blanc (A.), 7), 263, 374.
Blanc (C), 384.
Blanchard (Mme), 295.
Blanche (A.), 91, 99, 146.
Blaquières (P.), 127.
Blau (E ). 123.
Blaze de Biiry (H.), 45, 238,270,
273, 281, 364.
Bléaii (Mlle), 110, 294.
Bloch (Mlle), 85, 90. 93, 110,301,
350, 370.
Blondelet, 323.
Blot-Dermilly (M. et Mme), 70,
117.
Blum, 357.
Boccherini, 19, 65, 113, 129.
Boccolini, 351.
Bock (E.), 214.
Bockhoitz - Falconi (Mme), 207,
318.
Bo quillon, 20.
Boieldieu (A.), 182.
Boissier-Duran (Mlle C), 95.
Boito (A.), 96.
Bonelli (Mlle), 395.
Bonewitz (H.), 14, 45, 94, 125.
Boniiehée, 3;0.
Iloniiesseur, 90.
Bonnet, 42, 164, 233, 411.
lionnet (G,), 91, 340, 411.
Bonola (G.), 247.
Bord.'t (Mlle), 134.
Borghèse (Mme J.), 47, 311.
Borjihi-Maino (Mme), 23.
Borri, 359.
Boscowitz (F.), 109.
Bosquin, 38, 346, 370.
Bossclct, 319.
Bouché (.\Ille L.), 117.
Bouctard A.), 254.
Boudias, 334.
Boudié (Mlle), 45.
Bouffar (Mlle Z.), 5, 147, 294.
Boulangeot (Mme), 14.
Boullard (M.), 31,5.
Boiirgault-Ducoudray, 118, 358,
414.
Bourgeois, 233.
Bourges (M,), 146, 147.
Bovery (J.), 134, 239.
Brandt (lllle), 152, 295.
Brasseur, 147.
Brendel, 390.
Brière (H), 383.
Brignoli, 327.
Brisebarre (E.), 195.
Brisson (F.) 292, 315, 407.
Brunet-Lalleur (Mlle), 13, 97, 117,
222.
Brunetti, 73.
Bruiietti (Mlle), 190, 207, 215,
247.
Brunswik, 409.
Brzowski (J,), 239.
r.ninw fn, (]<■•■. l'il.
Bulterini, 247.
ISuonomo, 15.
Buot (V.), 202.
Busch (Mlle de), 141.
Rusnach (W.), 35, 153.
Bussine, 390.
Bussmeyer, 53.
Cabanis, 30.
Cabel (Mme M.), 58,70, 214,222,
254, 309, 386.
Cagnoni, 39.
Caillot, 380, 405.
Calderon (MmeD.), li'O, 359.
Calislo (Mlle M.', 391.
Caillas (Mlle N. de), 414.
Callou (A.), 236.
Capoul, 580, 70, 76, 109, 222,254,
287, 309, 398.
Capurro, 151.
Cariicciolo (Mme L. ), 63, 239,
Cariez (J.), 81.
C.arman, 415.
Carron, 27, 93, 108, 124, 150,
389.
Carré (M.), 81.
Carreno (Mlle T.), 92, 223, 355.
Carretier, 30Î.
Carrier, 71, 134.
Carrion, 87.
Carrodus, 343.
Carvallio,54, 61,78, 94,150,278,
Casvallio (Mme M.) 13, 21,85,86,
94, 100, 110, 134, 142, 159,
215, 239, 255, 294, 378, 383.
Casabon, 62.
Casimir (Mme), 142.
Castel, 14-
Castelraary, 84, 142.
Caters (Mme la baronne de), 389.
Caussemille (Mlle 0.), 141.
Caux (Le marquis de), 238, 246.
Cav.iillé-CoU (A.), 85, 131, 134.
Cave (A.), 30.
Cazat (Mlle), 315, 362.
Cazaux, 62, 332.
Celentano (L.), 7.
Cervantes, 93.
Challiot, 351.
Chantepie, 124.
Cliarle (J.) !229.
Charlts (a'.), 60, 101, 116, 151.
Chariot, 201, 209.
Charnacé (G. de), 231, 250.
Chanon-Demeur (Mme), 173, 182.
Chautagne (M.), 13, 357.
Chauvet (A.), 111, 370.
Chevé (Mme V E.), 215.
Chopard-Chas^ant (Mme), 6.
Choudens, 23, 229
Christian, 323, 341.
Ciampi, 21, 54, 61, 237, 271, 322,
339, 411-
Cicéri père, 279.
Cico (Mlle), 0, 142, 154, 206, 262.
Coedès, 191.
Ccevoel (Mlle), 7.
Cohen (J,), 10, 369, 374.
Cohen (L.), 306.
Colin {de l'Opéra), 84, 209, 254,
362, 378.
Colin (C), 02.
Colini, 135.
Colombier. 196.
Colonne (E.), 77.
Comettant (M. et Mme O.j, 14, 77,
150, 158, 239, 294, 302.
Comte (C), 94.
Conneau (Mme), 100.
Conradi (A.). 199.
Consolo (F.), 125, 190.
Constantin (C), 42, 91, 164, 174,
315.
Constanzia (Mme A.), 141,
Conti (C), 255.
Conti (Mlle), 240.
Cordier (Mlle A.), 38,76, 94.
Corelli, 18.
Coruion (E.), 57.
Corradi (Mlle E.), 190,
Cortez (Mme), 61.
Cossmann, 253.
Costa (M.), 199,307, 234, 359.
Costé (J.), 395, 414.
Cotogni, 7.
Cotta (J.), 118.
Couder, 02.
Couderc, 230, 3Ô6.
Crémiciix, 274, 281.
Ciémic.ux (H.), 5, 148.
C.'Psci, 13, 55,
:iG7
Cros, 234.
Cro»ti, 76, 93, 142, 190,
Cruvelli (Mlle M,), 455.
Cuvillon (de), 77, 125,
Cuvreau, 21.
Cyriali, 47.
Czéké (A. de), 173.
Czillag'(MmeR.), 15, 355, 51, 415.
Dall'ArgiTie, 23, l.'J9, 375, 391.
Dalli-Guadognini (Mme), 47.
Damcke (M. et Mjnej, 74.
Danioreau-Wekerlin (Mme C), 29,
37.
Dancla (C), 390, 398.
Daniel (S.), 183.
Daaiele(Mlle), 61, 151, 350.
Daram (Mlle), 38, 346, 410.
Darcier (Mlle), 158, 104.
Dard, 141.
Dassier (A.), 567.
Daubray, 280, 324.
Dauprat, (L. F.), 255.
Dautresme (L.), 10, 64, 314.
Dauverné, 270.
David (rie l'Op.), 83, 150, 183,
552, 378.
David (Fél.), 209.
David (Ferd.), 335.
David (S.), 121.
Duvid (MlleJ.), 335.
Davidoff, 39,
Davoust, 348.
Debillemont, 13, 91, 1,50, 380.
Debrigny-Varney (Mme), 6, 381.
Decroix'(Mme), 42, 440, 362.
Deffès (L.). 280, 314, 320, 4(1.
Déjazet (Mlle V.), 294.
Diiiazet (E.l, 53, 133, 383.
Delaborde (E.), 110, 133.
Delacour, 385,
Delafontaine, 00.
Delahaye (L.), 45, 83.
Uelapone (E.), 118, 155, 173.
Delavigne (A.), 41.
Delavigne (G.) 359.
Dt'ldevez, Idl.
Deleurie (L.). 263.
Delgado, 93.
Delibes (L.), 214. ■a4.
Della-Rosa (Mme), 93.
Delle-Sedie, 29, 60, 90, 98, 157,
173 321.
Deloffre, 62, 383, 380.
Delvil (M. et Mme), 311, 397.
Demunck, 70, 117.
Denay, (Mlle), 223.
Deneux (J), 29, 57, 93, 167.
Denis (A.), 143, 231.
Dennery (A.), 57.
Depoitier (M. et Mme), 30.
ûerasse (Mlle), 37, 142.
Oerval, 42, 91.
Desaint, 37.
Deschamps (Mlle), 282.
DesgiangHs (E.), 253, 279, 406.
Deshorties, 196.
Désiié, 36, 122, 537.
Desmet père et fils (V), 190, 318.
Desnoytrs (L.), 407.
Desplaces (H.), 23.
Dessane (L. A.), 158.
Destin (Mlle M,). 215, 263, 319,
Devoyod, 230, 350, 413, 414.
Devriës (Mlle F.), 107, 125, 345.
Devriès (Mlle J.), 5, 94, 357.
Diez (Mme), 211.
Dœrfeldt, 63.
Dolmetsch (Mlle C), 109.
IJomei'gue, 302.
Doppler, 127.
Dor (Mlle H.), 311,357.
Doré (Mlle P), 77.
Dorn (H.), 111, 391.
Dorus, 39*.
Dory (Mme), 55,
Douau (Mlle), 01.
Douay (G,), 182.
Doucet (C), 106, 370.
Drigo, 254.
Dubois, 111, 325, 374.
Dubois (T.), 124, 125.
Ducasse(Mlle), 4, 346.
Ducci, 23.
Duchesne, 134.
Ducis(Mme L.), 39.
Duhaupas, 271, 390.
Dulaurens, 20, 310.
Dumestre (M. et Mme), 20, 61.
Duniecki (S,), 15.
DuMkU-r (E), 55, 159, 287, 415.
Dupiii, Si:!.
Duplan, Ù7.
Dii|Miiiclip|, 118.
Uu|)oiit (J ), Ou, 305, 414.
Diiprat, 71.
Dn|iresboir, 101, 230, 151.
Duprey, 267.
Duprez (G.), 106, 165, 3S8, &05,
411.
Duprez (E.), 411.
Dupuia, 148, 323, 331, 341.
Dupuy (Mlle M.), 223, 239.
Durand (A ), 85, 118, 134.
Durand (E.), 41.
Durand (Mlle), 117.
Dustmann (Mme), 181.
Duval (Mlle), 405.
Duvernoy (A.), 116.
Duveruoy (J.-B.), 350.
Eberlé, 247.
Eberwein (C), 103.
Ebrard-Gravière (Mme), 21, 102.
Ecarlat-Geismar (Mme), 21 .
Eckert (C), 293, 367, 391.
Edeisberg (Mlle P. d'), 15, 303.
Ehmant, 37, 390.
Ehnn (Mlle), 39, 110.
Ehriich, 263, 399.
Eigenscheiick, 294.
EUers, 87.
Elwart (A,), 53, 93, 151, 182, 239,
254, 287, 382.
Empis, 407.
Enaux (Mlle), 334-
Enequist (Mlle), 191.
Engel (L.j, 119, 191, 334.
Epaguy (V. d'), 367.
Erl, 119.
Ernesti (T. d'), 93, 398.
Ernst (Mme), 263.
Errera (U.) 190.
Escudier-Kastner (Mme), 27, 230,
287.
Etcheverry (d'), 295.
Etex, 389.
Etienne, 61, 320.
Ettling (E.) 204.
Eugénie (S. M. l'Impératrice), 29,
01, 148.
Everardi, 31, 70.
Fabre, 287.
Fabre (Mlle A.), 116.
Faccio (F.), 263.
Faivret, 126, 230.
Farrenc A.), 42.
Farreric (Mme), 7, 42, 62.
Fauquez, 412.
Faure, 10, 13, 29, 09, 83, 85, 92,
100, 110, 125, 142, 150, 157,
254, 269, 325, 362,370, 378, 389.
Favarger (R.), 281.
Félix (R.), 174, 23tf.
Féret. 61.
Féri-Kletzer, 96, 103, 127.
Ferni (Mme), 343.
Ferrand (E.), iO.
Ferrand (H,), 311.
Ferraris (Mme A.), 23, 79, 359.
Fcrrier, 14.
Feruci (Mme), 357.
Fétis père, 31, 103,129,156,106,
299, 319, 327, 330, 334, 347,
404, 413, 415.
Fiocre (Mlle), 84, 378.
Fioretti (Mlle), 84.
Fiori (E.), 72.
Firmaui (Mme), 247.
Fi.-min (N.), 101.
Fissot (H,), 29, 151 390, 414.
Flachat (Mlle), 340, 362.
Florimo (de), 287.
Flotow (de), 14,127, 135, 303, 311,
325, 339.
Flynn (Mlle), 279.
Fogliari (Mlle), 412.
Fonta (Mlle L.), 206, 210.
Fonti (Mlle), 357, 411.
Fortuna (Mlle), 133.
Fournier (E.), 28, 45, 364.
Fournier(N.), 121.
Franccschi, 116.
Franchino (Mlle), 38, 397, 407.
Friinchorame, 100.
Franck (E.), 103.
Franck-Marie, 134, 222.
Fratjco-Mendès, 133.
François (A.), 109.
Fraschini 111, 117, 313, 321, 339,
350, 384, 414-
Frémeaux (Fam.), 77, 133, 141,
151, 182, 191, 253.
Fricri (Mme), 7.
Friderici (Mme), 55, 135.
Krigcila, 18i.
Fumagalli (Mlle E.), 45, 109.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS.
Gabel, 5.
Gagliaiio (>'me), 93.
Oailhard, 37, 97, 2U, 254, 269.
Galetti (Mlle), 23.
Galilzin (Mlle M.), 100, 173, 254.
Gallet (L.), 123.
Galli-Marié (Mme), 86, 178, 301,
356.
Gamelin, 86.
Gandonnet (A.), 143.
Ganz (M.), 39.
Garait (Mlle), 383, 389.
Garciu, 12. 99, 108.
Gardoni, 21, 76, 85, 100, 133.
Garfounkel, 100.
Gariboldi, 206.
Gasperini (de), 11, 54, 135.
Gastoldi (Mlle), 45.
Gautliier (Mlle), 311.
Gautier (E.), 150, 222, 270,
Gautier (T.), 351.
Gênée (R.), 295, 303, 311.
Génibrel, 6.
Geniien (Mme), 302.
Geoffroy (Mme) 134, 373,
Géraizer, 42, 164, 293.
Géraldine (Mlle), 71 , 206, 262.
326.
Géraldi, 247.
Gérard (E.), 174.
Gernslieim (F.), 148, 263.
Gevaort, 370, 381.
Gialdini, 87.
Gide (C), 62.
Gigout, 198.
GilPérez, 147.
Gilbert, 357.
Gilbert-David, 102.
Gilbert (Mlle), 411.
Gille (P.), 395.
Ginet (P.), 5, 38Î.
Giovanonni-Zucclii (Mme) , 47 ,
391.
Girard (Mlle), 121, 178, 280.
Giraudet, 319, 410.
GiudÈle (Mlle), i63.
Goby-Fontanel (Mme), 110.
Goddard-Davison (Mme A.), 103.
Godebski. 384.
Godpfroid (F.), 173.
Godefroid {Mlle A.), 77, 117,
332.
Godefroy (Mlle), 255.
Godin (Mme), 109.
Gœtze (C), 31.
Goldberg (J.-P.), 159, 193, 356,
390.
Goldner (W.). 117.
Goldschmidt (O.), 247.
Gondinet, 28.
Gonetti (Mlle), 237.
Goud, 30.
Gouflfé (A.), 93, 165, 414-
Gounod (C), 10, 55, 157, 229,
397.
Gourdon, 6, 315, 381.
Goury (Mmel, 230.
Gouvy (T), 403, 414.
Grandval (Mme la vie. de), 153,
389.
Granier, 134.
Granzow (Mlle), 47, 63, 126, 142,
166, 222.
Graziani, 47, 365.
Gréef (de), 55.
Grenier, 148, 323, 341.
Grignon (H.), 141, 214.
Grisar (A.), 411.
Grisez, 374.
Grison, 111.
Grisy, 84, 148, 373, 388.
Grossi (Mlle), 21, 84, 86, 117,
138, 263, 321, 339, 355, 370,
378, 389.
Gruneisen, 246.
Grûtzmacher (F.), 391.
Guédéonoff (del, 198.
Gueymard (M. et Mme), 60, 83,
16ô, 198, 209, 245, 271, 359.
Guffroy, 415.
Guibert (Mlle N.), 93.
Guidon fr., 21, 77. 150.
Guilbaut, 151.
Guillot de Sainbris, 93, 141.
Guillot (Mlle), 356.
Gunz (le docteur), 159, 181.
Guzman (M. et Mme F.), 60, 70,
215.
H
Hainl (G.), 10, 53, 84, 86, 95,
270, 294, 378. 388.
Halanzier, 86, 100, 278, 294, 326.
Halanzier (Mlle E.j, 39.
Halévy (L.), 147, 148, 175, 215,
Halle '(C.), 375.
Hamackers (Mlle), 190, 373, 378.
Hammer, 6, 93.
Hammerick (A.), 358.
Harriers-Wipperc (Mme), 303.
Harris (Mlle L.), 6, 10, 29, 30,
37, 61, 70, 71, 78, 116, 223,
255, 263, 406.
Harrisson (W.), 374.
Hartog (E. de), 178.
Hasselmans, 70.
Hauck (Mlle M.), 262, 270, 310,
351, 359, 387, 334, 389, 398,
403.
Haulard, 198.
Dauptmann (M.), 15.
H yet, 78, 173.
Hebbé (Mlle), 31.
Heilbron (Mlle A.), 93, 206, 286,
386.
Heinz (J.l. 367, 398.
Heller (S.), 244, 273, 329, 337.
Hnlmhollz, 108.
Hemmerlé, 151, 311.
Herbeck, 343.
Herman (A.), 374, 414.
Hérold, 102.
Hervé (F.), 13, 277, 346.
Heiz (H.l. 15.
Herz neveu (P.), 172, 191, 239,
262, 374, 3! 6.
Hess (H.) 414.
Hesselboin (Mlle), 238.
Heyberger (J.), 15.
Heymann, 397.
HiRUard (A.), 86.
Hill, 181.
Hiller (F.), 181, 359, 391.
Hisson (Mlle J.), 174, 183, 230,
238.
Hocbheimer, 271.
Hochstetter, 198.
Hol, 31t!.
Holmes (A.), 31, 143, 318, 358.
Holmts (Mlle), 77.
Holzl, 211.
Howiird-Paul (Mme) , 127, 143,
107.
Hubans (C), 38.
Huerii, in:i.
Huberti (Mlle], 38.
Huberta. 341.
Hup.t (Mlle V.), 398.
Hugo (Mme V.l, 277.
Hulsen (de), 72.
Hurand, 27, 102, 118, 124.
Hnstailie (Mlle A.), 38.
Huttenbrenner (A.), 207.
Hyacinthe, 147
I
Isturitz (Mme), 327.
J
J.icobi (G.), 47, 93, 99, 222, 314.
Jacquard (L.), /4, 101, 150.
Jacquin, 301.
JaëU (M. et MmeA.), 22,38, 94,
152, 183, 263, 342, 390, 415.
.lafifé (M.), 119.
Jancourt, 6.
Janin (J.), 85.
Jeltsch (C), 133.
Joachim, 15, 63, 118, 119, 181.
351.
Joël (Mlle G.), 359.
Joly (Mme de), 174-
Jonas (E.), 6, 196, 370.
Joncières (V.), 10.
Jourdun, 61, 159, 295, 359, 391.
Jouret (L.), 103.
Jouvin (B.), 30, 157.
Juvin, 414.
Justamenî, 350, 389.
K
Kaler (Mlle de,, 39.
Kapfelmann, 155.
Karl (Mlle L.), 110.
Karren, 198.
Kastner (G.), 44, 115, 162, 246,
250, 311, 3Ô5.
Kastner (Mme Vve), 110, 115, 163
363.
Kellogg (Miss). 119, 127, 215,
358.
Kemp (R.), 279.
Ketten (L.), 151, 397.
Ketterer (E.), 116, 255, 301, 335,
356.
Kieffer, 301.
Kipper, ,37.
Kistner (J.l, 175.
Kittl (J. F,), 255.
Klein (A.), 406.
Klein (J.), 167.
Kliuworth (C), 287.
Kœnnemann, 167.
Kolesowski (S.), 287.
Kopp, 148.
Kowalski (H.), 37, 93, 358.
Krauss (Mlle), 30, 35, 61, 71, 117,
142, 355, 370, 378, 397, 410.
Krempelsetzer, 415.
Kretschmer (E.), 263.
Kreutzer (L.),327, 347, 363.
Kropp (Mlle), 303.
Krùger (W.), 45, 60, 62, 93, 109,
118, 127, 157, 158, 398.
Labarre (Mlle), 42, 91.
Labiche (E.), 385.
Laborie (le Dr.), 23.
Laboureau, 53.
Labrunie (Mlle), 13.
Lacaze (Mme), 380.
Lachner (F.), 55, 63, 280.
Lacombe (L.), 70, 280.
Lacour (Mme), 263.
Lafaye, 294.
Lafon (Mme). 15.
La Grange (Mme A. de), 55.
La Grua (Mlle E. de), 23.
Lalliet (T.), 166.
La Madelaine (S. del, 171, 287.
Lamarre (Mlle E.), 79.
Lamoureux (C), 51.
Lamoury (Fr.), 90, 95.
Laniperti (le Dr. G.), 357.
Lanjallais, 411.
Langer (F.), 207.
Langert, 63, 72.
Langhaiis (M. et MmeW.), 109.
Langlois, 151.
Lapret (L.l, 85.
La Rounat (C), 275, 283.
Lasalle (\. del, 140, 164.
Lassabathie, 110,
Lasscn (E.), 311.
Lasséuy (Mlle), 325.
Lassere (J.l, 37, 03, 203, 390.
Lassouche, 147.
Latapie (Mme C.. de), 77, 94.
Lataste (L.), 110.
Laiih, 20.
Laurent, 42, 164, 386.
Laurent (Mme A.), 100.
Laurentie, 363.
Lauterbach, 39.
Larergne (A. de), 55.
Lavignac (A.), 37, 1J8.
Lavini (Mlle), 93, 101.
Lawrowski (Mlle), 167.
Lebeau, 301.
Lebel, 238.
Lebouc (C), 29, 117, 366, 390.
Lecocq (C), 35, 117, 122, 150,
191, 222, 255, 246, 286, 302,
311, 26, 327, 373, 383, 414.
Lecomte, 246, 323.
Le Conppey (F.), 183.
Lédérac, (S2.
Leduc (A.), 199.
Lee (S.), 294.
Lefébure-Wély, 53.
Lofébure-Wélv 'Mlle M.), 238.
Lefebvre (Mile V.), 30) .
Lefort (J,), 135, 18J.
Lefranc, 143, 415.
Legouii ;I.), 380.
Legrand, 405, 80.
Lemercier de Neuville, 125.
Lemmens, 166, 374.
Lemoine (E.), 95.
Lentz (Mllei, 36.
Léonard (AI. et Mmel, 12, 19,37.
60, 93, 109,131, 263, 271,374.
Léonce, 36, 122, 286, JOl, 325,
380, 395.
Leprévost (A.l, 141.
Leroy (de l'Op. Com.), 122, 154,
414.
Leroy {du Conserv.,', 406.
Lespès (L.), 196.
Lestrade (Mme), 166.
Letellier, 332.
Leuven (A. de), 183, 262, 409.
Léveillé (A.), 395
Léïêque (E.l, 390.
Lévy (J.), 198r
Lévy (Mlle C.), 101.
Leybaque (Mlle H.l, 141.
Lliérje, 178, 365, 390.
Libert (Mme), 357.
Liebé (L.), lis, 310.
Liebé (MlleT.l, 117,141, 335.
Ligner, 318.
Lindheim, 148, 229, 324.
Liszt (l'abbé F.), 326.
Litolff (H.l, 15, 327.
Lœbmaa (J.), 268.
Lceffler (Mme), 223.
Lomagne (J.), 271.
Lopez, 190.
Loiti délia Santa (Mme), 7,87,119.
Lotto, 167.
Lovato (Mlle), 36, 142, 286, 325.
414.
Lover (S.), 239.
Lowenlbal, 133.
Lubeck (H.), 22.
Lucas (G.), 39, 390.
Lucca (Mlle P.), 6, 23, 47, 63, 72,
79, 95, 111. 152. 175. 198, 215,
295, 303, 307, 391, 414, 415.
Luce, 286, 334,- 395.
Luigini (L.). 61, 267.
Lust (C), 268.
Lulz, 5, 70, 346, 405.
M
Mach (E.), 292.
Mackonsie (Mme), 36, 279, 318,
?35.
Maësen (Mlles C. et L. de), 15, 23,
143, 311, 335.
Magnien (V.), 271.
Miignus (D.), 60, 70, 93, 261, 301
Maillart (A,), 86, 174, 177, 238,
311.
Mailly (A.), 166.
Maistre (Mme la baronne de), 270.
Mallard iMllej, 238.
Mallinger (Mlle), 211, 293.
Alangeant (S ), 86.
Mangin, 301, 346, 357.
Mangold (C), 39, 327.
Manns, 327.
MaplesoD, 14, 61, 78, 111, 231,
302. 351, 367, 391.
Marchand (Mme), 315, 381.
Marchusi (Vl. et .Mme), 231.
Marchisio sœurs (Mlles), 31.
Marciis (Mlle), 142, 315.
M:irgucrilat (R.), 31.
Marie (F.l, 15.
Marié (Mlle L), 21, 36, 123, 25'i,
3.)5.
Jlarimon (Mlle), 37, 94. 101, 295,
327, 332, 359, 391, 407, 415.
Marini iJ. M.), 33.
Slario, 6, 47, 72, 79, 119, 175.
Marion, 30.
Mariquita (Mlle), 13.
Mark (le D'), 31.
Marlois (E.), 246.
Marochetii, 99.
Marque (A.) 398.
Marquet, 35.
Martin (E.), 110, 293.
Martin (Mlle .1.), 125.
Martin-Robinet (Mme), 70, 133.
Martinet, 164, 174, 278, 357, 397,
411.
Marty (Mlle), 302.
Martyns, 142.
Marx (A.), 6, 374.
Massa (le duc de), 102, 106, 118,
143.
Massart (M. et Mme), 74, 398.
Alassé (V.), 10, 30.
Alassenet, 10, 42.
Masset (J.-J.), 415.
Masson, 91.
Massy, 5, 94, 302, 310.
Massy (Mme), 72.
Alaton, 107.
Mauduit (JlUe), 27, 51, 70, 85,
101, 116, 148, 150, 158, 350.
S!aurel, 78.
Maury, 151.
Mayeur (L.), 93.
Mayr (Aille L.), 23.
Mayr-Olbricli (Mme), 271.
Mazilier, 167.
Mazurini, 102.
Mazzoleni, 38, 166.
Aleerens (C), 300.
Meilbac (H.), 41, 147, 153, 322.
Meillet (M. et MœeJ, 94, 254,310,
346, 410.
Aleinardi (F.), 157.
Melchissédec, 59.
Méliot (A.), 51.-
Mellinet (le général), 91.
Membrée, 384.
Meudelssohn-Bartlioldy, 99, 261,
390.
Alengal, 262.
Mérante, 210.
Alercadante, 287.
Mercier (J.), 87.
Alercklin-Scbiitze, 294, 325.
Alercuriali, 322.
Méreaux (A.), 172, 173, 183, 207,
262.
Merly, 23, 87.
Mévil (C.), 55.
Mey (A.), 135, 223, 271, 310.
Meyer (L. de), 142.
Aleyer (Aille A.), 157, 406.
Meyer (Mlle C), 77.
Meyerbeer (G.), 45, 62,273, 281,
309, 364.
Meyerbeer (Mme), 273, 281.
Mézeray (Mlle), 61.
Michel (Cam.), 239.
Jlichel (Alarc), 87.
Alicheli (J.), 407.
Alicliotte, 372.
Milher, 347.
Ali Met (V.), 190.
Mmetti, 23, 311, 335.
Mineur (Mlle M.), 55,
Alinier, 29 'i.
Minkus, 96.
Hiretzky (de), 234.
Alocker, 309.
Alohr, 42.
Aloisset (Mlle G.), 309
Monbelli (Mme), 6, 70, 93, 293,
391.
Monsstier (J.), 174, 343.
Mongin (Mlle M.), 62, 116.
Alongini. 10, 167, 175, 317, 351.
Aloniot (E.), 350.
Monjauze, 14, 254, 203, 346.
Monnais (E.), 08, 75, 84, 85, 162,
165, 250, 252, 253.
Alonplaisir, 23, 79.
Alonpou (Aime Vve), 135.
Aloniaubry, 71, 174, 206, 214, 350,
396.
Alontauriol, 55.
Montant-Lambert (Aime), 134.
Montellio (Aime). 159.
Alonler (M. de), 38.
Montigny (Mme), 85.
Moreau lE.l, 176.
Morel (A.), 125.
Morel (Mlle Y.), 173, 254.
Morelly (L.), 287.
Alorére, 373.
Moriani, 335.
Morini, 90.
-Alortier de Fontaine, 129, 141,
155, 201.
Mouravieff (Mlle), 359.
Alouren, 90.
Mousskon'(P.), 71.
Aloya (Aille), 6, 36.
Alubldorfer, 31.
Alunclieimer, 152.
Murer (Aille L.), 109, 150.
Murska (Mlle J. de), 55, 159
367, 384.
Muzio, 334.
N
Nachbaner, 211, 293, 327.
Napoléon III (S. M. l'Empereur),
61, 148, 319.
Napoléon (S. A. le Prince Impé-
rial), 148.
Nathan, 122, 142.
Nau (Aille), 61, 310.
Naudin, 103, 237, 263, 271, 319
415.
Naum (AI.), 223, 302.
Nègre, 63.
Néruda (Mlle M.), 98.
Nibelle (A.), 313.
Nicodami (Aime), 250.
Kicolaï (0.), 33, 46, 319.
Nicolai (le baron), 326.
Nicolini, 35, 38, 86, 106, 117,
1.58, 331, 370, 378.
NicoUe, 301.
Nicot (C.), 234,389.
Niemann, 7, 87, 95, 111.
Nilsson (Mlle), 76, 83, 90, 92,
100, lOl, 107, 125, 142, 152,
155, 159, 167, 175, 191, 215,
239, 254, 269, 294, 302, 325,
370, 383, 388, 415.
Nissen-Saloman (AI. et Mme), 159,
311.
Noetinger, 115.
Nohl (L.), 62.
Nondin (Mlle M.), 358.
Norblin, 335.
Noriac (J.), 94, 270, 313. 411.
Norman-Néruda (Mme), 59, 69,
76, 77. 90, 68, 100, 108, 109,
116. 167, 230.
Noronha, 111.
Nuiter ^C.), 305.
Obin, 150, 183, 209, 245, 370,
389.
Obiols (L.), 7.
Odezenne. 47.
OEschner, 182.
Offenbach (J.), 5,46,61,91,147,
148, 239, 254, 311, 313, 322,
320, 331, 337, 340, 350, 357,
365, 402, 414.
Offermans Van-Hove (Mme), 319.
OUvier (Mlle), 62.
Orgéni (Mlle A.), 63, 135, 199.
3ll, 343, 407, 415.
Osmont (le comte d'), 116, 290.
Otto (Mllei, 223.
Oudshorn, 263.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS.
Pacini (E ), 27, 55.
Pacius, 155.
Paisiello, 103.
PiiliTmi, aai, :i39, 355, 378, 410.
Palianti flls, 300.
Palmei- (C.A.), 356.
Palmer (T.), I^l.
Pancani, 175, 313, /il5.
Panofka (H.), 262, 311, 334.
Papini, 23.
Pardon (F.), 268.
Pasdeloup, 11, 22, 37. 47, 99, 143,
145, 187, 244, 245, 254, 20i,
278, 279, 280, 293, 301, 340,
345, 350, 379, 389, 397.
Putt', marquise deCaux (Mme A.),
JO, 13. 21, 29, 30, 38, 46, ."j4,
61, 71, 76, 78, 86, 101, 106,
110, 117, 134, l'l2, 152, 157,
■159, 107, l'Jl, 199, 2^3, iSl,
238, 2.i9, 245, 246, 247, 251,
271, 280, 295, 310, 313, 321,
331, 339, 357, 365, 370, 373.
389, 397, 398, 405, 414.
Patti (Mlle C), 10, 173, 230, 3G6.
Pauer, 327.
Paul (V.), 29, 60.
Paulus, 68, 318.
Paurelle (Mlle), 147.
Pélardy, 301.
Pellini sœurs (Mlles), 14, 93.
Pénavaire, 199 133.
Penco (Mme), 23.
Pêne (H. de), 358, 406.
Perafailo, 117.
Pereira (Mlle A.), 327.
Perelli (G.), 77.
l'érez(Mlle M.), 255.
Périer (Mlle), 357.
Péronnet, 279.
Perrin (E.), 84, 209, 269 319
389,
Persini (Mlle), 362, 411.
Peschard, 61, 180, 397.
Pesclika-Leuluer (Mme), 39, 327,
335.
Pessard, 10
Petipa (M.) 357.
Petit, 63, 92.
Peudefer (Mme), 45.
Pfeiffer (G.), 11, 37, 45, 93.
Pfeiffer (Mme C), 37, 77, 125.
Piatti, 302.
Piazuii, 79.
Piazza, 327.
Pichoz (E.), 30.
Pickaért, 102, 388.
Pierson-Bodin (Mme), 6, 45, 70,
109 398.
Pillet (L.), 102.
Pisano, 135.
Placet, 62, 262, 386.
Plantade (C), 196.
Pleyel (Mme), 398.
Poëncet (H.), 99, 246.
Poinsoi (Mlle), 373, 390.
Poise (F.), 385.
Poisson, 390.
Poil da Silva, 71.
Ponchard (C), 142, 178.
Poncliard (Mlle J.), 55.
Ponialowski (Le prince J.j, 102,
137,338.
Pons, 310.
Pontoglio, 303, 335.
Potel, 6, 154.
Potier (C), 37.
Potier (Mlle D. de), 77.
Pougin (A.), 71, 127, 158, 320,
280, 258, 371, 398.
Poiiilley, 62.
Prémaray (J. de), 191.
Prilleux, 59, 97, 222, 230, 386.
Priohi (Mlle), 380.
Prumier (A.), 31.
Puget, 117.
Pugoi, 357.
Pujol (J.-P.), 246.
Quercy (de), 134.
U
Radau (R.), 19.
Radccke (Mlle), 319.
Radoux, 30.
Rair (J.), 37.
Raoult, 166.
Raymondu (Mlle), 397.
Raynal, 120.
Reboux (Mlle), 351.
R(ignier (Mlle P.), 93.
Reicliardt, 61.
Reinecke (C), 111, 183.
Reiuecke (Mme), 287.
Reis (Mlle A.), 350.
Remack (E), 398.
Rémusat, 358.
Renard (E. 1,390.
Rendauo (A.), 70, 85, 109, 133.
Réty (E.), 158, 162.
Révial, 306, 374.
Révilly (Mme), 97, 342, 346.
Rey-Balla (Mme), 111, 215.
Reycr, 44.
Rheiuberger (J.), 350.
Ricci (F.), 72,110, 280, 301,325,
342, 405.
Ricci (Mlle L.), 317, 321.
Richald, 327.
Richter (E.-F.l, 207.
Riedel, 157, 374.
Ries [¥.), 22, 70. 223, 234.
Rigby (V.), 327.
Rillé (L. de), 157, 267, 324.
Rionnelle (Mlle N. de), g, 134.
Iii7, 414.
Ritter (Mlle W.), 318, 343.
Rives (Mlle), 89,. 90, 99, 100.
Roche, 141.
Rœdern (Le comte de), 111,
Roger, 7, 23, 71, 223, 276, 374.
Roger (Mlle P.), 141.
Rolland (Mlle), 306.
Romani (C), 367.
Rondeau, 190, 246.
Ronzoni, 398.
Roqueplan (N.), 188.
Roqnes (L.), 94, 125, 261, 254,
278, 377, 397.
Rose, 6, 37.
Rosello (Mlle), 30, 84.
Rosenhain (J.), 22, 90, 93, 101.
Rossi (L.), 375, 382.
Rossi-Galicno (Mme), 150.
Rossini, 53, 61, 71, 84, 143, 174,
223, 269, 351, 359, 361, 369,
378, 382, 389, 399, 400.
Rossini (Mme), 372, 382, 406.
Rota, 391.
Roubaud (Mlle AL), 29.
Roubin (A. de), 294.
Roudil, 21.
Roulle (Mlle), 93.
Roussel, 29, 60, 238.
Rouxel (Mme), 93.
Royer (A.), 398.
Roze (Mlle M.), 59, 76, 109, 182,
214, 230, 263.
Rubinstein (A. et N.), 15," 45, 72,
77, 86, 87, 89, 100, 108, lld,
125, 141, 149, 157, 214, 359,
375, 414.
Ruelle (J.), 262, 301.
Ryan(D.-H.), 398.
SaSnger, 109.
Saffray (Mme de), 45, 101.
Saiii-d'Arod, 223, 268,
Sainte-Beuve. 158.
Sainte-Foy, 59, 93, 262, 386.
Saint-Geoiges (de), 3, 69, 162, 337,
371, 382.
Saint Léon, 95.
Saint-Saëns (C), 14, 29, 95, 109,
157, 263, 270, 343, 367, 406.
Saint-Urbain (Mlle), 389.
Saint-Victor (P. de), 23.
Sallard (Mme F.), 20, 39, 222,
391.
Salom.in (S.), 47.
Salomé, 369.
Salvioni (Mlle), 10, 05, 270, 391.
Samuel, 367.
San-Miguel (E.), 341.
Sannen, 325.
Sunnier (Mlle M.), 111.
Sarasate, 100, 182.
Sarolta (Mlle), 399.
Sartiges (de), 62.
Sass (Mme M.), 0, 29,37, 46, 47,
86, 92, 94, 100, 110, 150, 183,
222, 304, 325, 333, 362, 373,
378.
Sauret frtres, 93.
Sauvage (T), 196, 206, 397, 411.
Sauzai, 100.
Sax (A.), 93.
Scalclii (Mlle), 94,
Scaleso, 37, 84, 138.
Schebor, 343.
Schepers (Mlle), 295.
Schiever, 351.
Scbimon, 236.
Schlosser, 211.
Schlotmann, 374.
Schmitt (A), 135,198.
Schnaabelt (H.), 119.
Schneider (Mlle), 21, 30, 78, 110,
126, 166, 206, 323, 331, 337.
341, 413.
Schnyder de Wurtens(5e.(X.), 287,
391.
Schott, 268.
Sohrœder(Mlle), 27, 239, 287, 363,
390, 414.
Schrœder (Mme S.), 87.
Schrœtter (Mlle), 175.
Schubert (F.l, 41.
Schumann (Mme C), 20, 63, 119.
Schwab (F.), 124, 231.
Scoffino, 71.
Scudéri, :i3.
Si'cond (A.l, 78, 235.
Sécrétain (MlhvM.), 37, 93, 801.
Segri-Segara, 15.
Séligmann (P.), 6, 37, 00, 70, 87,
125, 280, 334.
Selva, 335.
Semet (T.), 269.
StTgeat (A.), 85, 110, 222.
Séroff, 414.
Serrier (P.), 183.
Servais (J.), 6, 384.
Sessi (Mlle), 159, 384.
Séveste (Mlle), 121.
Sézanne (Mlle), 342.
Slierrington (Mme L.), 237, 375.
Sichel (Mlle), 381.
Sighicelli, 37, 173.
Simon (F.-J. ), 374.
Simonet (Mme M.), 101.
Simoni (Mlle), 34, 302.
Simrock (N.), 415.
Sims-Reeves, 391.
Singelée (Mme), 134.
Sinico (Mlle), 31.
Sivori (C), 37, 46, 85, 157, 175,
199, 246, 311, 318, 375, 390,
391.
Smetana, 175.
Smidt (Mlle M.), 412.
Smitz-Èrambert (Mme), 399.
Solera (T ), 105.
Selon, 234.
Solvi, 30.
Sonieri (MlleR.), 351.
Sontheim. 31, U3, 159, 223, 239,
325.
Soto, 315, 340, 411,
Souviran, 156,
Spay, 294.
Stagno, 63, 111, 327, 357.
Stanni (Mlle), 133.
Slanio, 317.
Staps(Mlle A.), 70.
Steenmann, 388.
Steger 391 .
Stehle (Mlle), 327.
Steinhart (W.), 79.
Stella (Mlle G.), 327, 335, 415.
Steller, 35, 61, 71, 76, 84, 101,
106,279, 331, 355, 399.
Stennebruggen, 70.
Sternberg (H.), 119.
Sternberg (Mlle), 7, 327.
Stigoll, 7, 223.
Stockhauscn (J.), 47.
Siœger (E.), 93, 98, 116, 125,
280, 356.
Stollz, (Mme. R.), 318.
Strakoscli (Maur.), 206, 251, 270,
286, 374.
StrakobCh (Max), 300, 415.
Straus (L.l, 319.
Strauss (J.). 38.
Stubel (Mlle), 247.
Sunimers (S.), 268.
Suppù, 3').
Swert (J. de), 135.
Sylva, 30,
Sytter, 122.
Szarvady, 244.
T
TafTanel, 414.
Taffanel (Mlle), 30.
ïagliafico, 237.
Taglioni (P.), 23.
Taglioni 'S.), 335.
Taisy (Mme de) 110, 294.
ïamberlick, 103, 335, 351, 359,
410.
Tamburiul, 370.
Tapie-Brune, 30.
Tarbé (E.), 30.
Tarbé des Sablons (Mme), 71,
Tardieu de Malleville (Mme), 14.
Taroni (Mme), 366.
Taubert, 117, 311, 391.
Tausig, 391.
Tautiu (Mlle L.), 148, 238.
Tavernier (Mlle N,), 60.
Tayau (Mlle), 00, 77.
Taylor (le baron), 69, 158, 162,
173, 198,415.
Teste, 151.
Testot de Beauregard, 334.
Teysson, 53.
Thér&a (Mlle), 13, 322, 286, 373.
Thibaut, 6, 39, 287.
Thierret (Mme), 314,
Thierry, 30.
Thiron, 148.
Thomas (A.), 22, 47, 81,102,155,
183, 244, 250, 254, 370, 374,
388.
Thouret (Mlle), 301.
Thuot (Mme), 367.
Tiberini (M. et Mme), 84, 101,
117. 138.
Titjens ( Mlle) , 143, 255, 279,
335, 367.
Tilmant, 317.
Tombesi, 151, 159.
Tornquist (Mlle O.), 23, 72.
Torriani (Mlle 0.], 215, 263.
Testée (Mlle), 199.
Toudouze (Mlle), 326.
Tourguénief (L), 199,
Tournade, 134.
Trébelli (Mme), 47.
Tréfeu, 5.
Trél;it(Mme M.), 225,
Trombetia, 29.
Troy, 38, 94.
Tuai (Mlle), 86.
U
Ogalde (Mme), 102, 110,198,206,
214, 222, 236, 246, 270, 279,
405, 413.
Ulbach (L.), 253.
Ulmann, 367.
Urban (Mlle), 138, 339, 411.
Usiglio, 173.
Vaillant (S. Exe. le maréchal), 14,
Valdès (R.), 85.
Valiquet (H.), 182.
Van den Heuvel-Duprez (Mme),
21, 146,
Van der Beck (Mlle), 101.
Van der Gucht, 237.
Van Eyken (J. A.), 335.
Van Ghell (Mlle) 324,380, 395.
Van Ghelnwe, 319.
Van Lier (Mlle R.j, 70.
Vannier, 301.
Vanzini (Mlle), 127.
Varney (A.), 54, 158, 174.
Vast (E.j, 301.
Vauquehn, 86.
Verdcllet, 340, 410.
Verdi, 87, 105, 280, 382.
Verger, 38, Cl, 80, 133, 159, 26S,
271, 313, 339, 410.
Verhulst, 319.
Verreyt (J.), 62.
Vervoitte (C), 102, 151, 157,173,
198, 318, 319, 372, 398, 406.
Viardot (Mme P.), 175, 183, 199,
Î71, 293, 374, 384.
Victor, 80, 314.
Viennet, 231,
Vieuxtemps, 37, 00, 70, 87, 207.
Vieyra (A.), 215.
Vilbac (R. de), 279, 295, 325,
334.
Villa, 37.
Villani, 21.5, 319.
Villaret, 92, 94, 124, 150, 183,
222, 389, 413.
Vitali (Mlle), 37, 63, 72, 118, 303.
Vivier, 76, 100, 130,
Vizcntini (A.), 13, 262, 286, 333.
Voggenhuber (Mme de), 79.
Vogt (Mlle A.), 141.
Vois, (E.), 412.
Vois (MllR A.), 42, 91.
Volpini (Mme) , 23, 47, 63, 72,
373, 399.
Vroye (de), 15, 247, 415.
W
Wachtel, 55, 316, 407.
Wagner (R.), 25, 37, 183. 205,
210, 293, 340, 397.
Waldteufel, 407.
Walewski (le comte) , 54, 246,
319.
Walter, 55.
Warnots, 166, 295, 398.
Warot, 14, 27, 37, 45, 150, 327,
332, 390, 397, 407, 415.
W<artel, 5, 410.
VVeber (C. M. de), 1, 138, 161,
179, 193, 217, 242, 257, 284,
306, 353, 387, 393, 401.
Wehii (J.), 95.
Wekerlin, 53.
Wertheimber (Mlle), 22,116, 236.
253
Wesley (le Dr.), 95.
Whist (Mme), 101.
White, 117, 141.
Widor (C.),175. Il, Si,
Wieniawski (H. et J.), 15, 335.
Wieprecht, 63, 118, 311, 327.
Wilden (Mlle), 116.
Wilder(V.),41, 164.
Wilhelmy, 23, 63.
Wilhelm-Massé (Mme), 102.
Winzweiler, 214.
Wittmann (H.), 414-
Wolff (Ë.), 37, 60, 70, 86, 87,
131, 150, 167.
Wolowski (B.), 7.
Worms (Mlle), 147.
Wugk (Mlle), 412.
Wuille, 94, 167.
Wurtemberg (le duc E de), 359.
Zabalza (A.), 62.
Zapater (Mlle R.), 390.
Zaytz, 39.
ZEllner (L. A.), 215.
Zenger (M.), 175, 263.
Ziua-Mérante (Mme), 13, 133.
TABLE ALPHABETIQUE DES REDACTEURS.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES BÉDACTEUBS.
Bannelier (Charles), 51, Ss», 130, IftS, 210, 233, 292,
Sao, i03.
Bernard (Paul), 57, 81, 121, 153, 177, 209, 253, 379,
385, 409, 412.
Bourges (Maurice), 51, 154.
Brlsson (Frédéric), 301.
Chavornay (Louis de), 36.
Cristal (Maurice), 17, 65, 73, 113, 129.
Elwart (A.), 157, 229.
Fétispère, 42, 75, 325, 381.
Fétis (Edouard), 25.
Gouzien (Armand), 3, 42, 59, 99, 106, 345.
Gray (Maurice), 33, 84, 97, 105, 137, 314.
Gruneisen (C.-L.), 237.
Kreutzer (Léon), 74.
Monter (Em. Mathieu de), 9, 90, 98, 99, 123, 140, 145,
146, 164, 180, 185, 220, 235, 250, 267, 289, 297, 329,
337, 369.
Noukomm (Edmond), 138, IGl, 179, 193, 217, 242, 284,
306, 363, 387, 393, 401.
Pongin (Arthur), 19, 68, 108, 156, 171, 181, 196, 203, 228,
243, 259, 265, 290, 299, 341, 3(|7, 363.
Rauze (Elias de), 313, 321, 330, 338, 355, 361, 377, 410.
Keyer (Ernest), 44.
Saint-Yves (D.-A.-D.), 12, 2b, 36, 52, 75, 91, 114, 132,
149, 172, 189, 213, 237, 245, 2G8, 277, 292, 308, 322,
339, 348, 372,396.
Sauvage (Thomas), 20, 49,66, 169, 195, 201, 211, 219,
226, 258.
Smith (Paul), 1.
Thurner (A.), 305, 315.
Article signé A. E., 148.
Article signé C. B., 99.
Arlicle signé C. D. G., 300.
Articles signés D., 5, 35, 41, 91, 122, 147, 148, 163, 178,
324, 346, 36-2, 380, 395, 411.
Article signé E. F., 19.
Articles signés E. R., 313, 378.
Article signé F., 332.
Article signé M. G., 315.
Articles signés M. M., 388, 411.
Article signé M. S., 230.
Article signé P. S., 12.
Article signé S., 293.
Articles signés S. D., 27, 236, 252.
Article signé X. X., 316.
MORCEAUX DE MUSIQUE DONNÉS COMME SUPPLÉMENTS DANS LE COURANT DE L'ANNÉE 1867
ATec le n° 1 ! (en primes) : le deuxième volume du
Répertoire de musique classique de
piano, par Stéphen Hellerj Album
Offenbach, pour chant.
Avec le n" 6 : Si vous n'avez rien à me dire, romance
nouvelle de Th. Palmer.
Avec le w 13 : L'Elude en fa mineur, de Mendelssohn.
Avec le n" 17 : Ida, rêverie pour le piano, par Mor-
tier de Fontaine.
Avec le n° 21 : Clicquol-polka , d'après Fleur de Thé,
de C. Lecocq, par L. Roques,
Avec le n» 25 : Le Message, mélodie caractéristique, de
J.-P. Goldberg.
Avec le n° 29 : Gavotte pour piano, par Ch. Lecocq.
Avec le n° 35 : Sonnet, prélude pour le piano, par Sté-
phen Heller.
Avec le n" 39 : Le chœur des Evéques, de l'Africaine,
transcription pour le piano, par J.
Baur.
Avec le n° 43 : La Lettre de la Périchole, dans le nou-
vel opéra d'Offenbach.
Avec le n° 48 : Kellogg-Valse, d'Arditi, arrangée pour
le piano par Roques.
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GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
1868
PRIMES
1868
Offertes aux Abonnés de la Revue et Gazette musicale,
A l'occasion du renouvellement de l'année.
(33' ANNÉE DE soif existence)
PIANO
Le deuxième volume du
RÉPERTOIRE DE MUSIQUE CLASSIQUE DE PIANO
Contenant 22 morceaux de piano, composés par
1. Op. 24.
2. Op. 29.
3. Op. 42.
4. Op. 44.
5. Op 45.
6. Op. 49.
7. Op. 52.
8. Op. 33.
9. Op. 54.
10. Op. 56.
11. Op. 39.
Scherzo .
La Chasse.
Valse élégante.
Valse villageoise.
Valse sentimentale.
Quatre arabesques.
Vénitienne.
Tarentelle.
Fantaisie.
Sérénade.
Valse brillante.
Op. 60. —
Op. 73. —
Op. 73. —
Op. 73. —
Op. 81. —
Op. 81. —
Op. 81. —
Op. 81. —
Op. 81. —
Op. 81. —
Op. 81.—
Canzonetta.
Chantdu chasseur.
Adieu du soldat.
Chant du berceau.
Chanson de mai.
Rêverie.
Feu follet.
Arabesques.
Berceuse et deuil.
Sonnet.
Appassionato.
Vn volume, format in-S', de 200 pages.
CHANT
-; CONTENANT :
Roblnaon C^rQsaé : Si c'est aimer. -......: Romance.
Cirande-Dncliesae : Dites-lui Déclaration.
Violoneux (le) : Le violon brisé Mélodie.
Bavarda (les) : Chantons l'Espagne Brindisi.
IVait blancbe : La nuit du mystère Romance.
Cirande-Oocliesse : Pour épouser une princesse Chronique.
Bobinaon Craaoé : C'est un brun Ariette.
Ces primes sont à la disposition des anciens et nouveaux Abonnés.
SOMMAIRE. — Études sur Charles-Marie de Weber (deuxième partie, 8' article),
par Paul Smith. — Théâtre Lyrique impérial: la Jolie Fille de Perlh,
opéra en quatre actes et cinq tableaux, paroles de MM. de Saint -Georges et
Jules Adenis, musique de Georges Bizet, par Armand douzien. — Théâtre
des Menus-Plaisirs : Geneviève de Brabant, opéra-bouffe en trois actes et dix
tableaux, de MM. Hector Crémieux et Tréfeu, musique de J. Offeobach. —
Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
ÉTUDES SUR GHÂRLES-fflÂRIE DE WEBER.
D'après la blograpble écrite par son flls.
SECONDE PARTIE.
VIII (1).
Malgré ce retour à d'anciennes habitudes de gaieté, de folie,
Weber n'en persistait pas moins dans sa résolution de quitter
Prague. Le bruit en vint jusqu'au bon Liebich, et le frappa au
cœur. Les larmes dans les yeux, il demanda à Weber si c'était
vrai, et, sur la réponse affirmative du jeune chef d'orchestre, il le
supplia de ne pas l'abandonner, avec une éloquence si touchante,
qu'il lui devint bien difficile de se montrer inflexible. Il y a même
des raisons de croire que Weber se serait laissé vaincre (au moins
pour une année encore) par les supplications de son vieil ami, si
une circonstance n'était venue le confirmer plus que jamais dans
son dessein . Un changement s'était opéré dans la présidence du
théâtre ; un mémoire avait été remis à Liebich par le nouveau
président, et Weber ne put y voir, sans surprise ni douleur, que,
tout en reconnaissant ses services, on y désapprouvait complète-
ment sa manière de conduire l'Opéra depuis l'année 1812. Dès
lors le parti qu'il avait pris de renoncer à son poste fut irrévo-
cable. A son tour il adressa à Liebich un mémoire, qui devait
être lu par des personnes plus haut placées que lui: il y donnait
le détail de tout ce qu'il avait fait dans l'intérêt du théâtre, au péril
de sa santé, de sa vie; il y défendait son honneur d'un ton simple
et modeste, mais comme un galant homme profondément blessé :
■ (1) Voir les n" 7, 17, 19, 24, 32, 44 et 47' de l'année 1867.
UEVUE ET GAZETTE MUSICALE
« Mes détracteurs, y disait-il, m'ont pris sans doute pour un second
» Prométhée musical; ils ont cru que je tirerais des chanteurs du
» limon de la terre ! » Immédiatement après ce mémoire, Weber
envoya sa démission, et cependant ne continua pas de remplir avec
moins de zèle et d'activité des fonctions auxquelles il avait sacrifié trois
des meilleures années de sa vie. Les opéras se succédaient l'un à
l'autre, et, dans le nombre, il fit jouer cette Athalie, de son ami
PoissI, dont les beautés l'avaient vivement frappé, et qu'il eut le
plaisir de voir approuvée par un public qu'il avait l'habitude
d'appeler le froid public. Il semblait que son zèle augmentât, de-
puis qu'il n'avait plus l'espoir d'en recueillir la récompense.
Au printemps de 1816, il fit relier avec élégance et richesse plu-
sieurs copies de sa cantate. Lutte et Victoire, pour les offrir à l'em-
pereur d'Autriche, au roi de Prusse, au prince régent d'Angleterre,
au roi de Hollande, de Saxe, Bavière et Danemark et à quelques autres
princes souverains. En l'envoyant au roi de Prusse, il lui demanda
l'autorisation de faire exécuter sa composition nouvelle ii l'Opéra
de Berlin, le 18 juin, pour l'anniversaire de Waterloo, au bénéfice
des soldats invalides. L'autorisation fut accordée, mais le comte
Briihl, chargé de la transmettre, l'était en même temps d'informer
Weber qu'il ne fallait plus penser à la position qu'il se flattait
toujours d'obtenir à Berlin. C'était Bernard Romberg qui allait
remplir la place vacante de directeur musical, et la cantate môme
était une des raisons qui éloignaient Weber du service de la
Prusse. Les conseillers qui entouraient le roi et le roi lui-même
n'étaient nullement tentés de s'attacher aucun de ceux qui avaient
quelque part à réclamer dans la grande œuvre de l'aiîranchissement
national.
Le S juin, Weber se remit en route pour Berlin, accompagné
du jeune pianiste Freytag, qui devait l'aider pour les répétitions
de sa cantate et qui était, après Jules Benedict, le meilleur de ses
élèves. A son passage à Dresde, il trouva une lettre du comte
Witzthun, grand écuyer du roi de Saxe, qui le priait de venir le
trouver à Pillnitz : il avait une communication à lui faire, une très-
belle tabatière en or à lui remettre, au nom du roi, en remercî-
ment de sa cantate. Il était alors bien loin de penser que cette
courte entrevue dût exercer sur sa destinée une si grande in-
fluence.
Il arriva le 9 juin à Bei'lin, où il retrouva l'affection de la
famille de son ami Meyerbeer, qui habitait alors une splendide
villa dans le Thiergarten, et qui était toujours prête à offrir
l'hospitalité à son bien-aimé Charles. Un soir, chez Gubitz, il re\it
ce personnage étrange, qu'il se souvenait d'avoir aperçu en 1811,
à Bamberg, à la lueur des éclairs ; c'était Hoffmann, l'auteur des
Contes fantastiques, qui venait d'écrire un ouvrage nouveau,
l'EHxir du Diable. Il le lui donna à lire, et qui réveilla en lui
l'envie de travailler à ses Voyages d'artiste. Quoique Weber ne dût
pas compter sur une position fixe à Berlin, il y était fort bien
traité à tout autre égard : un de ses plus grands désirs était d'ob-
tenir pour Caroline Brandt un engagement extraordinaire, à titre
d'Etoile, et le comte Brûhl, pour lui faire plaisir, se hâta d'ar-
ranger l'affaire. Mlle Brandt fut engagée pour jouer dans six rôles
différents, à raison d'un louis d'or par représentation, et c'était
pour l'époque un prix très-élevé : « Vous serez contente de votre
> commissionnaire, lui écrivait-il, et vous lui devrez un bon nom-
» bre de baisers extra pour son retour. » Weber était flatté de
voir sa réputation et son crédit grandir : « Tout va bien ici pour
» moi, écrivait-il encore ; les habitants de Prague finiront-ils par
» ouvrir les yeux, et verront-ils comment on honore un artiste? »
Les puissances théâtrales avaient cessé d'être hostiles à Weber :
protégé par Brûlil, il vit tous les obstacles s'abaisser devant lui.
Les répétitions de sa cantate commencèrent sans aucun empêche-
ment. La première donna une si haute idée de l'ouvrage entier à
tout l'orchestre, que chacun, de son côté, s'en alla colporter son
admiration et emboucher la trompette; à la seconde, on eut de la
peine à empêcher la foule des musiciens d'envahir la salle. La
dernière fut un véritable triomphe. L'orchestre et les chanteurs y
allaient d'enthousiasme ; à chaque pause, les musiciens et les
hommes influents se pressaient sur le théâtre, entouraient le mu-
sicien en témoignage d'admiration et de joie. Bernhard-Anselme
Weber, fidèle à sa vieille haine, voulut en vain détruire d'avance
l'effet du petit élève, en faisant exécuter quelques jours auparavant
la Bataille de Viltoria, de Beethoven : l'intention réussit mal, et
ne servit qu'à rendre plus désireux de savoir comment Weber
avait traité un sujet à peu près semblable.
La mauvaise étoile se montra encore un peu dans cette cir-
constance. De tels torrents de pluie tombèrent le soir même que
le théâtre ne fut rempli qu'à moitié. Weber en était d'autant plus
désolé que la recette avait une destination charitable. Briihl avait
fait de son mieux pour illuminer la salle et pour donner un air
de fête à toute la cérémonie, dont le résultat fut des plus saisis-
sants : (t D'aliord, écrit le lendemain Weber à Caroline, je dois
vous dire le brillant succès de la soirée d'hier. L'ouverture de
Bernhard Anselme fut jouée dans un silence solennel. Ensuite
vinrent mes chants patriotiques, la Chasse sauvage de Lutzow, qu'il
fallut répéter, — chose inouïe à l'Opéra de Berlin. Puis ma can-
tate, qui, admirablement exécutée par l'orchestre et les chanteurs,
excita un enthousiasme frénétique; à l'endroit où j'ai introduit,
après la bataille, le God save the King, j'ai cru que les bravos ne
finiraient pas. Le roi m'envoya directement le comte Brûhl pour
me dire qu'il avait été profondément ému, et qu'il désirait l'enten-
dre encore une fois. Ainsi, volens, nolens, me voilà forcé de rester
ici quelques jours de plus, et de recommencer la semaine pro-
chaine. Du reste, je ne puis douter du succès de la seconde exé-
cution, car l'admiration a été générale, on s'élançait de tous les
côtés sur le théâtre, et j'étais presque assommé par la violence de
mes admirateurs. »
Ce second concert, dont le succès semblait infaillible, fut cepen-
dant fort compromis par l'arrivée de Mme Catalani, qui menaçait
de tout envahir et de tout absorber. Il était certain qu'on ferait
des économies pour l'entendre. Il n'y eut qu'une voix pour con-
seiller à Weber de remettre son concert après celui de la célèbre
cantatrice; il ne voulut jamais y consentir, et son courage fut ré-
compensé. Mme Catalani put bien faire tort de 100 louis à sa re-
cette, mais les- applaudissements eurent quelque chose de formi-
dable, et il reçut une lettre de tous les chanteurs qui faisaient
partie du chœur, et qui renonçaient à la rémunération de leurs
services; ils se trouvaient assez payés par l'honneur, et désiraient
le témoigner. Il fut présenté à la reine de Hollande, qui le com-
bla d'éloges ; c'était à un concert donné par le prince Radziwill, où
de plus il eut le plaisir d'entendre Mme Catalani.
L'effet de ces deux concerts avait été si grand, et le roi de
Prusse se montra si aimable pour Weber dans son audience de
congé, qu'il croyait encore obtenir quelque titre officiel, comme
celui de compositeur de sa chambre. Weber n'avait jamais été
de ces artistes qui affectent de dédaigner les distinctions de ce
genre; au contraire il en reconnaissait la valeur et l'avantage ma-
tériel dans la société et dans les voyages. Un mémoire dans ce
sens fut présenté au roi par le comte Brûhl , mais les conclusions
en furent rejetées. Sans se décourager, Brûhl se flattait, tout au
moins, d'obtenir le titre purement honorifique de maître de cha-
pelle. On lui répondit par un refus plus formel encore : on ne
voulait rien accorder de ce qui pouvait éveiller des espérances
qui ne devaient pas se réaliser. Brûhl voulait insister, mais We-
ber ne le permit pas, et quitta Berlin, persuadé que les princes ne
feraient rien pour lui.
DE PARIS.
En revenant à Prague, il avait rc'solu de s'arrêter quelque temps
à Carlsbad, où il rencontra quelques amis. En passant par Leipzig,
on lui offrit la direction de l'Opéra de celle ville et dans les
meilleures conditions ; l'offre venait de Kulsner, le nouvel entre-
preneur; mais il était bien décidé à ne plus s'allaclier désormais
à aucun établissement fondé sur une spéculation particulière. Il
n'existe pas de renseignements positifs sur ce que Weber venait
faire à Carlsbad, mais la suite prouve qu'il avait entrepris ce
voyage, en conséquence de ce qui s'était passé entre lui et le comte
de Witzthun, lorsque ce dernier lui avait remis une tabatière de
la part de son souverain. Le grand maréchal, comte Henri Witzhun,
frère de celui-ci, était aloi's directeur royal du théâtre de Dresde, et
se trouvait à Carlsbad. Weber fut mis en communication immédiate
avec lui, sous le sini])le prétexte de l'engagement d'un chanteur,
mais il parait que l'idée lui était venue de s'assurer du jeune
maître de chapelle et de l'altaclier à l'Opéra allemand qu'il était
sur le point d'organiser à Dresde. Il écrivit de Carlsbad à son frère
l'offre qu'il avait faite à Weber et le grand désir qu'il avait de la lui
faire accepter, mais Weber hésita beaucoup sur la durée de l'enga-
gement; il résulte de plusieurs lettres qu'on finit par s'entendre
et convenir des termes d'un traité soumis à l'approbation royale.
Dans un passage d'une lettre du comte Henri à son frère, les
avantages de la fondation d'un théâtre allemand sont ainsi mis en
relief : « C'est maintenant le sentiment général des musiciens et
des artistes que la Saxe doit profiter de sa position exceptionnelle
pour la culture des arts et des sciences, puisque toute espérance
d'autre gloire est à jamais perdue. De toutes les villes, c'est la
plus riche en trésors de l'art, celle qui offre l'aspect le plus sédui-
sant; elle peut devenir un foyer intellectuel, une espèce d'arène où
les grands esprits du jour se disputent la palme d'honneur et atti-
rent l'attention de l'Europe entière. » Pendant les négociations
avec le comte Witzthun, Weber eut le temps de jouir des eaux
bienfaisantes du pays et de la société la plus élevée. Ce ne fut
qu'à Prague que se conclurent les arrangements qui lui ouvrirent
une perspective nouvelle.
A son retour, il trouva les affaires du théâtre dans le plus triste
état : le pauvre ^ieux Liebich, papa Liebich, comme on l'appelait
toujours, était entré dans la dernière période du mal dont il souf-
frait si longtemps ; il était étendu sur le lit d'où il ne devait plus
se relever. Ou attendait sa mort en même temps que la fin de
l'engagement de Weber et le théâtre allait perdre ses deux meil-
leurs soutiens. Mme Liebich, qui remplaçait son mari malade,
était peu aimée, à cause de son cai'actère et de ses manières impé-
rieuses. Jusqu'à ce que la direction pût être remise à un successeur,
tout reposait sur Weber, qu'on accusa bien à tort de négliger les
fonctions qu'il allait bientôt quitter. On étudiait les opéras, on les
jouait avec autant d'activité que jamais. Pour rendre à celui qui
viendrait après lui la tâche plus facile, il mit en ordre les archives
de l'Opéra, dressa des catalogues de la mise en scène, des costumes,
décors, et de ce qui appartenait à chaque pièce avec des l'emarques
et observations sur ce qui convenait à la nature et au goiit du
public de Prague. Ce fut avec une conscience parfaitement nette
qu'il quitta son poste après plusieurs années, mais ce ne fut
pas sans chagrin qu'il se démit de ses pouvoirs entre les mains
de la directrice et qu'il fit ses adieux à sou vieil ami Liebich, déjà
trop affaibli pour rien sentir et comprendre. La troupe entière en-
tourait la voiture dans laquelle il monta le 7 octobre, emmenant
Caroline, qui allait remplir à Berlin l'engagement qu'il lui avait
préparé.
Il y eut un parfait contraste entre ses adieux à Prague et sa
réception à Berlin; il y arrivait avec sa bien-aimée, avec celle qui
devait être bientôt sa femme, et dans le grand monde de Berlin
il la présentait déjà comme sa fiancée. CaroUne produisit partout i
l'impression la plus favorable par la grâce et par la finesse de son
esprit. Au théâtre elle ne réussit pas moins; en peu de jours on
ne parla que du talent et des charmes de Caroline. Jamais enga-
gement d'étoile n'avait obtenu un pareil succès.
Caroline Brandt quitta Berlin le 7 novembre pour aller donner
quelques représentations à Dresde, tandis que le comte Witzthun
ne cessait de s'occuper de l'engagement de Weber pour la créa-
tion d'un Opéra allemand dans cette ville; il avait à lutter contre
le ministre , comte Einsiedel, qui d'abord lui avait répondu que
c'était une affaire trop peu mûre pour songer à engager un chef
d'orchestre. Witzthun n'était pas homme à se laisser abattre ni
détourner ; il produisit mémoires sur mémoires. Enfin la question
se réduisit à celle du traitement, et l'on voulut que l'engagement
ne fut que d'une année : Weber y consentit, tout en protestant
que, sans sécurité pour l'avenir, il lui serait impossible d'obtenir
quelque résultat important.
Le matin du jour de Noël 1816, Weber reçut le brevet de sa
nomination. En même temps deux boites renfermant des cadeaux
de Noël lui étaient remises, l'une contenant une bague, de la part
du roi de Hanovre, l'autre une tabatière de la part du roi de Ba-
vière. « Je regardai longtemps la lettre du comte Witzthun, sans
oser l'ouvrir, écrivait-il à sa bien-aimée ; était-ce de la joie? était-
ce du chagrin? Enfin je pris courage. C'était de la joie. Alors je
courus chez tous mes amis, qui m'accueillirent en riant et sa-
luèrent profondément le royal maître de chapelle. Je dois main-
tenant me conformer moi-même au style de la cour. Peut-être
devrai-je porter une perruque, pour plaire aux gens de Dresde?
Qu'en pensez-vous? Toujours est-il que je réclame un baiser extra
pour cette bonne nouvelle. »
Ainsi, peu de temps après son mariage résolu, Weber trouvait
une position qui lui permettait d'assurer à sa compagne chérie
bonheur et distinction.
Paul SMITH.
{La suite prochainement.)
THEATRE LYRIQUE ïlttPÉRIÂl.
Mj/k aOLIE FILiIii; DE PERTH,
Opéra en quatre actes et cinq tableaux, paroles de MIL de Saint-
Georges et Jules Adenis, musique de M. Georges Bizet.
(Première représentation le 26 décembre 1867.)
De tous les emprunts, dérangements, mutilations auxquels se
sont livrés depuis quelque temps les librettistes, à bout de scé-
narios : les uns, empruntant à Wilhelm Meister un épisode pour
habiller Mignon; les autres, dérangeant une des Chroniques de la
Canongate pour en créer Deborah, — paix à sa tombe ! — ceux-ci,
prenant à Shakspeare trois duos d'amour pour en composer cinq
actes, et assez heureux pour se faire absoudre entièrement par
Gounod; ceux-là, étirant jusqu'à ce qu'elle se brise pitoyablement,
tiraillée encore par le musicien, une ^simple ballade d'Hugo; de
tous ces livrets pris dans Goethe, dans Walter Scott, dans Shakspeare
ou dans Victor Hugo, aucun ne se rapproche moins de son ori-
gine que celui de la Jolie Fille de Perth. En vérité, il eût été dé-
raisonnable de chercher aux librettistes une querelle de critique
si, débaptisant leurs personnages et leur pièce, ils en avaient
simplement accepté la paternité tout entière : la part que Walter
Scott a dans ce livret est fort modeste, il en est tout au plus le
parrain.
Nous ne pouvons donc cette fois, pour nous épargner l'ana-
lyse de la pièce, renvoyer le lecteur à l'œuvre dans laquelle
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
elle a été puisée; il nous faut, pour être le consciencieux rappor-
teur de celte première représentation, — la seule qui ait vraiment
réussi au théâtre Lyrique depuis Roméo et Juliette, — prendre le
parti d'en condenser en quelques lignes le sujet.
L'armurier Henri Smith aime la fille du gantier Glover; une
fleur d'or offerte par lui à Catherine est le gage d'espérance ac-
cepté par la jolie fille de Perth ; mais, un jour, la fiancée a ren-
contré chez Smith une bohémienne que celui-ci avait arrachée
aux insuites delà foule; sous l'influence d'un soupçon jaloux, elle
lui rend la fleur des fiançailles, et, pour éveiller aussi la jalousie
de Smith, elle profite de l'entrée d'un jeune seigneur pour feindre
d'accepter de lui un rendez-vous.
Au second acte, le carnaval joyeux ébranle ses chariots enguir-
landés, fait sonner les grelots de ses marottes et couler à longs
flots le wisky d'Ecosse dans les tavernes de Perth. Le jeune sei-
gneur, qui n'est autre que le gouverneur de la ville, préside à la
mascarade; elle passe, bruyante et tumultueuse; le majordome
seul guette la belle Catherine pour la conduire au rendez-vous.
Un domino sort de la maison de Glover et le suit. Ralph, l'ap-
prenti, a tout vu et court appeler Smitli pour arracher la fille de
son maître au déshonneur.
Le domino mystérieux s'est glissé au milieu du bal masqué
donné par le gouverneur, et, sous le masque, l'incognito de la bo-
hémienne, — car c'est elle qui a pris la place de Catherine Glo-
ver, — sera respecté. Après quelques madrigaux échangés, la ru-
sée s'esquive, mais en laissant imprudemment aux mains du duc
la fleur d'or qu'elle gardait à la ceinture, afin de la rendre bientôt
à la jolie fille de Perth apaisée. Smith aussi a pénétré dans le pa-
lais et s'est soustrait aux regards. Le jour venu, le duc a reçu
en audience Glover, que sa fille a voulu accompagner, et c'est alors
que l'armurier se montre. Ralph disait donc vrai ; tout accable la
malheureuse fille : sa présence à cette heure matinale chez le gou-
verneur, la fleur d'or que le duc porte à son pourpoint ! Le violent
Smith n'écoute point Catherine et maudit celle qu'il nommait
sa fiancée. Ralph seul a cru à la sincérité de celle qu'il aime aussi
en secret, et il propose de se soumettre au jugement de Dieu
en provoquant l'armurier. Mais celui-ci, le lendemain, avant
l'heure du combat, a revu Catherine, mourante et désolée, et, mieux
que l'indignation, les larmes de la jeune tille l'ont convaincu de
sou innocence. Cruelle alternative! s'il meurt dans le combat, l'hon-
neur de celle qu'il aime est sauf; s'il est vainqueur, Dieu affirme
ainsi le déshonneur de Catherine. Les librettistes savent seuls dé-
nouer ces situations gordiennes. Ce coup terrible frappera la raison
de la pauvre fille, mais, le jour de la Saint-Valentin, on improvi-
sera une scène où la bohémienne, prenant encore la place de Ca-
therine, jouera le rôle de Valentine et Smith celui de Valentin.
La vue de cette scène réveillera les souvenirs de la fille de Glover, et
la fleur d'or reconquise par le duc reprendra sa place au corsage
de la jolie fille de Perth, qui épousera enfin son fiancé ! Tout cela
est bien un peu naïf et décousu, mais il y a des situations heu-
reuses pour le musicien dans ce libretto et il a su en profiter.
M. Georges Bizet, que l'honorable succès des Pêcheurs de perles
avait placé au rang des compositeurs sur lesquels l'avenir devait
compter, a écrit sur ce poëme une partition qui tient toutes les
promesses de ses débuts au théâtre. En raison même du cas que
nous faisons de son talent, nous devions, en examinant l'œuvre
qui nous occupe, critiquer ce qui nous a semblé le moins digne
des qualités dont il a fait abondamment preuve dans la Jolie Fille
de Perth : c'est envei's ceux sur lesquels l'art fonde de réelles
espérances que la critique a le devoir de se montrer d'une impar-
tialité plus sévère. Nous aurons assez d'éloges à faire par la suite
pour commencer cette appréciation rapide par un reproche qui
n'accuse d'ailleurs que la mémoire surprise du compositeur : le
motif, qui est comme une préface déclamée par les violoncelles
dans l'introduction, est vraiment trop parent d'une phrase célèbre
de Gounod; d'ailleurs elle ne se montre que tout juste le temps
de se faire reconnaître au passage, et les développements qui la
suivent sont absolument affranchis de toute ressemblance volon-
taire.
Le chœur des armuriers est d'une carrure extrême ; si le nombre
des ténors avait été doublé et s'ils avaient franchement attaqué la
deuxième phrase syncopée en la bémol, ce chœur eût produit un
grand effet; il est très-ingénieusement orchestré. La phrase de
Smith qui l'interrompt :
Ce soir, amis, c'est grande fête...
est d'une grande franchise et d'un bon effet reprise par le chœur.
Il faut surtout citer dans cet acte, qui a été moins goûté que
les autres, deux quatuors très-habilement étudiés ; le second
surtout, — qui précède le finale, — est une des bonnes pages de la
partition ; les voix y sont adroitement groupées et le rhythme qui
domine le morceau est des plus heureux.
Citons aussi dans cet acte un air de Catherine ;
Vive l'hiver et vive son cortège !
qui est, en réalité, fort original. — Dans le duo d'amour, qui nous
a paru inégal (est-ce la faute des exécutants qui ont montré plu-
sieurs fois de l'indécision?) nous avons remarqué un ensemble
où le soprano brode sur le chant simple du ténor une charmante
arabesque.
Le second acte a été accueilli avec une grande faveur ; il faut à
peu près signaler tous les morceaux qui le composent; la ronde de
nuit n'a guère été goûtée ; un jeu de scène oblige les bourgeois
peureux qui, sous la conduite du père Glover, font la police noc-
turne des rues de Perth, à trembler de tous leurs membres à
chaque alarme nouvelle, un nuage qui passe, un fanal qui s'éteint,
un rat qui rentre dans son trou ; or comme cette faiblesse armée
est couverte d'armures préservatrices, il en résulte à chacun de
ses mouvements de terreur un bruit de ferraille qui domiue les
voix et l'orchestre.
Après un chœur de masques, le morceau qui a enlevé tous les
suffrages, c'est la danse bohémienne, d'une allure, d'un caractère
vraiment étranges : la harpe détache son pizzicato clair, pendant
que la flûte brode un motif très-rhythmé d'une délicieuse mono-
tonie ; peu à peu les instruments divers s'enlacent dans ce motif
principal, le crescendo éclate enfin en tutti brillant en si majeur. Le
motif du tutti passe ensuite, légèrement transformé dans son rhythme,
aux bassons; cette ingénieuse transformation a bien certainement
échappé aux plus attentifs, grâce à la violence avec laquelle a
été battu le trille qui le domine. Au lieu d'un détail ingénieux,
il en est résulté une grande confusion. Cette petite tache d'exécu-
tion a été effacée par la fin de la danse, à laquelle se mêlent
quelques notes du chœur ; on a bissé ce très-piquant morceau.
Il eût fallu plus de finesse et d'intention que n'y en a mis
Mlle Ducasse pour faire valoir ses couplets :
Les seigneurs de la cour...
d<mt elle précipite trop la fin; il y a de charmants dessins de
violons sur les tenues, qui terminent chaque membre de phrase
de la mélodie.
Nous n'aimons pas beaucoup le motif de la sérénade de Smith :
il n'a pas l'originalité que nous eussions voulu rencontrer après
cette danse de bohémiens , si pittoresque, et, sans le soin de l'ac-
compagnement qui, chez les musiciens du savoir de M. Bizet,
sauve souvent bien des défaillances d'inspiration, ce morceau ne
nous eût laissé nul souvenir.
Mais, en revanche, nous n'aurons que des éloges pour l'air de
Ralph; cela est d'une étrangeté toute particulière, et la difficulté
DE PARIS.
de ce récit entrecoupé a été vaincue très-habilement ; le cri de
désespoir de Ralph :
Hé! l'hôtesse, mon flacon.
Que j'y laisse ma raison !
rendu, il faut le dire, avec un véritable sentiment dramatique par
M. Lutz, a fait éclater toute la salle en applaudissements prolongés.
Le morceau capital du troisième acte n'a pas été compris
comme il devait l'être par le public de la première représentation;
nous avons à en accuser encore une certaine indécision des exécu-
tants, indécision assez facile à concevoir; ce morceau, en ett'et (duo
entre le duc et Mab), est accompagné par l'orchestre de danse
jouant un menuet dans la coulisse. Cet accompagnement, très-pi-
quant, oîi flûte et violon se mêlent harmonieusement dans le même
motif, troublait peut-être les chanteurs qui quelquefois perdaient
la mesure ; quand ce duo sera bien exécuté, il produira un effet
très-original, car la franchise de la mélodie chantée n'est nulle-
ment contrariée par celle qui se joue dans la coulisse.
Enfin, le finale dramatique de cet acte a révélé chez IVI. Bizet,
d'une façon décisive, une véritable habileté scénique, qualité
rare et précieuse sur laquelle il nous est permis de fonder pour
l'avenir de l'auteur de la Jolie Fille de Perih de très-légitimes es-
pérances.
Le chœur de la provocation, au quatrième acte , est franc, mais
la scène du démenti ne nous a pas paru assez énergique. Il y a
des phrases pleines de charme et de tendresse dans le duo qui
suit cette scène, entre autres la phrase en vii bémol, à trois
temps :
0 beaux rêves d'or !
0 souvenirs de mon enfance !
La fête de la Sainte-Valentin vient égayer le dernier tableau,
assombri un moment par la scène de folie de Catherine, oiî nous
avons remarqué surtout un accompagnement d'une oppression dou-
loureuse, tout à fait en situation. Un motif du second acte, repris
tour à tour par Smith et par Catherine, conduit au finale ; celui-ci
clôt dignement cette partition, qui permettra au théâtre Lyrique,
grâce au succès qu'elle aura certainement, de préparer à loisir ses
nouveautés, auxquelles la Jolie Fille de Perth fera de charmants
lendemains.
La débutante, Mlle Devriès, a une très-jolie voix, facile, se
jouant de la difficulté, et l'on ne peut refuser à la jeune artiste
beaucoup de bonne volonté et un grand instinct du théâtre, encore
mal servi peut-être par la nature un peu saccadée de son jeu.
L'étude en fera, sans doute, une artiste qui rendra de réels ser-
vices au théâtre Lyrique dans des rôles plus importants que celui
de Catherine Glover.
MM. Barré et Massy jouent et chantent convenablement les rôles
du duc et de l'armurier; M. Warlel ne s écoute pas assez, ce qui
fait qu'on entend trop certaines notes passant trop facilement à
côté du ton. Mlle Ducasse joue avec intelligence le rôle de la bo-
hémienne; mais le succès a été pour M. Lutz qui a chanté, d'une
manière fort remarquable, son air très-difficile du deuxième acte.
La pièce nouvelle méritait mieux , comme mise en scène : nous
y avons revu, sur le dos des seigneurs et des grandes dames de
la cour du duc de Rothsay, des pourpres, des brocarts et des
hermines qui ont depuis longtemps acquis des droits à la retraite
pour ancienneté de service.
A part la légère critique que nous avons faite à propos d'un
trille trop forcé dans la danse bohémienne, l'orchestre ne mérite
que des éloges pour la façon dont il a su faire ressortir l'orches-
tration très-habile et très-touffue de M. Georges Bizet.
L'auteur de la Jolie Fille de Perth vient, par le succès de son
ouvrage , de prendre l'engagement, vis-à-vis du public, de le faire
bientôt juge d'une œuvre nouvelle qui pourra le placer d'une
manière décisive au rang des compositeurs éminents de l'école
française contemporaine.
Armand GOUZIEN.
THÉÂTRE DES HENnS-PLUSIRS.
«ENEVIÉVE DE BRAUANT,
Opéra-bouffe en trois actes et dix tableaux, de MM. Hector
Crémieux et Tréfeu, musique de J. Offenbach.
(Première représentation le 26 décembre 1867.)
Lorsque la première Geneviève de Brabant fut représentée aux
Bouffes-Parisiens en 1859, ce théâtre était alors à l'apogée de son
succès. La pièce était magnifiquement montée; elle avait pour
principaux interprèles Désiré, Léonce, Mlle Lise Tautin et la belle
Mlle Maréchal dans le rôle de Geneviève. Offenbach y avait pro-
digué de charmants motifs, dont quelques-uns sont restés célèbres.
Et cependant tous ces éléments favorables ne purent lutter contre
l'indifférence du public. La faute en était évidemment aux au-
teurs des paroles, qui avaient fait fausse route en poussant la fan-
taisie au delà des limites permises, même dans un genre où l'on
permet tant do choses.
La musique d'Offenbach méritait de survivre à ce naufrage;
aussi doit-on savoir gré au petit théâtre des Menus-Plaisirs de la
tentative qu'il vient de faire en ce sens et des sacrifices de toute
espèce qu'il y a consacrés. Avant tout, il fallait remanier l'ouvrage
de MM. Jainie fils et Tréfeu. C'est M. Hector Crémieux, l'un des
auteurs de Robinson Crusoé, qui a entrepris cette tâche, et il faut
convenir qu'il était difficile de s'en mieux acquitter. Nous ne lui
reprocherons, surtout dans la première partie, que certaines lon-
gueurs qu'on peut aisément faire disparaître. Mais, en revanche, il
a introduit dans l'économie de la pièce deux créations nouvelles,
qui lui ont donné le ressort qu'elle n'avait pas. C'est d'abord l'in-
tervention du page Drogan dans les aventures de Geneviève, dont
il se fait le protecteur, et puis l'action épisodique des deux gens-
d'armes indiqués par la complainte, et qu'on avait maladroitement
oubliés dans l'opérette des Bouffes-Parisiens. Ces deux gens-d'ar-
mes, parfaitement joués par MM. Ginet et Gabel, sont tout simple-
ment le moyen d'attraction le plus certain de la Geneviève des
Menus-Plaisirs ; ils deviendront légendaires comme leurs confrères
de Gustave Nadaud.
Hâtous-nous d'ajouter que la partition d'Offenbach, revue et
considérablement augmentée, n'aura pas une médiocre influence
sur le succès qui se dessine en ce moment dans de très-vastes pro-
portions. Nous y avons retrouvé avec plaisir les couplets drola-
tiques de la Poule sur un mur, la gracieuse sérénade : Ohé! de
la fenêtre, ohél la chanson de Charles Martel, et le fameux finale :
Le clairon qui senne, encore dans la mémoire de tout le monde.
L'autre soir, en l'entendant, les spectateurs n'ont pas pu se dé-
fendre d'un enthousiasme frénétique, et il a fallu relever le rideau
pour le redire en entier.
Parmi les nouveaux morceaux d'Offenbach, il y en a. plusieurs
qui ont provoqué de légitimes bravos, notamment la chanson du
pâtissier, le très-joli trio de femmes : Chérubin, qu'il a l'air doux !
les couplets du page, au sixième tableau, la scène de l'ermite et,
en première ligne, les couplets des deux gens d'armes, qui sont très-
bien réussis, et qu'on a eu raison de faire bisser.
Le rôle du page Drogan, la cheville ouvrière de l'ouvrage, est
joué et chanté par Mlle Zulma Boufifar avec un brio, avec une
facilité que n'ont pas même effleurés les trois cents représentations
consécutives de la Vie Parisienne, dont elle sort à peine.
REVUE ET GAZIiTTE MUSICALE
Mlle Baudier n'a pas, à beaucoup près, le charme de Mlle Ma-
réchal sous les traits de Geneviève; mais elle chante avec goût.
Mme de Brigny-Varney, dans yon rôle de soubrette, t'ait preuve de
vivacité piquante et vocalise agréablement.
Gourdon, que nous avons souvent applaudi aux Fantaisies-
Parisiennes, tire un excellent parti du rôle de Siffroid ; Daniel Bac
fait tout ce qu'il peut de celui de Golo; quant à Lesage, qui re-
présente Charles Martel, nous n'avons pas reconnu en lui l'ancien
baryton du théâtre Lyrique.
Une mise en scène brillante, de riches costumes, un intermède
de danse, avec Mlle Battagliri, des chants tyroliens, exécutés par
la famille Martens, qu'on a tant entendue, cet été, à l'Alcazar des
Champs-Elysées, d'intelligents artistes secondaires, un essaim de
jolies femmes dans les petits rôles et, enfin, un bon orchestre, con-
duit avec verve par M. BouUard, \oilà certes plus qu'il n'en faut
pour aider à rendre plusieurs lois centenaire la nouvelle Geneviève
de Brabant de l'heureux et universel maestro Jacques Offenbach.
D.
Une indisposition de notre collaborateur M. Mathieu de Monter
nous force de renvoyer, à dimanche prochain , notre Revue habi-
tuelle de l'année écoulée.
NOUVELLES DES THËÀTBES LYRIQUES.
^*^ Ou a donné lundi au théâtre impérial de l'Opéra Guillaume Tell.
— Une indisposition de Faure a fait changer mercredi le spectacle ; on
a représenté Robert le Diable et vendredi le Trouvère et la Source.
^*^ Mme Marie Sass est engagée, pour le mois d'avril, au théâtre de
la Monnaie, à Bruxelles. — Elle chantait la semaine dernière, au théâtre
d'Anvers, le rôle de Valentine, des Huguenots; elle y a été applaudie
avec enthousiasme.
^*^ Toujours salle comble à l'Opéra-Comique avec Robinson Crusoé.
^*^ Mlle Brunet-Lafleur répète en ce moment le rôle de Carlo dans
la Part du Diable., qu'on va reprendre au théâtre de l'Opéra-Comique.
,(:.*» La direction de ce théâtre vient de renouveler les engagements
de Mlle Cico et de Potel.
^% Par son jugement rendu vendredi, la Cour impériale a infirmé ce-
lui du Tribunal civil qui avait autori-é Mme Monbelli (Mme Crémieux) à
s'engager comme cantatrice au théâtre de l'Opéra-Comique.
^*^ Marta a de nouveau été donnée hier au théâtre Italien, avec Mlle
Harris qui s'y fait de plus en plus applaudir. — On annonce, pour la
semaine prochaine, la Gazsa ladra avec Adelina Patti.
^** Le théâtre Lyrique annonce , pour mardi , la reprise de la Fan-
chonnette .
^** La direction de l'Athénée a engagé Mlle Moya, une jeune et
charmante personne qui joua, il y a deux ans, aux Italiens dans le Ballo
et la Sonnambiila, et trouva moyen de se faire applaudir à côté d'Ade-
lina Patti. — On parle aussi de l'engagement de Désiré à ce théâtre.
5^** VAfrieaine poursuit à Nice le cours de ses brillantes représenta-
tions. Genibrel qui vient de faire ses débuts au Grand-Théâtre, et Mlle de
Rionnelle y ont été l'objet de bravos et de rappels enthousiastes; ces
deux artistes n'ont pas eu moins de succès dans Robert le Diable. Le
rôle d'Alice a été un nouveau triomphe pour Mlle de Rionnelle qui, après
l'air du premier acte, la scène de la croix et le trio sans accompagne-
ment, a été applaudie à tout rompre. — Quelques jours après, dans un
rôle tout à fait opposé, celui de Rose Friquet dans les Dragons de Vil-
lars, la jeune artiste a donné une preuve non moins heureuse de la
flexibilité de son chant et de son talent de comédienne. Elle a été rap-
pelée plusieurs fois.
„;** Le Grand-Théâtre de Lyon fait de magnifiques recettes avec
l'Africaine. Les étrangers de passage dans cette ville abondent aux belles
places et rendent à la salle la physionomie caractéristique des soirées de
l'Africaine de l'an passé.
^*^ Les journaux de Lisbonne constatent unanimement et en termes en-
thousiastes le succès de Mongini dans les Huguenots et la Sonnambula.
**5f On nous écrit de Saint-Pétersbourg que Fausto vient d'être repré-
senté au théâtre Italien avec Mme Pauline Lucca, qui a été admirable
dans le rôle de Marguerite. Mario s'est relevé, dans celui de Fausto, de
l'échec qu'il avait subi à son début dans il Barbiere; toutefois, une dé-
pêche a été envoyée à Tambcrlick pour l'inviter à revenir s'il était dis-
ponil)le.
**„j La construction de nouveau -i théâtres étant à l'ordre du jour, —
le moment viendra où il faudra construire des spectateurs! — on prête
à M. de Salamanca le projet d'édifier sur le boulevard Haussmann une
scène spécialement affectée à l'exploitation du genre dramatique et bouffe
italien .
^''ij: Les abords du nouvel Opéra sont complètement régularisés, et les
rues qui entourent l'édifice en construction portent définitivement, par
décret spécial, les noms de Meyerbeer, Halévy, Scribe et Gluck. Le nom
de Mozart a été donné à une avenue conduisant de la Muette à Auteuil.
^*,i, Toujours même affluence aux bals masqués de l'Opéra. Ce résultat
est particulièrement dû à l'orchestre de Strauss, qui exécute avec un
entrain diabolique les morceaux de l'album composé par son habile chef.
NOUVELLES DIVERSES.
^% M. le général Mellinet a nommé, par un arrêté récent, M. Emile
Jonas, inspecteur général des corps de musique de la garde nationale de
la Seine; M. Jancourt, l'éminent basson solo de la Société des concerts
du Conservatoire, capitaine de musique de la cinquième subdivision, en
remplacement de M. Forestier, décédé; M. Thibaut, l'excellent chef de
la fanfare des cuirassiers de la Garde, licenciée, capitaine de musique de
la deuxième subdivision, en remplacement de M. E. Jonas.
^*» La Société des Concerts du Conservatoire donne aujourd'hui di-
manche, à 2 heures, son troisième concert, dirigé par Georges Hainl. En
voici le programme : 1" symphonie en la, de Beethoven ; — 2° chœur de
Psijclié, d'Ambroise Thomas; — 3° concerto en ré mineur pour piano, de
Mozart (exécuté par Mme Tardieu de Malleville); — A" air de Slratouice,
de Méhul (cliauté par M, VVarot); — 5° marcliedu Tannhauser (chœur),
de Wagner.
jt(t Aujourd'liui, à 2 lieures, au cirque Napoléon, dixième concert
populaire de musique classique, sous la direction de J. Pasdeloup. On y
entendra : J" ouverture de Fidelio, en mi majeur, de Beethoven; —
2° symphonie en mi bémol, n° 53, de Haydn (introduction, allegro,
adagio, menuet, finale, adagio), de Gnunod; — 3° concerto pour violon,
de Léonard (exécuté par l'auteur) ; — A" ouverture {la Mer calme), pre-
mière audition, de Mendelssohn ; — S° Imitation à la Fofcc (orcliestrée
par Berlioz), de Weber.
,ll*^, La seconde matinée de Mme Pierson-Bodin a eu lieu dimanche der-
nier en présence d'un nombreux auditoire. Outre le délicieux chanteur
Pagans, don! le succès a été immense, on a vivement applaudi dans la
partie instrumentale une sonate de Beethoven, exécutée par Mme Pierson-
Bodin et M. Hammer, et un très-beau- trio de Mme Farrenc pour piano,
clarinette et violoncelle, dont l'adagio a surtout produit une grande impres-
sion. Ajoutons que Mme Pierson, MM. Ruse et Alfred Marx ont grandement
contribué à son succès. Des variations de Beethoven, exécutées par Mme
Chopard-Chassant, un solo de violon par M. Hammer, et une fantaisie
sur la Juive par M. A. Marx, ont tour à tour ému et charmé l'auditoire.
Enfin, les belles variations de Weber pour piano et clarinette ont été
brillamment enlevées par Mme Chopard et M. Rose. Mentionnons, en
terminant, un air italien chanté avec beaucoup de charme par Mlle C.
M***, et une pièce de vers dite d'une manière ravissante par Mme Ar-
mand-Richault.
^*^ La Société centrale d'éducation et d'assistance pour les sourds-
muets de France donnera, le 18 de ce mois, salle Herz, une grande
soirée musicale et dramatique à laquelle Mlles Battu et Favart, MM.
Delle-Sedie, Delaunay, Leroy, Werroust, Saint-Saëns, etc., prêteront
leur concours.
»** Nous disions dans notre dernier numéro que Ulmann avait eu
l'heureuse idée de s'attacher Seligmann pour sa prochaine tournée; nous
apprenons qu'il a eu également la bonne fortune de décider Ed. Wolff
à faire partie de son personnel d'artistes. C'est là certes un excellent
choix, car des morceaux exécutés par Wolff et Yieuxtemps ne peuvent
manquer d'attirer la foule et de la passionner.
^*t A une très-belle soirée donnée la semaine dernière chez M. et
Mme Garfounkel, où chantaient plusieurs artistes du théâtre Italien et
du théâtre Lyrique, Seligmann s'est fait applaudir avec enthousiasme en
jouant, avec ce sentiment profond qui caractérise le talent du célèbre
violoncelliste, la Kouitra, morceau de sa composition, et VEloge des larmes
de Schubert.
^*ji: Sivori vient d'arriver à Paris.
ai*5R- M. Joseph Servais marche brillamment sur les traces de son père;
il vient de recevoir au Cercle philharmonique de Bordeaux, qui l'avait
engagé, l'accueil le plus sympathique. Des bravos enthousiastes ont, à
plusieurs reprises, salué divers morceaux de la composition du célèbre
défunt exécutés par son fils avec une vigueur d'archet, une puissance de
son, un sentiment exquis qui rappelaient étonnamment à l'auditoire le
talent de celui qu'ils avaient si souvent applaudi.
DJi PAKIS
^""^ Mme Farrenp nous écrit pour rectifier une allégation de la France
musicale, relative k une jeune pianiste de beaucoup de talent, Mlle Cœvoel,
qui s'est l'ait entendre la semaine dernière dans une matinée musicale
de Mme Pellereau. Mme Farrenc rappelle que l'honneur de l'avoir
formée n'appartient pas à Mme Escudier Kastner, dont elle a pu rece-
voir quelques conseils, mais à Mme Pellereau d'abord, et au Conserva-
toire ensuite, où elle a suivi successivement les classes de Mme Maucorps,
de Baillot, pour l'accompagnement, et la classe de Mme Farrenc elle-
même, d'où elle est sortie en remportant avec éclat un premier prix de
piano.
51;-*, Un jugement rendu par la Cour impériale de Rennes, dans un
procès intenté par Rossini, Plantade, Haas, etc., conjointement avec la
Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, vient de confir-
mer encore une fois la jurisprudence adoptée par les tribunaux, à savoir
que : " les compositeurs de musique, leurs héritiers et représentants ont
le droit d'empêcher que des morceaux leur appartenant et non encore
tombés dans le domaine public soient exécutés publiquement, sans leur
autorisation formelle et préalable. » Pareil procès a été intenté à la
Société des eaux de Dinan.
.^.% L'Ami des Arts, dont nous avons déjà annoncé la fondation, vient
de paraître sous la direction de M. Bronislas Wolowski. Voici le som-
maire de son premier numéro: une Causerie de M. Henry Maret (rédac-
teur en chefj; un-. Lettre de M. Francisque Sarcey; la Femme et les
Beaux-Arts, par M. Oscar Comettant; Victor Jacquemont, par M. Jules
Levallois; Beethoven, par M.-J. Weber; les Echos de Paris, par M. Emile
Blavet, et les comptes rendus des premières représentations par MM. B.
Wolowski, Félix Jahyer et Charles Giquel, etc.. etc. M. Francisque Sar-
cey publiera dans l'Ami des Arts des portraits d'artistes dramatiques qui
auront un succès égal à tout ce qui est sorti de la plume de ce critique,
un des plus justement estimés de nos écrivains contemporains. M. Albert
Vizentini fera dans l'Ami des Arts les bruits des coulisses. — M. B. Wo-
lowski, voulant se consacrer tout entier au journal, a chargé de la di-
rection de son Agence des concerts son frère cadet, M. Ladislas Wolowski.
Bonne chance et bonne réussite à notre nouveau confrère.
,f't Un professeur de Naples, Luigi Celentano, vient de faire paraître
Une brodiure. intitulée: Intorno all'arle del cantare in Ilalia nel secolo xix,
où sont traitées avec beaucoup de sagacité et à un point de vue élevé
d'importantes questions relatives à l'art du chant. L'auleur insiste prin-
cipalement sur l'abandon du chant orné, abandon qui lui paraît regret-
table en ce que jadis les études de chant étaient forcément plus com-
plètes et plus sérieuses qu'aujourd'hui, et que la force, l'expression et
l'émission, qualités seules nécessaires pour l'exécution de la musique
moderne, ne peuvent pas plus se dispenser d'études que l'agilité; enfin,
que la multitude de chanteurs improvisés qui surgissent de nos jours ne
peut qu'entraîner l'art du chant sur une pente fatale.
**:t Un Almanaque musical, le premier de ce genre qui ait paru en
Espagne, vient d'être publié à Barcelone par M. F. Luis Obiols, jeune
compositeur et critique de talent. Ce recueil contient des documents
statistiques et historiques d'un grand intérêt.
jf*:^ Croirait-on que l'harmonica fut inventé, en 1740, par Richard
Pochrich, un fils de la verte Eryn ? Les bardes irlandais adoptèrent aus-
sitôt cet instrument mélodieux, et l'oi ajoute même que Pochrich jouait
de son harmonica avec une perfection telle que deux gendarmes, — ô
rochers d'Orphée! — étant venus pour l'arrêter (la loi anglaise décrétait
alors les musiciens d'infamie), leur émotion fut telle qu'ils ne purent
accomplir leur mandat. La musique adoucit les mœurs !
^** Au service funèbre célébré la semaine dernière à Bade, en mémoire
de M. Ed. Benazet, en présence d'une affluence extraordinaire de monde,
la partie musicale de la solennité a été dirigée par M. Kœnnemann, et
remplie par les artistes du théâtre Grand-Ducal de Carlsruhe, les chœurs
religieux de Bade et l'orchestre de la Conversation. On a exécuté un
Requiem de Xavier Schmid, dans lequel se trouvaient intercalés un mor-
ceau de Cherubini pour soprano, dit par Mlle Ludecke, et un Benedictus
composé pour la circonstance par Kalliwoda, et chanté par le ténor Stol-
zenberg. L'exécution a produit un effet saisissant sous les voûtes de la
vieille église.
^*j, On annonce la mort, à Wiesbaden, de l'intendant des théâtres
royaux, M. de Béquignolles ; il n'était âgé que de quarante-deux ans.
ÉTRANGER
»*» Baden-Baden. — La nouvelle direction de l'établissement thermal de
Baden apportera certaines modifications dans les plaisirs qu'elle offre à
ses visiteurs. Les représentations théâtrales y auront moins d'impor-
tance, et on renonce aux pièces inédites. Par compensation, le nombre
des concerts serait doublé. — Une feuille quotidienne, servant de pro-
gramme, remplacera V Illustration de Bade, qui est supprimée.
^*t Stuttgart. —L'Africaine est à l'étude; on en attend la reprise vers le
milieu de janvier.
iVf*» Stettin. — Roméo et Juliette, de Gounod, représenté pour la pre-
mière fois le i8 de ce mois, y a été reçu avec indifférence. Plusieurs
morceaux ont cependant été applaudis; les artistes ont fait de leur
mieux, et le public leur en a témoigné sa satisfaction.
^,** Vienne. — Le célèbre t(:nor Roger a, paraît-il, accepté un engage-
ment qui l'attache à l'Opéra impérial en qualité de régisseur.— Niemann
a signé pour trois ans avec le même théâtre; il doit chanter, à dater de
l'ouverture de la nouvelle salle, quarante fois chaque année pendant les
mois de septembre, octobre, novembre et décembre.
^% Venise. — L'ouverture de la saison d'hiver (ou de carnaval) à la
Fenice a eu lieu, comme c'est l'habitude pour les théâtres italiens, le
26 décembre, jour de la Saint-Etienne. On a donné Un Ballo in maschera,
mais avec un succès plus que douteux. Seule, la prima donna Lotti délia
Santa a été applaudie.
*** Turin. — Don Carlos, de Verdi, vient d'être donné au Théâtre-
Royal. C'est un grand succès pour Verdi et pour les artistes chargés des
principaux rôles, Cotogni et la Fricci, qui ont été couverts d'applaudis-
sements bien mérités. — 11 est question de monter l'Africaine avec
Mme Destin.
^ *** Sologne. — L'imprésario Scalaberni a l'intention de reprendre
l'Africaine après l'hiver; il a déjà engagé à cet eflet le baryton Cotogni.
»*^ Gènes. — La soirée de réouverture du Carlo-Felice, le jour de la
Saint-Etienne, a été très-belle, grâce à une bonne exécution d'il Profeta.
Mlle Sternberg, jeune cantatrice, quoique novice sur la scène, s'y est dis-
tinguée par toutes les quahtés qui annoncent une artiste de grand avenir;
elle a été très-applaudie. Le ténor Stigelli, un peu faible pour le rôle
écrasant de Jean de Leyde, a cependant eu de Irè.s-beaux moments.
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E. KETTEBER. — Fantaisie brillante pour le piano 9 »
LECÂRPENTIER. — Deux bagatelles pour le piano, chaque 5 »
A. HERMÂN. — Divertissement pour piano et violon 9 •»
ROSELLEN. Fantaisie de salon pour le piano 7 SO
RUISSEL, — Fantaisie élégante pour le piano 6 »
STRÂDSS. — Grande valse pour le piano 6 »
La même, à quatre mains 7 50
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Le Grand Voyage, chanson d'Alexandre Flan 2 50
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On vous dira qu'ça n'est pas vrai ! chanson héroïque d'Al. Flan . . 3 »
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Oh! eh! mon chien Picard! chanson rustique d'A. Bouvier. ... 3 »
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Les Deux Hirondelles, fabliau de Ch. Grou 3 »
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12 Janvier 1868.
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Étrupgcr .•. 34 " Id,
Le Journal paraît le Dimanche ,
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
S051MAIRE. — Revue musicale de l'Année 1867, par Em. Uathien de
Monter, — Concerts populaires de musique classique au cirque Napoléon :
Léona-.d. — Revue des tliiiâtres, par O. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles
des tliéâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
REVDE fflUSIGÀLE DE L'ANNÉE 1867.
Mil huit cent 5oixante.-sept, — An luusjcal et international entre
tous, — a vécu, et ses lauriers sont coupés.
Eclectique, lahatieux, vaillant, avec un grand air de gloire,
généreux jusqu'à IÇ prodigalité, actif et non pas sans fièvre; tout
imprégné de^ cet èsprii de. la- patrie qui, aux heures sévères et
aux moments décisifs-,-' a su toujours donner le signal et la vie à
des floraisons inattendues, à des renaissances ; profondément
creusé et presque meurtri par la lutte de l'intelligence et de l'in-
térêt; traversé par tant et de si divers courants, 1867 a une his-
toire agitée, contrastée, autant que brillante. Rien ne lui a man-
qué des qualités nombreuses, et des défauts essentiels qui font de
lui l'image accomplie d'une période lyrique caractéristique; on le.
croirait destiné à eh offrir le modèle. Alors que la paix elle-même
était' sans trêve, tant elle était occupée à l'utile; que, jusque
dans les journées sereines.,. les arrière-pensées et les soins étaient
en_^bien,des âmes, la musique af. sonné le réveil, escorté la marche
de tout ce que le monde- galue s'oùs le. nom de civilisation fran-
çaise, de tout ce qui devait, une fois encore, le surprendre et
le réjouir.
Aux faits et aux circonstances artis.Jiques des douze derniers
mois, — la placem'étant ici mesurée Strictement, r— je ne veux
emprunter que leur physionomie générale et leur mouvement
d'ensemble.
L'année écoulée a été et restera frappée à l'effigie de l'Exposi-
tion universelle, qui la guide, la caractérise et la domine. Tandis
que la fleur des beaux-arts s'épanouit, se surmène presque pour
couronner cette grandiose manifestation du génie hunjain, et n'en
retire que des compensations insuffisantes, la Musique, elle, en
reçoit une impulsion énergique et y recueille de merveilleux ré-
sultats. Il ne pouvait guère en être autrement. Dans ce rappro-
chement des peuples, dans ces luttes artistiques, littéraires et in-
dustrielles, dans ce congrès des mœurs, des usages et des langues,
la musique ne devait-elle pas se montrer l'art suprême de la fu-
sion des cœurs et de la pénétration mutuelle, l'âme même du
monde moderne, la langue universelle par excellence, familière à
tous, où tout passé et tout avenir sont contenus?
A peine l'année s'ouvre-t-elle, que les envois, les adhésions com-
mencent à affluer au Champ de Mars, et que les notabilités artis-
tiques et industfi^ês accourent des quatre coins du monde à
Paris ; on dirait d'une surexcitation générale. Il semble que toutes
les nations ont hâte de venir plaider, preuves en main; dans ce
solennel prétoire pour leurs foyers de Matière, pour leurs autels
d'Idéal. La galerie des arts hbéraux s'emplit rapidement d'instru-
ments de prix et de marque, de belles éditions, d'innovations
curieuses, de découvertes intéressantes. Il est décrété que l'his-
toire de la Musique sera admise dans le Palais, suivant le plan
adopté pour l'histoire du travail; que l'art de la Musique y sera
représenté au triple point de vue de la composition, de l'exécu-
tion, de l'histoire. Trois comités se. coiistituent sous la présidence des
compositeurs et musiciens les plus célèbres de l'Europerpar les résul-
tats de leurs travaux, on a pu juger ide l'étendue de leur tâche et
de leur dévouement, ainsi que de la science profonde , de la haute
expérience qui avaient dicté leurs programmes, dont la réalisation a
sombré sous le poids de considérations étrangères à l'art. On met
au concours, avêcdes" prix' d'une valeur totale de 10,000 francs, l^
cantate dé l'Exposition , Thyhine de la paix. On offre à l'émulation
des Sociétés .,orphéoniques f vocales et instrumentales, des récom-
penses qui s'élèvent à plus de 30,000 i'rancs. Elles sont chaude-
ment disputées — j'ai dit comment et en quelles t;irconstances ,
— par la nombreuse élite de cette institution populaire, qui pos-
sède à un degré si développé le goût et le sentiment musical,
institution dont l'extension rapide prou\e la vitalité et qui s'appuie
sur l'esprit de solidarité, ce mot d'ordre de l'avenir.
Aux facteurs d'instruments, aux luthiers, aux éditeurs, aux au-
teurs d'ouvrages didactiques et d'enseignement, on décerne trois
brevets de légionnaire, neuf médailles d'or, soixante-quatre mé-
dailles d'argent, quatre-vingt-quinze de bronze, soixante-treize
mentions honorables. Le jour de cette distribution de récom-
10
UEVUE ET GAZETTE MUSICAL!-.
penses , pendant cette fête ciu travail et de la paix féconde, sous
ce vélum constellé d'étoiles comme un symbole d'espérance et
d'union, un orchestre imposant exécute l'hymne de Rossini qui
veut, pour cette circonstance unique,- joindre sa gloire à tant de
gloires. De longtemps on n'oubliera ces magnifiques fêtes du mois
de juillet. Lors du Festival de la Commission impériale, quatre
mille exécutants interprètent, sous la direction de Georges Hainl,
l'homme des masses, un programme composée d'oeuvres popu-
laires, de celles que l'on aime à entendre lorsque l'âme s'ouvre
aux sentiments généreux, aux émotions entraînantes et qui sem-
blent nées, au surplus, pour traverser de leur chaud rayonnement
les frémissements enthousiasfes des foules. On sera lier, plus tard,
d'avoir assisté au concours international des musiques militaires.
Neuf peuples en présence! Et quelle effervescence! Et quel délire!
Et que de beaux rêves de concorde universelle caressés en ces
heures rapides et mélodieuses !
Réveillerai-je ici les échos de ce Champ de Mars tout vibrant,
tout bruissant de l'orchestre de Strauss, de Bilse, des Tziganes et de
la ChapeOe hongroise, du Théâtre chinois et du Café tunisien, de
la Brasserie bavaroise et de l'orchateria espagnole, de la salle
Suffren et des Salons français ? Musique, musique partout et du
matin au soiv. Dans les galeries, cent pianistes s'escriment sur
autant de pianos; là-bas les orgues tonnent; le Théâtre interna-
tional essaie de se faire entendre au milieu de la gigantesque sym-
phonie ; mais, hélas! ses ariettes s'envolent dans un rayon de la
lumière électrique des phares. Tout cela, j'ai tenté, cet été, de le
dire, de le peindre ici même.
A distance, et toutes réflexions faites, je ne vois )'ien à changer
à mes conclusions. L'art musical, ses procédés pratiques, ses créa-
tions et ses constructions, tous leurs contingents ont grandi dans
cette chaude atmosphère. Semblable à la vapeur sortie de la four-
naise ardente et soulevant de sa puissante expansion l'outillage de
vingt industries à la ibis, le souffle d'émulation engendré par la
grande fédération pacifique du Champ de Mars animera longtemps
la facture instrumentale, la lutherie et fécondera ainsi les progrès
de l'art musical.
Les théâtres lyriques, littéralement assiégés pendant l'été par
les visiteurs de l'Exposition, ont été à la hauteur de leur glorieux
renom.
L'Opéra poursuit le cours de ses magnifiques représentations de
l'Africaine, chantée aujourd'hui sur toutes les scènes un peu im-
portantes de notre pays et de l'étranger, et avec un succès toujours
plus grand. Mlle Battu s'approprie le personnage de Sélika, si puis-
samment créé par Marie Sass, car « c'est le privilège des beaux rôles
— écrivait à cette occasion le critique ingénieux et sûr, M. Paul
Smith, que j'essaie de suppléer, mais que je ne remplace pas, — de
se prêter aux talents divers et de fournir à chacun d'eux le moyen
de briller sans se nuire réciproquement, par les qualités qui leur
sont propres. » A V Africaine succède Don Carlos, œuvre inégale, qui
recèle néanmoins d'incontestables beautés. Mlle Salvioni rajeunit
la Fenella de la Muette au feu de son jeune et gracieux talent.
Robert le Diable atteint la cinq centième de ses représentations,
événement unique dans les fastes de l'Opéra et qui atteste la pro-
digieuse vitalité des inspirations et du génie de Meyerbeer. A son
répertoire habituel, à Guillaume Tell et au Corsaire solennellement
repris, ce théâtre ajoute la Fiancée de Corinthe, qu'appuie brillam-
ment le talent de Faure. Des représentations de gala offertes aux
souverains, hôtes de la France, l'audition des étudians Scandina-
ves, aux voix pures, aux chœurs d'une poésie originale, et les
concerts des meilleures musiques étrangères, la musique de Prusse
entre autres, complètent le bilan de l'Académie impériale de mu-
sique.
L'Opéra-Comique, de son côté, reprend VEloile du Nord, produit
quelques débutants d'avenir et présente au public plusieurs opéras
nouveaux. Le Fils du Brigadier n'ajoute rien à la réputation de
V. Massé. Chez la Grand'Tante de M. Massenct, la froideur est
compensée par l'éclat du coloris. La cantate du grand prix de
composition révèle chez M. Pessard, son auteur, une expérience
précoce et... des idées. floômsow Crusoé clôt spirituellement l'année:
Offenbach s'y révèle sous un jour nouveau qui frappe le public, et
paralyse la critique de certaines coteries jalouses. Dans ce style
vif, gracieux, pétillant, dans cet esprit humoristique, dans cette
fécondité toujours heureuse, dans cette appropriation exacte et pit-
toresque à la fois de la mélodie au sujet lui-même, dans cette vi-
vacité d'une imagination piquante et délicate, on se plaît ù pres-
sentir une voie nouvelle ouverte à ropéra-comique, et comme la
modernisation do ce genre.
Au théâtre Lyrique, les nouveautés sont moins rares. Déborah
disparaît écrasée sous l'ennui ((u'elle provoque ; Sardanapale met
M. Victorin Joncières en lumière, mais sans trop d'éclat, et, en
ramassant, avec une mémoire remarquable des bons endroits
et des riches propriétaires, des Bleuets dans les blés, M. Jules Cohen
no cueille pas le rameau d'or du succès et de la vogue. Le Car-
dillac de M. Dautresme, plus incidente et plus retentissant à la
ville qu'au théâtre , sans forcer l'admiration du publie, trouve
pourtant des appréciateurs. De tous les sujets empruntés à
Waltor Scott, aucun ne se rapproche moins de son origine que
la Jolie Fille de Perth, mais sur ce livret assez riche, néan-
moins, en situations musicales, M. Georges Bizet écrit, avec une
véritable entente de la scène, une partition mélodique, mou-
venienlée, intéressante, qui tient les promesses des débuts' de
ce compositeur. L'événement de l'année, au théâtre Lyrique, — où
se produisent entre temps la beauté luxuriante et la voix agile
jusqu'à l'excès de Carlotta Patti, — c'est, incontestablement, l'appa-
rition de Rome} et Juliette. La muse de Charles Gounod traduit
passionnément ce drame féodal, couleur d'aurore et de sang, oii
chantent l'alouette et l'amour, où se heurtent le fer et la haine.
Cette œuvre restera acquise à l'honneur du mouvement musical
de l'année et de la jeune école française. La « jeune école fran-
çaise ! » Devant les regretteurs jurés du passé, les douleurs de
l'avenir, les mécontents et les sceptiques, n'est-ce point là un mot
bien ambitieux? Non, car elle existe, s'il .suffit pour être école, de
posséder la science de l'harmonie, la puissance de la couleur, la
vérité de l'accent, le secret des rhythmes, le charme, le sourire,
l'émotion aussi. Ne nous plaiguons donc pas, sachons attendre;
n'allons pas, dans l'acuité de nos souvenirs ou dans l'excès de
nos impatiences, nous faire plus pauvres que nous ne sommes et
méconnaître injustement nos richesses.
Aux Italiens, Adelina Patti soutient le répertoire de la lin de la
dernière campagne et du début de celle-ci.
Parmi les beaux soirs de Norma, d'I Purilani, d'Otello, de la
Traviata, de la Gassa, de Lucrezia, de Maria, se glisse le Columella,
de Fioravanti, olla-podrida de vieilles rengaines, et la Locanda
gratis d'Alary, où il n'y a qu'à louer une facilité de plume poussée
jusqu'à l'abandon. La province et l'étranger affluent aux représen-
tations exceptionnelles que M. Bagier a l'heureuse idée de donner
eu septembre. Après avoir déployé un entrain inouï et un goût
adorable dans l'Angiolina de ce Don Desiderio, qui est comme le
résumé touffu des errements de l'ancien genre bouffe italien, Ade-
lina Patti s'empare du répertoire dramatique avec une autorité,
une passion, un charme. pénétrant indicibles: toute une révéla-
tion ! Mlle Harris gravite et se fait remarquer autour de l'étoile.
Mongini, plus artiste que virtuose, d'un talent qui déborde plutôt
qu'il ne se possède, servi par une voix fort belle, mais capricieuse
et rétive, disparaît bientôt de ce ciel où il comptait briller d'un
DE PARIS.
H
éclat plus vif. On sait le reste : c'est l'histoire que nous écrivions
au jour le jour.
Aux Fantaisies-Parisiennes, sept l'cpriscs intéressantes et six pe-
tits opéras-comiques nouveaux témoignent de l'activité et du désir
de bien faire de M, Martinet, et justifient les encouragements gé-
néreusement accordés à cette scène lilliputienne, mais vaillante et
bien musicale.
La musique règne du reste partout en mil huit cent soixante-
sept, et même sur les scènes les plus modestes.
Le théâtre Rossini, qui n'est jamais plus fermé que lorsqu'il est
ouvert, débute par une pâle opérette; l'Athénée réunit chanteurs
et danseuses là oîi trônait le fauteuil des conférences; l'Odéon
déclame Athalie , avec les cliœurs de Mendelssohn ; la Gaîté,
Hamlet, avec les mélodrames de M. Joncières: ce qui permet d'é-
tablir une comparaison. Les cafés-concerts , émancipés , jouent
des opérettes, des revues, des actes d'opéras, renforcent leur
orchestre et deviennent de véritables scènes lyriques.
Dominant ces entreprises, aux fortunes diverses, de toute la hau-
teur que peuvent donner une origine illustre et l'habitude de
vaincre, la Grande-Duchesse séduit , pendant deux cents jours ,
rois, princes, bourgeois et manants; elle disparaît, dans sa gloire,
de la scène des Variétés, et poursuit sa marche triomphale au
milieu des populations de la France et de l'étranger accourues sur
son passage ^
J'aurais aimé à indiquer les causes, les résultats du succès de
nos œuvres lyriques à l'étranger, et à présenter en même temps le
tableau des travaux des principales scènes de l'Europe en 1867;
mais ces colonnes s'emplissent avec une incroyable rapidité...
Je me bornerai à mentionner la fécondité italienne : vingt-neuf
grands opéras en une année! Le lyrisme italien a de la force,
mais pas d'énergie, plus de muscles que de talent vrai, du feu
sans éclat, de l'explosion, de la verve, mais pas d'inspiration, pas
de délicatesse, celte condition suprême de l'art. Cela remue, mais
n'émeut point.
Du théâtre passant au concert, nous verrons que durant le cours
entier de 1867, l'Europe entière applaudit à l'interprétation des
chefs-d'œuvre classiques. Le goût public veut bien reconnaître que
les anciens ont enrichi la pensée humaine, qu'ils ont exprimé leur
sentiment d'une manière large et grande, fine et sensée, belle en
soi, qu'ils ont parlé à tous dans un style à eux et qui se trouvait
aussi celui de tout le monde, style nouveau et antique, aisément
contemporain de tous les âges. Aussi voyons- nous la Société des
concerts du Conservatoire — déjà obligée de doubler le nombre de
ses séances habituelles — provoquer autour de ses manifestations
artistiques un intérêt d'autant plus vif que l'admiration s'imprègne
là d'une sorte de respect, et attirer au moment de l'Exposition
un public cosmopolite , auditoire sympathique qu'elle séduit et
qu'elle entraîne. Les concerts populaires gagnent encore en per-
fection et en succès: Pasdeloup y livre de glorieuses batailles dont
les généraux s'appellent Joachim, Koempel, "Wilhelmy.
L'Athénée s'ouvre sous une inspiration philanthropique et qui
honorera le nom de Bischoffsheim. Il accorde à la musique classi-
que une hospitalité remplie de bonnes intentions : au lendemain
de conférences, souvent intéressantes, un public de choix et de
haute élégance vient applaudir dans ce luxueux sous-sol le Struen-
sée de Meyerbeer, dont on ne connaissait jusqu'alors que l'ouver-
ture et la polonaise, exécutées par les soins de Pasdeloup à ses
concerts populaires, et que le célèbre chef d'orchestre tient à
honneur, dans son amour pour ce chef-d'œuvre, de faire connaî-
tre tout entier à son nouvel auditoire; les chœurs d'Ulysse et d'^l-
thalie; M. de Gasperini et ses gloses passionnées sur les anciens
traduits — je ne ne dis pas trahis — par Georges Pfeiffer; le Désert,
de Félicien David, présage poétique, mais fatal, du sort réservé à
la salle. De leur côté, les concerts de la Société libre des beaux-
arts, de la Société séculaire des Enfants d'Apollon, de la Société
académique de nmsique sacrée, etc., puisent largement au trésor
lyrique du siècle dernier.
Si les chefs-d'œuvre de l'art sont partout vulgarisés, et si des
esprits d'élite en assurent la tradition en y faisant entrer plus ou
moins chacun, et en les plaçant sous la sauvegarde universelle,
hsCénades, les l'cunions artistiques choisies, entre soi, à huis clos,
n'en (lorissent pas moins, et l'on pourrait citer nombre de ces
petits « cabinets bleus » dans lesquels les jouissances rallinées de
l'oi-eille et du goût se mêlent aux plus délicates théories. La
grande société substitue, en effet, dans ses plaisirs, la musique à
la danse et l'harmonie est la conviée du monde officiel. Quant
aux concerts, il suffira de constater leur marée inexorablement en-
vahissante !
La musique religieuse n'est pas moins bien partagée en 1867
que la profane : je ne parle pas d'une exécution incomplète de la
messe en ré de Beethoven; mais les messes du prince Ponia-
towski, de Duprez, de Ch. Colin, de Cauvin, de Lajarte, de
Mme de Granval, d'autres encore ont prouvé que la source des
éludes sérieuses et du sentiment musical religieux n'était pas en-
core tarie. L'adoration est un état de l'âme que la musique peut
seule exprimer et qu'elle a traduit en des pages immortelles.
Dans ce tableau rapide du mouvement musical de l'année, je
n'aurais garde d'oublier les développements de la virile institution
du chant choral populaire. Les sociétés orphéoniques , vocales ou
instrumentales, enserrent aujourd'hui l'Europe de leur réseau mé-
lodieux. Obéissant à des chefs habiles, encouragées par les gou-
vernements, ralliant à elles la sympathie des intelligences les plus
élevées, elles savent comprendre le beau et faire le bien : en
France, ces paysans-musiciens, ces artisans-chanteurs ont versé,
cette année, près d'un demi-million dans les caisses de la bien-
faisance publique.
L'année 1867 a vu naître environ seize journaux de théât'-e et de
musique et paraître un grand nombre d'ouvrages et traités con-
cernant notre art, sans compter les almanachs. Dans l'examen
détaillé de ce mouvement littéraire spécial et des judicieux travaux
de la presse musicale de Paris, de Londres et d'Allemagne, il y
aurait certainement matière à un chapitre riche en documents in-
téressants, en révélations curieuses et en piquants contrastes.
Parmi les faits généraux à porter à l'actif de l'année défunte,
je signalerai le licenciement, regrettable à bien des points de vue,
des corps de musique de la cavalerie française et italienne ; plu-
sieui's conventions nouvelles internationales relatives à la propriété
artistique; un prix de 20,000 francs accordé à l'auteur, favorisé
des dieux, de LaltaRouck; la création de nouveaux conservatoires
en Angleterre et en Russie ; la destruction complète par le feu du
théâtre de Sa Majesté, à Londres; les concours d'opéras, enfin,
ouverts par décision ministérielle, à l'Académie impériale de mu-
sique, à rOpéra-Comique et au Théâtre-Lyrique. En présence des
progrès du sentiment musical en France, l'administration a com-
pris qu'il était juste d'aider les jeunes compositeurs à surmonter
ces obstacles du début qui enchaînent parfois l'essor de toute une
carrière; elle a cherché, par ces concours, à offrir au talent l'ap-
pui le plus digne et le plus enviable, c'est-à-dire l'occasion d'un
jugement impartial et la perspective d'une publicité fructueuse et
brillante.
Il me reste la douloureuse tâche de compter nos morts. Ils sont
là, quatre-vingt-dix-huit, couchés dans le tombeau, compositeurs,
écrivains, chanteurs, cantatrices, artistes, virtuoses, professeurs,
éditeurs, auteurs dramatiques, dilettantes, protecteurs de l'art. . .
Mmes Méric-Lalande, Nantier-Didiée, Masson, Rita Favanti, Lagel,
Saint-Aubin, Persiani, les belles voix, le charme et l'émotion du
12
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
passé; Paulin Lespinasse, Mercadier, Pierre Gross, Triébert, Sin-
gelée, Mattau, Meifred, de Kontski, Wéry, Forestier, Maussant,
artistes au talent sympathique, au cœur généreux; Ernst Neu-
mann , Perelli, Immler, Barbieri, auteurs d'œuvres estimables;
Pacini, compositeur fécond; miss Glover, directrice de la Tonic
fa sol Association, de Londres, couronnée aux concours choraux
de l'Exposition ; Smart, doyen des musiciens anglais ; Mellon, di-
recteur des célèbres concerts de ce nom; Legouix, Metzler, édi-
teurs ; Ludwig Bischoff, de Bougé, Malliot, critiques d'art et
musicologues; le docteur Véron ; Crosnier, ancien administrateur
de l'Opéra ; notre regretté Georges Kastner, noble et laborieuse
existence dont aucun feuillet n'est à arracher... Combien d'autres
encore qui furent utiles, aimés, amusants et célèbres dans le
monde; malheureux ou maltraités autant qu'intelligents, choyés,
dévoués et courageux : preuves frappantes pour qui les étudie
qu'il faut toujours faire son devoir, puisque la belle mémoire qu'on
laisse est la vie éternelle qui récompense et qui venge!
Riche des exemples du présent et des traditions du passé qu'il lui
a été donné de comparer ; fortifié au contact de ces robustes in-
fluences; en quelque sorte pénétré d'une substance où s'est épan-
chée lai'gcment la véritable volonté des peuples, 1867, et ce ne sera
pas sa moindre gloire, a donné pour la première fois le consolant
spectacle d'une haute sanction, d'une protection efficace, de récompen-
ses précieuses, prêtées et accordées à la musique, le seul art à com-
pléter, en effet, le seul qui progresse, le seul nouveau; pour la
première fois, dis-je, car auparavant on ne protégeait, on ne con-
sacrait soigneusement que la peinture, la sculpture, tous les arts
du dessin. De l'année écoulée, grâce à la concentration des for-
ces vives de l'intelligence qu'elle a magnifiquement suscitée, grâce
à la mémorable sanction donnée par elle à l'âge héroïque du tra-
vail, datera la vulgarisation et comme la preuve pratique de cette
grande vérité, à sa^•oir que la recherche du beau ne se divise pas
en études rivales et en manifestations d'antagonisme. Mozart et
Racine, Beethoven et Shakspeare, Meyerbeer et Rubens, et tous
les vrais génies ont marché aussi droit les uns que les autres vers
l'éternelle lumière où se complète l'harmonie des sublimes inspi-
rations.
Em.-iAUthieu UE monter.
CONCERTS POPDLÂIBES DE fflDSIQUE CLASSIQUE
AU CIRQUE NAPOLÉON
l.éoiiard.
Aux concerts populaires de musique classique fondés par
M. Pasdeloup, il y a toujours un pupitre dressé pour tous les
grands violonistes de l'Europe : Sivoi'i, Alard, Joachim, Wilhelmy,
l'ont occupé tour à tour, et, dimanche dernier, Léonard y compa-
raissait, Léonard, connu, aimé de tous, qui dernièrement a jugé
à propos de quitter la Belgique pour la France, et d'établir son
quartier général à Paris.
Dès son arrivée, le célèbre artiste nous donna un charmant con-
cert, où son talent s'appuyait sur celui de sa charmante femme,
l'un des fleurons les plus brillants de la famille des Garcia. Di-
manche, il a paru seul dans un beau et large morceau, son qua-
trième concerto, où il a montré successivement toutes les qualités
dont son art se compose : sûreté d'archet, justesse de son, gran-
deur et force de style, élégance et finesse. Aussi Léonard a-t-il été
reçu les bras ouverts, acclamé à plusieurs l'eprises par toute la salle
et spontanément par les musiciens mêmes de l'orchestre. Jamais il
n'y eut de succès plus général, plus enthousiaste et plus significatif;
on a reconnu le professeur que la Belgique voulait retenir à tout
prix et dont ses regrets attestent la valeur. Heureusement la France,
qui la première consacra son talent, n'est pas ingrate et elle saura
lui faire retrouver ce qu'il a quitté pour elle.
Le concert dans lequel s'encadrait ce morceau était fort habi-
lement composé ; d'abord, : la belle ouverture en mi majeur de
Fidelio, la ravissante symphonie en mi bémol d'Haydn ; puis un
adagio fort remarquable de Gouuod ; après le concerto, venait
l'ouverture de Mendeissohn, la Mer calme, dont le charme et le
mérite consistent dans de belles et pures harmonies, et enfin, Yin-
vitation à la valse, avec la célèbre instrumentation de Berlioz.
Léonard rayonnait au milieu de toute cette musique si variée, il
rayonnait de manière à laisser un long souvenir- de lui, comme
virtuose et comme compositeur. La France a prouvé qu'elle était
heureuse et fière de sa conquête : elle a pris Léonard et elle le
gardera .
P. S.
REVUE DES THEATRES.
Odéon : la Saint- François, comédie en un acte et en prose, par
Mme Amélie Perronnet; les Amoureux de Marton, comédie en
un acte et en vers, par M. Léon Supersac. — Porte Saint-Mar-
tin : IS67, revue eu cinq actes et vingt-cinq taJjleaux, par
MM. Clioler frères et Koning. — GArrÉ : les Treize, drame en
cinq actes et six tableaux, par iMiVl. F. Dugué et G. Peaucellier.
En attendant la grande pièce de M. Pierre Bei'ton, sur laquelle
rOdéon croit pouvoir fonder de légitimes espérances, ce théâtre
vient de donner coup sur coup, dans la même soirée, deux petites
comédies qui ont complètement réussi. La première est en prose
et s'appelle la Saint-François. C'est le début littéraire d'une dame
qui s'est déjà fait connaître dans le monde artistique comme pia-
niste distinguée. Les sympathies du public ont suivi Mme Amélie
Perronnet à la scène, et lui ont prodigué des encouragements qui
la décideront sans doute à persévérer dans cette nouvelle et pé-
rilleuse carrière. La Saint-F ançois n'est cependant qu'une promesse
où l'on voit poindre d'aimables qualités, de la grâce et du senti-
ment. C'est un tableau de famille qui rappelle les sujets préférés
de Greuze. Tout le monde est réuni pour célébrer la fête du chef
de maison ; mais un couvert est vide à la table du festin, c'est
celui du fils qui a encouru la disgrâce paternelle pour avoir préféré
la fortune des lettres aux hasards du commerce.
En dépit de ses propres rigueurs, le père regrette son enfant
chéri, dont il se ci'oit oublié. Mais, à cet instant même, le jeune
homme risque sa vie pour l'honneur de son nom. On comprend
les angoisses de toute cette famille rassemblée pour une fête, et le
bonheur du père quand son fils, sain et sauf, vient se jeter dans
ses bras.
La seconde pièce, agréablement versifiée par M. Léon Supersac,
est intitulée les Amoureux de Marton. Marton, la fine soubrette, a,
en effet, trois amoureux, mais tous trois de commande. Son maître,
M. Géronte, l'a léguée avec tous ses biens à celui de ses collaté-
raux qui se ferait aimer d'elle. Un tabellion, madré et retors, l'em-
porte sur ses concurrents; mais quand il a épousé Marton, il re-
connaît qu'il a été mystifié par le défunt, dont les trésors sont au
fond de la mer. La fortune lui échappe, mais Marton lui reste ;
l'avenir lui apprendra s'il y a compensation.
Il faut dire, à la louange des artistes de l'Odéon, que ces deux
comédies sont fort bien interprétées, la dernière surtout, par Mar-
tin et par Mlle Damain.
DE PARIS.
13
— La Porte-Saint-Martin a joué sa grande revue, (|uc l'on pfut
même traiter de grandissime, car elle dure de sept heures à mi-
nuit. C'est une lanterne magique, où tout est pour les yeux. La
part des auteurs se borne à la préparation, à l'eneliaîiiemcnt
d'une foule de tableaux splendides, dont l'honneur appartient au
metteur en scène, au machinisle et au décorateur. Ne soyons-
donc pas aussi sévère pour ces messieurs que l'a été le public de
la première représentation. Constatons d'ailleurs que l'enthou-
siasme maladroit de la claque patentée a été pour beaucoup dans
l'esclandre qui a troublé cette soirée et qui a nécessité une en-
quête de la part du préfet de poiic3. Les spectateurs ont protité
de cette circonstance pour affirmer leur di'oit de siffler en opposition
avec les applaudissements payés par les directeurs de théâtre, et
nous avons tout lieu de croire que ce droit ne sera plus contesté.
Les auteurs de la Revue ont eu le contre-coup du débat engagé
en dehors d'eux, et ils ont reçu les horions de la foule agacée.
Mais, en somme, ils n'ont pas tout à fait mérité leur sort. Le ca-
nevas de leur pièce n'est pas plus mauvais que tant d'autres, et
il remplit exactement son but, qui consiste à nous montrer toutes
les curiosités, toutes les magnificences de l'année 1867. Avec un
aussi charmant cicérone que Mlle Honorine, et un aussi joyeux
compère que Laurent, on ne sent pas trop la fatigue de ce long
voyage à travers le passé. Et puis, que de merveilles! quelles ri-
chesses et quelles splendeurs! Les Champs-Elysées, le Palais de
l'électricité, Paris à vol d'oiseau, le jardin réservé de l'Exposition,
la galerie des machines, le champ de course, et il est probable que
nous en oublions.
Quant aux exhibitions d'artistes, il faut avouer qu'elles ne sont
pas toutes très-lieureuses. On a eu tort de déranger Mme Thierret
pour si peu. Les formes plastiques de Mlle Delval sont beaucoup
trop connues pour l'abus qu'on en fait. Les parodies de Mlle Silly
ne sont généralement pas marquées au coin du bon goût, et sa
camarade Schneider a été bien vengée de ses attaques malséantes
par le mauvais accueil qu'on leur a fait.
En revanche, la réapparition de Mlle Thérésa, après une longue
absence, a été l'objet d'une chaleureuse ovation, que nous com-
prenons jusqu'à un certain point, car, en vérité, l'art n'est pas
aussi étranger que bien des gens le disent au succès de cette
Reine de la chanson populaire. Darcier n'est pas, non plus, un
chanteur à dédaigner ; mais sa manière discrète pâlit singulière-
ment auprès de la rondeur toute prime-sautière de Thérésa.
Nous ne parlerons que pour mémoire des deux nains Primo et
Ernesto, sur qui repose la critique de M. de Camors, d'Octave
Feuillet.
La partie chorégraphique a de l'ampleur et de l'éclat : le ballet
des Francs-Tireurs ne manque pas d'originalité, celui des Japonais
de bizarrerie, et le grand ballet du Sport, légèrement contesté le
premier soir, est aujourd'hui l'un des plus précieux attraits de la
pièce, grâce au talent sérieux de Mme Zina-Mérante et aux pi-
rouettes fantaisistes de Mlle Mariquita.
Enfin, nous devons dire que la musique occupe une large place
dans cette immense Revue. Parmi les morceaux nouveaux, nous
citerons les deux chansons de Thérésa, la ronde de Mlle Silly, le
chœur de la Vapeur, par Hervé, la grande scène de Darcier, la
Tyrolienne et les couplets de la Poule, par Chautagne, un rondeau
et deux chœurs d'eunuques et de Chinois, par DebiUemont, l'ou-
verture, la musique de scène et celle des ballets par le nouveau
chef d'orchestre, Albert Vizentini.
— Bien différente de la Porte-Saint-Martin, la Gaîté abandonne
la féerie pour se retremper dans le drame pur-sang, qui parais-
sait être passé de mode. La l'cprésontation des Treize laisse au
moins la chose en suspens, et ce genre condamné n'en aura pas
en Vain appelé à ses juges. Balzac est-il d'un grand poids dans ce
moiivcnienl de lu iialance? Quoi qu'en disent les auteurs du drame
nouveau, qui ont V(julu pailager leur gloire avec le romancier de
la Comédie humaine, nous ne le pensons pas. Leur Fcrragus est
bien un empi'unt fait à Balzac; le point do départ de leur pièce
est bien le même que celui du livre. Mais à cela se borne la simi-
litude des deux œuvres. Ferragiis, l'ancien forçat, le chef des
Treize, se sert de son redoutable pouvoir pour protéger l'honneur
et le repos de sa lille Clémence: mais ici l'action bifurque et ne
se rattache plus à Balzac que par l'intervention de la duchesse de
Langeais, une autre de ses créations, absente du roman de Fcrra-
gus. Cette duchesse, qui veut perdre Clémence, est condamnée
par les Treize, et Ferragus est chargé de la marquer au front
d'un fer chaud; par bonheur, Clémence a appris que la duchesse
est sa sœur, et, pour épargner un abominable crime à son père,
elle la sauve, et court s'enfermer avec elle dans un couvent sur
les bords de la mer. Un général, qiii aime la duchesse, la poursuit
jusqu'au fond de son asile; Ferragus vient l'arrêter en le menaçant
de son épée, mais au même instant on entend les prières des
morts, et le couvent rend à Ferragus le cadavre d'une de ses
filles. Laquelle? L'aspect de la duchesse apprend que c'est Clé-
mence, et le père désolé ne songe plus à disputer l'autre à l'amour
du général.
Ce drame, très-intéressant et ti'ès-habilement conduit, a été très-
applaudi, surtout dans sa dernière partie. Dumaine est parfait dans
le rôle de Ferragus, et il y est fort bien secondé par Lacresson-
nière, par Mlle Lia Félix et par Mme Juliette Clarence.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
:i*jg Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi l'Africaine. — Mer-
credi, le Trouvère et la Source. — Faure, remis de son indisposition, a
repris vendredi son rôle dans Guillaume Tell.
a,*jtf Les études A'Hamlci sont poursuivies avec activité, et l'on compte
que l'œuvre nouvelle d'Ambroise Thomas fera son apparition à la fin de
février au plus tard.
if*^ liohinson Crusoè. Tait toujours de belles chaudjrécs au théâtre de
l'Opéra Comique.— Mlle Brunet-Lafleur continue avec beaucoup de succès
ses débuts dans le rôle d'Angèle du Domino Jioir., qui attire beaucoup de
monde.
**^ Les études d'Un jour de bonheur sont activement suivies. Les répé-
titions générales vont commencer incessamment.
^*^ MM. de Leuven et Ritt viennent d'engager une jeune élève du
Conservaloii'e, Mlle Labrunie.
^*^, La Traviata a été donnée au théâtre Italien mardi, avec Adefina
Patti et Steller dans le rôle de Germond.— JeuOi le célèbre baryton chan-
tait avec Mlle Kraiiss dans la Lucrezia Borgiti. — Hier on a repris la
Gasza ladra avec Mlle Patti, Gardoni, Agnesi, Mlle Grossi et Ciampi.
^*^ L'engagement qu'Adelina Patti a contracté avec le théâtre de Saint-
Pétersbourg ne privera pas le public parisien de son talent pour l'année
prochaine. Elle chantera au théâtre Italien pendant les mois d'octobre et
novembre, en Russie de décembre à février, et de nouveau à Paris en
mars et avril.
*** Cresci vient de résilier à l'amiable l'engagement qui le liait à
M. Bagier. Il est reparti pour l'Italie.
.j*^ Depuis longtemps, les échos du théâtre Lyrique n'avaient retenti
d'applaudissements pareils à ceux qui ont accueilli jeudi soir la reprise
de fa Fanchonnelle. C'est qu'aussi Mme Garvalho, dont ce rôle avait
établi si solidement la réputation au moment où elle passait du
théâtre de l'Opéra-Coniiq-ie à celui du boulevard du Temple, y repa-
raissait dans tout l'éclat de son magnifique talent, mûri par les grands
rôles qu'elle a créés depuis onze ans. Si, dans la classification des .
œuvres lyriques, la Fanchonnotle n'occupe qu'un rang secondaire, elle
n'en est pas moins un des opéras -comiques contemporains les plus amu-
sants et les plus sympathiques. Les nombreux morceaux qu'elle contient
sont admirablement écrits pour faire briller une première chanteuse, et
14
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
quand cette première clianteiise est de la force de Mme Carvallio on
comprend le parti qu'elle en devait tirer. Aussi la romance : Mon pauvre
cœur, lais-toi, la ronde qui termine le premier acte, le Noël de M. Jean,
le boléro et parliculièrement le délicieux duo de la vieille tante avec
son neveu, au troisième acte, la portèrent-ils aux nues. Ce triomphe
s'est reproduit jeudi. Les mélodies faciles, mais séduisantes, de Clapisson,
dites avec une pareille perfection, ont valu à leur interprète bravos sur
bravos, rappels et couronnes Monjauze rentrait ce jour-là, sur la scène
qu'il avait momentanément quittée, et sa part dans le succès a été d'au-
tant plus grande qu'un repos de quelques mois a l'endu beaucoup de
fraîcheur à sa voix. Aussi a-t-on bissé ses coup!els d'entrée et a-t-il été
applaudi chaleureusement après sa romance du deuxième acte et le duo
du troisième. Cette reprise, par .«-on éclat et sa solennité, présage à la
direction une suite de fructueuses repré.senlalions.
^*^ C'est sous le titre de Elisabelh en Hongrie et non du Hoi de la
Montagne, comme nous l'avons annoncé par erreur, qu'on répète en ce
moment au théâtre Lyrique le nouvel ouvrage de M. Jules Béer Mlles
Schroeder et Ducasse, MM . Massy, Ismaël et Barré y rempliront les prin-
cipaux rôles.
,j*^ Aux litres d'opérettes que l'actif Athénée se propose de jouer pro-
chainement et dont nous avons donné la liste, nous ajouterons un
Riquet à la houppe dont la musique est due à la plume élégante et fine
de Deflès.
,*;:- Ainsi que nous en avions donné la nouvelle, le Pardon de Plocrmel
a été récemment et pour la première fois représent(; à Dijon. Les difficul-
tés qu'il a fallu vaincre ont été grandes; la direction a fait rie vaillants
efforts pour que la mise en scène, les décors, le torrent, les effets de
lumière électrique, les chœurs, l'orchestre, les artistes, tout enfin con-
courût à la réussite complète de l'œuvre. Le rôle de Dinorah a été un
triomphe pour Mme Boulangeot. M. Ferrier joue et chante Hoël avec
beaucoup d'énergie; MM. Fetlinger et Delparle ont fait bisser l'air du
Chasseur et celui du Faucheur. Le public se presse aux représentations
de ce bel ouvrage qu'aucune direction dijonnaise n'avait encore osé
aborder.
^"^ Les théâtres de Reims et d'Avignon viennent de jouer la Grande-
Duchesse, avec un égal succès. Sur ces deux scènes, l'ouvrage a été
bien monté et convenablement distribué. Mme Vauthier, MM. Minne et
Châtillon ont reçu du public rémois un accueil sympathique. On
écrit d'Avignon que l'espèce de pruderie introduite dans son rôle par
Mlle Coinde (la Grande-Duchesse), ne saurait porter atteinte à la pièce
qui gagne presque à être jouée de la sorte et sans cascades exagérées.
,^*^ Les "répi'titions de Robinson Crusoé sont poussées avec une grande
activité à Bruxelles, à Lyon, à Bordeaux et à Genève; le théâtre de
Marseille se dispose également à le mettre à l'étude
^*if I.es Nuits de Florence : tel est le titre d'un nouvel opéra en trois
actes, qui doit être représenté prochainement sur le Grand-Théâtre de
Lille. Cet ouvrage est dû à la collaboration de MM. Brun Lavainne pour
les paroles, et Ferdinand Lavainne pour la musique; la réputation de ce
dernier, comme compositeur, est une garantie de succès. Aussi la direc-
tion eompte-t-elle Sur cet ouvrage, et sur Roméo et Juliette de Gounod.
pour clôturer dignement l'année théâtrale.
^"^ Martha ne ralentit pas ses pérégrinations heureuses « aux rives
étrangères. « On l'a représentée la semaine dernière, sous des cieux bien
différents : à Genève et à Alger. Ici comme là, comme partout, le mélo-
dieux opéra de Flotow a su plaire et a été un succès de partition et d'ar-
tistes.
„;** On lit dans la Gazette des Étrangers : « L'opéra italien en Chine !
Une troupe- italienne et un ballet sont attendus à Hong-Kong au prin-
temps prochain, pour donner des représentations au Teatro^ Lusitano.
L'ouverture aura lieu par // Trovatore. Les prix d'entrée sont à peu
près les mêmes qu'à Paris et à Londres; une stalle est cotée 25 francs;
une loge de six personnes, 123 francs. »
^*,t. On écrit de Londres que la reconstruction du théâtre de Sa
Majesté, décidée en principe, va commencer prochainement. Les entrepre-
neurs se sont engagés à la livrer pour le l" janvier 1869. M. Mapleson
fait rafraîchir la salle de Drury Lane pour y donner ses représentations
la saison prochaine.
NOUVELLES DIVERSES.
3^*, A l'occasion du jour de l'an, S. Exe. le maréchal Vaillant, ministre
de la Maison de l'Empereur, a reçu aux Tuileries le haut personnel
du Conservatoire Impérial de Musique et MM. les directeurs des théâtres
de Paris.
if*^ Au troisième concert du Conservatoire, l'exécution de la symphonie
en la de Beethoven, qui figurait en tête du programme, a été de tous
points magnifique : précision, nuances, mouvements, rien n'a laissé à
désirer. — Le délicieux chœur des nymphes de Psgché, d'Ambroise Tho-
mas, si scénique et d'une si délicate contexture, a été bissé. — Mme Tar-
dieu de Malleville, qui a exécuté le huitième concerto pour piano en ré
mineur de Mozart, a eu de beaux moments dans la poétique et suave
romance en si bémol; mais son succès n'a pas été très-vif dans le pre-
mier et le dernier morceau, et force nous est de dire que le public a
élé juste. C'est un léger échec qu'elle eût pu éviter en comptant moins
sur elle-même et sur ce concerto, qui lui est familier depuis longtemps,
et dont l'exécution a péché principalement du côté technique. — M. Wa-
rot a chanté l'air célèbre de Slralonice : Versez tous vos chagrins, avec
un bon style; il a été justement applaudi. On a également fait très-bon
accueil à la marche du Tannlmuser, qui terminait le concert, et qui a
été fort bien dite. — Le programme d'aujourd'hui comporte quelques chan-
gements, par suite de la décision prise au commencement de cette année
par le Comité de ne pas faire entendre deux fois de suite les mêmes
soHstes; ainsi le concerto de Mozart est remplacé par un concerto de
violon composé et exécuté par M. Garcin, membre de l'orchestre, et
l'air de Slralonice par le chœur Alla beala Irinità. Cette mesure, établie
en vue de permettre à un plus grand nonibre d'artistes de se produire,
les prive aussi de la moitié de leur public, puisqu'une seule série d'a-
bonnés pourra désormais entendre chacun d'eux.
*'** Voici le programme du onzième concert populaire de musique
classique qui sera donné aujourd'hui à 2 heures, au cirque Napoléon,
sous la direction de J. Pasdeloup : 1° Symphonie en sol mineur de Mo-
zart (allegro, andante, menuet, finale); — 2° Ouverture de Manfred de
Robert Schuinann, \"^ audition; — 3° Sicilienne, menuet de J. -Sébastien
Bach [V audition); — i" 9« symphonie de Beethoven (i'" partie : alle-
gro un poco maestoso, adagio cantabile, scherzoj; 3° — Ouverture de
Guillaume Tell de Rossini : soli par MM. Brunot (flûte); Casleignier fcor
anglais); Poëncet (violoncelle).
^,*t La cinquième séance de musique de chambre donnée par M. Bo-
newilz le 29 décembre, offrait l'intérêt d'une nouveauté qui avait son
prix pour les amateurs de bonne musique. Nous voulons parler d'un
trio (op. 18) pour piano, violon et violoncelle, de M. Saint-Saëns, œuvre
d'un très-grand mérite, et qui, fort bien exécutée par M.M. Bonewitz,
Telesinski et Norblin, a produit un excellent effet. — M. Bonewitz an-
nonce une nouvelle série de matinées, à dater du 19 janvier, dans les
salons Kriegelstein. On entendra dans la première un tiio de Charles
Dancla .
^*^ Une très-belle salle de concert, à laquelle on a donné pour parrain
l'illustre auteur des Huguenots, a été inaugurée à Liverpoul le 31 dé-
cenibre dernier. La Meyerbeer-Hall est située dans Hardman Street. La
première soirée a été splendide: après un prologue en vers lu par M. H.
Edward Hime, et couvert d'applaudissements, un concert a eu lieu au
profit des Israélites pauvres de Liverpool. La fête s'est terminée par un
bal qui a largement empiété sur Tannée nouvelle.
i*,j, L'inauguration du grand orgue de Notre-Dame, aura lieu pro-
chainement, avec une solennité exceptionnelle. Les organisles les plus
célèbres de l'Europe, convoqués à cette occasion, .'e feront entendre dans
l'église métropolitaine, et se réuniront en un congrès où seront agitées
plusieurs questions intéressantes relatives à la musique religieuse.
»*,^ Mme Oscar Comettant a repris, dans son salon de Versailles, les
soirées musicales qui ont le rare privilège d'attirer la meilleure Société
de la ville du grand roi. A la dernière de ces réunions, Mme Comet-
tant a chanté, avec un sentiment exquis et la méthode à laquelle elle doit
sa réputation, le Vallon de Gounod et une sonate en la, de Mozart, arran-
gée pour la voix. On a chaleureusement applaudi Alard, dans un solo
de sa composition .
^*^ Nous sommes heureux de constater le nouveau succès que les
deux charmantes sœurs Rila et Nina Pellini viennent d'obtenir en
chantant pour la seconde fois de cet hiver au concert donné par la
Société philharmonique de Rueil. On leur a fait l'accueil le plus flatteur,
et les applaudissements les plus chaleureux leur ont été prodigués après
le duo de la Pia di Potolomci et dans un autre duo de Géraldy, les Prés
verts, qui a été expressément écrit pour les deux gracieuses cantatrices.
Mlle Rita, l'aînée des deux sœurs, n'a pas été moins heureuse dans un
air russe et dans une romance française. A côté d'elles, on a remarqué
et applaudi le jeune pianiste Kowalski, qui a exécuté à merveille un
morceau de sa composition sur Don Juan, et le chanteur M. Castel, qui
a égayé son auditoire par ses chansonnettes.
^^"-^ Deux œuvres magistrales, du genre le plus opposé, le Désert de
Félicien David et Der Rose Pilgerfahrt, de Robert Schumann formaient
DE PAKIS
15
le programme du dernier concert de la Cônconlia de Mullioiit;e. Celle
jeiuie et vaillante Société orphéoniquo, dirigée par M. J. Heyber^cr
avec tant de zèle et de talent, et renforcée par un orcliestrc de mérite,
s'est réellement surpassée dans l'interprétation de ces deux importants
poëmes mélodiques. Le public n'a pas ménagé les marques de sa vive
sympathie aux membres de la Concordia qui, répudiant les succès faciles
consacrent de longs mois à l'étude des œuvres sévères et en révèlent, à
un Jour donné, les beautés saisissantes.
^*^ Berlioz continue d'être, à Saint-Pétersbourg, l'objet des plus sym-
pathiques manifestations. Déjà on a pu remarquer, dans notre dernière
correspondance, que l'une de ses œuvres (igurait au programme du
second concert, bien qu'il eut été convenu que le dernier .seul lui serait
réservé; mais le dilettantisme russe, qui a voué un véritable culte à
notre illustre compalriote, n'a pas eu la patience d'attendre et a voulu
l'applaudir dès le début. Au troisième concert, Berlioz a dirigé, avec cet
admirable talent de chef d'orchestre que per.ionne peut-être ne possède
comme lui, l'exécution de la symphonie en ut mineur de Beethoven, le
second acte A'Orphéc de Gluck, dont les -soli ont été chantés par une
élève du Conservaloii-e, Mlle Nawroski, douée d'une magnifique voix rie
contralto, et son ouverture du Carnaval romain; son caprice pour violon
a été joué avec un très-grand succès par Henri Wieniawski. On répète,
pour les concerls suivants, la symphonie de HaroU, la seconde partie de
l'Enfance du Ciirist, d'importants fragments des Troyens et la belle mélo-
die de la Captive, avec accompagnement d'urcheslre; autant de triomphes
qui attendent l'éminent compositeur.
t*jf Ullmann vient d'augmenter sa compagnie d'artistes de l'excclent
flûtiste M. Do Yroyes; il l'a engagé pour huit concerls.
,;;%, L'excellent violoniste Alfred Holuies est engagé pour jouer diman-
che prochain 19 janvier, au concert du Conservatoire de Bruxelles. Il y
exécutera le concerto de iMendelssohn et un amiante avec orchestre, VA-
doralion, de sa composition.
5);*^ Le Chant de guerre, à quatre mains, par M. Henri Herz, vient de
paraître, et nous nous empressons de l'annoncer. Nous avons eu la
bonne fortune d'entendre ce délicieux morceau exécuté par MM. Henri
Litolfl' et Henri Herz, et d'après l'effet qu'il a produit, nous croyons
pouvoir lui prédire un grand succès.
3,*!, Hier a eu lieu le quatrième bal de l'Opéra. Grande foule et mu-
sique entraînante de l'orchestre de Strauss, dirigé par son habile chef.
i*4 Un nouveau journal de musique vient de se fonder h Londres,
sous le titre d't'xeler-HaU. 11 est consacré, comme son aîné The Choir,
à la muMque l'oligieusc, et spécialement à celle qui, d'après un usage
anglais très-répanclu, s'(xécute en famille le dimanche soir. Des compo-
siteurs de mérite collaboreront à cette feuille, que publie la maison d'é-
dition Motzler et C=.
,^*^ Au nombre des nouvelles publications musicales appelées à obte-
nir un succès mérité, nous signalerons l'heureux débutd'un jeune com-
positeur espagnol, M. Edouard Ocon, dont plusieurs salons parisiens ont
déjà pu apprécier le talent original et .sympathique. Sa barcai'olle. Hérons
à notre amour, dont les paroles sont traduites do l'espagnol, est une de
ses plus charmantes inspu'ations, et nous comprenons que Mme Marie
Cabel en ait accepté la dédicace.
^*^. Un des vétérans de l'art niusical, le cantor de la Thoraasschule
de Leipzig, Moritz Hauptmann, vient de mourir dans cette ville à l'âge
de soixante-quinze ans. Il était né à, Dresde le 13 octobre 1792. La place
de cantw de la célèbre école de Saint-ïhomas avait été jadis occupée,
comme on sait, par Sébastien Bach. Moritz Hauptmann laisse, comme
professe'ur de contrepoint et compositeur, un nom honoré; les artistes
les plus distingués d'Allemagne se font gloire d'avoir reçu sas leçons au
Conservatoire. Son caractère plein de noblesse et de bienveillance ne lui
avait attiré que des amis.
.^*^ M. Franck-Marie, qui fut longtemps critique musical à la Patrie,
vient de mourir à Rome dans un âge peu avancé; il n'avait que trente-
deux ans.
ÉTRANGER
^*jf Berlin. — A peine de retour de Varsovie, où elle avait été escortée
par les adieux enthousiastes du public, et oi^i son directeur lui avait
offert une belle bague, Mlle Artôt a fait sa rentrée à Berlin avec le suc-
cès qui l'accompagne partout. Elle y a chanté le Domino noir, et à la
première représentation de cet ouvrage, on a fait bisser plusieurs mor-
ceaux à l'éminente cantatrice et on lui a jeté de nombreux et magni-
fiques bouquets. Mlle Artôt a, depuis, reçu dans la Somnambule un
accueil aussi brillant ; elle doit encore pa.sser Ici mois de février à Var-
sovie, à la grande joie du dilettantisme di; celte ville, puis elle reviendra
à Berlin pour le reste do la siiisoji.— Le théàlre de Friedrich-Wilhclms-
tadt a encaissé pendant l'année JH(i7: 111,000 thalcrs; les receltes de la
Vie Parisienne, d'Oflenbach, entrent dans ce total pour p'ès de la moitié.
jf*sf: Cologne. — Roméo cl Juliette a été donné le 4 de ce mois; l'œuvre
de Gounod a été favor-aldement accueillie du public.
*** Vienne. — Mlle d'EdeIsberg a fait un heureux début dans le rôle
de Fidès du Prophète. — Roméo et Juliette de Gounod est prêt à passer.
Mignon .sei-a monté ensuite. — Une opérette de Stanislas Duniecki, Lu-
cifer, a été donnée avec succès au théâtre An der Vien ; Zampa, avec
Robinson dans le rôle principal, attire la foule à ce théâtre. Les répéti-
tions de Robinson Crusoé .se poursuivent aclivemenl. — Joachim et Ru-
binstein ont fait, chacun de leur côté, leurs adieux au public do Vienne,
où ils ont recueilli d'enthousiastes bravos.
^*^ Madrid. — Itiyolctto a servi aux débuts de Mlle Léontine de Mae-
sen, qui a pleinement réussi. Bonnehéo a été superbe dans le rôle de
Rigoletto. — Dans Un Ballo in mischera , Mme Lafont, dont l'engage-
ment vient d'être prolongé d'un mo's et demi, s'est fait chaleureuse-
ment applaudir avec Tamberlick, Bonnehée et Mme Sonieri.
^*^. Barcelone. — Fra Diavolo et le Pardon de Ploërmel, avec récitatifs
et pai'oles italiennes, viennent d'être mis à l'élude au théâtre du LIceo.
,,•"% Rome. — La censure ayant refusé d'approuver le libretto de Don
Carlos, l'imprésario .lacovacci, désireux de donner l'œuvre de Verdi, y a
laissé introduire d'impurlanis changements, qui dénaturent complète-
ment certaines situations et certains caractères.
^■■,, Florence. — La Pergola a inauguré la saison d'hiver le 31 dé-
cembre avec Un llallo in mascliera. Mlle Rusa Csillag, pour ses débuts, y
a i-emporté un très-beau succès, qui a augmenté encore le lendemain à
la représentation de gala donnée en présence du roi et de la cour.
f*^; Modène. — Gli Vgonotti ont brillamment ouvert la campagne le
29 décembre. La basse Segri-Segarra s'est particulièrement distingué
dans le rôle difficile de .Marcel.
.J'.^: Milan. — Le théâtre Santa-Radegonda se fait de belles soirées avec
Ciceo e Cola, opéra-bufifa en quatre actes du maestro napolitain Buo-
nomo.
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traits tout artistiques et d'une grande ressemblance; par la perfection de
la musique photographiée, dont les types, quoique aussi réduits que pos-
sible, sont cependant très-lisibles; enfiii par un format exceptionnel qui
la rend vraiment portative. Rien de plus commode, en effet, que de
pouvoir ]ilacer dans sa poche un étui renfermant vingt à trente cartes-
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16
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2° La nouvelle organisation instrumentale prescrite par l'ordonnance
ministérielle du 19 août 1843.
3° La description et la figure des instruments qui la composent, notam-
ment des nouveaux instruments de M. Adolphe Sax.
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4. Les Soldats du génie.
b. Les Artilleurs à cheval.
6. Les Artilleurs à pied.
7. Les Pontonniers.
8. L'Infanterie de marine.
9. Les Matelots.
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5. Les Hussards.
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7. Les Spahis.
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REVUE
19 imm 1868.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. 24 r. par on
Départements, Belgique et Suisse..., 30 ». id.
Étranger 31 » id.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Histoire de la musique instrumentale (9' articlel, par Mau-
rice Cristal. — Littérature musicale: l'Acouslique-i ou les Phénomènes du
son, de R. Radau, par Arthur fou^in. — Correspondances : Bruxelles et
Moscou. — Nécrologie: Bocquillon, par Thomas SauTage. — Nouvelles
des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — annonces.
HISTOIRE DE l MUSIQUE INSTRUMENTALE
(6= article) (1).
On n'ignore pas que tous les peuples ont eu, en général, une
prédilection marquée pour les timbales, les tambours et les trom-
pettes. C'est un goût que les Allemands, tout aussi bien que les
Russes et les Anglais, ont constamment gardé, n'en déplaise aux
nations du Midi qui ne dédaignent pas non plus ces bruyants en-
gins musicaux! Unies aux trompettes, les timbales servaient à
former des espèces de fanfares qui se nommaient entrées, parce
qu'elles retentissaient pour saluer l'arrivée des grands personna-
ges. Ces fanfares acclamatives, ces toasts musicaux, comme les
appelle spirituellement M. Kastner, se sont perpétués jusqu'à nos
jours dans le Nord, en Angleterre, en Russie, en Allemagne, et
le tusch, sorte d'impromptu musical au moyen duquel les artistes
des orchestres d'Allemagne manifestent, sous forme d'ovation,
leur sympathie pour un illustre compositeur, pour un habile vir-
tuose, qui vient d'obtenir un succès brillant, en est sans doute
dérivé.
Dans les pays du Nord, point de belles fêtes sans timbales et
sans trompettes : les noces et les festins s'animaient à leur fière
harmonie, à leurs accents enthousiastes! Seulement, les lois de
l'étiquette n'en permettaient la jouissance qu'aux princes, aux no-
bles, aux riches, aux puissants ; ce n'est qu'en de rares occasions
que les personnei investies de charges importantes, s'aventuraient
à les utiliser pour les plaisirs concertants de leur société fami-
lière.
La faveur toute aristocratique réservée alors à ces énergiques
voix englobées aujourd'hui dans nos orchestres, tenait surtout aux
(1) Voir les n'^" 38, 40, 42, 44 el 46 de l'année 1867.
idées guerrières et chevaleresques qu'on y attachait en souvenir
des vieilles traditions de la féodalité. La musique instrumentale
du xvni'= siècle rallia ces instruments d'accents divers et les utilisa,
mais en les perfectionnant et les remaniant. Les plus bruyants
n'étaient pas les moins recherchés; cependant tout s'harmonisa, et
vers le milieu du xvni* sièsle, des différentes formes de la musi-
que, la musique instrumentale fut celle qui réalisa les progrès les
plus remarquables, surtout en Allemagne où le style et le génie de
l'instrument se manifestèrent tout à coup avec un éclat incompara-
ble. C'est alors que le concerto, le trio, le quatuor, le quintette,
la sonate à plusieurs instruments prirent à peu près le caractère
qu'on remarque dans les premières productions de Boccherini et
d'Haydn.
Les jalons des progrès accomplis peuvent être ainsi marqués.
Ce genre de pièces, par l'usage fréquent qu'on en avait fait au
xvie et au xvn"^ siècles, avait pris entre les mains des grands
maîtres, Bach, Haendel, Corelli, Tartini, des proportions et des
développements qui, en répondant également au mérite musical et
à l'intérêt de la composition, devaient amener progressivement l'art
à la forme sous laquelle il se manifeste aujourd'hui. Kobrich,
Agrel, Janitsch, Radecker, Camerloer, avivèrent l'intérêt de ces
compositions déjà en vogue. Après eux, Craft, Kurtzinger, Tele-
mann, Schwindel, Mislivecek, Toeski,Wagenseil, Stamitz et Wanlial,
iirent pressentir que le cadre symphonique pouvait s'agrandir, et
qu'il serait aisé de multiplier et de varier la petite armée instru-
mentale, mais les essais étaient encore timides ou inhabiles ; il y
manquait l'impulsion d'un homme de génie.
Les écrivains de l'époque se plaignaient surtout du peu d'audace
des compositeurs; ils sentaient germer toute une oeuvre nouvelle
et ne se rendaient pas compte que c'est par l'effort de tous les
maîtres, aujourd'hui un peu délaissés, que le fruit si longtemps at-
tendu put atteindre à sa maturité. Il est bon de constater en quel-
ques mots quelle part chacun prit au progrès général et ce que
leur intervention présenta de profitable et de fécond.
La musique de Bach, peu répandue au dehors, ne put exer-
cer qu'une médiocre influence sur les compositeurs contem
porains; elle montre ce que l'art instrumental était à cette
époque, déduction faite du génie immense du maître. La re-
nommée du grand Bach fut en effet immense, même longtemps
18
UEVUE ET GAZETTE MUSICALE
avant sa mort. Toutefois on peut affirmer que le grand homme
n'a pas été apprécié à toute sa valeur. Ses auditeurs, les maîtres
célèbres de cette époque, ont reconnu qu'il était le plus habile des
organistes, le plus merveilleux des improvisateurs, le plus docte
des musiciens de l'Allemagne. Ses fugues étaient considérées par
quelques artistes comme les plus belles qui eussent été écrites pour
l'orgue ou pour le clavecin ; ils y avaient distingué l'œuvre d'un
esprit profond et hardi dans un genre qui semble exclure l'inven-
tion ; mais on était loin de soupçonner toute la diversité et la puis-
sance du talent de cet homme qui portait en lui tout un monde
nouveau. Sa musique d'orgue et de clavecin, bien que nombreuse
et toujours admirable, n'est que la minime partie des productions
d'une verve originale qui semble avoir été inépuisable. L'existence
calme et régulière de Bach avait favorisé son pencliant au travail.
Son activité égalait son talent et, comme il vivait éloigné des
grandes villes, il resta étranger aux variations de goût et de mode
que l'art subissait de son temps. La personnalité si énergique qui
caractérise chacune de ses compositions se maintint intacte, grâce
à l'isolement où il se confina pendant toute salaboricusecarriere.il
fuyait les applaudissements, ne travaillait que pour lui et pour
quelques amis, et condamnait en quelque sorte à l'oubli les ou-
vrages qu'il produisait et qui, exécutés au moment oîi il venait de
les ternn'ner, étaient aussitôt enfermés dans une armoire d'oîi ils
ne sortaient plus.
Les effets d'instrumentation, dans les compositions de Bach,
sont si variés et si remarquables qu'on a peine à comprendre
comment cet homme, qui longtemps a vécu dans de petites villes
et qui avait peu d'occasions d'étudier les instruments , a pu si
bien les connaître et devancer son siècle dans l'art de les em-
ployer. Dans l'œuvre de Bach, l'harmonie, plus hardie que cor-
recte, saisit toujours l'auditeur par l'imprévu et par l'énergie.
Le caractère sérieux et même austère de ce maître le portait
aux amplifications magistrales de la symphonie, et s'il eût pu dis-
poser de la virtuosité d'instrumentistes de mérite, il etit été aussi
créateur en ce gem-e que Haydn et que Beethoven ; la richesse
d'instrumentation, la virilité de pensée qu'il a déployées dans sa
musique pour divers instruments, dans les sonates, dans les con-
certos, dans les ouvertures et les symphonies qu'il a laissés, font
regretter que les circonstances n'aient pas contraint son génie à
se développer spécialement dans ce genre de composition qui était
si conforme à ses aptitudes.
Guillaume-Friedmann Bach, fils aîné de Jean-Sébastien, a été,
après son père, un des musiciens les plu3 savants de l'Allemagne.
Malheureusement il préférait l'improvisation à la composition mé-
ditée; mais les œuvres peu nombreuses qu'il a laissées dénotent
la science la plus profonde et une imagination très-vigoureuse.
Sa Cmnposi'.ion de musique complé/e pour la Pentecôte, avec
orcheftre et orgue, est admirable de tous points; ses œuvres con-
certées sont toujours intéressantes et quelquefois d'une rare va-
leur. On exécute encore en Allemagne, avec succès, ses composi-
tions pour les fêtes principales de l'église, pour voix, orgue et
instruments. Il est à regretter que ces œuvres n'existent qu'en
manuscrits et n'aient pu se répandre.
Les compositions instrumentales de Charles-Philippe-Emmanuel
Bach, deuxième fils de Jean-Sébastien, ont été bien plus décisives
pour les progrès de la symphonie. Actif et perspicace, cet artiste
avait fondé à Francfort une Académie de musique dont il se ré-
serva la direction, et pour laquelle il composait dans les occa-
sions solennelles des œuvres qui sont restées des modèles. Il entra
aussi au service de Frédéric-le-Grand, pour lequel il écrivit, beau-
coup de musique instrumentale. Il fut ensuite nommé directeur
de la musique à Hambourg, où il remplaça Telemann. Les socié-
tés artistiques de cette ville le prirent pour chef; sous sa direction
elles arrivèrent à une exécution chorale irréprochable, et lui durent
leur transformation. Enfin, il fut nommé maître de chapelle de la
princesse Amélie de Prusse.
Tout ce qu'il écrivit de musique dans ces différentes positions
officielles a un cachet de nouveauté et de génie. Sa musique s'ac-
cuse par l'originalité, la grâce, la souplesse et le dédain des phra-
ses conventionnelles, des formules vieillies, de toute cette rétho-
rique routinière que le pédantisme scientifique traîne après lui.
En France et en Angleterre le succès de ce novateur fut à la hau-
teur de son talent; mais en Allemagne, où l'on était accoutumé
au style doctrinaire, alourdi des maîtres scolastiques de second
ordre, on ne sut pas appi-écier tout son mérite ; c'est cependant le
style d'Emmanuel Bach, perfectionné par Haydn et Mozart qui
depuis a charmé toute l'Europe.
Jean-Christophe-Frédéric Bach a aussi écrit des œuvres sym-
phoniqucs d'un très- haut intérêt ; mais il est moins connu que
Jean-Chrétien Bach, onzième fils de Jean-Sébastien. Sa célébrité
lui vient de ses succès de théâtre; tels sont les avantages de la
carrière dramatique. Pendant longtemps son nom et ses ouvrages
furent plus généralement répandus que ceux du grand Bach lui-
même dont cependant il fut loin d'avoir le génie. Elevé dans les
principes de la scolastique la plus austère, il eut la chance de se
passionner pour des cantati'ices italiennes; il leur fut redevable
d'étudier la musique de leur pays, de la comprendre et de l'aimer.
Plein d'admiration pour l'art nouveau qui se révélait à lui, il ré-
solut de faire pénétrer le sentiment italien dans les procédés alle-
mands. Il voyagea en Italie et en revint avec un programme mu-
sical tout réformé. C'est à Londres qu'il donna son premier ou-
vrage : Orione ossia Diana vcndicala. On y remarqua la vive
originalité de quelques beaux airs et des effets nouveaux d'instru-
ments à vent. C'est dans cette partition que les clarinettes furent
entendues pour la première fois en Angleterre.
Sans avoir la puissance d'invention, la richesse d'harmonie,
l'ampleur instrumentale de- son père, ni la variété d'idées et la
profondeur de son frère, Cliarles-Philippe-Emmanuel-Chrétien
Bach fut cependant un des musiciens les plus remarquables du
xvni*^ siècle. Ses airs sont fort l'cmarquables et plusieurs ont
joui d'une grande célébrité. Son chant n'a point de caractère qui
lui soit particulier; il se rapproche beaucoup de la manière des
maîtres italiens de l'époque où il écrivait, et surtout de ceux de
l'école de Naples; mais il a du brillant, de la facilité. Ses mélodies
sont favorables aux voix, les accompagnements sont élégants et
d'une heureuse appropriation; il a eu le mérite de doter les airs
d'opéra d'efi'ets plus dramatiques et ne ramenant pas après l'allé-
gro le mouvement lent du commencement, comme l'avaient fait
tous les compositeurs italiens qui l'avaient précédé. Son orchestra-
tion était aussi marquée d'un énergique cachet d'originalité dont
les mérites se retrouvent dans la musique instrumentale que ce
maître nous a laissée et qui jette un jour très-vif sur l'histoire de
l'orchestration à ceite époque.
Le nom de Corelli est justement célèbre dans les fastes de
la musique et il traversera les siècles sans rien perdre
de son illustration, quelles que soient les révolutions auxquelles
cet art sera soumis. Le grand artiste n'est pas moins remarquable
comme compositeur que comme violoniste. Comme directeur
d'orchestre, il s'est montré aussi d'une incomparable habileté, et
c'est ainsi qu'il a influé si magistralement sur les progrès de la
musique de chambre et de la symphonie. L'élévation de son style,
les prodiges de son exécution, tout se réunissait pour étendre la
réputation de Corelli. Ce 'n'est point par une pureté d'harmonie
irréprochable, ni par une entente très-grande des combinaisons
sonores que brillent les compositions si importantes de ce maître;
mais par une variété de chants, une richesse d'invention, une
DE PARIS.
19
ampleur j,'raiidiose, qu'ont rarement atteintes les compositeurs con-
temporains. L'étude de ces ouvrages est encore une des meilleures
et plus profitables études que l'on puisse taire, et le public les
écoute toujours avec une satisfaction marquée. Le nom qui, en
musique, mérite le plus d'être cité comme résumant l'ensemble
des compositions du quatuor, est celui de Boccberini, admirable
compositeur qui vivait en même temps qu'Haydn, et qui a si
puissamment contrijjué à la création de la musique de chambre;
mais ce génie original, qui pour ne rien perdre de son individua-
lité s'interdisait jusqu'à la bcture des grands maîtres ses contem-
porains, se refuse, par ses qualités mêmes, à un parallèle qu'on
cherche toujours à établir entre les maîtres du genre. 11 doit être
envisagé à part, et sa mimographie, quoi qu'on fasse, se détache
toujours du cadre où ses travaux semblent l'enfermer.
Mauiuce cristal.
{Ln suite prochainement.)
LITTÉRATURE MUSICALE.
L'ACOUSTIQUE, OU LES PHÉNOMÈNES DU SON,
Par R. RADAU (1).
La science de l'acoustique est une de celles qui ont été le plus
négligées en France jusqu'à ce jour. A part les écrits du baron de
Prony et du baron Blein, à part le livre ultra-fantaisiste de Louis
Lucas, l'Acoustique nouvelle, nous ne possédions sur ce sujet, jus-
qu'à ces derniers temps , que quelques rares brochures de peu de
valeur.
Un mathématicien flamand, M. Delézenne, s'est occupé cepen-
dant de ces questions délicates, sur lesquelles il a publié plusieurs
opuscules intéressants, insérés d'abord dans les Mémoires de la
Société des sciences, de l' agriculture et des arts, de Lille. Un an-
cien officier de marine, M. Edouard Patau, a fait paraître tout ré-
cemment une brochure intitulée : Science et Musique. Enfin, un
travailleur instruit et consciencieux, M. R. Radau, auquel nous
devions déjà sous ce titre : Sur la hase scientifique de la musique,
analyse des recherches de M. Hebnholts, un excellent résumé des
doctrines et des travaux du célèbre physicien allemand , vient de
■publier, il y a un mois environ, le livre plein d'attrait et d'intérêt
dont nous avons inscrit le titre en tête de cet article.
Ce livre n'est point, à proprement parler, un traité scientifique ,
mais c'est un travail vulgarisateur destiné à faire connaître, à
l'aide d'une forme familière, attachante et sans pédantisme, les
étonnants phénomènes de la production du son, et à donner sur
ce sujet des renseignement puisés dans l'observation des faits,
tout en ne tirant de ces faits que les déductions bornées au peu
de certitude que l'on possède encore sur le rapport des
effets et des causes, relativement à une science dont l'élude re-
monte pourtant à une haute antiquité.
Le livre de M. Radau est divisé en quinze chapitres, dont nous
allons reproduire les titres pour donner une idée de son impor-
tance : — l. Le son dans la nature. — II. Effets du son sur les
êtres vivants. — III. Propagation du son dans les différents mi-
lieux. — IV. Intensité du son. — V. Vitesse du son. — \'I. Ré-
flexion du son. — VIL Résonnance. — VIII. Le son est une vibra-
tion. — IX. Hauteur des sons. — X. Les notes. — XL Le Timbre.
— XII. Interférences. — XIII. La voix, — XIV. L'oreille. —
XV. Science et Musique.
(1) Volume faisant partie de la Bibliothèque des Merveilles. Paris, Ha-
chette, 1867, in-J2, orné de 114 vignettes.
Ce qu'il y a d'érudition, d'observation, de savoir et de finesse
d'analyse dans ce petit livre est incalculable, et témoigne chez son
auteur d'une lecture prodigieuse, d'une connaissance vaste et
étonnamment étendue du sujet qu'il avait à traiter. Les observa-
tions physiques et mathématiques, les phénomènes naturels, les
faits tirés des nombreuses expériences auxquelles se sont livrés les
savants de tous les pays, les lois particulières de racousti([ue, la
formation de l'écho, les études sur les ondulations de l'eau, sur
les vibrations des corps solides, sur le sonomètre, sur l'étendue de
l'échelle générale de sons appréciables, sur les limites de la voix
humaine, sur le diapason normal, sur la résonnance multiple, le
mécanisme de l'audilion, la direction naturelle des sons, tout y est
abordé, expliqué, élucidé, autant du moins que le permet l'état
actuel d'une science peu avancée encore à certains points de vue.
Et tout cela, je le répèle, est présenté sous une forme claire,
lucide, facilement saisissable, qui, au lieu de rebuter le lecteur,
comme il arrive trop souvent dans cet ordre particulier d'idées
abstraites, l'attache d'une façon prodigieuse par suite de l'intérêt
que l'auteur a su donner à sa narration, dont la rapidité est éton-
nante.
Dans le dernier chapitre, le plus important sous le rapport vrai-
ment scientifique, M. Radau analyse les travaux et les expérien-
ces des hommes distingués qui se sont principalement occupés de
CCS questions: Euler, Rameau, Sauveur, Helmholtz, etc. Enfin,
son livre est orné d'une multitude de vignettes destinées à rendre
plus facile encore la compréhension des phénomènes dont il en-
tretient le lecteur.
Et pour montrer que la forme de ce livre en rend la lecture fa-
cile et agréable, je vais terminer en lui empruntant une des nom-
breuses anecdotes que l'auteur a su y enchâsser pour donner
plus de poids à ses assertions.
Dans le but de démontrer que l'écho, ce phénomène souvent
incompréhensible, « est une personne exigeante dont il n'est pas
toujours facile de deviner les caprices, » M. Radau rapporte le fait
que voici :
« Un Anglais qui voyageait en Italie rencontra sur sa route un
écho tellement beau qu'il voulut l'acheter. L'écho était produit par
une maison isolée. L'Anglais la fit démolir, numérota toutes les
pierres et les emporta avec lui en Angleterre, dans une de ses
propriétés, où il fit rebâtir la maison exactement comme elle avait
été. Il choisit pour emplacement un endroit de son parc qui était
à une distance du château égale à celle où l'écho avait été distinct
en Italie. Quand tout fut prêt, l'heureux pi'opriétaire résolut de
pendre la crémaillère de son écho d'une manière solennelle. Il
invita tous ses amis à un grand dîner et leur promit l'écho pour
le dessert. On mangea bien, l'histoire ne dit pas si l'on ne but pas
mieux... Quand on fut arrivé au dessert, l'amphitryon annonça
qu'il allait inaugurer son phénomène, et se fit apporter sa boîte
aux pistolets. Après avoir chargé lentement les deux armes, il s'ap-
procha de la fenêtre ouverte et tira un coup. Pas l'ombre d'un
écho! Alors il prit le second pistolet et se brûla la cervelle. On n'a
jamais su quel défaut de construction avait été la cause de
cet échec. »
Arthur POUGIN.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 47 janvier.
On a vu avec grand plaisir de quelle manière mesurée, délicate et
vraie le réJacteur de la Gazelle musicale, rendant compte. du concert
populaire où s'est fait entendre dernièrement M. Léonard, aux applau-
dissements du public parisien, a parlé de la résolution prise par ce vir-
tuose de transporter sa résidence de Belgique en France. Un critique
1
20
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
moins bien renseigné et peu bienveillant pour notre pays, a dit, en par-
lant (tu brillant succès obtenu par M. Léonard à ce même concert, qu'il
était ■. bien vengé des absurdes dédains de la Belgique, sa patrie, qui
n'avait su ni l'apprécier, ni le retenir. » 11 n'y a rien de fondé dans
celte allégation. Loin d'être l'objet d'absurdes dédains dans sa patrie,
M. Léonard y jouissait, au contraire, de la considération méritée par un
talent tel que le sien. Ce talent était hautement apprécié et n'a pas été
moins applaudi à Bruxelles qu'à Paris. Ainsi que le dit fort bien le rédac-
teur de la Gazette musicale, on a fait de grands efforts, en Belgique, pour
dissuader M. Léonard d'aller se fixer à Paris; mais pouvait-on le retenir
de force? Sa position au Conservatoire de Bruxelles était la même que celle
de Servais et de Mme Pleyel, et je puis vous affirmer que les professeurs
les plus renommés du Conservatoire de Paris sont loin de jouir d'avan-
tages pécuniaires aussi considérables. Nous avons vu avec beaucoup de regret
M. Léonard s'éloigner de la Belgique ; mais si nous n'avons pas trouvé
mauvais qu'il allât s'établir là oii il croyait exploiter plus fructueusement
son talent, nous ne pouvons nous empêcher de protester contre Its
injures que nous adressent des écrivains mal informés, pour le fait de
l'expatriation, tout à fait volontaire, du célèbre virtuose liégeois. La ma-
nière dont les choses sont présentées par votre honorable collaborateur
est infiniment plus digne d'un artiste tel que M. Léonard, plus conve-
nable pour la Belgique et plus exacte en même temps.
Nous venons d'avoir, au Théâtre royal de Bruxelles, un incident sem-
blable à celui qui survint à l'Opéra lors de la mise en scène de Don
Carlos. Pendant les répétitions du Béarnais, opéra-comique de deux au-
teurs belges, une jeune cantatrice renvoya le rôle dont on l'avait chargée,
alléguant qu'il était, non trop peu important,, mais trop difficile pour
elle. Était-ce de sa part modestie ou amour-propre déguisé'? C'est ce que
je ne saurais dire. Quoi qu'il en soit, le directeurn'admit pas queles chan-
teurs qu'il paie pour tenir leur emploi s'attribuassent le droit de ne
remplir que des rôles à leur convenance. Il intenta un procès à sa pen-
sionnaire; celle-ci demanda la résiliation de son engagement, et comme
elle n'était pas trop dans les bonnes grâces du public, on la prit au mot.
L'aventure était fâcheuse pour les auteurs du Béarnais dont l'espoir de
voir leur ouvrage représenté pouvait être ajourné indéfiniment. Heureu-
sement, il se trouva une cantatrice complaisante qui déclara se charger
du rôle délaissé! Cette cantatrice, vous la connaissez. C'est Mme Ferdi-
nand Sallard, que notre imprésario venait précisément d'aller engager
à Paris pour l'aider à monter Don Carlos, et qui, en arrivant à Bruxelles,
eut le bon goût de s'annoncer par un acte de gracieuseté vis-à-vis d'un
compositeur belge.
Mme Sallard a débuté dans Rigoleilo. 11 n'y a eu qu'une voix sur ses
avantages physiques; s'il avait fallu lui délivrer un brevet de jolie
femme, tous les spectateurs l'eussent signé; comme cantatrice, il a pai-u
qu'il lui manquait de la sûreté, do la justesse, et l'expression dramatique,
qu'il ne faut pas confondre avec les grands éclats de voix. Du reste, ce
n'est pas à une première audition qu'on peut juger une cantatrice
s'e.ssayant devant un public nouveau, et sous l'Influence de l'émotion
causée par une semblable épreuve. Les spectateurs ont fait à Mme Sal-
lard un accueil bienveillant, attendant, pour se prononcer sur son
niérlle, qu'elle soit plus maîtresse d'elle-même. M. Dumestre a réussi
dans le rôle de Rigolelto. M. Dulaurcns ne s'était pas mis suffisamment
dans la voix celui du ténor, qu'il a chanté avec peu de justesse.
Au dernier Concert populaire on a entendu Mme Clara Schumann,
qui était venue exprès d'Allemagne pour participer à cette séance. La
célèbre virtuose a joué le concerto de son mari, qui est, depuis tant
d'années, la pièce principale de son répertoire, puis un caprice de Men-
delssohn, suivi d'une fantaisie de Hiller et d'une étude d'Henselt. L'au-
ditoire a payé un large tribut d'applaudissements à son talent si ferme,
si sur, si vigoureux et si délicat. Il est douteux qu'elle ait jamais été
l'objet d'une ovation plus chaleureuse, même e.i Allemagne où cepen-
dant on ne manque jamais de lui faire fête. Dimanche prochain on en-
tendra au Conservatoire M. Holmes, qui se propose, dit-on, de donner
ensuite au théâtre Royal un concert composé de ses œuvres instrumen-
tales, symphoniques et autres.
E. F.
Nous devons à l'obligeance de l'ami auquel elle est adressée
communication de la lettre intime qui suit. Nous ne doutons pas
qu'elle ne soit lue avec intérêt, quoique n'étant pas destinée à la
publicité.
Moscou, vendredi 40 janvier.
Mon cher ***.
J'étais si fatigué ces jours-ci que je n'avais pas le courage de vous
écrire; et pourtant il m'est arrivé un grand événement musical. Les
directeurs du Conservatoire de Moscou sont venus me chercher à Saint-
Pétersbourg et ont obtenu de S. A, la grande-duehesse un congé de douze
jours pour moi. J'ai accepté l'engagement de diriger deux concerts. Ne
trouvant pas une salle assez grande pour le premier, ils ont eu l'idée de le
donner dans la salle du manège, un local grand comme la salle du
milieu de notre palais de l'Industrie aux Champs-Elysées. Cette idée, qui
me paraissait folle, a obtenu le plus incroyable succès. Nous étions cinq
cents exécutants, et il y avait, au compte de la police, douze mille six
cents auditeurs. Je n'essaierai pas de vous décrire les applaudissements
pour la Fête de Roméo et Juliette, et pour l'offertoire du Requiem. Seu-
lement j'ai éprouvé une mortelle angoisse quand ce dernier morceau,
que l'on avait voulu absolument, à cause de l'effet qu'il avait produit à
Saint-Pétersbourg, a commencé. En entendant ce chœur de 300 voix
répéter toujours ses deux notes, je me suis figuré tout de suite l'ennui
croissant de cette foule, et j'ai eu peur qu'on ne me laissât pas achever.
Mais la foule avait compris ma pensée : son attention redoublait et l'ex-
pression de cette humilité résignée l'avait saisie. A la dernière mesure
une immense acclamation a éclaté de toutes parts; j'ai été rappelé
quatre fols, l'orchestre et les chœurs .s'en sont ensuite mêlés, je ne sa-
vais plus où me mettre. C'est lapins grande impression que j'aie produite
dans ma vie. On a aussitôt envoyé une dépêche à S. A. la grande-du-
chesse pour l'informer de cette émotion populaire.
Le Conservatoire donne un second concert, demain samedi soir, avec son
orchestre de 70 musiciens seulement. 11 a remis encore l'offertoire dans
le programme. Laub joue l'alto solo dans ma symphonie d'Harold et
nous commençons par l'ouverture du Roi Lear. Laub joue ensuite le
concerto de violon de Beethoven. Nous avons fait la dernière répétition
ce matin et cela va à merveille.
Après-demain on me donne une fête, dans la salle de l'assemblée des
Nobles, où sera loule la ville artiste de Moscou. Après quoi je repartirai
pour Saint-Pétersbourg, où me restent deux concerts à donner. Je suis
bien exténué, mais heureux aussi de ce beau résultat.
Adieu, mon cher ami, etc.
H. Berlioz.
NÉCROLOGIE.
BOCQUIIiEiON.
Une individualité singulière, originale, vient de disparaître, c'est
Bocquillon.
Je le rencontrai en 1819 ou 1820. Ami de M. Tissot, j'avais été
chargé par lui du feuilleton dramatique du journal le Pilote, dont
il était directeur et rédacteur en chef. Un jour, du fond de l'im-
primerie, je vis monter au bureau de rédaction un de nos com-
positeurs qui venait timidement soumettre un article à mon ap-
préciation. Ce garçon était fort laid, fort disgracieux; défiguré
par une brûlure qui avait affligé l'un de ses yeux d'une sorte de
plaie permanente et qui rendait cet organe à peu près inutile;
de plus, son autre œil était myope, ce qui constituait le pauvre
diable, propriétaire de ces deux mauvais meubles, dans un état
très-voisin de la cécité.
Et cet homme s'était fait compositeur typographe!
C'est que cet homme était doué d'une force de volonté prodi-
gieuse,
Bocquillon possédait, dit-on. une petite rente viagère; mais il
s'était imposé l'obligation de vivre de son travail pour capitaliser
ses arrérages et se ménager ainsi une existence plus douce dans
sa vieillesse. Il y est parvenu.
C'est en faisant des expériences de chimie qu'il avait acquis son
infirmité.
Il voulait écrife et il écrivit des articles dans Is Pilote et autres
journaux.
Il publia des brochures politiques.
Puis il retourna aux sciences : il y obtint une certaine notoriété
comme technologiste, qui lui valut la place de bibliothécaire du
Conservatoire des arts et métiers.
Tout ceci, malgré nos vieilles et bonnes relations, ne motiverait
pas le souvenir que je lui donne dans cette Revue musicale, si
Bocquillon, qui touchait à tout par curiosité, n'eût pas touché
aussi à la musique.
Je ne sais pourquoi ni comment il se mit à tapoter un piano;
DE PARIS.
21
bientôt il put déchiffrer un air ; puis en déchiffrant les airs de
nos vieilles chansons, dominé par son goût de collectionneur, par
ses habitudes de bibliothécaire, il se prit à cataloguer les airs qui
lui passaient sous les yeux et les diverses chansons faites sur ces
airs; enfin il arriva à réunir un grand nombres de cartes et de
fiches.
11 y a trois ans, il vint me voir : il pensait à sa fin, il prévoyait
avec chagrin la dispersion de sa chère collection ; mais qu'en
faire? Il me consulta sur une place à lui donner, un emploi à lui
trouver. Il demandait au président de la Société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique si cette Société ne pourrait
pas acquérir ce fruit de ses longs travaux, de ses recherches per-
sévérantes.
J'allai au Conservatoire examiner les casiers et les tiroirs de Boc-
quillon.
Mais il ne s'était imposé aucune règle de classement , ni par
dates,, ni par genres, ni par auteurs; enregistrant seulement les
timbres, c'est-à-dire le premier vers de chaque chanson, il n'avait
pas distingué, indiqué le primitif, l'original, celui pour lequel l'air
avait été composé, de tous les timbres des chansons faites depuis
sur le même air : ce que l'on appelle les faux timbres. Enfin, sur
ses cartons tout était confus et confondu.
Cependant il y avait là tant de renseignements, et je désirais
tant être agréable à cet excelbnt Bocquillon, que je crus devoir
appeler sur sa collection l'attention de notre agent général et le
prier de venir la voir à son tour.
Après l'avoir compulsée de nouveau, nous tombâmes d'accord
qu'elle n'offrait aucun intérêt à notre Société, et que, par consé-
quent, l'acquisition n'en pouvait être faite par son syndicat.
J'ignore maintenant ce que deviendra ce monceau de notes; il y
a certainement là une mine de renseignements inconnus sur les
deux parties constitutives de la chanson, l'air et les paroles, qui
pourrait piquer et satisfaire la curiosité des chercheurs, — mais
être utile?... là est la question!
Thomas SAUVAGE.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^.*,i- Deux représentations de Guillaume Tell, lundi et mercri'di, et ven-
dredi le Trouvère et la Source ont défrayé le réperloire de la semaine au
théâtre impérial de l'Opéra. - - On annonce la Juive pour la semaine
prochaine.
^*^ C'est au plus tard du lo au 20 février qu'aura lieu la première
représentation d'Hamlet. Hier soir, a eu lieu la première répétition
complète à l'orchestre.
^*t Depuis quelques jours, on répète à l'Opéra-Comique, avec le titre
provisoire de Sylvia, sous lequel il a été reçu il y a plus d'un an, un acte
de M. Samuel David, prix de Rome, œuvre do laquelle on dit déjà
le plus grand bien.
^*^ Samedi dernier, la reprise de la Gazza ladra avait attiré un bril-
lant auditoire au théâtre Italien, et l'on a fait un bon accueil à tous les
morceaux, depuis l'ouverture bien exécutée, du reste, le fait mérite une
mention, jusqu'au rondo final. Cet accueil s'expliqi e par.les beautés mé-
lodiques, quoiqu'un peu vieillissantes peut-être, mais d'un efiet puissant
encoe, do la partition. D'ailleurs, Adelina Patti, tour à tour émouvante
cl gracieuse, apportant àcette création, comme à tout ce qu'elle chanie,
de la simplicité, du charme et une émotion communicative ; applaudie
dans la cavatine célèbre Di placer du premier acte, dans le duo avec son
père, dans la scène du signalement avec le podestat, dans le duetto avec
Pippo, dans la prière, Mlle Patti a remporté les honneurs de la soirée.
Agnesi s'est montrée digne de figurer à côté de la diva. Dans ce rôle de
Fernando, où excellèrent et Galli et Tamburini, Agnesi ne déploie pas
seulement une belle voix, il fait aussi preuve du style dramatique large
et sûr de l'ancien drame lyrique. Gardoni se tire à merveille de la cava-
tine et des morceaux d'ensemble. Au duo de la prison, Mlle Grossi a
fait briller ses qualités vocales scéniques, et Ciampi, dont le talent souple
et varié gagne de plus en plus dans l'estime du public, donne un relief
plaisamment accentué à la personnalité libertine et prévaricatrice du Po-
dcsta. La deuxième représentation a obtenu encore plus de faveur que
la première, l'interprétation ayant été meilleure et plus sûre.
*** On poursuit activement à ce théâtre les études du Te.mplario (Ivanlioë),
œuvre éminemment dramatique dans la(|uelle la mélodie italienne est
vigoureusement appuyée par une orchestration savante et puissante, tout
à la fois. L'opéra renommé de Nicolaï nous paraît appelé à avoir à Paris
le succès qu'il a remporté sur les scènes les plus importantes de la Pé-
ninsule.
*** Les trois représentations de la Fanchonnelle qui ont été données
cette semaine au théâtre Lyrique ont amplement confirmé le succès de
cette reprise et de son interprète hors ligne, Mme Carvalho ; succès
triomphal pour la grande artiste et que nous nous empressions de cons-
tater dimanche dernier.
^** Le baryton Ismaël, du Théâtre-Lyrique, utilisera le congé auquel
il a droit en allant chanter à Marseille, avec Michel et Mlle Monrose, tout
son répertoire, entre autres ouvrages, Guillaume Tell et l'Africaine.
45% Six opéras-comiques, rien que cela! sont en ce moment à l'étude
aux Fantaisies Parisiennes. Sur les six, nous en avions nommé trois. Il
nous reste à pn'îsenter à nos lecteurs: le Farfadet, d'Ad. Adam, Mam'selle
Pénélope, de M. deLajarte elle Muletier, d'Hérold. On comprend que les
répétitions de ces actes nombreux doivent nécessiter une .série de re-
lâches qui commenceront demain, et que l'administration mettra à
profit pour approprier la salle aux exigences légitimes du public.
^*ii Mlle Irma Marié, annonce-t-on, est engagée à l'Athénée pour jouer
dans l'Amour et son carquois, avec Léonce et Désiré.
.*« L'apparition d'une chanteuse masquée dans le 4= acte des Plaisirs de
Paris, au théâtre Déjaz^t, a excité cette semaine une sorte de curiosité.
Cette cantatrice, grande dame ou artiste, est douée d'un physique
agréable et distingué; mais soit peur, soit inexpérience, elle n'a pas
réali.sé ce qu'on devait attendre d'une semblable tentative. Les deux
morceaux choisis par elle — des paroles sur l'air de la romance de Mme de
Rothschild et la valse si connue du Bacio — ne pouvaient d'ailleurs don-
ner une grande opinion de ses facultés musicales. Toutefois, les encou-
ragements ne lui ont pas manqué, et la courtoisie du public l'a applaudie
et même rappelée.
i^*jf, Au théâtre des Jeunes-Artistes de la rue de la Tour d'Auvergne,
jeudi dernier nous avons entendu le Chien du, Jardinier, de Grisar, exé-
cuté d'une façon charmante par MM Davy et Poulmier, Mlles Durand
et Alice C. . . Il y a certainement beaucoup d'avenir chez ces jeunes ar-
tistes, et nous indiquons aux directeurs en quête d'une gracieuse et in-
telligente Dugazon, Mlle Alice C. dont la voix est aussi fraîche que sym-
pathique.
i*:^ Léo Delibes compose en ce moment la musique — presque une
partition — de Nos Ancêtres, le drame nouveau ri'Amédée Rolland, qui
va être représenté au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Cet élément essen-
tiellement artistique ne peut qu'ajouter grandement au succès littéraire
que l'on se plaît dès à présent à prédire à cet ouvrage.
^,% Le traité qui liait Mlle Schurider au Châtelet ayant été résilié à
l'amiable, ainsi qu'il était facile de le prévoir, l'artiste aimée du public
des Variétés est rentrée, hier soir, à ce théâtre dans Barlie-Bleue, avec
son partenaire Dupuis. MM. Kopp, Grenier, Christian, Hittemans, Ham-
burger, Mlles A. Duval et G. Vernet avaient repris leurs rôles.
i*,,. Les recettes brutes réalisées pendant le mois de décembre dernier
dans les théâtres impériaux, théâtres secondaires, concerts, etc., ont été
de 1,711,603 fr. 75 c.
,t*j La direction du Grand-Théâtre de Rordeaux étant tombée en dé-
confiture, les artistes de ce théâtre se sont immédiatement et à l'unani-
mité constitués en Société, sous la gérance de M. Cuvreau, le chefd'or-
che.-lre. Le cours des représentations n'a été interrompu qu'un jour. La
nouvelle commi.ssion a pour elle l'appui de la Mairie, et les vœux du
public qu'elle a su se rendre symphalique par quelques modifications
apportées à l'ancien état do choses ; on ne doute pas que sa tentative
n'ait un heureux résultat.
^*if: La direction du théâtre de Toulouse vient de reprendre avec de
nouveaux artistes V A f ri-aine, attendue avec impatience par le public.
Mme Ecarlat-Geismar, par son interprétation du rôle de Sélika, a justifié
sa réputation de cantatrice et d'actrice et a répondu aux espérances des
.'■pectateurs. Mme Ebrard-Gravière chante avec sentiment et délicatcs-e.
Une grande part du succès de cette reprise revient à M . Roudil, naguère
encore à l'Opéra.
t*^ La semaine dernière, Mme Vandenheuvel se trouvait à Monaco, et
elle a chanté les Noces de Jeannette sur la petite scène de cette plage
aimée du soleil. L'éminente artiste y a remporté le plus franc des succès.
Le public monégasque et cosmopolite ne ménage pas non plus ses bra-
vos aux frères Guidon qui interprètent, dans les Etats de S. A. Char-
les 111, le Violoneux, d'Ofténbach, avec leur goût et leur esprit' habituels.
,j;*,p A la dernière représentation de la Grande-Duchesse, à Liège, ven-
dredi de l'autre semaine, les abonnés du théâtre ont fait remettre sur
la scène à Mme Rose Rell, tandis que la foule éclatait en bravos enthou-
siastes, un bouquet splendide aux couleurs françaises et une magnifique
bague en diamants. Mme Rose Bell, sur la demande formelle du public
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de Liège, donnera pendant un mois encore des représentsitions au théâtre
de cette ville.
,*» Hier, le cinquième bal masqué de l'Opéra, sous la direction de
fctrauss, a été aussi brillant et aussi nombreux que les précédents.
NODVELLES DIVERSES.
,** Le quatrième concert du Conservatoire a eu lieu dimanche der-
nier pour les abonnés anciens, avec les modifications que nous avons in-
diquées dans le programme On avait bissé, au dernier concert, le char-
mant chreur de^ nymphes de Psyché, d'Ambroise Thomas; cette fois
c'est Valkgretto àc, la symphonie en ta qu'on a fait répéter. Pour qui
connaît les deux niorocaux, ce choix est caractéristique. La jeune séné-
ration d'abonnés, qui n'a pas encore fait de .stage à la salle de la rue
Bergère, se laisse plus facilement prendre par le côté gracieux que l'ina-
movible première série, stylée depuis Habeneck à réserver son admiration
pour des beautés plus sévères. Le concerto de \iolon de M. Garcin a eu
un succès très-honorable. On y trouve des preuves d'un talent incontes-
table qui se révèle surtout dans hs détails, dans les finesses et les re-
cherches de l'harmonie; mais le style n'est pas celui d'un concerlo. On
cherche aussi, et souvent en vain, un plan que l'auteur paraît avoir
subordonné aux effets isolés d'Iuirmonie, de mouvement de parties et de
virtuosité. L'adagio a surtout fait plaisir. M. Garcin a exécuté son œuvre
avec beaucoup de sûreté et de charme.
»*^ Le concert donné dimanche au cirque Napoléon, offrait à ses au-
diteurs ordinnires deux nouveautés intéressantes, — et il faut rendre
cette justice à M. Pasdeloup, qu'il n'épargne ni son temps pour les cher-
cher, ni ses peines pour les faiie exécuter, — l'ouverture de Manfred de
Schuman et la Sicilienne de Séb. Bach. Chaque fois qu'un morceau nou-
veau est joué aux Concerts populaires, il se produit une sorte d'hésita-
tion, fort naturelle d'ailleurs, dans le public: il se partage presque tou-
jours en deux courants contraires se traduisant, l'un par une approba-
tion forcenée, l'autre par une sorte de résistance; toutefois, l'intelli-
gence musicale qui distingue les habitués de M. Pasdeloup ne tarde pas
à prendre le dessus, la fusion s'opère et l'on est tout étonné de voir, à
la deuxième ou troisième audition, l'œuvre accueillie froidement d'a-
bord, obtenir un succès enthousiaste. L'ouverture de Manfred n'a pas eu
dimanche à subir celte épreuve : elle a été tout d'abord favorablement
reçue et saluée de trois salves d'applaudis'-ements très-francs et très-ac-
centués. C'e.n d'ailleurs une œuvre qui recèle de grandes beautés sym-
phoniques, et l'une de celles qui ont dû contribuer fortement à la répu-
tation du compositeur. On ne .s'est pas montré moins sympalhique à la
Sicilienne de Bach qui a été également fort applaudie. — Nous ne di-
rons rien des autres parties du concert, si ce n'est qu'elles ont été ren-
dues avec l'excellent ensemble qui distingue l'exécution des artiste:; de
M. Pasdeloup. On a redemandé de toutes parts le menuet de la sym-
phonie eu sol mineur de Mozart; la 9» symphonie de Beethoven a pro-
duit un immense effet, et l'ouverture de Guillaume Tell a brillamment
clos cette belle séance.
a,*i Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, douzième concert populaire de
musique classique au cirque Napoléon. On y entendra : 1° ouverture de
Strue7isée de Meyerbeer; — 2° symphonie en fa majeur de Beethoven
(allegro, allegretto scherzando, menuet, finale); — 3° adagio du qua-
tuor en si bémol (op. 50), de Haydn (exécuté par tous les instruments à
cordes); — i° marche hongroise, orchestrée par Berlioz; — S' Songe
d'une Nuit d'été, de Mendelssolm (ouverture, allegro appassionato ,
scherzo, nocturne, marche.) L'orchestre sera dirigé par M. J. Pasde-
loup.
*% Hier soir a eu lieu à la salle Herz une grande soirée musicale et
dramatique au profit de l'œuvre de la Société d'éducalion et d'assis-
tance pour les sourds-muets de France. Mlle Battu, Delle-Sedie, MM.
Lebouc, Saint-Saëns et un violoniste étranger. M. Console, qui sera bien-
tôt célèbre; Mlle Favart et M. Delaunay, de la Comédie-Française, prê-
taient leur concours à ce beau concert dont nous reparlerons.
-^*sj; Berthelier, qui à peine de retour de sa dernière campagne avec
M. Ulmann s'apprête à repartir avec Carlotta Patti et les nouveaux
artistes engagés, a chanté dans ses concerts successifs trente-sept fois
l'Air bouffe anglais avec un succès qui a été général; toujours applaudi
à outrance, l'ex' client chanteur était obligé de répéter cette chansonnette,
l'une des plus originales d'Otïenbach.
^*^ La reprise des séances populaires de musique de chambre, par MM.
Ch. Lamoureux, Colblain, Adam et Poëncet, est maintenant certaine. La
première est, en effet, annoncée pour mardi prochain, avec le concours
du pianiste Henri Fissot. On entendra les morceaux suivants : 1° Trio
en ré mineur, de Mendelssohn, pour piano, violon et violoncelle ; 2° Qua-
tuor en sol mineur, (n° 74), de Haydn; 3° Sonate en ut dièse mineur
de Beethoven, exécutée par M. Fissot; i° Quintette en la mineur, de
Mozart. Les séances populaires de nmsique de chambre auront lieu,
comme de coutume, dans les salons Pleyel, Wolff et C*'.
**^ Une jeune et charmante pianiste, Mlle Marie Secretain, donnera
le 23 janvier, dans la salle de M. Herz, .son maître, un concert à grand
orchestre. Entre autres morceaux, Mlle Secretain fera entendre le 6°
concerto de Henri Herz.
^% M. Eugène Ketterer, l'excellent pianiste-compositeur, qui faisait
partie de la dernière tournée Ulmann, est revenu à Paris, où il va re-
prendre ses leçons et ses travaux de composition.
,*» Nous annonçons pour dimanche prochain, 26 janvier, la matinée
d'inauguration des cours de chant, piano, accompagnement et orgue,
composée de Mme Anna Fabre, MM. Eugène Ketterer, Albert Vizentini,
Auguste Durand, qui aura lieu. chez Mme Anna Fabre, 23, rue d'Haute-
ville, à 2 heures. Nous pouvons prédire d'avance un grand succès à cette
matinée et à ces cours.
^*^ Aujourd'hui, à deux heures, a lieu, à la salle Herz, une belle
matinée musicale et dramatique au bénéfice de M. Nathan, de l'Opéra-
Comique, Tout le personnel artistique de ce théâtre, Mme Marie Sass,
les frères Lionnet, Sarasate, etc., prêtent leur concours au bénéficiaire.
Entre autres attractions du programme, nous citerons le chœur des Deux
Avares, chanté par tous les artistes de l'Opéra-Comique.
^*^ La Société de bienfaisance italienne, protégée spécialement par
l'Empereur, donnera, demain lundi, son grand concert dans la salle du
théâtre Italien, avec le concours des artistes de cette scène; concours et
salle gracieusement accordes par M. Bagier. Le programme se composera
du deuxième acte de Norma, du premier acte de D>,n Pasquate, du
deuxième acte de Maria et du premier acte de Crispino c la Comare.
**;^ Mlle Wertheimber est de retour à Paris, après une triomphale
campagne que les dilettanli barcelonais ont trouvée trop courte. Elle a
paru pour la dernière fois au théâtre du Liceo dans le Prophète, après
l'avoir chanté dix fois de suite avec un succès sans égal. Rarement on
a vu se produire un pareil enthousiasme : Mlle Weirtheimber a été
maintes fois rappelée et couverte de bouquets. Elle est au moment,
paraît-il, de signer un engagement avec une de nos grandes scènes fran-
çaises.
^*fi. L'un des solistes les plus distingués de l'orcfiestre d'Arban, M.
Emile Dunckler, violoncelliste, vient d'être eng:)gé au Casino de Gand
pour s'y faire entendre au concert qui sera donné par cet établissement
le 23 de ce mois.
-c** On nous écrit de Francfort : « M. Rosenhain, le célèbre pianiste-
compositeur, a passé quelque temps parmi nous. Avant de partir pour
Paris, où ses amis et ses élèves l'attendent, il a fait entendre, devant une
réunion qui se composait de toutes les notabilités artistiques de notre
ville, plusieurs de ses nouvelles compositions qui ont obtenu l'accueil le
plus chaleureux : une sonate pour piano et violoncelle (op. S3), œuvre
magistrale, dramatique et pleine de passion, admirablement exécutée par
l'auteur et M. Lubeck; une méditation pour le piano (op. 77), remplie de
poésie et rendue par l'auteur avec ce style, qui n'appartient qu'aux
grands maîtres; quatre mélodies caractéristiques (op. 68): barcarolle,
Chanson du Touriste, Courante et Cloches du soir, véritables bijoux;
plusieurs mélodies pour piano et violoncelle et pour piano seul, entre
autres un morceau intitulé : « Conte d'enfant », pétillant d'esprit, qui a
transporté l'auditoire. Toutes ces œuvres nous ont ravi par leur richesse
mélodique et par l'élévation et la variété de leur style. M. Rosenhain
nous a prouvé qu'il est à la fois un grand pianiste et un de nos
meilleurs compositeuis. »
j*^ Les journaux de Berlin nous apportent la mention d'un concert
donné dernièrement par un jeune violoniste-compositeur dont l'avenir
s'annonce brillamment et que le Conservaloire de Paris couronnait der-
nièrement, Franz Ries, le neveu du célèbre pianiste: le programme était
composé exclusivement de ses œuvres, parmi lesquelles on a distingué un
quatuor, des lieder et des solo de violon qui témoignent d'un talent déjà
mur et formé à la meilleure école.
^*,^ Alfred Jaëll et sa femme \iennent de remporter de nouveaux et
éclatants succès au Gewandhaus de Leipzig, à la Société philharmonique
de Hambourg, à Brunswick, etc. Les duos pour deux pianos, de Schu-
mann, Reinecke et autres auteurs que ces deux éminents artistes exé-
cutent, sont bissés chaque fois. Paris les possédera de muveau, et cette
fois d'une manière durable, après leur tournée d'Allemagne qui se termi-
nera en février.
^*^ La saison prochaine et la nouvelle direction seraient, dit-on, inau-
gurées à Bade par plusieurs innovations. En ce qui concerne la mu-
sique, on améliorerait l'orchestre du kiosque, et l'opéra italien serait
remplacé par un théâtre allemand dont les artistes seraient recrutés sur
les scènes les plus célèbres.
^% S'il faut en croire les affirmations réitérées et quasi-officielles du
Constitutionnel, la réorganisation des musiques militaires de la cavalerie
française serait décidée.
^*^ Le populaire auteur de la Femme à barbe, de Rien n'est sacré pour
un sapeur et autres mélodies avantageusement connues, M. Villebichot,
annonce l'ouverture prochaine d'un théâtre qui portera son nom et qui
se transformera, suivant les circonstances, en une vaste salle de concerts.
Le Théâtre-Villebichot sera situé boulevard Lafayetle, près de la Villette;
DE PARIS
23
on pouvait s'y attendre, car il est pour certains répertoires des lieux
prédestinés.
t% L'éditeur de musique Choudens vient de recevoir de S. M. le roi
de Suéde la décoration de son ordre de Gustave VV;isa.
^,*^ Nous apprenons de Vienne que S. M. l'empereur d'Autriche vient
de faire remettre au célèbre ténor Roger, la grande médaille des Arts
et Sciences, pour son mérite artistique et sa remarquable traduction des
Saisons d'Haydn.
**, M. Paul de Saint-Victor, l'érudit et brillant critique théâtral, passe
du journal la Presse à la Liberté; c'est une véritable bonne fortune pour
les lecteurs du journal de M. de Girardin.
»% Un praticien du plus grand mérite, un professeur très-écouté,
M. le docteur Laborie, officier de la Légion d'honneur, attaché au ser-
vice médical de l'Opéra, vient de mourir, jeune encore, et par suite d'un
accident survenu dans l'exercice de son art. Ses obsèques ont eu heu
mardi dernier, en l'église Saioi-André. Cette perte sera vivement ressen-
tie par la société parisienne et le monde artiste, où le docteur Laborie
comptait une nombreuse, fidèle et sympathique clientèle.
ÉTRANGER
,fc** Brunswick. — On vient de donner Roméo et Juliette de Gounod;
on ne compte pas sur une vogue pareille à celle de Faust, mais on a
bien accueilli l'ouvrage et on s'atlend à un nombre raisonnable de re-
présentations.
«% Berlin. — Mlle Artôt, plus que jamais l'idole du public, a chanté,
après II Barbiere et la Sonnambida, le Faust de Gounod, oii elle captive
par des moyens autres que Pauline Lucca, mais aussi sûrs. Elle s'est
également fait entendre à la Cour. Les conditions de son réengagement à
Varsovie sont des plus brillantes : oO,OOÛ francs pour cinq mois et une
représentation i bénéfice gaiantie 8,000 francs. A Moscou, oii elle doit
chanter deux mois, son traité lui assure de plus beaux avantages encore.
— ïaglioni vient de donnerun nouveau ballel, "on Paraso/, qui lui a valu
un magnifique triomphe; il a été rappelé douze fols au moins. Mlles
Girod et David, chargées des rôles principaux, ont partagé ce succès. —
La Grande Duchesse de Gcrolstein, vient de conquérir, haut la main, le
public de Berlin, qui passera tout entier au théâtre de Friedrich-Wilhelm-
stadt. Mlle Lina Mayr est une gracieuse Grande-Duchesse, un pej senti-
mentale peut-être, mais bonne musicienne et chanteuse expérimentée.
On l'a applaudie à diverses reprises, et ses camarades, Neumann (Boum),
Adolphi (Frilzj, Mathias (le prince Paul), ont pris leur bonne part do ce
sympathique accueil. On les a tous rappelés après chaque acte. On peut
prédire maintenant à la Grande Duchesse une longue série de représenta-
tions.
^*^ Vienne. — Un nouveau ballet de Henri Desplaces, Xana-Sahih, &
été donné à l'Opéra sans succès, mais non sans bruit. Deux partis soute-
nant deux ballerines rivales, Mlles Couqui et Lucas, en sont venus
presque aux mains, sans nul profit pour l'ouvrage, qui était la chose à la-
quelle on songeait le moins dans cette bagarre. - Wachtel fils et
Mme Ehnn ont signé un engagement avec l'Opéra.
,is** Venise. — La Fenice est restée fermée dix jours pour préparer con-
venalslement la représentation de Dinorah. Après de nombreux tiraille-
ments entre le public et les impresarii successifs, voici la paix faite et
cimentée par un des succès les plus complets, les plus retentissants dont
ce grand théâtre ait été témoin. L'ouvrage est allé aile stelle; on ne se
lassait pas d'applaudir cette musique si gracieuse et si forte en mê'uie
temps; on prodiguait les bravos aux artistes, Camille de Maesen, Minetti,
Merly, qui tous ont rivalises de talent. La soirée du 8 janvier marquera
dans les annales de la Fenice, si riches déjà de beaux souvenirs. — On
monte maintenant à grands frais l'Africaine pourlaLotli délia Santa.
tf,*^ Florence. — Le jeune et déjà célèbre violoniste Wilhelmy à prêté
son concours à la troisième et à la quatrième .séance de la Socicta dcl
Quarlello. On ne se rappelle pas ici avoir vu un succès pareil ; les ap-
plaudissements ébranlaient la salle, surtout après le concerto de Paganini.
Wilhelmy e.st également admirable dans la musique d'ensemble; il a
exécuté, avec MM. Bruni, Laschi et Sbolei, plusieurs quatuors de Haydn
et de Beethoven après lesquels lesbravo» ne finissaient pas.llest parti pour
Saint-Pétersbourg, où un engagement l'appelle jusifu'à la fin de mars; .son
court passage ici aura été un véritable événement musical. — A la cinquième
séance, le S janvier, le pianiste Ducci a joué en maître, avec un excellent
violoniste, M. Papini, une sonate de Rubinstoin, puis le célèbre septuor
de Hummel. — Un comité vient de se constituer, .sous la présidence du
prince Charles Poniatowski, pour élever un monument à Pacini.
ji*^ Milan. — La Camarijo, ballet nouveau de Monplaisir, a très-bien
réussi à la Scala. La première danseuse Ferraris y a obtenu un grand
succès. La musique est de Dall'Argine; elle a été également goûtée. —
Mme Borghi-Mamo s'e.st fait eniendre dans une soirée donnée par l'édi-
teur Lucca; le beau talent qui lui a conquis de si fervents admirateurs
s'est mis en pleine lumière dans une Canzone napolitana, la romance
à'Otello, le duo du Barbier et le? variations de Rode. Elle a recueilli les
plus sincères et les plus justes applaudissements.— Au théâtre Carcano ont
eu lieu, dans le rôle de Gilda, de Rigotetto, les débuis d'une toute jeune
et charmante artiste, Mlle Octawa Tornsquistqul parait réunir toutes les
qualités désirab.'es comme chanteuse et comme comédienne. Son succès
a été des plus chaleureux. Voici comment la Gazetta dei Teairi s'exprime
à son égard : • Mlle Tornqui.st joint à une belle voix limpide et métal-
» lique une habitude de la scène bien rare chez une débutante. Aussi
» son succès a-f-il pris les proportions d'un véritable triomphe.
» .Mlle Tornquist a fait ses études musicales à Paris, et son succès n'é-
» tonnera personne lorsqu'on saura que Délie Sedie ia comptait au
» nojibre de ses bonnes élèves.
^*\p Cadix. — Emmy La Grua maintient l'enthousiasme au même ni-
veau depuis son arrivée. Elle vient de chanter Gemma di Veryy avec un
immense succès que la presse locale enregistre avec une significative una-
nimité.
^'.^ .Madrid. — On monte /a .l/ue«eavecTamberlick, Selva, Mmes Pa-
lermi, Sonieri et Roseré (Fcnella).— .Mme Penco a fait sa rentrée dans Lu-
crezia Borgia, au milieu d'une pluie de fleurs et de couronnes. Toutefois la
santé de la célèbre cantatrice est toujours fort précaire. On va reprendre
pour elle Roberto il Diacolo.
jf*t Barcelone. — La direction du Liceo vient de mettre à l'étude le
Pardon de Ploérmel, qui y sera représenté très-prochainement. Mlle Vi-
tali est engagée pour le rôle de Dinorah. — On se propose également
de monter ensuite Fra Diavoto.
*** Saint-Pétersbourg. — Mme Volpini a débuté le 7 janvier, avec un
succès énorme, dans Dm Pasquale; l'Empereur l'a fait complimenter
après la représentation. — Le^<début de Mlle Galetii a été également
très-brillant; Mario, Graziani -et .\ngelini l'entouraient et n'ont pas été
moins fêtés. — Tous les journaux sont pleins d'éloges à l'adresse de
Mme Pauline Lucca et la célèbre cantatiùe allemande fait réellement
fanatisme parmi le [uiblic russe.
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SOMMAIRE. — Du nouveau en musique, par Edouard Fétis. — Le Psaume
CXXXVII, imité de la Bible par M. Pacini, mis en musique par M. Jules Béer.
— Hevne des tli''âtrps, par It. A. 1). Sain<-'V>«H. — Concerts et audi-
tions musicales de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles
diverses. — Annonces.
DU NOUVEin EN OnSIQUE.
Bien des personnes se demandent avec inquiétude si l'on peut
encore faire du nouveau en musique, si les combinaisons aux-
quelles peuvent se prêter les éléments de cet art ne seront pas
bientôt épuisées, si elles ne le sont pas déjà.
Qu'elles se rassurent : non-seulement on peut encore faire du
nouveau en musique, mais on en pourra toujours faire. Il n'a été
assigné de terme à l'application d'aucune des facultés de l'homme.
Les combinaisons qui peuvent fournir les éléments de l'art mu-
sical sont inépuisables. Certaines combinaisons d'effets pourront
s'épuiser, mais non pas celles qui relèvent du sentiment. Ce qui
ne s'épuise pas, ce qui est éternel, c'est la puissance créatrice du
génie humain, c'est la faculté lu'il a de renouveler la forme de
toutes choses.
On fait éternellement du nouveau avec les mêmes mots de la
langue, avec les mêmes couleurs, avec la même matière, quand
l'esprit vient la vivifier. On ne cessera pas d'en faire avec les
notes de la gamme.
Lorsqu'une forme est épuis^^e, il vient un homme de génie, soit
immédiatement, soit après une attente plus ou moins longue, qui
prend une autre forme pour ex[)rimer ses idées, et l'art est renou-
velé pour une période d'une certaine durée.
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on s'avise de croire que les combi-
naisons musicales sont épuisées. Nous gagerions que du temps de
Lulli, il y avait des gens qui doutaient qu'on pût faire encore du
nouveau en musique et qui voyaient dans les opéras de ce maitre
le suprême effort, le dernier mot de l'art. Les contemporains de
Mozart ont eu la même pensée, on n'en saurait douter. Us ont
cru qu'il n'y avait plus rien à faire après Don Juan; ont-ils prévu
Weber, Rossini, Meyerbeer? Certes, Don Juan est le chet-d'œuvre
de la musique dramatique, dans une certaine forme ? msûs dece que
la perfection d'une forme a été atteinte, il ne résulte pas que l'art
ait pris fin. Il renaît sous une autre forme. Arrivé à un certain
degré, l'art ne monte plus, mais on aurait tort de croire qu'il doit
nécessairement décliner, il peut prendre d'autres directions. Le
mouvement est la loi universelle du monde; il est à la fois le
principe et le résultat de l'action vitale. Cela posé, il faut recon-
naître qu'il y a d'autres mouvements que celui qui monte et que
celui qui descend. Marcher au niveau d'un degré quelconque d'élé-
vation, en prenant à droite ou à gauche, c'est encore marcher.
Comment peut-on faire du nouveau en musique? C'est le secret
du génie. Si cela pouvait s'indiquer, se déterminer par des règles
en quelque sorte mathématiques, s'il y avait des procédés pour
faire du nouveau, la chose serait trop facile et sans mérite. A quoi
servirait d'avoir du génie?
Non, il n'y a pas de méthode pour faire du nouveau dans les
arts ; le nouveau se conçoit, il ne se prépare point. Le nouveau est
toujours trouvé instinctivement, par des hommes inspirés qui ne
savent pas qu'ils font du nouveau. Jamais l'art n'a été redevable
de quelque innovation féconde aux hommes à systèmes qui se
tracent des plans de conduite et s'érigent en créateurs.
Ce qui prouve que M. Wagner n'est pas un homme de génie,
quoi qu'en disent ses amis, quoi qu'il en dise lui-même, ce n'est
pas tant la nature des impressions produites par l'audition de ses
œuvres que la prétention qu'il a de jouer le rôle de réformateur.
Il suffit de lire ses écrits, de voir les théories qu'il a exposées,
pour être certain que ce n'est pas un novateur, dans la véritable
acception du mot. Le génie ne dit pas: «Je vais faire telle chose.»
Il la fait involontairement et pour ainsi dire malgré lui. En la
faisant, il accomplit une fonction dépendante de sa constitution.
Lorsqu'il a transformé l'art de la peinture, Giotto n'a pas an-
noncé qu'il allait substituer à l'immobilité byzantine le mouvement
et la vie ; qu'il allait rétablir la nature dans ses droits méconnus
par de nombreuses générations d'artistes. Quand Monteverdi dota
la musique des éléments dont s'est formée la tonalité moderne, il
n'avait pas lui-même conscience de l'importance de ses innovations.
Il faisait, sans prétention et sans intention, ce que son instinct le
portait à faire. Ni Haydn, ni Mozart, ni Bach, ni Haendel, ne se
sont posés comme des réformateurs. Ils ont commencé par em-
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
ployer les formes techniques en usage de leur temps ; peu à peu
leur talent a pris dos allures plus indépendantes, il s'est indivi-
dualisé; enfin le talent s'est élevé, en eux, jusqu'au degré où il
change de nom et devient le génie dont les manifestations ont un
cachet prononcé d'originalité. Tout cela s'est fait naturellement,
sans préméditation et sans etfort.
C'est toujours ainsi que les choses se passent chez les hommes
prédestinés au rôle do novateurs, rôle qu'ils savent d'instinct,
qu'ils n'ont pas besoin d'apprendre comme fait le comédien, et
qu'ils jouent avec naturel. Quand vous voyez un artiste, peintre
ou musicien, crier tiès-haut que ce qu'on a fait avant lui ne va-
lait rien, et qu'il faut changer de route; quand vous lui voyez
développer longuement et prétentieusement des projets de réforme,
annoncer les merveilles qu'il se pi'opose de réaliser, arborer un
dfikpeau, t'eHbl'cer de créer un parti pour soutenir ses idées, soyez
convaincu que vous avez alfaire à un ambitieux incapable, duquel
il n'y a à attendre aucune de ces nouveautés qui font époque dans
l'histoire de l'art. Il est sans exemple que de vrais hommes de
génie, trouveurs d'idées ou de formes nouvelles, aient rédigé des
programmes et les aient publiés à son de trompe.
Les maîtres font du nouveau comme M. Jourdain faisait de la
prose, sans le savoir. Ils disent en musique, leur langue, ce qu'ils
pensent; ils expriment ce qu'ils sentent. Il se trouve que c'est du
nouveau. Ce n'est pas leur faute.
On peut faire avec intention des eilets nouveaux; mais on ne
fait pas des idées nouvelles. Il faut qu'elles se présentent d'elles-
mêmes. L'idée appelle nécessairement la forme propre à l'expri-
mer. Si l'idée est nouvelle, la forme est nouvelle aussi. Supposez
que Beethoven ne fût pas doué du génie créateur, mais qu'il eût
simplement la science des combinaisons, supposez qu'il eût pensé
comme Mozart, en développant seulement la puissance des compli-
cations instrumentales, nous n'aurions ni la symphonie en ut mi-
neur, ni la symphonie en la, ni l'Ucro'ique, ni la Pastorale, aucune
des œuvres, enfin, dans lesquelles nous admirons sa profonde et
saisissante originalité. Il a pensé comme Beethoven, avant d'écrire
comme Beethoven. Ainsi que chez tous les inventeurs, la forme
est, chez lui, la conséquence de l'idée ; toutes deux sont le pro-
duit de la même conception. Essayez de renforcer l'instrumentation
d'Haydn, ou de simplifier celle de Beethoven, vous n'aurez que des
productions sans unité, sans caractère, des productions incohé-
rentes. On a fait de ces tentatives, et elles n'ont jamais abouti à
des résultats approuvés des connaisseurs. Ce rapport entre l'idée
et la forme existe dans tous les arts. Appliquez, par la pensée, le
coloris de Rubens aux compositions de Raphaël; imaginez une
figure dessinée par Fra AngeHco et peinte par Rembrandt, au lieu
d'œuvres accomplies, vous aurez des monstruosités. Pour faire du
nouveau en musique, il faut donc commencer par avoir des idées
nouvelles, par en avoir naturellement, comme en ont les hommes
de génie ; c'est une condition qu'on remplit parfaitement lorsqu'on
est organisé pour cela. En pareil cas, il est inutile de faire des
efforts, de formuler des théories, de publier ses intentions; les
choses viendront d'elles-mêmes et le public verra bien à qui il a
affaire. Il y en a beaucoup de variétés déçues depuis que le monde
existe, mais on aurait vite dressé la liste des génies méconnus.
Faut-il absolument faire du nouveau en musique? Comment re-
connaît-on qu'il est nécessaire défaire du nouveau?
Pour répondre à cette double question, il faudrait commencer
par convenir de ce que l'on entend par du nouveau; assurément
aucun compositeur ne peut être autorisé à refaire ce qu'ont fait
ses prédécesseurs. S'il ne sait que répéter ce qui a déjà élé dit, il
n'a qu'à garder le silence. Tout musicien doit avoir ses idées à
lui, ses propres inspirations ; il doit aussi les présenter sous une
forme technique qui lui soit personnelle. En conclure qu'il esttenu
d'opérer une révolution radicale dans l'art, d'innover en tout, ce
serait forcer l'ordre naturel des choses. Dans les arts comme en
politique, le besoin d'une révolution se fait sentir de temps à
autre. La société ne peut pas rester perpétuellement organisée sur
la même base; la musique, pas plus que l'architecture, la peinture
et la statuaire, ne peut pas s'immobiliser sous une même forme.
D'une autre part, il est certain que des révolutions sans cesse re-
naissantes ne seraient admissibles ni dans les arts, ni en politique.
Ainsi donc, s'il faut du nouveau en umsique, il n'en faut pas trop;
il n'en faut pas au point de troubler les amateurs dans la percep-
tion de certaines sensations qui leur plaisent. Quant aux signes
par lesquels on reconnaît que le moment est venu de faire du
nouveau, il est difficile de les indiquer. Non-seulement, c'est dif-
ficile, mais encorj c'est inutile ; (attendu que l'on ne fait pas,
comme nous l'avons dit, du nouveau de parti pris, et que les
hommes de génie appelés à jouer le rôle de novateurs tiennent
leur mission de la Providence. En vain les appellerait-on: i!s
viennent à leur heure.
Un musicien bien organisé et instruit fait du nouveau instincti-
vement. Il fait du nouveau parce que tout homme a son tempéra-
ment, sa manière de sentir, sas idées et sa manière de les expri-
mer. Tout homme est original lorsqu'il s'abstient d'imiter. Il n'y
a pas moins de variété dans les esprits que dans les visages. Le
musicien dont nous parlons fera du nouveau sans tomber dans le
bizarre, qu'il faut bien se garder de confondre avec l'original, dont
il diffère autant que le naturel diffère de l'affectation.
On est passé d'un extrême à un autre. Jadis on professait le
culte de la tradition; rien n'était bon que ce qui était usité; il
fallait des exemples, des autorités. La moindre innovation était
imputée à crime aux compositeurs qui osaient se la permettre.
Les maîtres avaient-ils fait une chose, il était bien de la recom-
mencer; mais la faire pour la première fois, cette chose, c'était
commettre un grave péché ! Certes, c'était une singulière aberra-
tion d'idées que celle qui interdisait à l'artiste la faculté d'innover;
mais, comme nous le disions tout à l'heure, on n'a renoncé à un
préjugé que pour tomber dans un autre. Le mépris de la tradition,
la crainte de la banalité font qu'on se torture l'esprit pour trouver
du nouveau. Quant à examiner si ce nouveau est bon, on ne s'en
occupe guère; on semble croire qu'il est de l'essence de la nou-
veauté d'être excellente. En portant ce principe jusqu'à ses der-
nières conséquences, on perd de vue le but de l'art et l'on s'égare
dans des voies qui aboutissent à l'erreur.
On croyait que, sans tomber dans une simplicité enfantine, il
fallait faire de la musique intelligible, et ne pas multiplier les com-
plications techniques au point de fatiguer l'attention de l'auditeur.
Une école qui a son siège en Alleinagne et qui s'efforce de faire
prévaloir partout son influence tend, au contraire, à faire de
l'obscurité la première condition du mérite des œuvres musicales.
Il y a longtemps qu'en Allemagne ce principe est appliqué à la
philosophie et à la littérature. La simplicité, la clarté, dans ces
matières, sont considérées, au delà du Rhin, comme les signes
d'un esprit médiocre. L'écrivain qui se fait comprendre sans dif-
ficulté est superficiel; celui qui est obscur et dont la pensée n'est
pénétrée qu'à force d'étude et de méditation est profond; on l'es-
time. Il est d'autant plus considéré qu'on a eu plus de peine à le
deviner. Le lecteur tire vanité de la sagacité dont il a fait preuve
lorsqu'il vante les œuvres des écrivains qui lui ont donné l'occa-
sion de déployer sa pénétration.
Le même principe a été appliqué à la peinture. Les grandes
compositions de Sclmorr, de Cornélius, de Kaulbach, de Bende-
mann, sont remplies d'allégories subtiles dont on ne saisit le sens
qu'après de longues études et des journées entières d'examen.
Pour expliquer ce qu'il y a d'idées dans un seul tableau, il faudrait
I)E l'AKIS.
un volume. 11 y a de ces peintures qui sont do vraies énigmes
dont on n'est pas bien certain d'avoir le mot, même lorsqu'on a
pris connaissance des volumineux commentaires qui en donnent
l'interprétation avec commentaires.
Ce qui est admissible, jusqu'à un certain point, en peinture et
en littérature, comme obscurité systématique, ne saurait l'être en
musique. On peut étudier à loisir les pages d'un livre; on peut
réflécliir des heures et des jours entiers sur le sens allégorique
d'une composition picturale; mais la musique. ne s'arrête pas pour
laisser pénétrer le mystère de ses combinaison-;; il faut la saisir,
la comprendre au passage. Si elle n'est point intelligible, si l'i-
dée ne se dégage pas de l'ensemble des sonorités, elle n'est qu'un
bruil. La prétention de faire du nouveau a mis l'imprévu en
grand lioimeur auprès des compositeurs de l'école dont nous ve-
nons de parler. Leurs plus grands efforts tendent à tromper les
prévisions de l'auditeur sur les développements de l'idée et sur la
succession des effets. Leur méthode supprime les affinités des
sons, les tendances naturelles des résolutions harmoniques, les
préparations ingénieuses et les progressions régulières. Rien de
ce que l'oreille attend n'arrive, rien de ce qu'elle espère ne lui est
accordé. La phrase mélodique prend un autre chemin que celui
vers lequel elle semblait se diriger; l'accord qui s'annonçait est
remplacé par un autre; la période se brise et se transforme au
moment où l'on croyait en saisir le sens complet. L'auditeur est
trompé sur les dimensions du morceau, comme sur tout le reste.
Il croit entendre les derniers accords : ce n'est qu'une ruse du
compositeur qui recommence de plus belle et fait longtemps en-
core jaser son orchestre, pour finir brusquement, lorsqu'il est bien
persuadé qu'on ne s'y attend pas. Tel est le jeu auquel s'amusent
les musiciens qui spéculent sur l'imprévu, et font du nouveau
avec préméditation.
11 y a dans tout cela beaucoup d'égoïsme et beaucoup d'orgueil,
deux maladies de la société de notre temps. Plaire à ses audi-
teurs, les toucher, les intéresser étaient les choses dont le musi-
cien s'occupait jadis en composant. Il s'agit aujourd'hui d'un
objet plus important; il s'agit de l'amour-propre du compositeur
qui veut étonner, surprendre, et montrer que son savoir est su-
périeur à l'intelligence de ceux qui l'écoutent. Qu'ils aient ou non
des jouissances, peu importe; s'ils l'admirent, tout est dit. L'a-
mour-propre des compositeurs a pour complice la vanité des pré-
tendus connaisseurs qui rougiraient de n'être pas au niveau de la
science dont on fait étalage, et qui aiment mieux applaudir com-
plaisamment ce qui ne les amuse guère, que d'avouer qu'ils ne le
comprennent pas. Pour nous, quand nous écoutons cette musique
à surprises, nous nous prenons à regretter la bonhomie des an-
ciens maîtres qui allaient tout droit leur chemin, ne cherchaient ni
à tromper ni à surprendre leur m(mde et faisaient du nouveau,
lorsqu'ils en étaient capables, sans y mettre ni prétention ni va-
nité.
Edouard FÉTIS.
LE PS&UfflE CXXXYII.
Imité de la Bible par U. Emilien Paetnl,
His rn Uasique par H. Jules Béer.
{Première Audilion.)
Un auditoire d'élite remplissait de bonne heure, jeudi soir, les
salons de M. Jules Béer, neveu de Meyerbeer, auteur de la Fille
d'Egypte, et qui tient à perpétuer dans sa famille les traditions de
l'art qu'illustra son oncle. On savait qu'au programme habituel
d'une soirée musicale, M. Jules Béer ajouterait la première audi-
tion d'un morceau de sa composition : le psaume 137, imité de
la Bible par M. Emilien Pacini, et qui devait être exécuté par des
choristes du Conservatoire et MM. Warot, Caron et Mlle Mauduit
chantant les soli. Aussi les invités n'étaient-ils pas moins curieux
qu'empressés de fêter cette primeur. Vers dix heures, M. Jules
Béer, qui joint à sa ([ualité de compositeur celle d'excellent accom-
pagnateur, s'est mis au piano et les chœurs ont attaqué l'introduc-
tion :
Près des fleuves de Bab^lone,
Nous nous étions assis en proie à nos douleurs.
On a pu voir, dès ce début, que pour traiter son sujet M. Béer
s'était placé au point de vue où s'était mis Hossini en composant
son Stabat, et qu'il s'était proposé de faire du psaume VSl une
cantate avec ses développements. Tout en lui conservant son ca-
ractère biblique, le compositeur lui a donné les formes de la mu-
sique dramatique. Son intention s'est encore plus accentuée dans
la strophe deuxième, arioso, chantée par Mlle Mauduit :
Dans la ville, aux branches des saules
Nos harpes et nos luths pendaient silencieux.
La jeune cantatrice y a déployé beaucoup de chaleur et de sen-
timent; sa voix pure et sonore retentissait dans ce salon avec un
éclat qui a produit la plus vive impression. Elle a dû répéter
cette strophe aux acclamations unanimes de l'auditoire.
Dans la troisième :
Jérusalem, reine éplorée,
le compositeur s'est élevé à une grande hauteur de style, le chant
en est vraiment très-beau; interprétée avec beaucoup d'énergie
par Warot, elle se fond avec habileté dans le trio qui suit :
Jérusalem, notre espérance !
Le récitatif et choeur :
Seigneur! à l'assaut de Solyme,
est le morceau qui nous a paru le mieux réussi.
Entonnés avec une grande puissance par M. Caron, les deux
premiers vei'S sont interrompus par le chœur :
. . . Détruisez, de la cité sublime,
Les derniers fondements.
La répétition des syllabes martelées de ces deux vers peint bien
l'œuvre de destruction et la fureur sauvage des démolisseurs.
Toutes les voix réunies pour la strophe sixième :
... Oh! de Babel, fille altière.
. . . Qui viendra te prendre,
Et briser sur la pierre
Tes exécrables fils?
terminent heureusement cette œuvre dans laquelle, ainsi que nous
l'avons dit, M. Jules Béer s'est inspiré autant du sentiment scé-
nique que du sentiment religieux. Bien écrite pour les voix, forte-
ment colorée, elle dénote chez l'auteur une science harmonique
dont il avait d'ailleurs déjà donné des preuves incontestables. 11 a
donc pu s'enorgueillir à bon droit des félicitations chaleureuses
qui lui ont été adressées.
Les trois solistes de l'Opéra qui lui prêtaient leur concours, l'ont
parfaitement secondé et les témoignages de satisfaction qu'ils ont
reçus à plusieurs reprises étaient bien mérités. Des éloges sont dus
également à M. Hurand pour la façon dont il a dirigé les chœurs.
La seconde partie de la soirée a été remplie par un intermède
musical dans lequel Mme Marie Escudier-Kastner, s'est fait en-
tendre deux fois et a rencontré ses succès habituels. La scène et
l'air de l'Ombre du Pardon de Ploërmel, chantés par Mlle Schroe-
der, du théâtre Lyrique, ont mis brillamment en relief les rares
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
qualités du talent de la jeune et belle artiste qu'on a de nouveau
applaudie avec Mlle Mauduit dans le duo de la Fille d'Eyypte, l'un
des plus beaux morceaux de l'opéra do M. Jules Béer. Entin, les
voix de M. Warot et de M. Caron se sont admirablement mariées
dans cette magnifique page d'Halévy, qu'on regrette de ne pas en-
tendre plus souvent, le duo de la Reine de Chypre « Triste exilé
sur la terre étraugèi-e. »
S. D.
BEVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre Français : lu Valise de Molière, à-propos en un acte par
M. Edouard Fournier. — Odéon : Didier, drame en trois actes,
par M. Pierre Berton. — Gymnase : le Comte Jacques, comédie en
trois actes et en vers, par M. Edmond Gondinet. — Bouffes Pa-
risiens : les Tribulations d'un Témoin,, vaudeville en trois actes,
par M Adrien Decourcelle.
L'anniversaire de la naissance de Molière a été célébré, comme
de coutume, au Théâtre-Fraufais, par un hommage rendu à la
mémoire de notre grand poëte comique. On a couronné son
buste, on a lu des stances dithyrambiques de M. Marc-Baveux, et
on a joué une petite pièce de circonstance, due à la plume de M.
Edouard Fournie)', qui a le monopole de ces sortes de choses.
Du reste, on a eu afTaire, cette fois, bien plus à l'érudit qu'à
l'auteur dramatique. La Valise de Molière est un cadre dans le-
quel viennent se grouper divers fragments, en vers et en prose,
attribués au peintre immortel du Misanthrope, et dont quelques-
uns portent évidemment son cachet. Pour donner un prétexte à
l'exhibition de ces documents plus ou moins précieux, M. Four-
niere suppose que Molière a perdu, dans une de ses tournées, sa
valise qui renferme, outre les fragments en question, le manuscrit
de Tartufe. Un marchand d'orviétan, du pont Neuf, met la main
sur ce trésor et prétend se l'approprier ; mais Molière, aidé des
principaux comédiens de sa troupe, entre au service du sieur Cor-
mier pour reprendre son bien, et, en fin de compte, le charlatan,
honteux et confus, est trop heureux d'être accepté comme mou-
cheur de chandelles dans la compagnie du futur valet de chambre
du roi.
Cet à-propos a été fort bien accueilli par les nombreux admira-
teurs de la gloire de Molière, qui s'étaient donné rendez-vous au
Théâtre-Français, le IS janvier. Febvre, sous les traits du poëte, a
été très-applaudi, ainsi que Kime, dont le début s'est eft'ectué
d'une manière satisfaisante. Les autres rôles sont tenus par Eu-
gène Provost, Chéry, Séveste, Mlle Dinah Félix et Mlle Tordeus.
— Le drame de M. Pierre Berton, que l'on a joué à l'Odéon,
sous le titre de Didier, n'a pas tout à fait répondu aux espérances
qu'il avait fait concevoir. La donnée n'en a pas paru suffisamment
neuve, et la coiilexture des deux premiers actes a semblé parfois
pénible, embarrassée. Mais il ne faut pas oublier que M. Pierre
Berton, l'estimable artiste du Gymnase, en est encore à ses débuts
comme auteur dramatique, et il faut lui tenir compte de certaines
qualités qui dénotent une louable aptitude et présagent d'heureux
succès.
Didier est un vieux savant plein d'illusions naïves, qui s'est
laissé prendre à l'espoir d'inspirer une affection tendre à la fille
de son ami, le docteur Baymond. Il songe à l'épouser, lorsque,
arraché brusquement à son rêve, il apprend que Lucie a un vé-
ritable amour dans le cœur pour un jeune médecin, dont son père
repousse la recherche parce que, nouvel Antony, on ne lui connaît
pas de famille. L'excellent Didier, comprenant qu'il a fait fausse
route, se sacrifie au bonheur de Lucie et forme le projet d'adopter le
jeune Henri pour anéantir les obstacles qui s'opposent à son ma-
riage. Mais le pauvre savant a trop présumé de ses forces, et au
moment de la signature du contrat, il succombe et perd lu raison.
Comme on le pense bien, il ne peut plus être question de l'hymen
des deux amoureux, et ils resteraient éternellement étrangers l'un
à l'autre si Didier, retrouvant peu à peu la mémoire et le calme,
ne se chargeait lui-même de les rapprocher et de les unir.
C'est cette dernière partie de la pièce qui lui a fait trouvei' grâce
devant ses juges, non-seulement par la maniera dont elle est trai.
tée, mais aussi par le talent sympathique que Taillade y a déployé
dans le personnage de Didier revenant à la raison.
Mlle Antonine représente Lucie aveu nue grâce touchante ; Mar-
tin tire le meilleur parti possible du rôle de Raymond et un dé-
butant du nom de Kaynald s'acquitte très-convenablement de celui
de Henri.
— Le Comte Jacques, du Gymnase, e;t un peu parent, à la
mode de Bretagne, de cet officier qui, dans Mademoiselle de la Sei-
ylièrc, revient après une longue absence prendre possession de la
succession de son père et la trouve accaparée pai- des intrus. Au
lieu d'une famille d'émigrés, c'est une jeune fille recueillie et élevée
par le vieux marquis de Prignon que Jaccjues rencontre installée
dans la maison de cet oncle, mort intestat. Blanche se croit vci'itable-
ment héritière du marquis, et Jacques se refuse d'autant mieux à
l'éclairer, qu'en la voyant il est tonabé sous le charme de son es-
prit et de se.-i attraits. Il ouvrirait bien son cœur à Blanche, mais
il y a, de par le monde, un baron de Prangy à qui elle est enga-
gée, et, par excès de délicatesse, il préférera s'éloigner sans mol
dire. Un vieux boule-dogue, ancien intendant du marquis, n'a pas
les mêmes scrupules, et révèle sans façon la vérité à Blanche qui,
en apprenant qu'elle n'est pas chez elle, veut parlir à son tour.
Quelques péripéties de peu d'importance retardent encore l'explica-
.tion décisive <iui doit avoir lieu entre les deux jeunes gens; mais
ils ne finissent pas moins par s'entendre, le baron de Prangy est
congédié et tout s'arrange par le mariage de Jacques avec Blanche.
M. Gondinet, l'auteur de cette comédie, réussit à merveille dans
les vers faciles, si voisins de la prose qu'on aurait peine à y recon-
naître la ligne de démarcation. Deux petites pièces de même
nature ont précédé le Comte Jacques, qui a plus d'importance et
fera plus d'honneur à M. Gondinet. L'interprétation en est confiée
à Pierre Berton, l'auteur de Didier, ci-dessus nommé, à Laiidrol,
à Blaisot et à Mlle Massin, qu'une fâcheuse indisposition de
Mlle Delaporte a gratifiée du joli rôle de Blanche et qui n'y est
pas au-dessous de sa tâche.
— Le vaudeville, qui passait pour avoir fait son temps, s'est
réfugié aux Bouffes-Parisiens et a tout l'air de vouloir y opérer
une réaction favorable. Dieu merci! il existe encore un public pour
ces facéties amusantes et spirituelles qui dédaignent le secours des
trucs, des jupons courts et des animaux rares. Les Tribulations
d'un témoin ont réussi sans tous ces coûteux accessoires et nous
souhaitons qu'un tel exemple trouve des imitateurs.
C'est la fête de l'opticien Moutonnet; il se délecte dans les em-
brassements, dans les cadeaux de famille; il est content, il est
heureux. Tout à coup survient son ami Duvivier qui a un duel
et qui le choisit pour témoin. La première pensée de Moutonnet
est de se soustraire à cette triste obligation ; mais, sous la promesse
que l'affaire s'arrangera, il cède. Malheureusement, l'adversaire de
Duvivier a pris pour second un sapeur inaccessible aux accommo-
dements. L'infortuné Moutonnet, entraîné sur le terrain, poursuivi
par la gendarmerie, en proie à toutes les terreurs imaginables, est
prêt à fuir en Belgique pour échapper à la vindicte des lois. Mais
la rencontre que l'on croyait mortelle s'est terminée sans effusion
de sang, et Moutonnet en est quitte pour la peur.
Le rôle épisodique du sapeur est joué avec infiniment d'origi-
DE PARIS.
29
nalité par Lacombe, et les autres personnages sont interprétés avec
beaucoup d'entrain et de gaieté par Charles Perey, Oscar, Mme Da-
puis et Mlle Jouven.
D. A. D. SAINT-YVES.
CONCERTS ET AUDITIONS ISDSICÂLES DE LA SENAINE.
^*^ Deux salves d'applaudissements ont accueilli dimanche dernier au
concert populaire l'ouverture de Struensée de Meyerbeer, exécutée avec
un ensemble parfait. Pour ce morceau comme pour ceux qui suivaient,
il n'y a que des éloges à donner à l'interprétalion du beau programme
qui composait le concert.
^** Samedi, il y a huit jours, un auditoire nombreux, distingué et
sympathique assistait au premier concert de l'année scolaire donné par
les élèves de l'institution impériale-des-Jcunes-Aveugles. Divers fragments
classiques, le difficile anàanle de la sym|.ihoiiie avec chœurs de Beethoven,
entre autres; un concerto de Kaikbrenner; une fantaisie pour hautbois;
le trio de la Fée avx Roses ; deux chœurs bien mélodiques et parfaitement
écrit-s pour les voix, composés par deux professeurs non-\oyants, MM.
Paul et Roussel, formaient le programme de cette intéressante séance ar-
tistique qui empruntait un caractère touchant à la cruelle intirmité de
ses interprètes. Nous unissons de tout cœur nos félicitations aux applau-
dissements chaleureux qui ont accueilli les voix iraîchos et habilement
exercées de Mlles Mallard, Chatrane et Bergeret; la virtuosité remarquable
de MM. Larrieux, Ponnelle, Alizon, Gachedaure, Person ; l'ensemble des
chœurs, la précision de l'orchestre. L'organi-ation de ces fêtes musicales
fait le plus grand honneur à la direction de ce magnifique établissement
et lui attire d'unanimes sympathies. La musique est, de tous les arts, ce-
lui qui convient le mieux aux aveugles, celui pour lequel iis semblent
même avoir été formés par la nature et le seul qui puisse leur donner
un plaisir véritable et une consolation efficace, tout en assurant leur
sort.
^% Dans la grande soirée musicale donnée, le 18 janvier, à la salle
Herz, on a particulièrement applaudi Mlle Battu et Délie Sedie. Ces deux
virtuoses de premier ordre ont admirablement chanté ; trois salves de
bravos sans fin ont accueilli les morceaux chantes par Mlle Battu. Un
violoniste étranger, qui a reçu des leçons de Léonard, y faisait sa pre-
mière apparition ; il s'est fait remarquer par une, grande sûreté d'archet
et un très-beau son ; il a joué la ballade et polonaise de Vieuxtemps, et la
fantaisie sur Norma du même maître, morceau hérissé de difficultés,
avec une fougue qui a provoqué les applaudissements les plus enthou-
siastes. C'est un talent de haut goiit et destiné à faire sensation.
MM, Saint-Saëns et Lebouc prêtaient aussi leur concours à celle belle
fête dont le produit aura dû satisfaire la classe intéressante des sourds-
muets, au profit de qui elle était donnée.
<,*,p Les séances de musique de chambre de M. Lebouc deviennent de
plus en plus intéressantes; à chaque matinée un morceau de musique
nouvelle vient s'ajouter aux chefs-d'œuvre des grands maîtres. A l'avant-
dernière réunion, le ^i" quintette d'Ad. Blanc, paru récemment, a reçu
le meilleur accueil; il a été délicieusement rendu par MM. While,
Conitat, Trombetta et Gouffé. Un charmant solo d'alto, de Vignier, exé-
cuté par M. Trombetta, a été aussi très-applaudi. Mme Beguin-Salomon
a joué dans la perfection le trio en si bémol de Beethoven dans lequel
le clarinettiste Rose s'est également distingué. Nous y avons assisté au
début de Mlle Marie Roubaud, jeune cantatrice qui possède une voix
admirable et a fait preuve d'une bonne méthode. A la matinée de lundi
dernier, le septuor de Hummel, exécuté par MM. Duvernoy, Donjon,
Barthélémy, Baneux, Trombetta, Lebouc et Gouffé, a obtenu un succès
d'enthousiasme. De poétiques mélodies de Lacombe, fort bien inter-
prétées par Mme Daraoreau et accompagnées par l'auteur, formaient la
partie moderne du programme.
^*jf. Les séances populaires de musique de chambre de MM. Lamou-
reux, Colblain, Adam et Poëncet, ont repris mardi dernier. Cette année,
c'est à la salle Pleyel qu'il faut aller applaudir ces vaillants artistes. Leur
public ordinaire est là, nombreux et intelligent. On y a remarqué M.
Fissot, qui marche à grands pas vers la célébrité.
*% La Société des concerts du Conservatoire donne aujourd'hui di-
manche, à 2 heures, son cinquième concert. En voici le programme :
1° Symphonie avec chœurs de Beethoven (les soli seront chantés par
Mlles Marimon et Derasse, MM. Warot et Gailhard): — 2° andante de la
49'" symphonie de Haydn ; — 3° air de Monlano et Stéphanie de Berton
(chanté par Mlle Marimon) ; — 4" ouverture d'Ofceron de Weber. — Le
concert sera dirigé par M. George-Hainl .
^^: Voici le programme du treizième concert populaire de musique
elassique qui sera donné aujourd'hui, à 2 heures, au cirque Napoléon,
sous la direction de J. PasJeloup: 1° symphonie en la majeur de Mendels-
sohn (allegro vivace, andante, scherzo, saltarelle); —2° adagietto, scherzo,
de Joachim Raff, (op. 101), 1" audition; — 3" symphonie en ut majeur,
de Beetlioven (allegro, andante, menuet, final) ; — i" larghetto du quin-
tette (op. 108), de Mozart (exécuté par M. Grisez (clarinette) et tous les
instruments à corde.s); — ;>' ouverture du V aisseau- l'anlwne, de Richard
Wagner.
.i*4f Jeudi, 6 février, à la salle Herz, aura lieu un grand concert avec
orchestre et chœurs (1.^50 exécutants) sous la direction de M. Charles
Lamoureux. On y entendra: \" Symphonie pastorale (Beethoven); —
2" marche et chœur des fiançailles de Lohemjrin (Richard Wagner) ; —
3° air de Fo.raand Cortez, chanté par Mlle Mauduit; — 4° Canzonetta du
quatuor en mi bémol (Mendelssohn) ; — .'i" scène et finale du deuxième
acte de la Vestale (Spontini); — ti» ouverture A'Oberon (Weber). Les .soli
seront chantés par Mlle Mauduit et M. Ponsard, du Théâtre Impérial de
l'Opéra.
»*4 On se rappelle la jeune pianiste llachel Van Lier, qui étonna l'hiver
dernier par la précocité de son talent. Elle annonce pour le dimanche
23 février, à la salle Herz, une matini';e musicale qui promet d'être fort
intéressante et dont nous donnerons bientôt le programme.
*** On nous écrit d'Amiens que le dernier concert de la Société phil-
harmonique, pour lequel le président .M. Jules Dencux avait demandé
et obtenu le concours de Marie Sass et de Faure, de l'Opéra, a dépassé
en succès tous le^ précédents. Les deux éminents artistes y ont produit
le plus grand effet et ont été couverts d'applaudissements.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
,i*if Le théâtre impérial de l'Opéra a donné, cette semaine, trois re-
présentations de Guillaume Tell. — On prêle à M. Perrin Tintenlion de
reprendre VArmide de Gluck, après VHamlet de M. Ambroise Thomas.
^^ Une indisposition n'a pas permis au théâtre de l'Opéra-Comique
de donner Robinson Ciusoé crtte semaine; on espère que les représenta-
tions du charmant opéra d'Oft'enbach pourront être reprises dans les
premiers jours de celle-ci.
^*^^MM. Henri Meilhac et William Busnach ont lu, dimanche dernier,
aux artistes de l'Opéra-Comique, un acte, le Pâté de grives, dont Mme de
Granval a écrit la musique. Les rôles de cette pièce sont destinés à Po-
tel, Leroy et à Mlle Cico.
,^*,i. Samedi dernier, aux Italiens, une subite indisposition de Mlle
Patti n'ayant pas permis de changer le spectacle, — la Lucia annoncée —
Mlle Laure Harris a dû chanter ce rôle, au pied levé, comme l'on dit,
sans préparation, sans répétition, et ce page, cette Zerline, cette jolie pe-
tite voix, cette agilité, cet esprit, ce «diable au corps,» tout cela subite-
ment transformé par une de ces métamorphoses dont le talent et la jeu-
nesse ont seuls le secret, s'est tiré de la tâche imprévue avec une am-
pleur et une justesse de voix dignes d'éloges, avec une exécution des plus
habiles, et surtout avec l'allure mélancolique, noble et passionnée à la
fois que réclame le caractère du personnage. Malgré le désap-
pointement légitime du public de ne pas entendre sa favorite, Mlle Har-
ris, qui la double, a obtenu un succès très-décidé et qui s'est accentué
depuis lors dans une seconde représentation du même ouvrage donnée
jeudi à la place de Lucrezia Borgia. — On s'occupe beaucoup de la re-
prise de Don Giovanni, à ce théâtre, avec la distribution suivante : A.
Patti, Zwlina; Krauss, Donna Anna; Nicolini, Don Otiavio; Verger, iJa-
sctto; Agnesi, le Commendatore. Quant à Elvira, ce personnage redouté,
que l'on ne peut remplir sans voix, sans figure, sans intelligence scéni-
que, qui s'appelle Nilsson au théâtre Lyrique, Gueymard à l'Opéra, on
ne sait pas encore quelle sera son incarnation prochaine aux Italiens.
jf*^ Jeudi, l'Impératrice Eugénie a honoré de sa présence la représenta-
tion de la Sonnamhula au théâtre Italien. Sa Majesté a daigné faite
complimenter Mlle Patti et Gardoni qui se sont surpassés dans cette re-
présentation. L'auditoire était des plus brillants. — Du reste, on s'a-
perçoit que Mlle Patti arrive au terme de ses représentations (elle n'en
a plus que dix-huit à donner) ; on veut en jouir, et les notabilités pa-
risiennes abondent de plus en plus lorsqu'elle joue .
,j*^ Une indisposition de Mlle Krauss ajourne la première d't'i Templario,
et il se pourrait même qu'il ne fût pas donné mardi. Toutefois la se-
maine laissant Mlle Patti libre, il est probable qu'elle quittera Paris au-
jourd'hui pour aller donner en province ou à l'étranger deux ou trois
représentations que plusieurs directeurs sollicitent d'elle à la fois. Elle
jouerait sur le théâtre qui aura la préférence la lucia , Marguerite de
Faust, et Valentine des Huguenots en français.
^*^ Autant le programme du grand concert donné, lundi dernier, à la
30
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
fallc Vftntadour, par la Société italienne de bienfa'sance, et quR nous
avons publié, était intéressant et varié, autant les résultats de cette nié-
morable soiréeont répondu à l'attente du public, qui y a goùlé les jouis-
sances artistiques les plus délicates, k celle des artistes, auxquels de cha-
leureuses ovations ont été décernées, à celle des pauvres enfin — les
premiers intéressés ceux-là ! —qui y ont recueilli 16,400 francs, une des
plus fortes recettes qui aient jamais été faites peul-être aux Italieu.s.
Mlle Krauss paraissait, pour la première fois, dans ce rôle austère de
Norma., qui réclame autant d'agilité de voix et de puissance dramatique
que de beauté plastique; la tragédienne lyrique a su allier la noblesse à
la nature passionnée de son personnage, qu'elle a suffisanmient traduit,
du reste, au point de vue musical. Mlle Rosello (Adalgis-e) s'est montrée
séduisante. Agnesi a été un grand prêtre fort remarquable et d'une belle
prestance Mlle Patti, quoique souffrante, n'avait pas cru devoir refuser
sa voix d'or à ses compatriotes malheureux, et, après avoir chanté le
premier acte de Crispino, elle a dit, comme elle seule sait et saura Jamais
le dire, ce premier acte de Don Pasqualc que Donizetti semblerait, en
une prescience singulière de l'avenir, avoir écrit pour la Norina prédes-
tinée. Ciampi, Verger, Scalese, Gardoni ont vaillamment contribué à la
perfection de l'exécution en se niontrant, avec cette bonne volonté qui ne
fait jamais défaut aux véritables artistes lorsqu'il s'agit d'une œuvre de
charité, en se montrant, dis-je, ce soir-là, aux applaudissements d'une
salleinagnifique, dans les rôles les plus opposés. Une bonne part du
succès de la soirée revient, sans contredit, à la .-émillante Mlle Harris,
qui vient de prendre son essor avec infiniment de grâce et [de légèreté
vers la région des étoiles.
^*jf Le théâtre Lyrique s'occupe lieaucoup de l'opéra nouveau de
M. Jules Béer, Elisabeth de HotiQrie; Troy a pris le rôle qui avait été
primitivement destiné à Ismaël, maintenant en représentation à Marseille,
et les répétitions se poursuivent activement.
^*^ L'Alhénée annonce pour demain la première représentation de
V Amour et son carquois, opéra- bouffe en deux actes, joué par Désiré,
Léonce, Mmes Irma Marié, Lovato et toute la troupe féminine. On re-
prendra en même temps une bouffonnerie. C'est pour ce soir, jouée pri-
mitivement au théâ're du passage Cboiseul, et dans laquelle Mlle Moya
chantera deux chansons espagnoles d'Yradier.
^''^ La chanteuse masquée, dont nous avons parlé, a chanté pour la
dernière fois jeudi dernier au théâtre Déjazet, où, plus maîtresse d'elle-
même, elle avait su faire applaudir depuis quelques soirées sa voix sou-
ple, étendue et bien menée. La i mélodieuse mascherirw, • ainsi que
certains journaux la nomment, doit continuer très-prochainement, et
d'une laçon plus régulière, ses débuts à ce théâtre, dans une opérette que
l'on dit charmante. A la scène dernière, ô surprise ! elle enlèvera son
masque. En attendant elle n'aura pas peu contribué aux Plaisirs de
Paris !
^% Ainsi qu'il était facile de le prévoir, le public des Variéléjs a cha-
leureusement accueilli Mlle Schneider dans sa rentrée de Barbe-Bleue.
Mlle Schneider a chanté et joué, du reste, ce soir-là (samedi de l'autre
semaine) avec sa verve la plus entraînante et sa gaieté la plus communi-
cative.
,*^: Aujourd'hui, au théâtre des Variétés, représentation extraordinaire
au bénéfice de Grenier (le prince Paul), avec le concours d'artistes de
l'Opéra, de l'Opéra-Coniique, du Palais-Royal et du Gymnase.
»** On monte en ce moment, avec un très-grand luxe, le Prophète,
au théâtre de Versailles.
;f*» L'Africaine a été reprise à Nantes, et les arti?tes de la campagne
courante ont supporté, vaillamment et sans faiblir un seul instant, le
poids des souvenirs laissés par leurs prédécesseurs, et la charge des
comparaisons et des ci-aintes que les rôles de Vasco, de Selika et de Ne-
lusko devaient nécessairement produire. M. Thierry a parfaitement com-
po.sé le rôle du farouche sauvage , et il le chante avec des effets d'ex-
pression bien calculés. Dans le finale du deuxième acte, Mme Barbot,
une grand artiste entre toutes, fait admirer la pureté , le charme et la
puissance de sa voix essentiellement dramatique. Mlle Franchino se tire
à son avantage du personnage écrasant de Selika. M. Sylva s'acquitte
bien du rôle de Vasco. L'orchestre et les chœurs ne manquent ni de
goût, ni d'ensemble.
^*ji(. Reprise également à Montpellier, l'Africaine a été un succès pour
tous les interprètes. M. Tapie-Brune s'est montré à la hauteur du rôle
de Nelusko. Marion a donné une physiunomie parfaite à don Pedro; De-
poitiers a parfaitement rempli les rôles du grand brahmine et de l'in-
quisiteur. Inès est chantée avec un talent réel par Mme Depoitiers. —
Le ténor Solve a fait, dans les Huguenots, une réapparition brillante sur
cette scène.
5^% On nous écrit de Toulon en date du 22 janvier: « Hier a eu lieu
avec un succès immense la première représentation de l'Africaine. Le
directeur, M. Defrenne, préparait depuis longtemps, avec un très-grand
soin, la mise à la scène du dernier chef-d'œuvre de Meyerbeer. Trois
décors nouveaux pour le 2», le i" acte et celui du Mancenillier,
de magnifiques costumes, de nombreuses répétitions ; rien en un mot
n'avait été épargné, négligé pour assurer ce succès auquel ont vaillam-
ment contribué pour leur part les artistes et l'orchestre. Une longue
suite de fructueuses représentations est déjà assurée à M. Defrenne, et
viendra le récompenser des peines qu'il s'est données et des dépenses
qu'il a faites. — De son côté la Grande-Duchesse en est à sa dixième re-
présentation et sa vogue ne .se ralentit pas; Mlle Taffanel y fait fana-
tisme. »
j*» Le théâtre de Besançon vient de jouer la Grande-Duchesse, pour le
bénéfice de son chef d'orchestre, en même temps directeur de l'école
municipale de musique, M. Goud, dont le talent est fort apprécié en
Franche-Comté. Exécution excellente et qui a fait honneur à Mlle Marie
Clément, à MM. Roumégoux, Saint Lot et Victor. Ce succès très-franc
fera attendre patiemment au public bisontin l'apparition des grands ou-
vrages lyriques qui doivent clôturer la campagne, l'Africaine notamment,
où .se produira l'impresario-ténor de la troupe, M. Duprat, un chanteur
bien connu de l'école de Duprez.
*\ Le théâtre d'Anvers vient de mettre nobinson Crusoé à l'étude.
^,*^, Un opéra-ciiniique inédit d'un compositeur de Ljon, M. Emile
Piclioz, a été joué ces jours-ci au Grand-Théâtre de celte ville, sous le
titre pimpant de Dans les (jardis françaises. Livret banal, pr.sque en-
fantin ; musique alerte et spirituelle sans originalité; interprétation des
plus médiocres, tel est le ré,>umé d s appréciations de la critique locale
sur coite tentative nouvelle de décentralisation artistique.
,,,*, Chaque semaine apporte, maintenant, la nouvelle de l'ouverture,
ou plutôt de la construction d'un théâthe. Après Vil ebichot- Théâtre voici
venir les Folies-Trévise ou Bergère qui s'élèveront aux Colonnes d'Her-
cule... de la rue Richer. On y jouera l'opérette et la chanson populaire
y sera chez elle.
»** On annonce que M. Eugène Ferrand, avocat, sous-chef du bureau
des Théâtres au Ministère de la Mai.^on de l'Empereur et des Beaux Arts,
est nommé chef du même bureau, en remplacement de M. Cabanis, qui
serait appelé à l'inspection des théâtres des départements. M. Albert Cave
serait chargé des fonctions de sous-chef du bureau des théâtres. Si nous
avons bonne mémoire, M. Eugène Ferrand, très-vers; dans la connais-
sance du droit, était l'un des secrétaires de la Commission impériale de
la propriété littéraire et artistique, qui propo,sa la perpétuité des droits
d'autours, au moyen de la redevance.
tf*t, Le sixième bal masqué de l'Opéra, qui a eu lieu hier, a été très-
brillant; l'affluence y était grande et l'orchestre, dirigé par son habile
chef Strauss, a fait merveille.
NOUVELLES DIVERSES.
»% M. Victor Massé vient de recevoir l'ordre de Charles 111 d'Espagne.
jf*^ M. Paul de Saint-Victor a pour successeur à la Presse M. B. Jou-
vin, que sa notoriété comme critique de théâtre désignait tout le premier
au choix de la direction de ce journal.
,% Nous apprenons la nomination de M. Gustave Baneux au grade
de sous-chef de musique de la cinquième subdivision de la garde natio-
nale de Paris, en remplacement de M. Jancourt, promu chef. Cette
marque de distinction était bien due à l'eminent artiste qui tient si
consciencieu>ement et d'une façon si remarquable l'emploi de premier
cor de la Société des concerts du Conservatoire.
^*^ On nous écrit d'Amsterdam que M. A. Berlyn vient d'obtenir aux
concerts de M. Stumpf, au Parc, un grand succès avec une nouvelle œu-
vre de sa composition intitulée Phantasiestiick, qu'il a fait exécuter deux
fois dans la même semaine, sous sa direction, en présence d'un public
enthousiaste.
,t% M. Gabriel Baille nous prie d'annoncer la publication prochaine,
par livraisons, d'un ouvrage de sa composition qui, sous le litre de Proe-
ludium, contiendra cinquante morceaux appropriés à la liturgie catho-
lique et pouvant, quoique écrits pour le grand-orgue, être également
joués sur l'harmonium. Le spécimen de cette publication nous permet
de bien augurer de son avenir. Le prix de chaque livraison est de 3 fr.
net. Les souscriptions sont reçues chez l'auteur, à Perpignan.
^*,t La sérénade du Page, les couplets de la Main et de la Barbe, ceux de
la Toilette et de la Mèche de cheveux, la fameuse chanson des Deux hommes
d'armes, les couplets du Thé, de la Biche, la Tyrolienne et tous les au-
tres morceaux de la nouvelle Geneviève de Brabant, d'Offenbach, le grand
succès du théâtre des Menus-Plaisirs, viennent de paraître au Ménestrel,
2 bis, rue Vivienne. — La partition est sous presse .
1>L l'xVKlS
31
*** Le beau Stahat de Mme la barorrne de Maistre vient de paraître
arrangé pour le piano.— 11 ne peut mamiuer d'avoir comme édition le
beau succès qu'il a remporté comme exécullon.
^*, M. Debillemont, chef d'orcliestre habile et compositeur do talent,
dont nous avons eu souvent occasion de parler, se propose d'ouvrir pro-
chainement un cours spécial et simplifié d'harmonie, de composition
et d'inslruircniation pratique deMiné aux personnes qui veulent s'initier
rapidement à l'art d'écrire correctement la musique.
,f*^ La noravellede la mort subite de M. Antoine Prumier a vivement
impressionné, cette semaine, deux branches m ttement tranchées de la
société parisienne; car, si l'homme distingué que nous regrettons appar-
tenait au monde musical par son talent, par ses travaux et sa position,
d'un autre côté ses premières études et ses aptitudes spéciiiles rattachaient
sa remarquable personnalité au monde scientifique. M. Prumier, en effet,
aprèsavoir faitd'excellentes études classiques au lycée Bonaparte, avait été
élève du Conservatoire de musique en 1811, de l'Ecole polytechnique en
1813 et de l'Ecole normale, qu'il quitta l'année suivante avec le diplôme
de licencié ès-sciences. Les événements de celte époque l'ayant délivré de
l'engagement qu'il avait contracté avec l'Université, il fut heureux de
' reprendre ses études de prédilection el s'empre.'-sa de rentrer au Conser-
vatoire, où il reçut d'Eler des leçons de contrepoint. Harpiste à l'orchestre
des Italiens, puis de 1 Opéra-Comique; piofcsseur de harpe en rempla-
cement de Naderman (183S) au Conservatoire, où sa classe remporta plus
de quarante distinctions, chevalier de la Légion d'honneur de la promo-
tion de 18i5, vice-président pendant dix-sept années consécutives de
l'Association des artistes musiciens à laquelle il n'a jamais cessé de prê-
ter un concours actif et efficace, M. Prumier a publié, en outre, près de
cent oeuvres de fantaisies, rondeaux et thèmes variés pour son instru-
ment. Il a été foudroyé par la rupture d'un anéviisme, mardi dernier,
au Conservatoire, pendant une séance d'examen du Comité des études,
dont il était membre. Homme de bien, artiste d'un mérite incontesté,
savant d'une intelligence hors ligne et d'une vaste portée, Ant. Prumier
laissera de durables souvenirs dans le cœur de tous ceux qui l'ont
connu, c'est-à-dire estimé et aimé.
^""^ Mardi, les derniers devoirs ont été rendus, en l'église Bonne-
Nouvelle, à M. René Margueritat, éditeur de musique fort connu, dont
la mort inattendue a douloureusement surpris ses amis.
^*,^ A Manchester vient de mourir un homme qui avait dévoué sa
vie tout entière à la vulgarisation de la mu.sique, le docteur Mark. lia
publié lui-même le nsultat de ses travaux; on y trouve la mention de
9,380 concerts donnés par lui, et de 5,2j;0 conférences qu'il a faites de-
vant 7,6i5,791 enfants et 5,233,689 adultes. 11 a fait exécuter l'hymne
national anglais 9,982 fois; il a parcouru 296,690 milles (95,363 lieues),
et a dépensé 113,000 liv. sterl., en plus de 23,000 prises sur sa fortune
personnelle. Outre son collège de musique, il a créé plusieurs conserva-
toires et organisé un grand nombre de petits corps de musique qu'il
appelait Litite mm ou les petits hommes ; enfin, l'ir.slruction musicale
a été départie d'après son système à plus de 3,300 classes tant publiques
que particulières.
ÉTRANGER
^*^ Bruxelles. — Le second concert du Conservatoire a offert un
puissant intérêt par la variété des œuvres symphoniques qu'on y a en-
tendues. La pièce d'introduction était l'ouverture de lioméo H Juliette de
Steibelt, une très-belle et très-vigoureuse page instrumentale que la gé-
nération actuelle ne connaît pas, et qui n'a pas causé moins de surprise
que de plaisir à nos amateurs, étonnés qu'on fit de pareille nuisi>|ue il
y a trois quarts de siècle. Vint ensuite la première symphonie de M. Fé-
tis, exécutée pour la seconde fois, après un intei'valle de cinq ans, et
qui a produit une impression plus vive encore qu'originairement. Par la
fraîcheur des idées, cette œuvre semblerait remonter à la jsune-se de
l'auteur; mais à la science qui s'y trouve, à la richesse des combinai-
sons qui ne peuvent être que le fruit d'une longue expérience, on com-
prend qu'elle doit appartenir à la pleine maturité de .sa carrière. Léton-
nement est grand lorsqu'on sait que M. Fétis l'a composée à l'âge de
soixante-dix-huit ans. Rien de plus mélodique, de plus frais, de plus
nouveau, de plus piquant que les idées qui sont d'une abondance singu-
lière; rien de plus intéressant, de plus riche, de plus varié que les Ibrmes
instrumentales sous lesquelles ces idées sont présentées et développées.
Chaque morceau est marqué de l'empreinte d'une véritable originalité
qui frappe dès le début et se soutient jusqu'au bout. Des applaudisse-
ments enthousiastes ont éclaté après chacune des quatre parties dont se
compose cette œuvre remarquable, et l'auteur, forcé par les acclama-
tions obstinées de l'auditoire, a dû reparaître à la fin. L'exécution a été
d'une perfection rare. L'orchestre du Conservatoire s'est surpassé pour
rendre hommage au maître. La troisième page symphonique inscrite
au programme de celle séance était l'ouverlurc de concert de Beethoven,
celle qu'il composa pour répondre aux observations di; ses amis sur ce
qu'il n'avait fait des morceaux de ce genre que dans le stylo dramatique,
et dans laquelle il se rapprocha do la manière de Haendel. On a en-
tendu, dans celte même séance, M. Holmes, le virtuose anglais, qui a
exécuté le concerto de Mendelssohii, un andanie de si composition et
une gigue de Corelli, instrumentée par lui. Le lendemain du concert,
M. Holmes est parti pour Sainl-Péter.sbourg.
^*^ Stultqard. — La reprise de l'Africaine est venue donner une nou-
velle vie h notre théâtre. Une salle comble a applaudi avec enthousia.s-
mo Sontheim, aujourd'hui le meilieur ténor de l'Allemagne, Mme Ellin-
ger (Sélika), Schïittky (Nélusko) et Mlle Klettner (Inès). Ces quatre ar-
tistes con.siituent l'un des plus beaux en.>^embles que l'Africaine ait
jamais rencontrés.
^*,Schwerin. — On vient de donner pour la première fois la charmante
œuvre de Flotow, Zildii, qui a été trcs-goùtée, et dont l'exécution n'a rien
laissé à désirer, - Le quatuor florentin dirigé par Jean Becker s'est fait
entendre ici plusieurs fois avec succès.
,*^ Weimar. — Un nouvel opéra, le Héros du A'ord fGustave "Wasa), de
C. Gœize, attendu depuis longtemps vient d'être représenté et a répondu
aux espérances du puldic. L'auteur est un simple choriste du théâtre,
qui s'est déjà fait connaître avantageusement par un opéra intitulé les
Corses.
^*j,!, Berlin. — Une brillante reprise de Fcrnand Cortez a eu lieu à
l'Opéra; le ténor Niemann s'y est particulièrement distingué.— Mlle ArtOt
a eu de nouveaux triomphes dans Faust et les Diamants de la Couronne.
— La Grande- Duchesse a formé à elle seule le répertoire de toute la semaine
dernière au théâtre de Friedrich-Wilhelrastadt.
^*^ Leipzig. — Toute la première partie du douzième concert du
Gewandhaus, le 9 janvier, se composait d'œuvres de Moritz Hauptmann,
dont nous avons annoncé la mort récente : Saloe Regina, ouverture de
l'opéra Malhilde, et trois compositions chorales d'église. Des œuvres du
répertoire classique complétaient le programme. — Im Kyffhœuser, :yçc,rsi-
comique el romaniique en deux actes de Mùhldorfer, a été donné le 4
janvier avec un complet succès. Le sujet est une histoire villageoi.-^e que
le compositeur a très-hetireusement traitée, en se renfermant dans une
simphcilé de bon goût. — On pen.se pouvoir inaugurer le nouveau
théâtre d'Opéra le 28 janvier.
^*., Varsovie. — La cantatrice suédoise Mlle Hebbé vient de débuter
brillamment aii Théâtre italien dans le rôle de Valentine des Huguenots;
elle est applaudie et rappelée chaque soir, et le vice-régent lui a fait les
plus flatteurs compliments. Elle doit chanter bientôt le rôle de Léonore
du Trouvère.
**H. Barcelone. — Guillaume Tell vient d'être représenté pour la pre-
mière fois de la saison el d'une manière splendide. Le ténor Steger,
Mme Rey-Balla, et le baryton Petit, trois artistes de talent dont l'éloge
n'est plus à faire, se sont surpassés; le public ne se lassait pas de les
acclamer. — Le succès de Mme Sinico, à son début dans Lucia, a été
très-grand; les journaux barcelonais sont remplis de ses louanges. Outre
le Pardon de Pliiërmel on va monter également FraDiavoloen italien.
,j*^, Cadix. — Dans Sémiramis, les sœurs Marchisio et la basse Everardi
ont provoqué, comme partout où on a la bonne fortune de les entendre,
un véritable enthousiasme. Avec de pareils artistes el Emmy Lagrua,
notre public ne pourra se plaindre celte année d'avoir été mal partagé.
^*, Rome. — Des embarras pécuniaires ont obligé l'imprésario Jaco-
vacci à remettre son administration entre les mains de la municipalité,
qui gérera probablement les alfaires du théâtre jusqu'à la fin de la
saison .
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Au temps des Roses, six rondes enfantines, de J.-B. Clément :
i. Petit mouton blanc. i. Encore une chanson.
2. Malinette. 5. Saint-Bon-Enfant.
3. Petit bonhomme Lonlà. 6. Vive la Ronde!
Les six rondes réunies en album, net : 5 francs. — Chaque, 2 SO
Musique de H. de la Haulle.
les Etrenncs du cœur, historiette avec chœurs [ad libitum), de *•*,
dédiée à S. A. le Prince-Impérial 3 »
Musique de Clavier père.
L'Ogre, ballade enfantine avec chœurs (ad libitum), de Ch. Grou;
petite partition, net 1 SO
Musique de F. Jouffroy.
La Crèche Sainte - Marie, chanson de J. de Blainville, vendue au
profit de l'Œuvre des crèches 2 SO
KDITEUR DE MUSIQUE, 8, RUE CADET.
Musique de Ch. Hubans.
Le Cantonnier, chanson d'Alexandre Flan, pour baryton .... 3 »
Vire l'eau I chanson de Degeorge, pour baryton 3 »
A chacun sa part ch soleil, chanson de Cli. Grou, n° i, pour ténor,
n° 2, pour baryton 3 »
Musique de L.-C. Desormes.
Luciole, légende d'Alexandre Flan 2 50
Le Grand Voyaye, chanson d'Alexandre Flan 2 50
Musique de H. Cellot.
On vous dira qit'ça n'est pas vrai ! chanson héroïque d'Al. Flan . . 3 »
Musique de A. Coedès.
Oh! eh! mon chien Picard! chanson rustique d'A. Bouvier. ... 3 »
pour paraitre incessamment
(musique de a. coédès )
Roulez les dés. mes fils, chan.sun dramatique d'Alexandre Flan. . 3 »
Les Deux Hirondelles, fabliau de (Jh. Grou 3 »
Maison COLOMBIER, 6, rue Vivienne, à Paris.
IN^OUVELLES PUBLIGA.TIONS
Pour le piano
J.-L. Battmann. op. 27S. Les Porcherons, petite fantaisie
A. Croisez. Op. 146. Notre- Dame-des- Anges, prière de
jeunes filles
— Op. 147. Les Faux Monnayeurs, caprice
J. Leybach. Op. 107. La Cenerentola, fantaisie brillante.
— Op. 108. Tristesse, élégie
A. Le Garpentier. Airs et Rondes populaires , arrangés
à quatre mains, en 3 livres, chaque
L. Schiiffniacher. Op. 72. Slon pays, transcription variée
Danse
Gaston de Lille. En avant ! polka
— Biarritz, polka-mazurka
— Sous la Feuillée, valse
Ad. Lacout. Le Petit Mignon, quadrille très-facile
— Babij, polka très-facile
Strauss. Le dernier des Romains, quadrille
S »
S 1)
7 SO
6 »
7 50
S »
5 »
6 »
4 50
2 50
4 50
Chant
LE DERNIER ROMAIN,
Tragédie lyrique et comique, paroles et musique de
Eugène MONIOT.
Partition piano et chant, et libretto, prix net : 5 francs.
D. Balleyguier. Douce chanson 3 »
G. Douay. C'est plus fort que moi, chansonnette 3 »
— Un Bourgeois pour tout faire, chansonnette 3 »
J. Javelot. Mon Oscar, chansonnette 3 »
P. Blaquières et J. Moinaux. Gratteloup au camp de
Châlons, chansonnette 3 »
J. Moinaux. Explication du fusil Chassepot, chansonnette 3 »
l>uos pour ténor et baryton
Léo de Libes. Le Marchand d'Oublis 6 »
Ch. Lecocq. Les Tonneliers 4 »
— Le même à une voix 2 50
. CHEMINS DE FEB — A. CHAIX ET I
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
3S' Année.
W 5.
2 Février 1868.
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et à l'Élronger,
chez tous les Marchands de Musique, h s Libraire
et aui Bureaux defi Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris '-4 r. par
Départements, Belgique et Suisse.... :iO » id
ÉtruDger 3i ri id
Le Journal paraît le Dimanche,
TTE MUSICALE
DE PARIS
Nos abonnés reçoivent, avec le numéro d'anjonrd'linl,
la table analytique des matières de Tannée ISGï.
SOMMAIRE. — Théâtre impérial Italien: il Templario, opéra- séria en trois
actes, inusiqae d'Otto Nicolaï, par Slaariue Ciray. — Théâtre de l'Athénée :
l'Amour et son carquois, opéra-bouffe en deux actes, de M. Marquet, musique
de M. Ch. Lecocq; C'est pour ce soir, bouffonnerie de M. W. Busnach. —
Revue des théâtres, par H. A. D. Saiiil-Ytes. — Concerts et audi-
tions musicales de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles
diverses. — Annonces.
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN.
IL TEMPLARIO,
Opéra-seria en trois actes de J.-M. Marini, musique d'Orro Nicolaï.
(Pjeniière représentation le 28 janvier 1868.)
Depuis près de trente ans, la partition à' Il Templario est célèbre
en Allemagne et en Italie; depuis longtemps déjà nos dilettantes
des départements ont été mis à même d'apprécier sa valeur, puis-
qu'une traduction française de cet ouvrage intéressant a paru sur
plusieurs des scènes de nos grandes villes, Lyon, Bordeau.K, Tou-
louse, etc., et cependant le public parisien n'en connaissait jus-
qu'ici que l'ouverture, exécutée seulement l'année dernière aux
concerts des Champs-Elysées. Toutes les administrations qui se
sont succédé au théâtre Ventadour depuis 1839, époque de la créa-
tion A' Il Templario à Turin, ont négligé de nous faire '• 4*
cette belle production, et si le théâtre Lyrique ne s'étt»
il y a deux ans, à monter les Joyeuses Commères de Windsor (ex-
périence qui du reste n'a pas été des plus heureuses), Nicolaï ne
serait absolument connu chez nous que de nom. On di ' onc
savoir gré à M. Bagier de la tentative qu'il vient de fai>'
comme tout portait à le croire, a été couronnée d'un ' ,
Mais, avant de parler de l'œuvre, disons quelques .• *' :, son
auteur.
Otto Nicolaï, qui mourut avant d'avoir accompli sa trente-neu-
vième année, était né en Prusse, à Kœnigsberg, le 10 juin 1810,
d'un père musicien qui l'éleva assez rudement, et voulut lui faire
embrasser la même carrière. Elève d'abord de Bernard Klein,
un artiste distingué, le jeune homme fit des progrès très-rapides,
devint un bon pianiste, et s'adonna à l'étude de la composition. Il
n'était pas riche, et devait travailler pour vivre en même temps
que pour parvenir. Il s'en fut à Berlin, oti le concours et les
efforts de quelques amis contribuèrent à faciliter les commence-
ments de sa carrière, et à lui donner la possibilité de mener ses
études à leur terme.
M. de Bunsen, alors ministre de Prusse auprès de la cour de
Rome, étant venu passer un congé à Berlin, remarqua le talent
solide et les qualités réelles du jeune compositeur, qu'il avait
eu l'occasion d'entendre dans différents salons. 11 s'intéressa à lui,
et lui proposa de l'emmener à Rome, où il le chargerait des fonc-
tions d'organiste de la chapelle prussienne en cette ville. Il faut
dire que M. de Bunsen songeait à une réforme du chant dans
l'église protestante, et qu'il comptait, à cet effet, tirer parti des
talents de son jeune protégé. Celui-ci, que la perspective d'un
voyage au-delà des Alpes tentait comme elle doit tenter tout véri-
table artiste, accepta les propositions qui lui étaient faites, et partit
pour Rome dans le cours du mois de décembre 1833. Peu de
temps après, il prenait possession de son emploi, auquel était
attachée une rémunération mensuelle de 15 sciidi, environ 7S
francs. Pour un réformateur, il faut avouer que M. de Bunsen
manquait d'ampleur dans les vues.
Néanmoins, Nicolaï passa à Rome les années 1834, 183S et 1836,
et l'on peut dire qu'il y mit le temps à profit. Remplissant avec
une scrupuleuse exactitude les devoirs de sa charge, s'astreignant
à donner des leçons pour augmenter les maigres ressources que
celle-ci lui procurait, il trouvait encore le moyen de travailler
pour lui-même, et s'était mis sous la direction du célèbre abbé
Baini, l'éloquent et consciencieux biographe de Palestrina; il fit
avec lui un nouveau cours complet d'études, nourrissant son es-
prit des grandes œuvres des anciens maîtres de l'école romaine,
et particulièrement de Palestrina lui-môme.
Ces recherches dans le domaine de la musique scolastique et
sacrée n'amoindrissaient cependant pas ses aspirations vers la mu-
sique dramatique. Alors qu'il était encore enfant, à Berlin, il avait
34
KEVLE ET GAZETTE MUSICALE
entendu, étudié lés opéras alors en vogue de Rossini, de Mayr, de
Generali, de Bellini et de bien d'autres compositeurs italiens. A
Rome, où il se mit à fréquenter les théâtres, son goût pour ce
genre de composition ne fit que se développer davantage, et il ré-
solut de travailler lui-même en vue du théâtre.
Bientôt il abandonna Rome, se mit à parcourir l'Italie, visita
successivement Naples, Florence, Bologne, où il coimut Rossini,
puis s'en fut à Milan, que l'influence du théâtre de la Scala, alors
possesseur d'une troupe admirable, rendait la première ville musi-
cale de l'Italie. La Scala offrait, en eft'et, à cette époque une réu-
nion d'artistes incomparables, la Malibran, la Schoberlecliner, la
Tadolini, Mariotta Brambilla, Poggi, Cartagenova, Scalese, etc.v
et c'éteît sur celte scène illustre qu'apparaissaient les plus gran-
des parmi les œuvres contemporaines : Gemma di Vergy, Lucrezih
Bor'^ihjde Donizetti; Norma, de Bellini; Chiara diUosembérg, "Uh'
avvenlura di Scaramuccia, de Luigi Ricci ; Catcrina di Guisa, de
Carlo Coccia; Il Giuramento, de Mercadante...
Nicolaï se fixa à Milan, afin de pouvoir prendre sa part du
grand mouvement artistique qui animait cette ville intelligente, et
c'est là qu'il écrivit tous ses opéi'as italiens, s'absentant seulement
pour aller veiller à leurs études dans les villes où ils devaient être
représentés. Il donna d'abord à Trieste (1837) Enrico II, dont le
premier titre était Eleonora di Guienna, puis Uosamonda d'Inghil-
terra ; peu après (décembre 1839), il produisait au Théâtre royal
de Turin le fameu.x Templario, dont le succès fut colossal, et qui
fit bientôt le tour de l'Italie et de l'Allemagne ; il donnait ensuite
au Carlo-Felice, de Gênes, Odoardo e Giklippe; et enfin, en 1841,
à la Scala, qui s'était emparée déjà du Templario, son dernier
opéra italien, // Proscriito, lequel, il faut le dire, fit un fiasco so-
lennel.
Mais le succès de ses œuvres antérieures, surtout celui du Tem-
plario, avait appelé sur lui l'attention de ses compatriotes. Bientôt
Nicolaï fut mandé à Vienne, où on lui offrait la place de chef
d'orchestre du théâtre de la Cour, sur lequel les représentations
de l'Opéra allemand alternent avec celles de l'Opéra italien. 11
accepta, entra en fonctions dans le cours de 1842, et ne quitta ce poste
important qu'en 1847, époque à laquelle il fut appelé à diriger l'Opéra
royal de Berlin. C'est dans cette dernière ville qu'il écrivit et fit
représenter, le 9 mars 1849, son unique opéra allemand, les
Joyeuses Commères de Windsor, dont le succès rappela les propor-
tions de celui du Templario, bien que les deux œu\res fussent de
caractère absolument opposé. Malheureusement, l'artiste ne survé-
cut pas à ce nouveau triomphe : il mourut subitement, à la fleur
de l'âge, le 11 mai 18i9, deux mois après la représentation de son
dernier ouvrage.
Parlons maintenant du Templario.
Donné à Turin, comme nous l'avons dit, à la fin de 1839, cet
opéra, qui était chanté alors par la Marini-Raineri (était-ce la
femme de Marini, l'auteur du livret?), le ténor Salvi et le baryton
Ferlotli, dut à son éclatant] succès d'être représenté dès le mois
d'août suivant à la Scala, où il ne fut pas moins bien accueilli.
Bientôt il parut au San-Carlo, de Naples, puis au théâtre Italien
de Vienne, mais cette fois avec des changements nécessités par la
voix du principal interprète: le rôle de Rebecca, qui avait été
créé par un contralto, la Marini-Raineri, passait aux mains d'un
soprano, la Tadolini. Des remaniements étaient donc indispensa-
bles et Nicolaï les opéra lui-môme. En 1841, le Templario retrouve
son succès à Barcelone et à Malaga; en 1842, il est chanté à
Pesth, puis à Grenade (1843), à Berlin (1844), à Saint-Pétersbourg
(1846). Enfin, il va charmer les échos du Bosphore, paraît à Cons-
tantinople, puis traverse les mers pour se produire à New- York.
Depuis lors, à l'exception de Paris (exception qui n'existe plus
aujourd'hui), il n'est pas une ville importante à laquelle il n'ait
été donné d'entendre cette remarquable partition.
Le sujet, tout le monde le sait, est tiré du magnifique roman
de Walter-Scott, Ivanhoé, l'un des récits les plus émouvants et les
plus rapidement menés (chose rare !) du grand écrivain. C'est
l'histoire., connue de tous, de la passion de Briand de Boisguil-
bert, le templier, un chevalier indigne, pour une juive, la jeune
et belle Rebecca. La pièce reproduit en raccourci les principales
situations du roman; elle nous fait assister aux poursuites odieuses
de Briand, qui ne recule pas devant le crime pour s'emparer de
la jeune fille; elle nous montre la haine et le mépris qu'il inspire
à celle-ci; l'amour qu'elle éprouve au contraire pour le chevalier
Vilfredo (Ivanhoé); la générosité de ce dernier, qui se dévoue pour
la sauver, et enfin elle conserve, en le précipitant, selon les be-
soins de la scène , le dénoûment touchant et pathéti(jue de
l'œuvre.
Le sujet était assurément digne d'inspirer un musicien doué de
qualités nombreuses et variées, comme l'était Nicolaï. Aussi la
partition est-elle complètement réussie, et justifie-t-elle les sym-
pathies qui n'ont cessé de l'entourer depuis sa naissance.
L'ouverture, célèbre dans toute l'Allemagne, où elle fait partie
de tous les programmes de concerts, débute, après quelques me-
sures d'introduction, par la marche funèbre du troisième acte,
marche qui se fait entendre lors des apprêts du supplice, auquel
Rebecca échappe comme par miracle. Après cette marche, vient
un allegro con fuoco, d'une allure sombre et tourmentée dont on
retrouve plus tard des fragments dans la scène qui précède la
cavatine dramati([ue de Rebecca. (^oupé en deux parties par un
andanie d'un grand caractère, cet allegro est suivi d'un motif ins-
trumental moins rapide, où la tonalité mineure fait place â la
tonalité majeure, pour amener une péroraison chaude et colorée.
Cette ouverture est une page d'un ordre très-élevé, et l'on se de-
mande pourquoi M. le directeur du chant du théâtre Italien vou-
lait la remplacer par celle des Joyeuses Commères de Windsor,
dont le moindre défaut eût été de former une disparate complète
avec l'ensemble si dramatique de l'ouvrage.
Le chœur d'introduction est franc et bien venu ; quant à la ca-
vatine de Vilfredo, elle est rendue méconnaissable par d'énormes
coupures, et on a supprimé entièrement la scène qui suit, dans
laquelle pourtant on trouve une belle cantilène chantée par Briand.
Le chœur féminin, Del cielo hriianno, est adorable et d'un excel-
lent effet, surtout dans sa seconde partie, où le contre-point des
violons le rend plus charmant encore. La romance de Rovena, Il
cor gli affanni..., est bien jolie aussi, mais Mlle Simoni l'a défi-
gurée par des changements intempestifs et par la suppression au
moins inutile de toute la période finale. La cavatine de Rebecca,
très-di'amatiqne et d'un grand sentiment, est encore relevée par
une instrumentation très-colorée et d'une l'arc élégance. Enfin, le
finale du premier acte est une page splendide et de grand effet,
dont le public a redemandé ù grands cris l'épisode principal :
Chiuso nel sen di fremere, épisode d'une grandeur d'accent et d'une
ampleur d'inspiration qui touche au sublime, surtout lorsque le
motif, entonné d'abord par les voix seules, est repris ensuite avec
l'adjonction de toutes les forces instrumentales, au milieu desquelles
se fait particulièrement entendre la note persistante et comme fa-
tale des trompettes.
Le second acte s'ouvre par un duo très-vif, très-chaud, très-
coloré entre Briand et Rebecca, duo conçu dans la pure forme
italienne et qui rappelle les meilleurs moments de Donizjtti. Le
chœur des templiers, qui vient ensuite, est large et grandiose.
Après un air de Briand, dont la coupe est franche et l'allure heu-
reuse, vient un duo entre Cedrico et Vilfredo, qui se transforme
DE PARIS.
35
en ti'io par l'arrivée de Rovcna ; c'est là un morceau dramatique
très-scéiiiquc, liicii campé et d'une facture trî'S-serrée.
Nous retrouvons au roramencement du troisième acte le chœur
qui vient d'être cité, et qui est bientôt suivi delà marclie funèbre
annonçant l'arrivée de Rebecca conduite au supplice; cette mar-
che est caractéristique et d'une couleur sombre bien appropriée à
la situation. On a coupé à la suite un morceau d'ensemble très-
important, et dont la lecture sur la partition m'a fait regretter
vivement l'absence. Quant à la prière chantée par Rebecca pour
invoquer le secours du ciel en faveur du chevalier qui, pour lui
sauver la vie, se bat contre le traître Briand, c'est une large et
belle inspiration, pleine de grandeur, d'onction et de poésie; l'effet
produit sur le public par celte page émouvante et émue a été
très-grand, et Mlle Krauss, qui l'avait nuancée avec un charme
rjrc, a dû la dire une seconde fois.. Le. finale n'a qu'une impor-
tance secondaire, et peut-être est-il un peu trop écourté.
En résumé, si la partition du Templario n'est point l'œuvre d'un
homme de génie, elle est du moins celle d'un artiste supérieur,
très-versé dans la connaissance pratique de son art, doué d'un
juste et vrai sentiment dramatique, et souvent inspiré. Si la forme
n'est pas toujours originale , elle est toujours très-soignée ; l'idée
est abondante, et l'harmonie qui l'accompagne est généralement
fort distinguée. Nous ne devons pas oublier d'ailleurs que le Tem-
plario a été écrit en 1839, en pleine période donizettienno, que
l'auteur devait être sous l'impression des grandes œuvres produites
par le maître qui a écrit la Lucia et Lucrezia Borgia, et que de-
puis lors des formes' qui pouvaient passer pour neuves ont eu le
temps de se mettre en cours. Il est un point, toutefois, sur lequel
on ne saurait trop insister : c'est l'intérêt, l'élégance, la richesse et
la couleur que Nicolaï a su donner à son instrumentation. Son
orchestre est soigné d'un bout à l'autre et souvent traité de main
de maître; et cela sans effort apparent et sans exagération de so-
norité.
On ne peut donc que louer M. Bagier d'avoir songé à nous
offrir une œuvre absolument inconnue à Paris, et de nous avoir
mis à même d'apprécier le talent très-remarquable d'un compo-
siteur dont la réputation est à juste titre considérable en Allema-
gne et en Italie. Nous regrettons seulement que des coupures fâ-
cheuses et souvent peu logiques aient été pratiquées sans scrupule
dans la partition. Que l'on supprime un ou plusieurs morceaux
entiers, cela se comprend à la rigueur, par suite de telle ou telle
difficulté d'exécution. Mais mutiler ces morceaux, leur ôter vingt
mesures par-ci, quarante mesures par-là, écourter les modulations,
changer les cadences, enlever par conséquent à ces morceaux le
plan et la forme logiques dans lesquels l'auteur les avait conçus,
voilà ce dont on eût dii s'abstenir, et ce qui eût pu, avec une œuvre
moins solide et moins bien venue, en altérer considérablement
l'effet sur le public II n'en a rien été, fort heureusement. Nous
nous bornerons donc à constater le fait, sans plus insister.
L'interprétation du Templario a été très-satisfaisante. 11 faut placer
en première ligne Mme Krauss, qui, pathétique, touchante et poé-
tique, a joué le rôle de Rebecca en grande comédienne, comme
elle l'a chanté en grande virtuose qu'elle est, La nature de son
talent souverainement dramatique convenait d'ailleurs on ne peut
mieux au personnage. Après s'être montrée très-brillante dans la
cavatine du premier acte, elle a eu de superbes élans de fureur et
de hjine dans son duo avec Briand ; elle a dit la prière avec une
très-grande largeur de style, enfin elle s'est montrée très-passionnée
dans toutes les parties importantes de ce rôle lourd et difficile. A
elle seule, elle aurait assuré le succès de l'ouvrage.
M. Stellcr, lui aussi, a droit à de grands éloges. Il a donné au
personnage de Briand de Boisguilbert l'allui-e farouche et sombre
(ju'il comporte , et sa belle voix de baryton, si franche, si bien
timhi'ée, si bien conduite, a impressioimé profondément.
Bf. Nicolini a vu malheureusement les coupures s'attaquer prin-
cipalement à son rôle (Vilfredo); comme, pourtant, il était difli-
cilc de le supprimer entièrement, les occasions ne lui ont pas man-
qué de déployer les qualités de sa voix fraîche et sympathique
et de son jeu distingué.
Enfin, M. Agnesi, dans le personnage de Cedrico, et Mlle Simon^
dans celui de Rovena , complètent un ensemble qui , nous le
répétons, est aussi satisfaisant que possible.
Au surplus, les rappels et les applaudissements n'ont pas man-
qué, le soir de la première représentation et depuis lors, à ces
excellents artistes qui assurent pour long-temps, nous le croyons
fermement, le succès A'U Templario en France.
Maufiice GRAY.
THEATRE DE L'ATHENEE.
L'Amour et son carquois, opéra-bouffe en deux actes, de
M. Marquet , musique de M. Cir. Lecocq. — Reprise de C'est
pour ce soir, bouffonnerie de M. W. Busnach.
(Premières représentations le 30 janvier 1868.)
Qui ne connaît ce fameux distique de Voltaire, à propos de
l'Amour :
Qui que' tu sois, voilà ton maître;
Il l'est, le fut ou le doit être.
C'est, en quelque sorte, l'épigraphe de la pièce de M. Marquet,
dont la donnée fantaisiste ne manque pas d'une certaine ingé-
niosité.
Cupidon est un enfant fort mal élevé qui compromet sans cesse
la gravité de l'aréopage céleste, et qui a besoin d'être remis sous
la férule pour apprendre le respect dû aux divinités de l'Olympe.
Vénus, sa mère, le prend par la main et le conduit chez un péda-
gogue de l'île de Crète, où elle le laisse, en lui imposant, pour
condition de son retour dans l'Empyrée, l'obligation de conserver
précieusement son carquois et ses flèches.
Mais le bonhomme Chrysidès tient à la fois école de garçons et
de filles; les sexes y sont un peu mêlés, et, dans ce tohu-bohu
anacréontique, Cupidon- n'est que trop porté à continuer les esca-
pades qui l'ont fait exiler du ciel. Il jette principalement son dé-
volu sur Mlle Thisbé, la gentille nièce de Chrysidès, que le vieux
barbon a l'intention de garder pour lui, en dépit de sa répulsion.
La prudence n'est pas une des vertus de l'amour; en courtisant
Thisbé, Cupidon oublie son carquois qui tombe entre les mains
de Chrysidès. Celui-ci saisit une flèche pour en percer le cœur de
Thisbé, mais le trait va s'enfoncer dans la poitrine de son valet
Laudanum, tandis que toutes ses écolières prennent la clef des
champs, en compagnie de Cupidon et de Zéphire qui est venu le
rejoindre.
La rnéprise de Chrysidès à l'endroit de Laudanum n'a pas eu
de suites, par la raison que le pédagogue, possesseur des flèches
de l'Amour, s'est mis à les distribuer à tort et à travers, si bien
qu'il en est devenu complètement idiot. Sui,vi de son valet Lau-
danum, il est allé fonder à Athènes un restaurant connu sous le
nom du Moulin rouge; mais là, son état de crétinisme le rend
moins apte à commander qu'à obéir. Laudanum veut profiter de
l'ascendant qu'il a sur lui pour savoir où il a caché le carquois de
l'Amour, mais c'est en vain, Chrysidès a perdu la mémoire ! Or, le
Moulin rouge est le rendez-vous de toutes les anciennes écolières
de l'île de Crète, métamorphosées en hétaïres, et le hasard y amène
Cupidon qui, après la perte de ses attributs, s'est vu assaillir par
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
toutes les misères de l'humanité, et s'est mis à courir les aven-
tures avec Thisbé et Zéphire. De concert avec Laudanum, toute
cette volée d'oisillons échappés de leur cage s'empare de Chrysi-
dès, et, grâce à de nombreuses libations bachiques, on lui arrache
son secret. Les flèches sont cachées dans les ailes du moulin
rouge, que Zéphire met en mouvement par le pouvoir de son
souffle; Cupidon rentre en possession de son carquois, et il peut
aller reprendre sa place à la table des dieux. Emmène-t-il Thisbé?
C'est ce que la légende de M. Marquet ne nous dit pas,
Cet opéra-bouffe, agréablement traité, ofTre d'excellentes situa-
tions musicales, qui ont inspiré à M. Ch. Lecocq de gracieux et
piquants motifs, déduits avec art, orchestrés avec délicatesse. Nous
citerons, entre autres choses, au premier acte, un air de Cupidon,
son duo avec Thisbé, où l'on remarque une phrase des plus mé-
lodi(iut's, un finale entraînant, et, au deuxième acte, la complainte
du Voyage d'Anacharsis, chantée en trio; les couplets de Thisbé ;
Est-ce à moi de vous apprendre^ qui sont charmants, et l'air ba-
chique sur lequel on grise Chrysidés.
L'interprétation est, en général, fort satisfaisante. C'est Désiré
qui joue Chrysidés, et Léonce le valet Laudanum ; ils y sont tous
deux d'un comique épatant. Mlle frma Marié s'acquitte à merveille
du joli personnage de Cupidon; Mlle Lovato et Mlle Lentz prêtent
une physionomie séduisante à ceux de Thisbé et de Zéphire.
La mise en scène est fort soignée ; l'orchestre de M. Bernardin
marche très-bien ; mais, il faut en convenir, on est un peu rebattu
de cette couleur grecque et romaine, et nous dirons au lecteur,
avec ce médecin du siècle dernier : « Hâtez-vous d'aller prendre
de ce médicament, pendant qu'il guérit encore. »
La reprise de : C'est pour ce soir, bouffonnerie faite pour servir
de cadre aux chansons de Thérésa, à l'ancien théâtre des Bouffes-
Parisiens, a été accueillie avec plaisir; Thérésa y est remplacée par
une demoiselle Moya, qui y chante des couplets d'Yradier, Juanita,
en costume d'Andalouse; ce qui n'empêche pas Léonce et Désiré
d'avoir tous les honneurs de cette facétie burlesque.
D.
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : Paul Forestier, comédie en quatre actes et en
vers de M. Emile Augier.
Nous ne voulons pas attendre notre échéance ordinaire de quin-
zaine pour solder le compte de M. Emile Augier, dont la comédie
nouvelle est un de ces événements littéraires qui font époque et
qui excitent au plus haut degré l'intéi'êt du public. Il est certain
que la portée de cette œuvre hardie sera ardemment débattue et
diversement jugée ; mais il n'y aura qu'une voix sur le transcen-
dant mérite du poëte. Paul Forestier restera comme un des plus
beaux titres de M. Emile Augier à sa couronne académique.
Quant à la thèse soulevée par cette pièce, nous croyons, pour
notre paît, qu'on ne peut l'accepter sans réserves. Tous les pro-
blèmes sociaux sont du domaine de l'auteur dramatique. Il lui est
permis de ne pas être de l'avis du législateur, qui a cru devoir
poser des barrières à la possibilité du divorce absolu. Mais que
pour signaler l'impasse à laquelle aboutit, en certains cas, cette
négation plus ou moins justifiée des droits naturels, il ait recours
à des exemples, à des arguments d'une moralité douteuse, voilà
ce qui compromet un peu la bonté de sa cause et lui fait perdre
une pai'tie de ses avantages. M. Emile Augier est ainsi orga-
nisé qu'il va toujours droit au but, sans essayer de tourner les
difficultés du chemin, sans s'embarrasser des ornières. La fran-
chise en littérature est sans doute une qualité louable, mais encore
faut-il qu'elle ne blesse ni le bon goût, ni la décence.
Paul Forestier est engagé dans une intrigue avec une femme
mariée, mais séparée de son mari, et qu'il n'hésiterait pas à épou-
ser, si elle était libre, tant il a pour elle d'amour et d'estime.
Son père, ne voyant pas d'issue à cette situation irrégulière, se met
en devoir de rompre la liaison de Paul avec Léa pour lui donner
une épouse de son choix; c'est une jeune fille qu'il a élevée, qu'il
regarde comme son enfant et qui est digne, sous tous les rapports,
de la tendre affection d'un honnête homme. Paul ne se rend pas
sans combattre; mais Léa, en prenant le parti de s'éloigner, le
délie elle-même des serments qu'il lui a faits.
Paul épouse donc Camille, et tout fait espérer que la paix du
jeune ménage ne sera pas troublée, lorsque surviennent coup sur
coup deux incidents qui bouleversent ce frêle échafaudage. L'an-
cien amant de Léa apprend d'abord qu'elle est veuve, ce qui lui
inspire le regret de n'avoir pas attendu ; puis, une confidence bi-
zarre lui révèle que cette même Léa s'est donnée, comme une
courtisane vulgaire, à un adorateur de rencontre.
Paul s'aperçoit alors qu'il n'a pas cessé de l'aimer, car il en est
jaloux, et il couit chez elle pour l'accabler de reproches. Léa ne
se justifie pas; elle fait mieux, elle prouve à Paul que, si elle s'est
oubliée un jour, un seul jour, c'est uni(iueinent par amour pour
lui, c'est-à-dire par un frénétique, par un délirant besoin de ven-
geance, lorsqu'elle a su qu'il se décidait à épouser Camille. Cet
aveu, au lieu de dégriser Paul, ne fait que r.aviver sa passion, et
il maudit les liens qui l'enchaînent à Camille, maintenant que Léa
pourrait lui accorder sa main.
La situation est critique, et comment en sortir? C'est là mal-
heureusement que l'impuissance du moraliste se manifeste par un
retour forcé aux idées reçues, et par un dernier sacrifice de Léa,
qui plie bagage devant l'épouse légitime.
Est-ce une solution? El peut-on se retirer avec la conviction que
l'avenir du ménage de Paul n'est pas gros de tempêtes ? Alors,
pourquoi toutes ces audaces qui sont sans résultat possible et qui
n'amènent qu'un dénoiiment à l'eau rose ?
On peut donc affirmer hautement que tous les dangers accumu-
lés par l'auteur dramatique n'ont été conjurés que par le double
talent du poëte et de ses interprètes. Le rôle do Paul Forestier
est joué par Delaunay avec cette fougue, tempérée de distinction,
qui est dans sa nature et qui confond les dispositions les plus
hostiles. Le personnage de Forestier le père a des côtés périlleux qui
sont admirablement sauvés par l'habileté de Got ; d'atroces souffrances
ont failli l'empêcher d'accomplir jusqu'au bout sa tâche du premier
soir ; mais il est resté sur la brèche avec un courage héroïque, et
deux ou trois jours de repos lu ont rendu lai plénitude de ses
moyens. Coquelin a su également dissimuler, à force de tact et
de convenance, les aspérités d'un rôle aussi pathétique. Mlle Fa-
vart est une merveilleuse Léa ; elle y a de ces élans soudains qui
font tressaillir toute une salle et qui lui donnent le droit d'être
comparée à Rachel. Nous n'avons trop rien à dire de Mme Vic-
toria Lafontaine dans le rôle de Camille ; elle y est convenable,
mais un peu effacée, et ce n'est pas tout à fait de sa faute.
D. A. D. SAINT-YVES.
Une de nos pianistes de grand style, la meilleure et la dernière
élève de Hummel, qui honora son enfance d'une amitié paternelle,
Mme Mackenzie, née Catinka de Dietz, dont le nom ne peut être
oublié de nos lecteurs, et dont les oeuvres sont empreintes d'un
profond sentiment classique, se décide à perpétuer les traditions
DE PAKIS.
37
de la remarquable école à laquelle elle appartient en revenant au
professorat dont elle s'était retirée depuis quelques années. Les le-
çons, ou plutôt les séances toutes classiques de Mme IVIackenzie
ont surtout pour but de former les jeunes filles, déjà bonnes pia-
nistes à l'intelligence des œuvres des maîtres et d'en faire des
musiciennes à une époque oh tout le monde joue du piano et où
cependant bien peu d'artistes sont réellement dignes de ce nom.
Travail, respect des traditions et consciencieuse étude sont les
bases de l'enseignement de Mme Mackenzie, qui compte déjà bon
nombre d'élèves dans la haute société aristocratique française et
étrangère de l'Europe, dont, au reste, elle parle presque toutes
les langues avec une égale facilité. Nous croyons, pour notre part,
que des tentatives de ce genre doivent être vivement encouragées
et méritent une sérieuse attention, non-seulement de la presse
spéciale, mais encore de tous les amateurs de l'art musical, qui
qui ne peuvent qu'y applaudir.
Louis DE Chavornay.
CONCERTS ET ÀDDITIOUS fflUSICÀLES DE LA SEUIÂINE.
*** La réapparition de la symphonie avec choeurs au programme de
la Société des Concerts du Conservatoire a été saluée avec bonheur. 11 y
a, en effet, trois ans au moins que le manque de solistes en prive le public
de la rue Bergère; telle est du moins la raison alléguée par la Société.
Il s'en est enfin trouvé, et nous sommes heureux de pouvoir dire que,
confiés aux voix exercées de Mlles Marimon et Derasse, de MM. Warot et
Gailhard, les dangereux soli de la dernière partie ont été jusqu'au bout sans
encombre; c'est tout ce qu'on peut demander. M. Gailhard s'est fort bien
tiré du récitatif initial ; une bonne note aussi aux violoncelles etcontre-
basses pour ce même récitatif, l'écueil des orchestres médiocres. La sym-
phonie entière a été, du reste, parfaitement rendue. Espérons que cette
œuvre monumentale est revenue une bonne fois au répertoire pour ne plus
le quitter, et qu'il n'en sera pas d'elle comme de l'ouverture de Coriolan,
par exemple, dont la dernière exécution a eu lieu il y a dix ans, en avril
■18S8. — Mlle Marimon a dit très-convenablement, sans beaucoup s'échauffer,
l'air ie Monlano et Stéphanie de Berton : « C'est donc demain que l'hy-
ménée », qui a fait le bonheur de toute une génération, et dont la mé-
lodie, corrigée et raccourcie, a eu l'honneur d'être adaptée aux paroles
d'un cantique qui se chante encore dans nos éghses. — Le joli andante
de la 49= symphonie d'Haydn et l'ouverture à'Oberon, détaillés par l'or-
chestre avec sa finesse et son brio ordinaires, complétaient le pro-
gramme.
5js*^ Au concert populaire de dimanche dernier, un nom nouveau
figurait au programme, celui de Joachim RafT. Nous avons dû juger ce
compositeur, dont la réputation est assez grande dans une partie de
l'Allemagne, et qui tient d'un peu loin à l'école wagnérienne, sur deux
échantillons que nous en a offerts M. Pasdeloup : un adagietlo et un
scherzo extraits d'une de ses symphonies. Il y a chez ce compositeur do
la grâce et de la distinction, mêlées malheureusement à une trop grande
recherche. Le scherzo a fait particulièrement plaisir. — L'ouverture du
Vaisseau-Fantôme, de Wagner, a été, comme chaque fois qu'on l'a exécutée
(c'est, si nous ne nous trompons, la troisième audition), accueillie par une
double salve d'applaudissements émanant des fanatiques qui ne manquent
pas plus aux concerts populaires qu'ailleurs, puis par une bordée de
sifflets provoquée par une nouvelle tentative du même genre en faveur
de cette œuvre. — 11 est à croire, du reste, que l'auteur de Lohenrjrin
fait fi du succès, en France du moins; comment expliquer, en effet,
les outrages qu'il nous prodigue en ce moment même dans une publi-
cation violente et insensée? A moins que ce ne soit pour pouvoir se
poser en victime à l'avance, ou pour décliner la compétence des juges
qu'il pressent devoir le condamner; mais alors dans quel but se soumet-
tre à leur appréciation?
^*.^ Un concert brillant a été donné vendredi dernier au ministère de
la marine. Les artistes qui y ont apporté le concours de leur talent s'appe-
laient : Mlles Nilsson et Grossi, MM. Délie Sedie, Gardoni, AlarJ, Fran-
cbomme, autant de noms aimés et à juste titre. On a exécuté entre
autres le ravissant quatuor de Mart/ia, qui a produit le plus grand efïèt.
:)f*f. La société chorale allemande Liederkram réunissait samedi dernier
une société d'élite dans la salle du Grand-Orient, rue Cadet, à l'occasion
du dixième anniversaire de sa fondation. Des chœurs des meilleurs au-
teurs, Schumann, Kalliwoda, Mangold, ont été exécutés avec cette per-
fection dont les Allemands ont le secret, sous la direction de l'excllent
chef de la Société, M. Ehmant. Le violon magique de Sivori était de la
fête; c'est dire que le grand artiste a été rolij('t d'une chaleureuse ova-
tion, après sa fantaisie sur Faunt et colle de Thalborg et de Bériot sur
les Hu-jucnols. MM. Lasserre et Kowalski lui ont dignement tenu tête:
ce dernier, dans sa paraphrase d(! Don Juan, pour piano, et M. La.«serre
dans sa transcription pour violoncelle sur Marlha. Une opérctte-boufTe en
deux actes, de Kipper, Fidelia, a gaiement terminé cette charmante soirée,
que les fidèles du Liederkranz voient avec plaisir revenir chaque année.
„,''* Le concert donné jeudi dernier par M. Villa, à la salle Herz, au
bénéfice des Arabes de l'Algérie, offrait un progranmie aussi varié qu'at-
trayant. Dans la sonate de Beethoven dédiée à Kreutzer, nous avons
apprécié une fois de plus le talent fin et sympathique de MM. Sighicelli
et Albert Lavignac. Ce dernier a été très-applaudi dans la brillante po-
lonaise en tit de Chopin et la fantaisie de Prudent sur Lucie. Dans la
partie vocale brillait en première ligne Mme Marie Sass, dont la voix
puissante primait aisément celle de M. Villa, d'un volume beaucoup
moindre, quoique d'un timbre agréable. Des chansonnettes dites avec es-
prit par M. Ch. Potier ont terminé gaiement ce concert.
^,*^ La deuxième matinée de Mme Clara Pfeiffer offrait le même intérêt
varié que toutes celles que donne cette éminente artiste. A côté d'elle se
sont fait applaudir son fils Georges, Mme Damoreau, MM. Géraldy,
White, Lebouc et le flûtiste Donjon ; nous avons à signaler, parmi les
œuvres exécutées, un charm.unt trio d'Adolphe Blanc; la nouvelle trans-
cription de l'ouverture d'Egmont, par Georges Pfeilfer; enfin une jolie
mélodie de Mme Damoreau sur des stances d'Alfred de Musset.
*** Mlle Marie Secretain, premier prix du Conservatoire, élève de
MM. Henri et Jacques Herz, a donné un brillant concert samedi dernier
à la salle Herz. Elle a joué exclusivement des œuvres de ses deux pro-
fesseurs : le 6° concerto de H. Herz, ses variations sur le Carnaval de
Venise et sur le Pré aux Clercs, et la Valse orientale le J. Herz. Elle a une
exécution souple, nette et bien nuancée ; c'est une artiste d'avenir et
qui, du reste, ne peut être à meilleure école. Mlle de Beaunay et M. Bac-
quié se sont tirés à leur honneur de la partie vocale, et l'orchestre, dirigé
par Aug Mey, mérite une mention spéciale.
^*^ Nous avons dit quelques nnts, dimanche, du beau concert que
venait de donner la Société philharmonique d'Amiens, sons la direction
de son président, M. A. Deneux. Les journaux de la localité sont rem-
plis de détails sur l'éclat de ce concert et sur l'effet qu'y ont produit les
deux grands artistes de l'Opéra, Marie Sass et Faure. L'orchestre, com-
posé d'artistes et d'amateurs de la Société, y a donné de nouvelles
preuves de sa supériorité, et a mis en grand relief un jeune violoniste,
élève de MM. Stoupy et Alard, M. Desaint, accueilli par d'enthousiastes
applaudissements. 11 en a été de même d'un jeune ténor, M. Roze, qui
a très-bien chanté plusieurs morceaux, et, entre autres, la cavatine de
Martha. En somme, ce concert, le premier de la saison, fait le plus
grand honneur à la Société et à celui qui la dirige.
»*,,. Léonard vient de remporter un éclatant succès, à Dijon, dans un
concert de bienfaisance. Le grand violoniste a joué, avec son charme or-
dinaire et son style magistral, sa Fantaisie militaire, ses Souvenirs d'Haydn
et sa Romance sans paroles. A côté de lui, Mlle Laura Harris, la gracieuse
cantatrice, a entliousiasmé l'auditoire dans l'air de la Flûte enchantée, le
rondo de la Sonnambula, la romance de Martha et la valse de Roméo.
^*^ Un triomphe signalé vient d'accueidir Arban à Nantes, dans un
concert de bienfaisance donne par le Cercle du sport. L'excellent chef
d'orchestre et non moins brillant virtuoje a été couvert d'applaudisse-
ments après sa fantaisie sur la Muette; son vaillant orchestre a exécuté
avec son entrain habituel la marche du Prophète, et ses fantaisies sur
Robert, rAfricaine, Lucie, etc. Nantes gardera longtemps le souvenir de
cette fête.
ii*^ A Orléans, Mlles Vitali, Sivori et Scalese se sont fait entendre au
deuxième concert de l'Institut musical; les ovations ont été prodiguées à
ces éminents artistes, qui se sont vraiment surpa,sscs et qui avaient fait
choix, pour le public Orléanais, des plus beaux joyaux de leur réper-
toire ,
^f*:jf La compagnie Ulmann, qui se compose actuellement, comme on
sait, de neuf artistes du plus grand mérite, parmi lesquels on remarque
Carlotta Patti, Vieuxtemps, Seligmann, Ed. Wolff, Godefroid, etc., a
commencé, le 22 janvier, une nouvelle tournée dans les villes principales
de France. A Nantes, à Angers, à Tours, comme à Bordeaux et à Agen,
partout des salles combles, un public enthousiaste, de magnifiques re-
cettes, des applaudissements et des couronnes. Ed. Wolff produit le plus
grand effet avec ses meilleures compositions, la Triomphale, le boléro de ,
V Africaine, la Chanson bachique, etc., et le public ne se lasse pas de
l'applaudir, ainsi que Vieuxtemps, dans leur splendideduo sur Don Juan.
Le beau son que Sfligmann tire de son instrument, la largeur et la
pureté de son jeu, dans sa fantaisie sur Martha, notamment, intéressent
et émotionnent profondément. Aussi, ces deux maîtres sont-ils tout
particulièrement rappelés, en même temps que leurs camarades, à la fin
de chaque concert. Nous reviendrons sur les ovations que la suite de ce
voyage artistique et véritablement triomphal réserve aux artistes émi-
nents qui l'ont entrepris sous une direction aussi habile qu'heureuse.
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
**» La Société des concerls du Conservatoire donne aujourd'liui di-
manclie, 2 février, à 2 heures précises, la répétition de son S" concert.
En voici le programme, dans lequel la scène et le chreur d'Ido7ncnéc
sont substitués à l'air de Montana et Stéphanie: i" symphonie avec chœurs
de Beethoven ( les soli seront chantés par Mlles Marimon et Derasse,
MM. Warot et Gailhar.l) ;— 2« andante de la {9° symphonie de Haydn;
— 3° scène et chœur d'idomcnée de Mozart (le solo sera chanté par
M. Warot; — i" ouvei'ture à'Oberon de Webcr. — Le concert sera dirigé
par M. Georye-Hainl.
,*!s- .aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque Napoléon, 1 i" con-
cert populaii'e de musique cla.ssique, sous la direction de J. Pasdeloup.
Ou y entendra : 1° ouverture de la Flûte cncimntée de Mozart; —2° suite
d'orchestre de M. Massenet (pastorale, fugue, thème hongrois varié,
adagio, marche, strettej; — 3° ouverture de la Belle Mélusine de Men-
delssohn (légende pastorale du xu" siècle); — 4° la Sé/)«rj(io;i, romance
pour cor, de Lorenz.
»** Dimanche 9 février, à 2 heures précises, salle Pleyel-Wolff, deu-
xième séance de musique de chanihre de MM. Alard et Franchomme.
On y exécutera : l" quatuor en ré de Meudelssohn ; — 2° trio en mi béniol
de Mozart; — 3" andante varié et Minuetto à la zingarèse d'Haydn; —
•J" quatuor pour piano et instruments à cordes de Beethoven.
a,** On annonce comme très-prochaine la reprise, dans les salons
Pleyel-Wolff, des séances de musique de chambre de M. Maurin, réor-
ganisées avec le concours de MM. C. Sainl-Saëns et Demunck.
^*» Mardi prochain, 2» séance populaire de musique de chambre de
MM. Lamoureux, Colblain, Adam et Poëncet, avec le concours de M.
Fissot.
s** Nous rappelons à nos lecteurs le beau concert à grand orchestre
qui sera donné, jeudi 6 février, par M. Ch. Lamoureux, à la salle Herz,
et dont notre dernier numéro faisait connaître le programme: ils n'au-
ront pas d'ailleurs oublié le grand concert de la o Société protectrice, » or-
ganisé également par M. Lamoureux, et dans lequel il déploya les qua-
lités d'un excellent chef d'orchestre.
^*^ Au nombre des artistes qui comptent se faire entendre à Paris cet
hiver, nous devons mentionner un jeune virtuose qui arrive du Chili,
où il jouit d'une grande réputation comme pianiste. C'est M. Fred. Guz-
man, dont on a déjà pu apprécier le talent dans quelques réunions pri-
vées. M. Guzman est aussi fort connu en Allemagne grâce au mérite des
œuvres qu'il y a publiées.
:„% Les succès d'Alf. Jaell et de sa femme suivent une progression
croissante, comme leur infatigable activité. Bruges, Gœtlingen, Brème,
Aix-la-Chapelle et Cassel viennent de les applaudir; et il y a bien des
villes sur cette roule de Parif, qu'ils visiteront en reprenant prochaine-
ment celle-ci.
i^*^ Mlle Angèle Cordior vient d'être engigée pour chanter dans les
trois concerls donnés par les .-sociétés philharmoniques de Rennes, de
Laval et du Mans.
,% S'il faut en croire les journaux américains, Johann Strauss serait
engagé pour diriger pendant quatre mois des concerts, et il recevrait
pour cela l'énorme somme de 300,000 francs.
ROUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
if*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné Guillaume Tell deux fois
pendant la semaine, lundi et vendredi ; mercredi, le Trouvère et la
Source. — Les répétitions à l'orchestre d'//(7m/p( ont commencé mardi der-
nier.— Dès que la primeur du sucà's de l'œuvre nouvelle d'Amb. Tho-
mas .'■era épuisée, Mazzoleni, le ténor dont nous avons annoncé l'engage-
ment par M. Perrin, débutera dans Don Carlos; le second rôle qu'il
abordera sera celui de Jean de Leyde, du l'rophéte, et la direction de
l'Opéra apportera à cette reprise le même soin et le même luxe qu'à
celle de Guillaume.
^*t Aujourd'hui, par extraordinaire, Gm'Waunie 7'eH,avec la tyrolienne
dansée par les premiers artistes du ballet, et demain lundi l'Africaine.
*** Les répétitions à l'orchestre d'Un jour de bonheur ont commencé
avant-hier, vendredi, à l'Opéra-Comique. On compte donner le nouvel
opéra de M. Auber, vers le 10 février.
S;"* La salle du théâtre Italien était comble jeudi pour )a dernière re-
présenla;ion de Rigclctto ; on voulait encore entendre Adelina Patti dans
le rôle de Gilda, l'une de ses plus brillantes créations; elle s'y est sur-
passée. Nicolini est très-élégant dans le rôle du duc, et Verger a' très-bien
chanté celui du bouffon.
ji,*ii, Il Teniplario, dont nous rendons compte aujourd'hui , devant être
suivi de plusieurs reprises importantes, Don Giovanni, MathilJa di Sha-
bran, entre autres, Mlle Patti ne chantera plus qu'une fois les rôles les
plus brillants de son répertoire. — Demain, par extraordinaire, dernière
représentation de la Traviata, au bénéfice de Scalese; le .spectacle sera
complété par la scène des fous, de Columella, chantée par le bénéfi-
ciaire.
**, Lundi dernier, le théâtre Lyrique a donné une bonne représenta-
tion de Marthn, avec Mlle Daram dans le rôle principal. Le talent, la
voix agréable et le jeu intelligent de la débutante ont surmonté les
périls de cette tâche, et la soirée a été de tous points favorable à la
jeune artiste. Le rôle de Lyonel est bien dans la voix de Bosquin et le
fait applaudir. Troy a obtenu son succès habituel. — La Fanchonnette con-
tinue d'attirer beaucoup de monde. — M. Carvalho va remonter, dit-on,
la Fête du villaij-: voisin, de Buïel.lieu. — On répète le Lohengrin de
Wagner.
i^'tj: La salle des Fantaisies parisiennes est complètement restaurée, et
la direction en annonce pour demain la réouverture par te Farfadet.
^,*^ L'Africaine vient d'être chantée pour la première fois à Grenoble.
Cette représentation n'a été qu'une longue ovation décernée au chef-
d'œuvre el couronnée par le rappel de ses excellents interprètes sur
celte scène. Mlle Huberti, notamment, s'est magnifiquement approprié le
rôle de Selika.
,■*,(, Mardi, Adelina Patti a donné au théâtre de Rouen une repré.>;enta-
lion de Lucia. Dès que les aflîches ont annoncé cette bonne fortune, une
foule immense a assiégé le bureau de location, et, malgré l'élévation des
prix (23 francs les premières), il n'y en a pas eu assez pour contenter
tout le monde. Il n'est sorte d'ovation qu'on n'ait faite à la jeune et célèbre
diva, et la recette s'est élevée à près de 14,000 francs.
^'''^Ou nous écrit de Douai que Mlle Alice Hustache est en ce moment
l'éloile du théâtre de cette ville. Dans Romio et Juliette, les Dragons de
]'illars, le Toréador, elle fait applaudir tour à tour une merveilleuse
flexibilité de talent et une délicieuse voix de soprano. Les journaux de
la localité sont pleins d'éloges adressés à la jeune artiste, et légitimés
d'ailleurs par son excellente méthode et son grand siyle.
<,% On vient de donner au théâtre-concert de l'Alcazar une opérette
nouvelle do MM. Alph. Baralle et Hubans, chef d'orchestre de cet éta-
blissement .
^*^ La représentation donnée dimanche dernier aux Variétés, au bé-
nélice de Grenier, a produit plus de 9,000 francs.
5t;*» La Grande-Duchesse de Gérolslcin continue sa marche triomphale
en Allemagne. Briinn, Posth et Glogau viennent de l'applaudir.
,*<, Agencer, transformer le théâtre du Prince-Impérial en Alhani ra
londonien, empruntant ses attractions principales à l'art lyriane et cho-
régraphique, tel est le projet théâtral de la semaine. Entrcpiise liardie !
Que d'argent englouti déjà dans et par cette solitude !
i^*^ Londres possède actuellement 32 théâtres avec des placrs pour
S9,863 spectateurs. La' salle la plus xi&le e&lceWe du liritannia-Theater, qui
a 3,923 places; puis viennent Driicy-ionc, qui en a 'i,%Oi; Astley-Theater,
3,780 ; le Pavillon, 3,300 ; le Standard-Theater, nouvellement inauguré,
3,i00, et le Victoria-Theater, 3,S00. VOpéra-Royal-Italien de Covent-Gar-
den ne contient que 2,300 personnes; sept autres théâtres peuvent en
contenir de 2,000 à 2,300; douze autres, 1,000 à 2,000, et six, 360 à
800 personnes seulement. Les deux plus petits théâtres sont le Cabinet-
Theater et h Galerie of illustration. L'Opéra incendié, Her 3Iajcstg's-Theatcr,
avait i,6S3 places.
i*„ Un riche négociant de New-York, M. Pike, vient de faire élever
un théâtre d'opéra dans les 23<= et 28"^ avenues. D'après un correspon-
dant, ce théâtre est construit en marbre blanc, dans le style italien. La
salle peut contenir 2,000 personnes, elle est décorée or et blanc ; les ri-
deaux des loges particulières sont blancs et b!eus, les fauteuils rouges,
et il y a partout une profusion de statues, de lustres, de candélabres et
de peintures. De plus, l'acoustique y est meilleure que celle de tous les
théâtres de New-York.
^*, M. Prosper Pascal nous prie de faire savoir, pour éviter toute
confusion, que le sujet de l'opéra les Templi>-rs, dont il a composé les pa-
roles et la musique, n'a aucun rapport avec celui d'// Teniplario d'Otto
Nicolaï, qu'on représente au théâtre Italien, et qui est, comme on .sait,
emprunté au roman d'ivanhoé, de Walter Scott.
^*^ Ce n'est qu'avec peine que samedi, vers une heure de la nuit, on
pouvait pénétrer au bal masqué de l'Opéra tant la foule y était grande;
c'était le septième, el comme ils touchent à leur fin, on se presse de
jouir du coup d'œil et d'entendre l'orchesire que Stauss dirige avec tant
de verve et d'entrain.
Uh PAIUS
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NOUVELLES DIVERSES.
^*^, M. Aiiber vient d'entrer dans sa quatro-vingl-scplifcmc année. Pour
fêter cet lienreux anniversaire, la musique de la 2° légion de la garde
nationale, dirigée par' M. Tliibaut, a offert une sérénade ^ l'illustre re-
présentant de l'école française. Après l'ouverture de la Muelle, les excel-
lenls artistes du bataillon de l'Opéra ont exécuté une marcbe arrangée
par M. E. Jonas sur les motifs d'une sonate manuserile, découverte der-
nièrement par M. le général Mellinet dans une boutique do bouquiniste,
et que M. Auber avait composée en 1798, c'est-à-dire à l'âge de dix-sept
ans. A soixante-dix années de dislance, M. Auber avait oublie cette
œuvre de sa jeunesse, et il a été vivement touché de l'attention délicate
qui la rappelait, vivante et colorée, à son souvenir.
^*4 M. Charles Lucas, architecte, auteur d'un travail fort complet sur
les travaux publics espagnols >à l'Exposition universelle de 1867, vient
d'être nommé chevalier de l'ordre royal de Cliarles 111, à la suite de la
traduction de ce travail dans la Gaceta de Madrid. M. Lucas n'est pas
un inconnu pour les lecteurs de la Gazette, car il s'est occupé pendant
longtemps de critique musicale.
^*^ L'éminent pianiste compositeur Rosenhain, qui habite Bade les
trois quai'ts de 'l'année, est de retour à Paris où il va passer trois mois.
^*.jf, L'Exposition illustrée, publication autorisée par la Commission impé-
riale, est arrivée à .sa soixantième et dernière livraison. Elle aura eu le
mérite de réunir dans le même cadre de rédaction les noms les plus
divers et les plus opposés : MM. Michel Chevalier et le baron Séguier
(de l'Institut) à côté de MM. Jules Simon et Henri Martin; MM. Auguste
S'itu, Ernest Dréolle, Valserre et Oct. Lacroix h côté de MM. Ducuing,
Léon Plée, Malespine, Ch. Sauvesire et E. de la Bédollière; enfin MM.
Am. Achard, Ed. About et Jules Janin à côté de MM. Alf. Assollant, F.
Sarcpy et Louis Ulbach. Mais le plus curieux rapprochement de collabo-
ration aura été celui des rapporteurs du jury et des rapporteurs de la
classe laborieuse, délégués ouvriers, dont la cinquante-neuvième livrai-
son publie des notices fort intéressantes sur l'aniline et la galvanoplastie.
L'Exposition illustrée est une publication hors ligne et dont le grand
succès se justifie. Ce magnifique recueil, contenant six cent quatre-vingts
graDds dessins et sept cents articles différents, trouvera des acheteurs
tant que le souvenir du grand concours de 1807, dont il est la représen-
tation fidèle, se conservera parmi les hommes. C'est une œuvre digne
de l'événement qu'elle célèbre. Félicitons M. F. Ducuing, son rédacteur
en chef, d'avoir attaché son nom à une œuvre de cette valeur et si vive-
ment conduite. L'Exposition illustrée est donnée en prime, moyennant
le prix modeste de H francs, aux abonnés de l'Année illustrée, qui con-
tinue avec éclat la publication précédente.
^^ Mlle Eugénie Halanzier, fille de l'ancien directeur des théâtres de
Mar.seille, épouse M. Emile Lachau.^se, fils d'un banquier de-Troyes. Le
mariage aura lieu le mardi, 4 février, à midi précis, dans l'église de
Notre-Dame-de-Lorette.
,,;** On annonce la mort à Paris, à l'âge de quatre-vingt-quinze ans,
de Mme Louis Ducis, sœur de Talnia et veuve du neveu du poète tragi-
que, administrateur général de l'Opéra-Comique sous la Restauration, et
un moment directeur du même théâtre sous le gouvernement de Juillet;
— A Iniola (Italie), du co:iipositeur Ratfaello Mazetti, auteur des opéras
Marco Visconti et Gustavo Tf>sa.
;^*,i; A Berlin vient de mourir, à l'âge de soixante-quatre ans, le vio-
loncelliste Morilz Ganz, artiste estimé, soliste de l'orchestre royal et com-
positeur pour son instrument.
ÉTRANGER
^*^ Bruxelles. — Le Béirnais, opéra comique en trois actes, a été repré-
senté, jeudi, au Théâtre royal. Cette production de deux auteurs belges
a obtenu un succès très-brillant et très-mérité, surtout comme musique,
car la pièce n'est qu'une seconde édition du Capitaine Henriot, inférieure
à la première sous tous les rapports. La partition est l'œuvre de M.
Radoux, lauréat du grand concours de composition musicale, ou comme
qui dirait, prix de Rome en Belgique. Elle renferme assez de morceaux
vraiment distingués pour réussir partout où l'on voudrait passer sur la
faibles.se du poëme en faveur de la musique. M. Radoux a de la mélo-
die, l'instinct de la scène et la fermeté de style que donne un tavoir
réel. Peut-être dépasse-t-il parfois les proportions du cadre dans lequel
il conviendrait de renfermer les développements de ses idées ; mais c'e«t
un défaut excusable chez un jeune compositeur qui, ayant pour la pre-
mière Ibis l'occasion d'écrire un opéra, .s'en donne à cieurjoie. Le prin-
cipal rôle de léniiiu^ celui de Gabri(!lle d'Estrée, est rempli |iar Mme
Ferdinand Sallaivl, Ia(piellc a fait preuve de talent en jnême lemp< que
de complaisance, en prenant la place de Mlle Wallack, qui s'était récu-
sée ; Mme Sallard a recueilli force bouquets, sans préjudice des a|iplau-
dissements, pour le service qu'elle a rendu gracieusement à de jeunes
auteurs. Les autres rôles du Béarnais sont remplis par MM. Ricqiiier-
Delaunay, Jamet, Laurent et Mme Dumestre.
^*» Darmstadt. — La légende .Scandinave de Frithjof, qui a déjà heu-
reusement inspiré Max Bruch, vient d'être traitée de nouveau par Man-
gold, et avec non moins de talent. Cette œuvre a élé exécutée le 13 jan-
vier, et a produit un excellent effet; le Festival rhénan de celte année
la comprendra probablement dans son programme.
i:*^ Francfort-sur-lc-Mein. — Roméo et Juliette, de Gounoil, a été ac-
cueilli avec une certaine réserve à la première représentation qui a eu
lieu le 11 janvier.
»*.;(( Berlin. — L'orchestre de Bilse a inauguré, le 15 janvier, sa nou-
velle salle par un grand conce;t auquel ont pris part cent exécutants.
,if*x Lnpsig. — Au treizième concert du Gewandhaus, l'ouverture des
Naiades, du compositeur anglais W. Sterndale Bennett, œuvre qui a con-
servé assez longtemps la faveur du public, a été froidement reçue; par
contre, on a beaucoup applaudi la symphonie en si bémol de Schumann,
et le violoniste Lauterbach, de Dresde, qui a joué le concerto de Beetho-
ven et celui en la mineur de Bach. La cantatrice, Mme Peschka-Leutner,
de Darmstadt, qui se faisait entendre pour la première fois à Leipzig,
a obtenu un très-grand succès avec une scène et air de Spohr et un air
de la Flûte enclwmtée.
av*:j: Vienne. — Mlle Ehnn, attachée par un engagement durable à
l'Opéra, qui l'a possédée quelque temps l'année dernière, voit ses succès
se confirmer. Après deux brillants débuts, elle a abordé, pour .sa troi-
sième représentation, le rôle de Sélika de l'Africaine, où ses précieuses
qualités dramatiques se montrent dans tout leur jour. De Bignio est tou-
jours un excellent Nélusko et Adams un Ya.sco irréprochable. — Deux
jolies opérettes : l'une de Suppé, Madame la Maîtresse (Die Frau Meisterin) ;
l'autre de Zaytz, 'to Somnambule, ont pleinement réussi au Carltlieater
et à l'Harmonie-theater. Les auteurs sont, du reste, des vétérans de la
vogue,
,ij*,f Prague. — La Grande-Duchesse de Gérolstcin est venue et elle a
vaincu... ailleurs qu'on ne l'attendait, toutefois, car elle était promise de-
puis longtemps au Ihéâtro Tchèque, auquel des difficultés de traduction
l'auront vraisemblablement contrainte à renoncer pour le théâtre alle-
mand. Elle a déjà assez prouvé, d'ailleurs, que tous les terrains lui sont
bons. C'est un triomphe de plus que nous avons à enregistrer à son ac-
tif, triomplie dont une bonne part revient à la principale interprète,
Mlle de Kaler.
^*,^ Rome. — Cagnoni, l'auteur de Dun Bucefalo , vient de remporter
un nouveau succès avec la Tombola, au théâtre Argentina. Auteur et
chanteurs (Fioravanti entre autres) ont été maintes fois acclamés et rap-
pelés. Le librctto de la Tombola est de F. Piave, qui l'a tiré de la co-
médie français la Cagnotte.
^*,ii Saint-Pétersbourg . — Le violoncelliste Davidoff , dont la carrière
de virtuo.se avait été entravée, en 1S62 par sa nomination au Conserva-
toire, commencera en février une grande tournée artistique en Alle-
magne et en France. Il se fera eotendrre le 27 février au Gewandhaus
de Leipzig.
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Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
Nos abonnés reçoivent, avec le numéro d'aujourd'hui,
une roni,ance nouvelle composée par Tb. Palmer, Inti-
tulée : /Si voMs n'ave» rien à me aire, poésie de
Victor Hugo.
SOMMAIRE. — Théâtre des Fantaisies - Parisiennes : la Croisade des Dames,
l'Elixir de Cornélius et le Farfadet. — Concerts populaires de musique classi-
que au cirque Napoléon, par Armand Qonzien. — Le Trésor des Pia-
nistes (11' et 12' livraison), par Fétts père. — Entrefilets. — Concerts et audi-
tions musicales de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles
diverses. — Annonces.
THÉÂTRE DES FANTÂISIES-PÂRISIENSES.
La Croisade des Daines, opéra-comique en un acte, paroles
de M. Victor Wilder, musique posthume de François Schubert.
— L'Elixir de Cornélius, opéra-comique en un acte, pa-
roles de MM. Henri Meilhac et Arthur Delavigne, musique de
M. Emile Durand. — Reprise du Farfadet, opéra-comique en
un acte, d'Adolphe Adam.
(Réouverture, le lundi 3 février 1868.)
I/intelligent directeur des Fantaisies-Parisiennes vient de rema-
nier sa salle, et de lui donner enfin l'aspect d'un véritable théâtre.
Outre le vaste orchestre et les loges du fond qui existaient déjà,
on y trouve aujourd'hui une galerie flanquée de loges, un pour-
tour et des avant- scènes disposés avec goût et suffisamment dé-
gagés. Il résulte de cet agencement une notable augmentation de
places, auxquelles le public ne manquera pas, si nous en jugeons
d'après l'effet produit par la soirée de réouverture.
La pièce de résistance de ce spectacle d'inauguration, la Croisade
des Dames, est une œuvre posthume de François Schubert, l'auteur
du Roi des Aulnes et de tant d'autres mélodies devenues populaires
en Allemagne et en France. On ignorait généralement que Schubert
eût travaillé pour le théâtre, et ses biographes nous apprennent,
en effet, que ce compositeur, mort jeune en 1828, n'a jamais eu.
dans sa patrie, un opéra représenté de son vivant. Mais il en a
laissé plusieurs, et l'un d'eux, celui qui nous occupe, a vu le jour
de la rampe à Francfort, en 1861, sous le titre des Conjurées.
Nous ignorons si cet ouvrage est le même que la Croisade des
Dames; cependant, il est supposable que M. Victor Wilder en a
conservé le fond, qui d'ailleurs est emprunté à Lysistrata, une co-
médie d'Aristophane, tant il est vrai qu'il n'y a rien de nouveau
sous le soleil. La guerre du Péloponnèse durait depuis vingt et un
ans, au grand dommage des Grecs, lorsque le poète athénien fit
entendre sa voix en faveur de la paix, et, par une fiction bizarre,
suggéra aux femmes la pensée de tenir leurs maris à distance jus-
qu'à la conclusion d'un traité avec les Lacédémoniens. A la place
des Athéniennes, mettez les châtelaines du xi' siècle; à la place
des Athéniens, mettez les croisés de la Palestine, et vous aurez la
pièce de M. Wilder. Cette tentative de rajeunir et de franciser Aris-
tophane avait déjà été faite en 1801, au théâtre Feydeau, par
Hoffmann le critique ; mais sa pièce, dans laquelle on retrouve à
peu près les mêmes situations que dans celle de M. Wilder, fut
défendue par ordre. Pourquoi? Le Consulat avait ramené la paix,
mais peut-être prévoyait-on déjà la reprise de la guerre, et dès
lors Hoffmann était mal venu à donner de perfides conseils aux
femmes de nos héros futurs.
O,u'on nous pardonne cette digression qui ne manque pas,
croyons-nous, d'un certain intérêt historique Nous revenons à la
Croisade des Dames, et nous nous empressons de constater que non-
seulement le livret de M. Wilder est amusant et spirituel, mais aussi
que la direction n'a rien négligé pour le faire valoir. La mise en
scène est aussi satisfaisante que possible, et l'entrée des femmes
armées en guerre forme un brillant tableau. Nous ne pensons pas
qu'il soit possible de tirer un meilleur parti du cadre étroit dans
lequel se meuvent tant de personnages.
Quant à la musique de Schubert, c'est la plus charmante des
surprises. La partie chorale est surtout remarquable; on y ren-
contre une puissance, une largeur d'harmonie, qui prouvent que
si Schubert avait vécu l'opéra germanique compterait un digne re-
présentant de plus. Rien de plus entraînant que le chœur : Guer-
riers et chevaliers, que l'on a redemandé à grands cris; rien de
plus scénique et de plus coloré que l'introduction, que le morceau
de la rencontre des croisés avec leurs femmes, et que l'ensemble
42
lŒVUE ET GAZETTE MUSICALE
final. L'orchestration mérite aussi nos éloges pour sa netteté et
pour sa sobriété en quelque sorte substantielle.
Mme Décrois joue t\ merveille le rôle de la baronne, qui corres-
pond à la Lysisirata du poète grec. Géraizer est fort plaisant sous
es traits du vieux croisé qui déjoue la conjuration des femmes.
L'écuyer Hector a pour interprèle Laurent, qui est à la fois un
bon comédien et un chanteur agréable. Mlle Arnaud est bien
jolie sous son costume de châtelaine, et Mlle Alice Vois fait preuve
de finesse dans le rôle de la soubrette Suzanne.
La transmigration des âmes, prise au comique, défraie le sujet
de VJEliœir de Cornélius. Un soudard facétieux persuade au docteur
Cornélius qu'il a été victime d'une séduction rétrospective, il y a
bien cinq cents ans, de la part de sa nièce Frédérique, alors qu'il
était fille et qu'elle était garfon. Aujourd'hui que les rôles sont
changés,- il vient demander réparation au docteur des déportements
de sa nièce, et celui-ci est trop heureux de terminer le dill'érend
par un mariage.
Ce petit opéra comique est l'œuvre fort réussie de deux liommes
d'esprit, M. Henri Meilhac, l'un des auteurs de la Grande-Duchesse,
et M. Arthur Delavigne, le fils du poëte des Messéniennes. La mu-
sique est le début au théâtre de M. Emile Durand, lauréat du
Conservatoire, qui s'est fait connaître par quantité de jolies romances,
parmi lesquelles nous citerons : Comme à vingt ans, l'Arbre mort,
la Vedctie surprise, etc. M. Emile Durand est mélodiste; le motifs
faciles, gracieux et distingués, abondent dans l'Elixir de Cornélius.
On y a principalement applaudi l'air du Docteur, où il explique
son syslème, une chanson militaire, une sérénade et un quatuor
final.
Bonnet a des tics et parle un patois ébourilfants dans le rôle du
faux soudard. Celui du docteur Cornélius est joué d'une façon
plaisante par Derval, qui, sans doute, aura montré plus de mémoire
à la deuxième représentation qu'à la première. Les deux person-
nages féminins sont bien remplis par Mme Decroix et par Mlle
Labarre, la gentille nièce du docteur.
H nous reste à parler du Farfardet, d'Adolphe Adam, qui fut re-
présenté à i'Opéra-Comique en 18Sâ, et que M. Martinet a eu la
bonne inspiration de reprendre i\ son théâtre. Cet ouvrage, qui
avec la Poupée de Nuremberg est une des productions légères les
plus agréables de l'auteur du Chalet, n'a rien perdu de sa fraî-
cheur ni de son élégante vivacité. Tous ces motifs heureux qu'A-
dam semait avec tant de profusion et de facilité jusque dans ses
moindres opéras sont toujours entendus avec un vif plaisir. Le
livret de M. de Planard, s'il a un peu vieilli, n'en offre pas moins
des situations piquantes et musicales, dont le compositeur a doublé
le prix par son habile coopération. A son origine, le Farfadet
n'eut pas moins d'une cinquantaine de représentations consécu-
tives et était fort bien joué par Lemaire, Bussine, Jourdan, Mlles
Talmon et Lemercier. Aujourd'hui, il a pour interprètes: Guyard,
Masson, Barnolt, Mlle Géraizer et Mlle Deneux, qui ne font pas
trop regretter leurs devanciers.
Nous ne finirons pas sans féliciter M. Constantin et son or-
chestre, qui ont eu leur ample part de succès dans cette soirée
féconde.
Quoique nous n'ayons pas l'habitude de relever toutes les fautes
typographiques qui échappent à la rapidité de la composition, et
qui sont d'ailleurs, pour la plupart, corrigées par la sagacité de
nos lecteurs, nous ne pouvons laisser passer sans protestation la
coquille qui nous a fait dire, dans notre dernière Revue des
Théâtres, que le rôle de Coquelin était pathétique, lorsque nous
avions écrit antipathique, ce qui est bien différent.
COHCERTS POPOLAIRES DE IDSIQUE CLASSIQUE
AU CIRQUE NAPOLÉON
L'accueil très -sympathique fait, l'année dernière, aux deux
premiers morceaux de la suite d'orchestre de M. Massenet a décidé
M. Pasdeloup à l'exécuter en entier cette année, et ce n'était pas,
pour ceux qui aiment à voir poindre l'aurore des talents nou-
veaux, le moindre attrait du dernier concert. La petite tempête
qu'elle a soulevée a mis en évidence le nom d'un jeune composi-
teur à qui on ne peut au moins refuser le talent d'agiter la foule.
Nous avons rendu compte des deux frag-ments exécutés l'an
passé.
Le thème de Vandante qui suit et qu'on entendait pour la
première fois est d'une belle ligue mélodique : la clarinette en fait
pressentir les développements en l'indiquant, sobrement accompa-
gnée par les instruments à cordes. La harpe joue ù notre avis,
comme sonorité, un rôle trop important dans la composition har-
monique du moi'ceau, si l'on considère l'obstination de ses arpèges
ascendants .
Toutes les témérités et toutes les hardiesses, qui ont excité les
applaudissements et les protestations, sont renfermées dans la
marche et le finale : hardiesse de conception, de puissante sono-
rité, de développements d'un côté ; de l'autre témérité d'accouplements
d'instruments, et maigreurs d'orchestration que le ton de fa mineur
laisse entendre encore plus que le mariage des timbres de la cimbale
et de la harpe. Toutefois de hardiesse et témérité, le total est talent.
Aussi malgré ces critiques, n'oublions pas que M. Massenet est à
l'âge où l'on copie encore et qu'on sent qu'il s'est affranchi et qu'il
veut marcher librement. H a ce qu'on pourrait appeler du « tempé-
rament. » Avec cela on est discuté, mais on sait se faire une place
au grand jour et la critique doit crier : Courage !
Au même concert on a beaucoup applaudi, et comme il le
méritait, un solo de cor, la Séparation, de Lorenz, joué par M. Mohr;
on l'eût certes bissé, isi le thème de la romance n'eût été plu -
sieurs fois répété dans le morceau. C'est la perfection absolue; il
y a des instants où l'on est tenté de croire que l'exécutant a sup-
primé les « sons bouchés, » tant est grande l'homogénéité de son
jeu.
La splendide et immortelle symphonie en ut mineur terminait
le concert et elle a eu son succès accoutumé.
Armand GOUZIEN.
LE TRÉSOR DES PURISTES.
('/'/' et IT livraisons). (1).
Un meilleur titre que Trésor des Pianistes n'aurait pu être
trouvé pour la splendide collection des chefs-d'œuvre dont la pu-
blication a été commencée par feu notre excellent ami Aristide
Farrenc, et que sa veuve, si digne d'intérêt par son talent viril de
compositeur et par les résultats de son enseignement, continue
avec autant de goût et d'intelligence que d'abnégation. Les éloges
que j'ai donnés à cette courageuse entreprise dans les comptes
rendus du contenu des dix premières livraisons ont été de nouveau
justifiés par les onzième et douzième, où se trouvent réunies des
compositions d'une haute valeur, dont la plupart sont aujourd'hui
si rares, qu'il serait à peu près impossible d'en prendre connais-
sance si l'éditeur du Trésor des Pianistes ne les avaient remises
en lumière.
Le volume de la onzième livraison renferme : 1° cinq sonates et
(1) Paris, Mme veuve Farrenc, rue Taitbout, 10.
DE PARIS.
43
quatre rondos pour clavecin, 10° recueil d'Emmanuel B.icli;
2° onze sonates de clavecin, en deux suites, par Christophe Ni-
chelmann ; 3° seize pièces de Dominique Scarlatti (n° 78 à 94) ;
4° cinq caprices et six suites de Jacques Froberger, dont la vie fut
un roman, et le talent un digne précurseur de Jean-Sébastien Bach;
S" et enlin, la première partie du premier œuvre de musique de
clavecin de ce grand Bach, consistant en exercices divisés en six
suites.
Dans la douzième livraison se trouvent : 1° le troisième livre
des pièces de clavecin de François Couperin ; 2° une toccate de
Jean Kuhnau; 3° introduction et rondo par J.-N. Hummel, pour
piano, op. 19; 4o diverses pièces de clavecin, 2'= et 3« recueils de
Philippe Kirnberger; S" deux sonates de VoUrath Buttstedt; 6" six
préludes et fugues par Ernest Eberlin ; 7° la sonate, œuvre 101,
et la grande sonate, œuvre 106, de Beethoven. C'est le monde de
la musique traversé d'un pôle à l'autre.
Les lecteurs de la Revue et Gazelle musicale n'attendent pas de
moi, sans doute, une analyse suivie de tant d'œuvres de styles si
diiférents; je me bornerai à l'aperçu sommaire des choses les
moins connues aujourd'hui, lesquelles, n'eussent-elles pas le mé-
rite essentiel qui les distingue, seraient encore dignes d'intérêt,
ne fût-ce que par curiosité, à cause de la renommée historique
de leurs auteurs et de leur rareté excessive.
Je n'ai plus d'éloges nouveaux à donner à Gharles-Philippe-
Emmanuel Bach ; je ne pourrais que répéter ce que j'ai dit plu-
sieurs fois du sentiment exquis de ce grand musicien et de son
génie d'invention dans la forme. Je ne puis cependant résister au
désir de signaler à l'attention des artistes la cinquième sonate de
ce recueil (en fa mineur), oij. tout est beau, original, inspiré, et
que couronne si bien la fantaisie en ut mineur dont elle est suivie.
Nichelmann, qui fut attaché à la musique du roi de Prusse Fré-
déric II, n'a pas laissé un des grands noms qui traversent les
siècles. Ses inspirations ne vont pas très-haut, mais elles ont du
charme, une certaine naïveté gracieuse et de l'élégance dans la
forme. Il était d'ailleurs claveciniste, et sa musique, en dépit de
son apparente simplicité, n'est pas d'une exécution facile, à cause
de la rapidité des mouvements. La troisième sonate de son pre-
mier œuvre (en ut mineur) a un parfum d'Emmanuel Bach. Ni-
chelmann a fait un livre qui a pour titre : La Mélodie comidérée
en elle-même ainsi que dans ses propriétés (1). Il avait le droit de
parler sur ce sujet, car il était essentiellement mélodiste; ses Lie-
der, pleins de sentiment, sont répandus dans les recueils de son
temps. Son deuxième œuvre de sonates a paru sous ce titre naïf:
Brevi sonate da cembalo aU'uso di chi ama il cembalo, massime délie
Dame. Massime délie Dame aurait dû procurer un succès de vogue
à l'œuvre de Nichelmann ; mais il est à peu près certain qu'il n'en
vint jamais un exemplaire en France. Imprimée à Nuremberg, en
1749, et quelques années plus tard, la musique de cet artiste se-
rait à jamais ignorée si Mme Farrenc ne l'eût fait revivre dans sa
belle collection.
Il n'y a guère de pianiste de talent aujourd'hui qui ne consi-
dère Dominique Scarlatti comme un homme de génie, sauf ceux de
l'école échevelée d'il y a quelques années, qui déjà sont chauves,
et ne laisseront rien dont on se souvienne. Il paraît donc à peu
près inutile de parler de la fécondité d'inspiration du célèbre
claveciniste, de la variété de ses idées, de l'originalité qui a fait
de sa musique quelque chose à part; mais il n'est peut être pas
hors de propos de rappeler que cette musique si piquante d'effet
est l'œuvre d'un artiste mort il y a cent onze ans, dans un âge
avancé.
(1) Die Mélodie nach ihren Wesen sowohl als nach ihren Eiyenschaften,
Dantzlck, 1733.
Artiste de premier ordre, par l'habileté dans l'art d'écrire
comme par le talent d'exécution, Froberger est, sans aucun doute,
le claveciniste le moins connu chez les pianistes de notre époque;
cependant il fut, ainsi que son maître Frescobaldi, le créateur de
la grande école des instruments à clavier; car il n'était pas moins
remarquable dans ses improvisations sur l'orgue que dans ses
pièces pour le clavicorde et le clavecin. Bien différent des ar-
tistes de notre temps, Froberger mourut sans avoir rien publié de
ses ouvrages. Des admirateurs de son talent en firent imprimer
deux recueils à Mayence après son décès, en 1696 et 1714. Les
exemplaires en sont si rares, que j'ai fait chercher en vain ces
ouvrages en Allemagne, depuis un grand nombre d'année;. Pour
les insérer dans son Trésor des Pianistes, Mme Farrenc u dû en
faire prendre des copies collationnées d'après les exempkiires de
la Bibliothèque royale de Berlin.
C'est donc dans le Trésor des Pianistes que les pianistes jieuvent
aujourd'hui connaître les titres de Froberger à la grande renommée
qu'il obtint de son temps ; mais après avoir lu et exécuté cette
musique de grande école, personne ne sera tenté de lui contester
la légitimité de la réputation dont l'artiste jouit parmi ses con-
temporains. Prédécesseur de Jean-Sébastien Bach, il a, comme ce
grand homme, l'art d'introduire, dans ses caprices fugues, des
épisodes inattendus dont s'accroît l'intérêt jusqu'à la fin. des piè-
ces. L'harmonie, riche, pure, a des cadences d'inganno très-pi-
quantes et d'heureuses modulations. Comme éludes pour les pia-
nistes, cette musique a d'ailleurs de l'intérêt, car elle offre d'assez
grandes difficultés d'exécution. Dans ses suites, Froberger a des
pièces charmantes parmi ses allemandes, gigues, courantes et sa-
rabandes. La sixième sonate est particulièrement intéressante par
un air intitulé la Mayerin, avec cinq variations, une courante et
une sarabande sur le même thème.
Les suites de pièces de clavecin de Jean-Sébastien Bach, où le
génie du maître se montre à chaque page, sont moins connues en
France et en Belgique que ses quarante-huit préludes et fugues
du clavecin bien tempéré ; je ne puis donc que féliciter Mme Far-
renc de leur avoir donné une place dans son Trésor des Pianis-
tes, car il n'en existe pas, je crois, d'édition française. Comme
toute sa belle collection, la sienne est splendide d'exécution typo-
graphique et d'une correction irréprochable.
Tel est le contenu de la onzième livraison du Trésor, dont l'in-
térêt peut être apprécié par ce qui vient d'être dit. La douzième
livraison n'est pas moins digne d'attention par la variété de style
des maîtres dont les compositions y sont réunies.
Dans les comptes rendus des premières livraisons du Trésor des
Pianistes, j'ai dit ce qui distingue la manière de François Couperin,
dit le grand Couperin, pour le distinguer des autres membres de
sa famille, qui étaient néanmoins d'habiles artistes. Cette manière,
plus mélodique que celles de maîtres allemands du môme temps,
se prononce davantage dans le troisième livre que dans les deux
précédents. C'est ce troisième livre que Mme Farrenc a reproduit
dans la douzième livraison de sa collection. Suivant l'usage de son
temps en France, Couperin ne se bornait pas, comme les clavecinis-
tes de l'Allemagnt, à composer ses suites de préludes, allemandes,
courantes, sarabandes, gigues et autres mouvements de danse;
il leur donnait des titres de fantaisie que le caractère de la musi-
que n'explique guère, et dont quelques-uns ne sont pas exempts
de ridicule, comme la Pudeur sous le domino couleur de rose,
l'Ardeur sous le domino couleur d'incarnat, l' Espérance sous le do-
mino vert, la Persévérance sous le domino gris de lin, et d'autres
de ce genre. Il est évident que la musique n'a rien à faire avec
ces fadaises; mais, laissant à part le mauvais goût de ces inscrip-
tions qui appartenait ù la mode du temps de la régence, on com-
prend que, libre de ses allures dans cette voie de fantaisie, au
44
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
lieu de s'astreindre aux mouvements déterminés de certaines
danses, le talent de Couperin devait se manifester avec plus d'ori-
ginalité et de variété. Telles sont en réalité les qualités qui dis-
tinguent éminemment ses œuvres et leur assurent une place très^
distinguée parmi les monuments de l'histoire de l'art. Couperin
n'a pas la force d'harmonie de la grande école allemande de son
temps; mais il a plus de grâce, de charme, d'oppositions heu-
reuses dans les divers caractères de ses morceaux. S'il procède
jusqu'à certain point de l'école française de Chambonnières, il a
bien plus d'abondance d'idées, plus d'élégance dans la forme que
ce vieux maître.
Dans mes comptes rendus des premières livraisons du Trésor,
j'ai rendu justice au mérite considérable des compositions de Jean
Kuhnau pour le clavecin. Aux pièces déjà publiées de cet artiste
dans cette collection, Mme Farrenc ajoute ici une toccate très-di-
gne d'intérêt par le caractère dramatique de toute la première
partie, ainsi que par l'élégance du mouvement fugué dont elle est
suivie.
L'introduction et rondo de Hummel, qui suit cette loccate, nous
introduit dans une autre province du monde musical: les allures
y sont très-dilférentes de celles que nous venons de signaler. Cette
composition est l'œuvre dix-neuvième de l'artiste ; je ne la con-
naissais pas avant de la voir ici, mais j'y reconnais pourtant le
style du maître : cela est mélodique, gracieux et brillant tour à
tour ; avec cela un parfum de bonne harmonie et de distinction
qui se sent d'un bout à l'autre.
Des menuets, des- polonaises, des danses de divers caractères, des
morceaux sans titres, des préludes et des thèmes variés composent
les deuxième et troisième recueils des pièces de Kirnberger, dont
j'ai signalé le talent. Tout cela compte déjà plus d'un siècle
d'existence, car les éditions d'où Mme Farrenc a tiré ces pièces
ont paru depuis 1761 jusqu'en 1766. Kirnberger était un savant
musicien connu par des traités d'harmonie et de contre-point qui
ont fait sa réputation ; cependant il méritait davantage par ses
compositions, qui sont à peine connues de ses compatriotes. C'est
en quelque sorte une réhabilitation que Mme Farrenc procure à
cet ancien maître, en reproduisant des œuvres d'un mérite réel
tombées dans l'oubli.
C'est aussi une sorte de résurrection que la nouvelle publication
dans le Trésor de deux sonates de Franz-Vollrath Buttstedt, pau-
vre organiste d'un comte de Weikersheim, dans la principauté de
Hohenlohe. Où diable le talent va-t-il se nicher? On peut le de-
mander à ce propos, car le talent et la distinction ne sont pas
contestables dans ces deux sonates. Sans vouloir trop insister en
faveur du thème des génies inconnus, on ne peut nier qu'il a
existé des hommes heureusement doués auxquels il n'a manqué
que d'être placés dans un milieu favorable pour développer leurs
facultés et lixer sur eux l'attention générale. Tel fut le pauvre
Buttstedt, comme on pourra en juger par l'exécution de ses so-
nates.
En 1847 parut à Augsbourg un recueil intitulé : IX Toccate et
fugue per l'Organo, par Jean-Ernest Eberlin. L'auteur, dit Gerber,
était porte-plat et maître de chapelle de l'archevêque de Salzbourg.
En vérité, voilà une singulière réunion de fonctions dans le même
homme. Les biographes allemands ne savent rien de la vie de ce
porte-plat, qui fut, sans aucun doute, un des grands musiciens de
l'Allemagne au xvni'= siècle, quoiqu'on n'en eût jamais entendu
parler en France. Ce fut démenti qui, dans un voyage en Bavière,
découvrit l'œuvre qui constate le grand talent d'Eberlin, et le fit
connaître en s'empressant de le publier dans sa collection de pièces
rares des grands maîtres pour l'orgue et le clavecin, qui parut à
Londres, en quatre volumes. Dès ce moment l'attention des ar-
istes se fixa sur la valeur considérable de ces toccates et de ces
fugues dont Mme Farrenc donne aujourd'hui une édition nouvelle
et qui figureront toujours parmi les plus belles choses de ce
genre.
Je n'ai point à parler ici des sonates de Beethoven, œuvres 101
et 106; j'en ai dit mon sentiment ailleurs; mais je ne puis que
louer Mme Farrenc de leur avoir donné place dans sa collection,
qui doit présenter l'art sous toutes ses formes.
FËTIS père.
Le numéro du 19 janvier du Journal des Débals contenait un
article très-remarquable d'Ernest Reyer sur Georges Ivastner et ses
œuvres. Il y a trop peu de temps que notre collaborateur a été
enlevé à l'art et à ses amis, pour que les abonnés de la Gazette
musicale ne lisent pas avec intérêt la reproduction d'uriC partie de
ce travail, dans lequel M. Reyer apprécie si consciencieusement
l'homme et l'écrivain :
Georges Kastner vient de mourir. Peu de nmsiciens ont eu une exis-
tence aussi laborieuse, aussi bien remplie que celle du docteur Jean-
Georges Ka'^tner. Je l'ai beaucoup connu : il était bon, aflfable et toujours
disposé à l'obligeance. La fortune dont il jouissait et la position qu'il
s'était acquise par ses travaux sur l'art musical lui avaient créé de
nombreuses relations; son caraclère honorable et ses qualités privées lui
avaient fait beaucoup d'amis. C était un honnête homme et un homme
heureux; une seule chose a du manquer à son bonheur : très-apprécié
comme écrivain, comme savant, Georges Kastner était à peine connu
comme compositeur. Et pourtant le talent qu'il devait à de sérieuses
études, et dont il a fait preuve dans ses diverses compositions, lui don-
nait les mêmes droits qu'à tant d'autres de prétendre à la renommée et
au succès. 11 a écrit pour le ihéâtre et pour le concert. Ses opéras, pas
plus que ses symphonies, ne passeront à la postérité; mais ses livres res-
teront. La plupart sont extrêmement volumineux; il faut les avoir lus
(et l'on ne regrette pas le temps qu'on a employé à les lire) pour se
faire une idée de l'érudition, de la science et des patientes recherches
que l'auteur y a dépensées. Doué d'une activité peu commune, Kastner
n'a jamais refusé de faire partie d'aucune commission, d'aucune associa-
tion, d'aucun jury, et partout oii son concours était sollicité, il s'empres-
sait d'apporter son expérience et sa bonne humeur, son affabilité et la
sûreté de son jugement. Il était né à .Strasbourg, et c'est là qu'il passait
ses vacances pendant la belle saison , mais le temps des vacances n'était
pas pour cet infatigable travailleur un temps de repos absolu ; il possédait
en double une fort belle bibliothèque et retrouvait à Strasbourg les
livres qu'il avait laissés à Paris. « En allant d'une de ces villes dans
l'autre, nous dit M. Fétis dans une notice fort intéressante sur la vie et
les ouvrages de Georges Kastner, il ne faisait que changer de cabinet. »
Je n'ai point ici l'e-pace nécessaire pour publier la liste de toutes les
ceuvres auxquelles Kastner a attaché son nom ; on la trouvera très-com-
plète et très-détaillée dans la Biographie des Musiciens, de M. Fétis; j'ai
voulu seulement, avant de dire quelques mots du dernier ouvrage qu'il
nous a laissé, donner un souvenir, un regret au savant écrivain, au
musicien érudil dont la mort inattendue a été une douloureuse surprise
pour ses amis, une perte vivement sentie dans le monde des arts.
La Parémiologie musicale de la langue française forme un volume in-4'>
qui, avec la Saint-Mien des Ménétriers, contient plus de 800 pages. On
doit comprendre que je serais extrêmement embarrassé s'il me fallait
faire un choix parmi la quantité innombrable de définitions et d'étymo-
logies, de locutions et de proverbes, de ren.'^eignements et de faiis histo-
riques, d'anecdotes et de citations curieuses renfermées dans ce volume ;
car ce n'est pas aux seules expressions proverbiales de la France que
s'est arrêté l'auteur de la Farémiologie musicale ; il a poussé ses investi-
gations beaucoup plus loin, et sa parfaite connaissance des langues an-
ciennes et modernes lui a permis de rechercher en Allemagne et en
Italie, en Espagne, en Russie, en Angleterre et dans l'ancienne Grèce,
les locutions populaires qui font allusion à la musique et dont il a eu
soin de conserver le texte en regard de la traduction. Georges Kastner
nous dit lui-même le très-grand nombre de documents auxquels il a dû
avoir recours pour composer son livre, et il nomme, en les remerciant,
tous ceux qui, • par leur empressement à lui fournir des renseignements
utiles ou à lui procurer les ouvrages dont il avait besoin, lui ont épargné
plusieurs fois des retards et des fatigues qu'il n'aurait pu éviter sans ce
secours. »
Je recommande tout particulièrement au lecteur la partie du volume
consacrée aux musiciens et aux artistes dramatiques.
« A chaque groupe de virtuoses se rattache un ensemble d'adages tour
à tour élogieux et s-atiriques. Les proverbes cependant, on le verra, sont
généralement peu charitables pour les musiciens. Ils raillent le parasi-
DE PARIS.
të
tisme et la cupidilé des troubadours et dos nicneslrels, l'insolence et la
vanité du chanteur, l'insouciance et la prodigalité du ménétrier, la lenteur
et la paresse du vielleux, du musard et du cornerausard, l'ignorance et
la rusticité du tambour, l'indiscrétion et la lulLlerie bouffonne du troni-
pette, le cvnisme et l'ivrognerie du chantre, et surtout l'intempérance du
joueur de flûte, si bien nonnné llûleur, type du prodigue et du débauche.
A en croire l'ironie proverbiale de nos aïeux, les sept pèches capitaux
ont leurs représentants parmi les joyeux adeptes du ijay Saber. »
La plupart de ces proverbes ont une date qui doit rassurer les musi-
ciens d'aujourd'hui.
Le livre de Georges Kastner, d'après le conseil qu'il donns lui-même
dans sa préface, « doit être lu comme il a été écrit, h loisir et non d'un
trait. Il doit être parcouru, feuillo'é, ouvert pour ainsi dire au hasard, et
peut-être offrira-t-il aux uns quelque intérêt scientifique, aux autres
quelque distraction instructive » Ce conseil est bon à suivre, d'autant
plus que l'ouvrage, ainsi que je l'ai dit plus haut, a une étendue consi-
dérable.
Dans la symphonie-cantate qui a pour titre la Saint-Julien des Méné-
triers, l'auteur, avec l'aide d'une plume « élégante et toute française »,
celle de M. Edouard Thierry, a cherché à grouper quelques inspirations
tirées de son sujet, ainsi qu'il l'avait déjà fait pour des œuvres anté-
rieures : les Voix de Paris, la Harpe d'Eole, les Sirènes et la Danse des
Morts. La Saint-Julien des Ménélriers, sans avoir peut-être les qualités
originales qui distinguent le Rêve d'Oswald ou les Sirènes et la Danse
Macabre, mérite cependant de fixer l'attention des musiciens par l'intérêt
du travail harmonique et les procédés ingénieux de l'instrumentation.
{Deba s.) Ernest Rêver.
Les journau.x de théâtre se sont faits cette semaine les propaga-
teurs d'un canard ridicule au sujet de la Jeunesse de Goethe, drame
de M. Blaze de Bury, pour lequel Meyerbeer avait composé, quelque
temps avant sa mort, un intermède musical. Dans l'intérêt de la
vérité, et pour réduire une fois de plus à leur juste valeur les
excentricités qu'on s'est plu à attribuer à l'illustre compositeur,
nous croyons devoir préciser la situation en la dépouillant des
enjolivements fantaisistes dont on se plaît à l'entourer.
Meyerbeer, avant le dernier voyage qu'il lit à Paris pour la re-
présentation de l'Africaine, avait en effet composé, à la sollicitation
de M. Blaze de Bury qu'il affectionnait, un intermède musical pour la
Jeunesse de Goethe, et, bien probablement, il s'en fût occupé après
la représentation de son dernier ouvrage. Malheureusement la mort
vint mettre obstacle à sa bonne volonté. Or, son testament ayant
interdit formellement à ses héritiers de ne rien laisser exécuter de la
musique qu'il laissait autre que l'Africaine, il devenait impossible
à Mme Meyerbeer et aux exécuteurs testamentaires choisis par feu
son mari, de délivrer à M. Blaze de Bury la partition dont il récla-
mait la remise, et qui faisait partie des manuscrits renfermés, selon
les volontés du testateur, dans une caisse déposée et léguée éven-
tuellement à la Bibliothèque royale de Berlin. Maintenant M Blaze
de Bury affirme qu'un eiiaggement, résultant de sa correspondance
avec Meyerbeer, annule, en ce qui le concerne, l'interdiction lormulée
par le testament du défunt, et il se propose d'intenter aux exécu-
teurs de ce testament une action en délivrance de la musique qui
lui avait été promise. M. Blaze de Bury est dans son droit, et un
jugement du tribunal de Berlin peut seul en effet résoudre la
question. Mais il est assez difficile de comprendre que le nouvel-
Ifste, qui le premier rapportait un tait autsi simple, ait cru devoir
se mettre en frais d'imagination pour substituer à la Bibliothèque
royale, dépositaire des manuscrits de Meyerbeer, « quatre braves
corroyeurs » d'un faubourg de Berlin, qui seraient sans doute bien
surpris de se voir figurer en cette affaire !
CONCERTS ET AUDITIONS MSICÀLES DE LÀ SEMAINE.
if*if, L'Ave Maria et un duo religieux de I* composition de M. Auber,
doivent être chantés, aujourd'hui, à la messe de la chapelle des Tuile-
ries, par Mme Conneau et Mlle Bloch. — Dimanche dernier, c'était
Mlle Marie Battu qui y chantait délicieusement le beau Beneiictus de
M. Auber.
:j*j Au sixième concert du Conservatoire, le 2 février, la symphonie
avec chœurs, dont l'interprétation, cette fois encore, a surpassé en per-
fection l'exécution du dimanche précédent, a produit le plus ^rand effet.
Les magnifiques fragments à'idoménée de Mozart, si dramatiques, si sai-
sissants qu'on les attribuerait volontiers à l'auteur A'Alcette, n'étaient les
trésors de sentiment et de grâce qu'on y découvre et qui restèrent
presque toujours un livre fermé pour Gluck ; les fragments A'idoménée
ont soulevé un véritable enthousiasme, qu'une irréprochable exécution
augmentait encore. M. Warot a très-bien dit le solo. Le reste du concert
se composait, comme le dimanche précédent, de l'andante de la -iQ»
symphonie de Haydn et de l'ouverture d'Oberon.
f*^ Dimanche dernier, à la seconde réunion artistique donnée par
Mme la marquise de SafFray à ses amis, on a particulièrement remar-
qué et applaudi de charmantes compositions du maestro Mattiozzi,
Danse d'amour et Polka chantée, dits par Mnies Pcudefer et Boudié. Mais
le principal attrait de cette matinée était la lecture d'un poème composé
par Mme de Saffray en l'honneur du célèbre Joseph Karam, chef des
troupes chrétiennes du mont Liban et qu'elle a récité sur un accompa-
gnement de piano. On a fort apprécié et chaleureusement applaudi les
pensées élevées qui ont inspiré l'auteur et la belle forme poétique qu'elle
a su leur donner. Ce morceau ne tardera pas a paraître.
**« Dimanche dernier a eu lieu chez W. Kriiger la première réunion
de ses élèves, et on a pu apprécier, par la façon dont elles ont joué les
morceaux mis au programme, la supériorité d'enseignement de l'excel-
lent professeur. Mlle Em;na Fumagaîii, âgée seulement de treize ans, a
particulièrement surpris l'auditoire par son jeu aussi brillant qu'expres-
sif. Georges Pfeiffer a terminé la séance en jouant admirablement trois
de ses plus jolies compositions. — C'est lundi 16 mars qu'aura lieu à la
salle Herz le concert annuel de W. Kriiger.
**.4f Les matinées de musique de chambre de iVl. H. Bonewitz sont
toujours fort suivies et très-intéressantes. Nous avons eu le plaisir d'ap-
plaudir à celle de dimanche dernier Mlle Constance Skiwa, qui, d'un jeu
brillant et délicat, a détaillé avec une imperturbable assurance une sonate
ento majeur de Beethoven et plusieurs morceaux de Chopin, de Haendel
et de Schumann. Le talent de Mlle Skiwa est empreint d'une remar-
quable individualité. Le concerto pour deux pianos de M. Bonewitz est
une des œuvres les plus fouillées et les plus attrayantes de ce composi-
teur, qui se plaît aux savantes recherches de la forme Mlle Gastoldi
excelle à interpréter les lieder de Schubert : il serait difficile d'unir
plus de sentiment et d'expression personnelle à un plus grani respect de
la pensée de ce maîire, dont 1rs mélo lies font rêver au bonheur quand
elles ne portent pas au désespoir.
t'^st Dimanche dernier, chez M. Edouard Fournier, le critique théâtral
de la Patrie, Delahaye, a exécuté en maître la grande fantaisie de Pru-
dent sur le Domino noir, et un ravissant nocturne de Chopin. — Ces deux
morceaux et leur brillant interprète ont été l'objet d'un succès très- vif et
d'autant plus flatteur que l'auditoire était des plus compétents.
»*j, La matinée donnée dimanche dernier par Mme Pierson-Bodin a
mis de nouveau en lumière les remarquables progrès accomplis par ses
élèves, et la supériorité de .'on enseignement.
^** Nous parlerons prochainement dts remarquables soirées musicales
que donne tous les quinze jours notre excellent collaborateur Paul Ber-
nard, et dans lesquelles ses élèves se montrent de véritables artistes.
^'^* Un brillant festival sera donné dimanche prochain 16 février, à
une heure et demie, dans le cirque de l'Impératrice, aux Champs-Ely-
sées, par l'Association des Sociétés chorales de Paris et du département
de la Seine. Cinq cents exécutants prendront part à cette solennité, en
exécutant des œuvres d'Adolphe Adam, François Bazin , Laurent de
Rillé, Rameau, Weber, etc. Les premiers artistes de la capitale, ainsi
que l'excellente musique de la Garde de Paris, prêteront également leur
concours à cette fête magnifique.
»'** Mme J. Martin-Robinet, l'habile pianiste qui se fait applaudir
tous les ans à Vichy pendant la saison des eaux, et qui, l'hiver à Paris,
tient un cours des plus intéressants, doit donner un fort beau concert le
17 de ce mois, à huit heures et demie du soir, dans les salons de Pleyel-
Wolff, avec le concours de MM. Auguate Durand, Penavaire, Robinet,
Dragone et Cordiez. On finira par une opérette.
^*^ Rubinstein parcourt en ce moment l'Allemagne, et il obtient de
grands succès dans les nombreux concerts qu'il y donne. Il se rendra de
là en Hollande oîi des engagements fort brillants l'appellent, et il sera à
Paris au mois de mars pour se faire entendre dans plusieurs grands
concerts qui s'organisent en ce moment pour lui.
^*^ En attendant le grand concert qu'il doit donner au mois de mars
prochain, le pianiste composieur D Magnus va faire entendre samedi
15, dans les salons Pleyel-Woltf, plusieurs de ses dernières compositions,
au nombre desquelles la Tsigane-Marche destinée sans aucun doute au
succès qui a accueilli la Taraboukha.
jf\ Mlle Marie Mongin, l'excellente pianiste, sortie avec éclat, il y a
quelques années, de notre Conservatoire, est engagée pour jouer au pro-
chain concert du Conservatoire de Bruxelles. Elle y exécutera, sous
4é
itEvi;)-. i;t c.vzette musicale
riiabile (lirfclion de II. Fétis, le concerto en ut mineur de Muzart (n" 7)
et une fantaisie, avec orclicstre, de Mme Fiirrenc.
»** Lo pnblic parisien va être trèK-prochainomenl appelé à juger un
talent, merveillenx, dit-on, sur la fliite, M. Ramirez Valdès, d'Orizava,
en Amérique. 11 arrive du moins précédé des succès extraordinaires qu'il
y a obtenus, et qu'il veut voir consacrer à Paris. Pour cela, il donnera,
avec M. Louis Lapret, pianiste distingué, un concert samedi prochain,
k 8 heures et demie, dans les salons d'Erard, et il sera certainement fort
intéressant de l'entendre. Mlle Roulle, MM. Teysson, Poëncet et Bloch lui
prêteront leur concoui's.
. <^*^ De même qu'à Orléans, Sivori vient d'obtenir , au coecert donné
parla Société des benix aris de Nantes, un succès colossal. On ne se
lassait pas d'applaudir et de le rappeler.
415*;, i\IM. Maurin, Colblain, Mas et E. Demunck vont reprendre avec le
concours de M. C. Saint-Saëns leurs soirées de musique de chambre
spécialement consacrées à l'audition des derjiiers quatuors de Beethoven.
Ces soirées seront au nombre de quatre et auront lieu dans les salons
Pleyel Woltî, les 19 de ce mois, il mars 1™ et 13 avril.
,j*^ Berlioz sera dans quelques jours de retour à Paris. Le dernier
concert de la série qu'il devait diriger à Saint-Pétersbourg, a éié exclu-
sivement consacré à ses œuvres; on y a exécuté, au milieu d'un enthou-
siasme sans précédent, des fragments de Roméo et Juliette, de la Damna-
tion de Famt, et toute lasymphonie de Harold. Les Troyens ont été traduits
en russe et l'on n'attend pour les repr.'senter qu'une réunion suffisante
du personnel chantant.
.^jA^... Voici le programme du quinzième concert populaire de musique
clctssique qui sera donné aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au Cirque
Napoléon, sous la direction de J. Pasdeloup : 1" Symphonie en ut mi-
neur, n» 41, de Haydn (allegro, — andante cantabile, — menuet final;
— 2° marche religieuse de iMhengrin (première audition), de R. Wagner ;
— 3° canzonetta du quatuor (op. -là), de Mendeissohn (par tous les ins-
truments à cordes; — 4° le Comte d'Efjmont, tragédie de Gœthe, de
Beethoven ; — 3° Jubel-Ouverture, de Weber.
NOUVELLES DES THEATRES LYRIQUES.
,^*,i; Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi Guillaume Tell, —
mercredi l'Africaine, et vendredi la Muette de Porlici. — Les répétitions
di'Hamlet avancent assez pour que l'on puisse être certain de le voir re-
présenté immédiatement après les jours gras.
^^ Mme Marie Sass passera le congé qui lui est accordé au mois
d'avril, en Belgique, son pays natal. Elle vient de traiter avec les théâtres
de Liège, d'Anvers et de Gand pour y chanter les trois grands rôles de
son répertoire: Valentine, Selika et la Juive.
,j*,j Robinsun Crusoé continue d'attirer la foule au théâtre de l'Opéra-
Comique, et les deux représentations du nouvel opéra d'Offenbach don-
nées mercredi et vendredi, ont été très-brillantes. Le public applaudit
chaudement la plupart des morceaux et fait toujours bisser la ronde du
Dimanche, la délicieuse romance chantée par Mlle Cico, les couplets de
Ponchard, ceux de Mlle Girard, Cest un brun, et la chanson si originale
du Pot au Feu. Le plaisir que le public trouve à entendre ces morceaux
est le témoignage le plus significatif d'un succès bien établi.
ij,*^ C'est jeudi ou samedi de la semaine prochaine, au plus tard, que
sera représenté le Premier Jour de bonheur, le nouvel opéra d'Auber.
^*j^ Le Templario a été joué pour la troisième fois jeudi et l'on a pu
voir que le public appréciait de plus en plus les beautés incontestables
que renferme cet ouvrage. Le délicieux chœur de femmes : « Del cielo
britanno, » le beau finale du premier acte, le grand duo entre le Templier
et Rebecca, la marche funèbre et la prière de la juive, sont des morceaux
capitaux et qu'on applaudit spontanément. A l'occasion de cette appa-
rition sur une scène de Paris de l'ouvrage de Nicolaï, il ne sera pas
sans intérêt de lire la lettre qu'il écrivait à son ami, M. de Filippi , le
lendemain de la première représentation de son œuvre à Turin, lettre que
nous trouvons dans VEpoque et que voici :
5 Ami très-cher,
1) Je suis encore abasourdi et doutant de la vérité même de ce qui
m'arrive. — Sache donc que j'ai fait fureur, — fanatisme! Le Templier a
été au comble du succès avant-hier, après trente-quatre représentations
de Guillaume Tell, qui avaient été interrompues par six du Comte Obcrto de
Verdi. Je ne peux pas dire autre chose que le succès de mon opéra est
tel que l'imprésario et tout le monde disent qu'on n'a jamais vu chose
semblable au Théâtre-Royal. Je ne sais, cela ne me paraît pas vrai; Mais
à la fin des fins je suis fou de tout ce que j'entends. Dis-le, dis-le à tous,
et avant tout dans ta maison où l'on prend intérêt, je le sais, à mes
affaires. Outre le nombre infini de fois que j'ai été obligé de me lever de
mon siège pour remercier le public, jai été acclamé trois fois après le
premier acte, deux fois après le second, et sept fois après le troisième
acte sur le théâtre.
» Par Dieu! Pepino! qu'en dis-tu?
« Chaque morceau a été applaudi, oulre le chant choral dans le
style du xvi" siècle qu'on n'a pas tout tle suite compris, étant une musique
qu'on n'a jnmais encore o.sé mettre snr le théâtre Italien ; mais hier soir
on l'a di'jà applaudi aussi. On n'a jamais remarqué sur aucun point le
plus petit signe de désapprobation d'un parti opposé.
» A la fin des fins, fanatisme unanime, grandisMme. Je le dois aussi,
en partie aux chanteurs excellent.s. Saivi est un ange ; Badiali est un lion:
la iMarini est la plus belle Rebecca que, dans ce monde, on puisse voir.
L'orchi'stre joue bien et m'aime. Enfin, je n'en puis plus : j'embrasse
dans mon cœur tout ton monde et toi le premier.
» Adieu... adieu, ton Nicolaï.
» Turin, 13 février 18i0. •
,t*„ La représentation de Don Pasquale, la dernière de la saison, avait
attiré, mercredi, une affluence aussi nombreuse que brillante au théâtre
Italien. Hier .soir, pour la dernière fois, on a joué VElisirc d'Amore.
Inutile d'ajouter que chacune de ces représentations a été un triomphe
pour Adelina Patli. Avant que la jeune diva dépose le lourd fardeau du
répertoire de cette saison, mémorable entre toules, nous l'entendrons dans
deux nouvelles créations : la Semiramide et Giovunna d'Arco, sans
préjudice de Zcrlina de Don Giovanni qui sera joué très-prochainement.
**> C'est demain que sera jouée la Traviata pour la représentation ex-
traordinaire donnée au bénéfice de Scalese. Ainsi que nous l'avons dit,
la scène des fous, de Columella, jouée par le bénéficiaire, complétera ce
spectacle .
,*,!, Jeudi, le Havre possédait Adelina Patti et elle y a donné une re-
pi'ésentation d'il Barhiere. L'empressement pour aller l'entendre n'a pas
été moindre qu'à Rouen et, malgré l'élévation du prix des places, le
bureau de location, dès le premier avis, a été littéralement pris d'assaut.
La r.jcelte a dépassé 10,000 francs. L'espace nous manque pour dire
l'enthousiasme soulevé par la jeune diva, et qui s'est encore accru lors-
qu'on l'a entendue chanter l'Éclat de rire, de Manon Lescaut, la Calesera
et la Gioija insolita. Nous y reviendrons.
js*,^ Le départ de Mlle Nil.sson n'a point suspendu les représentations de
iMartha au théâtre Lyrique; on y donne fréquemment l'opéra si popu-
laire de Flotow, qui remplit toujours la salle et dans lequel se font
légitimement applaudir Bosquin et Troy, Mlle Daram et Mlle Wil-
leme.
,^*^, L'Amour et son Carquois obtient un très-grand succès au théâtre
de l'Athénée. La réunion des talents de Mmes Irma Marié, Lovato, de
Léonce et de Désiré est une immense attraction, et la délicieuse mu-
sique de M. Lecocq esl de plus en plus appréciée. — La bouffonnerie de
Busnach, C'est pour ce soir, est un éclat de rire continuel, et la chanson
de Mlle Moya est bissée à chaque représentation.
,^% Au premier jour, la Grande-Duchesse fera sa réapparition sur la
scène des Variétés. La distribution sera la même qu'à la création (moins
toutefois le pauvre et regretté Couder), et ce ne sera pas li le moindre
attrait de cette œuvre populaire qui a déjà fatigué de si nombreux inter-
prètes sans jamais lasser le public.
^,% Une très-intéressanie représentation, avec le concours d'artistes de
l'Opéra, de rOpéra-Comique,de la Comédie-Française, etc., est annoncée
pour ce soir aux Variétés, au bénéfice de la veuve de feu l'acteur Couder.
i^*t Le théâtre Lafayette joue en ce moment avec un grand succès la
charmante opérette d'Ad. Adam, les Pantins de Violette.
,^*:f Le théâtre de Versailles va donner incessamment une représenta-
tion au bénéfice d'un de ses pensionnaires, M. Villefroy, composée des
Dragons de Villan, d'Aimé Maillart. C'est Mme Galli- Marié qui jouera
le rôle de Rose Friquet.
^*,„ Rouen est une des rares villes de France où VAfricaine n'ait pas
encore été représentée Nous apprenons que M. Derville, directeur du
théâtre de cette ville, se prépare à donner le dernier chef-d'œuvre de
Meyerbeer, avec un soin d'interprétation et un luxe de mise en scène
dignes de l'œuvre et du public foncièrement artistede l'ancienne capitale
de la Normandie. — L'Africaine sera suivie de Cardi'llac, dont l'auteur, M.
Dautresme,- est Rouennais.
i*,j, Robinson Crusoé est en pleines répétitions pour être joué cette sai-
son au théâtre de la Monnaie de Bruxelles, à Anvers, à Genève, à Lyon,
à Bordeaux, à Nan -y, à Toulouse et à Vienne.
„*,j Les Etats héréditaires de la Grande-Duchesse ont changé de nom
en Amérique. On veut là-bas que le glorieux père de la souveraine lui
ait transmis, avec son sabre, le grand-duché de Cancanstein.
,i,*, 11 y avait encore plus de monde que samedi au huitième bal mas-
qué de l'Opéra, qui a eu lieu hier. Le mardi-gras avance à grands pas,
et l'on se presse de jouir de l'entrain qui règne dans ces bals, et d'enten-
dre les derniers accents de l'orchestre de Strauss.
NOUVELLES DIVERSES.
^,*,j Les candidats pour la place d académicien libre qu'occupait
DL PARIS
47
M. Kastner ont été présoaté.s à l'Acadéinie par la commission mixte,
dans l'ordre suivant': au premier rang, M. le comte Walewski; au
deuxième rang, M. Ciiarles Blanc; au iruisièmo rang, M. Vintt.
^** Au mois d'août dernier, un concours a été ouvert pur le préfet de
la Seine pour la composition de chœurs sans accompagnement, destinés
plus particulièreraerit aux réunions de l'Orphéon des écoles communales
et des classes d'adultes de la ville de Paris. Un jury, pris dans le sein
de la commission de surveillance de renseignement du chant, a été chargé
d'apprécier le mérite de 142 chœurs présentés au concours. Trois mé-
dailles de 300 francs ont été accordées à MM. Ei'mondde Polignacet Léo
Delibes. Quatre médailles de 200 francs à MM. Jules Massenet, Edouard
Mangin et Hemery. Deux médailles de bronze à MM. Jos Betjens et Fré-
déric Lentz.
^*^ On n'a pas oublié les succès remportés l'été dernier, à Paris, par
la Société musicale des étudiants de Copenhague, d'Upsal et de Lund; on
se souvient aussi de l'intérêt sympathique, mélangé même d'une certaine
émotion, qui accueillit leur apparition et leurs chants sur la scène de
l'Opéra. Déjà, la veille de cette soirée mémorable, le jury du Concours
international, en leur décernant la médaille d'honneur accordée par
S. M. l'Impératrice, leur avait témoigné, par la voix de M. Ambroise
Thomas, son président, l'expression de son « admiration » pour les
œuvres qu'ils veuaient de chanter autant que pour leur interprétation.
Ces chœurs Scandinaves, empreints d'une douce gaieté, d'une mélancolie
pénétrante ou d'une sauvage énergie, le Cortège de Noce, le Printemps,
la Plainte du Roi de la mer, le Chint du liossiijnol, etc., seront exécutés,
avec paroles françaises, par les classes de chant de la ville de Paris
(rive gauche). Il y a lieu de féliciter le directeur de cette subdivision,
M . Pasdeloup, d'iniiier ses élèves et le public à ces mélodies étrange-
ment belles, remarquables par l'étonnante franchise de leur accent,
et qui ne ressemblent à rien de ce que chantent les sociétés chorales
françaises. Interprétés par nos artisans-chanteurs, ces chœurs à quatre
parties étonneront et impressionneront, sans aucun doute, autant
que lorsqu'on les a entendus par les fils des anciens ScaJdes. On peut
donc supposer, sans exagération aucune, qu'après avoir renouvelé
la veine à demi-tarie du vieux monde et inspiré la muse populaire
germanique, la poé.-ie lyrique Scandinave pouri'ait bien encore rajeunir
notre répertoire orphéonique, y introduire un élément délaissé jusqu'à
présent, et devenir en même temps, pour les compositeurs de chœurs
d'hommes, comme le souffle et l'âme d'inspirations nouvelles.
st*sf Nous recommandons aux amateurs, avec certitude de leur être
agréable, une nouvelle pubhcation de M. Edouard Pascal qui contient
12 romances à une, deux et quatre voix compo.-ées sur des poésies de
Victor Hugo, Th. Gautier, A. de Musset et F. Mistral. Outre le charme de
la méloùie qui les distingue, elles sont très-bien disposées pour les voix,
aussi le succès qui a accueilli cette œuvre à son apparition grandit-il tous
les jours.
**i M. Jacoby, premier violon à l'orchestre de l'Opéra, épouse Mlle
Marie Pilatte, qui fait partie du corps de ballet de ce théâtre.
ÉTRANGER
^% Anvers. — Mme Marie Sass a clôturé la série de ses représenta-
tions par les Huguenots; bien secondée par les artistes du théâtre, son
succès a été tiès-grand. — La première représentation de la Grande-
Duchesse a eu lieu la semaine dernière, et, comme partout, le résultat a
répondu à l'attente : ce fait est d'autant plus .significatif que, jusqu'à
présent, le public anvcrsois avait montré peu d'enthousiasme pour les
œuvres du maestro. Mme Juliette Borghès-, qui, la veille encore, per-
sonnifiait admirablement la noble et sévè;-e figure de la Fidès du Pro-
phète, a su, — contraste étrange! — triompher, avec une singulière sou-
plesse de talent, des difficultés de son nouveau rôle, et lui donner l'allure
juvénile et crâne qu'il comporte. M. Odczenne a parfaitemen" mis en
relief la valeur militaire du général Boum; M. Duplan ist un amusant
Fritz et M. Cyriali un parfait prince Paul. — Le succès de l'œuvre po-
pulaire d'Offenbach a décidé la direction à monter Robinson Crusoé.
^*.ji Berlin. — Mlle Artût vient de terminer par une splendide repré-
sentation des Diamants de la Couronne la première moitié de son enga-
gement de cette année. Varsovie va l'applaudir un mois, après lequel
elle nous reviendra pour ne nous quitter que le i" aviil; Moscou, puis
Hombourg, la réclament ensuite. — La Grande-Duchesse fait de fruc-
tueuses soirées au théâtre de Friedrich-Wilhelrastadt; le dimanche, iio-
tammcnt, il est bien difficile de trouver des places. On en est à la 25" i-e-
présentation. — Au théâtre de Kroll, que l'activité du directeur Engel
maintient dans une situation prospère, on a donné une nouvelle opé-
rette : Un voyage d'artiste, de Winter et Sommer (comme qui dirait
Hiver et Eté; li^ez : Winterfeld et Richard Wiierst) ; ce charmant ouvrage
a complètement réussi.
^'ji, Leipzig. — La solennité de l'inauguration du nouveau théâti-e
d'Opéra a eu lieu le 28 janvier dernier, en présence du roi, de la cour
et de beaucoup de hauts personnages. La représentation se composait de
la Jubel-Ouverture, de Weber, d'un prologue de circonstance, la Patrie des
Arts, de l'ouverture d'iphigènie en Aulide, de Gluck, et de la tragédie de
Gœlhe Iphigénie en Tauride, — Ce beau monument, l'un des modèles du
genre, est construit dans les meilleures conditions d'acoustique et de com-
modité. Il peut contenir 1,800 spectateurs. — Au quatorzième concert du
Gbwandhaus, le 23 janvier, le célèbre chanteur Stockliausen a concentré
sur lui toute l'attention du public; il a été acclamé avec un véritable
enthousiasme après chacun de ses morceaux : deux airs tVEuryanlhe et
de Jean di Paris, et des mélodies de Schubert. Un pianiste pru.ssien,
M. Henri Barth, a quelque jeu souHért de ce voisinage; il n'est cepen-
dant pas sans mérite, surtout sous le rapport de l'habileté technique. H
a joué un concerto de Henselt et divers morceaux de Chopin.
,ifi*^ Munich. — Armide, de Gluck, qu'on n'avait pas entendue depuis
trente- cinq ans, vient d'être repri.se avec beaucoup de soin et d'éclat,
sous l'habile direction de Franz Lachner.
,,.'',1. Vienne. — Par suite d'une récente mesure, l'administration de
l'Opéra dispose en ce moment d'un double personnel de chœurs, qui ne
tardera pas cependant à être réduit par le renvoi de 36 anciens choristes;
ceux qui sont nouvellement engagés .sont assidûment exercés, leurs ap-
pointements ont été fixés à un taux raisonnable; on espère arriver ainsi
à former un ensemble irréprochable, un Chorpersonal modèle. — La So-
ciété des Amis de la musique a constitué un Comité chargé de présenter
un plan pour la réorganisation complète du Conservatoire.
^*^ Madrid. — Don Giovanni vient d'être représenté au Théâtre-
Royal d'une manière splendide par Mme Penco, Tamberlick ,
Bonnehée, Selva, autant de noms justement célèbres. Ajoutons-y celui
de Mme Dalti-Guadagnini, qui pourra l'être bientôt; cette jeune cantatrice,
qui progresse chaque jour dans la faveur du public, a rempli le rôle de
Zerline de façon à rendre jalouse une Patti elle-même.
^*^ Barcelone. — On espère pouvoir représenter le Pardon de Ploërmel,
au Liceo, vers le lo février. Mlle Vitali, le ténor Stagno et la basse Petit
en rempliront les principaux rôles. Ensuite viendra II Bravo, de Merca-
danto, avec Steger, Petit et Mme Rey-Balla — Le Teatro Principal ou-
vrira ses portes le 12 avril, avec une troupe d'élite oii figurent les noms
d'Emmy Lagrua, des sœurs Marchisio, des ténors Tamberlick et Corsi,
des barytons Everardi et Rota, de la basse Rossi-Galli et du caricàto
Alessandro Bottero.
«*, Milan. — La Socielà del Quartelto a courageusement repris ses
séances, et cette fois elle n'a point eu à s'en repentir ; le public est
accouru avec empressement, surtout à la seconde séance. Beethoven,
Weber, Haydn, Boccherini et Rubinstein figuraient au programme. Baz-
zini était au premier pupitre.
^*,fi Rome. — Do7i Carlos a couru un grave danger, grâce au zèle de la
censure; mais le Saint-Père, après avoir pris connaissance du libretto,
en a libéralement autorisé la représentation, — sans inquisiteurs toute-
fois; on substituera au redoutable tribunal quelques inofifensifs soli-
taires .
^*^ Copenhague. — La troupe italienne dirigée par Lorini a fait cette
année son premier début avec la Favorita, sans beaucoup de succès.
Des noms inconnus, représentant des talents médiocres ou nuls, ne sont
point faits pour attirer la foule. — Vn Ballo in maschera a dû être donné
ensuite.
^% Stockholm. — Le Conservatoire, sous l'impulsion donnée par le
prince royal Oscar, a subi, il y a un an déjà, une transformation com-
plète, dont les résultats se font sentir aujourd'hui de la manière la plus
heureuse. Une fête commémorative de cette renaissance vient d'être
donnée; outre un programme musical intéressant et défrayé par nos
meilleurs artistes, on a applaudi un remarquable discours du prince
Oscar, président de l'Académie royale de musique, traitant très-pertinem-
ment, et au point de vue scientifique, du son musical. Voilà un futur
souverain qui promet à l'art un protecteur zélé et éclairé !
^*^ Saint-Pélersbourg. — Pauline Lucca maintient ici au même degré
l'enthousiasme qu'elle a provoqué depuis son arrivée, haas Don Giovanni, elle
a été encore plusfêtée qu'auparavant, s'il est possible. Mme Trebelli et Mario
ont eu un beau succès dans la Favorite. Mario supplée avec son grand
art de comédien aux défaillances de sa voix; il a notamment été su-
perbe dans les récitatifs. On l'a beaucoup applaudi dans Un Bail- in
Maschera, avec Mme Yolpini — qui a partagé avec lui les honneurs de la
soirée — Graziani (Renato). et une débutante, Mlle Giovannoni (Amelia). —
Mlle Grantzoff vient de faire sa rentrée ; elle a été accueillie avec enthou-
siasme.
jf.*^ Moscou. — La Rose des Carpathes, de Siegfried Saloman, a été re-
présentée le 7 janvier, pour la première fois, au bénéfice de Mme Alexan-
droff, avec un complet succès. La bénéficiaire et Mme Honoré ont été
couvertes d'applaudissements. Le sujet de cet opéra est un épisode de
l'histoire moldo-valaque, vers la fin du xvii° siècle.
s. DUFoen.
/l 17 T C ^" concours aura lieu le mardi II février, à -4 heures pré-
il V 1 (3 . cises, à l'église Saint-Eustache, pour une place de basse.
— On est prié de se présenter à la sacristie pour se faire inscrire.
48
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J. Leybach. Op. 107. La Cenerentola, fantaisie brillante.
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— Baby, polka très-facile
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U Février 1868.
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et aux Cureûux der. Jffessugeries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r. pur Qi
DuparleniLutB, Belgique et Suisse.,.. 30 » id.
Étranger 34 » i<i.
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. Les droits des auteurs (deuxième partie, 6° article], parVhomaB
Sauvage. — Grand concert avec orcliestre donné par Charles Lamoureux à
la salle Herz, par Charles Bannelier. — Bibliographie musicale : la Mu-
sique expliquée aux gens du monde, de A. Meliot, par Maurice Bourges.
— Revue des théâtres, par D. A. O, Saint-Yves. — Concerts et audi-
tions musicales de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles
diverses. — Concerts et auditions musicales annoncés. — Annonces.
LES DROITS DES AUTEURS.
(Deuxième partie.)
SOCIÉTÉS DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE.
(6= arlicle) (d).
Il y avait alors à l'Opéra-Comique une actrice, fort jeune en-
core, dont cependant la réputation était, pouvait-on dire, déjà
vieille; enfant, elle avait débuté à la foire Saint-Laurent, avec
d'autres artistes de son âge, dans un opéra-comique de Panard
intitulé : la Nièce vengée. Dans le prologue, La Rancune, comé-
dien de campagne, venait annoncer que la chaiTette qui portait
ses camarades avait versé ; que tous, plus ou moins écloppés, se
trouvant hors d'état de paraître, il offrait en remplacement ses
enfants , pour lesquels il réclamait l'indulgence en ces termes:
S'ils n'ont pas l'honneur de vous plaire,
Epargnez-les; c'est moi, Messieurs,
Qui dois porter votre colère . . .
J'ai fait la pièce et les acteurs.
Dans la comédie, la jeune enfant qui jouait un rôle de tante,
disait au dénoûment, en s'adressant au parterre :
« Messieurs, si quelqu'un de vous veut épouser une petite veuve,
je suis à lui, et je vous assure qu'il trouvera mieux qu'il ne
croit. » Puis elle chantait :
(1) Voir les n»= 33, 40, il, 43 et 49 de l'année 1867.
J'ai, sous des cheveux gris,
L'humeur assez jolie ;
Sans trop de flatterie,
Je vaux encor mon prix.
Vive, fringante et preste.
On me trouve encor des appas ;
Et zeste, zeste, zeste,
Bien des jeunes filles n'ont pas
Un si beau reste.
Je me suis permis ces citations un peu gaillardes, pour montrer
à quelle école avait été élevée la petite tante, car le nom lui en
resta pendant longtemps, et pour expliquer l'aventure que je vais
raconter.
La petite tante était devenue grande fille. Favart, juste appré-
ciateur du talent, l'avait distinguée et lui fit des rôles dans ses
pièces. C'est de l'École des amours grivois (1) que date la réputa-
tion de cette jeune merveille : c'est là qu'elle créa le rôle de ma
MIE Babichon, paysanne naïve, personnage épisodique qui n'arrivait
qu'à la fin de la pièce avec le niais Nicodème pour chanter des
couplets sans rimes et danser un menuet grotesque. Il paraît que
l'effet de cette scène fut extraordinaire, incroyable, grâce au jeu
des acteurs, tel enfin, que Favart, pour contenter le public, se vit
obligé de reproduire dans une seconde pièce (2), puis dans une
troisième (3), ces deux personnages accueillis avec tant d'enthou-
siasme.
Alors le nom de petite tante disparut sous celui du nouveau
rôle et l'actrice fut pour tout Paris ma mie Kabichon.
On pense bien qu'un tel triomphe n'avait pas peu développé les
dispositions audacieuses, effrontées même, de la jeune élève de la
foire. Il arriva ce que nous voyons chaque jour se renouveler dans
nos théâtres : — les prétentions, les exigences de l'actrice en vogue
augmentèrent en raison de ses succès. De là : indisposition dès
(1) A -propos composé à l'occasion des victoires de Louis XV dans
les Flandres.
(2) Les Fêtes publiques.
(3) Le Dil de, Strasbourg.
50
lŒVUE ET GAZETTE MUSICALE
qu'on avait quelque partie avec un beau mousquetaire gris ou noir;
demandes de coiie'és pour se refaire dans la petite maison de
quelque galant fermier général, puis l'inexactitude aux répétitions,
les refus de rôles, la suffisance avec les auteurs, l'impertinence
avec les camarades... Enfin ma mie Babichon devint une créature
insupportable, — comme la plupart (je dis la plupart et non
tovs I) de nos artistes à réputation, qui sont ou se croient indis-
pensables.
Un jour, on répétait le Trompeur trompé, de Vadé. — Clairval,
qui venait de sauter de la boutique d'un perruquier-barbier sur
les planches de l'Opéra-Comique (1), et qui commençait à la foire
l'immsnse réputation que lui acquirent plus tard tant de brillants
succès à la Comédie italienne et auprès des belles dames, — Clair-
val jouait le trompeur. Ifa mie Babichon devait représenter la com-
tesse qui mystifie le trompeur. Plusieurs airs nouveaux avaient
été composés pour cet ouvrage par M. Exaudet, chef d'orchestre
du théâtre, — M. Exaudet, l'auteur du charmant menuet venu
jusqu'à nous! — On était arrivé à des couplets fort jolis :
Clairval chante le premier, M. Exaudet est satisfait ; ma mie Ba-
bichon commence le sien, mais avec mollesse, sans mesure et sans
expression. — M. Exaudet se récrie, l'air est syllabique et rhylhmé,
il faut marquer le mouvement. — Ma mie Babichon affirme que
l'air ne peut et ne doit être dit que comme elle le chante; au reste,
elle ne le dira pas autrement !
On comprend la situation de M. Exaudet, blessé dans son cœur
paternel et dans ses oreilles musiciennes ! — Vadé, Clairval veu-
lent s'interposer; ma mie Babichon les envoie... infiniment loin! et
persiste dans son obstination. Tous ses camarades, — qui demain
feront peut-être comme elle, — la blâment et essaient de la ra-
mener à la raison : peine perdue ! Babichon ne cédera pas : « l'or-
chestre doit la suivre, l'orchestre doit être à ses ordres ! »
A de telles prétentions, M. Exaudet se lève furieux, les musiciens
s'insurgent et prennent son parti; tout le monde crie... on ne
s'entend plus... le désordre est au comble... quand paraît Favart,
le directeur. Il veut d'abord arranger amiablement l' affaire ; mais
M. Exaudet, trop exaspéré, déclare qu'il se retire si l'on ne fait
justice de l'insolence de ma mie Babichon. Favart est donc obligé
de reprendre le rôle à la coupable ; il le donne à Mlle Rosaline.
La pièce est jouée, elle obtient le plus Êirand succès. Les airs de
M. Exaudet sont fort applaudis, et Mlle Rosaline, jusque-là ina-
perçue, est tout à coup distinguée par le public.
Remarquez, je vous prie, que semblable scène se représente à
peu près chaque semaine sur chacun de nos théâtres, et plaignez,
en passant, les auteurs et les directeurs !
Ma mie Babichon, comme bien vous pensez, n'oublie pas la cou-
rageuse résistance de M. Exaudet; et ne pas oublier une offense,
pour une femme, c'est en désirer la vengeance ! et la désirer, c'est
la méditer, c'est s'en occuper à chaque instant, c'est la préparer
à chaque minute!
Cependant, en habile comédienfte, Babichon dissimula: trois jours
après l'événement, le passé semblait pour elle à cent ans de date;
on la voyait gracieuse et avenante avec tout le monde, même avec
M. Exaudet!
(1) Transition que Clairval n'oublia jamais; mais il craignait tellement
de la rappeler que, pour ne pas jouer le rôle de figaro, il fît refuser
le Sarbier de Séville de Beaumarchais, présenté par l'auteur à la Comédie
italienne. D'autres la lui rappelaient trop bien :
Clairval, d'un beau Pierrot étalant tout l'éclat,
A repris la couleur de son premier état.
disait Parissot dans son Epître à mon digne ami Nicolet.
Et Guichard écrivait au bas du portrait de l'artiste :
Cet acteur minaudier, san» talent et sans voix,
Ecorche les auteurs qu'il rasait autrefois!
Pauvre Exaudet! il ne se doutait pas du malheur qui menaçait
sa tétel
A quelque temps de là, autre pièce nouvelle, autre répétition ;
mais celle-ci devait être plus solennelle. M. Berger, directeur de
l'Opéra, depuis peu titulaire du privilège de l'Opéra-Comique, avait
fait annoncer qu'il y assisterait; tout le personnel était donc venu
dans la toilette la plus soignée : femmes en paniers, avec des mou-
ches et du rouge; hommes en habits droits et pinces, amples per-
ruques frisées et poudrées, rien ne manquait pour que l'aspect
cérémonieux de ses humbles sujets flattât l'amour-propre de l'au-
tocrate des fions- fions, — du Perrin de ce temps-là.
. Tout le monde est en place : à l'orchestre, les musiciens devant
le pupitre ; au milieu d'eux, M. Exaudet, ainsi qu'un maréchal de
France, le bâton de commandement à la main (4); sm' le théâtre,
les acteurs exercent leur gosier en filant des sons, ou réveillent
leur mémoire en repassant leur rôle; les danseurs rappellent par
des plies et des ronds de jambes la souplesse et l'élasticité dans
leurs muscles et leurs articulations. L'auteur, sa famille et quel-
ques-uns de ses amis sont à la galerie; dans l'ombre, au parterre,
se cachent trois ou quatre auteurs jaloux et envieux, qui viennent
épier les endroits faibles de l'ouvrage pour les signaler d'avance
dans les cafés!
Çà et là circulent dans la salle ou sur la scène les membres de
la troupe qui ne sont pas employés dans l'ouvrage nouveau. Les
uns causent avec les acteurs, qui, plus heureux, ont des rôles, et
cherchent à leur faire entendre que ces rôles sont mauvais, sans
quoi ils ne les auraient pas. Les autres font des courbettes devant
l'auteur, pour qu'il ne les oublie pas dans une prochaine distribu-
tion. Ma mie Babichon, qui, comme je vous l'ai dit, semble vouloir
faire oublier ses anciens torts, cause à l'orchestre avec les musiciens
s'informe de leur santé, présente à chacun, et souvent en planant
par-dessus les têtes, son élégante bonbonnière et ses pastilles à la
duchesse. M. Exaudet et sa brigade sont touchés, attendris par
tant de politesse !
Mais un carrosse s'arrête à la porte de la Loge (2) : un gagiste
annonce M. le directeur de l'Opéra ! A ce nom tout se met en
mouvement : chacun regagne sa place et ma mie Babichon, après
avoir serré la main de M. Exaudet, va s'installer aux troisièmes
loges.
Anteaume (auteur depuis du Tableau parlant, alors répétiteur...
on dirait aujourd'hui régisseur) donne le signal pour qu'on se
tienne prêt, et Taconnet, qui n'a bu que trois bouteihes pour con-
server la liberté de sa langue et la netteté de sa prononciation, se
précipite dans le trou du souffleur.
Monsieur Berger paraît ! — Aspect demi-financier, demi-petit
maître, air important et protecteur, dédaigneux et ennuyé; il salue
à peine, passe la main sous le menton de la gentille Luzy, donne
un petit soufflet à Gogo-Beauminard et sourit à Mlle Chantilly
(Mme Favart); — il se place nonchalamment sur un fauteuil, à
l'avant-scène ; Favart s'assied près de lui, modestement sur une
chaise.
On va commencer : le chef d'orchestre a frappé légèrement sur
son pupitre, les archets sont suspendus au-dessus des cordes, les
lèvres sont avancées sur les instruments à vent et les joues gonflées
vont leur envoyer le souffle, l'âine et l'expression.
Thomas SAUVAGE.
(La suite prochainement.)
(1) Les chefs de nos orchestres de théâtre sont aujourd'hui privés de
cet insigne, qu'Alexandre Piccini, chef d'orchestre de la Porte-Saint-
Martin, a porté le dernier.
(2) C'est ainsi que l'on appelait à la foire la salle de l'Opéra-Comique.
DE PARIS.
Î51
GRAND CONCERT AVEC ORCHESTRE
Donné par U. Charles liamonreux à la salle Ilerz,
Le 8 février 186S.
La plupart des habitués des séances populaires de musique
de chambre ne connaissent Lamoureux que comme un virtuose
éminent, interprétant en grand artiste la musique classique; ils
ont pu se convaincre, samedi dernier, que c'est encore un habile,
un consciencieux chef d'orchestre. Je dis la plupart , parce que
Lamoureux n'en est pas à son coup d'essai, et que plusieurs se
souviendront encore du concert qu'il dirigea avec tant de succès
l'année dernière. Je n'étais pas de ceux-là, je ne puis donc ap-
prendre aux lecteurs de la Gazette musicale s'il a fait des progrès;
mais je leur affirme aujourd'hui que c'est un maître qui possède
la sûreté de coup d'œil , la finesse de perception musicale, le tact
et l'expérience; on sent qu'il a soigneusement étudié tout ce qu'il
fait exécuter, qu'il ne livre rien au hasard, que tous les fils de
cette intrigue compliquée qu'on appelle une partition sont dans sa
içain, que ses quatre-vingts artistes le comprennent et savent à
qui ils ont affaire . . . Cela s'appelle, pour parler comme Berlioz,
jouer de l'orchestre. Ce soir-lîi, le superbe stradivarius de Charles
Lamoureux se reposait.
La Symphonie pastorale, — le morceau de résistance, le « great
feature » — du concert, a été rendue avec un admirable ensemble,
et je dirai presque avec un luxe de nuances auquel nos meilleurs
orchestres ne nous ont point accoutumés. Contrairement à l'usage,
M. Lamoureux ne fait pas ralentir le mouvement au début du
premier morceau avant d'arriver au point d'orgue de la quatrième
mesure; c'est affaire de goût, et en l'absence de toute indication sur
la partition, il n'y a pas d'autre raison que le sentiment personnel
pour suivre ou abandonner la tradition. Reste à savoir si, du
temps de Beethoven, il était convenu qu'un rallentando précédait
toujours les points d'orgue; M. Lamoureux n'en paraît pas con-
vaincu. — Il a parfaitement senti que la plus grande précision
métronomique est de rigueur dans Vandante, sous peine de faire
d'un magnifique poëme un gâchis insupportable; aussi, tout a mar-
ché à souhait, et un tonnerre d'applaudissements a prouvé à l'intelli.
gent artiste qu'on l'avait compris. — Une idée qui a bien sa valeur,
et qu'il a mise en pratique le premier, consiste à prendre le scherzo tant
soit peu moins vite qu'on ne le fait d'habitude, pour pouvoir en-
suite animer le mouvement lorsque approche le trait en arpèges
ascendants des altos et des violons que suivra bientôt la mélodie
agreste et boiteuse du hautbois, et plus tard l'orage. Ce contraste
est d'un effet très-heureux. — Le finale tout entier a été glorieu-
sement enlevé; on ne fait mieux nulle part.
La Symphonie pastorale nous a entraînés un peu loin; il nous
faut cependant réserver quelques lignes pour payer un juste tribut
d'éloges à la splendide exécution de l'ouverture d'Oberon, — de la
Marche et du Chœur des fiançailles de Lohengrin, dont les chœurs
ont été chantés avec justesse, ensemble et entrain, et qui ont été
bissés; — de la canzonetta du quatuor en mi bémol de Mendelssohn,
aujourd'hui populaire; pour constater enfin le grand et légitime
succès obtenu par Mlle Mauduit et M. Bel val dans un air de Fer-
nand Cariez et dans le puissant finale du deuxième acte de la Ves-
tale.
L'orchestre était composé d'artistes de la Société du Conserva-
toire et des concerts populaires; la besogne de M. Lamoureux
était donc déjà bien avancée avant même de la commencer, ce
qui n'a pas empêché de nombreuses et laborieuses répétitions.
Un regret en terminant : c'est que les frais et les difficultés de
semblables entreprises ne permettent pas de les renouveler plus
souvent, et que M. Lamoureux ne dispose pas d'un orchestre cons-
titué en société.
Chaules BANNELIER.
BIRLI06RAPHIE MUSICALE.
liJk MUSIQUE EXPIilQUÉE AUX «BRISi DU »0\DE,
Pau A. MELIOT (i).
Le voilà déjà bien loin le temps où la science et l'art consti-
tuaient le lot exclusif et comme le domaine privé d'un petit nombre
de doctes initiés. L'esprit de curiosité s'est fait populaire. Chacun'
veut savoir, savoir un peu de tout, mais surtout savoir vite et
sans peine. Aussi les gros ouvrages font-ils peur,! Comment penser
à s'y arrêter, quand la vie a des allures de locomotive courant à
toute vapeur, quand le loisir est une vraie rareté? Que le spécia-
liste studieux compulse, médite, approfondisse de volumineux re-
cueils, à la bonne heure. Mais la foule! Il lui faut un aliment
plus léger, plus émietté et de digestion bien autrement rapide.
La librairie moderne s'est hâtée de le lui offrir dans ces petits livres,
de format commode et portatif, qui ont aujourd'hui mission de vul-
gariser, en quelques pages sommaires et d'une lecture facile, la
science, l'histoire, l'industrie, les beaux-arts.
La musique, dont le goût et la culture vont se propageant de
plus en plus en France, ne pouvait manquer de trouver tout aussi-
tôt sa place dans cette collection d'abrégés instructifs. Parmi ceux
qui ont sa théorie pour objet, on peut se souvenir que le public
a remarqué naguère les Principes de musique de M. A. Méliot.
Accueillera-t-il avec une faveur égale le nouveau petit ouvrage du
même auteur, la Musique expliquée aux gens du monde ? La chose
n'a rien que de fort probable, si l'on tient compte de l'intérêt qui
s'attache au sujet, et des qualités honorables qui distinguent l'exé-
cution et la forme de ce travail. Quant au fond, il n'y avait, on le
comprend, rien à innover. Les éléments constitutifs d'un art ne
sont ni à refaire, ni à modifier. Le seul mérite consiste à les ren-
dre aisément intelligibles par la méthode, la simplicité et surtout
la clarté de l'exposition. Les matériaux sont partout. Partout aussi
est-il avantageux de savoir les choisir et les prendre, un peu à la
façon de l'abeille, qui ne compose le meilleur miel que pour avoir
butiné les meilleurs calices.
L'auteur ne se défend en aucune sorte d'user amplement de ce
droit. Bien au contraire, il confesse avec loyauté tout ce qu'il doit
aux théoriciens les plus en renom qu'il a mis à contribution sans
scrupule. Sa plus grosse dette est évidemment contractée envers
M. Fétis, dont la Musique mise à la portée de tout le monde,
fort bon livre, tout de première main, et déjà âgé de plus de
trente ans, a sans aucun doute servi de prototype et de guide à
M. Méliot. Cependant le nouvel Abrégé en diffère fréquemment
sous le rapport du plan et des divisions générales.
La matière, développée dans les quatre sections du volume de
M. Fétis, est ici condensée en trois livres seulement, parfois même
dans un ordre peut-être plus logique.
Le premier livre n'a que huit chapitres, oiî se trouvent résumées
les notions relatives au son, à la notation, aux intervalles, gam-
mes, tons et modes, aux mesures, au mouvement, à la mélodie et
à l'harmonie, en un mot aux éléments du Système musical propre-
ment dit. Dans le deuxième livre, borné à trois chapitres, il est
donné un aperçu très-succinct de la Composition scientifique, à
(1) Un volume in-18. Paris, G. Delagrave, 1867.
52
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
laquelle se rattachent le contre-point et ses nombreuses variétés,
l'imitation et le canon, enfin la fugue. Les sept chapitres du troi-
sième livre passent rapidement en revue les diverses ressources de
l'Exécution dans leurs principales combinaisons vocales et instru-
mentales au concert, au salon, à l'église, au théâtre.
A l'instar du livre de M. Fétis, un- Vocabulaire-Index des termes
techniques les plus usités complète cette brochure, qui trouve moyen,
en moins de cent soixante-dix pages, de mêler au texte quatre cent
cinquante exemples de musique d'une bonne gravure. Impossible
de donner davantage sous un si mince volume. Nécessairement les
détails sont écartés. L'auteur se borne à tracer d'une main vive
et assurée les contours d'une esquisse franche, arrêtée, suffisante.
Il vise à la précision en même temps qu'à la lucidité. En général
ni l'une ni l'autre ne lui font faute.
Reconnaissons cependant que le chapitre relatif à la transposi-
tion, un peu chargé et confus, ne convient guère à la clientèle de
lecteurs un peu superficiels pour lesquels M. Méliot a écrit. Certes
les observations qu'il y prodigue ne sont pas sans utilité pour
aider l'exécutant à substituer tel accident à tel autre dans l'opé-
ration souvent embarrassante de la transposition à première vue ;
mais tout cela est trop spécial, trop compliqué pour figurer dans
un modeste abrégé, dans une véritable réduction, qui n'est pas
d'ailleurs destinée aux artistes. L'auteur fera sagement de refondre
ce chapitre dans les prochaines éditions auxquelles son petit livre
nous semble justement appelé à parvenir. Qu'il y accorde aussi
une mention à un instrument fort populaire, au cornet à jÂslons,
employé si souvent aujourd'hui dans les orchestres de tous les de-
grés. Qu'il se décide encore à remplacer, aux pages 101 et 102,
les deux exemples anonymes de contre-point simple à trois et à
quatre parties, par des spécimens écrits d'un style moins libre et
plus châtié, qui puissent donner une idée exacte de ce que l'école
nomme le style sévère.
Grâce aux retouches indiquées, M. Méliot aura fait disparaître
les seuls légers délauts qui jettent un peu d'ombre sur les nom-
breuses et incontestables qualités de la Musique expliquée aux gens
du monde. Mais pourquoi aux gens du monde seulement ? Serait-ce
par hasard que la rédaction affecte un tour de style raffiné,
aristocratique? Nullement. Courante, aisée, limpide, n'est elle pas
accessible aux intelligences déjà quelque peu dégrossies, aux
hommes de labeur, qui pour la plupart ne sont plus dépourvus
de lecture? L'auteur a eu beau limiter son public. Le livre portera
plus loin que ne le veut le titre. N'en déplaise à M. Méliot, il sera
lu, et beaucoup, autre part que dans les salons et les boudoirs.
Maurice BOURGES.
REVUE DES THÉÂTRES.
Palais-Royal : Le Papa du prix d'honneur, comédie-vaudeville en
quatre actes, par MM. Eugène Labiche et Théodore Barrière.
— Ambigu : Le Crime de Faverne, drame en cinq actes et huit
tableaux, par MM. Théodore Barrière et Léon Beauvallet. —
Gaité : Reprise de Jean la Poste. — Théatre-Déjazet ; Corna-
val vit encore, mascarade en huit tableaux^ de MM. A. de Jallais
et A. Flan.
La collaboration de 3IM. Théodore Barrière et Eugène Labiche
promettait des merveilles au Palais-Royal ; on s'attendait à un heu-
reux mélange des qualités qui ont fait le succès des Faux Bons
hommes et du Chapeau de paille d'Italie. Mais le Papa du prix
d'honneur a trompé en partie ces espérances. Il y a pourtant dans
cette pièce un point de départ excellent, l'orgueil naïf, la joie
aveugle des parents du jeune lauréat qui a obtenu au grand con-
cours le prix d'honneur pour sa dissertation latine, tandis que.
par un contraste piquant, ce dernier ne voit dans son triomphe
que l'affranchissement d'un joug insupportable et la conquête
d'une liberté illimitée. Les deux premiers actes, soutenus par cette
donnée, se présentent favorablement ; on rit volontiers des préten-
tions opposées du père et du fils , on se demande qui l'emportera,
de ce brave M. Gobaille qui, ne pouvant rien faire de son glorieux
rejeton, se décide à le marier brusquement, ou de l'ex-prix d'hon-
neur Achille qui veut mener la vie de garçoi) sans qu'on l'ennuie
ou qu'on le dérange. Surpris par son père et par celui de sa fu-
ture dans un tête-à-tête suspect avec une femme mariée, il n'a que
le temps de la faire cacher dans un cabinet, dont la porte se re-
forme sur un pan de sa robe. Le père Gobaille aperçoit ce pan
révélateur, en coupe un morceau et le met dans sa poche.
Jusque-là tout va bien, mais nous ne sommes qu'à la moitié de
la pièce, et, encore une fois, la déplorable nécessité d'occuper tout
un spectacle va entraîner les auteurs au delà des limites qu'ils
auraient dû raisonnablement s'imposer.
Nous sommes à Guéret, où M. Gobaille s'acharne à l'idée de
marier son fils et de lui donner une place qui appartient en ce
moment au mari d'Hermance, la maîtresse d'Achille. Cette dame
s'oppose naturellement au double projet de M. Gobaille; mais ce-
lui-ci reconnaît la robe dont il a dérobé un morceau, et, cette
preuve à la main, il force Hermance à se désister de ses droits sur
Achille, et il en obtient la démissio.i de son mari. Rien ne fait
plus obstacle à l'établissement du prix d'honneur, qui enterre défi-
nitivement ses lauriers dans le fond d'une province obscure.
Cette seconde partie, longue. et traînante, n'est un peu égayée
que par l'intervention de deux personnages originaux, le mari
d'Hermance, ganache de la plus belle espèce, et un certain Bufquin,
que l'on suppose en fort bons termes auprès d'un ministre à qui il
recommande tout le monde, moyennant récompense honnête, et
qui, en réalité, n'a été que son valet de chambre.
Si le Papa du prix d'honneur exerce quelque influence sur les
recettes du Palais-Royal, il faudra bien certainement, en attribuer
l'honneur à ses inimitables interprètes Geoffroy, Lhéritier, Bras-
seur, Hyacinthe, Priston et à une débutante, Mlle Rosa Didier, qui
vient en droite ligne du Théâtre-Français.
— Nous retrouvons M. Théodore Barrière à l'Ambigu, où il a
fait représenter, avec M. Léon Beauvallet, un drame ayant pour
titre le Crime de Faverne. Quoique cette pièce ait été fort bien
accueillie par le public, nous devons constater qu'il y règne un
fâcheux embarras qui est dû au manque d'unité et à la bifurca-
tion de l'intrigue. Il s'agit d'adultère, mais non d'un seul ; il y en
a trois qui se croisent et s'enchevêtrent de manière à laisser flot-
ter l'intérêt au gré du hasard. L'un de ces adultères est même
épisodique, et c'est néanmoins celui qui produit le plus d'effet,
paz-ce qu'il met en relief tout ce qui reste aujourd'hui de l'ancien
génie créateur de Frederick Lemaître. Nous y reviendrons; occu-
pons-nous d'abord de l'incident principal et tâchons de le dégager
de ces accessoires parasites.
Le comte de Faverne, retiré dans 'une terre des environs de
Blois, a conservé des relations avec une jeune fille qu'il a connue
quelques années auparavant et qui est devenue la femme de
M. Mauclerc, substitut du procureur du roi, car l'action se passe
au temps de la Restauration. Ce substitut est dans une situation
de fortune très-précaire, et le comte de Faverne, inquiet de l'ave-
nir de Jeanne, annonce l'intention de lui léguer tous ses biens.
Mais il a un frère, un assez vil particulier, qu'on nomme le cheva-
lier Balthazar, et qui a la conscience chargée d'un bon nombre de
turpitudes. Pour empêcher Jeanne d'hériter à son détriment, il lui
verse un poison subtil qui, par malheur, va tout droit à l'adresse
de son frère, le comte de Faverne. Ce crime est attribué à Jeanne,
et c'est son mari, le substitut, qui est chargé d'instruire contre
DE PARIS.
53
elle. Il n'obtient pas l'aveu fie l'empoisonnement, mais il acquiert
la preuve de son propre déshonneur. En ce moment, le chevalier
Balthazar vient disculper Jeanne de la première accusation qui pèse
sur elle; le misérable entretenait, de son côté, un commerce cri-
minel avec une jeune Icnime dont le mari s'est vengé en lui tirant
un coup de fusil. Avant de mourir, il proclame l'innocence de
Jeanne , et quant à la seconde faute, qui atteint plus directement
le mari , elle reste dans l'ombre où l'on prévoit que le temps la
fera oublier.
Sur une ligne parallèle à l'adultère de Favernc, se développe
l'adultère posthume de la femme du notaire Séraphin, et c'est là
l'élément capital du succès de la pièce. Ce notaire est veuf, et se
complaît dans l'adoration rétrospective de sa Thérèse. Tout à coup,
une indiscrétion de ses clercs en goguette lui apprend que cette
Thérèse, qu'il aimait tant, l'a trompé avec l'un d'entre eux. La
raison du pauvre homme ne peut résister à une aussi terrible ré-
vélation, et il ne recouvre par instants quelques lueurs de bon sens
que pour prêcher à tous l'oubli et le pardon. Notre grand comé-
dien Frederick Lemaître prête à ce rôle du notaire Séraphin un
attrait magique qui, à lui seul, expliquerait l'empressement du
public à aller applaudir le Crime de Faverne.
Les autres rôles sont tenus avec ensemble par Brindeau, Clé-
ment-Just, Castellano, Mlles Rousseil et Debreuil. La partie comi-
que est confiée à Schey et à Allart, qui s'en acquittent à la satis-
faction générale.
— A la Gaîté, on a repris Jean la Poste, qui va reconquérir son
ancienne vogue, grâce au jeu sympathique de Dumaine et au su-
perbe décor de cette tour qui s'enfonce peu à peu jusqu'au niveau
du vaste Océan éclairé par les reflets argentés de la lune. Ce drame
a été donné en été, et il sera nouveau pour beaucoup de gens.
Les pièces de cai'naval s'en vont à peu près comme les Revues
de fin d'année. Quelques théâtres persistent à réagir contre cette
tendance des mœurs nouvelles. Ont-ils raison? Il y aurait lieu de
le supposer en voyant le triomphe remporté par la pièce du
théâtre Déjazet, Carnaval vil encore. Il est vrai qu'indépendam-
ment de la donnée qui a pour but de nous prouver que le goût
des saturnales n'est pas aussi loin de nous qu'on veut bien le dire,
il y a dans cette mascarade à grand spectacle plusieurs tableaux
pleins de mouvement et de gaieté. Nous citerons ceux qui repré-
sentent le carnaval sur les toits , le carnaval à la caserne et le
bal de l'Opéra, dont l'effet est splendide. La mise on scène est
très-soignée ; les airs d'Eugène Déjazet sont charmants, et les
principaux rôles sont joyeusement remplis par Daubray, Legrenay,
Mme Eudoxie Laurent et Mlle Daudoird.
D. A. D. SAINT-YVES.
CONCERTS ET AUDITIONS IDSICÀIES DE LÀ SEMAINE.
;,;** Le principal inlérêt du Concert populaire de dimanche dernier
était l'excciition, pour la première fois, de la marche religieuse du Lo-
hengrin de Wagner. L'orchestre de Pasdeloiip a mis tous ses soins à la
faire bien comprendre à son auditoire. Aussi ce morceau, l'un de ceux
du compositeur, le plus capable d'impressionner les masses, a été fort
bien exécuté et fort applaudi par la très-grande partie du pubhc qui l'a
redemandé. — Le reste du concert offrait son intérêt habituel.
goùlée. — M. Wekerlin annonce une dernière séance, par invitation, pour
le 22 février courant.
*** Nous dev ons une mention p.-irllculière au concert donné mercredi
dernier, à la .salle Pleyel, par M. Te.ys.son, chanteur de mérite et qui s'y
est fait légitimement applaudir. Nous aurions d'autant moins lieu de passer ce
concert .sous silence qu'un piani.'-to américain, M. Biissmeycr, s'y est révélé
à l'audiloire avec un éclat dont personne ne pouvait se faire une idée.
M. Bussmeyer a exécuté, avec une perfection et un talent qui justifiaient
d'ailleurs cette surprise, un morceau de GotLschalk et une transcrip-
tion de Mendelssolin, connue il est rare de les voir interpréter. L'émi-
nent virtuo.se— car il mérite largement cette qualification — possède son
instrument en maître, il en obtient une puissance de .sonorité étonnante;
il joini en outre, à la distinction du style, une vélocilé qui rend son
jeu magistral des plus brillants et une grande observation des nuan-
ces. En un mot, M. Bussmeyer nous paraît destiné à faire sensation à
Paris.
,j*5S La Société des concerts donnera aujourd'hui dimanche, à 2 heures
précises, son septième concert, sous la direction de Georges Hainl. En
voici le programme : 1" symphonie militaire (48"), de Haydn ; — 2" chœur
des Pèlerins du Tannhauser, do Wagner; — 3° air de danse iVfphigénie
en Aulide, de Gluck: — i" motet (double chœur sans accompagnement),
de S. Bach; — 5° symphonie en fa (8=) de Beethoven.
"^Ï^J Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque Napoléon , seizième
concert populaire de musique classique, sous la direction de J. Pa.sdeloup.
On y entendra : 1° ouverture de Don Juan de Mozart; — 2o symphonie en
mi bémol de Robert Schumanu (allegro, scherzo, andante, finale) ; —
3° Bourrée (1720) deJ.-Séb. Bach; i' concerto pour violon de Mendel.s-
sohn, exécuté par Mme Norman - Neruda, professeur au Conservatoire
de Stockholm; — S° septuor de Beethoven (introduction, allegro, adagio
cantabile, menuet, andante con variazoni, scherzo, finale), exécuté par
M. Grisez (clarinette), Espeignel (basson), Mohr (cor), et tous les ins-
truments à cordes.
*** Pendant la cérémonie du mariage de M. Lafleur, fils aîné, un
0 Salutavis et un Ave Maria d'A. Elwart ont été chantés par le ténor
Marty et le baryton MInart. — Un Laudate remarquable de Laboureau,
le maître de chapelle de Saint-Laurent, a brillamment terminé cette
cérémonie.
^*^ Alfred Jaell et sa femme, née ïrautmann, viennent d'arriver à
Paris.
»** La grande salle du Casino de Nice a été témoin, le 6 février, du
triomphe remporté par un jeune violoniste sicilien, M. Scuderi, dont
l'avenir s'annonce de la manière la plus favorable. Mécanisme, style et
sentiment se trouvent chez cet artiste à un égal degré, et nous serions
surpris s'il ne faisait pas parler de lui avant peu de temps.
^*^, Le concert que la Société Sainte-Cécile, sous la direction de
M. Wekerlin, a donné samedi dernier, était particulièrement consacré à
l'audition de musique ancienne : Une Berceuse du xin" siècle, un air du
Convito d'Alessandro de Haendel ; une Sojiate chantée de Mozart; l'ariette
des Trc giorni de Pergolèse; un air d'Anacréon de CherubinI, etc., ont
mis tour à tour en relief le talent de Mmes Barthe, E. Bertrand et de
MM. Hermann-Léon et Pagans. — M. Lefébure a fait entendre le nouvel
orgue Mustel, instrument dont il a tiré des effets qui ont charmé l'audi-
toire. La Berceuse de H. Reber, écrite originairement pour violon et piano,
a été dite avec des paroles italiennes par Mme Barthe, et a été fort *** Au théâtre Italien, dans la brillante représentation de VEtisi,
NOUVELLES DES THEATRES LYRIQUES.
^*^ Le théâtre Impérial de l'Opéra a donné deux fols Guillaume Tell
cette semaine : lundi pour la 300° représentation, puis vendredi. — Mer-
credi, on a joué la 4i2<' de la Muette.
**# A l'occasion et à l'issue de la S00« représentation de Guillaume
Tell, les principaux sujets, les artistes de l'orchestre et des chœurs de
l'Opéra ont donné, lundi dernier, dirigés par M. Georges Hainl, une
sérénade à Ros,sIni. Sur une sorte d'estrade construite à la hâte dans la
cour de la maison de la Chaussée-d'AntIn qu'habite l'Illustre maître,
l'ouverture, le solo de baryton du premier acte et le chœur des fian-
çailles de Guillaume Tell ont été admirablement joués et chantés aux
applaudissements de la foule Immense qui stationnait sur le boulevard.
Rossini, retenu chez lui par son état de souffrance, a paru un instant à
une fenêtre, d'où II a salué tous les artistes et tous ces amis inconnus
qui venaient rendre hommage à son génie. 11 a reçu ensuite Mlle Battu,
MM. Faure et Villaret, qui lui ont offert une couronne d'or, au nom de
tout le personnel de l'Opéra. En 1829, une sérénade avait aussi été
donnée à l'auteur de Guillaume Tell, le soir de la première représentation.
Après trente-neuf ans, après cette longue période de repos et de gloire,
le retour du même hommage a profondément touché Rossini,
^*^ Tandis que l'Académie Impériale de musique célébrait le cinq-
centenaire de Guillaume Tell, l'Opéra-Comique donnait, sans sérénade, —
ceux-là sont morts, hélas ! — la 856° représentation du Chalet, et la
M 66° de la Dame Blanche.
,t*s Au moment où nous mettons sous presse, ce soir samedi, nous
assistons à la première représentation, si intéressante à plus d'un titre,
à'Vn Premier Jour de bonheur, le nouvel opéra d'Auber. — Nous en ren-
drons compte dimanche.
u
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
(TAmore qui a eu lieu samedi, il y a huit jours, Adelina Patti, toute ra-
dieuse encore de son nouveau triomphe du Havre, a déployé une verve
et. une maestria auxquelles l'assistance a répondu par un enthousiasme
, du plus franc aloi. Son duo avec Ciampi, qui abordait pour la première
fois le rôle de Dulcamara, a été redemandé. Gardoni et Agnesi sont ex-
cellents. — Succès encore pour la grande artiste dans la Traviata, qu'elle
a merveilleusement chantée lundi dernier pour la dernière fois, au
bénéfice de son camarade Scalese. S. A. 1. la princesse Mathilde
assistait à cette représentation. — Hier on reprenait Don Giovanni. M. Ba-
gier n'a rien négligé pour donner le plus grand éclat à la reprise du
chef d'œuvre de Mozart. Ainsi, outre Adelina Patti dans le rôle de Zer-
lina, les autres rôles étaient confiés à l'élite des artistes : Steller chan-
tait celui de Don Giovanni, qui fut, dit-on, son triomphe à l'étranger;
Ottavio, c'était Gardoni ; Leporello, c'était Ciampi ; Verger, c'était Mazetto,
et Agnesi n'avait pas dédaigné celui du Commandeur. Enfin dona Anna,
c'était la dramatique Mlle Krauss et Donna Elvira, la charmante Mlle
Harris. Le succès qu'a eu la répétition générale fait présager celui de
la représentation. Nous y reviendrons.
^*^ Les journaux du Havre ne tarissent pas d'éloges sur le merveil-
leux talent d'Adelina Patti; à l'issue de sa brillante représentation, les
artistes de l'orchestre et les chœurs fqui ne sont pas aussi médiocres
qu'on s'est plu à le dire, bien loin de là) ont donné une .sérénade
à Rosine, sérénade composée de l'Ouverture et du premier acte du Barbier.
« C'est l'ouverture de la Sirène, disait à ce propos le Journal du Havre,
qu'on eut dû exécuter en l'honneur de la diva. » Nous partageons en
cela l'avis de notre confrère.
,** S. Exe. le maréchal Vaillant, ministre de la maison de 1 Empereur
et des beaux-arts, vient d'autoriser M. Bagier à louer la salle Ventadour
à M. Carvallio, poury donner des représentations les jours non employés
par la troupe italienne, c'esl-à-dire les lundis, mercredis et vendredis.
M. Carvalho conserve la direction du théâtre Lyrique avec sa subvention;
mais son projet consiste à réserver exclusivement et quotidiennement
cette scène aux œuvres françaises du répertoire et aux productions des
jeunes auteurs, dans le domaine de l'opéra-comique, tandis que les grands
opéras et les traductions, Faust, Roméo et Juliette, le Lohengrin, par
exemple, émigreront à la salle Ventadour, et y trouveront le vaste cadre
qu'ils méritent. Cette combinaison fonctionnera à partir du lo mars
prochain. — Le Quentin Metzyz, de MM. E. Dubreuil et Cherouvrier,
opéra en deux actes; depuis longtemps reçu, va entrer en répétition à
ce théâtre.
*■*» Mlle Brache, naguère danseuse à l'Opéra, vient d'être engagée
pour jouer un rôle de mime dans le Timbre d'argent de MM. Carré et
Barbier, musique de M. 'Camille Saint-Saëns, dont la représentation n'est
pas éloignée. Les principaux rôles seront tenus par Mmes Schroeder et
Irma Marié, MM. Troy -et Puget. C'est un opéra légendaire en quatre
actes avec prologue. Le prologue y précédera l'ouverture; on dit beaucoup
de bien de l'œuvre, qui participe du drame, de la fantaisie et du ballet.
— Ce dernier, à l'instar de celui des Xiebelungen, se passerait dans l'eau.
^*^ On répète en ce moment au théâti'e de l'.\thénée une pièce en
trois actes, de MM.Chivot et Duru, dont M. Lecocq, auteur de la parti-
tion de VAmour et son carquois, a composé la musique.
**t Le Théâtre du Palais-Royal va faire construire, au n" 15 de la rue de
Richelieu, une salle annexe de celle qu'il occupe, pour y utiliser ceux
de ses artistes qu'un succès de longue durée laisserait inoccupés.^On con-
struit également au boulevard de Strasbourg un café-concert-spectacle-
gymnase-cirque-funambule, etc. 11 doit coûter 200,000 francs.
,'*^ 11 est fortement question d'une réunion des directeurs de théâtres
qui aurait pour objet de frapper d'une rétribution les billets dits de
faveur. Toutes les personnes que leur profession on leurs relations mettent
dans le cas d'être assiégées de demandes de ces billets, ne pourraient
qu'applaudir à l'adoption générale d'une mesure qui mettrait un terme
à l'abus qu'on en fait ou du moins qui le restreindrait considérablement.
»*, Nous recevons à l'instant même de M. Am. Mereaux, l'éminent
professeur et compositeur, une dépêche télégraphique annonçant que ven-
dredi soir a eu lieu, au Giand-Théâtre, la première représentation de
l'Africaine avec un succès digne du chef-d'œuvre de Meyerbeer, — Bien chan-
tée, belle mise en scène, recettes fructueuses assurées, tels sont les termes
de la dépêche.
»** On vient de jouer au Gymnase de Marseille, sans qu'il y ait lieu
à éloge ou à blâme, un opéra-comique inédit et décentralisateur, sous ce
titre qui ne manque pas d'une piquante hardiesse : l'Enfant des flots.
Pourquoi pas Moise? Est-ce à cause de Rossini?
t% Le conseil municipal de la même ville, par un vote récent, a coa-
firmé pour deux années nouvelles le privilège de l'exploitation de l'Opéra
accordé à M. Husson, avec la subvention annuelle de la ville.
,*^ On nous écrit de Lyon que Bobinson Crusoé vient d'être représenté
au grand théâtre de cette ville avec tout le succès sur lequel comptait la
direction. Très-bien monté, l'opéra nouveau d'Ofienbach a été applaudi
d'un bout à l'autre. A la chute du rideau on a rappelé tous les ar-
tistes qui avaient lutté de zèle et de talent dans l'interprétation de
l'ouvrage. Nous reviendrons avec plus de détails dans notre prochain
numéro sur cette belle représentation.
»■** Au théâtre Français de Bordeaux, la Leçon d'amour a parfaitement
réussi. La musique de cet opéra-comique, de M. Alphonse Varney, l'an-
cien chef d'orchestre des Bouffes-Parisiens, aujourd'hui fixé à Bordeaux,
et de son fils Edouard, a été attentivement écoutée, et le public nom-
breux a chaudement applaudi tous les morceaux. L'exécution a été satis-
faisante. — Les artistes en société du Grand-Théâtre vont reprendre
l'Africaine, et ils viennent à cet etfet d'engager Mme Massé-'Wilhem pour
chanter le rôle de Sélika.
*** Le théâtre de Saint-Etienne se prépare à jouer un drame moyen-
âge, le Gouffre d'Enfer, pour lequel M. Dard, compositeur de talent et
directeur de la Chorale Forézienne, a écrit plusieurs morceaux de musi-
que et de chant.
^*^ Ce n'est pas sans avoir eu à supporter de rudes épreuves que la
Compagnie lyrique et dramatique française, dont nous avons annoncé le
départ l'été dernier pour Buenos-Ayres, et qui se composait de Mlle Phi-
lippe, de MM. Rozier, Hoffmann, d'Hôte, Colette, Cœdès, chef d'or-
chestre, etc., a atteint le but de son voyage. La traversée a été effroyable,
elle navire qui portait ces artistes .s'est vu à deux doigts de sa perte. Pour com-
blede malheur, elle trouve au port... le choléra. D'une lettre, écrite par l'un
de ces vaillants voyageurs, il résulte que cependant personne d'entre eux
n'est malade, que chacun fait son devoir et que le succès n'est pas dou-
teux. La troupe a dû débuter par les Bavards, d'Offenbach. Après tant
de dangers affrontés, nous devions bien à ces exilés volontaires un sou-
venir et un gage de sympathie.
,j** Mme Rose Bell continue, avec son talent souple, sympathique et
spirituel , à initier les Belges au répertoire populaire d'Offenbach. Ces
jours-ci, elle a chanté Barbe-Bleue à Liège, et .';on jeu piquant, sa grâce,
son entrain et sa jolie voix lui ont complètement rallié le public liégeois,
— et ce n'est pas peu dire, — qui l'a applaudie avec enthousiasme. Les
élèves de l'Université lui ont donné une sérénade, et les journaux
de la province constatent unanimement « le tact et la spontanéité de
ces ovations. » Ce succès d'artiste et de femme est trop accentué pour que
nous ne nous empressions pas , à notre tour, de le mentionner et d'en
féliciter l'excellente artiste.
^^'^i Une correspondance de Saint-Pétersbourg nous apporte la nou-
velle d'une belle exécution du Stabat de Rossini par les élèves de l'école
des théâtres impériaux, sous la direction du maestro Ricci. Mmes Pauline
Lucca, Trebelli, Giovannoni et Volpini, Mario et Graziani chantaient les
soli de cette œuvre admirable du maître.
„;** Hier samedi a eu lieu l'avant- dernier bal masqué de l'Opéra.
Strauss conduisait l'orchestre, et comme toujours il y avait foule. — Sa-
medi prochain, dernier bal avant celui du mardi gras .
NOUVELLES DIVERSES.
*% LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice ont bien voulu honorer de
leur patronage le bal annuel de l'Association de secours mutuels des
artistes dramatiques. Cette fête aura lieu samedi 14 mars, dans la salle
du théâtre impérial de l'Opéra-Comique. La tombola se composera, cette
année, d'un seul lot qui consistera en un bijou acheté dans ime des
premières maisons de Paris, et à l'acquisition duquel l'Association con-
sacrera une somme d'au moins 3,000 francs.
^*^ La critique musicale du Paris-Magazine vient d'être confiée à
M. L. Dautresme, qui jusqu'à présent a fait preuve de savoir et de talent,
en composition musicale, du moins.
,*=s M. le comte Walewski succède au regretté Georges Kastner, comme
membre libre, à l'Académie des beaux-arts. — Avant Georges Kastner, ce
fauteuil avait été occupé par M. le comte Turpin de Crissé, qui fut un
protecteur éclairé de l'art et des artistes.
»*„; Dans une lettre que M. A. de Gasperini vient d'adresser à plu-
sieurs journaux, il se plaint amèrement de s'être vu, pendant qu'il était
malade à Nice, dépouillé par M. E. de Girardin de ses fonctions de cri-
tique musical à la Liberté, malgré promesse formelle de ce dernier de les
lui conserver. Celte lettre étant, jusqu'à présent, restée sans réponse,
il serait difficile de se prononcer sur une question aussi délicate.
5^% L'autre jour, à Livourne, un vapeur de guerre anglais et un va-
peur de guerre américain demandaient en même temps l'entrée du port.
Pendant que Ton remplissait les formalités, les deux navires étant bord à
bord, le commandant anglais fit jouer à sa musique l'air connu Bonnie
blue flag. Le capitaine américain écoute jusqu'au bout cette mélodie
DE i'AIUS
S5
anti-yankeese et ordonne ensuite à son orchestre d'attaquer l'hymne na-
tional irlandais IVraring of tbe Gretn, qui n'est pas précisément agréable
aux oreilles anglaises. Puis, les deux navires se saluent le plus cour-
toisement du monde, du pavillon et du porte-voix. La musique ouvre
une ère nouvelle aux combats et aux rapports internationaux maritimes !
^** M. Alexandre de Lavergne, réminent critique théâtral de l'Indépen-
dance belge, vient d'augmenter d'un nouvel ouvrage la collection de ceux
auxquels il doit la place élevée qu'il occupe dans la littérature contem-
poraine. 11 est pou de nos lecteurs qui ne se rappellent la Recherche de
l'inconnu, la Duchesse de Mazarin, l'Aine de la famille, i'Utde poitrine,
et ce beau volume: Ruines historiques des châteaux de France, qui atteste
de lu part de l'auteur une si parfaite connaissance des choses du grand
siècle. Le Lieutenant Robert, tel est le titre du nouveau roman de M. de
Lavergne, que l'éditeur Cadot vient de publier en deux volumes, dont
le premier a paru. — Le journal le Siècle, qui en a eu la primeur, l'a
donné en feuilletons dans les derniers mois de l'année dernière, et l'on
sait avec quel empressement ces feuilletons furent lus par les abonnés.
Réunis aujourd'hui, ils ne rencontreront pas un moindre succès parmi
ceux qui veulent dans un livre de ce genre des situations intéressantes,
des caractères vrais et bien tracés, enfin, véritable mérite de style ce si
rare aujourd'hui.
**;> On annonce le mariage de M. Emilien Pacini, membre de la
commission d'examen, avec Mme Jules Cohen, la mère du compositeur.
,*^ Mlle Julie Ponchard, fille de l'ancien organiste de Saint-Eustache
et sœur du célèbre chanteur, vient de mourir à l'âge de soixante-dix
ans. Élève distinguée de son père, elle professa le piano et l'orgue avec
succès .
**;^ Vendredi est mort subitement un artiste distingué M. Berthelemy,
hautbois à l'orchestre du théâtre de l'Opéra et à celui de la Société des
concerts du Conservatoire. 11 était en outre professeur au Conservatoire.
,15** On annonce la mort de M. Montauriol, artiste de la chapelle im-
périale, de celle de Saint-Eustache et membre de la Société des concerts
du Conservatoire.
^** M. Ch. Mevil, qui fut longtemps le secrétaire de M. Benazet pour
la partie artistique de l'établissement thermal de Bade et son ami, vient
de mourir. 11 avait occupé, en juillet 1830, le poste de secrétaire géné-
ral du ministère de l'intérieur et il était décoré.
DÉPARTEM ENTS
^*i Beauvais. — Le 4 de ce mois, la Société philharmonique a donné
son deuxième concert avec Mlle Marie Mineur, élève du Conservatoire,
le violoncelliste distingué Dunkler et Charles Pottier, chanteur comique.
Mlle Mineur a bien rempli la partie vocale qui lui était confiée, etDunkler,
dans l'exécution de ses œuvres et le Carnaval de Venise, a. obtenu, comme
toujours, un succès éclatant. M. Pottier a été également applaudi pour
ses chansonnettes. L'orchestre, dirigé par M. Félix Dubray, a fait honneur
au talent de son chef, et mérite une mention spéciale pour l'exécution
de la seconde symphonie de Beethoven et des ouvertures de la Ceneren-
tola et de Sémiramis.
ÉTRANGER
^"^ Londres. — Un incendie vient de détruire une des plus belles
salles de concert de Londres : [The Oxford Music-hall). Elle datait seule-
ment de mars -1861. Beaucoup d'artistes célèbres s'y étaient fait entendre.
On ignore la cause de ce sinistre, qui heureusement s'est produit passé
minuit, après la fermeture de la salle. Celle-ci était assurée.
^** Berlin. — Pour la première fois dans le cours de sa longue car-
rière artistique, Wacbtel a chanté la Muette, le i février. Depuis long-
temps ou n'avait vu un empressement, une fièvre semblables dans le
public; on allait assister à un début, et le débutant s'appelait Wachtel.
Le célèbre artiste a remporté un de ces triomphes signalés qu'il a- dû
renoncer à compter depuis longtemps. Il a rétabli, pour ainsi dire, la
vérité historique, si souvent altérée par les ténors de tous les pays, en
chantant, dans les tons où ils furent écrits, le duo (en ré) et l'air du
Sommeil (eu sol), qui y gagnent plus qu'on ne saurait croire. — Au
théâtre de KroU, encore un succès dû à Off'enbach : Vne Nuit blanche,
vient d'être représentée pour la première fois : elle est allée aile slelle. Il
doit rester maintenant bien peu d'œuvres du maestro que Berlin ne
connaisse pas, c'est-à-dire n'ait pas encore applaudies, car pas une n'y a
rencontré l'indifférence.
,^*:t Leipzig. — Chose bien rare, l'élément classique faisait absolument
défaut au quinzième concert du Gewandhaus. Deux œuvras seulement
figuraient au programme et toutes deux appartiennent à des compositeurs
vivants : la Fille du roi des Aulnes, ballade pour soli, chœurs et orchestre,
de W. Gade, et le Ver sacrum ou la Fondation de Rome, cantate de F.
Hiller. Ces deux compositions ont été bien reçues du public.
^*^ Munich. — Le directeur général de la musique, l'éminent compo-
siteur Franz Lachner, vient d'obtenir, pour raisons do santé, un congé
d'un an ; il a reçu en même temps la croix de commandeur de l'ordre
du mérite de Saint-Michel, qu'accompagnait une lettre flatteuse du roi.
^*;i, Vienne. — Le ti février a été donnée la première représentation de
Roméo et Juliette. Bien que les avis soient partagés dans la presse musi-
cale sur la valeur de l'œuvre, l'attitude du public lui a été constamment
favorable. On a beaucoup applaudi l'air de la reine Mab, la valse de
Juliette au premier acte et le cinquième acte tout entier. Gounod diri-
geait l'orchestre; on lui a fait une ovation après chaque acte. Walter
(Roméo) a été très-remarquable; Mlle de Murska a moins bien rendu le
rôle de Juliette, qui est d'ailleurs trop sentimental pour la nature de
son talent. Quoique monté en très-peu de tonips, la mise en scène est
splendide, grâce à l'activité et à l'expérience du directeur Dingclstedt,
qui a vonlu faire un coup de maître pour son début et qui y a réussi.
— Sur la demande de l'ex-roi de Hanovre, et à l'occasion de la Noce
d'Argent ou du 25" anniversaire de .son mariage, le théâtre An der
Wien a donné, le 19 et le 20 janvier, Barbe-bleue et la Grande-Ducliesse; on
avait fait réserver toutes les premières loges, tout le parterre et toutes
les stalles de balcon. — Au Cartheater, on répète la l'ermission de dix
heures .
^*^ Prague. — Deux opéras, dont les sujets sont empruntés à l'his-
toire de la Bohême, viennent d'être représentés avec succès au théâtre
National : Leijla, de Cari Bendl, et Halka, de Moniuszko.
»*.f Rome. — La Favorite est devenue Dàila, de par la censure ponti-
ficale; elle n'en a pas moins obtenu un très- grand succès au théâtre
Apollo. La prima donna Dory y a été très-applaudie.
^''îif Florence. — Mlle Rosa Csillag est en ce moment l'objet d'ovations
enthousiastes à la Pergola. Elle a chanté trois fois la Favorite , et à cha-
que représentation elle a vu son succès grandir. Le baryton Cresci s'est
véritablement distingué à côté d'elle.
^*^ Milan. — La Scala continue à faire le désespoir des amis de l'art.
Don Giovanni vient d'y être massacré d'une façon honteuse.
^** Netv-York. — Le théâtre Pike a fait son ouverture avec II Tro-
vatore; Mme De Lagrange est rentrée, après plusieurs années d'absence,
d'une manière brillante. On attend le début de Brignoli.
j,*^ Constanlinople. — Le théâtre Italien a donné Marta au bénéfice
de la prima donna Mme Friderici, qui a fait preuve, dans le rôle prin-
cipal, des plus sérieuses qualités.
^*^ Batavia. — Notre troupe d'opéra possède une excellente basse,
M. de Greef, au bénéfice duquel a été représentée l'Etoile du Nord.
L'œuvre et son interprète ont été unanimement acclamés.
CONCERTS ET AUDITIONS MSICÂLES ANNONCÉS.
Salon Kriegelstein, aujourd'hui dimanche à 2 heures: matinée de musi-
que de chambre de H. Bonewitz, avec MM. Telesinski, Norblin et
Mlle Gasloldi.
Salons Pleyel-Wolff, mardi 18 février: troisième séance de musique de
chambre de Lamoureux, Colblain, Adam et Poencet.
Salons Pleyel-Wolff, mercredi 19 février: première soirée de musique
de chambre donnée par MM. Maurin , Colblain , Mas et Ernest De-
munck, avec le concours de M. C. Saint-Saëns.
Salle Herz, vendredi 21 février: concert de Mlle Amélie Staps avec le
concours de Mlle Lavini et de MM. Raoult, White, Demunck, Trom-
betta, Comtat et Maton.
Salons Erard, samedi 22 février; concert de MM. Louis Lapret et Ra-
mirez Valdès, avec le concours de Mlle Roulle et de MM. Teysson,
Poencet et Bloch .
Salle Herz, dimanche 23 février: matinée musicale de Mlle Rachel Van
Lier.
Salons Erard, lundi 24 février: concert de Mlle Constance Skiwa, avec
le concours de MM. Birkinger, Ries et E. Norblin.
Salle Herz, jeudi 27 février : grand concert à orchestre de M. Fr. Guz-
man, pianiste chilien, avec le concoiu-s de Mme Guzman, Mme Mon-
belli et M. Lutz, du théâtre Lyrique.
Le Directeur : S. DUFOUH.
Quatre morceaux nouveaux pour le Piano
Chez Gérard et C% 12, boul. des Capucines (maison du Grand-Hôtel).
1. — iSouirenlr de l'ango et l'enfant, dédié à Mme la ba-
ronne de Bosmelet (née de Virieu).
2. — Cialop, à M. Francis Sandford.
3. — Allegretto scUerzando, à Mme Levasseur (née Wolowski),
Chez Gamuogi frères, 112, rue de Richelieu (maison Frascati).
4. — Andante cantublle, à M. de Cuttoli.
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Vinsct-qiintre l'ornllKeM pour contralto, baryton nu basse, 25 f.
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N° 2. Le Cortège de Noce,
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N° 3. Plaintes du Roi des Mers,
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N° Z(. Le Chant du Rossignol,
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BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
35' Année.
N' 8.
23 Fémr 1868.
ON S'ABONNE :
Dons les Départements et à l'Étranger,
tous les Marchands de Musique, Us Libraires,
aux bureaux der Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris '-^ r p.ii
Départements, Belgique et Suisse... '.91 "
Étranger 34 >i î
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique: le Premier Jour de
bonheur, opéra - comique en trois actes, paroles de MM. dEiineryet Cormoo,
musique de M. Auber, par Paul Bernard. — Concerts populaires de mu-
sique classique au cirque Napoléon, par Armand Conzien. — Concerts et
auditions musicales de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nou-
velli's diverses. — Concerts et auditions musicales annoncés. — Annonces.
TH£âTB£ mPÉRIÂL DE L'OPERÂ-COMIOnE.
LE PREMIER JOUR DE B01WHEC7R,
Opéra-comique en trois actes, paroles de MM. d'Ennery et
CoRMON, musique de M. D.-F.-E. Auber.
{Première représentation le 15 février 1868.)
Samedi IS de ce mois, il nous était donné d'assister à un évé-
nement qui fera époque dans les annales de l'art musical! A
quatre-vingt-sept ans un compositeur qui compte ses triomphes
par le nombre de ses pièces , qui se rit des années et les porte
avec une liberté d'allures souvent inconnue à l'âge mûr, enfante
une œuvre riche de tous les dons d'un esprit actif et sain , ferme
et inspiré, une œuvre virile, charmante sous toutes ses faces, fraî-
che comme un printemps, vivace comme un liseron.
Parmi les compositeurs, Mozart se présente en première ligne
comme un enfant prodige ; en sens inverse on pourra crier au
prodige en la personne de notre curieux, inimitable et extraordi-
naire maestro Auber.
D'où sort ce flot de mélodie, cette richesse d'harmonies fines et
distinguées, cette grâce exquise, ce tour délicat? A quoi tient cette
sûreté de touche, ce tact merveilleux, cette connaissance des voix
et de l'orchestre? Où est la source inépuisable que ce maître des
maîtres connaît si bien? Qu'il le dise au moins â ceux de nos com-
positeurs qui, vieux avant l'âge, nous parlent prématurément le
langage ennuyeux dans un art qui demande avant tout à plaire et
à captiver.
Quelle bonne réponse aussi à ceux de MM. les critiques qui, se
prenant trop au sérieux, prétendent que le genre de l'opéra-
comique est mort et enterré. Et pourquoi cela, s'il vous plaît?
Est-ce donc un genre si faux que celui qui nous a donné tant de
vrais et délicieux chefs-d'œuvre? Voudriez-vous donc d'un traif
de plume biffer la Dame blanche, le Prévaux-Clercs, le Dom.ino noir,
l'Éclair? Laissez M. Auber nous donner le plus longtemps possible
de mélodieuses partitions comme "elle qu'il vient de terminer;
laissez ceux qui pourront l'imiter essayer leurs forces dans un
genre éminemment français et qui n'a pas dit son dernier mot,
croyez-le bien.
Pour ma part, je suis sorti enchanté de la première représenta-
tion de la nouvelle pièce de M. Auber.
J'étais heureux de voir une si belle vieillesse fêtée par le public
si spontanément et si brillamment. J'étais charmé de constater une
œuvre réactive dans le courant musical qui nous emporte ou
trop haut ou trop bas. J'étais fier de me sentir les mains chaudes
encore des applaudissements que je venais de prodiguer à cette
œuvre essentiellement mélodique, fine et distinguée.
L'accueil fait à la partition de M. Auber a été général. Cependant
les opinions, se concentrant toutes vers la louange, divergeaient un
peu dans les détails. Chacun tirait de son côté, naturellement. —
C'est du pur Auber, disait tout le monde; — avec les tendances mo-
dernes, ajoutait celui-ci; — retournant en arrière, reprenait celui-
15. Notre opinion personnelle consiste à dire que c'est de l'Auber
du bon temps, moins ambitieux que Manon Lescaut, plus corsé quels
Maçon, une œuvre côtoyant la Sirène, la Part du Diable et les Dia-
mants de ta couronne. C'est bien la clarté de facture de cette
époque du maître, la finesse dans les détails, la coquetterie dans
la phrase, l'art de faire chanter la voix de ténor comme personne,
l'esprit dans l'orchestre depuis la contre-basse jusqu'à la petite
flûte; les accompagnements pétillants de détails ou charmeurs par
l'accouplement des timbres. Ah! c'est bien là du pur Auber, et
les jeunes compositeurs ont pu prendre l'autre soir une excellente
leçon, en suivant pas à pas les délicats contours de cette musique
à la fois simple et savante, où la science est cachée sous la grâce
et dans laquelle les surprises, toujours agréables, ne prennent pas
pour caresser l'oreille les allures de l'épingle ou du fer rouge.
On sort de l'audition d'une œuvre semblable reposé et non cour-
baturé; les nerfs sont calmes, la digestion est faite; rentrez chez
vous, la nuit sera bonne.
S8
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Il faut pourtant parler du scénario de MM. Germon et d'Ennery.
En parler, c'est en faire la louange. Ces messieurs ont emprunté
leur sujet à une comédie représentée avec succès à l'Odéon en
1816, le Chevalier de Canolle, par Souques. Je ne vous nommerai
pas les trois ou quatre essais transportés sur plusieurs théâtres, et
inspirés par cette pièce primitive, pour arriver de suite à vous
raconter rapidement la donnée du nouvel opéra-comique. Nous
sommes devant Pi nlichéry, que les Anglais et les Français se
disputent. Un jeune officier, Gaston de Maillepré, commande le
camp français, sur lequel la toile se lève, et commence par déli-
vrer de la brutalité des soldats les prêtresses d'une pagode voisine
que ceux-ci viennent de capturer. Ce jeune officier semble né sous
une singulière étoile; le bonheur et le malheur se disputent sa
vie, mais le malheur surtout vient toujours poser sa griffe sur
l'événement heureux. Fait-il un héritage, cela lui suscite vint
procès et lo brouille avec un parent qu'il aimait ; est-il nommé
colonel, un de ses amis, blessé de la préférence, le provocjue en
duel; rencoutre-t-illa femme qu'il aime et qu'il cherche vainement
depuis deux ans, c'est pour la retrouver (lancée à un autre. Bret,
le pauvre garçon, ballotté par ce combat des événements, en arrive
à considérer comme impossible de rencontrer jamais son premier
jour de bonheur parfait.
Celle qu'il aime est une de ces veuves qu'on ne trouve (pi'au
théâtre, ayant été mariée trois heures et quart à un homme qu'elle
n'aimait pas. Elle est, de plus, nièce du gouverneur anglais de
Madras. C'est pendant une trêve qu'elle est venue avec son fiancé,
naturaliste enragé mais amoureu.\. transi, se promener vers le
camp français. La trêve expire sur ces entrefaites, et les deux im-
prudents promeneurs sont fait prisonniers. On renvoie la jeune
femme, et l'on garde le pauvre naturaliste qui pour comble de
malheur est surpris desshiant par désœuvrement les fortilications
du camp; considéré comme espion, le voilà condamné à mort. De
son côté, Gaston de Maillepré, dans une rencontre, est pris par
les Anglais, et nous le retrouvons au second acte au milieu d'une
fête donnée par le gouverneur. Prisonnier sur parole il participe
à la fête et fait sa cour à l'indifférente Hélène. Cependant les évé-
nements vont prendre un autre cours. On apprend chez les An-
glais la condamnation à mort du pauvre sir John. Les représailles
sont toutes tracées et le jeune colonel devra payer de sa vie le
supplice du prisonnier anglais. Lui seul ignore la fatale sentence et
chacun, pris d'intérêt pour une si grande infortune, lui témoigne
des sentiments quirétonnentetrenchantent. Hélène, elle-même, sent
son cœur s'ouvrir à l'amour et se laisse deviner. Gaston se croit
au comble du bonheur, mais le destin est implacable et la jeune
Indienne qu'il a protégée au premier acte, voulant le sauver à son
tour, lui apprend le sort qui lui est réservé. Prisonnier sur parole,
l'honneur le force à rester : soldat, il saura mourir. Le dernier
acte ramène sir John qui, sur parole aussi, vient offrir l'échange
des prisonniers s'il arrive à temps pour sauver le jeune colonel,
mais dans un troisième acte d'opéra-comique les affaires ne se
débrouillent pas si facilement. Sir John vivant, Hélène sa fiancée
est perdue pour le pauvre Gaston qui préfère mourir et force ainsi
le piteux naturaliste à retourner se faire fusiller. Fort heureuse-
ment les choses s'arrangent de plus haut. Pondichéry se rend,
sir John capitule, les prisonniers sont libres et le premier jour de
bonheur brille enfin sans mélange pour le jeune officier de for-
tune, qui finalement n'est pas trop à plaindre puisqu'au premier
acte il gagne un héritage, au second le grade de colonel et au
troisième la femme qu'il aimait sans espoir. Avouez qu'à ce pris
on accepterait volontiers quelques vicissitudes, telles désagréables
qu'elles pussent être.
La pièce, intéressante d'un bout à l'autre, garde les allures de
l'ancien opéra-comique. C'est un canevas à la Scribe, auquel il
manque peut-être les broderies que ce riche dessinateur savait
semer partout. Le dialogue est un peu languissant, le trait
manque parfois; mais les situations sont attachantes et très-
favorables au développement musical. Il faut donc louer les au-
teurs de leur tentative et les remercier de nous avoir donné une
simple comédie lyrique.
Entre les mains de M. Auber, cette simple comédie lyrique est
devenue un délicieux écrin. La sève mélodique y coule dans un
harmonieux printemps. Il semble que le vieux maître, qui n'a com-
mencé sa carrière de compositeur que fort tard, — ((uarante ans —
retrouve une à une toutes les inspirations de la vingtième année.
C'est peut-être le dernier baiser do la muse créatrice, mais quelle
suprême caresse elle a su donner à son fidèle et fervent adora-
teur ! 11 est beau de voir les grandes intelligences se renouveler
dans l'art comme dans un sanctuaire, et défier les atteintes du
temps sous la sauvegarde du travail et du génie. Ce spectacle est
assez rare pour qu'on l'acclame quand il se présente, et c'est ce
qui a eu lieu dans la soirée mémorable du IS février dernier.
L'ouvertuie, qui n'est pas très-développée, présente cependant
trois mouvements bien tranchés : un trois temps militaire, un dé-
licieux andaule i(ui plus tard deviendra le bijou de la partition,
la ballade des Djinns, et un allegro des plus coquets. L'instrumen-
tation en est d'un bout à l'autre liue, alerte, intéressante, et le
public a vu de suite qu'il retrouvait l'auteur de ses prédilections
passées. La toile se lève sur un chœur de soldats nonchalamment
enivrés par les brises asiatiques. On sent toutefois percer l'allure
guerrière sous ces délices de Capoue, et le compositeur a rendu
avec un grand bonheur la double teinte de cette curieuse opposi-
tion. Cette jolie introduction est coupée par les couplets de la jeune
Indienne, dans lesiiuels elle célèbre les qualités du dieu Indra,
tout à la fois son idole et son époux. Une couleur religieuse et
passionnée préside à ce morceau. Le mysticisme des cloîtres greffé
sur la voluptueuse indolence des pays chauds, voilà ce que le
musicien a jeté dans le môme moule, d'où il est sorti une mélodie
étrange et délicieuse, inflexible comme un article de foi, caressante
comme un baiser. Un madrigal charmant chanté par le jeune offi-
cier suit cette remarquable inspiration, et le chœur des soldats
recommence pour terminer cette introduction traitée de main de
maître.
Maintenant va commencer la série des jolies choses semées à
profusion dans le rôle du ténor. Il semble que Capoul, l'heureux
privilégié de cette heureuse partition, ne puisse ouvrir la bouche
sans laisser tomber une perle. Sa première romance est un trésor
de grâce et de sentiment. Sur ces paroles :
Attendons, attendons' encore
' Notre premier jour de bonheur...
la salle n'a pas attendu, elle, poui- bisser par acclamation cette
chaleureuse phrase musicale.
Le premier acte comporte encore des couplets très-coquettement
détaillés par Mme Cabel (Hélène), mais d'un ordre plus inférieur;
puis un duo charmant entre Capoul et Mme Cabel, et enfin un
finale très-mouvementé, rempli de motifs gracieusement accouplés
et joyeusement teintés.
Le second acte, qui est sans contredit le plus riche de la parti-
tion, se trouve précédé d'un petit morceau symphonique d'une
exquise délicatesse. Le hautbois y soupire une phrase adorable,
discrètement accompagnée par de piquants contre-temps. J'aime
beaucoup l'air que chante Mme Cabel : Vn époux, chez vous. Cet
air qu'elle adresse à Djelma, la jeune Indienne, établit la différence
DE PA'tlS.
59
entre un époux de bois et un mari véritable. Le motif mineur,
essentiellement rlistingué, s'y prêle admirablement à bien détailler
les paroles. Mme Cabel le dit à ravir.
Un chœur charmant ouvre la fête qui se donne chez le gouver-
neur de Madras. C'est frais et pimpant ; il est facile de reconnaître
la touche qui a présidé aux ravissants chœurs de la Muette et
d'Uayrlée. Ce joyeux ensemble sert de prélude à la déjà célèbre
ballade des Djinns. Quel succès! La salle entière est restée comme
électrisée devant cette musique pénétrante, devant cette mise en
scène orientale, devant la beauté de Mlle Marie Roze, idéalisée
encore parson costume de houri. Quel prestidigitateur que ce M. Au-
berl Lui, le Parisien pur sang, il a trouvé moyen d'arrêter au
passage une mélodie retour de l'fnde. C'est naïvement voluptueux;
cela sent l'ambre, le bois de santal et les roses; on est fasciné,
ensorcelé, magnétisé; on crie bis, on crierait ter si l'on osait, et
l'on garde devant les yeux, dans le cœur et dans les oreilles le sou-
venir de cette ivresse d'un instant arrachée au paradis de Ma-
homet .
Que si vous me demandiez par quels moyens le compositeur a
pu créer ce prodige, je vous dirais que c'est par une phrase mu-
sicale très-simple, sobrement accompagnée par une note de cor,
persistante comme la goutte d'eau qui tombe ; que le morceau est
en si bémol, tonalité assez ordinairement insignifiante, et que, pour
le chanter, iVfHe Roze a trouvé la corde essentiellement sympathique.
La chanson qui vient après, forme une opposition peut-être
trop tranchée. Nous tombons du septième ciel sur la terre; heu-
reusement que c'est en la compagnie de Mme Cabel et que cela
atténue la secousse. L'espèce de gigue qui termine ce train express
vocal est enlevée par Mme Cabel avec une maestria peu commune,
et le succès qui avait paru s'arrêter à la station précédente revient
à toute vapeur pour ne plus s'en aller.
Il se fixe d'abord sur un ravissant trio d'hommes dans lequel
nous citerons la phrase de ténor sur ces mots :
Quel espoir, quel rêve enchanteur!
Il se fixe ensuite sur un délicieux duo entre Gapoul et Mme Ca-
bel, et surtout sur cet élan chaleureux du ténor ( encore le
ténor) :
J'aime, j'aime la vie
Pour la première fois.
Il se fixe enfin sur la valse chantée dans le finale par le ténor
(toujours le ténor), et caresse en passant une phrase à parte dite
en duo par les deux femmes. Le jeune officier apprend qu'il va
mourir ; mais il est aimé et dans l'ivresse de ce premier bonheur
il quittera la vie en homme de cœur et en joyeux compagnon.
Cette valse chantée est pleine de crânerie, c'est comme un défi jeté
au sort.
Le troisième acte nous apporte encore de charmantes jouissances.
Voici d'abord un nocturne à deux voix, délicieux crépuscule mu-
sical adorablement soupiré par Mme Cabel et Mlle Marie Roze.
Voici des stances d'un sentiment exquis et qui semblent du Mozart
rajeuni. Les paroles, du reste, en sont fort jolies.
Ce nom, un jour peut-être.
Lorsque mon cœur brisé cessera de souffrir,
A mon dernier ami je le ferai connaître
Dans "mon dernier soupir.
J'aime moins un air syllabique alloué comme de raison à Sainte-
Foy et que celui-ci chante très-comiquement. Enfin le finale nous
offre un chœur avec accompagnement de clochettes bien réussi, et
une cantilène de Mme Cabel, dans un très-pur sentiment, qui vient
clore avec éclat cette riche partition de son auteur déjà si riche.
La part des interprètes est très-belle ; tous ont concouru au suc-
cès. La justice ici nous oblige à mettre Capoul en tête. Il s'est
montré d'un bout à l'autre chanteur élégant et chaleureux, acteur
plein de feu et de jeunesse, artiste de goût et de bormcs traditions.
De son gosier s'échappent véritablement des effluves sympathiques;
il possède des demi-teintes charmantes et des élans irrésistihh^s.
Mme Cabel est toujours la fauvette métamorpliosée en femme que
vous savez; c'est un peu froid, mais c'est étourdissant d'audace et
de réussite. Mlle Marie Roze était faite pour le rôle de l'Indienne.
Djelma. Elle y a trouvé un succès de poésie et de beauté qui fera
époque. Du reste, elle est en voie de progrès comme chant; on ne
smrait mieux dire la caressante ballade des Djinns, et le public le
lui a prouvé avec insistance. Sainte-Foy est amusant comme tou-
jours, mais .son rôle est un peu sacrifié. Prilleux, Rernard, Mel-
ciiissédec, remplissent avec zèle leur trio de second plan. H n'y a
que des couronnes à décerner. Venez mesdames, venez messieurs;
choisissez et prenez.
*
* *
Mais la couronne d'or rehaussée de diamants, le signe distinctif
de la gloire et du mérite, c'est à ce jeune vieillard, c'est à ce
vaillant producteur, c'est à Auber enfin qu'elle appartient de droit.
Les exemples de longévité artistique aussi prolongée sont assez
rares pour qu'on les salue avec vénération, avec enthousiasme.
Cependant ces considérations ne devraient pas entrer dans la ba-
lance si l'œuvre produite était inférieure et se ressentait du poids
des ans. L'art passe avant la créature. Mais si au contraire cette
œuvre est pleine de vie, de talent et de génie, si elle est plus
fraîche que le printemps, plus riche que l'été, plus expérimentée
que l'automne, si l'hiver seul y fait défaut, oh! alors on peut
s'extasier sur une telle exception et jeter une double dose d'ad-
miration dans la coupe du succès, ainsi que l'a fait l'auditoire de
la première soirée, ainsi que le feront tous ceux qui entendront
la nouvelle partition de l'illustre maître, à telle école qu'ils ap-
partiennent, de tel pays qu'ils soient.
Paul BERNARD.
CONCERTS POPULAIRES DE MUSIQUE CLASSIQUE
AU CIRQUE NAPOLÉON
Mme Neruda-Norman, dont le début aux concerts populaires
vient d'avoir un certain retentissement, est née en Moravie j c'est au
Conservatoire de Vienne qu'elle développa un talent qu'une pré-
coce vocation faisait pressentir, car dès l'âge de sept ans elle
donnait son premier concert. Son professeur fut Janza, aujourd'hui
fixé en Angleterre. La Hollande lui donna le baptême de la célé-
brité et la Russie l'accueillit comme elle sait accueillir les artistes
de talent. Puis elle se rendit à Stockholm et s'y fixa après avoir
épousé M. Neruda, maître de chapelle. Cette artiste distinguée est
aujourd'hui professeur au Conservatoire de Stockholm. Il y avait
quelque péril, malgré tout son talent, à affronter ce public avec les
mêmes armes dont Joachim s'était servi pour le vaincre à sa pre-
mière bataille. Bravement Mme Neruda-Norman a subi l'épreuve!
Nous ne suivrons pas l'exemple de quelques confrères qui se
croient forcés de faire des rapprochements et qui bâtissent un
piédestal à l'artiste d'aujourd'hui avec les débris de l'artiste d'hier,
trop vite oublié; Mme Neruda -Norman est une violoniste de trop
belle race pour aimer à voir ainsi traiter des ancêtres qu'elle doit
vénérer. On sait fort bien qu'il est des qualités de puissance
qu'une femme ne saurait avoir au même degré, et il est mala-
droit, selon nous , de faire de ces rapprochements dont nous par-
lons.
60
REVUK ET GAZETTE JILSICAEE
Mme Neruda a un jeu d'une irréprochable justesse et d'une
grande tMégance; le style en est pur et exempt de ces ornementations
plus au moins fantaisistes qui gâtent plus d'un beau talent. Les
phrases tendres de l'andanle sont de celles qui, sous ses doigts,
prennent un charme pénétrant, presque virginal. Les finesses du
finale sont détaillées d'un archet habile, ramenant ce motif ù la dé-
sinvolture vive avec une grâce toute féminine. Enfin, un je ne
sais quoi de sérieux et de chaste en même temps, dans la ma-
nière de phraser, donne au talent remarqualile de cette artiste
une originalité toute personnelle. Le succès qu'elle a obtenu au
premier concert a décidé M. Pasdeloup à la l'aire entendre de
nouveau aujourd'hui. Nous souhaitons que le concerto de Vieux-
temps lui soit aussi favorable que celui de Mendelssohn, qui a fait
ressortir ses exquises qualités et lui a conquis du premier coup la
sympathie du public et les éloges de la critique.
Armand GOUZIEN.
CONCERTS ET ÂUDITIOSS SUSICÂLES DE LÀ SERÂINE.
^% Au septième concert du Con.servatoirj, dim;uiche dernier, pro-
gramme emprunté au répertoire ordinaire, sauf le cliceur des Pèlerins
du Tannhœuscr. On a honoré d'un bis ce dramatique morceau, dont
l'ouverture tout entière n'est qu'un développement. La pensée en est
saisissante et originale, les harmonio'i y sont hardies et neuves, mais
l'effet nous paraît résider bien plus encore dans le luxe des sonorités
auquel Wagner a si souvent recours, immédiatement après venait, à
dessein peut-être (car les idées avancées ont maintenant des champions
dans le comité de la Société), un air de danse A'Iphiyénic en Aiilide, l'une
des pages les plus incolores échappées à la plume de Gluclt, et qui a été
écoutée avec la plus complète indifférence. — Un autre bis a été adressé
à Yallcgretto scherzando de la symphonie en fa de Beetho\eM ; le motet
de Bach, Qui propicr me, et la symphonie militaire de Haydn, ont été
rendus par l'orchestre et les chœurs avec leur .«oin et leur talent ordi-
naires.
^^^ Un public nombreux et choisi se pressait mardi dernier dans l'élé-
gante salle de concert de l'institution impériale des Jeunes- Aveugles.
Une brillante soirée musicale y était organisée au profit des éiôves sor-
tis de l'institution. Outre l'orchestre, dirigé avec talent par M. Roussel,
professeur aveugle, nous avons applaudi la jeune et charmante violoniste
Mlle Tayau, qui mérite tous les encouragements; Mlle iNelly Tavernicr,
une pianiste de la bonne école, et pour la partie vocale, Mme Léonard
etM.Delle-Sedie,deux éminents artistes qui ont conservé intactes les grandes
traditions de l'art du chant; deux chœurs de MM. Roussel et Y. Paul,
professeurs à l'institution, YAubespin et un Sanctus, ont également reçu
le meilleur accueil.
^*^ Dimanche dernier, le cirque de l'Impératrice regorgeait d'auditeurs
attirés par le festival annuel des Sociétés chorales, composant l'Association
parisienne et séquanaise dirigée par M. Delafontaine. L'admission des
billets de faveur a fait beaucoup de m contents qui n'ont pu être placés,
les grilles ayant été fermées bien avant l'heure indiquée. Le programme
de cette plantureuse séance ne comprenait pas moins de dix-neuf mor-
ceaux : le chœur des chasseurs à'Euri/aiithe entre autres, celui du Voyage
en Chine, de Bazin, l'Enclume à' kdam, VHijmne à la nuit, de Rameau, etc.
Ces chœurs, qui ne sont pas des chœurs d'ensemble à proprement
parler, font depuis longtemps partie du répertoire plus que courant des
orphéonistes parisiens; l'étude de morceaux nouveaux ne serait donc pas
inopportune dans l'Association, si cet effort devait avoir pour consé-
quences une articulation mieux accentuée et une prononciation plus
correcte. Le remarquable orchestre de la garde de Paris a magnifique-
ment exécuté, sous la direction de M. Paulus, l'ouverture d'Oberon, la
marche de Lohengrin, le Cornauai rfe T>nM:e, fantaisie de Ch. Colin, etc.,
tour à tour salués par de véritables tonnerres d'applaudissements et des
clameurs entiiousiastes. Le violoncelliste Lasserre, le pianiste Kowalski,
Géraldy et Mlle Brunetti ont eu leur large part de ces ovations d'un public
facilement impressionnable et naturellement porté à une aimable indul-
gence .
^*t Trois artistes qui ont déjà commencé à faire parler d'eux, M. Fré-
déric Guzman et sa femme, pianistes, et le frère de M. Guzman, violo-
niste, tous trois du Chili, sont à Paris depuis quelques mois. Ils se sont
jusqu'à présent peu prodigués, et c'est dans les soirées hebdomadaires
données chez eux et auquelles ils ont convié des artistes et des ama-
teurs compétents qu'il a été donné d'apprécier leur talent. Nous avons
également eu la chance de les entendre mercredi dans une réunion
particulière presque eniièremeut composée d'artistes, et nous devons dire
que M. et Mme Guzman y ont produit beaucoup d'effet non-.seuIemenl
par le grand style avec lequel ils interprètent la hiu.--ique classique,
mais par l'originalité cl la cuuLur étrange de composition-; fantaisistes
exécutées par eux avec non moins d'oiiginalilé que de talent. — Au
reste, le monde musical ne tardera pas à être mis à même de les juger,
car ils donnent jeudi 27 de ce mois, à la salle Herz, un beau concert à
orchestre dont on trouvera le progiuninio plus loin, et il n'est pas diffi-
cile de prévoir qu'il attirera un nombreux auditoire.
*** L'excellent pianiste D. Miignus donnait samedi dernier, à la salle
Pleyel, une audition de ses meilleures et plus récentes compositions.
Nous y avons distingué une jolie Berceuse orientale, une Villanelle, un
Caprice-mazurka et surtout une brillante Tzigane-marebe po r deux
pianos, que l'auteur et M. Kriiger ont exécutée avec un très-grand
succès. lia vogue attend certainement ce charmant morceau, tout em-
preint de couleur locale et vraiment original par le rliythme et les har-
monies. — Magnus annonce son Cdnccrt annuel pour le 14 mars à la
.salle Pleyel. En attendant, il est p;irli pour Gand, oii il a du donner hier
soir, 22 février, un brillant concert.
*** Le dernier mardi de Paul Bernard était fort brillnnl. Henri Herz,
Léonard et sa femme et beaucoup d'autres noictbilités artistiques y étaient
venus applaudir les élèves de l'excellent professeur; élèves qui, ainsi que
nous le disions dernièrement, pourraient, à bon droit, prétendre au
diplôme d'arliste.s, à en juger pir la perfection avec laquelle elles ont
exécuté nombre de morceaux des plus difficiles. Il est vrai que la présence
de leur rnaîlre, i[ui dans ces soirées paie toujours largement de ^a per-
•sonne el de son tdent et celle de personnes compétentes à les apprécier,
n'excitaient pas peu le zèle et l'émulation de ces jeunes personnes. Léo-
nard et sa femme n'ont pas, de leur côté, contribué pour peu aux plai-
sirs de la réunion, l'un en jouant avec Paul Bernard la délicieuse .'-onate
de Beethoven dédire à l'empereur de Russie, l'autre en disant unecavatine
italienne, des chansons espagnoles et l,i sérénade de Gonnod, admirable-
ment accompagnée par son mari el par le maître de la maison.
**,^ A la dernière réunion musicale du docteur MandI, un jeune chan-
teur très-intére.ssant s'est révélé d'une façon qui lui promet de grands
succès comme chanteur de chansonnettes. C'est le plus jeune fils d'un
ténor bien connu, M. Audrm ; il esl d'un physique agréable, il a une
jolie voix et il est bon musicien ; de plus, il a la mimique voulue pour ce
genre, et tous les salons ne tarderont pas à se le disputer. Mercredi, il
s'est fait entendre de nouveau dans une .soirée tout arlislique chez l'un
de nos principaux éditeurs de musique, et il y a recueilli les plus .sym-
pathiques bravos.
*** Nous avons jusqu'à présent on>is de mentionner l'arrivée à Paris
d'un flùtiïte belge, qui jouit d'un grand renom à l'étranger, M. Aug.
Charles. — Du reste, en l'entendant la semaine dernière à la salle Herz,
on a jugé de suite qu'on avait affaire à un artiste d'élite et comme on
n'en entend pas souvent, et l'on a été émerveillé de l'aisance avec la-
quelle il triomphe des difficultés les plus ardues. — Une composition de
Reichert lui a valu un triomphe mérité. Le point d'orgue qui termine
l'andanle de ce morceau, et qui renferme des gammes en échos, a été
couvert d'applaudissements. Un style élevé, une pureté extraordinaire,
beaucoup de sentiment, telles sont les qualités qui, jointes à une exécu-
tion mécanique entièrement nouvelle, reconmiandent cet artiste à l'atten-
tion du public parisien.
»*» Voici le programme du concert qui sera donné aujourd'hui di-
manche, à 2 heures précises, par la Société des concerts, dans la salle
du Conservatoire impérial de musique : 1° symphonie militaire (48") de
Haydn; — 2° chœur des Pèlerins du Tannhœuser de Wagner; - 3° air de
dans-e d'Iphiçiénie en Aulide de Gluck ; — i° motet (double chœur sans
accompagnement) de S. Bach; — o" symphonie en fa {8«) de Beethoven.
— Le concert sera dirigé par M. George Hainl.
^*t Aujourd'hui, à 2 heures, au Cirque Napoléon, dix-.septième concert
populaire de musique classique, sous la direction de J. Pasdeloup. En
voici le programme: 1» Symphonie en ré majeur, de Beethoven (allegro,
larghetto, scherzo, finale) ; — 2o adagio d'un quatuor de Mozart, exécuté
par tous les instruments à cordes; — 3° symphonie en sol majeur (29),
de Haydn (allegro, largo, menuet, finale) ; — i" concerto en mi ma-
jeur, pour violon, de Vieuxtemps (andante, rondo), exécuté par Mme Nor-
man-Neruda ; — o° ouverture du Tannhauser, de R. Wagner.
,*,(; La Compagnie Patii-Uhnann est en ce moment à Marseille. Un
magnifique et fructueux concert a été donné au théâtre . Tous les mem-
bres de la caravane artistique, la Palti, Vieuxtemps, Ed. Wolff,Séligmann,
Godefroid, Berthelier, ont recueilli des bravos sans fin. Ed. Wolff, no-
tamment, s'est fait beaucoup applaudir avec son boléro sur r Africaine,
qu'on veut toujours entendre deux fois, et il a produit un très-grand
effet dans le duo qu'il a composé avec Vieuxtemps sur Oberon; celui de
Don Juan n'est pas moins goûté. Quant à Séhgrnann, il est toujours
aussi fêté; « le 16, à Avignon, dît la Gazette des Étrangers, lorsqu'il eut
achevé de jouer son morceau sur Martha, la salle entière se leva pour
demander l'Éloge des larmes de Schubert, qu'on se souvenait de lui
avoir entendu jouer il y a quelques années. Trois rappels enthousiastes
suivirent l'exécution du morceau. » — Le prochain concert aura lieu à
Nice.
DE PARIS.
61
.^*, La Société philharmonique d'Amiens, dirigée par M. Deiieux, or-
ganise au profit des pauvres un grand concert, qui aura lieu le 29 fé-
vrier, et dans lequel le Désert de Félicien David sera exécuté sdus la
direction de l'auteur. M. Ad. Sax a égalemeni promis le concours de sa
fanfare, qu'il conduira en personne.
**i).. On vient d'inaugurer, à Uoulogne-sur-Mer, le Cercle Beethoven, des-
tiné à la musique cl.is^ique. Au premier concert, un chanteur de talent,
M. Reicliardf, a été longuement et justement applaudi dans plusieurs
lieJer de Beethoven, Mcndelssohn et Schubert.
^*^ Un grand concours d'orphéons, de musiques d'harmonie et de
fanfares, sera ouvert, le 7 juin prochain, à Chartres, par la Sociolé cho-
rale et la P'anfare de cette ville, sous les auspices de l'administration
municipale.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^*» Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Trouvère et la
Source. — Mercnidi, Guillaume Tell, et vendredi l'Africaine. — Aujour-
d'hui dimanche, représentation extraordinaire de Robert le Diable.
^*^ Les répétitions d'Hamlet, à l'orchestre, se poursuivent depuis le 13
et la premiète représentation reste fixée à la fin de ce mois. Voici au
complet la liste des artistes qui interpréteront l'opéra de M. Amhroise
Thomas : MM. Faure, Hamlet; Belval, Claudius; Fréret, Polonius; Morère,
Laërte; Castelmary, Horatio; Grisy, Marcellus ; Gaspard, !«■■ Fossoyeur;
Mermant, 2" Fossoyeur; David, l'Ombre du feu roi; Mmes Gueymard,
Gerlrude; Nilsson, Ophéhe.
=it*» A l'occasion de la SOO" représentation de Guillaume Tell, Ro-sini
a envoyé son portrait photographié, à la date du 13 février, à M. E. Per-
rin et à tout le personnel de l'Opéra. L'illustre maestro a de plus aban-
donné à la caisse des pensions de l'Opéra ses droits sur cette représenta-
tion.
^*,t Vendredi, LL. MM. l'Empereur et l'Liipératrice honoraient de leur
présence la quatrième représentation de : le Premier Jour de bonheur, au
théâtre impérial de l'Opéra-Comique. — Mlle Derasse va continuer ses
débuts dans la Dame blanche, et M. Hayet, ténor qui se fit entendre pour
la première fois dans l'Ange de Rothsay , au théâtre international de
l'Exposition universelle, oii sa jolie voix fut remarquée, va débuter dans
Zaïnpa.
**:t La représentation de Don Giovanni, donnée sameli 15, a eu lieu
devant une salle comble et resplendissante de toilettes. Outre l'attrait de
revoir Adelina Patli dans le rôle de Zerlina, on était curieux de juger
Steller dans celui de don Juan, l'une de ses meilleures créations, disait-
on. Le célèbre baryton n'a point trompé l'attente du public; il soutient
très-noblement d'un bout à l'autre ce rôle écrasant, sans toutefois lui
donner d'une façon assez accentuée le cachet d'élégance et de désinvol-
ture scélérate qu'il comporte; coinme chanteur, il y déploie avanta-
tageusemeni les belles qua'ités de sa voix et son excellence méthode. —
Adelina Patti, c'est tour à tour le charme qui séduit, la câlinerie qui
apaise, la mutinerie qui excite; après le duo La ci darem, après les
célèbres complets Uatti, batli, Mazetto qu'elle a dû répéter, l'incomparable
diva a été saluée des plus enthousiastes bravos. — Il est dommage que
les moyens de Mlle Krauss ne secondent plus qu'iniparfaiienient ses
accents dramatiques; c'est toujours la granile artiste, mais ce n'est pas
la dona Anna que nous avons été habitués à entendre. — 11 est égale-
ment fâcheux que le personnel de M. Bagier l'ait forcé à donner à la
charmante et mignonne Mlle Harris le rôle de dona Elvire, qui ne con-
venait ni à son physique, ni à son genre de talent ; elle y a mis toute sa
bonne volonté, mais tout en lui en tenant compte, cela ne suffit pas. —
Celui de Leporello a été un grand succès pour Ciampi ; il l'a rendu en
excellent comédien, et son grand air de Madamina, mille e tre a été dit
et joué avec autant de verve bouffonne que de fine observation. Mais si
quelqu'un doit réclamer dans la distribution sa bonne part d'éloges, c'est
à coup sur Vergerqui a su donner, par la manière dont il l'a conçu, une
véritable importance au personnage de Mazetto ; on applaudit légitimement
ce jeune artiste comme chanteur, maisil s'est cette fois posé en véritable
acteur, et on doit le féliciter de ce progrès. — Agnesi a prêté au rôle
du commandeur l'autorité de sa belle voix et il y a produit beaucoup
d'effet. - Pour les nécessités de la représentation, la partition a été cou-
pée en quatre actes; cette division est regrettable et nuit à l'homogé-
néité de l'action. Quoi qu'il en soit, la soirée a été belle, et il est à dé-
sirer que l'indisposition de Mlle Krauss, qui a forcé mardi la direction à
substituer il Barbiere à Don Giovanni, ne se prolonge pas et permette de
donner bientôt la deuxième représentation de celte reprise du chef-
d'œuvre de Mozart.
t% Jeudi, pour la dernière fois, on a donné Rigoletio, et hier soir
Crispino, avec Adelina Patti dans les rôles de Gilda et d'Anetta.
,j*, A la fin de ce mois, Mathilda di Shabran servira de début aux
époux Tiberini, qui ont dû arriver à Paris jeudi ou vendredi. — La
deuxième repré.sentalion de Don Giovanni est annoncée pour demain lundi
gras.
„<■% Mlle Patti doit aller à Lille dans une quinzaine de- jours pour y
chanter en français le rôle de Marguerite de Faust.
*■*» On annonce que la combinalon Carvalho- Bagier pour le théâtre
Lyrique commencera à fonctionner quinze jours avant l'époque
primitivement fixée. Dès le lundi 2, on donnerait aux Italiens
une repro'Sf'ntation de Faust, dont les décnrs sont rafraîchis et les cos-
tumes renouvelés et dans lequel Mme Carvalho et le ténor Massy chan-
teront h's princip.iux rôles; mercredi i, le Freijschiilz et vendredi C,
Roméo et Juliette. — M. Deloff're dirigera l'orchestre à la .salle Ventadour^
sans que cela modifie en rien .son titre et ses fonctions de premier chef
d'o.chestre du théâtre Lyrique; il sera suppléé au pupitre directorial du
chef-liui de son administration par M. Mangin, second chef .f orche.stre.
M. Adolphe Blanc se retire. — Enfin, comme détail complémentaire de
cette organisation, le prix des places pour le théâtre Lyrique sera main-
tenu pour les représentations données à la salle de^ Italiens, mais sen-
siblement diminué pour toutes celles qui auront lieu place du Châtelet.
,*,j La seule pièce en répétition en ce moment au théâtre Lyrique et
dont on s'occupe avec activité est l'opéra de M. Jules Béer, Elisabeth de
Hongrie, qui sera donné certainement vers la fin du mois de mars, et
selon toutes apparences au théâtre Ventadour. On sait que c'est
Mlle Schroeder qui y créera le principal rôle.
,■*» Il paraît certain que Mme Galli-Marié, à l'expiration de son enga-
gement au l""' avril, quitterait définitivement le théâtre de l'Opéra-Co-
mique pour entrer au théâtre Lyrique.
*■** C'est jeudi ou samedi prochain que le t!iéâtre des Variétés re-
prendra la Grande-Duchesse.
*** Le délai des concours d'opéra et d'opéra-comique, ouverts par dé-
cision ministérielle, touchant à son terme, nous croyons devoir rappeler
aux intéressés que les manuscrits ne seront plus reçus passé le 13 mars
prochain. Le nombre des compo,iteurs concurrents est, dit-on, de cent
soixante-quinze environ, inscrits pour le Florentin, livret de M. de Saint-
Georges, conçu et disposé habilement comme situations musicales.
■jf*ii. Dans une de ses dernières séances, le conseil municipal de la
ville de Lille a volé, pour les sept mois de la campagne théâtrale de
cette année, le maintien d'une subvention de 36,000 francs, » afin d'as-
surer la représentation du grand opéra avec ballet, de l'opéra-eomique,
du drame, de la comédie et du vaudeville. »
^*^ Nous mentiotmions dimanche le succès de Robinson Crusoé au
théâtre de Lyon; notre correspondant nous mande que l'exécution de
l'opéra d'Offenbach n'a rien laissé à désirer. L'orchestre, dirigé par
M. Luigini, enlève l'ouverture et détaille finement les spirituelles nuances
de la partition. M. Peschard (Robinson) marque son rôle au coin du bon
goût et de l'intelligence qui caractérisent ton talent. Barbot (Tobyj est
un type réussi d'indécision, de poltronnerie, de niaiserie boulFonnes.
M. Féret est magnitique de drôlerie et de naturel dans Jim-Cocks; son
rondeau du Pot-au-feu a produit un grand effet et a été bissé. Grâce au
personnage sympathique de Vendredi, Mme Cortez a remporté un succès
imprévu qui donne la mesure des précieuses ressources de son jeune et
souple talent. Au point de vue vocal, il n'y a rien à reprendre chez
Mlle Mézeray (Edwige) : ce rôle a été tenu par elle avec une grâce touchante
et un sentiment exquis. Mlle Douau (Suzanne) est ravissante d'entrain et
de mutinerie. Tous les artistes ont été rappelés à la chute du rideau, et
le succès de ce début promet à l'œuvre nouvelle d'Off'enbach une série
de fructueuses représentations à Lyon .
^\ On nous écrit de Bruxelles, le 18 février : « Le théâtre de la Mon-
naie a donné hier la première représentation de Robinson Crusoé. — La
salle était comble et le public a fait le meilleur accueil à l'œuvre nou-
velle d'Off'enbach. La gigue si bien rhythmée et si originale du premier
acte a été bissée ; on a beaucoup applaudi également la symphonie du
premier entr'acte. très-bien exécutée par l'orchestre; le duo du deuxième
a te mire Robinson et Vendredi, la chanson du Pot-au-feu; au troisième,
le chœur énei'gique des matelots révoltés, la berceuse et les couplets de
Suzanne : C'est un brun. Jourdan chantait le rôle de Robinson; Barbot
celui de Toby; Etienne, Jim-Cocks; Mlle Nau, Edwige; Mlle Daniele, Ven-
dredi; Mme Dumestre, Suzanne; et ils y ont été chaleureusement applau-
dis. M. Letellier n'a rien épargné pour monter luxueu-sement l'ouvrage,
et la deuxième représentation, donnée au bénéfice de M. Edouard Letel-
lier, a pleinement confirmé l'heureuse issue de la première.
j*,^ Il se confirme que les conditions d'existence de l'Opéra italien, à
Londres, vont être singulièrement modifiées. Un journal financier anglais
annonce la formation d'une société anonyme au capital de 300,000 livres
sterling, pour acheter le théâtre de Covent Garden; on renoncerait à re-
construire Her Majesty's Théâtre, et M. Mapleson serait à la tête de la
nouvelle exploitation, qui n'aurait plus de rivalité à redouter, M. Gye
se retirant définitivement, ainsi que son chef d'orchestre, M. Costa.
M. Mapleson devrait s'engager à produire les mêmes artistes qui
figuraient au programme de son théâtre pendant la dernière saison. Il
recevrait, à titre de prime, 10,000 livres sterling. Nous saurons sans doute
avant peu ce qui résultera de tous ces préliminaires.
62
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
^*t Ix' thùAtre fraiirais de Constiinliiiop'e s'apprêlc à joiior i)mdiainc-
nietit la Crmide-Durhesse.
^** Le bal masqué d'hier soir à l'Opéra, — dernier samedi du car-
naval, — a eu sa foule et son entrain habituels. — Mardi prochain,
dernier bal de la saison.
NOUVELLES DIVERSES.
**t Dimanche dernier, à 1 issue de la messe des Tuileries, l'Emper'.'ur
et l'Impératrice ont daigné féliciter .\I. Auber sur le succès de son rlcr-
nier opéra.
,^% Par arrêté ministériel en date du 19 février, S. Kxc. le mini-Ire
de la maison de ThnipiTour et ries beaux arts a nommé M. Cliarles Co-
lin professeur de hautbois au Conservatoire impérial de musique, eu
remplacement de M. Barthélémy décédé. Prix de Home, hautbois solo
depuis longtemps au théâtre Lyrique , personne n'était plus digne que
M. Colin d'occuper le poste qui vient de lui Cire confié.
,it*i M. de Sartiges, ambassadeur de France à Rome, vient d'acheter
et de faire restaurer un clavecin orné de peintures et de sculptures des
plus remarquables, et qui a appartenu à la nièce du pape Innocent X.
On prête à M. de Sartiges la bonne intention d'en faire don au Musée
des instruments du Conservatoire de Paris.
^*4. M. Bagier vient de recevoir de S. M. Victor-Kmmanuel le brevet
de chevalier de l'Ordre des SS. Maurice et Lazare.
n,*^ Un nouveau volume de lettres de Beethoven vient d'être publié
par M. Ludwig NohI, à Stuttgard. On siî souvient qu'il y a deux ans nous
avons donné quelques extraits du premier volume, dû également aux
travaux consciencieux de M. Nohl. 11 contenait 399 lettres; le second en
renferme 3'22, dont un certain nombre ont un grand intérêt biograplii-
que et artistique.
^,*^ Nous avons déjà parlé sommairement, — en attendant que nous
le fassions avec plus de détails, — des belles études pour piano publiées
l'an dernier par le professeur W. Kruger. 11 vient de recevoir, au sujet de
ce travail, de M. Aug. Dupont, professeur au Conservatoire de Bruxelles
et l'un des pianistes les plus distingués de la Belgique, une lettre qui le
félicite cha)eureusement du mérite exceptionnel de ces études, dans les-
quelles il voit « l'œuvre d'un grand pianiste et surtout l'œuvre d'un
poète, • et auxquelles il prédit le plus grand succès.
/t Nous avons eu plusieurs fois déjà l'occasion de faire l'éloge des com-
positions d'Ernest Stœger. Trois de ces charmants poèmes. Impromptu-
scherzo, Prélude et Novellette, qui ont toujours obtenu le plus flatteur
succès aux concerts et aux soirées où l'auteur les a fait entendre, vien-
nent d'être publiés. Nous reviendrons sur ces morceaux, qui accusent un
talent des plus sérieux et des plus sympathiques.
,*. La jeune pianiste Mlle Elisa Bertucat vient de faire paraître deux
charmants morceaux d insants : la Gracieuse, polka-mazurka, et les Echos
du Rhin, valse. Nous croyons ne pas nous tromper en prédisant un grand
succès à ces deux nouvelles compositions dignes de figurer à côté de
celles de Strauss et de Lanner. La valse les Echos du Rhin obtiendra cer-
tainement, par son originalité et sa distinction, ses entrées dans les plus
élégants salons de Paris.
^*^, Parmi les dernières nouvautés pour le piano, nous remarquons deux
ravissantes productions nouvelles de Félix Godefroid : les Muletiers de Cas-
tille, boléro, et les Plus beaux yeux, méditation sur la célèbre romance :
« Un rayon de tes yeux », de Stigelli. Nous devons, sans hésiter, classer
ces deux morceaux parmi les mieux réussis du célèbre auteur.
^*^ M Jacques Verreyt, administrateur et président du Conseil d'ad-
ministration de la Société anonyme des grandes orgues (élablissemenls
Merklin et SchiJtze), vient d'être promu au grade d'officier de l'ordre de
Léopold de Belgique.
:f** M. José Amat, compositeur distingué , est en ce moment à Paris,
chargé par le gouvernement brésilien de former une troupe italienne
destinée à desservir les théâtres de ce p.iys.
,t** Un journal de Leipzig, la Chronique des Théâtres, met en vente, au
prix de 150 thalers, une lettre authentique de Mozart, datée du 2 avril
1789.
^,*,p Les armateurs du magnifique steamer Ericson, de New-York,
viennent de le débaptiser pour lui donner le nom, illustre aujourd'hui
dans les deux mondes, de la Grande-Duchesse.
^*» La ville de Catane se propose d'ériger un monument à la mémoire
de Bellini, l'un de ses plus glorieux enfants.
*** Le comité de l'Association des artistes musiciens vient deprocéder
à l'élection de deux de ses vice-présidenls. Ont été élus: M. Deloffre, pre-
mier chef d'orchestre du théâtre Lyiique-Impérial, et M. Couder chef
d'orchestre du théâtre du Gymnase, en i emplacement de MM. G. Kastner
et Ch. Triebert, décédés.
^*^: Un éditeur qui occupait un place distinguée dans la librairie, M.
Casimir Gide, vient do mourir. 11 s'était beaucoup occupé de musique.
Kniré au Conservatoire en 1817 dans la classe d'harmonie de Dourlen,
élève de Chcrubini et condisciple de F. Tla'cvy, il a composé la musique
de plusieurs œuvres lyriques et chorégraphiques, au nombre desquelles
on doit citer les Trois Marie, drame de Duport; la Tentation, grand bal-
let en collaboration avec Halévy; VAngelus , opéra -comi([ue; Uza'i, b:illet
en trois actes, etc. Depuis longtemps M. Gide ne s'occupait plus que du
commerce de librairie.
^*, M. David, artisie de l'Opéra, vient de perdre son père.
^*:^, Adoifo Zabalza, professeur de piano au Conservatoire de Madrid,
vient de mourir dans cette ville, à un âge peu avancé.
DÉPARTEMENTS
i** ycrsaillcs. — Le Prophète en est à sa 5" représentation et la direc-
tion n'a pas à regretter de l'avoir monté avec tant de soin. Le public
y vient nombreux applaudir M. Taillofer (Jean de Leyd',), Mlle Pradal,
(Berllia), Mme Brus-Mahy, très dramalique dans Fidèi.
■J,y.^, Rouen. — La direction du Théâtre- des-Arts vient d'avoir, une
fois de plus, la preuve, par le succès de l'Africaine, que l'on gagne tou-
jours à monter des ouvrages d'un mérite réel, universellement sanction-
né, et à le faire avec soin et inlelligence. Ce succè.s, de tous points com-
parable à <'ehii que Ipberl, les Huyiienotà et le Prophète remportèrent
dans le temps à Rouen , est dû autant aux beautés saisissantes de la
partition du maître qu'à son exécution. Nous ajouterons seulement
queliiues détails à la dépêche succinle de M. Méreaux, publiée dans le
lirnier numéro de celte Revue. M. Lrdérac accentue, avec une chaleur
communicative de chant et de jeu, la sauvage et farouche énergie de
Nelu.sko. M. Casabon a rie beaux moments; dans le rôle de Vasco. Im-
posante sous les traits et le costume de la reine indienne, digne et
passionnée tout à la fois, Mlle Olivier chante fort bien la berceuse du
second acte, l'air du quatrième et sa poignante terminaison. MM. Bon-
nesseur (Don Diego), Berlon, Larose, Pousset, Mme de Messemaker
contribuent à tbrmer un excellent en.semble; ces artistes ont parfaitement
saisi le caiactère de leurs fonctions scéniques respectives. Les choeurs en-
lèvent avec une sûreté d'attaque et un enchaînement de nuances dignes
d'une mention toute spéciale l'anathème des évêques, le chant des ma-
telots et celui des sauvages. L'orchestre, conduit par M. Placet, ne mé-
rite que de légitimes louanges. Les décors ont été artistiquement brossés
par MM. Simon et Jusseaume. Entln, ce sera .selon toutes apparences,
à ret'e complète réussite du chef-d'œuvre do Meyerbeer que notre théâtre
d'opéra devra son salut.
^*^ Nîmes. — L'Étoile du .Word vient d'être donnée avec un grand
succès. Le bel opéra de Meyerbeer a été en général bien interprété.
Mme Bessin-Pouilley y montre une merveilleuse facilité dans les voca-
lises périlleuses de son rôle, et M. Pouilley a très-bien conçu et très-bien
rendu celui de Petors.— La semaine dernière, dans une représentation de
Guillaume Tell, notre ténor Cazeaux s'est surpassé. Il gagne chaque jour
dans l'e.sprit de notre public, et sa place est marquée sur des scènes
plus élevées que la nôlre.
ÉTRANGER
,^*^ Bruxelles. — Comme les concerts précédenls du Conservatoire,
celui qui a été donné dimanche dernier, 16 février, a excité des transports
d'admiration dans l'auditoire, par le choix des ouvrages ainsi que par la
perfection de l'exécution . Le programme était composé de la symphonie
militaire de Haydn, d'un madrigal à cinq voix, sans accompagnement,
d'Orlando Lasso, du septième concerto de Mozart pour piano et orchestre,
de l'adagio et du scherzo de la 9= symphonie de Beethoven, d'une fan-
taisie de Mme Farrenc pour piano et orchestre, et du magnifique finale
de l'oratorio de Frédéric Schneider, le Jugement dernier. Dans la sym-
phonie de Haydn, l'orchestre a fait admirer tour à tour la puissante so-
norité dans laquelle il n'a point de rival, la délicatesse et l'élégance que
réclament les œuvres du créateur de ce genre de musique. Dans l'adagio
de la 9" symphonie, il a atteint le plus haut degré d'expression poétique,
et dans le scherzo il a été d'une verve entraînante. Le talent de Mlle
Mongin, justement apprécié à Paris, ce talent pur, correct et toujours
approprié au caractère de la musique, était celui qui convenait pour la
belle inspiration du 7" concerto de Mozart. Elle en a dit toutes les par-
ties avec une délicatesse exquise. La fantaisie de Mme Farrenc lui a
fourni ensuite l'occasion de faire valoir le brillant de son exécution.
Rappelée après le concerto de Mozart, Mlle Mongin a reçu, dans des
chaleureux applaudissements, les témoignages de satisfaction de l'assem-
blée. Le Jugement dernier, de Schneider, jouit d'une grande célébrité en
Allemagne; les chœurs et l'orchestre ont rendu avec énergie et précision
les larges proportions de son finale.
»*i Londres. — Une pétition couverte d'un grand nombre de signa-
tures, et demandant l'établissement d'une école de musique nationale.
DE PARIS
patronnée p^T le gouvernement, en connexion avec un Opéra nalional, a
été remise à une commission royale qui doit la présenter dans le cou-
rant de la saison à la Chambre des communes. Joacliim a repris posses-
sion de son pupitre-chef aux Mondaij Poimlar concerts. Mme Shumann
a remporté, au concert du 3 février, un grand succès avec Piatti.
t*^ Berlin. — Le directeur des musiiiues militaires, M. Wieprecht, a
organii-é dans la belle et vaste salie de la nouvelle Bourse, un grand
concert au profit des habitiints nécessiteux de la Prusse oi'ientale. Toute
la cour y assistait. Wachtel et Mme Blumc-Santer ont dit avec élan la
Barussia de Spontini; la basse Kricke a été couverte d'applaudissements
après l'air : 0 /sis und Osiris , de la Flûte enchantée. Les Fatiius (Die
Fabier), opéra en cinq actes de Langert, vient d'être donné avec un
très-grand succès à l'Opéra i-oyal. Nous reviendrons sur cette représen-
tation et sur l'ouvrage, auquel la critique est unanime à attribuer une
grande valeur.
-*,p Leipzitj. — Après la soirée de gala pai- laquelle on a fêlé l'ouver-
ture du nouvel Opéra, la première représentation a eu lieu avec Fidelio,
dont rinterprétîitinn, confiée à MM. Gross et Redling, et à Mlle Lœwe,
a été de tous points digne du maître. — Mlle Orgéni a débuté dans Lucie et
la Somnambule. Tout en lui reconnaissant un grand talent de vocalisa-
tion et une voix agréable, on a trouvé qu'elle manquait de sentiment
dramatique. — MJI Rontgen et Ferd. David, deux violonistes de la
grande école, se sont fait applaudir au seizième concert du Gewand-
haus, dans une symphonie concertante de Mozart, pour violon et
alto. Au dix-septième , Franz Lachner a eu un immense succès en
dirigeant lui même l'exécution de sa quatrième suite d'orchestre (en
mi bémol). — Au dernier concert de la salle d'Euterpe, on vient
d'exécuter, avec le concours des célèbres chœurs de Saint-Thomas, un
Te Deum laudamus, composé par M. d'Adelburg, à l'occasion de la fête
du couronnement de l'infortuné empereur Maximilien, et qui a valu à
son auteur l'ordre de Guadaloupe ; c'est un véritable chef-d'œuvre de
mu.>-ique religieuse, et qui a produit une vive impression sur le public
si diflicile de Leipzig. Les autres compositions du même auteur, qui ont
obtenu également un grand succès, s-ont intitulées Symphonie-Ouverture
de Wallenstein (d'api es le sujet de Schiller) et l'ouverture de l'Opéra hon-
grois i< Zringè » (d'après le sujet de Kœrner).
,5,*^ Barcelone. — Il Pellegrinaggio di Plocrmel a ijlé représenté le 11 fé-
vrier au théâtre du Liceo avec un succès splendide. Des applaudissements
frénétiques ont salué tous les morceaux de la partition; Mlle Vitali, qui
s'est élevée aune grande hauteur dans le rôle de Dinorah, en a prissa
bonne part. Elle a du répéter l'air de l'Ombre, qu'elle dit avec un
charme infini. On a bissé également au ténor Nègre son air du Mois-
sonneur. Stagne a droit à tous les éloges, et Petit est un excellent Hoël.
L'ensemble ne laisse rien à délirer; l'orchestre et les chœurs, sous la
direction de Muzio, ont été irréprochables, et la mise en scène est
vraiment superbe.
^*i^ Home. — Don Carlos, après de nombreuses vicissitudes, a enfin
vu le feu de la rampe. Un public nombreux remplissait le théâtre
Apollo ; il n'a pas trouvé le Verdi du Trovatore et de Rigoletlo et il est
resté fro'd. La plupart des morceaux ont été accueillis par un silence
glacial. L'exécution, confiée à Sterbini, Brémond, Mmes Stolz et Yaneri,
a cependant été aussi bonne que possible.
t*,j. F/orence. — Aune soirée donnée par le président du conseil, le géné-
ral Menabrea, on a beaucoup fêté une jeune cantatrice, Linda Caracciolo,
qui doit aux conseils de H. Panofka un talent destiné certainement à
faire sensation dans le monde musical. — La Societa del Quartetto ouvre
une seconde série de six concerts-conférences. Le premier aura lieu le
l'' mars. Il sera consacré aux illustres compositeurs de quatuors Haydn
et Boccherini. M. le chevalier J.-L. Casamorata, président de notre Ins-
titut, y prendra la parole. — Les professeurs Gamucci et Biaggi, le mar-
quis d'Arcaïs, le docteur Filippi, de Milan, se .••ont chargés des confé-
rences du 2", 3% i" et 5', qui traiteront de Beethoven, Mcndel sohn et
Schumann.
^*^ Varsovie. — Après une magnifique représentation d'adieu à Berlin, où
la reine a tenu à la féliciter publiquement, Mlle Artot vient de faire ici une
brillante rentrée dans Otello. Malheureusement Moscou la réclame et elle
ne nous restera que quelques semaines ; le public .semble avoir hâte de
mettre à profit ce trop court séjour, et son empressement se traduit par
des ovations plus nombreuses et plus chaleureuses que jamais adressées
à l'éminente artiste. — 11 se pourrait qu'avant de partir pour Moscou,
Mlle Artot allât encore donner quelques représentations à Berlin.
,1,*^ Saint-Pélersbourg. — Au théâtre Marie, la Vie pour le Tsar, de
Glinka (29.3» représentation), t^t la Muelle (Fenella), pour les débuts du
ténor Andréef, ont attiré ces jours derniers une foule immense. Aiidréef
a eu un très-grand succès. — Mmes Lucca et Grantzolï ont été
l'objet des ovations, des démonstrations enthousiastes que nous ai-
mons à prodiguer aux grands artistes : on leur a jeté le premier
soir des couronnes et des bouquets sans nombre; on leur a fait de
riches cadeaux, où de flatteuses inscriptions rappellent leurs succès. —
En outre, leurs admirateurs les ont suivies en masse jusqu'à leur de-
meure à l'issue du spectacle, et au moment où elles montaient sur le
perron, leurs paisibles voisins ont été réveillés par une brillante fanfare
de la musique de la garde à cheval ; des transparents à leurs initiales
étaient placés partout, et une superbe illumination avait été improvisée
sur l'escalier.— C'i-st le rôle du page des Noces de Figaro que Mme Lucca
a choisi pour son bénéfice : la rentrée de Mlle Grantzofï a eu lieu dans
le Corsaire. — Dans Un Concert à la cuur, Mme Volpini a été chaleureu-
sement complimentée par S. M. l'Impératrice, qui lui a exprimé l'espoir
que Saint-Pétersbourg la conserverait longtemps encore. — Berlioz a
dirigé le neuvième concert de l'.^^ssociation musicale rus.se, dans lequel
on a applaudi le violoniste Wilhelmj et le pianiste Dœrfeldt. Le dixième
et dernier concert sera sans doute composé en grande partie d'œuvres
de l'illustre compositeur. — Les derniers succès de Mario ont décidé la
direction à l'engager pour la saison prochaine.
CONCERTS ET AUDITIONS MUSICALES ANNONCES.
Salle Herz, aujourd'hui dimanche 23 février: matinée musicale de Mlle
Rachel Van Lier.
Salons Erard, lundi 2i février: concert de Mlle Constance Skiwa, avec
le concours de MM. Birkioger, Ries et E. Norblin.
Salle Herz, jeudi 27 février à 8 heures 1/2: concert à grand orebestre,
sous la direction de M. A. de Groot, donné par Frédéric Guzman,
pianiste et compositeur chilien, avec le concours de Mme .Monbelli,
Mme Guzman et M. Lutz. On y entendra : première partie, musique
classique : 1° ouverture de la Flûte enchantée de Mozart;— 2° air de
Fernand Corlès de Spontini (pour baryton) , chanté par M. Frédéric
Lutz; — 3° grand concerto, pour le piano, avec accompagnement
d'orchestre (op. 37), de Beethoven, exécuté par M. F. Guznnn ; —
i° air des .Voccs de Figaro (pour soprano), de Mozart, chanté par
Mme Monbelli ; — 5° duo concertant, pour deux pianos, sur la mar-
che de Préciosa, de Weber, avec orchestre, de Mendelssohn et Mos-
chelès, exécuté par M. et Mme Guzman. — Deuxième partie, mu-
sique moderne : 1° Souvenir nocturne, Mazurke pour piano, de F.
Guzman, exécuté par l'auteur; — 2' air du Valet de chambre
(pour baryton), de Carafa, chanté par M. F. Lutz; — 3° Dites oui;
les Veux cré. les, danses de Cuba, pour piano à quatre mains, de
Gottschalk, exécutées par M. et Mme Guzman; — 4" air du Barbier
de Séville (pour soprano), de Rossini, chanté par Mme Monbelli; —
5° Victoire, marche triomphale, pour deux pianos concertants, de F.
Guzman, exécutée par l'auteur et Mme Guzman.
le Directeur: S. DL'FOUB.
Nouvelles publications de JULES HEINZ, rue de Rivoli, ^46.
PIANO
Félix Crodefroid. Op. 443. Les Muletiers de Castille,
boléro 6 »
— Op. 146, Les plus beaux yeux , méditation sur Un
Rayon de tes yeux 6 »
Koennemann. Trois polkas nouvelles : 1. Souvenir de la
Malraaison. — 2. Le pont de Bouglval. — 3. Bo-
hême-Polka, chaque 4 50
Chez G. HARTMANN, 19, boulevard de la Madeleine.
PIANO
Delioiix (Ch.). — Valse expressive 6
Defouruaux ( A. ). — Fleurs et Diamants, valse de
salon 6
CHANT
Pinsuti. — Il ciel siellato, duettino 6
Lied populaire de la Thuringe (la Reine du Berger), poésie
d'Adolphe Larmande 3
64
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Maison COLOMBIER, 6,
NOUVELLES P
Pour le piano
J.-L. Battmann. Op. 27S. Les Porcherons, petite fantaisie 5 »
A. Croisez. Op. 146. Notre-Dame-des- Anges, prière de
jeunes filles S »
— Op. 147. Les Faux Mûnnayeurs, caprice S »
J. Leybach. Op. 107. La Cenerentola, fantaisie brillante. 8 »
— Op. 108. Tristesse, élégie 7 50
A. Le Carpentier. Airs et Rondes populaires , arrangés
à quatre mains, en 3 livres, chaque 6 »
L. Schiffmacher. Op. 1"2. Mon pays, iranscription variée 7 50
Danse
Gaston de Lille. En avant I polka 5 »
- — 5z«rr /te, polka-mazurka , 5 »
— Sons la Feuillée, valse 6 »
Ad. Lacout. Le Petit Mignon, quadrille très-facile 4 30
— Baby, polka très-facile 2 50
Strauss. Le Dernier des Romains, quadrille 4 50
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Eugène MONIOT.
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D. Balleyguier. Ucuce chansmi 3 »
G. Douay. C'est plus fort que moi, chansonnette 3 »
— Un Bourgeois pour tout faire, chansonnette 3 »
J. Javelot. Mon Oscar, chansonnette 3 »
P. Blaquières et J. Moinaux. Gratteloup au camp de
Châlons. eiplicalion du fusil C/tas?epo/, chansonnette. 3 »
Duos pour ténor et baryton
Léo Dalibes. Le Marchand d'Oublis 6 »
Ch. Lecocq. Les Tonneliers 4 »
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Pour Chant et Piano,
in-8°, net : 15 fr,
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MORCEAUX DIVERS :
CBÀMER. — Deux bouquets de mélodies pour le pianu, ch.
E. KETTEBER. — Fantaisie brillante pour le piano
LECARPENTIIR — Deux bagatelles pour le piano, chaque
ROSELLEN. Fantaisie de salo:) pour le piano
RDOISEL. — Fantaisie élégante pour le piano
Id. Duo facile à quatre mains
À. HERMÀN — Divertissement pour piano et violon
SELIGBUlVN. — Bluette de salon pour violoncelle et piano. .
Les Airs arrangés pour un et pour
Parties d'orchestre de l'ouverture et entr'acte.
9
9
5
7
6
7
9 .)
7 50
50
DANSE
ANGEMEÎ^TS :
MUSIQUE DE
ARBÂN. — Quadrille pour le piano
Le même, à quatre mains
STRAUSS. — Grande valse pour le piano et à quatre mains
Id. Grand quadrille des bals dé l'Opéra
HÂBX. — Deuxième quadrille pour le piano
LEON roques.— Polka brillante pour piano et à 4 mains .
STRAUSS. — Polka-Mazurka pour le piano et à 4 mains..
El VALIQUET. vendredi, quadrille enfantin pour le piano.
deux Violons, pour une et pour deux Flûtes.
4 50
4 50
6 »
4 50
4 50
50
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DNIVEnSELLE DE LONDRES 1851.
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lUPBlHEBIE CENTBALE DES CUEHINS DE FED
ÎBEBGEBE. 30, A PABK.
BUREAUX A PARIS •• BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
5S' Année.
ON S'ABONNE :
Dans les Déportements Rt â l'Étronger,
chez tous les ilorchonds de Musique, Us lAbraiH
et aux I^ureaux des Messageries et des Postes.
W 9.
REVUE
l«^ Mars 1868.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. -1 r. par an
Dipartcmcnls, B(;Igiquo et Suisse... .'«j t it
l'itriiDger 3i ■) id.
te Journal parait le Dimaoche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Histoire de la musique instrumentale (7' article), par Haa-
rlce Cristal. — Les droits des auteurs (deuxième partie, 7« article), par
Thomas Sauvage. — Un inconnu, par Arthur Poug^in. — Ministère
de la maison de l'Empereur et des beaux-arts, direction générale des théâtres.
— Entre-filets. — Concerts et auditions musicales de la semaine. — Nouvelles
des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Concerts et auditions musicales
annoncés. — Annonces.
mSTOIBE DE U nnSIQUE INSTRUMENTALE
(7« article) (1).
Depuis plus de soixante ans que la musique de chambre de l'é-
cole allemande s'est emparée de l'admiration de la France et de l'Eu-
rope, on semble avoir oublié que l'Italie n'a point été seulement le
berceau de l'art de chanter et de la musique vocale, mais encore
celui de compositeurs d'un mérite incontestable. Les compositions
instrumentales d'Haydn, de Mozart, de Beethoven et d'autres
maîtres moins connus sont devenues familières aux artistes que
sollicite plus particulièrement l'étude austère d'une musique vi-
goureuse et non frivole. On ne va point demander des composi-
tions sérieuses et fortes à l'Italie, qui pourtant a donné le jour aux
plus grands violonistes du monde et aux plus éminentes concep-
tions qui aient été écrites pour le quatuor.
Boccherini est sans contredit, dans la musique de chambre,
l'un des compositeurs les plus éminents qu'ait produits l'Italie.
Mais les seuls amateurs, les seuls dilettantes connaissent les
chefs-d'œuvre de ce maître , ses quatuors majestueux, ses quin-
tettes exquis, tout cet œuvre irréprochable qui est à la musique
instrumentale ce que les partitions de Cimarosa sont à la musique
vocale. Boccherini n'est point populaire ; il a subi le sort de tant
d'hommes supérieurs; ses compositions si pures, si délicates, qui
se distinguent par la simplicité des moyens, par l'abondance et la
grâce des idées mélodiques, ont été délaissées pour des concep-
tions plus intriguées, plus énergiques, plus scientifiques, si l'on
veut, et qui appartiennent à une époque pUis récente de l'art.
Luigi Boccherini naquit à Lucques le 14 janvier 1740. Son
(1) Voir les n™ 38, iO, i2, 44, 46 de l'année 1867, et n» 3.
père, habile contre-bassiste, lui donna les premières leçons de
musique et de violoncelle; mais il ne tarda pas à être remplacé
dans ce soin parle maître de chapelle de l'archevêché, qui voulut
cultiver lui-même les heureuses dispositions du jeune Boccherini
et qui le fit admettre au nombre des élèves du séminaire de Luc-
ques. Un goût invinci'ole poussait le jeune artiste à l'étude du
violoncelle. Il s'y livra sans réserve et ses progrès furent très-
rapides. C'est au penchant que Boccherini garda toujours pour
cet instrument et à l'habileté qu'il y avait acquise qu'il faut attri-
buer le rôle qu'il lui donne dans ses quhitettes et les difficultés.
qu'il a introduites dans sa partie, malgré le désavantage qui en
devait résulter pour la popularité de ses compositions.
Musicien perspicace, le père de Boccherini entrevit bientôt tout le
parti que des professeurs éclairés tireraient des dispositions heu-
reuses de son fils, et il décida qu'il l'enverrait à Rome pour qu'il
pût s'y perfectionner dans le mécanisme de son instrument, et
aussi pour apprendre la composition. Le jeune élève, chez qui la
nature s'était montrée infiniment libérale et qui était doué de
l'instinct mélodique le plus exquis, devança les leçons de ses nou-
veaux professeurs, et la pédagogie ne put gâter les dons précieux
de son génie.
Rome le fascina, et c'est sans doute à son séjour dans celte
ville qu'il fut redevable de la fraîcheur délicieuse et de l'adorable
sincérité de ses inspirations. On faisait à cette époque beaucoup de
musique dans les églises de Rome. Dans quelques-unes on mê-
lait les instruments aux voix, et les œuvres qu'on exécutait étaient
dans le style concerté; mais dans plusieurs autres, et particulière-
ment à la chapelle Sixtine, on entendait plus habituellement la
musique de l'ancien style, appelé osservalo, dans lequel Palestrina
a mis un charme, une douceur dont l'effet, à celte époque, était
encore augmenté par la réunion des plus belles voix et par une
exécution parfaite. Boccherini a souvent exprimé, en termes
pleins d'enthousiasme, le plaisir qu'il avait éprouvé à l'audition
de cette musique. Vers la fin de sa vie, il en parlait encore avec
une chaleur qui prouvait que l'impression de ses jeunes années
ne s'était aucunement affaiblie, et l'on peut remarquer que l'exta-
tique langueur qui a tant de charme dans la musique de Pales-
trina n'est pas sans analogie avec la poétique morbidesse qui
rend si suaves les compositions de Boccherini.
66
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
A peine âgé de vin^ ans, Boccherini manifesta son génie par
des compositions qui excitèrent un enthousiasme général. Ces
œuvres sont encore aujourd'hui, après un siècle, un sujet d'admi-
ration pour les véritables amateurs. Ses études terminées, le jeune
maître, riche d'avenir et comblé des témoignages les plus flat-
teurs, revint dans sa patrie, souriant à la gloire, unique objet
d'une ambition fiévreuse et désintéressée.
A Lucques, Boccherini savoura pendant quelque^temps , au mi-
lieu de SCS compatriotes, l'ivresse du premier succès. Mais la soif
de la célébrité le tourmentait, et sa ville natale n'était point un
théâtre où pussent s'accomplir les destinées qu'il rêvait incessam-
ment. Il avait retrouvé, parmi ses compatriotes, Manfredi , élève
de NaiHlini et yioloniste de l'école de Tartini. Ils se lièrent de
l'amitié la plus étroite et se communiquèrent un mutuel désir de
voir ks principales villes de l'Europe, Confiants dans la fortune,
les deux artistes dirent adieu à leur pays et partirent pour l'Es-
pagne, qui de toutes les contrées de l'Europe était celle où
était réuni en ce moment le plus grand nombre de virtuoses
célèbres. Ils firent une première station à Turin, où leur talent
comme compositeurs et leur habileté comme instrumentistes exci-
tèrent la plus vive admiration.
Boccherini n'avait encore produit que ses premiers trios pour
violon et basse. Ces compositions étaient encore en manuscrit, et
les dilettantes considéraient comme une faveur précieuse la per-
mission d'en obtenir des copies. De Turin nos deux musiciens se
rendirent dans la Lombardie, puis dans le Piémont., et en'lin dans
le midi de la France. Partout leur talent excita la sympathie et
l'enthousiasme.
Après cette excursion, qui paraît s'être prolongée pendant plu-
sieurs années, les deux amis arrivèrent ;\ Paris vers 1768. L'édi-
teur de musique La Clievardièrc, qu'ils eurent occasion de con-
naître dès leur arrivée, les présenta au baron de Bagge, aussi
célèbre par ses prétentions comme violoniste que par la protection
qu'il accordait aux artistes. — Chez Bagge se réunissait tout ce que
Paris comptait de musiciens distingués : Gossec, Gavinies, Capron
et Duport l'aîné. Ce fut devant cet aréopage que parurent les deux
virtuoses lucquois.
Sortis avec honneur de cette première épreuve, ils ne tardèrent
pas à en aflronterune seconde plus périlleuse en débutant au Concert
spirituel. Ils avaient à combattre de puissants rivaux dont la ré-
putation dès longtemps affermie ne redoutait aucune concurrence.
Cherchant dans d'autres moyens leurs succès, ils s'attachèrent moins
à surprendre qu'à toucher leurs auditeurs et aies charmer. L'exquise
pureté des compositions de Boccherini, qu'ils avaient fait entendre
chez le baron de Bagge, leur avait procuré un succès qu'ils
n'auraient pas obtenu pai- leur seule virtuosité. Ils jouèrent dans
ce second concert les mêmes compositions, et l'assemblée ne se
montra pas moins prodigue d'enthousiasme et d'applaudissements.
Chacun se plut à reconnaître la fraîcheur de génie du nouveau
maître.
Cette manœuvre habile ne fut pas défavorable aux exécutants.
Leur triomphe fut complet et de tous côtés, à la cour comme
à la ville, à Paris, en province et à l'étranger, on sollicita
d'eux de nombreuses auditions. Les éditeurs se présentèrent
bientôt. Dès le lendemain du concert, Vernier, qui était leur com-
patriote, était venu les prier de regarder sa maison comme la leur
et s'était offert pour graver leurs ouvrages. Boccherini saisit avec
empressement l'occasion qui se présentait de révéler au monde
musical les trésors de son génie. Il dédia son premier œuvre de
quatuors à Vernier, qui le publia et il acquitta la dette de sa recon-
naissance envers La Chevardière, en lui dédiant aussi set» premiers
trios , qui parurent chez cet éditeur.
Bientôt recherché par les amateurs d'élite que charmaient s g
inspirations originales, Boccherini satisfit à leur empressement par
l'abondance de sa verve. Au nombre des productions de ce maître
appartenant à la même époque, il faut signaler les six sonates
pour clavecin et violon dédiées à Mme Brillon do Jouy, qui était
alors au premier rang des amateurs français.
Cette virtuose, que tant de qualités distinguaient, outre son goût
pour la musique, les lettres et les arts plastiques, vivait à Passy,
près de Paris, dans la seconde moitié du xviii" siècle. Burney,
qui l'entendit en 1770, en parle en ces termes dans son voyage
musical en France et en Italie : « Elle est, dit-il, une des meilleures
clavecinistes de l'Europe. Cette dame, non-seulement joue les
morceaux les plus difficiles avec beaucup de sentiment, de goût
et de précision, mais elle exécute à vue avec la plus grande faci-
lité. » Burney put s'en convaincre lui-même lorsqu'il l'entendit
déchiffrer plusieurs morceaux de sa musique qu'il lui avait pré-
sentés en manuscrit.
Mme Brillon composait aussi et Boccherini prisait beaucoup ses
ouvrages. Il exécuta souvent avec elle ses sonates sur le clavecin
ou le forte-piano et il faisait la partie de violon. C'est chez cette
dame qu'il rencontra pour la première fois André-Noël Pagin, vio-
loniste de l'époque dont l'école française s'honore tout particu-
lièrement. Cet artiste célèbre, né à Paris en 1721, si l'on en
croit Beffara qui déclare avoir vérifié l'année de sa naissance d'a-
près des actes authentiques, fit dans sa jeunesse un voyage en
Italie dans le dessein d'étudier le genre de Tartini, dont il reçut
des leçons. De retour à Paris, il se fît entendre aux Concerts spi-
rituels et y obtint de brillants succès; mais sa persistance à ne
jouir que la musique de son professeur parut aux musiciens fran-
çais une insulte pour leurs compatriotes; ils se liguèrent contre
lui, et, dans un conceit, le firent accabler d'applaudissements
ironiques avec accompagnement de bouquets poitant de petits
papiers où le nom du violoniste était accolé aux éloges les plus
outrés et aux adjectifs les plus moqueurs. Pagin, justement of-
fensé, prit la résolution de ne plus reparaître devant le public.
Il avait tort, car l'auditoire n'était pas responsable de ce chari-
vari peu honorable pour ceux qui l'avaient imaginé; mais on le
supplia vainement de ne point considérer comme une disgrâce du
public ce qui n'était qu'une preuve de la déraisonnable envie d'ar-
tistes peu généreux.
Le duc de Clermont, son protecteur , lui confia alors dans sa
maison un emploi honorable et largement rétribué. Pagin cessa
de faire de la musique sa profession, et ne se fit plus entendre
que daiis les salons, chez les dilettantes et chez ses amis. Burney
et Boccherini sont d'accord pour admirer la belle sonorité qu'il
tirait de l'instrument, son expression dans l'adagio et la légèreté
de son archet dans les traits brillants. Ainsi que plusieurs compo-
siteurs célèbres, Shobert et Boccherini et bien d'autres, Pagin a
dédié quelques-uns de ses ouvrages à Mme Brillon de Jouy.
Madbice cristal.
[La suite prochainement.)
LES DROITS DES AUTEURS.
{Deuxième partie.)
SOCIÉTÉS DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE.
(?<= article) (d).
Un connaît ce vieux conte d'un paysan, venu à l'Opéra, qui se
cramponnait à sa banquette au moment de ['ouverture, parce qu'on
(1) Voir les n" 33, iO, 41, 43 et 49 de l'année 1867, et n» 7.
DE PARIS.
67
lui avait dit que le premier coup d'archet Venléverait ! Ici ce ne
sont pas les spectateurs qui turent enlevés, non; mais aussitôt que
le chef d'orchestre eut donné l'impulsion à tous ses subordonnés,
en même temps que la symphonie éclatait avec toute sa puissance
dans un premier accord, ô prodige ! au milieu d'un immense
nuage de poudre, on vit s'élancer vers le lustre, avec la rapidité
et presque le bruit d'une compagnie de perdrix... un essaim de
PEnnuQUEs !
Ce dut être un spectacle curieux et imposant que celui de cette
volée de coiffures de toutes formes, de tout rang, de tout âge :
c'était le modeste Bonnet, la pimpante Brigadière, le léger Ca-
briolet, le menaçant Rhinocéros et le fier Oiseau royal; puis, le
Fer-à-cheval, la Grecque et le Cadorjan, récente importation britan-
nique. Toutes, selon leur volume et leur poids, se balançaient ou
légèrement ou majestueusement autour du lustre, qui, versant sur
elles des torrents de lumière et d'huile, augmentait encore l'effet
pittoresque et saisissant du tableau !
Un cri énorme, discordant, un cri à la fois dans tous les tons,
composé du cri particulier de chaque victime et de chaque spec-
tateur, s'éleva en même temps que les infortunées vers la voûte
de l'édifice ; tous les regards aussi les suivirent dans ce voyage
aérien, mais bientôt les yeux des témoins désintéressés s'abaissè-
rent pour chercher les têtes veuves de leur plus bel ornement, et
l'on découvrit alors que l'orchestre seul, mais tout entier, jusqu'à
M. Exaudet lui-même, se trouvait mis à nu. Alors, au cri de sur-
prise succédèrent des éclats de rire effrayants, inextinguibles, inhu-
mains, — oui, inhumains ! Ne voyez-vous pas ces pauvres musiciens
éperdus, haletants, la bouche béante, le cou tendu, les bras en
l'airV Tous ont le chef chauve ou à peu près; celui-ci avec une ca-
lotte de flanelle, celui-là avec un serre-tête de nankin; les yeux
levés avec amour, avec regret, ils semblent rappeler ce cher objet
qui, insoucieux de leur peine, les nargue en dansant devant eux à
trente pieds du sol !
Cependant, après cette première explosion d'hilarité, il fallut s'oc-
cuper de réparer le désordre, d'en rechercher et d'en punir l'au-
teur. M. Berger surtout insistait sur ce point, pour venger sa
dignité outragée.
•On commença par descendre le lustre chargé de ses glorieux
trophées, et l'on vit accourir autour de lui, avec un empressement
tendre et sentimental, les malheureux spoliés, avançant la main
vers l'ornement nouveau qui pendait en couronne, comme les
prix autour du mât de Cocagne; chacun veut saisir sa fugitive;
M. Exaudet, le premier, plus ardent, plus ému, peut-être plus
sensible... au froid, s'empare de sa Brigadière, — c'était xme, Bri-
gadière que portait M. Exaudet; — mais en voulant la réinstaller en
son lieu et place, il éprouva une résistance inaccoutumée, tout à
fait étrangère aux habitudes de sa docile compagne. On examina
les choses de plus près et l'on reconnut que des hameçons avaient
été habilement jetés sur les perruques; que les pen-uques avaient
mordu aux hameçons ou les hameçons aux perruques, de telle
façon qu'au moyen de crins imperceptibles qui attachaient lesdits
hameçons, d'un fil d'appel auquel se réunissaient les crins et qui
passait dans la poulie du lustre, on avait opéré l'enlèvement des
susdites perruques.
Pendant cette enquête tous les assistants s'étaient réunis dans le
parterre, autour du lustre, ce soleil du soir, alors entouré d'in-
nombrables comètes, à plus ou moins longues queues. Là chacun
exprimait son indignation ; car il fallait être indigné : M. le
directeur de l'Opéra l'était ! Parmi ceux qui, par gestes ou par
exclamations, témoignaient le plus vivement leur désapprobation,
on remarquait surtout Ma Mie Babichon : elle haussait les épaules,
levait les yeux, joignait les mains : — « Quelle infamie! manquer
» ainsi à M. le directeur, insulter M. Exaudet! Une personne étran-
» gère au théâtre seule a pu donner un pareil scandale : je ne
» voudrais en accuser aucun de mes camarades!.., »
Cette vertueuse colère frappa Favart : il regarda la bonne pièce
en souriant, et elle, souriant aussi sons cape, baissa les yeux : hélas !
ce sourire la perdit ! il fut intercepté au passage par l'œil scruta-
teur de M. Berger, et soudain tout le mystère lui fut dévoilé.
« — Vous ne pourriez en effet accuser aucun de vos camarades.
Mademoiselle, sans injustice et sans ajouter une nouvelle faute à
celle que vous avez commise! »-— dit l'administrateur avec autant
de sévérité qu'en auraient pu fournir ensemble les trois juges de
l'enfer : Minos, Eaque et Rhadamanthe, dont il avait dû étudier la
tenue dans ses opéras mythologiques.
A cette apostrophe Ma Mie Babichon resta muette.
Puis la lumière inondant M. Berger, il continua :
« —Oui, vous! car le fil conducteur de cette indécente machina-
tion répond à la troisième loge o\x vous étiez! »
Effectivement le fil était encore dans la loge.
L'accusation d'un fait aussi grave, aussi clairement prouvé,
n'admettait pas de réplique; il ne restait à la coupable qu'à cour-
ber la tête, à implorer la clémence de son juge; — il y comptait
lui-même, M. Berger, et peut-être se fût-il laissé fléchir... Mais,
au lieu des pleurs et des marques de repentir couvenables en
pareille situation, Ma Mie Babichon poussa un éclat de rire,
comme Nicole à la vue de M. Jourdain dans son grand costume;
un de ces éclats de rire qui dégénèrent en attaque de nerfs, qui
font qu'on se roule, ou qui arrachent à Arnal ce cri : — « Qui est-ce
qui donc rit comme ça là-haut ?» — Bref, on la crut folle, et M. Exau-
det, qui avait rajusté sa Brigadière, en eut pitié. Mais ce n'était
pas démence : c'était tout simplement le naturel qui trop longtemps
comprimé rompait la digue de l'hypocrisie et débordait en flots de
gaieté. On le reconnut bitintôt, lorsque l'effrontée, un peu calmée,
adressa au directeur de l'Opéra ce singulier discours, souvent in-
terrompu par les bouffées d'une envie de rire qui l'étoutt'ait :
» — Monsieur, hélas ! ah! ah! ah! pardonnez-moi, je vous en
prie... Hi! hi! hi;..Ce n'est pas ma faute, en vérité... Eh! eh! eh!
je n'ai pas été maîtresse de ma volonté... c'est un effet de l'anti-
pathie que j'ai contre les perruques!... Elle est si forte, monsieur
le directeur, qu'au moment où je vous parle, et malgré le respect
que je vous dois, je ne puis m'empêcher de me jeter sur la
vôtre!... »
Et joignant l'action à la parole, Babichon porta une main sacri-
lège sur l'édifice chevelu qui couronnait M. Berger, saisit ce chef-
d'œuvre, le lança sur le théâtre et s'enfuit!..
Cette fois, on ne rit pas : on pâlit!
Qu'allait-il en effet résulter d'un pareil attentat? Chacun atten-
dait, en silence, l'explosion de la colère du Jupiter de coulisses...
Rien n'éclata!
Il était là, immobile et blême ; une sueur froide inondait son
front dénudé, tout à l'heure orné d'un crêpé artistement élevé, oïl
maintenant apparaissaient quelques cheveux rares et rouges et deux
loupes ! végétation occipitale dont l'exhibition publique plongeait
en ce moment dans la stupeur M. Berger, homme à bonnes for-
tunes et à prétentions. Il fut tiré de cet état d'atonie par Damour,
le concierge, qui se présenta respectueusement devant lui, portant
sur son poing la perruque si maltraitée, et dont il essayait de ra-
mener les boucles égarées.
M. Berger la saisit avec un mouvement convulsif, la posa rapi-
dement sur la tête et, sans dire un mot, courut s'enfoncer dans sa
voiture .
Il ne remit plus depuis le pied à l'Opéra-Comique, dont il aban-
donna la direction, et qu'il fit supprimer quelques mois après.
M. Exaudet, qui avait partagé l'infortune de son supérieur, entra
à l'Opéra comme premier violon. Mme Favart, Clairval et Laruette
68
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
furent engagés dans la troupe que Favart conduisit au camp du
maréchal de Saxe, et Ma Mie Babichon, qui, par lettre de cachet,
avait reçu défense de paraître sur aucun théâtre, se réfugia dans
les petits appartements du magnifique hôtel que M. d'Augny (1),
le fermier général, venait de faire bâtir à la Grange-Batelière.
Thomas SAUVAGE.
[La suite prochainement.)
m mconNu.
Le Journal d'Indre-et-Loire a pubUé récemment la lettre sui-
vante, adressée par M. le conservateur de la Bibliothèque de
Tours au maire de la ville:
« Monsieur le Maire,
» J'ai l'honneur de vous offrir, pour la Bibliothèque publique,
un manuscrit que j'ai eu la bonne fortune de sauver de la des-
truction. Ce livre, précieux pour les musiciens, gisait exposé à
l'humidité, depuis la Révolution, dans le grenier d'une maison
voisine de l'ancienne église de Saint-Martin. Je l'ai réparé de mon
mieux; il est complet et sera très-bien placé dans notre précieux
dépôt. Voici le titre de ce manuscrit :
« Apollon et Cyrène, divertissement héroïque en deux actes, mis
» en musique par J.-B. Dupré , organiste de Saint-Martin , de
» Tours, paroles de M. Bruley, trésorier de France. (Vol. in-8°,
» contenant 196 pages.) »
» Cette opérette fut écrite par Dupré, à Tours, le 24 juillet 1771,
comme l'indique une note, signée de sa main, à la page 168 du
manuscrit.
» L'antique église de Saint-Martin possédait un orgue excellent:
c'était un grand trente-deux pieds, à cinq claviers, ayant une
soixantaine de jeux. Dupré, qui le touchait, rivalisait avec le ta-
lent des premiers organistes de Paris; il possédait une science
profonde de l'harmonie. Le Chapitre de Saint-Martin, qui avait
des revenus considérables, faisait un digne emploi de ses riches-
ses en attachant à son église les sujets les plus distingués, pour
composer une excellente musique. Le célèbre Lesueur, à cette
époque, était maître de chapelle à Saint-Martin (2): plus tard, il
dirigea le Conservatoire de Paris (3). Pendant son séjour à Tours,
•il rendit justice à l'auteur de notre manuscrit; et, pour donner
une preuve qu'il savait apprécier son grand talent, il nous suffira
de dire qu'il lui donnait ses compositions, à retoucher; il les lui
faisait jouer ensuite sur le bel orgue de Saint-Martin, et répétait
souvent : « Mes fugues, remaniées par Dupré, me font venir la
» chair de poule. »
» Si je ne craignais de vous fatiguer, monsieur le Maire, j'en-
trerais dans de plus grands détails sur le célèbre auteur de notre
manuscrit. Dupré résume en lui une des plus belles époques mu-
sicales de notre ville; et, au double point de vue de l'histoire lo-
cale et de l'art musical, c'est une bonne fortune, pour notre Bi-
bliothèque, de posséder une œuvre de Dupré. Quant à M. Bruley,
il était le chef de l'honorable famille qui habite la Touraine.
» J'ai l'honneur d'être, avec respect, monsieur le Maire, votre
très-obéissant serviteur.
» DoRANGE, bibliothécaire. »
(1) Hôtel où nous avons vu l'administration des jeux jusqu'à leur
suppre.ssion ; la Banque Ganneron; qui fut la résidence de M. Aguado, et
qui est aujourd'hui la mairie du IX« arroBdissement.
(2) De 1783 à 1784.
(.S) Ceci est une erreur. On sait que jamais Lesueur n'a dirigé le
Conservatoire.
L'ouvrage dont il est ici question fut-il jamais représenté, même
à Tours ? C'est ce qu'il serait sans doute bien difficile de savoir
aujourd'hui. Quant à son auteur, il n'est guère plus facile de se
renseigner à son sujet. M. Fétis ne cite aucun Dupré vivant à
cette époque. Quant au Dictionnaire des Musiciens de Choron et
Fayolle, voici la seule note qu'on y trouve : « Dupré, fit graver
à Paris, en 1763, deux œuvres de dix trios pour le clavecin avec
violon. 11 était, dès 17S4, pensionnaire à l'Opéra, et mourut en
1784. .)
Il paraît bien évident que ce Dupré n'est point celui de la lettre
ci-dessus reproduite. Comme le dit le Dictionnaire des Musiciens,
cet artiste était pensionné de l'Opéra dès 17S4, même 17S3; 1'^^-
manach des Spectacles le constate. Donc il avait fait à ce théâtre
son temps de service, n'était sans doute plus de la première jeu-
nesse, et eût été bien vieux en 1783, à l'époque ou Lesueur fai-
sait un si grand éloge de l'organiste de Saint-Martin, de Tours. Il
s'agit donc probablement d'un musicien tourangeau , né et élevé
dans le pays, qui y avait fait tout doucement sa position, et qui
peut-être y fit représenter le petit opéra en question.
Combien, à cette époque où Paris s'occupait de la province en-
core moins qu'aujourd'hui, au point de vue intellectuel, combien
d'artistes obscurs ont pu faire preuve d'un talent très-réel et ab-
solument méconnu !
A ce titre, la petite découverte que nous venons de mentionner
n'est pas sans intérêt.
Arthur POUGIN.
ffllNISTÉRE D£ LA SAISON DE L'EMPEREUB
ET DES BEAUX-ARTS.
DIRECTlOiN GÉNÉRALE DES THÉÂTRES.
Une médaille en or, de la valeur de 500 francs, est offerte à l'auteur
des paroles de la cantate qui sera choisie pour être donnée, cette année,
comme texte du concours du grand prix de Rome, pour la composition
musicale.
Cette cantate doit être à trois personnages; elle est destinée à être
chantée par un soprano, un ténor et un baryton ou basse-taille; elle
devra renfermer un ou au plus deux airs; un seul duo et un trio final,
chacun de ces morceaux étant séparé du morceau suivant par un réci-
tatif.
Les eaniates devront être adressées, par paquet cacheté, au secrétariat
du Conservatoire impérial de musique et de déclamation , rue du Fau-
boui'g- Poissonnière, n° 15, avant le l" mai, terme de rigueur. Chacune
des pièces de vers contiendra, dans un billet cacheté, le nom de l'auteur
et l'épigraphe placés en tête du manuscrit.
11 ne sera reçu à ce concours que des pièces inédites. Les manuscrits
ne seront pas rendus.
Pour la seconde fois depuis peu de temps, la Revue et
Gazette musicale vient d'être douloureusement éprouvée.
Naguère, c'était un de ses collaborateurs les plus savants
et les plus assidus qu'elle perdait, — nous avqns nommé
Georges Kastner ; — aujourd'hui, c'est Edouard Monnais, son
rédacteur en chef depuis l'année 183S, que l'impitoyable mort
nous enlève! Mardi matin, l'écrivain de tant de distinction,
de tact et d'esprit, auquel notre recueil doit de si nombreux
et de si excellents travaux, l'ami constant et dévoué succom-
bait à une longue et douloureuse maladie, emportant avec lui
les regrets de tous ceux qui l'ont connu. — Dans quelques
jours nous consacrerons, à cette honorable et laborieuse
existence, une notice chronologique qu'une douleur profonde
nous rend incapables de rédiger en ce moment.
BH
DE PARIS.
69
Jeudi, à trois heures, ont eu lieu en l'église Notre-Dame de
Lorette les obsèques de M. Edouard Monnais, dont nous venons
d'annoncer plus haut la fin regrettable.
Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire les détails
donnés sur cette cérémonie par le Moniteur de vendredi :
« Aujourd'hui, à trois heures, ont eu lieu en l'église Notre-Dame
de Lorette les obsèques de M. Edouard Monnais, commissaire im-
périal près les théâtres lyriques et le Conservatoire, et qui, depuis
un mois, par suite de l'état de sa santé, avait, sur sa demande,
été admis à faive valoir ses droits à la retraite.
» La foule qui se pressait dans l'église n'était composée que
d'amis, ressentant tous vivement la perte qu'ils venaient de faire.
En effet, à côté des rares qualités de l'esprit qui ont fait apprécier
ses travaux si variés, M. Edouard Monnais avait ce don précieux
de la bienveillance, de l'aménité, de l'obligeance délicate qui attire
et retient les cœurs. Ami des plus grands compositeurs, de Rossini,
de Meyerbeer^ d'Halévy, d'Auber, il laisse dans le monde des arts
des regrets unanimes. Ces regrets ont trouvé en M. de Saint-
Georges un éloquent interprète . Avant de rapporter ici les paroles
émues retraçant si bien le caractère affectueusement dévoué et in-
telligemment conciliant du défunt, nous indiquerons rapidement
les principaux travaux de l'écrivain, qui, par l'impartialité et la jus-
tesse de ses savantes appréciations et le tour aimable de son style
plein de distinction et de finesse, avait conquis dans la critique
musicale une place qui sera difficilement remplie.
» On a d'Ed. Monnais les treize volumes des Ephémérides uni-
verselles ; Sultana, opéra-comique; Esquisses de la vie d'artiste, les
Sept ISotes de la gamme ; le Portefeuille d'une cantatrice, un certain
nombre de comédies-vaudevilles, tels que : la Demande en mariage,
la Cour des messageries, le Secret d'Etat, l'Anneau, Vn Ménage pa-
risien, le Petit Suisse, la. plupart en collaboration; une foule d'ar-
dcles dans le Courrier français, le Moniteur des Arts, la Gazette
musicale, où il prit le nom de Paul Smith.
«C'est un souvenir honorable pour le Moniteur universel de l'avoir
compté parmi ses collaborateurs.
» Nous avons remarqué parmi les assistants : M. de la Charme,
chef du cabinet du ministre de la maison de l'Empereur; M. Ca-
mille Doucet, membre de l'Académie française, directeur général de
l'administration des théâtres et le personnel de la direction générale;
M. Auber, directeur du Conservatoire de musique, et le personnel
du Conservatoire ; M. Ambroise Thomas ; M. Edouard Thierry, ad-
ministrateur général de la Comédie-Française; M. Emile Perrin,
directeur de l'Opéra; le baron Taylor, MM. Carvalho, Bagier,
Chaix-d'Est-Ange, de Vatry, A. de Lavergne, de Lassabathie, Lau-
rencin, Hipp. Provost, F. Bazin, Oscar Comettant, Paul Dalloz,
Th. Gauthier, A. Gouzien , Cristal, D.-A.-D. Saint- Yves, M. de
Monter, Rey, Laurent de Rillé; Jules Simon, Deforges, Moker,
Couderc, Montaubry, Duprez, Sainte-Foy,Ponchard, Vauthrot, J.
Pasdeloup, Heugel, Louis et G. Brandus, S. Dut'our, Hipp. Rodri-
gues, Marmontel, Révial, Laget, Massart, H. Herz, Lecouppey,
Mathias, Arban, Dauvernié, Cookers, Dancla, professeurs au Con-
servatoire, Alkan, Batiste, Battu, etc.
)) Un Pie Jesu, de la composition de M. Faure, a été chanté par
l'auteur avec un sentiment profond qui a vivement impressionné
l'assemblée.
» Sur la tombe, au cimetière du Père-Lachaise, où le corps a
été déposé, M. de Saint-Georges, président de la Société des au-
teurs dramatiques, a prononcé au nom de cette Société les paroles
qui suivent :
« Un homme excellent, un esprit d'élite, un critique d'art distingué,
un administrateur habile, un ami parfait et dévoué: voilà celui que
nous pleurons aujourd'hui, celui que do vifs regrets accompagnent, et
dont h douce et syn)palhique figure restera dans le souvenir de tous
ceux qui l'ont connu, c'est-à-dire aimé.
» Edouard Monnais fut longtemps rédacteur d'un de nos plus impor-
tants journaux politiques; il y était chargé de la critique musicale, et se
fit remarquer pir d'excellentes et judicieuses appréciations , où la sévé-
rité fut toujours mitigée par une bienveillance extrême pour les auteurs
dont il blûmait et improuvait les œuvres. Encourageant les faibles et ren-
dant l'énergie aux forts en évoquant leur passé au profit de leur avenir.
» Remarqué, apprécié par tous les vrais amis de l'art, Edouard Mon-
nais fut appelé à la direction de l'Opéra; il voulut appliquer à ce beau
théâtre les théories artistiques dont il était depuis longtemps l'apôtre , il
le fit avec bonheur, et plusieurs grandes œiivrps reprc?eniées sous son
adminislration furent consacrées par le succès. Nommé bientôt après aux
fonctions de Commissaire du gouvernement près de nos grands théâtres
et du Conservatoire, il apporta dans ses nouveaux devoirs cet esprit à la
fois ferme et obligeant qui augmenta le nombre de ses amis et lui ac-
quit tant de reconnaissances et de dévouements.
» Auteur lyrique, il écrivit pendant dix ans toutes les cantates qui
servirent de début à nos prix de Rome, et plus d'un dût à ses inspira-
tions de belles œuvres couronnées, qui furent le premier pas d'une car-
rière de gloire et de fortune!
» Edouard Monnais composa quelque? pièces pour nos théâtres de
chant; chacune d'elles renfermait ce sentiment musical sans lequel il
n'existe pour le musicien ni verve ni mélodie.
» Ses éludes, ses travaux donnaient à ses critiques une autorité qui le
fît apprécier de tous les vrais amateurs de l'art et rendra sa perte en-
core plus sensible à tous les lecteurs des journaux qui lui durent long-
temps leur vogue et leur succès.
» Quelques mots sur l'homme privé, Messieurs, dernier hommage de
l'un de ses meilleurs amis. Bon, serviable, doué d'une de ces natures
heureuses qui attirent la confiance et entraînent l'amitié, Edouard Mon-
nais va nous manquer à tous; nous le chercherons longtemps dans nos
comités artistiques, dans nos jurys, dans ces concours publics où son
esprit conciliant, où sa bienveillance connue rassuraient les élèves et se
communiquaient aux juges!
» Mais c'est au sein de sa famille, parmi ses affections intimes, que
sa perte sera cruellement sentie !
» Si nos regrets parviennent jusqu'à toi, mon cher Monnais, qu'ils
adouci.'-sent la séparation de ceux qui te furent chers, et qu'il te reste
la pensée de toutes les douleurs qui te survivent comme de ton souvenir
éternel dans nos cœurs ! s
Dans quelques paroles empreintes d'une sincère émotion, M. le
baron Taylor, au nom de l'Association des artistes musiciens, dont
M. Edouard Monnais était depuis longtemps vice-président, a dit
ensuite un dernier adieu à celui qui laisse parmi ses collègues de
si vifs sentiments d'estime et d'affection.
CONCERTS ET AUDITIONS OUSICÂLES DE LA SEUIAINE.
^*j. Les artistes désignés pour se faire entendre au premier concert
des Tuileries qui a lieu demain, sont : Mmes Nilsson, Cabel, Marie
Roze;— MM. Capoul et Crosti. — La partie instrumentale y sera repré-
sentée par Mme Norman-Neruda.
*** Le concert donné vendredi de la semaine dernière au ministère
de la Marine aura été l'un des plus remarquables et des plus intéres-
sants de la saison, non-seulement par la notoriété des artistes engatfés,
et qui s'appelaient Gardoni, Hermann-Léon, Franchomine, Alard, Du-
vernoy et Mmes Carvalho et Bloch, mais aussi par le choix des mor-
ceaux exécutés. Il suffira de citer au nombre de ceux-ci : la Corbeille
d'oranges, d'Auber, le magnifique trio du Pardon de Ploërmel, l'Ave
Maria de Gounod, la romance de Martha et toute la partie instru-
mentale. C'est par les bravos les plus enthousiastes que le noble audi-
toire a témoigné à ces brillants interprètes toute sa satisfaction.
:j% M. le comte de Nieuvserkerke, surintendant des Beaux-Arts, a
repris le 28 ses réceptions hebdomadaires du vendredi. On sait qu'elles
sont particulièrement consacrées à la musique.
**^ Au huitième concert du Conservatoire, dont le programme répé-
tait exactement celui du dimanche précédent, nous n'avons à signaler
que le bis adressé, pour la seconde fois, au chœur des Pèlerins du
Tannhœuser. Les anciens abonnés deviendraient-ils tout à coup wagné-
riens?
^,*^, Une seconde audition a confirmé l'énorme succès obtenu par
Mme Norman-Neruda aux Concerts populaires. Elle a joué Vandante et le
finale du concerto en mi de Vieuxtemps avec une légèreté, un brio, une
70
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sûreté, une pureté de son que l'illustre ;violoniste-compcisiteur eût cer-
tainement admirées. Il n'y a d'autre reproche à lui adresser, et c'est
chose grave pour une aussi gracieuse personne, que le luxe de mouve-
ments auquel elle se livre dans la chaleur ,ie l'exécution. Elle .se fait
entendre une troisième fois aujourd'hui dans le huitième concerto de
Spohr, connu en Allemagne sous le nom de Gssamjscene (scène de
chant) .
^*^ Un concert brillant entre tous est celui qu'a donné jeudi dernier
le pianiste chilien Frédéric Guzman, connu seulement à Paris de quel-
ques artistes et amateurs. Un public d'élite remplissait la salle llerz, cu-
rieux de savoir comment on comprend les concertos de Beethoven au
Chili. C'est celui en ut mineur, au finale si piquant et si plein de verve,
qu'avait choisi M. Guzman; il l'a exécuté de façon à démontrer que son
talent prendrait promptement une belle place dans la hiérarchie des vir-
tuoses que nous possédons; mais c'e-it surtout dans deux morceaux de
style moderne dont il est l'auteur, et dans deux brillantes compositions à
quatre mains de Gottschalk, Dites oui et Ojos criollos (les Yeux créoles),
qu'on a pu apprécier sa véritable originalité. Sa femme, ([ui a joué
avec lui, paraît ne lui céder en rien sous le rapport du mécanisme et de
la facilité. On a hissé avec acclamation les Yeux créoles. Nous signale-
rons encore une Marche triomphale très-réussie de F. Guzman, pour deux
pianos. Lutz, le sympathique baryton, a récolté de nombreux bravos
après deux airs de Fernand Cortez et du Valnl de chambre; Mme Mon-
bclli qui a dit de sa voix fraîche et souple l'air du Barbier de Scoille,
comme nous l'avons rarement entendu détailler, a eu un succès d'en-
thousiasme. Une bonne note à l'orchestre qui était dirigé par M. de Groot.
*% Une pianiste viennoise que Paris a déjà applaudie l'hiver dernier,
Mlle Constance Skiwa, a donné lundi un concert à la salle Erard.
Dans un trio de Jadassohn, un beau concerto de Hœndel et divers
morceaux de Chopin, Liszt et J. de Boliczay, elle a fait preuve d'un sé-
rieux et classique talent. Le jeune violoniste Franz Ries, qui nous
semble marcher à grands pas vers la célébrité, a exécuté deux char-
mants morceaux de sa composition, liiirlcske et Berceuse, qui décèlent la
main d'un maître, et, avec Mlle Skiwa, la brillante fantaisie de Vieux-
temps et Wollï sur Oberon; elle a produit beaucoup d'effet. M. Norblin
et le ténor belge Straetman ont recueilli leur bonne part d'applaudisse-
ments.
if*, Mlle Aîiiélie Staps, une gracieuse pianiste que la Belgique nous
envoya l'année dernière, gagne chaque jour eu talent et .en réputation.
A son concert, elle a exécuté le Rondo capricioso de Mendel.ssohn, une
transcription de Liszt sur le Vaisseau Fantôme, hérissée de difficultés dont
elle s'est supérieurement tirée, la partie de piano du quintette de Schu-
mann et un duo de Mendelssohn pour piano et violoncelle, avec M. De-
munck. C'est certainement une excellente acquisition pour la phalange
militante qui dispense au public parisien ses plaisirs artistiques.
^*^ On n'a pas perdu le souvenir d'une jeune et tn?s-précoce artiste,
élève du Conservatoire, Mlle Rachel Van Lier, âgée de onze ans, qui se fit
entendre la saison dernière dans plusieurs salons ei concerts où elle
étonna particulièrement le public par sa merveilleuse facilité à lire à
première vue. — Dimanche dernier elle a donné à la salle Herz, avec le
concours de Mlle Heilbron, de l'Opéra-Comique, du violoniste Jacobi,
d'Aurèle, chanteur comique, de Bacquié, et de Mlle Agar qui a dit le. Vopo-
léon II de Victor Hugo avec une remarquable inspiration; elle a donné,
disons-nous, devant un auditoire d'éhte, un beau concert dans lequel la
bénéficiaire a fait preuve de grands progrès accomplis, et où elle s'est
fait applaudir avec entliousiasme pour son talent d'exécution réellement
extraordinaire.
*% Le peu d'espace dont nous disposons, en présence de l'augmenta-
tion progressive des réunions musicales de tout genre qui se produisent
à Paris ne nous permet pas de consacrer plus de quelques lignes à
beaucoup d'entre elles qui n'en sont pas moins intéressantes pour cela,
surtout celles qui ont l'enseignement pour objet. De ce nombre sont les
matinées de Mme Pierson-Bodin, remplies en grande partie par des élèves
dont les succès témoignent suffisamment du talent de leur professeur,
et où ne dédaignent pas de se faire entendre des artistes de premier mé-
rite tels que Mme Farrenc, Sighicelli, Gaveaux-Sabatier, Pagans, Her-
mann-Léon, etc. 11 suffit du reste de mentionner ces matinées pour qu'on
en apprécie l'importance et l'utiUté.
*** Au dernier concert de Mme Martin-Robinet, on a beaucoup
applaudi M. et Mme Blot-Dermilly dans une jolie opérette, l'Embarras
d'un gouverneur. Mme Blot s'y est montrée on ne peut plus gracieuse
sous le costume d'un jeune seigneur, et elle a chanté son rôle avec un
goût exquis.
**» Après une année d'absence, M. Gennaro Perelli, pianiste compo-
siteur d'un grand talent, est de retour à Paris. 11 donnera le 4 mars,
dans les salons d'Erard, une audition de ses principales et nouvelles com-
positions avec quatuor d'accompagnement sous la direction de Portehaut.
— Tous les artistes et amateurs s'y sont d'avance donné rendez- vous.
»■*« Nous signalons à l'attention du public musicale le jeune pianiste
napolitain Rendano, qui s'est fait entendre avec un très-grand succès
au concert donné à la .salle Herz le 22 février par la Société protectrice
de l'enfance, et qui a été particulièrement apprécié comme compositeur,
dans un morceau intitulé: Chani du Paysan dans la forêt, plein de
charme et de poésie.
^*^Les concerts classiques de la Société du Cons ervatoire de Strasbourg
continuent à otï'rir un puissant intérêt, grâce au zèle et au talent de
l'éminent chef d'orchestre M. Hasselmans. Au quatrième concert, un
concerto de cor de Mozart a été exécuté par M. Stennebruggen, professeur
au Conservatoire et soliste à Bade, artiste de talent qui a parfaitement
fait valoir les nombreuses beautés de l'œuvre trèa-reniarquabic, et pour-
tant peu connue, qu'il interprétait.
-^*jp Le concert donné à Nice, au théâtre Italien, par la compagnie
Ulmann-Patti, a été magnifique. La recette a atteint le chiffre significa-
tif de 8,000 francs. Wolff et Vieuxtemps ont été applaudis à outrance dans
leur duo sur Ùun Juan; on a fait répéter à chacun d'eux sa variation.
L'engagement de Woltf se terminait le 2.3 février; mais M. Ulmann,
désireux d'exploiter le plus longtemps possible cette riche mine de succès
dont il tire si bien parti, l'a retenu encore jusqu'au 11 mars, après quoi
Théodore Ritter prendra sa place, mais seulement pour quinze jours.
Grenoble, Lyon, etc., sont maintenant en première ligne sur l'itinéraire
de la vaillante petite armée, dans laquelle Seligmann tient son rang avec
lionneur et provoque partout les applaudi;.scments du public.
,(,*, Nous empruntons au Temps l'entro-filels suivant qui concerne une
œuvre nouvelle de notre excellent pianiste Louis Lacombe : « On a
chanté à Nantes, le 31 janvier dernier, au concert des Beaux-Aris, une
composition de M. Lacombe, dont les journaux de la localité font le plus
bel éloge. L'Orphéon nantais, écrit-on dans l'Espérance du peuple, a fait
ressortir hier toute la beauté d'un chœur inédit, sérénaJe du plus déli-
cieux effet, vrai chef-d'œuvre de Louis Lacombe, le grand pianiste com-
positeur.» — Cette fraîche production, exécutée de nouveau il y a quel-
ques jours au second concert de Sivori, y a obtenu un éclatant succès.
„,% Mlle Laura Harris, la gracieuse cantatrice du théâtre Italien,
vient de faire applaudir son charmant talent à la Société de la Grande-
Harmonie de Roubaix, où elle a chanté le 10 février, avec le succès qui»
la suit partout, la romance do Marin, l'air de Linda, et la valse de
Roméo .
^*» D. Magnus, noire excellent pianiste compositeur, s'est fait entendre
avec un très-grand succès au splendide concert donné par le Casino de
Gand, le 22 février; il a exécuté le concerto en ré mineur de Men-
delssohn, et plusieurs de .■■es propres compositions : Slecple-chase-galop
et caprice sur les Ilujuenots, qui ont été très-applaudis — Nous avons
déjà dit et nous rappelons aux amateurs de bonne mu.sique que le con-
cert annuel de D. Magnus est fixé au 14 mars, à la salle Pleyel.
^•^ Voici le programme du dix-huitième concert populaire de musique
classique qui sera donné aujourd'hui à 2 heures, au cirque Napoléon,
sous la direction de J. Pasdeloup : 1- Jupiter, symphonie de Mozart (alle-
gro, andante, menuet, finale) ; — 2° hymne de Haydn, par tous les ins-
truments à cordes; — 3° ouverture de la Grotte de Fingal de Mendelssohn;
— 1° huitième concerto pour violon de Spohr, exécuté par Mme Norman-
Neruda; — 5' deuxième partie de Romeo et Juliette de Berlioz.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
■>** A l'occasion des jours gras, le théâtre impérial de l'Opéra a donné
quatre représentations consécutives. Dimanche, Robert le Diable; Mlle Mau-
duit y a chanté admirablement le rôle d'Alice et elle y a reçu les com-
pliments du premier chambellan de l'Empereur. — Lundi et mercredi,
Guillaume Tell, et le mardi gras, la Favorite et le Marché des Innocents,
spectacle qu'on a répété vendredi. — Pour demain lundi, on annonce
l'Africaine.
^"^^ Aujourd'hui et mardi, répétitions générales à^Hamlet, dont la pre-
mière représentation est annoncée définitivement pour vendredi 6 mars.
5^*^ Mlle Mauduit, de l'Opéra, a été dimanche l'objet d'augustes félici-
tations après la messe de la chapelle des Tuileries, où la jeune artiste a
chanté admirablement un Benedictus d'Auber.
»*;^ La Part du Diable, dont la reprise est prochaine à l'Opéra-Comique,
sera ainsi distribuée : Léon Achard (Raphaël), Mlle Brunet-Lafleur
(Carlo), Mlle Bélia (Casilda), Mlle Révilly (la reine), M. Gaillard (le roi),
M. PriUeux (Gil Vargas), etc.
^*j^ Quoique l'engagement de Capoul eût encore deux ans à courir,
le théâtre de l'Opéra-Comique vient, à la suite du grand succès qu'il a
obtenu dans Vn Premier Jour de bonheur, de le renouveler pour cinq ans
p. des conditions très- avantageuses pour le jeune ténor.
Uh- PARIS
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*♦* L'engagement qui liait encore jusqu'au I" janvier 1870 Monlau-
bry au tliéâtrc de l'Opéra-Comiquo vient d'être résilié d'un commun ac-
cord, moyennant le paiement du dédit de 30,000 francs stipulé au contrat
et qui ont été comptés au célèbre ténor. C'est le 16 décembre 1838 que
M. Montaubry, qui quittait le théâtre delà Monnaie, à Bruxelles, fit son
débutau théilre de l'Opéra-Comiqiie dans l'opéra les Trois Nicolas.ll en
était donc depuis dix ans le pensionnaire.
^*:j(. Adelina Patti a chanté deux fois de suite cette semaine : lundi
dans la deuxième représentation de Don Giovanni, et mardi dans il
Barbiere. — Une lulte de bravos et de bouquets s'est établie entre
les fanatiques de Mlle Patti et de Mlle Krauss dans l'opéra de Mozart.
Les bouquets pleuvaient comme grêle; une couronne au feuillage d'or
est même tombée aux pieds de cette dernière et a été gracieusement pla-
cée sur sa tête par la charmante Mlle Harris. --- A la leçon de musique
du Barbiere, Adelina Pat.i a chanté un boléro très-brillant tiré de l'opéra
/ Batavi, de Mme Tarbé des Sablons, représenté il y a quatre ans à Flo-
rence, et dont les principaux rôles furent créés par les époux Tiberini.
La jeune diva en a dit les vocalises, et surtout le trait final d'une diffi-
culté inouïe, avec une aisance et un éclat merveilleux. A la demande
générale du public, elle a du en répéter le deuxième couplet L'auteur,
Mme Tarbé, lui en a témoigné toute sa satisfaction par le don d'un bra-
celet de grand prix.
»** Jeudi, mie Harris a chanté le rôle de la Lucia, un de ceux dans
lesquels elle fait le mieux apprécier son talent. — Samedi, c'était le tour
de Mlle Krauss qui s'est rriontrée très-dramatique dans le rôle de
Lucrezia Borgia ; celui d'Alfonso est un des meilleurs de Steller.
^*^ On annonce pour dimanche prochain, 8 mars, au théâtre
Italien, une représentation extraordinaire, organisée par la comtesse
douairière de Tascher au profit de l'œuvre de Saint-Joseph. On y
jouera, pour la première et la dernière fois de la saison. Il Trovaiore,
avec Mlle Patti dans le rôle de Léonora, Mlle Grossi, MM. Nicolini,
Verger et Agnesi. — Le prix des places sera doublé pour cette soirée,
qui sera véritablement extraordinaire.
»% Si l'on en croit les bruits de coulisses, la saison des Italiens se ter-
minerait par Piceolino, sujet emprunté à la pièce donnée par V. Sardou
au Gymnase, dont Mme de Grandval a composé la musique; Piceolino
viendrait après Giovanna d'.irco. — Il est au'Si question de Stella d'Amalfi,
opéra en trois actes du prince Poniatowski, dont le principal rôle chanté
serait interprété par Mme Tiberini, celui de l'héroïne, comme la Fenella,
de la Muette, étant un rôle mimé.
^% Mardi prochain, selon toute apparence, Mathilda di Shabran nous
fera connaître les époux Tiberini.
t*.jg Agnesi n'a pas renouvelé son engagement pour la prochaine sai-
son au théâtre Italien. On regrettera certainement la belle voix et le
talent consciencieux de cet artiste.
,f*,j Adelina Patti est partie hier pour Lille où elle donnera deux re-
présentations. La première, demain lundi, se composera de la Lucia; la
deuxième sera consacrée à Faust, dans lequel elle chantera en français
le rôle de Marguerite.
^*,f Le célèbre ténor Fraschini est en ce moment à Paris.
,*;(: On parle de la création prochaine d'un théâtre qui porterait le nom
de Grélry et dont le répertoire se composerait des ouvrages de l'ancien
Opéra-Comique, aujourd'hui tombés dans le domaine public.
**^ Noire collaborateur, M. Arthur Pougin, vient de découvrir un
opéra en quatre actes inédit, la Princesse de Babijlone, de Salieri, Pélève
et l'émule de Gluck.
;^% M. Duprat vient de traiter avec les théâtres de Marseille et de
Toulon pour la représentation de son opéra Pétrarque, qu'il avait d'a-
bord espéré faire jouer à Paris.
^*^ La Grande-Duchesse vient d'être jouée à Caen et elle y a rencontré
le succès qui l'accueille partout. C'est l'excellente Géraldine et Carrier
qui interprétaient les principaux rôles, dans lesquels ils avaient si bien
réussi sur plusieurs autres théâtres.
*** Notre célèbre ténor Roger rtous paraît bien décidément perdu pour
la France. Les triomphes qu'il rencontre à chaque pas en Allemagne lui
ont fait prendre ce pays en afl'eciion ; et il exprime, dans une lettre
adressée à un journaliste parisien de ses amis, l'intention de s'y fixer. Il
est en ce moment à Pesth ; il devait y donner quatre représentations, il en
a déjà donné dix. Dans les Huguenots, Lucie, la Dame Blanche, Fra-
Diavolo et la Juiue, on l'a fêté avec un enthousiasme sans bornes; des
bravos chaleureux, des rappels, des couronnes lui ont été prodigués. Nous
comprenons que la terre germanique lui semble hospitalière.
**^ Nous avons annoncé que M. Adolphe Blanc, second chef d'orchestre
au théâtre Lyrique, a cru devoir donner sa démission. Il a reçu à cette
occasion de AI. Carvalho une lettre qui le remercie en termes flatteurs
I» du concours artistique et dévoué » prêté par lui à son théâtre. Par son
double talent de violoniste et de compositeur et en raison de l'expérience
spéciale qu'il a acquise, M. Blanc est appelé à occuper un poste impor-
tant et il se recommande tout naturellement aux directeurs do théâtre
et aux présidents de sociétés philharmoniques.
^*;t La recelte du dernier bal de samedi de l'Opéra s'est élevée au
chifl're de 20,000 francs. — Celle do mardi a encore dépassé ce chiffre.
NOUVELLES DIVERSES.
n,*^ Rossini a atteint, hier 29, sa soixante-seizième année. L'état d'indis-
position du maestro ne lui permet pas de célébrer cet anniversaire comme
il le faisait habituellement. Une quinzaine d'amis intimes ont seuls passé
celte soirée chez lui.
*** M. Eug. Tarbé, le critique musical du journal le Figaro, vient
d'adresser sa démission à M. de Villemessant.
,j',t L'éditeur E. Bock, de la maison Bote et Bock, de Berlin, est à
Paris depuis quelques jours, et il s'est rendu acquéreur pour l'Allemagne
de divers ouvrages du maestro Offcnbach.
■j^*^ En raison de l'importance exceptionnelle du grand orgue construit
pour la cathédrale de Paris par la maison CavaiUé-CoU, dont nous avons
annoncé la prochaine inauguration, M. le ministre des .cultes vient de
nommer, pour en vérifier et recevoir les travaux, une commission dans
laquelle l'élément musical est représenté pur Rossini, Auher et Ambroise
Thomas. Se feront entendre dans cette solennité fixée au vendredi 6 mars,
à 8 heures du soir : MM. Saint-Saëns, organiste de la Madeleine, Franck
aîné, organiste de Sainte-Clotilde ; Durand (Saint-Vincent de Paul) ; Chau-
vet (Saint-Merry) ; Loret (Saint-Louis d'Antin) ; Sergent (Notre-Dame) ;
Guilmant, de Boulogne-sur-Mer, et Widor de Lyon.— Parmi les étrangers
de distinclion invités à prendre part à la réception de ce magnifique
instrument, nous remarquons les noms de Lemmens, professeur d'orgue
aux Conservatoires de Bruxelles et de Londres; de MM. de Vroye et Van
Ellewick, président et secrétaire du Congrès international de musique
sacrée de Louvain.
^*^ Les journaux américains assurent que le ténor italien Scoffino
vient de gagner aux Etats-Unis, et avec un seul billet de la loterie des
Minières du Massachussets, la somme de 200,000 dollars, soit un peu plus
d'un million de francs.
^*jf Une grande édition, une édition-modèle des chefs-d'œuvre lyriques
de Gluck, se prépare en France, d'après les partitions autographes, les
notes et préfaces historiques laissées par l'immortel compositeur dans les
archives de l'Académie impériale de musique. On sait que le grand Opéra
de Paris a vu naître les partitions d'Iphigénie en Aulide et en Tauride,
celles à'Armide, et d'Echo et Warcisse.
^*« M. G. Henry Brochon, ancien maire de Bordeaux, président de
la Société Sainte-Cécile et du Cercle philharmonique, vient d'accepter la
dédicace de la Symphonie-fantasia de M. Poil da Silva, lauréat de la
Société Sainte-Cécile. Le larghetto de cette symphonie, qu'on dit être
des plus remarquables, doit être exécuté au prochain festival de la So-
ciété.
^*^ M. A. Ehvart continuera le 9 mars, au lieu du 2 du même mois,
à la maiiie du Prince-Eugène (onzième arrondissement), à 1 heure et
demie, son cours d'enseignement musical pour les jeunes filles. On
s'inscrit au secrétariat de la mairie.
*** Les arts libéraux seront représentés à l'Exposition maritime inter-
nationale du Havre. Les éditions musicales et les instruments de musique,
notamment, sont appelés à figurer dans la septième section. S'adresser
pour les renseignements à M. Tharel, délégué de la direction à Paris,
3, rue Vintimille.
„*f, La deuxième des six livraisons formant la publication des œuvres
choisies d'A. Ehvart a paru hier chez les éditeurs Brandus et Dufour.
— Cette intéressante publication contient trois quatuors pour violon,
alto et violoncelle, et un quatuor avec piano principal.— On s'inscrit, .sans
rien payer d'avance, chez les éditeurs, 103, rue de Richelieu. — Prix
de chaque petite partition des quatuors : 6 francs.
,j:*^ M. Paul Mousskoff, pianiste bien connu de toute la Russie, et
qui dirige à Paris l'instruction musicale de son fils, Nicolas MousskofT,
violoncelliste et élève du Conservatoire, vient d'être cruellement frappé
dans ses plus chères affections. 11 a perdu sa femme, Mme Agrippine,
née Arioli, décédée le 19 février, après une longue et douloureuse
maladie de onze mois. Celte mort imprévue arrête les débuts de
M. P. Mousskoff, dont les concerts étaient prochains.
:^% S. A. la Tsarevna de Géorgie, Anna Pwlovna, vient de mourir à
Moscou a l'âge de 70 ans. Elle avait cultivé avec un égal succès la litté-
rature et les arts; Meyerbeer tenait ses compositions musicales en
flatteuse estime.
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KEVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAKIS.
ÉTRANGER
»*, Londres.— Le grand festival triennal en l'honneur de Hoendel est
fixé au 15 juin prochain, et durera jusqu'au 19. 11 aura lieu au Crystal
Palare, sous la direction de M. Costa.
^*^ Mons. — On vient de jouer l'Etoile du Nord, à la grande satis-
faction de notre public, qui a fait au chef-d'œuvre de Meyerbeer le plus
enthousiaste accueil. MmeMassy, la cantatrice aimée des Montois, a supé-
rieurement rendu le rôle de Catherine. De sincères éloges sont dus éga-
lement à la basse AIzien, et au baryton Fronty, très-remarquable comme
comédien dans le l'ôlo de Gritzonko.
«*, Amsterdam. — Rubinstein a joué, le 1-i février, à un concert de
la société Félix Meritis; il y a rencontré un de ces triomphes auxquel.» il
est depuis longtemps habitué.
.*^ Berlin. — Die Fabier (les Fabius), l'opéra en cinq actes de Lan-
gert, qui vient d'être représenté avec tant de succès à l'Opéra royal, n'est
point un ouvrage nouveau. Nos lecteurs se souviennent sans doute
qu'il a été représenté l'année dernière à Cobourg, puis, sur l'invitation
de l'intendant général des théâtres prussiens, M. de Hiilsen, remanié par
l'auteur en vue de la représentation sur une scène plus vaste et d'un
public plus sévère. Le sujet en a été emprunté par M. G. de Meyern
à un drame classique de Gustave Freytag, tiré lui-même de l'histoire
romaine. Làngert a fait, depuis son opéra la Malédiction du Barde, de
grands progrès du côté du sentiment dramatique; on sent, dans les Fabius,
une largeur de conception, une sûreté de main qui révèlent un maître.
La partie sentimentale (les amours de la jeune patricienne Fabia et du
plébéien Iciliu.s) est aussi très-heureusement traitée, avec une simplicité
tout antique. — On a particulièrement applaudi, à la l" représentation,
le finale du premier acte, le duo d'amour du second, les saturnales et la
marche au troisième, le quatrième acte tout entier, enfin un autre duo
d'amour au cinquième, ainsi que le dernier finale. Mlle Griin (Fabia),
Woworsky (Icilius), Betz (i\Iarcus), se sont partagé les applaudissements.
A la seconde représentation, le succès est allé encore en croissant. Après
le quatrième acte, Langert a dû se rendre aux appels réit('rés d'une
foule enthousiaste et paraître sur la scène. Betz, l'excellent baryton, a
été également l'objet d'une ovation très-méritée. — M. de Hiilsen, en pré-
sence d'un triomphe aussi décisif, a demandé à Langert un nouvel
opéra, mais un sujet plus moderne.
^*^ Hambourg. ~~ La troupe italienne Lorini, du théâtre Victoria de
Berlin, donne en ce moment des représentations ici. Elle les a inaugu-
rées avec la Traviata, Rigolelto et Norma, et de la manière la plus heu-
reuse. Grand succès pour la Sarolta et pour le baryton Padilla, le meil-
leur chanteur de la troupe.
^•^ Barcelone — Grâce à Dinorah, le Liceo fait de brillantes et fruc-
tueuses soirées. Mlle Vitali est toujours aussi charmante et aussi fêtée.
Son jeu n'est pas moins remarquable que son chant ; dans la scène finale
surtout, elle déploie un talent dramatique qui ne s'était pas encore révélé
en elle à un si haut degré.
,♦» Milan. — Pietro da Padova, opéra nouveau dû au maestro Eitore
Fiori, a été donné avec succès au Carcano. On compte sur un bon nom-
bre de représentations. — A la Scala, on fonde de grandes espérances
sur Mefistofek, poëme et musique d'Arrigo Boito, qui sera représenté au
commencement de mars. — Mlle Ostawa Tornquist, la gracieuse canta-
trice qui a fait récemment un si heureux début dans Rigoktto, change,
pour suivre la carrière italienne, son nom en celui de Torriani.
^*^Varsovie. — Mlle Artôt, qui va nous quitter, avait choisi pour son bé-
néfice la Favorite. Malgré l'absence du vice-roi et de plusieurs notabili-
tés de l'aristocratie, la salle était comble. La célèbre cantatrice s'est sur-
passée dans le chef-d'œuvre deDonizetti et l'enthousiasme a éclaté par des
bravos prolongés et des rappels sans fin. Outre la somme de sept mille
francs qu'a produite le bénéfice, Mlle Artôt a reçu en don un magnifique
bracelet de turquoises et de brillants de plus de 3,000 francs; il était accom-
pagné d'un bouquet des fleurs les plus rares qui avait coûté 100 rou-
bles argent (3S0 fr.)
^*^ Saint-Pétersbourg. — Les Huguenots, donnés pour la dernière re-
présentation de Pauline Lucca, et au bénéfice de Mario, ont été pour les
deux éminents artistes l'occasion d'un éclatant succès. Mario était ce
soir-là en pleine possession de ses moyens ; quant à Pauline Lucca, elle
ne s'était jamais montrée plus passionnée et plus dramatique. — Elle est
partie pour Berlin, emportant de l'admiration des dilettantes russes,
pour un mois à peu près de séjour, une preuve sonnante, c'est-à-dire
25,000 roubles représentant 80,000 francs, outre de riches cadeaux.
— Mme Volpini est rengagée pour trois mois, à de belles conditions
aussi : 60,000 francs et un bénéfice. Leurs Majestés lui ont fait
remettre une étoile d'or garnie de quarante magnifiques brillants. L'im-
présario Merelli est venu aussi l'engager pour quelques représentations à
Varsovie. — Crispino e la Cmnare vient d'être donné au théâtre Italien.
L'un des auteurs, F. Ricci, qui était présent, a été rappelé trois fois. On
a fait également de chaleureuses ovations à Mme Volpini, à Zucchini et à
Calzolari.
CONCERTS ET AUDITIONS MUSICALES ANNONCÉS.
Salons Pleyel-Wolif, lundi 2 mars: concert de Mlle Dona de Potier,
élève de Liszt, avec le concours de Mlle Castri et de MM. Telesinsky,
Teysson et Audran.
Salons Pleyel-Wolff, mardi 3 mars : quatrième séance populaire de mu-
sique de chambre de MM. Ch. Lamoureux, Colblain, Adam et
Poëncet .
Salle Herz, vendredi G mars : grand concert donné par Ch. de Bcriot,
avec le concours de Mme Monbelli et de M\I. Géraldy, Pagans , Si-
ghicelli, Loys et Maton.
Salons Pleyel-Wolff, mardi 10 mars: concert de G. Jacobi, premier vio-
lon de l'Opéra, avec le concours de Mlle Bloch et de MM. Colin et
Caron, de l'Opéra, et de Mlle Duval, de l'Opéra-Comique.
Salle Herz, mercredi \\ avril : deuxième soirée de musique de chambre
de MM. Maurin , Colblain, Mas et Dcmunck, avec le concours de
M. C. Saint-Saëns. — Pour la première fois, quatuor de Schumann.
s. DDFOUR.
Chez G. BRANDVS et S. DUFOVR, éditeurs, 103, rue de RicJielieu.
SOUVEiMR DU CASINO DE NICE
Polka-mazurka pour le piano, composée par
Charles Muller
Chef d'orchestre à Nice.
Prix: 3 fr. Ornée du dessin du Casino de Nice. Prii: 5 fr.
TROIS BAGATELLES
Prix : 7 fr. 50.
Pour le pi ano , par
M. Espargul
Prix : 7 fr. 50.
Fantaisie de concert sur Robert le Diable
Composée pour le violon par D. Alard,
Arrangée pour la flûte avec accompagnement de piano,
Op. 54. Par J. DENEUX 10 fr.
CARTES-PORTRAITS, AVEC MUSIQUE, PHOTOGRAPHIÉES
Cette nouvelle collection se recommande particulièrement par ses por-
traits tout artistiques et d'une grande ressemblance; par la perfection de
la musique photographiée, dont les types, quoique aussi réduits que pos-
sible, sont cependant très-lisibles; enfin par un format exceptionnel qui
la rend vraiment portative. Rien de plus commode, en effet, que de
pouvoir placer dans sa poche un étui renfermant vingt à trente cartes-
musique; rien de plus gracieux à offrir comme cadeau.
N. B. — La collection s'augmentera successivement et de façon à offrir
le choix le plus varié.
IHPBIMEKIE CEKTBftLE DES CHEHINS DE FEB* — A. CHAIX ET C, BUE BEBGÊBE, 30, A PABI5.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
35° Année.
N' 10.
8 Mars 1868.
ON S'ABONNE :
Danft les DépartomenU et à l'Étranger,
chez tous les Uarchonds de Uusique, Us Libraires»
«t aux Durcîaux dei Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE, L'ABONNEMENT:
Paris. 54 r. par a
Dûpartcmcnts, Belgique et Suisse.... liO i id.
te Journal parait te Dimanche»
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Histoire de la musique instrumentale {&' article), par Han-
rice Cristal. — Une séance de musique intime, par Ii. Kreutzer. —
Ministère de la maison de l'Empereur et des beaux-arts, direction générale des
théâtres. — Nécrologie : Edouard Monnais, par Fétis père. — Revue des
théâtres, par l>. A. D. Sniiit.Yies. — Concerts et auditions musicales
de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. —
Concerts et auditions musicales annoncés. — Annonces.
mSTOUlE DE U MUSIQUE INSTRUMENTALE
(8« article) (1).
Cependant la réputation de Bocchenni, comme compositeur et
comme virtuose., grandissait. Sur les éloges qu'on lui en fit, l'am-
bassadeur d'Espagne à Paris voulut l'entendre, ainsi que son com-
pagnon de voyage, et, charmé k son tour, les pressa tous les
deux de se rendre à Madrid, les assurant de l'accueil le plus gra-
cieux de la part du prince des Asturies, grand amateur de musi-
que, qui régna plus tard sous le nom de Charles IV.
Séduit par les espérances de faveur et de fortune que lui don-
nait son nouveau protecteur, charmé d'une proposition qui sem-
blait lui ouvrir un splehdide avenir, Boccherini partit avec son
ami pour la capitale de l'Espagne. Manfredi n'était venu à Ma-
drid que dans le dessein d'amasser des richesses. Il ne négligea
rien de ce qui lui en pouvait faire acquérir. Boccherini , plus ar-
tiste, se préoccupa plus de sa gloire que du soin de thésauriser.
Son début en Espagne ne fut point aussi heureux qu'il l'avait
espéré. Il avait apporté avec lui son troisième livre de trios, Per
la corte de Madrid, qu'il s'empressa de dédier au prince des As-
turies. Immédiatement après il composa un concerto , A piu stro-
menti obligati. Quel effet produisirent ces œuvres sur l'esprit du
roi et de son fils aîné en faveur de Boccherini, on ne saurait le
dire exactement; mais il est hors de doute que le grand compo-
siteur n'obtint pas les distinctions promises à son mérite par
l'ambassadeur d'Espagne.
L'intérêt dont le roi et l'héritier présomptif l'honorèrent est
(I) Voir les li"' 38, 40, 42, 4i, -JC de l'année 1867, cl les n"" 3 et 9.
fort problématique. Ce fut l'infant don Louis, frère de Charles III,
qui répara cette injustice et lui seul, naturellement, qui récolta la
reconnaissance. On remarque en effet, dès son arrivée à Madrid,
que Boccherini écrivit pour son protecteur six quartetti qu'il lui
dédia en prenant le titre de « compositore e virtuoso di caméra di
S. A. R. don Luigi infante d'Espagnia. » Tous les manuscrits de
l'auteur reproduisent invariablement, sur leur feuille de tête, cette
qualification unique , sans qu'il y soit fait mention d'autres per-
sonnages jusqu'à la mort de l'infant, arrivée le 7 août 1785. A
partir de cette époque, au contraire, on voit Boccherini étaler
avec une sorte de complaisance les différents titres dont il était
revêtu, et les noms de ses protecteurs nouveaux.
Dès 1787, Boccherini travailla à peu près exclusivement pour
Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse, et ensuite pour Lucien Bo-
naparte ; mais il avait trop la conscience de sa valeur, il aimait
trop la gloire pour permettre qu'on enfouît dans la poudre d'une
bibliothèque même royale les plus belles inspirations de sa muse.
Il voulait que ses ouvrages fussent publiés, répandus, et ce qui le
prouve c'est qu'en composant pour l'usage particulier, soit de
l'infant don Louis, soit de Frédéric-Guillaume II, soit de Lucien
Bonaparte, il envoyait indistinctement copie de toutes ses œuvres
aux éditeurs étrangers qui possédaient sa confiance.
Le peu de bonheur que l'illustre maître devait goûter en Espa-
gne fut brisé par la mort de l'infant don Louis. Tant que vécut
son protecteur, Boccherini fut à l'abri du besoin. Il connut les
soucis d'une existence précaire dès que le prince artiste et géné-
reux fut mort. La jalousie de Brunetti lui avait nui d'ailleurs au-
près du roi et de l'héritier présomptif, dès les premiers temps de
son arrivée à Madrid.
Ce Brunetti était un violoniste non sans mérite, et chef de la
musique du prince des Asturies. Il était compositeur agréable de
musique frivole, et il n'avait publié que des ouvrages médiocres,
lorsqu'à Madrid son talent se mûrit et plus tard même se trans-
forma, en sorte que ses dernières œuvres méritent de réels éloges.
Tout porte à croire que l'effet produit sur lui par les compositions
de Boccherini et les conseils de ce grand musicien exercèrent la
plus heureuse influence sur ses inspirations. Néanmoins la jalousie,
la crainte de se voir supplanter par un homme dont la supériorité
n'était pas contestable, le désir de ne se voir partager avec personne
74
UEVUE ET GAZETTE MUSICALE
la faveur royale, lui firent payer de la plus noire ingratitude les
services qu'il avait reçus de Boccherini.
Le compositeur lucquois avait sur Brunelti l'avantage du génie :
mais ce dernier, doué de l'esprit le plus raffiné et le plus adroit,
prenait sa revanche dans l'intrigue ; souple et artificieux, il ne
négligea rien pour lui aliéner l'esprit du prince. Le digne artiste
voyait bien que son élève employait toute son adresse à lui nuire,
mais il n'avait pas l'habileté nécessaire pour déjouer ses manœu-
vres, et il crut qu'il suffisait de mépriser une conduite perverse,
tandis qu'il eût dû la signaler à ses protecteurs et la flétrir sans
pitié dès les premiers instants.
Le prince des Asturies ne marqua d'abord qu'une grande froi-
deur pour Boccherini et de l'indifférence pour sa musique; mais
une circonstance fortuite vint donner un éclat subit aux sentiments
de mésestime et aux préventions que Brunetti avait fait naître
dans soi! esprit. Don Louis, oncle de "Charles IV, alors prince des
Asturies, conduisit un jour Boccherini chez son neveu pour lui
faire entendre de nouveaux quintettes de son maître favori. La
musique est placée sur les pupitres. Charles prend dans la boîte,
qui était ouverte, son archet et entame la partie des premiers vio-
lons qu'il se réservait toujours. Dans cette partie figurait un pas-
sage qui, pris isolément, semblait d'une certaine longueur et d'une
complète monotonie : ut, si, ut, si. Ces deux notes, rapidement
coulées,. se répétaient constamment. Le roi les attaque bravement,
continue, poursuit l'invariable dessin, et, absorbé par son jeu,
n'écoute pas les accords ingénieux introduits au-dessus comme
au-dessous de cette pédale intérieure. Bientôt il s'impatiente, puis
il ricane, toujours en jouant. A la fin sa mauvaise humeur prend
le dessus et, abandonnant son violon, il se lève et s'écrie :
— Quelle musique détestable ! le pire des élèves la ferait moins
mauvaise !
Boccherini était un homme doux, poli et patient; le peu de
courtoisie que le prince lui témoignait ne l'avait jamais découragé;
il savait d'ailleurs quel compte il faut tenir de la faveur des
grands, et il n'aurait jamais hasardé une de ces réponses dont l'in-
convenance prend un caractère d'autant plus grand que le rang
de ceux à qui elle s'adresse est plus élevé. Il se défendit donc
avec prudence et modestie, mais non sans fermeté :
« — Sire, dit-il, que Votre Majesté veuille bien accorder quelque
attention aux jeux qu'exécutent le second violon et la viole, ainsi
qu'au pizzicato que le violoncelle fait entendre en même temps.
Le trait dont l'apparente monotonie lui déplaît varie de carac-
tère dès que les autres instruments se mêlent au discours.
— Plaisante conversation, répliqua aigrement le roi. Ut, si; ut,
si, pendant une demi-heure. C'est de la musique pour rire, ou
bien une ânerie d'écolier.
— Pour porter un semblable jugement. Sire, il faudrait être
musicien. »
La réplique était méritée, mais elle était périlleuse, et l'événe-
ment le prouva. La brutalité n'était pas chose rare chez ce prince
qui, doué d'une force herculéenne, prenait plaisir à se mesurer
avec des palefreniers et des portefaix, et qui prétendait imposer
sa loi aux ministres de son père, poursuivant l'un l'épée à la main,
accablant l'autre de soufflets, et bâlonnant lui-même un troi-
sième. On comprend quelle furie dut déchaîner chez cet homme
irascible et prévenu la réponse fière de Boccherini.
« — Insolent! s'écria Charles IV, et, bondissant de colère, il
saisit le maître par ses vêtements, l'enleva à bras tendu, le fit
passer en dehors d'une fenêtre et le suspendit au-dessus de l'abîme,
où il l'eût précipité sans l'intervention de la reine.
— Sire, lui dit-elle, tout éplorée et pleine d'effroi, au nom de
la religion et par respect de vous-même, n3 tuez pas cet homme ! »
Rappelé à lui, le roi fit un demi-tour et rejeta violemment
l'artiste à l'extrémité de l'appartement. Boccherini, tout contu-
sionné, se réfugia dans une pièce voisine, et échappa ainsi
à un retour de colère dont sans doute aucune intervention ne
l'aurait pu sauver. — Boccherini, ainsi méconnu et dédaigné, s'oc-
cupa de trouver hors de l'Espagne un appréciateur plus juste et
plus éclairé. Parmi les souverains dont la musique faisait les dé-
lices, le roi Frédéric-Guillaume II se distinguait alors autant par sa
munificence envers les artistes que par son goût pasiionné pour
le violoncelle dont il jouait admirablement. Boccherini songea à
lui dédier un de ses ouvrages, ce qu'il fit par l'intermédiaire de
l'ambassadeur de Prusse près la cour de Madrid. Il ne tarda pas
à recevoir du roi-virtuose une lettre des plus gracieuses, accompa-
gnée d'une superbe tabatière remplie de frédérics d'or et du di-
plôme de compositeur de la chambre de Sa Majesté.
A partir de ce jour, Boccherini écrivit exclusivement pour le roi Fré-
déric-Guillaume II, comme le témoignent tous ses manuscrits de-
puis 1787, ainsi que cette note de son catalogue thématique auto-
graphe de la même année : « Tutti le sequenti opère sono state
scritte espressainente per S. M. il re di Prussia. »
MAuniCE CRISTAL.
(La suite p)iOchai7iement.)
UNE SËÂNCE DE MUSIQUE INTIME.
Peut-être les lecteurs de la Gazette se souviendront-ils encore
d'un vieux collaborateur, alors que les uns meurent, et que d'au-
tres, délicats esprits, parlent trop rarement.
Ce bon, ce cher, cet excellent Monnais, ce charmant homme,
si rapidement enlevé!... Mais il faut essuyer ses larmes, et courir
aux vivants : c'est la vie !
Je prends goût de plus en plus aux séances de musique intime.
On écoute tranquillement; on peut échanger ses impressions avec
celles de voisins intelligents. Celte boîte à torture qu'on appelle
une stalle de concert est une vraie souffrance. Après trois heures
de supplice, on sort l'esprit et les jambes tout endoloris.
Dernièrement, nous étions à souhait chez M. Damcke. J'espérais
y voir Berlioz, la tête ceinte de sa couronne de triomphateur...
Il était parti pour Monaco, afin de dégeler un peu ses glaces de
Russie, sous ce magnifique ciel.
Pour nous dédommager, nous avions une excellente musique :
d'abord un duo de M. Damcke pour piano et violoncelle. Mme
Damcke tenait le piano. Ce duo est charmant; il a été joué en per-
fection comme style, comme netteté de doigts et comme exacti-
tude. Le premier morceau a les nobles allures de toute oeuvre
classique qui se présente devant un aréopage sévère. L'adagio of-
fre un chant ininterrompu, mais divisé dans les deux instruments;
un chant plein de grâce scientifique, ou plutôt de science gracieuse.
Comment concilier cette antithèse ? Ceux qui connaissent les
grands maîtres me comprendront. Puis, vient le finale où le pro-
fesseur s'en donne à cœur joie avec le contre -point renversé : pur
caprice de maître. Mais cela est très-fin, très-délicat, très-spirituel,
et point du tout savant, excepté pour les doctes qui savent re-
trouver la haute science sous l'apparence du simple badinage.
Mme Massart, Massart et Jacquard ont dit ensuite le trio en »-é
de Beethoven. C'est une merveille d'originalité et de concision ;
de l'air tissu, comme dit le poëte. Je dirais presque (n'était cet
adagio sublime) du Beethoven heureux. Le finale est un diamant.
Heller me le disait avec bien de la raison : c'est une ode d'Horace,
une épigramme de Martial. El cela est bien vrai : ce finale semble
taillé à l'emporte-pièce dans la forme d'acier du vers latin. Com-
paraison n'est pas raison, mais presque toujours l'analogie a rai-
son. Il faut se servir de beaucoup d'images pour exprimer les sen-
DE PARIS.
75
salions que nous lait éprouver la musique, le plus indescriptible
des arts.
Admirable exécution, je n'ai pas besoin de le dire. Mme Mas-
sart reine du piano! Massart jouait sur son stradivarius. « Bien
rugi, vieux lion ! » (En ce moment je suis plein de Shakspeare.)
Jacquard jouait sur un Bergonzi; — Bergonzi est un vieux facteur
italien, moins connu que son maître Stradivarius. Eh bien! cette
basse est parfaite de tout point : force et velouté. Vous me direz
que le talent de l'artiste y était sans doute pour beaucoup, et j'en
conviens.
Et ensuite, Jacquard nous a joué de vraies, mais de vraies études
de concert, remplies de mélodies et de rhythmes charmants. Mais
où donc seront-elles gravées? Ici peut-être, et ce serait bien mon
vœu 1
L. KREUTZER.
MINISTÈRE D£ U HÀISON DE L'EmPEREUR
ET DES BEAUX-ARTS-
DIRECTION GÉNÉRALE DES THÉÂTRES.
Le concours, institué au théâtre impérial de l'Opéra, pour la
composition d'un poëme destiné à être mis en musique, sera clos
délinitivement le 15 mars présent mois.
Les auteurs qui y auront pris part sont invités à se réunir le
mardi 17 mars, à une heure, au ministère de la Maison de l'Em-
pereur et des Beaux-Arts, dans le cabinet du directeur général des
théâtres, pour élire eux-mêmes le jury chargé de juger les poëmes
envoyés au concours.
Ils seront admis sur la présentation du titre de leur poëme et
de l'épigraphe annexée à leur manuscrit.
NECROLOGIE.
EDOUARD HONIVAIIS.
La mort d'Edouard Monnais a frappé douloureusement à plus
d'un titre la rédaction de la Revue et Gazette musicale de Paris.
Non-seulement il y avait été attaché pendant trente trois ans et en
avait été un des collaborateurs les plus actifs et les plus féconds,
mais les précieuses qualités de son cœur et de son esprit lui
avaient conquis l'amitié dévouée des fondateurs et propriétaires de
cette tribune de l'art, ainsi que l'estime de ses confrères en criti-
que. Doué de bienveillance naturelle, distingué dans ses manières,
et toujours retenu dans les limites d'uns exquise politesse lorsque
ses convictions ne lui permettaient pas d'être élogieux, il ne comp-
tait que des amis. Les regrets de tous l'ont suivi dans la tombe.
Guillaume-Edouard-Désiré Monnais était né à Paris le 27 mai
1798, et touchait à sa soixante-dixième année. Ses études avaient
été plus littéraires que musicales; il est même douteux qu'il ait
jamais effleuré celles-ci, car il était destiné au barreau, et fut reçu
avocat en 1828. Préférant la carrière des lettres à toute autre, dès
l'âge de vingt ans il essaya sa plume dans plusieurs journaux,
sans être attaché spécialement à aucun. Plus tard, séduit par les
succès de la scène, il s'y hasarda et donna en collaboration à divers
théâtres : Midi ou l'Abdication d'une femme, — le Futur de la
Grand' Maman, — la Première Cause, — la Contre- Lettre, — les
Trois Catherine, — la Dédaigneuse, — le Chevalier servant, — Un
Ménage parisien, — le Cent-Suisse (à l'Opéra-Comique) , — Sullana
(idem). Cependant des travaux plus sérieux préoccupèrent Edouard
Monnais à la même époque, car il prit part aux ouvrages de Mar-
changy et de Tissot, pour lesquels il lit de grandes recherches, et
il dirigea les Ephémérides universelles, dont il publia 13 volumes
in-S».
Entré dans la rédaction du Courrier français, au mois de
juillet 1832, pour y rédiger le feuilleton des théâtres, il se fit dès
lors remarquer par la solidité de sa critique ainsi que par l'élé-
gance de son style. Sollicité en 1835 de prendre part à la rédac-
tion de la Gazette musicale, il accepta cette proposition; cependant
sa position au Courrier français l'obligea de n'y paraître que sous
le pseudonyme de Paul Smith. Les articles qu'il y a fait insérer
dans l'espace de plus de trente ans sont en nombre très-considé-
rable. Ainsi qu'il a été dit tout à l'heure, Monnais n'était pas mu-
sicien, ce qui l'obligea, dans les premiers temps, de faire de la critique
un peu à côté de l'objet principal d'un journal spécial de musique.
Il y publiait en feuilletons des nouvelles ou romans dont les sujets
se rattachaient d'une manière plus ou moins directe à cet art. Les
titres de ces nouvelles, qui parurent ensuite en volumes, sont :
1° Esquisses de la vie d'artiste; 2° Portefeuille de deux cantatrices;
3" les Sept notes de la gamme. Ainsi qu'il arrive toujours d'un
homme bien organisé, l'habitude d'entendre, de comparer, d'ana-
lyser, fit acquérir par degrés à Monnais la rectitude de jugement
nécessaire pour bien parler de la musique, au moins dans les
impressions générales qu'elle produit. Les circonstances, d'ailleurs,
le secondèrent. Ayant été nommé, en 1840, commissaire du gou-
vernement près les théâtres lyriques et du Conservatoire de mu-
sique ; prenant part aux travaux du comité d'enseignement de cette
école, et incessamment en relation avec les grands artistes qui en
ont fait partie, il acquit par là une connaissance suffisante des choses
dont il avait à traiter dans sa critique, et son intelligence, son bon
sens, lui venant en aide, il fit remarquer dans ses comptes rendus
des productions de l'art une justesse d'aperçus que relèvent la
politesse du langage et l'urbanité de la forme.
Monnais a fourni quelques articles de critique musicale à la Re-
vue contemporaine sous le pseudonyme de Wilhelm. Dans les
années 1851, 1853, 1859 et 1862,. il a été chargé d'écrire les
poëmes des cantates destinées aux grands concours de composition
musicale, qui étaient alors jugés par l'Académie des beaux-arts de
l'Institut de France ; ces ouvrages ont pour titre : le Prisonnier,
le Rocher d'Appenzell; Bajazet et le joueur de flûte, Louise de
Mazières.
Le dernier travail de Monnais a été une monographie de Charles-
Marie de Weber, d'après le livre allemand publié par M. Max-
Marie de Weber, fils du célèbre artiste. Insérée en variétés dans
la Revue et Gazette musicale, cette monographie n'est malheureu-
sement pas achevée.
Dans ce dernier hommage rendu à la mémoire d'un homme
excellent et d'un écrivain distingué, je n'ai pas eu le dessein de
faire un panégyrique : j'ai dit simplement ce que fut Monnais
comme homme et comme critique. Ceux qui le connurent, c'est-à-
dire ses amis, me rendront cette justice que je n'ai exagéré ni son
mérite, ni les regrets inspirés par sa mort.
FÉTIS père.
REVUE DES THÉÂTRES. ,
Odéok : Reprise de Kean. — Porte-Saint-Martin : La Jeunesse des
Mousquetaires. — Gaité : La Reine Margot. — Gymnase : Un
mari comme on en voit peu, comédie en un acte par M. Léon
Desrosiers; Comme elles sont toutes, comédie en un acte par
M. Charles Narrey. — Vaudeville : Les Rivales, comédie en
quatre actes, par M. Amédée Rolland. — Variétés : Reprise de
la Grande-Duchesse de Gérolstein. — Palais-Royal : Paul Faut-
76
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
rester, parodie par MM. Siraudin et Marc-Leprévôt. — Théatre-
Déjazet : Le Genièvre de Bréhant, vaudeville-revue en trois ta-
bleaux, par M. Flor O'Squarr.
Quand les théâtres oîi le drame domine se trouvent dans un mo-
ment d'embarras, ils ont recours aux vieilles œuvres d'Alexandre
Dumas, et presque toujours ils n'ont qu'à se louer de l'expédient.
Il y a une telle puissance, une telle vitalité dans la plupart des
productions de ce maître des dramaturges, que le public ne se
lasse pas, dans une certaine mesure, de leur prodiguer ses écus et
ses applaudissements. Hier, le petit théâtre de Cluny affirmait son
existence par la reprise à'Antomj, aujourd'hui trois théâtres à la
fois étalent le nom magique d'Alexandre Dumas sur leurs affiches,
et tous trois font d'excellentes recettes.
A rudéon, c'est Kean que la direction a choisi et monté avec
le plus grand soin. Le souvenir de Frederick- Lemaître, dans ce
rôle multiple, dont les phases se résument dans ces deux mots :
Désordre et génie, serait écrasant pour tout autre comédien que
Berton. Mais, sans avoir l'ampleur, l'autorité souveraine de son
prédécesseur, Berton possède d'éminentes qualités qui lui permet-
tent d'alfronter les périls de la comparaison. Si ses effets ne sont
pas les mêmes que ceux de Frédérick-Lemaître, il en trouve l'équi-
valent dans toutes les parties du drame qui demandent de la dis-
tinction, de la jeunesse et de la passion. A côté de lui, Reynald
se fait remarquer dans le personnage du prince de Galles, et
Mlle Sarali Bernhardt dans le rôle d'Anna Daniby.
— Pour réunir en un seul faisceau les lauriers d'Alexandre Du-
mas, disons tout de suite que la Jeunesse des Mousquetaires a re-
paru triomphalement à la Porte-Saint-Marlin, avec Mélingue dans
le rôle de d'Artagnan, Tisserant dans celui d'Athos, et Mme Vigne
dans celui de Milady.
— Le succès de la Reine Margot n'a pas été moins éclatant à la
Gaîté, oi!i Coconas est joué par Dumaine, Charles IX par Lacres-
sonnière, et où les principaux rôles de femmes sont parfaitement
remplis par Mlles Jane Essler, Céline Montaland et Mme Lacroix.
— Le Gymnase, sans renoncer au Comte Jacques ni à Miss Su-
zanne qui n'ont pas dit leur dernier mot, a complété l'attrait de
ce spectacle par deux petites pièces nouvelles, dont la réussite n'a
pas été douteuse. Il faut cependant constater une légère différence
dans l'accueil fait à chacune d'elles. La première. Un Mari comme
on en voit peu, est une comédie à poudre, dont l'allure est passa-
blement surannée. On y voit un financier, épais et lourd en appa-
rence, qui a une jeune femme placée entre l'amour ardent d'un
petit-cousin et les redoutables poursuites d'un grand seigneur. En
dépit de son enveloppe ridicule et vulgaire, le mari trouve moyen
d'éconduire ses deux rivaux et de rester seul et unique possesseur
de sa gentille moitié. C'est Pradeau qui joue le rôle du financier,
et qui soutient cette comédie.
La seconde, d'un mérite plus réel, n'a pas besoin d'autre appui
qu'elle-même. Néanmoins, quelques portraits de femmes, agréable-
ment tracés, donnent-ils le droit à l'auteur de s'écrier : Voilà
Comme elles S07it toutes? C'est là une prétention qui frise le para-
dose, et, en fin de compte, la comédie de M. Charles Narrey a
soin de se donner à elle-même un démenti formel. Deux jeunes
dames, dont les caractères forment le plus piquant contraste, se
disputent le cœur d'un homme du meilleur monde, et, par rémi-
niscence d'une aventure du siècle dernier, elles en appelleraient
volontiers au sort des armes si elles n'avaient peur de se défigurer,
lorsque soudain le tendre objet de cette guerre à mort paraît et
fait un faux pas qui prête à rire aux deux antagonistes. Du même
coup, le voile est déchiré, mais il y a là une troisième femme qui
n'a pas ri de cette chute malséante et qui, comme le troisième
larron de la fable, s'accommode du butin en litige. Toutes les
femmes ne se ressemblent donc pas I A cette réserve près, la pièce
de M. Narrey est charmante et a été très-vivement applaudie.
Elle est d'ailleurs fort bien interprétée par Porel, ainsi que par
Mlles Pierson et Angelo.
— Le Vaudeville a été moins heureux avec les Rivales, de
M. Amédée Rolland. Elles sont moins gaies en effet que celles du
Gymnase, et l'homme qui les divise est bien plus ridicule que
celui de Comme elles sont toutes, quoiqu'il ne se laisse pas choir
à temps. C'est un M. de Fresnes qui vient retrouver en Bretagne
deux jeunes cousines, Adrienne et Berthe, dont la première semble
destinée à devenir sa femme. Mais la vue de Berthe change les
dispositions de M. de Fresnes; il ne veut plus entendre parler
d'Adriennc, et la situation se complique d'une troisième femme
qui vient à son tour jeter ses droits dans la balance. Berthe est
bien près de succomber dans cette lutte inégale, mais un dénoû-
ment anodin arrange tout à la satisfaction de chacune et M. de
Fresnes se marie selon son goût et sa convenance.
Cette pièce malencontreuse n'a pas moins de quatre actes, dont
les deux premiers ont été écoutés dans un morne silence, et dont
les deux autres ont provoqué plus d'un rire ironique. Les princi-
paux rôles sont pourtant bien joués par Mme Doche,par Mlle Cel-
lier et par Desrieux. Mais que faire d'une série de situations im-
possibles et présentées parfois d'une façon puérile? Seul, Saint-
Germain est parvenu à tirer un bon parti du personnage d'un
maître clerc de notaire qui veut à tout prix conquérir une étude.
Ce tj'pe aurait peut-être pu sauver la pièce s'il avait eu plus
d'importance.
— Citons, pour mémoire, une parodie de Paul Forestier qui se
joue au Palais-Royal sous le titre de Paul Faut-Rester, et qui, à
la faveur des cocasseries de Brasseur, de Luguet et de Lassoucbe,
se maintient sans trop de désavantage à côté des Jocrisses de l'a-
mour.
— Une parodie, inspirée par la Geneviève de Brabant de l'uni-
versel Offenbach, attire du monde au Théâtre-Déjazet. Le Genièvre
de Bréhant n'est du reste qu'un prétexte pour défrayer les trois
tableaux d'une l'evue qui embrasse toutes les actualités du jour.
D. A. D. SAINT-YVES.
CONCERTS ET AUDITIONS DUSICÂLES DE LÀ SEUIÂINE.
»*4 Des quatre concerts annoncés pour cet hiver aui Tuileries, le
premier a eu lieu lundi dernier 2 mars. Mme Neruda-Norman, dans la
fantaisie - caprice de Vieuxtemps, a été accueillie par des suffrages una-
nimes; nous signalerons encore, parmi les morceaux exécutés, un
chœur de Mdise, l'air de l'Ombre du Pardon de Floërmel, dit d'une façon
ravissante par Mme Marie Cabel et le quatuor de Martlia, qui, chanté par
Mlles Nilsson et Roze, MM. Capoul et Crosti, a produit le meilleur effet,
enfin plusieurs morceaux de la nouvelle partition d'Auber , le Premier
lourde bonheur. — Demain lundi second concert, avec Mme Carvalho et
Capoul ; mardi 17, troisième concert avec les principaux artistes de l'O-
péra ; enfin lundi 23, quatrième concert avec Mlle Patti, Grossi et plu-
sieurs artistes des Italiens.
^*i; Parmi les concerts aristocratiques, nous mentionnerons encore celui
de M. de Nieuwerkerke, où nous retrouvons Mme Norman-Neruda et son
magique archet, et où Mlle Angèle Cordier a supérieurement dit l'air
de i< l'Ombre » du Pardon de Ploërmet, puis celui du duc de Galliera, dont
Vivier et Adelioa Patti se sont partagé les honneurs ; on a y particulière-
ment applaudi la suave élégie du célèbre corniste, intitulée la Plainte, oùle
cor et la voix se fondent en un harmonieux ensemble, et où le mélan-
colique instrument fait entendre des accords de trois et quatre sons.
Vivier y a obtenu un véritable triomphe. On a acclamé également Gar-
doni et Steller dans le duo de Dinorah. —Vivier n'a pas été moins fêté
dans le beau concert donné mercredi chez la duchesse Pozzo di Borgo,
et où il a exécuté la Sérénade de Schubert accompagnée par la harpe et
la romance de Joseph. — Dans cette même réunion, Gardoni a délicie,u-
sement chanté la romance de Martha et Mlle Harris l'air de la Flûte
enchantée.
DE PARIS.
77
:»*, Le concert populaire de dimanche a consacré pour la troisième
fois l'immense talent de Mme Norman-Neruda. La célèbre violoniste y a
joué, sur l'invitation de J. Pasdeloup, la Gcsamjs-scene (scène de chant,
huitième concerto) de Spohr. Très-probablement, Mme Neruda n'aurait
pas donné la préférence à ce morceau qui, malgré les beautés qu'il ren ■
ferme, offre une assez grande sécheresse; mais tel quel, il a été exécuté
de façon à soulever en faveur de la virtuose les bravos les plus enthou-
siastes. — Nous constatons aussi avec grand plaisir l'accueil très-favo-
rable fait aux fragments de Faust, de Berlioz. L'auditoire a été unanime
pour les applaudir.
^*^ Les artistes qui prêtent avec tant de. bonne grâce un concours tout
à fait désintéressé aux soirées organisées par les sociétés de bienfaisance
méritent plus que tous les autres nos éloges, surtout quand ils joignent à
la charité le charme d'un réel talent. Citons aujourd'hui deux noms fé-
minins à la suilo du concert donné pour l'Orphelinat de Sainte-Marie.
Mlle Angèle Godefroid, de l'Upéra, dont les fréquentes auditions parmi
les Sociétés pliilharmoniques de province développent chaque jour de plus
en plus la voix bien timbrée et l'heureuse méthode, s'est fait applaudir
dans l'air de Robert, la Polonaise de Jéruiatem, et, avec M. Shattman,
un jeune ténor, dans le duo des Dragons de Villars. Mlle Célestine Meyer
a été l'éclat de rire sonore et le gracieux mot de la fin en disant avec une
verve toujours distinguée de ravissantes chansonnettes et en jouant avec
M. Lamotte En wagun, de Verconsin, de façon à marquer sa place sur
une de nos premières scènes de genre parisiennes.
*■*» La troisième matinée de Mme Clara Pfeifïer ne le cédait point en
intérêt aux deux précédentes. L'éminente artiste y était représentée
comme compositeur par un nocturne en ut dièse mineur, charmant
petit poëme élégiaque que nous ne connaissions pas encore, et qu'a fort
bien exécuté une de ses élèves, Mlle Marguerite R... Mme Clara Pfeiffer
a joué elle-même deux jolis morceaux de B. Damcke, Complainte et les
Cloches, et une mazurka de Chopin ; c'est toujours le talent fin et délicat,
la savante attaque de la touche que tout le monde admire. Georges
Pfeiffer (qui, il est bon de le dire, donne aujourd'hui même à la salle
Pleyel une audition de ses œuvres) a exécuté, avec sa maestria habi-
tuelle, sa brillante fantaisie sur Faust, et une sonate de Mozart avec
M. de Cuvillon. Le chant (duo de Mignon, duetto de Saint-Saëns, sonnet-
élégie de G. Pfeiffer) était dignement repré.senté par le baryton Archaini-
baud et Ml!e Pauline Doré.
^% Mercredi dernier, nous avons renouvelé connaissance à la salle
Erard avec un sérieux et sympathique talent. M. Gennaro Perelli, un
habile pianiste, doublé d'un compositeur de très-grand mérite, a fait
entendre plusieurs de ses œuvres : c'est d'abord un concerto en sol mi-
neur, plein d'idées intéressantes, d'effets neufs et variés, où l'instrument
est traité brillamment et savamment; c'est ensuite une Pensée mélodique
et un Rondo fantasiico, deux ravissants morceaux que nous croyons
appelés au succès; c'est enfin un Capriccio alla mazurka, plein de verve,
brillant sans vulgarité et qui a terminé le concert en laissant une excel-
lente impression. M. Perelli vient certainement de se placer très haut
dans l'estime des artistes et des gens de goût.
:f*:t Le concert de M. Edouard Colonne a eu lieu vendredi. Nous regret-
tons que le défaut d'espace ne nous permette pas d'en donner les détails,
mais nous enregistrons toujours avec plaisir les succès remportés par cet
excellent artiste, qui a pris rang depuis longtemps parmi nos meilleurs
violonistes, et qui interprète la musique de chambre d'une façon si
remarquable. Un mécanisme sûr, une grande pureté de son, beaucoup
de délicatesse, telles sont les principales qualités qu'on retrouve chez
lui, à chaque nouvelle audition plus accusées et plus complètes.
„,■** Tout concourait pour faire du dernier vendredi de Mme Oscar
Comettant, notre éminente cantatrice-professeur à Versailles, une fête
exceptionnelle : les talents réunis de la maîtresse de la maison, de la
jeune violoniste Marie Tayau, de Mlle Holmes, une jeune pianiste-com-
positeur qui fera parler d'elle, etc. Le choix des morceaux exécutés a
laissé aux nombreux invités de Mme Comettant la plus heureuse et la
plus durable impression. Elle s'est fait entendre dans un air de Don
Carlos et la chanson des Djinns d'Auber, qu'elle a dfl répéter ; jamais
sa magnifique voix n'avait produit plus d'eftet.
^*t Ajoutons à cette longue nomenclature de concerts ceux de deux
pianistes d'un réel mérite, Mlles de Latapie et Dona de Potier, — cette
dernière, élève de Liszt ei quoique jeune, déjà célèbre en Allemagne, —
qui toutes deux paraissent devoir prendre un rang honorable dans l'ar-
mée si nombreuse des virtuoses du clavier.
^*,^ Une famille artistique digne du plus grand intérêt, M. Frémeaux
et ses trois enfants, excitent en ce moment l'attention du public musical.
Les trois jeunes prodiges (trois à la fois, cela ne s'est pas encore vu)
sont âgés de neuf, onze, treize ans, et jouent: Paul, du violoncelle, Al-
bert, du violon, et Jeanne, du piano, avec un talent tout à fait précoce,
on pourrait dire déjà formé. Paul, notamment, se distingue par une or-
ganisation musicale, une facilité et une mémoire prodigieuses. C'est à
leur père et au conservatoire de Marseille, oii il était professeur, que ces
charmants enfants doivent ce qu'ils savent. Ils ont donné le 2i février
à Saint-Gcrmain-cn-Laye, dans la salie des Arts, un très-beau concert,
dont le chef de la musique de la ville, M. AUard, avait l'initiative et la
direction. Ils ont récolté une ample moisson de bravos, qui ne sont sans
doute que le prélude des succès qui h s attendent sur les scènes plus
importanics où ils pourront se produire.
^*», De la province nous arrive l'écho d(!S appbiudisscmenLs qui saluent,
partout où elle se fait entendre, la Compagnie musicale Ulmann-Patti. Les
éminents artistes qui la composent ont tout particulièrement excité l'en-
thousiasme des Lyonnais. A l'issue du concert où Seligmann avait joué
avec toule son âme l'Éloge des larmes, de nombreux jeunes gens, réunis
devant son hôtel l'ont acclamé, et se sont faits près de lui les interprètes
de la satisfaction de toute l'assistance. Malheureusement, la nouvelle im-
prévue d'un triste événement est venue interrompre pendant deux ou
trois jours à Marseille le cours de ces beaux concerts. Le beau-frère de
Carlotta Patti, M. Scola, venait en effet de se trouver subitement
atteint d'accès nerveux qui ont nécessité son transfert immédiat dans
une maison de santé spéciale de Milan.
:t*.^; A l'exemple des principales villes de France, Rennes a organisé
des concerts populaires de musique classique. Chaque dimanche, Haydn,
Mozart, Beethoven, Mendelssohn, interprétés par des artistes de talent,
viennent en aide aux misères de la vieille capitale de la duché de Bre-
tagne.
a,** Voici le programme du concert que donne aujourd'hui dimanche
la Société des concerts du Conservatoire : 1° .symphonie en sol mineur
de Mozart; —2° 42"^ psaume (1'" audition) de Mendelssohn. Traduction
de M. Nuitter; chœur, air, choral, récitatif et quintette, chœur final;
le solo sera chanté par Mlle Mauduit; •— 3° 1" concerto en ut majeur,
pour piano, de Beethoven, exécuté par Mme Montigny - Remaury;
— 4° ouverture, avec chœurs, du Pardon de Ploërmel de Meyerbeer.— Le
concert sera dirigé par M. George Hainl.
s** 'Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque Napoléon, dix-neu-
vième concert populaire de musique classique, sous la direction de
J. Pasdeloup. En voici le programme : 1* symphonie en si bémol
(op. 20), de Niels W. Gade (allegro, andante, scherzo, finale); — 2» ada-
gio du quintette en sol mineur de Mozart, exécuté par tous les instru-
ments à cordes; — 3° symphonie pastorale de Beethoven; — i" gavotte
de J.-S. Bach; —3° marche religieuse de Loliengrin de R. Wagner.
»** Dimanche prochain 13 mars, à 2 heures précises, une solennité
musicale très-intéressante aura lieu dans la salle He-t-z au bénéfice de la
Crèche du Quartier des Journaux (2» arrondissement). On y exécutera,
entre autres morceaux de choix : le Parnasse, de Raphaël, ravissant
solo de violon joué par une jeune fille, Mlle Nelly Guibert, avec accom-
pagnement d'un chœur d'hommes et de femmes; les Chérubins, be\le
inspiration de Borniantski , le cygne de la chapelle des Czars.— Crosti,
Potel, Sainte-Foy, Mlle Marie Heilbron, de l'Opéra-Comique, la déli-
cieuse cantatrice Lavini, de Barcelone, Mlle Marie Secretan, la brillante
élève de Herz, Louis Magner, Robins et Hollebecke, les colonnes de la
fanfare Sax, tel est le personnel qui se fera entendre au profit de la
crèche ouverte depuis deux ans en faveur des femmes d'employés et des
plieuses de journaux. — On trouvera des billets au prix de 10, 6, A et
2 fr. à la mairie du 2» arrondissement, salle Herz, et chez M. A. Ehvart,
organisateur de cette bonne œuvre.
^*^ Entre tous les concerts delà saison de 1868, signalons d'une façon
toute particulière celui qui est annoncé, dans les salons Erard, mercredi
prochain 11 mars, par la jeune et belle virtuose TeresaCarreno, la digne
émule de Liszt et Thalberg. Elle fera entendre à son concert non -seule-
ment la musique des maîtres du piano, mais aussi ses remarquables
compositions. Au nombre des artistes qui prêteront le concours de leur
talent à Teresa Carreno, on cite : Mlle Marimon, M.M. Delle-Sedie,
Lefébure-Wély, Sarasate et Servantes. De plus, on entendra des contes de
Nadaud récités par Coquelin, de la Comédie Française.
^*^ Les sœurs Pellini, dont nous avons souvent parlé et que leur ta-
lent sympathique fitit rechercher dans toutes les réunions musicales arisr
tocraliques ou publiques, vont donner, avec le pianiste Kowalskî, un grand
concert à la salle Herz.
^*^ Ce soir à 8 heures i/2, Mme Ernst, la veuve du célèbre violoniste,
dont on se rappelle les lectures intéressantes à l'Athénée, donne , dans
la salle du boulevard des Capucines, n° 8, une conférence dont les œu-
vres de Victor Hugo, Alf. de Musset, Th. Gautier, etc., .feront les frais.
Un nombreux auditoire est assuré d'avance à Mme Ernst.
:^*if, Mme Norman-Neruda, après ses succès au concert Pasdeloup, à la
cour et au Louvre, vient de quitter Paris pour remplir divers engage-
ments qu'elle a acceptés en Hollande. La grande artiste sera de retour
à Paris dans une dizaine de jours, et elle y donnera le 26 mars un con-
cert dans la s-alle Herz.
^*^, Rubinstein récolte en ce moment les plus brillantes ovations en
Hollande et en Belgique ; il doit jouer au huitième et dernier concert
populaire de musique classique, qui a lieu aujourd'hui à Bruxelles.
^*4 Les frères Guidon, sollicités par les soirées musicales du Carême,
nous reviennent de Monaco et de Nice où ils ont passé une partie de
l'hiver, interprétant leur répertoire si varié, de duos, chansons, comédies
et opérettes qui, sur le littoral méditerranéen comme dans les salons de
Paris, leur ont valu les plus légitimes .succès.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
,*4 Joseph Rubinstein, jeune pianiste russe, qui, pendant plusieurs
années, a séjourné à Vienne, où il a obtenu de très-grands succès, vient
d'arriver :\ Paris, où il se propose de se faire entendre.
^*, L'cminent pianiste A. Billet nous informe que M. et Mme Guz-
man, dont on a pu apprécier le beau talent au concert donné par eux,
jeudi de la semaine dernière, sont ses élèves et n'ont jamais eu d'autre
maître que lui. Nous n'en sommes nullement étonnés et chacun sait que
les élèves formés par M. Billet deviennent promptement des maîtres.
NOUVEllES DES THÉÂTRES lYRIQUES.
,** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et vendredi de cette
semaine : deux fois la Muette de Portici, — mercredi le Trouvère et le
Marché des Innocents.— h. Vd représentation précédente du Trouvère, la di-
rection, informée que Caron, subitement indisposé, ne pouvait jouer, avait
prié M. Maurel, premier prix do chant aux derniers concours du Con-
servatoire, engagé à l'Opéra et qui y attendait ses débuts, de remplacer
Caron dans le rôle du comte de Luna. Quoique pris au dépourvu et
forcé de jouer au pied levé «t sans répétition, le jeune artiste n'a pas
hésité à répondre à l'invitation de M. Perrin, et, malgré une émotion
bien naturelle, il a dit avec beaucoup de talent sa cavatine et sa partie
dans le duo du quatrième acte. 11 a donc été fort bien accueilli et
tràs-encouragé. L'éprouve répétée mercredi lui a été encore plus favorable
et on Pa fort applaudi. M. Maurel est d'ailleurs doué d'un physique
agréable; il a de la distinction et il fera certainement son chemin.
*** Au moment où nous mettons sous presse a lieu, avec costumes et
décors, la répétition générale d'Hamlcl, dont la première représentation est
fixée à demain lundi.
^*^ Lundi dernier, POpéra-Comique a présenté dans le rôle de Zampa
un ténor que l'on avait connu à l'Opéra, et que, depuis, les théâtres de
province ont apprécié. M. Hayct, dont la voix n'est plus jeune, possède
de sérieuses qualités de chanteur et une grande expérience de la scène.
Ce début, peu éclatant, servira néanmoins la carrière de cet artiste. —
On répèle, en outre, à ce théâtre Popéra de M. Samuel David, la Part
du niable, de M. Auber, le Docteur Mirobolan, de M. Eugène Gautier
et le Café du. Roi, opéra de M. Dcffès, joué primitivement au théâtre
Lyrique.
^** La direction a reçu de Mme Sand le poëme d'un opéra-comique
en trois actes, la Petite Fadctte, tiré d'un roman de l'auteur dont M. T.
Semet compose la musique.
»■** Le succès du Premier Jour de bonheur a .déterminé MM. d'En-
nery et Cormon à se mettre de suite à l'œuvre pour écrire le livret d'un
nouvel opéra-comique, dont ils espèrent que M. Auber consentira à com-
poser la musique. L'illustre auteur de la Muette se rendra-t-il aux instan-
ces de ses deux heureux collaborateurs? Voilà la question.
^*;KMontaubry est attendu à Toulouse, où il doit chanter, entre autres
ouvrages de son répertoire, Faust et Roméo.
^*^ Adelina Patti, de retour de Lille, dont elle a enthousiasmé les
habitants et où elle a fait à la représentation de Fau.^t •15,0IK) fr. de re-
cette, était de retour à Paris mercredi et elle a chanté jeudi la Traviata.
^Mardi on avait donné la Sonnambula avec Mlle Harris, qui s'y est mon-
trée charmante , et hier les époux Tiberini ont fait leurs débuts dans
Matilda di Shabran. Nous en rendrons compte dans notre prochain nu-
méro .
a;*^ Aujourd'hui a lieu, à prix doublés, la représentation extraordinaire
organisée au bénéfice de l'œuvre des écoles de Saint-Joseph, et dans la-
quelle la diva chantera pour la première fois à Paris le rôle de Leonora du
Trovatore.
^*^ L'engagement de Gardoni est expiré et n'a pas été jusqu'à présent
renouvelé.
^*^ Les préparatifs de l'installation de M. Carvalho au théâtre Venta-
dour se poursuivent avec activité, et il se pourrait que l'inauguration
de son répertoire s'y fit, dès mercredi 11, par Faust, interprété par
Mme Carvalho, MM. Massy, Troy, Lutz et Mlle Daram. A cet effet,
Mme Carvalho a clos ses représentations hier par la Fanchonnette sur
la scène du théâtre Lyrique.— Cette installation sera d'ailleurs complète-
ment distincte comme administration, répétitions, matériel et personnel
de celle du théâtre Italien, et de son côté le théâtre Lyrique n'aura nulle-
ment à souffrir de la double exploitation. Au contraire, si Mme Carvalho
semble devoir consacrer plus spécialement son talent à la scène nouvelle,
la direction augmente considérablement le nombre de ses artistes. Ainsi,
entre autres engagements nouveaux qu'elle vient de faire, il faut men-
tionner ceux de Mlle Marimon, qui prendra le rôle de la Reine de la
Nuit dans la Flûte enchantée, et qui chantera sur les deux scènes; de
Rosa Formés, dont la voix de soprano est, dit-on, fort remarquable, et
qui débutera dans Rigoletto; de l'excellent Meillet, qui compta de nom-
breux succès à l'ancien théâtre Lyrique; du ténor Duchène, élève de M.
Nicole Lablache, et enfin probablement aussi, de Mme Galli-Marié dont il
e.«t fort question.— La scène du Châtelet s'occupe, en attendant, sans re-
lâche, d'une brillante reprise des Noces de Figaro et de VElisabeth de Hon-
grie de M. Jules Béer, pour Mlle Schroeder. — M. Carvalho a adopté le
titre de Théâtre de la Renaissance pour les jours où il jouera. — Les
prix du théâtre de la Renaissance seront les mêmes que ceux du théâtre
Lyrique actuel, et ceux de ce dernier seront prochainement réduits.
if*^ Martha, très-bien interprétée par Mlle Daram, Mlle Rouvray,
Bosquin, Troy et Wartel, est toujours une des pièces les plus suivies du
répertoire au théâtre Lyrique; aussi y est-elle fréquemment représentée.
Vendredi la salle était pleine et la charmante musique de Flotow a reçu
les plus chaleureux applaudissements.
if*if Lundi dernier, la Grande-Duchesse a fait une rentrée triomphale
en son féal théâtre des Variétés. La seconde, représentation de la reprise
s'accentuait déjà par i,199 francs de recette, et la salle est louée
jusqu'à la douzième. Ainsi qu'aux beaux soirs du début de la pièce et
comme si elle n'avait pas été jouée deux cents fois et plus, le public on
applaudit tous les morceaux et bisse, notamment, un air nouveau, com-
posé pour cette reprise, au troisième acte. Rêvant sous les lambris qui pour-
raient redire tant de... choses, la souveraine de Gérolstein déplore que
sa destinée la pousse à faire mourir le beau soldat qu'elle aime et à se
plonger dans le crime, alors qu'elle a reçu du ciel un si citarmant petit
naturel. Cette Méditation, empreinte d'un caractère mélodramatique du
plus comique effet, rattrapera bien vite sur le chemin de la popularité
la fameuse Déclaration. — Grenier, Kopp, Christian ont repris leurs rôles
avec un brio à faire croire que c'est d'hier que date la première.
Mlle Schneider et Dupuis chantent et jouent... Mais tout a été dit sur
cette verve étourdissante, sur cette finesse d'intentions et de souligne-
ments toujours nouvelles. Entrain général, gaieté communicative ; pour
ceux qui jouent, pour ceux qui écoutent, la fête est complète!
,*» Le jeune Alfred Audran,dont nous mentionnions tout récemment
les heureux débuts dans les salons de Paris, vient de se produire au
théâtre de l'Athénée dans le Train des maris . Le jeune artiste, pour la
première fois qu'il paraissait on public, s'est très-bien tiré de cette
épreuve et, dans un rôle qui exige en même temps du comique et de la
tenue, il a fait preuve de tact et d'intelligence.
^.*,ii Le succès de Rohinson Crusoé s'accentue de plus en plus à Lyon :
les airs en sont chantés dans les rues et y deviennent populaires. La
direction et les artistes, Mlles Corlez, Mézeray, Douau, MM. Peschard,
Barbot, Feret, ont rencontré dans l'œuvre d'Offenbach un succès du
meilleur aloi.
J'tj, On annonce, à Troyes, les représentations très-prochaines de la
Grande-Duchesse avec M. Carrier, le désopilant ténor comique qui, l'année
dernière, a obtenu un si grand succès sur cette scène. Caen Papplau-
dissait avec enthoisiasme, il y a huit jours, avec Mlle Géraldine dans
l'œuvre populaire d'Offenbach.
i,*^ On parle de M. Halanzier pour la direction du Grand-Théâtre de
Bordeaux pour la prochaine campagne.
*'*4,. La Grande -Duchesse est en ce moment représentée à Rome par
une compagnie française; la censure pontificale, si sévère pour les pièces
italiennes et de provenance étrangère, a bénévolement fermé les yeux sur
les spirituelles excentricités du duché de Gérolstein. Chaque soir, l'aristo-
cratie et le peuple emplissent la vaste salle élevée, place Navone, pour
CCS représentations qui, au témoignage des correspondances, t font fu-
reur dans la ville éternelle. » On ajoute même ([ue le Pape se serait
écrié, avec sa bonne humeur narquoise et bien italienne : « Che disgrazia!
Dire que je suis peut-être le seul souverain qui ne puisse voir cette
grande-duchesse-là! « Qui sait? n'est-il pas avec le ciel plus d'un accom-
modement?...
S;-*, La combinaison qui réunirait dans les mains de M. Mapleson les
deux théâtres de Covent Garden et de Majesty's Theater est bien arrêtée
en principe; la Société est formée, mais elle n'a pas encore trouvé les
fonds nécessaires, et il s'en faut de beaucoup, car M. Gye ne demande
pas moins de 270 mille livres sterling (8 millions de francs) pour la
cession de tous ses droits et de son matériel, et il en faudrait compter
13,000 (375,000 francs) à M. Mapleson pour l'abandon des siens.
^*^ Mme Viardot a composé un nouvel opéra fantastique, le Dernier
Sorcier, qui sera vraisemblablement représenté à Bade, et qui, paraît-il,
est aussi riche en charmantes mélodie que Trop de femmes, si bien ac-
cueilli naguère.
,t*. Par un arrêté du ministre de la maison de PEmpereur et des
beaux-arts, M. Arthur de Beauplan, commissaire impérial près le théâtre
de POdéon, vient d'être nommé commissaire impérial près les théâtres
lyriques et le Conservatoire, en remplacement de M. Edouard Monnais,
décédé. — Aux termes du même arrêté, M. Albéric Second, homme de
lettres, a été nommé commissaire impérial près le théâtre de l'Odéon, en
remplacement de M. Arthur de Beauplan.
NOUVELLES DIVERSES.
,^*t Mendelssohn a composé , il y trente ans, une très-belle étude en
Dli PARIS
fd mineur, une véritable romance sang paroles, digne à tous égards de
figurer parmi les petits chefs-d'œuvre écrits par le maître pour son
instrument. Sur une basse à dessin continu d'arpèges, se détache une
mélodie dont le charme fait oublier le but technique de cette étude,
puisque étude il y a. La publication de ce ravissant morceau , qui exci-
tera certainement un vif intérêt, est due à la maison Brandus etDufour.
11 fut jadis destiné à la Méthode des méthodes de Piano, de Fétis, dont
il n'avait jamais été détaché, et beaucoup de personnes aujourd'hui en
ignorent l'existence; il offre donc tout l'attrait d'une œuvre véritablement
inédite. C'est le complément de la musique de piano de Mendelssohn,
que tant d'artistes et d'amateurs croient posséder tout entière.
«** L'inauguration solennelle du grand orgue de Notre-Dame, re-
construit par M. Aristide Cavaillé-Coll, a eu lieu vendredi soir avec une
grande pompe. Nous rendrons compte, dans notre prochain numéro, de
cette intéressante cérémonie, qui avait attiré une foule immense.
^^*^, On lit dans le Journal de Mulhouse : « Dans l'église de Sumiswald
(canton de Berne), a eu lieu, il y a quelques jours, l'essai public d'un
orgue électrique construit par MM. Leuenberger et C", de cette com-
mune. Cet orgue joue d'après les notes indiquées, toute espèce de musi-
que, avec autant de facilité que d'exactitude. — Les notes de musique,
pour êlre soumises à l'influence électrique, sont transportées, par une
machine spécialement construite à cet eifet, sur de larges bandes de
papier de 40 à 50 pieds de long, de telle manière que les différentes
valeurs des notes sont représentées par de légères coupures au moyen
desquelles elles sont lues par le mécanisme électrique. Le générateur
électrique de l'instrument est un appareil indépendant, organisé de
telle manière qu'il peut être appliqué, en très-peu de temps, à tout or-
gue d'église, qui par là devient lui-même électrique, o
^*^ L'excellent chef d'orchestre Desgranges, après un hiver très-occupé
dans les salons de l'aristocratie, \a reprendre à Deauville le bâton de
commandement de l'orchestre du Casino, l'un des attraits de la belle
rivale de Trouville. M. Desgranges est aussi en pourparlers avec les pro-
priétaires pour prendre la direction complète du Casino. L'établissement
et le public ne pourraient que gagner à ce choix.
»% MM. Bote et Bock, de Berlin, ont acquis la propriété pour l'Alle-
magne du nouvel opéra d'Auber, le Premier Jour de bonheur.
,it** La Société impériale des Orphéonistes de Lille, pendant tout le
couis de notre rigoureux hiver, a fait distribuer gratuitement, par les
soins d'un comité spécial, des aliments aux indigents de cette grande
cité manufacturière. Ce fait est une éclatante consécration du principe de
charité bien entendue qui préside à l'institution nationale du chant choral
populaire.
»*5^ Il est question d'un concours orphéonique, dont la direction artis-
tique serait confiée à M. A. Méreaux, et qui aurait lieu le 24 mai pro-
chain, à Rouen, à l'occasion du concours régional que l'Empereur doit
honorer de sa présence.
**,j L'inauguration prochaine de la statue équestre de Napoléon l", à
Grenoble, sera célébrée par un festival choral, sous la présidence de
MM. Berlioz, un glorieux enfant du Dauphiné, Besozzi et Delsarte; on y
exécutera une cantate militaire de circonstance et la Gaule, grand chœur
d'ensemble, populaire parmi les Sociétés orphéoniques, de MM. Mathieu
de Monter et Jules Monestier.
,** Fort peu de billets restent à prendre pour le bal des Artistes, qui
aura lieu à l'Opéra-Comique le 14 de ce mois. Outre la réputation de
bon goût justement acquise à cette fête, elle emprunte cette année un
attrait inusité à la tombola, dont l'unique lot est uu bijou d'une valeur
de 3,000 francs.
^"^ Mme Isabella Behr, femme du D' Behr, — littérateur distingué et
correspondant de plusieurs journaux étrangers, — cultive avec succès la
mu.sique, et sa réputation comme professeur de chant est parfaitement
établie. — Elle vient de mettre en musique la Chanson de Mai de Goethe,
l'Attente et le Chant du soir du Voyageur de Riickert, avec paroles fran-
çaises et allemandes, et ces trois mélodies, publiées par la maison Schott,
de Bruxelles, où réside Mme Behr, y obtiennent un grand succès, très-
mérité d'ailleurs par le charme et l'expression dont elles sont empreintes.
Nous les recommandons à tous les amateurs.
if*^ Le grand succès qu'obtient le nouveau roman d'A. de Lavergne :
le Lieutenant Robert faisait vivement désirer le second volume. Nous nous
empresjons d'annoncer qu'il vient de paraître sous le litre de : Epouse
et Mère, l'éditeur Cadot aj'ant jugé à propos de diviser l'ouvrage en deux
parties chacune sous un titre différent.
^** Louis I", roi de Bavière, qui avait depuis longtemps abdiqué la
couronne, vient de mourir à Nice. Dilettante passionné, ami du beau
sous toutes ses formes, il avait puissamment contribué à faire de Munich,
sa capitale, un centre artistique et littéraire, la véritable Athènes de l'Alle-
magne du Sud.
ÉTRANGER
**t Berlin. — Pauline Lucca, ajirès ses triomphes de Saint-Pétersbourg,
a fait sa rentrée à l'Opéra royal dans les Joyeuses Commères, de Nicolaï;
on l'a reçue comme l'enfant prodigue, tant avait paru longue son absence
d'un mois! Et cependant il paraît certain, au grand désespoir de ses
nombreux admirateurs, que son engagement pour lacajjitale delà Rus-
sie a été renouvelé avant son départ. — Après plusieurs heureux débuts,
Mme de Voggenhuber a été engagée comme première chanteuse à l'O-
péra.
*■".« Magdebourg. — Un accueil très-sympathique a été fuit à Iléro et
Léandre, opéra-comique nouveau dont l'auteur est le chef d'orchestre du
roi de Wurtemberg, \V. Steinhart.
^*^ Leipzig.— Pour la première fois, une œuvre de Berlioz a été in-
troduite dans le répertoire des concerts du Gewandhaus. Le 27 février,
on a joué avec succès sa symphonie Harold en Italie, à un concert de
bienfaisance donné au profit de la Caisse des pensions de l'orchestre.
L'ouverture du fioî jl/on/'red, de Reinecke, a été aussi très-bien accueillie.
*** Trêves. — Encore une première représentation de l'Africaine à
signaler, et, comme d'habitude, un brillant succès. La pre.s.se locale ac-
corde de grands éloges aux interprètes, Becker (Vasco), Riech (Nélusko)
et Mlle Da Ponta (Sélika), ainsi qu'au directeur Sclionfeldt.
^\ Vienne. — VOEU creoé (Der Pfeil im Auge), de Hervé, a été donné
sans grand succès au théâtre An der Wien.
*** Cadix. — Le baryton Everardi vient de terminer une brillante série
de représentations qui compterànt dans sa vie d'artiste. 11 est reparti pour
Dînant, sa ville natale, chargé de lauriers et tout disposé à en cueillir
d'autres.
*** Milan. — A la Scala, le chorégraphe Monplaisir vient de donner
uii nouveau ballet, Brahma, qui, aidé de toutes les .splendeurs d'une
mise en scène orientale, a beaucoup plu. La Ferraris a créé le principal
rôle avec son talent ordinaire. La musique, considérée généralement en
Ralie comme une chose toute secondaire dans un ballet, à ce point que
souvent on ne s'inquiète pas du nom du compositeur, est du fécond
Dair Argine ; on en dit beaucoup de bien .
»*, Gênes. — Il Sogno d'Ines, ballet nouveau de Pinzuti, a été très-
applaudi au Carlo Felice. Grand succès aussi pour la première danseuse,
Enrichetta Lamarre. — Une dépêche télégraphique parh; de l'effet gran-
diose produit par l'Africaine, à la Fenîce, avec la Lotti, Carrion et
Merly.
,it*, Saint-Pétersbourg. —Mario a brillamment terminé sa saison panni
nous. Il s'est fait vivement applaudir dans une soirée donnée par le pianiste
Braga dans les salons du comte Koucheletf-Besborodko, où on a également
fêté Mmes Trebelli et Volpini, deux étoiles qui brillent du plus vif éclat
sur le ciel un peu gris de la-Moscovie. ■ - , ,
CONCERTS ET ADDITIONS MUSICALES ANNONCÉS.
Salons Erard, aujourd'hui dimanche à 2 heures: matinée musica'c
donnée par M. Titus d'Ernesti, avec le concours de Mme LoIIa délia
Rosa, de Mlle Rives, de MM. Marochetti et Reuchsel. — Le Style,
c'est la femme, comédie inédite, jouée par Mme Solange et M. Ric-
canti.
Salon Pleyel-Wolff, mardi 10 mars : concert de E. Jacobi , avec le coa-
cours de Mlle Bloch et de MM. Colin et Caron, de l'Opéra, et de
Mlle Duval, de l'Opéra-Comique.
Salle Herz, mercredi 11 mars : deuxième soirée de musique de chambre
de MM. Maurin, Colblain , Mas et Demunck, avec le concours de
M. C. Saint-Saëns. — Pour la première fois, quatuor de Schumann.
Salle Erard, mercredi 11 mars : concert donné par Mlle T.j Carreno.
Salons Pleyel, samedi 14 mars: concert donné par M. D. Magnus et
Mme Gaglîano.
Salle Herz, samedi 14 mars : deuxième grand concert de M. C. de Bé-
riot, avec le concours de Mme Monbelli.
Salle Herz, dimanche 15 mars : concert donné par M. Kow aUki et Mlle
Pellini, avec le concours de MM. Hermann-Léon, Sarrasate, Las-
serre, Mlle E. Dubois et Coquelin, de la Comédie-Française.
Salle Herz, lundi 16 mars : concert de M. W. Kriiger, avec le concours
de Mlle Dolmeisch, MM. Ponsard, Hammer, Godard et Charles Pot-
tier.
Salle Herz, jeudi 26 mars : concert donné par Mme Norman-.\eruda, la
célèbre violoniste.
80
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FANTAISIE DE SAION pour le piano, par E. Ketterer. ... 7 50
DEDX BODQDETS DE MÉLODIES, mosaïques, par Cramer, chaque 7 50
FANTAISIE ÉLÉGANTE pour le piano, par Ruï>mel 6 »
BAGATELLE pour le piano, par Lecarpentier 5 »
DDO FACILE à quatre mains, par Ed. Muller 6 »
FANTAISIE GRACIEUSE pour le violon, par Ad. Herman ... 7 50
CAPRICE FACILE pour la tlùte, par Gariboldi. ....... S »
GRANDE VALSE, pour le piano et à quatre mains, par Strauss 6 »
QUADRILLE pour le piano et à quatre mains, par H. Marx . 4 50
QUADRILLE pour le piano et à quatre mains, par Arban. . . 4 30
QUADRILLE pour le piano, par A. Mev 4 50
POLKA-MAZURKA pour le piano, par Lindheim 4 »
SCHNEIDER-POLKA. par Roques, pour piano et à quatre mains 6 •
GRANDE POLKA, pour le piano, par Arban 4 »
GALOP DE L4 GRANDE -DUCHESSE composé par Offenbach, réduit
pour le piano et à quatre mains , par Roques .
50
îa^S ^©WA'UM. "BM îa^
Transcriptious faciles dea principaux airs pour le piano, par ivolfart.
Rondo de la Duchesse 3 75
Chanson du Régiment 3 75
Couplets du Sabre 3 »
Couplets des Lettres 3 75
5. Ballade bouffe 3 75
6. Rondo de la Bataille 3 75
7 . La Déclaration et Gazelle de HollanJe 3 75
8. Entr'acte (du 3" tableau) 3 »
Composé
Pour les Bals Ce TOpéra,
9. Nocturne : Bonne nuit 3 »
10. A cheval, général ! 3 75
11 . Légende du Verre 3 »
12. Complainte et Chant nuptial. 3 »
Illustré de
OCADRILLE NOCVTÎAU PAR STRAUSS ,_^., ....... „,.„,,
Pour le Piano i i fr. SO. — A quatre mains : i fr. SO.
Quadrille. — Polka et Polka-Uazurka. — Crande Valse, arrangée pour Violon, pour Flûte et ponr Cornet, chaque : 1 franc.
Les Airs arrangés pour Violon, pour Flûte et pour Cornet.
lies Parties d'orclieslre complètes. — Valses, Quadrilles, Polkas, Polka-Uaznrka, pour orcltestre.
IIEUIKS DE FER — .
, 30, A P&:l3.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
5S' Année.
N" \i.
1S mars 1868.
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et ù^l'Étrongcr,
chez tous les Iforchonds de Musique, 1rs Libraires,
et aux Bureaux df; Mi'ssageries et des Posles.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paria. ?* r. par ;■
Départements, Ililgiquc et Suisse... :îti -. iiL
Étranger 34 n id.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâire impéi'ial de l'Opéra: Mamlet , grand opéra en cinq
actes, paroles de MM. Michel Carré et Jules Barbier, musique de M. Ambroise
Thomas, par Paul Bernard. — Théâtre impérial Italien : reprise de
Matilda di Shabran, de Rossini; débuts de M. et Mme Tiberini, par Uanrive
tiray. — Entrefilets. — Concerts et auditions musicales de la semaine. —
Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Concerts et audi-
tions musicales annoncés. — annonces.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
HAMLET,
Grand opéra en cinq actes, paroles de MM. Michel Carré et
Jules Barbier, tmtsiqve de M. Ambroise Thomas.
(Première représentation le 9 mars 1868.)
Etant admis en principe qu'il est possible de toucher aux grandes
œuvres du temps passé pour les plier aux exigences d'aujourd'hui,
pour les amputer de ce qui nous blesse, tout en les dotant de ce
qui nous flatte, en un mot ^our les approprier au goût du théâ-
tre moderne, on ne saurait nier que le nouvel ouvrage de
MM. Michel Carré et Jules Barbier se trouve bien compris dans
son ensemble, et que le colosse shakspearien , en passant dans le
moule capitonné de notre civilisation tant soit peu efféminée, n'a
pas trop perdu de ses arêtes viriles et s'est prêté avec assez de
complaisance aux développements difficiles d'une grande tragé-
die lyrique.
Sauf quelques petites querelles de détails, on peut dire que
leur pièce est bien coupée au point de vue du drame, intéressante
autant que l'œuvre philosophique de Shakspeare peut l'être pour
des auditeurs simplement désireux de se distraire, qu'elle off're
quelques beaux vers, parfois incisifs, qu'enfin elle semble digne à
plusieurs titres de la grande source à laquelle elle n'a pas craint
d'emprunter ses eaux vives et ses torrents impétueux.'
Ne pouvait-on redouter, en effet, que la musique ne se prêtât
pas complètement aux conflits d'une vengeance inspirée par les
légendes du Nord, tortueuse dans ses moyens, philosophique plu-
tôt que passionnée, fatale plutôt que raisonnée? La vcndelta corse,
avec ses fougueuses colères, semblerait plus apte à inspirer un
art tout de sentiment et d'élan; cependant la musique off're
aussi son côté contemplatif, immatériel, et les tendances de
la nouvelle école que l'Allemagne nous envoie l'y poussent d'une
façon toute particulière. C'était plus qu'il n'en fallait pour donner
au terrible sujet d'Hamlet toutes les tentations qui captivent les
esprits chercheurs et courageux. M. Ambroise Thomas, par ses
travaux antériîurs, par ses tendances plutôt sérieuses que légères,
par la souplesse même de sa faculté créatrice, acceptant tous les
genres qu'un tel cadi'e comporte , se trouvait bien être l'homme
d'une semblable tentative. S'il y avait danger, il était le lutteur
désigné d'avance. S'il devait y avoir réussite, son étoile valeureuse
devait l'y conduire sûrement.
C'était donc avec confiance que je voyais s'approcher l'épreuve
décisive. Je me disais bien que les aspérités de Shakspeare sont
dures à côtoyer, et que, si nous aimons à frémir avec lui, le soir,
au coin de notre feu. nous consentons moins à le suivre au
théâtre, où nous cherchons avant tout l'image de la vie réelle e*
de nos sentiments particuliers. Mais je me disais par contre que
les tableaux chevaleresques qu'on pouvait tirer d'un pareil sujet
prêtaient beaucoup au développement musical, que la blonde
Opliélie et sa poétique fin pouvaient motiver une opposition pleine
de charme, que le drame intime dans ses terribles péripéties
devait présenter de superbes situations, et qu'enfin la scène de
l'esplanade, entre des mains habiles et sur une aussi vaste scène
que celle de l'Opéra, prendrait certainement de magiques et gran-
dioses proportions.
Mes prévisions aujourd'hui se trouvent réalisées. Je désire sin-
cèrement d'ailleurs que les sérieux efforts de M. Ambroise Thomas
soient couronnés d'un succès éclatant et durable; je fais plus, je
le crois.
Son œuvre est de celles qu'il faut écouter avec soin, entendre
et réentendre. Telle grande toile en peinture peut captiver par
son ensemble et charmer ensuite par ses détails. Le nouvel Hamlet
est de cette catégorie. Les connaisseurs, en y fouillant, rencontreront
des trésors rares et de la plus suprême élégance. Le simple pu-
blic s'habituera à la teinte un peu sombre de l'ouvi'age pour n'y
plus voir ensuite que la sûreté de touche et le vigoureux coloris
qui savent intéresser les masses. Le premier soir, l'irrésistible
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
tableau de la mort d'Ophélie a électrisé la salle entière; je suis
persuadé que peu à peu les autres parties de l'œuvre se placeront
avantageusement à côté de ce succès écrasant.
Il n'est pas besoin, je pense, de raconter textuellement un sujet
que chacun sait par cœur. Je me bornerai à constater que les
auteurs ont à peu près suivi le plan de leur colossal modèle, tout
en s'en éloignant plus ou moins heureusement dans certains dé-
tails et même dans certains faits d'une assez grande importance.
Par exemple le meurtre de Polonius qui, supprimé, ne sert plus
de mobile à la vengeance de Laërte. Au premier acte l'exposition
est formée par le couronnement de la reine et par un duo entre
Ophélie et Hamlet. Cet acte se termine sur l'esplanade d'Elseneur
par la saisissante apparition. Le second a pour clef de voûte la
grande scène des comédiens. Le troisième est tout entier rempli
par le drame intime et terrifla^it. Un monologue du roi, un trio
entre la reine, Hamlet et Ophélie, la grande scène entre Hamlet
et sa mère, avec la seconde apparition de l'ombre, établissent
son contingent. La mort d'Ophélie forme le quatrième. Ce der-
nier appartient complètement, comme création, aux auteurs fran-
çais ; et, si l'on en croit le succès, c'est là une de leurs meilleures
idées. Rien de poétique comme ce ravissant tableau commençant
par un ballet villagecàs emprunté aux mœurs danoises et qui s'ap-
pelle la Fête du Printemps. Le 1" mai de chaque année, quand
la neige de six mois est rentrée en terre, quand la verdure et les
fleurs, comme un pardon du ciel, s'élancent des bourgeons et
des boutons, le village se réunit dans la campagne, on élit un
roi et une reine, le roi du printemps, la reine des fleurs, et l'on
danse, et l'on chante, et l'on se réjouit avec usure pour oublier
leSj.longs mois d'hiver que les frimas rendaient si tristes. Vous
voyez d'ici le délicieux tableau que cela peut faire. Pour cadre
le paysage gracieux que les voyageurs rencontrent à Elseneur ;
pour horizon le lac Bleu, ce poétique lac où la blonde Ophélia
s'endort comme dans une couche nuptiale. Je ne connais que le
second acte de Giselle qui puisse être un équivalent ^ ce rêve en-
chanteur !
Le cinquième acte nous ramène vers le sombre. C'est la scène
du cimetière, et le dénoûment plutôt imité du drame de MM. Paul
Meurice et Alexandre Dumas que du grand Shakspeare. En effet,
Hamlet vivra pour régner et se souvenir; la reine aussi vivra
pour conserver ses remords et les enterrer dans un cloître. L'in-
nocent Laërte n'est pas tué; Polonius vit encore. Tout cela est
moins logique, mais la boucherie finale n'existe plus, et, ma foi,
surja scène de l'Opéra je n'ai pas le courage de la regretter beau-
coup.
Puisque nous en sommes aux différences qui séparent le mo-
dèle de la copie, nous allons de suite régler leur compte. Une des
principales consiste dans la complicité du vieux Polonius avec le
roi. Il en résulte qu'Hamlet, englobant dans la même réprobation
le père et la fille, repousse énergiquement l'amour de la pauvre
Ophélie et la réduit au désespoir. Cela a pour effet de rendre
moins brutal, en le motivant, le cruel abandon d'FIamlet, mais
cela a le grand tort de jeter sur Laërte et sur Ophélie une tache
originelle tout à fait fâcheuse. Et puis encore, si Polonius est cou-
pable, pourquoi ne pas le punir?
Tel qu'il est, le livret du nouvel opéra reste parfaitement dans
la couleur de Shakspeare. On y retrouve la même fièvre pas-
sionnée, la fatalité implacable s'acharnant sur ses victimes, le glas
de la [mort vibrant au milieu des fêtes, et par-dessus tout cela
une conviction qui marche vers son but sans faiblesse. La partie
philosophique seule y est moins développée; cela devait être. On
ne discute pas avec des mélodies, et l'esthétique musicale doit
s'arrêter là où les nuages de la pensée commencent. Il faut même
savoir gré à M. Ambroise Thomas de ne pas s'être laissé entraî-
ner sur ce terrain dangereux plus loin (^ue son tempérament ne
le comportait. Il eût pu se noyer dans un flot de dissonances et
de septièmes diminuées. L'absence de tonalité eût été pour lui un
grand moyen. Au contraire, si le musicien, comme il le fallait du
reste, s'est servi parfois de la mélopée rêveuse, il a su y déve-
lopper une clarté qui ne blesse pas l'oreille et qu'on peut suivre
sans fatigue. La tonalité toujours fixée n'échappe pas à l'analyse.
Le sens final ne vous fuit pas comme un mirage trompeur. C'est
la déclamation lyrique rehaussée de merveilleux dessins d'accom-
pagnement.
Et puisqu'il s'agit des dessins d'accompagnement, j'ajouterai
que jamais encore M. Ambroise Thomas n'était allé si loin sous
ce rapport. Son ingéniosité est inépuisable. Les rhythmes mêlés,
l'accouplement des timbres, l'emploi des nouveaux instruments, la
poésie de l'orchestre, cela devient un monde entre ses mains ha-
biles. Il joue de l'orchestre comme un virtuose et sans qu'on
puisse remarquer le moindre effort. Selon le cas, c'est fin comme le
brin d'herbe, grand comme la mer, gris comme le brouillard,
brillant comme le soleil.
Le premier exemple de cette richesse symphonique se présente
tout d'abord dans le prélude d'entrée. Un trémolo mouvementé
des instruments à cordes, coupé par des récitatifs de cor, est tout
à coup interrompu par une fanfare sur la scène; puis un rapide
trait de violon amène une marche chevaleresque qui ouvre d'une
grande manière ce premier tableau. Un chœur sonore et très-
mélodieux précède un beau récit du roi, et cette introduction se
termine dans une chaleureuse péroraison chorale doublée d'effet
de cloches et de canon. Il y a là une phrase mélodique large-
ment tracée et de la plus belle venue. La scène reste vide alors,
et Hamlet vient soupirer l'un de ces délicieux monologues-récitatifs
dont tout le rôle sera plein. Sur cette phrase, adorablement dite
par Faurc.
0 femme ! . . . tu t'appelles
Inconstance et fragilité.
la salle a fait entendre un de ces murmures qui présagent le suc-
cès, comme ces brises matinales qui annoncent un beau jour.
Le duo qui suit entre Ophélie et Hamlet est fort habilement
traité, mais il présente surtout une de ces phrases de premier
ordre destinée à planer sur toute la partition, effluve d'amour qui
remontera au cœur du désespéré Hamlet et qui séchera les pleurs
de la pauvre insensée. Ce duo, dans le genre contemplatif, se ter-
mine par un fort joli ensemble avec vocalises d'Ophélie. Il faut
citer aussi une cavatine de Laërte dont la couleur chevaleresque
est très-accusée. On y remarque un élan de la plus grande suavité
sur ces mots :
Elle est mon orgueil et ma vie.
Ce premier tableau est assez brillamment achevé par un chœur
qui porte sa marque de fabrique. On y sent la main qui a écrit le
chœur des chasseurs du Songe d'une nuit d'été, et quantité d'autres
très-choyés par les orphéons. Ce dernier sera certainement du
nombre. A l'Opéra, on fait doubler la partie de ténor par les con-
traltos. Cela est d'un effet neuf.
Nous voici arrivés à l'une des plus grandes pages de la partition,
la scène de l'esplanade. Ici, depuis la première note jusqu'à la
dernière, tout est beau. L'orchestre à lui seul forme un saisissant
tableau. La bise souffle, la neige tombe, les spectres passent. La
tourmente est dans l'air et dans les cœurs ; on a froid. Un prélude
avec solo de trombone à six pistons précède la scène entre Ham-
let et ses amis. Une phrase délicieuse est celle-ci :
Mais que redoutons-nous de ceux que nous perdons.
S'ils nous ont aimé sur la terre?
Minuit sonne, et sur le fa dièse de la cloche passent d'ingé-
bE PARIS.
83
nieuses et teiTÏliantes harmonies. Le spectre paraît alors et un
fatal et superbe dessin d'orchestre accompagne cette allocution
d'Hamlet :
Spectre infernal, image vénérée!
0 mon père, 0 mon roi !
Réponds à ma voix éplorée,
Parle-moi, parle-moi !
L'ombre se décide enfin à parler, psalmodiant sur une seule
note, et, sur cette note persistante, les effets d'orchestre se succè-
dent magnifiques et saisissants. Voici le cor anglais et la clari-
nette qui nous font penser aux profondeurs du sépulcre ; voici les
violons en sourdine dont les tierces vacillantes nous annoncent
l'aube qui va naître; voici les fanfares lointaines et le canon qui
accompagnent la fête au palais. Tout cela se combine avec un
rare bonheur, et quand le rideau tombe on est tout étonné de la
sensation immense que l'on vient d'éprouver. Je le répète, c'est
une grande page; l'ombre de Gliick pourrait bien y avoir apparu.
Le second acte sera moins riche. Il commence par un joli fa-
bliau d'Ophélie où l'auteur s'est évidemment inspiré des formules
musicales du Nord. L'air de la reine, qui suit immédiatement après,
est moins heureux. Il faut mentionner une phrase incidente
d'Hamlet où les premiers vestiges de folie se font sentir :
Je voudrais avec eux voyager dans les airs.
Au milieu des étoiles.
Au milieu des éclairs !
Le chœur des comédiens est pittoresque et rentre dans les cor-
des de la musique rétrospective. La chanson bachique d'Hamlet,
quoique à efl'et pour la voix, m'a paru plus ordinaire; mais voici
une superbe marche dont le trio surtout est d'un beau caractère.
Elle précède la scène de la pantomime dans laquelle le genre sym-
phonique va reprendre son importance. Un délicieux solo de saxo-
phone lui forme ouverture, puis une espèce de pastorale d'une
touche délicate et discrète sert de fond aux récitatifs d'Hamlet ex-
pliquant la comédie. Cette scène est l'occasion d'un grand succès
pour Faure qui la joue en artiste de premier ordre. Le finale dra-
matique qui termine ce second acte manque peut-être de précision
dans la forme ; cependant les masses y sont magistralement grou-
pées.
Un prélude fort beau ouvre le troisième acte qui de suite nous
offre le fameux monologue d'Hamlet : Être ou ne pas être. Ceci
était-il réellement possible à mettre en musique? Il est permis
d'en douter, et cependant le compositeur s'en est tiré avec hon-
neur en appelant encore à son aide les ressources de son orches-
tration savante; malgré tous ses efforts, malgré le magnifique ta-
lent de l'interprète, la chose est restée froide : c'était écrit d'avance.
Une chose plus froide encore, mais alors parce qu'elle a vieilli de
forme, c'est l'air de basse chanté par le roi. Dieu merci! nous
allons maintenant rencontrer un très-beau trio, relevé surtout par
la magnifique phrase d'Hamlet :
Allez dans un cloître, allez, Ophélie.
Voilà de la franche mélodie, attrayante sans vulgarité, pure de
forme sans vétusté, pleine de sentiment et de charme. L'ensemble"
qui vient après, un peu à la manière italienne, dénote chez le
compositeur une merveilleuse entente dans l'art de grouper les
voix. Il n'y aura qu'à louer dans le duo d'Hamlet et de la reine,
mais je citerai surtout la belle phrase adressée au portrait de son
père par le fils vengeur. La seconde apparition de l'ombre vient
clore dignement cette série de beautés.
Aux yeux de tous, il faut bien l'avouer, nous voici arrivés à la
pierre de touche de la partition. Pour ce quatrième acte, il
semble que tous ceux qui y ont coopéré aient bu d'un philtre ma-
gique et inspirateur : les auteurs pour l'avoir conçu, les décora-
teurs pour avoir créé le cadre, le directeur pour y avoir placé
Mlle Nilsson, Mlle Nilsson pour son interprétation hors ligne, et
enfin le compositeur pour avoir donné la vie à tout ceci dans un
baptême harmonieux et mélodique dont chaque phrase est un
trésor. De délicieux airs de ballet dans lesquels j'ai remarqué une
mazurke des plus distinguées et un duo fort original de clari-
nette et hautbois, précèdent la grande scène de Mlle Nilsson. La
folie a été bien souvent employée au théâtre. Je ne crois pas qu'on
l'ait encore envisagée sous ce rapport. Cette folie douce qui prend
part aux plaisirs et que la danse entoure, qui jette ses sanglots et
ses rires à la fois, qui effeuille en môme temps les fleurs de son
tablier et celles de ses vocalises, et qui, finalement, se couche sur
l'eau avec la sainte confiance de l'enfant qui s'endort, tout cela
est d'une poésie telle que le succès s'y est attaché immense, volon-
taire, interminable. Il faut tout citer dans ce long morceau de la
folie. On y trouve des récits d'une admirable suavité. La valse
chantée est un bijou, la mélodie suédoise étonne et captive; enfin
les chants séraphiques qui semblent sortir du lac sont tellement
vaporeux, tellement diaphanes, qu'on croirait volontiers, comme
la blonde Ophélie, n'appartenir plus à la terre.
Le cinquième acte n'est pas long. Désireux d'arriver plus vite à
l'interprétation générale de l'ouvrage, je ferai comme lui. La chanson
des fossoyeurs est très-caractérisée. Une romance d'Hamlet m'a
semblé devoir son succès à la manière adorable dont elle est dite.
Quant à la marche funèbre, elle procède d'un grand style et le
chœur des jeunes filles qui la coupe s'y joint admirablement. On
le voit, la fin de l'œuvre reste très-honorable, mais elle rentre
plus que jamais dans la couleur sombre qui, sauf le quatrième
acte, n'a cessé de planer sur tout l'ouvrage. Les gens qui aiment
le noir seront satisfaits; cependant, il faut bien en convenir, à la
longue, c'est un peu deuil !
Par droit d'ancienneté et pour l'importance de son rôle, je
parlerai de Faure en premier. La création d'Hamlet lui sera comp-
tée et fera époque dans sa vie d'artiste. Il joue magnifiquement,
il chante irréprochablement. Sa voix, d'une pureté sans égale, se
fait entendre dans les effets de la plus grande douceur, et sa dic-
tion est si soignée qu'il est impossible d'en perdre la plus légère
syllabe. Quel chanteur et quel comédien! D'un bout à l'autre de
celte longue partition il obtient des succès partiels pour une
phrase, pour un mot, pour un geste. Mais que ce rôle est écra-
sant! Toujours en scène pendant quatre actes, quel' est l'athlète,
excepté lui, capable de supporter une aussi lourde tâche?
Mlle Nilsson, à l'heure qu'il est, n'est plus une simple canta-
trice, c'est une idole. On craignait à l'avance la grandeur du
vaisseau de l'Opéra pour sa fraîche voix. Ce charmant ruisseau est
devenu un fleuve immense. J'ai rarement entendu de voix qui
remplisse aussi merveilleusement cette vaste salle : c'est un jet de
cristal d'une éblouissante limpidité. Elle a des audaces de nuances
indescriptibles, des phrases d'une poésie bleue, des ténuités mi-
croscopiques, des ampleurs de son qui semblent sortir d'une flûte
ossianique. Elle a joué la scène de folie avec un charme fasci-
nateur et y a déployé une passion pudique dont elle semble la
personnification. Riant et sanglotant presque simultanément, elle
a tenu son public suspendu à ses lèvres avec l'autorité des artistes
les plus consommés. Et cela avec un naturel exquis, sans le
moindre souci, sans la moindre fatigue.
Aussi quel triomphe ! Le marché aux fleurs tout entier renversé
sur la scène de l'Opéra, et des applaudissements à faire crouler
la vieille salle avant que celle de M. Garnier ne soit achevée.
Mme Gueymard a joué le rôle dramatique de la reine avec in-
finiment de grandeur et d'élan. Elle a supporté vaillamment une
forte part du fardeau de cet important ouvrage. Belval a fait de
son mieux dans le personnage du roi, mais il n'a pas l'organe
84
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
assez timbré pour éviter le cotonneux des voix de basse. Il en est
de même de David qui joue le spectre. On ne voit pas bien clair
dans les profondeurs de son gosier , et l'on craint quelquefois de
n'entendre pas très-juste. Décidément les basses s'en vont. M. Col-
lin s'est fait applaudir sous le nom de Laërte pour sa jolie voix
de ténor. MM. Castelmary et Grisy remplissent honorablement
leurs petits rôles.
J'aurais bien envie de chanter : la danse n'est pas ce que j'aime,
mais ce sont Mlles Fioretti et Fiocre. Dans la Fêle du printemps,
elles ont obtenu un grand et légitime succès.
Les décorations sont splendides. Le château d'Elseneur couvert
de neige, la nuit, par le clair de lune, a fait sensation. Le ci-
metière est excessivement pittoresque; le lac Bleu, une mer-
veille.
Les costumes sont fort beaux, mais l'armure du spectre m'a
semblé bien neuve. La mise en scène a été des plus soignées.
On sait ce que vaut l'orchestre de l'Opéra les jours de grande
épreuve; M. Georges Hainl en est le Masséna.
Qui doit-on féliciter de M. Perrin qui a engagé Mlle Nilsson, ou
de Mlle Nilsson qui a accepté le rôle d'Ophélie? Quant à M. Am-
broise Thomas, il me fait l'effet d'un homme arrivé au sommet
de l'échelle — même de la double échelle. Les honneurs le pour-
suivent et les succès le caressent. Il les mérite à tous égards
d'ailleurs, et nous devons nous estimer heureux de compter un
musicien de cette valcvu- parmi nous. Ilamlet est une de ces œu-
vres viriles, quel qu'en soit le sort, qui honore le pays où elle a
pris naissance et l'auteui' qui l'a longuement prcconfue.
Paul BERNARD.
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITAUEN.
Beprise de SIATIE.DA DI SDABBAW de Bosslni.
Débuts de M. et Mme TiberIiNI.
Il y a bien des années qu'on n'avait donné au.x Italiens Matilda
di Shabran, et que cette partition dormait paisiblement sur les
rayons poudreux de la bibliothèque. Je crois que la dernière re-
prise de cet ouvrage date de 18o6, époque à laquelle les deux
importants rôles féminins en étaient remplis par Mme Penco et
Mme Borghi-Mamo, deux grandes artistes qui ont laissé parmi
nous des souvenirs que le temps n'a pas effacés.
Ecrite à Rome, pour le théâtre Apollo, où elle fut représentée
pendant le carnaval de 1821, ayant pour interprètes Ambroggi,
Parlamagni, Moncada, Fusconi, G. Fioravanti, ilmes Lipparini et
Parlamagni, Matilda di Shabran, dont le poëme, écrit par Ferretti,
était imité d'un de nos opéras les plus célèbres [Euphrosine et
Coradin, d'Hoifmann et Méhul), offre cette particularité intéressante
que l'orchestre, aux premières représentations, fut conduit par
l'artiste incomparable et inouï qui s'appelait Nicolo Paganini.
Dans son Histoire de t'Opéra italien, Castil-Blaze s'insurge ainsi
contre l'orthographe adoptée pour le titre de l'ouvrage : — « Pour-
quoi, dit-il, s'obstine-t-on à mettre di Shabran sur le livret, la
partition et les affiches? Sabran n'est point un mot anglais. La
tour de Sabran, lieu de la scène de l'opéra d'Hoffmann et
Méhul, de Ferretti et Rossini, la tour de Sabran est sise depuis une
dizaine de siècles dans le département de Vaucluse, entre l'Isle,
Apt et Cavaillon; une de mes filles en est châtelaine. Vous
voyez que je dois connaître ce nom; il est français comme les
noms de Saintes, Senlis, Salins, Salon, etc., .que l'on se garde
bin d'écrire avec une oi-thographe anglaise Shaintes, She7ilis,
Shalins, Shalon. Si les Italiens font une grossière faute, nous de-
vons la corriger au moins sur nos affiches, en y montrant Matilde
di Sabran. » Cette boutade n'a pas encore gagné sa cause.
Etait-il grand besoin de reprendre cette œuvre, qui n'occupe
qu'un rang très-secondaire dans le riche écrin du maître, et qui
est venu au monde cinq ans après le Barbier, dont elle n'offre
qu'une sorte de pâle reflet? Je ne sais trop, et il me semble que,
parmi les ouvrages de Rossini qui depuis longtemps n'ont pas
paru sur la scène, on en eiit pu choisir de plus intéressants, par
exemple Tancredi, la Donna del Lago ou Zelmira.
En effet, la partition de Matilda di Shabran n'offre presque au-
cune partie saillante ou originale. La cavatine du bouffe est exacte-
ment calquée sur le moule de celle de Figaro: celle du ténor
est un air de bravoure comme les compositeurs d'il y a cin-
quante ans en écrivaient à la douzaine; les deux morceaux les
meilleurs de l'ouvrage sont, à mon sens, le finale du premier acte
et le duo des deux femmes; mais là, comme dans tout le reste de
la partition, la formule et le procédé l'emportent sur le reste et
ne laissent guère à l'idée musicale la place nécessaire pour se
produire.
Le côté vraiment intéressant de la soii'ée, c'était l'apparition
de deux artistes inconnus jusqu'ici du public italien, mais dont la
réputation est grande en Italie. M. et Mme Tiberini, i coniuiji Ti-
berini, comme les appellent les journaux ultramontains, étaient
naguère à la Scala de Milan, où ils faisaient furore, et où le mari
créa il y a deux ou trois ans, avec un grand succès, le rôle prin-
cipal d'un ouvrage important, un Amleto dû à la plume d'un tout
jeune compositeur, M. Franco Faccio.
Dans Matilda di Shabraii, M. Tiberini a déployé toutes les qua-
lités d'un ténor di bravura accompli : de la légèreté, du brio, une
vocalisation facile et nette, une grande agilité de gosier, et des
sons de tète irréprochables. Mais, le dirai-je? toutes les perfections
de ce genre nous laissent bien froid, et ces rôles de ténor efféminé
nous sont presque aussi antipathiques aujourd'hui que l'arrivée,
sur la scène de l'Opéra, d'un danseur en justaucorps et en mail-
lot collant. Il serait injuste, cependant, de ne pas tenir compte à
M. Tiberini d'un talent acquis et très-réel. Maintenant qu'il a
donné la mesure de sa valeur sous ce rapport, il nous reste à sa-
voir quelles sont ses qualités de style, ses facultés scéniques, et
comment il se tirera d'un rôle dramatique. Il s'en tirera très-
bien, si nous en devons croire les échos de la réputation qui l'a
précédé. — Attendons.
Quant à sa femme, Mme Tiberini, elle paraît être, non-seule-
ment une chanteuse accomplie, mais encore une comédienne intel-
ligente et fine. Une voix juste, bien timbrée, bien posée, une vo-
calisation souple et légère, une diction très-juste et spirituelle, de
la grâce, de l'enjouement, en voilà plus qu'il n'en fallait pour as-
surer son succès à la première audition. Aussi le jeune couple
n'a-t-il pas à se plaindre de l'accueil chaleureux qui lui a été fait.
L'ensemble de l'interprétation de Matilda di Shabran a d'ail-
leurs été excellent. Du côté masculin, MM. Steller, Scalcse et Agnesi
ont mérité de grands éloges et une mention honorable ex œquo.
Du côté féminin, Mlle Grossi a fait briller sa belle voix, ronde,
souple et colorée, et Mlle Rosello, une beauté élégante et pleine de
charmes.
Maurice GRAY.
A M. le Directeur de la Revue et Gazette musicale.
Bruxelles, H mars 1S68.
Mon cher collaborateur,
J'ai exprimé le doute, dans l'article nécrologique sur notre ami Edouard
Monnais, qu'il eût fait une étude spéciale de la musique ; j'ai appris de-
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DE PARIS.
85
puis qu'il était violoniste et bon lecteur. Je viens donc vous prier de
vouloir bien donner place à ces lignes dans le plus prochain numéro de
la Gazette musicale, afin qu'elles rectifient le fait inexact de ma notice.
Votre tout dévoué,
FËTIS père.
Nous croyons être agréable à notre savant collaborateur en
ajoutant à la rectification qu'il nous envoie la mention de « di-
recteur du théâtre de l'Opéra » dont Edouard Monnais remplit
temporairement les fonctions. Ce fut le 17 novembre 1839 qu'il fut
appelé à les partager avec Duponchel, et ce fut sous leur direction
commune que furent montés les Martyrs, de Donizetli , le Diable
amoureux, etc. Le l"' juin suivant, M. Léon Pillet, commissaire
royal, prenait, à ses risciues et périls, la direction de l'Opéra, et
Edouard Monnais était nommé commissaire royal à sa place.
Nous laisserions incomplets les détails biographiques donnés par
la Gazette musicale sur la personne regrettée de son rédacteur en
chef, si nous ne reproduisions pas, en partie du moins, l'article
aussi admirablement écrit que profondément senti, consacré à sa
mémoire dans un des derniers numéros du Journal des Débats par
J. Janin, qui fut, dans leur vie littéraire, son camarade et son
ami, et qui a collaboré lui-même à la Revue et Gazette musicale.
Qu'il me soit permis de rendre ici les derniers devoirs à l'un des
mieux disant et des meilleurs de la légion lettrée, Edouard Monnais, un
rare et charmant écrivain, mort, il y a huit jours. Pas un peut-être
autant que lui n'était digne de représenter ce qu'on appelait autrefois,
dans les grands jours éclairés du génie et de l'esprit des maîtres, la
politesse de la langue française. Il était l'urbanité même et l'atlicisme
en personne. Il écrivait depuis tantôt un demi-siècle, et dans ce terrible
espace il n'avait pas blessé, qui le croirait? un seul amour-propre.
A peine s'il avait touché quelque intrépide vanité; sa belle plume était
habile également à faire, à guérir tout ensemble une blessure légère, et
pas un des hommes dont il ait parlé qui ne soit resté son ami.
Cet homme excellent avait reçu de très-bonne heure l'éducation litté-
raire; il n'avait eu sous les yeux que de bons exemples. Aux premiers
temps de sa jeunesse il y avait au rang des journaux les plus respectés
le Courrier français, rédigé par deux hommes qui ont laissé de grands
souvenirs : M. Châtelain et M. de Kératry, l'un et l'autre égaux en cons-
tance, en bravoure, en fermeté. Ceux-ci entouraient le jeune écrivain de
leur meilleure sollicitude; ils aimaient cette aimable et riante jeunesse;
ils approuvaient fort cette façon d'écrire honnêtement, simplement, sans
emphase, et plus d'une fois Déranger, le chansonnier, jeune aussi et
très-convaincu que le beau stylo était rare, arrivait au Courrier français
pour complimenter l'écrivain du nouveau feuilleton. C'étaient là des
louanges bien méritées. D'autant mieux que le jeune Kdouard Monnais
racontait à ces braves gens des passions toutes nouvelles pour eux, des
chefs-dœuvre inconnus, ces artistes incomparables : Garcia, le premier
comédien du monde; Mme Catalani, la voix sans égale, et Mme Main-
vielle-Fodor, sa digne émule, et bientôt la grande Malibran qui rem-
plissait le monde et le feuilleton de son charme ineffable. Edouard Mon-
nais a commencé au théâtre Italien avec Rossini, à l'Opéra avec M. Auber.
Toute sa vie il a parlé de M. Auber avec une admiration sans bornes.
Il eût été bien malheureux s'il eût fallu se prononcer entre la Muette
et Guillaume Tell. Même à l'apparition de Meyerbeer, Edouard Monnais
eiit résisté, s'il eût fallu rien céder de son admiration pour le Domino
noir.
Un écrivain d'un si rare mérite, honnête et droit, juste et passionné,
ne traverse pas impunément une si belle époque; au contraire, il y
gagne une grande autorité, beaucoup d'honneur pour lui-même, et des
lecteurs qui le suivront jusqu'à la fin de son œuvre. 11_ faut lui rendre
aussi cette justice : il n'a jamais été qu'un écrivain, un sincère et loyal
écrivain. Ce fut là toute sa tâche et toute sa profession. Il trouvait dans
cet art charmant le bonheur de toute sa vie, et c'est bien de lui qu'on
pouvait dire, en parodiant un mot célèbre et charmant du grand ora-
teur M" Paillet : « Laissez passer le bonheur d'écrire! » Il ne savait pas
de plus grande fête. 11 écrivait sans souci du lucre et sans souci de la
renommée. A peine il avait composé quelque beau livre ingénieux, bien
fait, tout rempli de ses honnêtes passions, son premier soin était de se
cacher sous un pseudonyme, et ses meilleurs amis ne se doutaient pas
de cette innocente supercherie. Il écrivait pour le théâtre avec le même
soin de se cacher que d'autres en mettent à montrer leur personnalité
bruyante ; il n'y aurait que ses collaborateurs qui pourraient dire à quel
point il était un inventeur plein de réserve et de naturel; mais ses col-
laborateurs ont emporté leur secret dans la tombe, et puis ces œuvres
légères sont mortes à leur tour. « Nous et nos œuvres, nous sommes
destinés à péi'ir, » c'est Horace qui l'a dit. Qu'importe, après tout, que
nous mourions aujourd'hui, demain, dans huit jours? C'est la loi des
œuvres de la matinée, elles n'ont pas de lendemain. Edouard Monnais,
ami de son repos, n'eût pas donné tous les bruits qui se font en un
jour en échange de sa gloire anonyme. Et de cette ambition si modeste
et si rare lui venaient, j'en suis sûr, sa bonne humeur, son intime
contentement, ses amitiés si vraies, son indulgence exquise et tout ce
naturel répandu dans ses livres, dans sa vie et dans ses discours.
i. JANIN.
CONCERTS ET AUDITIONS lUSICÂlES DE LÀ SEIRÂINE.
^.*.j; Les artistes du théâtre Italien, Mlles Patti et Grossi, MM. Gardoni,
Verger, Ciampi et les chœurs, ont défrayé l'attrayant programme du
concert de lundi dernier aux Tuileries.
^% Au 9» concert du Conservatoire, après la splendide symphonie en
sol mineur de Mozart, dont on a bissé le menuet, a été exécuté pour la
première fois le 42" psaume de Mendelssohn, pour orchestre, chœur et
soprano solo (Mlle Mauduit). Le public a accueilli ce morceau avec une
réserve à laquelle nous nous associons; c'est assurément un des plus
faibles qu'ait écritsl'auleurdu Songe d'une nuit d'été. Le style en est tou-
jours pur et élevé, mais l'intérêt et la chaleur font presque constamment
défaut. — Mme Montigny (Caroline Rémaury) a joué en grande artiste
le !■=' concerto en ut majeur de Beethoven. Elle tire du piano un très-
beau son; son jeu est délicat, sans recherche, et elle atteint toujours à la
véritable expression. Son succès a été très vif.— La magnifique ouver-
ture du Pardon de Ploënnel, supérieurement rendue, a été, comme d'ordi-
naire, accueillie par d'enthousiastes bravos.
^*^ Mmes Carvalho et Bloch, MM. Faure, Gardoni et Sivori avaient
été invités à interpréter le riche programme du second concert donné le
10 chez la duchesse do Galiera. Au nombre des morceaux de ce pro-
gramme brillaient l'arioso du Prophète, dit par Mlle Bloch, la romance
de Marta, chantée par Gardoni, et le quatuor de cet opéra, par Mmes
Carvalho, Bloch, Faure et Gardoni. Sivori a été éblouissant de perfection
dans son Mouvement perpétuel et sa fantaisie sur le Trovatore. Une mé-
lodie de Faure, chantée par l'auteur et accompagnée par Sivori et l'or-
ganisle Durand, a clos ce beau concert, constamment applaudi par le
plus aristocratique auditoire.
i):*^ S. A. I. la princesse Mathilde a voulu juger par elle-même le
talent du jeune pianiste napolitain Rendano, et elle l'avait invité à sa
soirée de dimanche dernier. S. A. 1. a été émerveillée des qualités pré*
coces du jeune virtuose, et elle le lui a témoigné par les plus chaleu-
reuses félicitations.
^*,t Vendredi 6 mars, à 8 heures du soir, a eu lieu l'inauguration
solennelle du nouvel orgue de Notre-Dame, construit par M. Aristide
Cavaillé-Coll. En attendant que nous parlions en détail de la structure
de ce magnifique instrument, nous dirons quelques mots de la cérémonie
et des exécutants. La cathédrale regorgeait de monde; on pense bien que
cette foule, plus curieuse que recueillie, a quelque peu nui par son
attitude bruyante à l'effet imposant de la solennité, et que la sonorité
de l'instrument n'avait pas à y gagner. Et puis, neuf morceaux d'orgue
l'un après l'autre, /compris l'introduction et la sortie jouées par l'orga-
niste titulaire, M. Sergent! C'était trop de moitié. MVI. Loret, de Saint-
Louis dAntin ; Aug. Durand, de Saint-Vincent de Paul ; Chauvet, de
Saint-Merri; Saint-Saëns, de la Madeleine; César Franck, de Sainte-Clo-
tilde ; Guilmant, de Boulogne-su r-Mer; Widor, de Lyon, se sont fait en-
tendre successivement; tous ont joué de leur propre musique, à l'excep-
tion de M. Loret, qui a exécuté un prélude et une fugue de Bach. Parmi
cette avalanche de morceaux modernes, il en faut citer deux d'un mé-
rite réel et q;ii ont obtenu tous les suffrages: le Noël, de M. Chauvet, et
la Marche de la cantate de l'Exposition, de M. Saint-Saens. Quelques
psaumes en faux-bourdon, un Aue Maria, un Pater, un Agnus iJei, exé-
cutés sous la direction de M. Félix Renaud, alternaient avec l'orgue.
Mgr Darboy, archevêque de Paris, a béni l'instrument.
»** Mlle Rives est la cantatrice en vogue cet hiver, et cette vogue,
elle la justilie par le charme et la supériorité de son talent. Tout ré-
cemment, chez la duchesse de Mouchy, elle faisait eniendre des mor-
ceaux de Mozart et de Scarlatti, pièces très-curieuses qui appartiennent
à la bibliothèque de M. Baillot. Le 15, elle chantera avec Mlle Nilsson
chez Mme la marquise d'Aoust; le 17, chez Mme de Talhouët. Enfin,
elle a été invitée à prendre part au quatrième grand concert des Tuile-
ries, le 23 mars. Mlle Rives a chanté, en outre, lundi dernier chez S.
A. I. la princesse Mathilde, qui a bien voulu lui témoigner toute sa sa-
tisfaction. Elle est redemandée chez la princesse et sera désormais des
réunions intimes.
*** Nous sommes en retard avec MM. Louis Lapret , le pianiste élé-
gant et sympathique, et M. Ramirez Valdès, l'éminent flûtiste mexicain
que nous verrons avec plaisir se fixer parmi nous. Leur concert a eu
lieu il y a quinze jours déjà; ce n'est pas une raison pour que nous
omettions d'en constater le succès: Ces deux artistes sont certainement
86
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
appelés à tenir une place distinguée à côté de nos virtuoses les plus ai-
més; nous les retrouverons toujours avec plaisir.
*** La Société des concerts donne aujourd'hui à 2 heures son 10° con-
cert. En voici le programme : 1° Symphonie en sol mineur de Mozart;
— 2" i2» psaume (l'" audition) de Mendelssohn, traduction de M. Nuit-
ter: chœur, air, choral, récitatif et quintette, chœur final; le solo sera
chanté par Mlle Mauduit; — 3" fragment»; du septuor, de Beethoven;
— 4° ouverture avec chœur du Pardon de Ploërmel, de Meyerbeer. — Le
concert sera dirigé par M. George -Hainl.
,\- Aujourd'hui à 2 heures, au cirque Napoléon, 20» concert popu-
laire de musique classique sous la direction de J. Pasdeloup. On y en-
tendra : 1" Symphonie en mi bémol fn» SO), d'Haydn (allegro, andante,
menuet, finale) le solo de violon par Lancien; — 2° Fragment sympho-
nique de F. Schubert {2« audition); — 3° Struensée, tragédie de Michel
Bear, musique de Meyerbeer: (l'auberge du village, troisième entr'acte,
le rêve de Struensée, marche funèbre, la bénédiction, dernier moment);
— i" Andante cantabile du S" ; Fugue du 9° quatuor de Beethoven
(1« audition), exécutés par tous les instruments à cordes; — 5» ouver-
ture de Ihiy-JBlas, de Mendelssohn.
^*^, Le Jugement dernier, de Michel-Ange, a inspiré à notre grand
ténor Duprez les paroles et la musique d'un oratorio en trois parties : la
Terre, l'Abîme, le Ciel. Cet ouvrage sera exécuté plusieurs fois par cent
soixante artistes, Duprez lui-même chantant les récits, au cirque de
l'Impératrice, du 1'^^ au 13 a\ril prochain. Le profit de ces séances sera
affecté à des institutions de bienfaisance.
.f*sf. Demain lundi, W. Kriiger donne à la salle Herz son beau concert
annuel avec le concours de Teresa Careno, de Mlle Cécile Dolmestch, de
MM, Hammer, Amrelle, Ponsard, etc. On y entendra plusieurs morceaux
nouveaux de Krûger et, entre autres, une transcription de la ballade des
Djinns, du Premier Jour de bonheur, etc. 11 ne reste plus que peu de
billets à prendre.
**, Edouard Wolff vient de rentrer à Paris, de retour de l'excursion
qu'il a faite avec la Compagnie Ulmann-Palti, excursion pendant le cours
de laquelle il a recueilli les ovations dues à son beau talent et que nous
avons signalées dans nos derniers numéros.
»*« Ant. Rubinstein vient d'arriver à Paris; il annonce pour jeudi
prochain 19 mars, à la salle Herz, un concert dans lequel il exécutera
les œuvres suivantes de sa composition : i' concerto en ré mineur ; pré-
lude et fugue ; sarabande, passepied, courante et gavotte (extraits d'une
Suite pour piano); Nocturne, caprice, Barcarolle, étude. La parlie vocale
est confiée à Mlle Rives. M. Camille Saint-Saëns dirigera l'orchestre.
if,*^ Le nouvel orgue de Notre-Dame sera joué les dimanches 13, 22,
29 mars et 3 avril, à midi et demi, et chacun de ces dimanches à tour
de rôle par MM. Camille Saint-Saëns, Franck aîné, Durand, Chauvet,
Loret, Sergent, etc., organistes de différentes églises de Paris.
,% On nous écrit de Rouen : « Le concert annuel de bienfaisance de
la Société lyrique qui a eu lieu dimanche 1" mars avait attiré une af-
fluence si considérable, que la grande salle des Consuls (à la Bourse)
n'a pu suffire à la contenir toute. Près de 4,000 billets avaient été placés.
— M. Gamelin dans la prière de Joseph, M. Victor dans la mélodie S»
vous saviez I, d'Alfred Dassier, M. Vauquelin dans le Ménétrier de
Meudon, du même auteur, MM. Leroy et Godefroy dans un duo
comique de Sylvain Mangeant, Ténor et Directeur, ont eu les honneurs
de la soirée ; mais il y a eu des applaudissements pour tous les chan-
teurs et les organisateurs de la fête. Ils n'ont eu qu'à se féliciter du ré-
sultat artistique aussi bien que du résultat financier de ce concert qui
laissera d'agréables souvenirs au public et une magnifique recette pour
les pauvres. »
Le défaut d'espace nous oblige à ajourner au prochain numéro le
compte rendu d'un certain nombre de concerts.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
sf*. Lundi a eu lieu au théâtre de l'Opéra la première représentation
i'Hamlet. — Nous en rendons compte. — Le nouvel opéra d'Ambroise
Thomas a été également joué mercredi et vendredi.
**, L'apparition de VHamlet d'Amb. Thomas, au théâtre de l'Opéra,
donne de l'intérêt à cette circonstance qu'un musicien consciencieux,
M. Aristide Hignard, a traité le même sujet sur un poëme de M. Pierre
Garai, et l'a fait récemment graver et publier à ses frais en attendant qu'un
directeur de bonne volonté se hasarde à en faire apprécier le mérite par
le public.
^** M. George Hainl, premier chef d'orchestre de l'Opéra et de la
Société des concerts du Conservatoire, vient d'être nommé membre du
comité des études musicales de cet établissement.
^** Le Premier Jour de bonheur se joue quatre fois par semaine au
héâtre de l'Opéra-Comique .
jf*^ La première représentation de la reprise de la Part du Diable est
annoncée pour le' 20 de ce mois. *
,*» MM. de Leuven et Ritt viennent de s'engager, par traité, vis-à-vis
d'A. Maillard, à jouer dans l'année les Dragons de Villars, donnés jus-
qu'à présent au théâtre Lyrique, qui seront montés avec tout l'éclat que
comporte le succès obtenu partout par cet opéra, et à reprendre aussi
iMra.
^*^ Mme Galli-Marié vient de renouveler, pour une période de cinq
ans, l'engagement qui la liait à ce théâtre.
^\ Mlle Tuai quitte le théâtre Lyrique pour entrer à celui de l'Opéra-
Comique, où elle vient d'être engagée.
j,.*4 Adelina Patti a chanté pour la première fois à Paris le
rôle de Leonora du Trovatore : d'abord à la soirée donnée dimanche
au théâtre Italien pour VOEuvre des écoles de Saint-Joseph; puis jeudi.
Le succès n'était pas douteux : il a suivi la célèbre cantatrice dans
cette création, comme dans celles de Gilda, de la Traviata, de Lucia.
Brillante dans ses diverses cavatines, c'est surtout dans le Miserere et
dans le duo final qu'Adelina Patti a été justement applaudie, rappelée,
acclamée; nous ne croyons pas qu'aucune de ses devancières s'y soit
montrée plus dramatique. Nicohni l'a secondée avec éclat; sa romance
d'entrée; son air du troisième acte avec la stretle di quella pira et la ro-
mance du quatrième acte ont provoqué d'enthousiastes bravos. — On
souhaiterait peut-être plus de force et de mordant dans l'organe de
Verger; mais ce jeune artiste est en grands progrès et il n'y a que des
éloges à donner à la façon dont il a chanté son air du deuxième acte
et le duo du quatrième. Agnesi et Mlle Grossi ont complété l'ensemble
de ces représentations en partie compromises pourtant, il faut bien le dire,
par une déplorable exécution de la part de l'orchestre. — Hier on a donné
la 3° représentation de l'œuvre de Verdi.
»*« La deuxième représentation de Matilda di Shabran a eu lieu mardi
et a pleinement confirmé le succès des époux Tiberini. — Leur seconde
pièce de début sera / Puritani. — Giovanna d'Arco sera la nouveauté de
cette semaine.
^*,^ Demain a lieu l'ouverture du Théâtre de la Renaissance par Faust.
^,*, La dernière représentation de la Fanchonnette, au'théâtre Lyrique,
a valu à Mme Carvalho la plus brillante des ovations : bis, rappels, cou-
ronnes, rien n'a manqué au triomphe de la célèbre cantatrice. — On a
joué Marlha trois fois cette semaine.
^*t C'est dans le rôle de Sganarelle du Médecin malgré lui, créé par lui
avec tant de verve et d'entrain, que Meillet reparaît demain au théâtre
Lyrique.
*** Demain, le théâtre des Fantaisies-Parisiennes donne la première
représentation de Roger Bontemps, vaudeville en un ai;te de MM. Clair-
ville et Bernard Lopez, refait en un opéra-comique en deux actes.
**"* Le théâtre de l'Athénée se dispose à donner, pour la fin du mois,
un nouvel opéra-bouffe en trois actes, provisoirement intitulé : Fleur de
Thé, dont le poëme est de MM. Chivot et Duru, et la musique de M.
Charles Lecocq, auteur de l'Amour et son carquois.
»*# Il y a toujours grande foule au théâtre des Variétés pour enten-
dre la Grande-Duchesse.
,*» L'opérette-bouffe de J. Moinaux et Offenbach : Dunanan père et
fils, remaniée en quatre actes,' va être jouée au théâtre des Menus-Plaisirs.
iit*. Les recettes brutes des théâtres impériaux subventionnés, des
théâtres secondaires et autres établissements soumis à la perception du
droit des pauvres se sont élevées pendant le mois de janvier à la somme
de 2,013,928 fr. 82 c.
,*, Le conseil municipal de Bordeaux vient de nommer M. Halanzier,
directeur du Grand-Théâtre, et de lui assurer, par délibération spéciale,
le maintien de la subvention de 200,000 fr., et, de plus, une allocation
de 30,000 fr. pour achat de décors et de costumes, dont une somme de
20,000 francs spécialement affectée à la mise en scène de l'Africaine. Le
public a ratifié de son approbation unanime ce choix heureux et ce vote
intelligent. — En attendant, les représentations données par les artistes
réunis en société marchent fort bien. Les Dragons de Villars font de jolies
recettes ; Mme Montaut - Lambert s'y montre comédienne habile autant
que chanteuse exercée.
,i.*^ La direction du théâtre des Arts, de Rouen, va passer aux mains
de M. Bonnesseur, naguère basse à l'Opéra. L'Africaine aura été le plus
beau succès de la direction actuelle ; la foule se presse encore, comme
aux premiers jours, pour admirer le dernier chef-d'œuvre de Meyerbeer
et applaudir ses excellents interprètes .
»*„, Mardi, Marie Sass donnait au Havre une représentation composée
mi-partie de l'Africaine et mi-partie de la Juive. La grande cantatrice y
a reçu un accueil enthousiaste.
^\ En présence des succès obtenus par Mme Rose Bell, au théâtre
de Liège, la direction s'est décidée à monter les Bavards d'Offenbach;
Mme Rose Bell y remplira le rôle créé par Mme Ugalde, et son gracieux
talent lui promet un nouveau triomphe. La première représentation a
dû avoir lieu jeudi.
DJi PARIS
87
*** Jeudi prochain, 19 mars, mi-carôme, aura lieu à l'Opùra le der-
nier bal masqué de la saison, sous la direction de Strauss.
NODVELLES DIVERSES.
*•* Hector Berlioz se repose en ce moment, à Monaco, des glorieuses
fatigues de soa voyage en Russie.
**» Une des célébrités musicales de la Bourgogne, on pourrait dire
de la France, Jules Mercier, vient de s'éteindre à Dijon à peine ûgé de
quarante-neuf ans. Membre de l'Académie de cette ville, président-fon-
dateur de la Société philharmonique, compositeur de mérite, musicien
consommé autant que professeur habile; nature bonne, entraînante, mo-
deste, caractère affeclueux et serviable, J. Mercier était de ceux qui ho-
norent leur pays natal et qui ont droit à l'amitié et à l'estime de tous.
Dans ses compositions nombreuses, — fantaisies sur la Favorite, Robert,
Chartes T7, les Huguenots, le Pré aux Clercs, le Proiihète, etc., — J. Mer-
cier apportait la même reciitude de goût, hi même profondeur de senti-
ment, la même pureté sonore que dans son exécution. La cité dijonnaise
et la province ont vivement ressenti la perte de l'homme éminent qui
avait popularisé chez elles la musique des maîtres et qui s'était cons-
tamment efforcé de maintenir la réputation artistique dont elles jouissent
à plus d'un titre. Le théâtre a été fermé ; trente-six sociétés musicales
se sont fait représenter aux funérailles du chef regretté qui depuis si
longtemps les conduisait au triomphe dans les divers concours et festi-
vals; les cordons du poêle ét.aient tenus par M. le maire de Dijon et
plusieurs artistes, Vieuxtemps et Godefroid, notamment, anciens cama-
rades de Conservatoire de Jules Mercier. Au service, entre autres mor-
ceaux, l'orchestre a joué l'andante de la .symphonie en la de Beethoven,
dans lequel Vieuxtemps a tenu 'la partie de premier violon. — La com-
pagnie lyrique Ulmann-Patti, de passage à Dijon, a voulu s'associer au
deuil public : MM. Vieuxtemps, Seligmann et Wolff ont joué l'Ave Maria
de Gounod, en commémoration de la mort de J. Mercier; des applau-
dissements émus et des larmes sincères ont remercié ces grands artistes
de leur délicate attention.
**jii La célèbre tragédienne allemande Sophie Schrœder, mère de la
grande cantatrice Wilhelmine Schrœder-Devrient, ravie trop tôt à Fart,
vient de mourir. Sophie Schrœder était plus qu'octogénaire.
**:j M. Marc Micliel, auteur d'un grand nombre de jolies comjdies-
vaudevilles, et qui fut longtemps le collaborateur d'Eug. Labiche, vient
de mourir.
ET RANGER
^*j, Bruxelles. — La première représentation de Don Carlos a eu
lieu mardi. Le public a très-froidement accueilli cet opéra, qui n'a pas,
il faut le dire, les qualités qui font le succès des grandes productions de
la scène lyrique. Ce n'est pas qu'on n'ait reconnu çà et là la main d'un
compositeur expérimenté. 11 y a incontestablement de belles pages dans
la partition de Dun Carlos ; le fmaie du troisième acte est largement
conçu et d'un grand effet; mais, pour quelques parties réussies, combien
de scènes languissantes! Pourquoi M. Verdi a-t-il changé sa manière?
pourquoi a-t-il adopté le malencontreux système de la récitation à jet
continu, mis à la mode par li's musiciens sans idées! Cette transforma-
tion de l'auteur du Trouvère et de Rigoktto a fort désappointé les dilet-
tantes de Bruxelles. L'exécution n'étiit pas faite pour pallier les défauts
de la musique; elle les a exagérés au contraire, ajoutant à l'indécision
des formes mélodiques les incertitudes d'une interprétation Ilottante
et molle. Rarement opéra a été plus mal chanté; c'est une particularité
dont il faut tenir compte en constatant le fait de l'insuccès. On prépare
la Jolie Fille de Perth; le Premier Jour de Bonheur et Ilamlet seront pour
l'hiver prochain. La présence de Rubinstein à Bruxelles est l'événe-
ment musical du moment. Le célèbre virtuose s'est fait entendre di-
manche passé au concert populaire et^iercredi dans une soirée dont son
admirable talent a fait seul les frais. 11 a produit tjne profonde impres-
sion. Depuis Liszt il n'y avait pas eu d'exemple d'un pareil succès de
pianiste. Après avoir joué samedi dans un concert de charité, Rubins-
tein partira pour Paris; de là il se rendra en Angleterre, puis en Amé-
rique, où il est certain qu'une grande fortune l'attend.
»*^ Berlin . — Niemann a fait sa rentrée à l'Opéra dans le rôle de
Jean de Leyde du Prophète; il y a été supei-bo. .\vec ce vaillant ténor,
avec son émule, Wachlel, rétabli d'une longue indisposition, avec Mmes
Lucca et Artôt, revenues à leur poste, l'Opéra-Royal peut compter sur
de splendides et fructueuses soirées. — La troupe italienne, après sa
courte excursion à Hombourg, a repris possession du théâtre Victoria,
et paraît con.server la faveur du public.
^^*Jf Gotha. — Un opéra-comique et romantique nouveau, la Nuit de
Saint-Jean d'Eilers, a été très-goiUé du public. Le sujet est emprunté à
la nouvelle de Zschocke, VHôte mort.
„,*, Leipzig. — Dans son 19° concert, l'avant-dernier de la série, l'or-
chestre du Gewandhaus a célébré, le .'J mars, le 12;)' anniversaire de sa
fondation. Le programme se composait exclusivement de compositions
des six chefs d'orchestre qui .se .sont succédé pendant les vingt-cinq der-
nières années : Mendelssohn, David, Gade, Ililler, Rietz et Roinecke, le
chef actuel. — Le Copservaloire de mu.sique a fêté sa 23' année d'exis-
tence. Depuis son établissement, 1,300 élèves environ y ont reçu l'édu-
cation musicale sous toutes .ses formes.
^'jt Lioerpool. — La direction des concerts philharmoniques sera désor-
mais contiée à Jules Benedict.
^% Florence. — Un nouvel opéra, Rosmunda, du maestro Gialdini, a
rencontré à la Pergola un succès honnête, qui ne lui présage pas encore
une vie bien longue.
,1,*^ Venise. — Succès immense à la Fenice avec V Africaine. Grâce
à une exécution bien voi.sine delà perfection, le chef-d'œuvre a pu res-
plendir de toute sa beauté, et gagner ainsi dès le premier soir un ter-
rain précieux. Mme Lotti Délia Santa, Carrion et Merly ont été admira-
bles, tous les autres artistes les ont vaillamment .secondés, et il n'y a
que des éloges à donner aux chœurs, à l'orchestre, ainsi qu'à la direc-
tion pour sa splendide et intelligente mise en scène.
^*^ Varsovie. — Une regrettable mesure vient d'être prise : le Con-
servatoire est fermé, après six ans seulement d'existence, les fonds dus
à la souscription qui le faisait vivre d'une vie précaire étant complète-
ment épuisés.
^*,t Saint-Pélersbourg . — Mme Lucca est réengagée pour les mois de
novembre et décembre. Adelina Patti chantera en janvier et février. La
troupe italienne engagée pour toute la saison se compose de Mmes Fricci,
Trebelli, Volpini, des ténors Mario, Fraschini, Calzolari , des barytons
Neri-Baraldi, Graziani, des basses Zucchini, Angelini, Gassier.
CONCERTS ET AUDITIONS MUSICALES ANNONCÉS.
Salon Krîegolstein, aujourd'hui dimanche à 8 heures 1/2 du soir : cin-
quième et dernière séance de MM. H. Bonewilz et Norblin, avec le
concours de MM. Telesinski et Bernard.
Salle Herz, dimanche 13 mars : concert donné par M. Kowalski et Mlle
Pellini, avec le concours de MM. Hermann-Léon, Sarrasate, Las-
serre, Mlle E. Dubois et Coquelin, de la Comédie-Françai.se.
Salle Herz, lundi 16 mars : concert de M. VV. Krûger, avec le concours
de Mlle Dolmetsch, MM. Ponsard, Hammer, Godard et Charles Pot-
tier.
Salle Herz, mardi 17 mars à 8 heures 1/2 : concert de Mme Rouxel-
Tailhardat, avec le concours de Mlle Laure Tailhardat, de MM.
Brégy, Pauvre- Taffanel, Sighicelli, Soumis et Rouxel. — Poésie
par M. Sanison. — Comédie en un acte de MM. Meilhac et Halévy,
par M*** et Mme Armand et Delille.
Salons Pleyel-Wolff, mardi 17 mars : cinquième séance populaire de mu-
sique de chambre, donnée par MM. Ch. Lamoureux, Colblain, Adam
et Poëncet, avec le concours de M. Henri Fissot.
Salons Erard, mercredi 18 mars à 8 heures 1/2 du soir : concert des
frères Sauret, élèves de MM. Ch. de Bériot, avec le concours de
Mlle Alph. Marer, de M. Aubary, Mlle C. Meyer et M. Lamotte,
chanteur comique.
Salle Herz, mercredi 18 mars : concert par le violoniste mexicain Euse-
bio Delgado, premier violon solo du théâtre de Mexico, avec le
concours de Mlle Marie Roudier, Louise Murer, MM. Waldeck, Bru-
neau et Mattiozzi.
Salons Pleyel-WoIff, mercredi 18 mars: séance publique donnée par A.
Gouffé, pour l'audition de ses œuvres.
Salle Erard, jeudi 26 mars à 8 heures 1/2 du soir : concert de l'excel-
lent pianiste compositeur Ernest Stœger, avec le concours de Mlle
Rives, du violonisie Hermann, qui vient d'arriver à Paris, Poëncet,
Baur et JI. Van Waefeighem.
Salle Herz, jeudi 26 mars : concert donné par Mme Norman-Neruda, la
célèbre violoniste.
Salle Erard, samedi 28 mars à 8 heures 1/2 du soir : concert de M. Eu-
gène Ketterer, pour l'audition de ses œuvres nouvelles, avec le con-
cours de Mme Anna Fabre, Mlle Louise Cantin, de MM. Pagans, A.
Herman, A. Durand, F. Thomé.
« TT T o On demande un organiste pour l'église de Coulommiers ;
il V lu. s'adresser à M. Bleuze, maître de chapelle à Saint-Sulpice,
rue de la Grande-Chaumière, 8.
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE UE PAKIS.
Nouvelles publications de J. MAHO, 25, rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris.
Op. 12.
— 13.
— iS.
— 18.
— 19,
— 20.
— 28.
— 29.
— 39.
— -il .
Première sonate pour piano {mi majeur) . . .
Première sonate pour piano et violon (sol majeur)
Deux trios pour piano, violon et violoncelle : 1. en fa m.
2. En sol mineur
Première sonate pour piano et violoncelle (ré majeur). . .
Deuxième sonate pour piano et violon (la mineur)
Deuxième sonate pour piano [ut mineur)
1 . Nocturne
2. Caprire
Deux Marches funèbres pour piano :
1 . Pour le convoi d'un artiste
2. Pour le convoi d'un héros
1 . Barcarolle pour piano (fa mineur)
2. Allegro appassionato pour piano
Deuxième sonate pour piano et violoncelle {sol majeur). .
Troisième sonate pour piano {fa majeur)
Op. a. Soirées à Saint-Péterslourg. Six morceaux pour piano.
Livre 1 . Romance. Scherzo
— 2. Preghiera. Impromptu
— 3 . Nocturne. Appassionato
— -49. Sonate pour piano et alto ou violon {fa mineur)
(La partie de violon arrangée par Ferd David.)
— 52. Troisième trio pour piano, violon et violoncelle {si bém.)
— 53 Six fugues dans le stylo libre précédées de préludes :
1 . En-/o bémol majeur
2 . En fa mineur
3. En mi majeur
i. En Si mineur
5 . En sol majeur
6. En ut mineur
— GC. Quatuor pour pianu, violon, alto et violoncelle net.
Etude en m( majeur pour piano
5 »
7 50
10 !-
20 »
7 no
5 »
7 50
7 50
7 50
6 .
12 .
7 50
BTmWMWM H^îiîi^ll
Op. 119. Préludes composés pour Mile Lili, 2 livres, chaque 10
— 120. Mélodies pour piano 10
— 121 . 1 . Ballade pour piano 5
2 . Conte, pour piano 6
Op. 121 . 3. Rêverie du Gondolier, pour piano-. 5
— 122. Valses Rêveries, pour piano 10
— 82. Nuits blanches, pour piano, 1 vol. in-8° net. 6
— 78, 80, 89. Promenades d'un solitaire, pour piano, 1 v. 8°, net 8
Divers pour Piano
Henselt (A.). Op. 28. 1. Valse sentimentale 4 50
— 2. Valse noble 4 50
— Op. 39. Aubade 4 50
Hlllcr (P.). Guitare, impromptu 4 50
E.e Conppey (P.). Transcriptions classiques:
11 . Schubert, sérénade 5 »
12. Beethoven, fragmeut du premier quatuor 6 »
Hendelsaohn (P.). Op. 101 . Ouverture posthume 7 50
Sari (L.) . Rondes des Elfes 5 „
— Canto del Monte d'Oro 5 „
Scliirrniaclier. Op. 73. Deux romances de Liebé (transcrip-
tions: Autrcfuis. Au revoir I) 6 »
Sctauinunn (Robert). Op. 82. Dans la forêt, morceaux caracté-
ristiques : Entrée. — A l'affût. — Pleurs solitaires. —
La vallée maudite. — Paysage. — L'Auberge. — L'Oi-
seau-prophète. — Air de chasse. — L'Adieu.
SIenold (Ch.). Op. 1. Deux polkas 6 »
— Op. S. Mazurka de salon 5 »
— Op. 6. Grande valse brillante 7 50
SlenoId (Ch.). Op. 8. Nocturne 6
— Op. 23. Barcarolle S
Splndlcr (Pr.). Op. 5. Retour du printemps, idylle 6
— Op. 75. Souvenirs de Pierrefonds, deux idylles :
1 . L'Oi-scau chante ! 5
2. La Source 5
— Op. 84. Les Naïades, morceau de genre 5
— Op . 111. Polka, mi bémol 6
— Op. 127. Les Trois Grâces, trois morceaux de salon :
1 . Le Galop 6
2. La Valse 6
3 . La Mazurka 6
— Op. 133. Contes d'autrefois, 2 morceaux caractéristiques, ch. 5
— Op. 163. Les Sirènes, 2 valses, ut majeur, fa majeur, ch. 5
— Op. 164. Le Chant de la Pileuse 6
— Op. 177. Les Premières feuilles, deux morceaux, chacun . 6
Welile (Ch.). Op. 73. Impromptu 5
— Op. 2i. Laendler ; 5
— Op. 75. Chanson bohème 6
Pour Piano à quatre mains
BeethOTcn. Fidelio, complet net. 15 »
— Fidelio, ouverture 7 50
EnckiiauKen (H.). Op 84, Ecole de piano, 4 cahiers, chaque 7 50
Cianz (W.) . Op. 12 bis. Qui vive ! arr 9 »
Hende;ssolin (P.). Op. 101 bis. Ouverture posthume 9 »
Hozart. Don Juan, complet. » net. 15 »
— Don Juan, ouverture 7 50
— La Flûte enchantée, complet net. 15 »
— La Flûte enchantée, ouverture 7 50
Mozart. Les Noces de Figaro, complet net. 15 »
— Les Noces de Figaro, ouverture 7 50
Roaslni. Le Barbier de Séville, complet net. 15 »
— Le Barbier de Séville , ouverture 7 50
Spindier (P.). Op. 1-40 bis. Le Trot du cavalier, arr 7 50
Weber. Le Freyschiifs, complet net. 15 »
— Le Freyschiitz, ouverture 7 50
— Oberon, complet net. 15 »
— Oberon. ouverture T 50
Musique d'ensemble
Esctimann (Ch.). Op. 58. Trois sonatines pour piano et violon:
1 , Ré; 2, Sol ; 3, Ut , chacune
Ciaéronlt. Rondino de Beethoven, transcrit pour piano et orgue
HauptmaBii (M ) . Trois sonatines très-faciles, ut, sol, fa, po>ir
piano et violon
Langlians (W.) . Aria di Lotti, transcrit pour violon ou violon-
celle avec accompagnement de piano
— ~ Op. 4. Quatuor pour deux violons, alto et violoncelle, fa
majeur. (Couronné du 1"^"' prix par la Société de quatuors
de Plorence)
E.alo (E.). Op. 14. 1. Chanson villageoise pour violon ou vio-
loncelle et piano
Sérénade pour violon ou violoncelle et piano
19. Quatuor pour deux violons, alto et violoncelle, mi
bémol majeur
liacombe (Paul). Op. 8. Sonate pour piano et violon
HendeisNObn-Barttaoïdy (Pélix). Op. 17. Variations con-
certantes pour piano et violoncelle ou violon
- Op.
7 50
5 »
Meyer (Louis). Les concerts à la pension, trios non difficiles:
1 . Sol majeur 12
2. Sol majeur 9
3. Ut majeur. 12
Salnt-Saens (C). Op. 16. Suite pour piano et violoncelle, net. 7
Séparément ;
Prélude, ré mineur 6
Sérénade, soi mineur 6
3 . Scherzo, mi bémol majeur 6
4 . Romance, mi majeur 6
5. Finale, ré majeur 6
— Op. 18. Trio en fa majeur pour piano, violon et violon-
celle. (Dédié à M. Alfred Lamarche) 20
— Concerto en la majeur pour violon avec accompagnement
d'orchestre. Partition (sous presse) net. 8
— Concerto en la majeur avec accomp. de piano (sous presse).
UendelDsobn (F.). Op. ICI. Ouverture posthume, pour or-
chestre, en partition net . 5
— La même, en parties séparées 20
Ueiidelssobn (P.). Op. 60. La Première nuit de sabbat, parti-
tion in-8°, chant et piano net . 7
liuc (V.). Une Nuit de Noël, petit drame lyrique en un acte et
deux tableaux, avec accompagnement de piano et har-
monium (violon et harpe ad libitum), pour pensionnats et
communautés religieuses net. 7
(SalBt-Saens. Les Noces de Prométhée, cantate pour solos,
chœurs et orchestre, partition chant et piano net. 5
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VEtwéle en ta, mineur de JUEIVDEIiiItlSOHlV. dont la
publication récente a excité à an si liant degré l'inté-
rêt des pianistes.
SOMMAIRE. — Concert d'Antoine Rubinstein, par Charles Bannelier. —
Une matinée musicale au Grand-Orient de France, Em. llatbien de Hon-
1er. — Tliéâtre des Fantaisies -Parisiennes: Roger Bonlemps, opéra-comique
en deux actes, paroles de MM. Clairville et Bernard Lopez, musique de M. De-
billemont. — Revue des tliéâtres, par D. A. D. tSaint-lfies. — Galerie
des musiciens célèbres anciens et modernes. — Concerts et auditions musicales
de la semaine. — Nouvel^es des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. —
Concerts et auditions musicales annoncés. — Annonces.
CONCERT D'ANTOINE RUBINSTEIN
A LA SALLE HERZ,
Le jeudi 19 mais 1868,
Ce prodigieux virtuose, cet athlète du piano, qui ne connaît
d'autre rival que Franz Liszt, ce grand artiste à l'extérieur presque
rude, qui n'a rien à voir avec les élégances de pose et les airs penchés
des pianistes à la mode, Antoine Rubinstein est né dans un village de
la Moldavie, à Wechwotynez, sur les frontières russes, le 30 novem-
bre 1829; il a donc aujourd'hui un peu plus de trente-huit ans.
Il est Russe par son éducation, ayant habité Moscou dès son en-
fance; c'est dans cette ville qu'il donna son premier concert à
l'âge de neuf ans. Depuis, il a perfectionné sans relâche son ad-
mirable talent d'exécution, qui, servi par une organisation physi-
que exceptionnelle, est arrivé à un degré de puissance dont ceux
qui n'ont point entendu Liszt ou lui ne peuvent se faire une idée.
Il n'a commencé â composer d'une manière sérieuse que vers sa
vingtième année; il a produit depuis lors une quantité immense
d'œuvres de toutes sortes, opéras, oratorios, symphonies, concer-
tos, sonates, morceaux de piano, de chant, chœurs, etc.; dans
toutes on trouve les pensées élevées, le style large, la distinction,
le savoir-faire du grand musicien. En général cependant, elles
sont produites trop hâtivement, et portent la trace d'un travail
fiévreux et sans règle. Il n'aime pas revoir à loisir sss composi-
tions ; elles sont aussitôt publiées que terminées, et il s'en est re-
penti plus d'une fois. De plus, beaucoup ne sont accessibles qu'à
un très petit nombre de pianistes, en raison des effets de haute
virtuosité qui y sont prodigués, et qui réclament non-seulement
des doigts habiles, mais encore une certaine force physique.
Rubinstein a beaucoup voyage. 11 est venu à plusieurs reprises
à Paris, oiî ses concerts ont toujour-s produit la plus vive sensa-
tion. Il y était l'année dernière encore, mais il ne s'est fait enten-
dre que dans quelques cercles intimes. — Il est le fondateur du
Conservatoire et de la Société des concerts de Saint-Pétersbourg;
des dissentiments regrettables l'ont- fait renoncer depuis peu à la
direction de ces deux belles institutions. Son frère Nicolas, pianiste
comme lui, est établi à Moscou où il jouit d'une réputation mé-
ritée.
Le concert de jeudi dernier réunissait dans la salle Herz le pu-
blic d'élite, le grand public des artistes illustres; les maîtres du
piano au grand complet étaient venus applaudir et étudier. Après
l'ouverture des A^oces de Figaro, dite dans la perfection par l'or-
chestre sous la direction de Camille Saint-Saëns, Rubinstein a
attaqué son 4« concerto en ré mineur, qu'il affectionne particu-
culièrement et qu'il joue plus volontiers en public. C'est une lutte
perpétuelle entre le piano et l'orchestre que ce concerto ; et l'avan-
tage de la sonorité ne reste pas toujours au dernier. Fortement
conçu, savamment conduit, il manque peut-être un peu de cette
chose indéfinissable qu'on appelle le charme, excepté dans Van-
danle, qui se rapproche de la manière de Mendelssohn. Les oc-
taves, les arpèges, les croisements rapides des mains s'y succèdent,
drus et serrés comme la grêle; le poignet d'acier de Rubinstein
en a facilement raison. A ceux qui seraient tentés de croire que
cette gymnastique fait sortir le piano de ses voies et moyens, il a
répondu victorieusement l'autre soir. Toutefois, il fera bien de
plaider toujours sa cause lui-même.
Mais voici le torrent débordé devenu un ruisseau tranquille et
limpide : Rubinstein joue le ravissant rondo en la mineur de
Mozart avec une finesse, une suavité, une sobriété que nous
90
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
retrouverons tout à l'heure dans son nocturne et dans celui de
Chopin. Après la fantaisie étourdissante, la grâce enfantine; après
le tour de force, après les foudroyants prodiges de mécanisme, le
jeu lié, les nuances les plus délicates, le pianissimo fondant
On regarde au piano... Oui, c'est bien encore lui... A présent, le
Rubinstein du concerto nous revient : c'est le scherzo a capricio
de Mendelssohn, c'est la titanesque transcription du Roi des Aulnes
de Liszt, puis encore quelques-unes de ses compositions à lui, Ca-
pricio, un charmant poëme, Barcarolle, Etude, la fameuse et
redoutable Etude en ut à laquelle il a donné le titre redondant
d'Etude inferncde du Diable, appelée encore « Etudes aux fausses
notes, » lesquelles fausses notes ne sont que des appogiaturcs
très-mélodiques que la main gauche vient piquer rapidement dans
le haut du clavier, pendant que la droite se livre à des arpèges
effrénés... C'est stupéfiant, on a le frisson... Le beau piano de
Herz, un des meilleurs instruments sortis des ateliers du facteur-
artiste, a vaillamment supporté l'épreuve.
Après chaque morceau, des applaudissements à faire crouler la
salle, des rappels sans fin, ù rendre jaloux un ténor ou une pri-
ma donna en vogue !
Total : une heure et demie bien complète de piano, de quoi
épuiser tout autre que Rubinstein; mais lui a gardé jusqu'à la lin
son calme olympien, et pour un peu il eût recommencé.
Certes, ils se fourvoieraient étrangement ceux qui croiraient
qu'iV faut chercher à imiter cet artiste extraordinaire; comme
Liszt, c'est une individualité puissante, exceptionnellement douée,
et qui s'impose par des qualités propres, non transmissibles. Grâce
à Dieu, il y a encore, en deçà de cette virtuosité de haute école,
de pures et vives jouissances pour l'homme de goût.
Un mot d'éloge en terminant à l'adresse de Mlle Rives, qui a
jeté un peu de variété dans ce programme assez chargé, en chan-
tant avec goût deux morceaux des Noces de Figaro, la Prière de
la Vestale et un air de Rameau.
Charles BANNELIER.
DNE MATINÉE MUSICALE AD GRAND-ORIEKT DE FRANCE.
Concert donné par la loge maçonniqne les FBÈRES-UKIS-
HKSÉPABABliES, au profit |de son Œuvre d'adoption d'or-
phelins.
Parler ici de cette fête d'art et de bienfaisance, — mais toute
de famille, — dont l'éclat empruntait à ce caractère essentiellement
intime je ne sais quoi de digne et de touchant ; dire avec quelle
solennité et quelle simplicité tout à la fois la musique s'unit à la
charité dans une loge maçonnique, cela est peut-être, cela est
sans doute une indiscrétion. Mais, en m'inspirant de l'esprit fra-
ternel de ceux qui seraient en droit de me la reprocher : C'est
pour les autres et pour soi, leur répondrais-je, qu'il faut entendre,
sentir, méditer les belles choses; votre réunion exceptionnelle de
dimanche dernier, par son essence même et sa nature, a profon-
dément charmé, impressionné jusqu'à l'émotion, ceux qui y ont
assisté; à ce titre, laissez ces harmonies délicieuses franchir les mu-
railles du Temple et permettez à leur^écho de se répercuter dans
la chronique musicale de la semaine.
Sous les voûtes symboliques du « sanctuaire de l'hospitalité sainte et
del'inviolableamitié,» dans ce milieu où tout parleà l'âme et l'élève
vers la claire intelligence du beau et du vrai absolus, l'art mu-
sical a certainement été représenté, le lo mars, dans sa mani-
festation la plus pure et par ses interprètes les plus habiles.
Mme Norman-Neruda — son éloge n'est plus à faire, — livrait
à l'admiration d'un auditoire enthousiaste son jeu puissamment
individuel, fécond en rencontres imprévues et en expressions
trouvées; son style large et fin qui avance comme un Ilot, ne
laissant aucun point sans l'embrasser et le revêtir, dévoilant une
imagination continue dans le détail et accusant lo souci et la cu-
riosité des contrastes. A côté d'elle brillait sa blonde compatriote,
Ophélia-Nilsson, — décorée du bijou de la Loge,
« Blanche comme ung lys
Et qui chante à voix de Syrène. »
N'a-t-elle pas reçu, dès le berceau, le don de l'harmonie, delà
perfection, de la sensibilité, cette âme du chant? Rosine liloch,
beauté et voix opulentes; Mme Barthe-Banderali, dont le talent
empreint de la plus élégante distinction observe surtoutla maxime:
Rien de trop. Le charmant quatuor de femmes, n'est-ce pas , que
celui-là où se rencontraient, à mérite égal, la passion, la grâce
poétique, le sentiment dramatique et l'esprit avec la beauté? Dans
le rayonnement de ces « étoiles » gravitaient Delle-Sedie qui joint
à un si grand art tant de simplicité: Ph. Lamoury, dont le vio-
loncelle chante, — et voilà l'idéal ! — comme la plus belle des voix
humaines ; Morini, à la voix chaude, colorée et convaincue :
Rosenhain, le maître aimé, dont le talent souple sait toujours
intéresser.
Quant au programme, on devinait, dans sa composition savam-
ment combinée, la sollicitude et l'expérience d'un des membres
de la Loge, un expert en l'art difficile de placer sous leur vrai
jour et de faire valoir les uns par les autres les plus rares talents
et les plus belles œuvres. On pouvait même supposer que le choix
des morceaux du concert avait été fait aussi bien pour le meil-
leur profit de l'OEuvre d'adoption des orphelins de la Loge, qu'en
vue de leur propre agrément et édification. Le duo du Stabat de
Rossini, par exemple, admirablement interprété par Mlles Nilsson
et RIoch, — le merveilleux contraste de voix et de beauté! — ne
semblait-il pas devoir initier ces intéressants pupilles au sentiment
religieux que la musique seule peut, du reste, complètement ex-
primer? A ces imaginations jeunes et impressionnables, l'air de
Joseph ne devait-il pas dire l'amour de la patrie; Farioso du Pro-
phète, l'amour maternel; l'air de Don Sébastien, l'amour de la
gloire? Ce sont là, après tout, des leçons qui en valent bien d'au-
tres ! La valse des Bleuets, accompagnée par l'auteur lui-même et
s'envolant en perles cristallines des lèvres de Mlle Nilsson, ne
pouvait-elle rappeler à l'esprit l'image séduisante des plaisirs cham-
pêtres ? Dans le duo des Noces de Figaro, dans le quatuor de
Martha, et dans celui de Rigoletto, le génie, lo talent, parlent
assez haut pour séduire, transporter dans le domaine de la poésie
les intelligences les plus naïves ou les plus indifférentes. Et ce
Conte d'enfant, si fraîchement récité par Rosenhain, où la voix
grave de l'aïeule évoque tour à tour les^ vaillants chevaliers et les
fières châtelaines, les gnomes et les fées, chevauchant sous les
grands bois, n'était-ce point là, dites, comme le sourire et la dé-
tente de cet heureux programme?
Tout en donnant l'éloge qu'ils méritent à la Fantaisie tnilitaire,
de Servais, jouée par Ph. Lamoury, et au charmant petit duo à
l'espagnole pour orgue et piano, de Ch. Loret, spirituellement en-
levé par l'auteur et M. Gallois, je me reprends à l'accueil enthou-
siaste fait à Mme Norman-Neruda (fantaisie de ^Mœser sur le
Freyschuts, de la plus étonnante originalité; Air varié de Vieux-
temps) et à Mlle Nilsson. De même que l'odeur d'une violette rend
à l'âme les jouissances de plusieurs printemps, — la comparaison
est de saison, — le gosier et l'archet de ces deux enchanteresses
suédoises réveillent tout ce qui dort de mélodies suaves dans les
cellules de la mémoire.
C'est ainsi qu'en cette magnifique salle constellée de lumières et
de bijoux, envahie dès le matin par un auditoire d'élite, — de-
DE PARIS.
91
vaut une bonne œuvre à faire, les honnêtes gens qui vont ail-
leurs, s'arrêtent toujours, — c'est ainsi qu'au bruit des bravos e^
à l'audition d'oeuvres exquises, ont passé, rapides et légères, les
heures de la matinée musicale des Frères -Unis. A vrai dire, il y
avait là, moins un public qu'une réunion d'amis; moins une salle
de concert que le salon d'une grande et généreuse famille, dont
MM. le général Mellinet, grand-maître; Alfred Blanche, grand-
maître adjoint de l'ordre, etAronssohn, président de la Loge, fai-
saient les honneurs. Ai-je besoin d'insister sur la sympathie com-
municative, sur le charme irrésistible qui se dégeagaient de ce fais-
ceau formé de tant d'hommes distingués et de tant d'artistes
éminents? Aussi, avec quel empressement, avec quelle joie a-t-on
donné, et les artistes tout les premiers, à la collecte gracieuse-
ment faite dans les rangs du viril Atelier par la blonde Marta et
la brune Fidès. «Tout ti l'heure, je demandais pour les pauvres, —
disait Mlle Nilsson au propriétaire, pour la seconde fois sollicité,
d'un porte-monnaie aurifère, — mais maintenant je quête pour
moi. » Il y a eu bien des traits comme cela, et telle était la phy-
sionomie de cette aimable journée. Argent béni, noble capital,
vous avez déjà permis à ces honnêtes gens d'adopter, d'élever,
comme cela, simplement, noblement, par eux-mêmes et en eux-
mêmes, quaranle-cinq orphelins : un demi-cent d'hommes arrachés,
grâce à l'attrait de la musique, à la misère, au crime, peut-être!
La réunion s'est terminée sous cette , impression. Faire le bien,
cette vraie destinée de l'homme, n'est- ce point le secret d'être
heureux? Heureux, chacun l'était en pensant qu'il avait contribué,
pour sa part, à permettre aux Frères -Uni:- de l'endre une famille
à d'autres orphelins ; à donner du pain et un abri à ces pauvi'es
petits grelottants ; à armer ces faibles pour les luttes de la vie ; à
doter ces deshérités d'une éducation tendre et robuste qui les
consolera plus tard à leur insu, qui les écartera du mal sans
qu'ils aient la peine de tenter un effort et qui les portera vers le
bien comme une secrète analogie de nature.
Voilà pourquoi et voilà comment on a fait, dimanche dernier,
un peu de musique au Grand-Orient de France.
Em.-Mathieu de monter.
THEATRE DES FÂNTÂÎSIES-PARISIENHES.
ISOSEB 3îO.^"ï'BSÏ8''S,
Opéra- comiqve en deux actes, paroles de MM. Clairville et
Bernard Lopez, musique de M. Debillemont.
(Première représentation le 18 mars 18G8.)
Cette pièce n'est pas tout à fait nouvelle; on l'a jouée au Vau-
deville, en 1848, sous le même titre; mais elle n'avait alors qu'un
seul acte et elle était ornée de couplets faits sur des airs con-
nus. Elle est aujourd'hui divisée en deux actes, et ses couplets
ont été rais sur des airs nouveaux. Nous voudrions pouvoir re-
connaître qu'elle a beaucoup bénéficié de ces iiK.difications; mais
la vérité est que, pour se rajeunir, elle aurait eu besoin d'un re-
maniement encore plus radical.
Le type de Rocjer Bontemps, tel que l'a conçu Béranger, est gai
sans doute; mais ses auteurs l'ont encadré dans une action qui ne
l'est guère et qui se compose, en outre, d'éléments tant soit peu
surannés. Roger Bontemps aime sa filleule Marguerite, et il vou-
drait bien en faire sa femme. Mais il a commis la faute de chan-
sonner la maîtresse du château, qui est une ancienne danseuse de
l'Opéra, et comme il est fort mal dans ses aifaires, un huissier,
amoureux de Marguerite et' représentant du protecteur de l'ex-
danseuse, le poursuit à outrance, saisit ses meubles et menace de
l'envoyer à la Bastille. Par bonheur, la châtelaine, en butte aux
satires de Roger Bontemps, est une ancienne ;:iuie qui se rappelle
avoir tenu avec lui Marguerite sur les fonts baptismaux. Elle oublie
sa chanson , paie ses dettes, lui fait cadeau d'un mobilier tout
neuf, et, pour inetlrc le comble à sa générosité, elle assure son
union avec Marguerite.
M. Debillemont a écrit sur ce vieux vaudeville une musique
nouvelle qui est vive, facile et parfois élégante. Il y en a beau-
coup, peut-être même un peu trop, car tous les couplets de la
pièce primitive ont été conservés, et l'on y en a ajouté" quel-
ques autres. Notre mémoire n'y saurait suffire ; cependant nous
avons remarqué, au hasard d'une première audition, plusieurs
morceaux, parmi lesquels nous mentionnerons l'ouverture, très-
jolie symphonie villageoise, le choeur de lever du rideau, la chan-
son de Roger Bontemps, la romance du portrait, le morceau d'en-
semble de la saisie, un air bachique et un charmant duo entre
Roger et la danseuse.
Le rôle de Roger Bontemps était joué au Vaudeville par Félix;
il n'est pas aussi heureusement placé entre les mains de Gabriel
Bonnet, qui y fait certes preuve d'intelligence, mais qui, sous le
rapport physique, ne répond pas à l'idée qu'on s'en fait. Comme
chanteur du moins, cet artiste accomplit bien mieux les conditions
voulues. Sa voix est sympathique et il chante avec goût. Mlle Alice
Vois n'a pas non plus toutes les qualités requises pour le rôle de
Jeanne la Danseuse, mais elle s'en tire avec assez d'adresse.
Mlle Labarre est une fort gentille Marguerite. Dcrval et Masson
s'acquittent fort convenablement du personnage de l'huissier et de
celui du chef de l'escouade chargée d'arrêter Roger Bontemps.
Comme toujours, la mise en scène est très-soignée, et le vaillant
orchestre de M. Constantin manoeuvre avec un louable ensemble.
Le soir môme où l'on jouait Roger Bontemps aux Fantaisies-Pa-
i-isiennes, le théâtre de l'Athénée reprenait avec succès une autre
opérette de M. Debillemont, la Vipérine, qui a été représentée, il
y a deux ans, aux Folies-Marigny, par le couple Montrouge, et qui
est interprétée maintenant par André Munie, un débutant, et par
Mlles Lucie Cabel et Bonelli.
D.
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : un Baiser anonyme, comédie en un acte, par
MM. Albéric Second et Jules Blerzy. — Gymnase : les Grandes
Demoiselles, comédie en un acte, par M. Edmond Gondinet. —
Théâtre Impérial du Chatelet" : le Vengeur, drame en huit ta-
bleaux, par MM. Brisebarre et Blum. — Palais-royal : reprise
de 11 Vie Parisienne d'Offenbach. — Porte-Saint-Martin : re-
prise de Glenarvon, drame de M. Félicien MallefiUe.
Il y a toujours foule au Théâtre-Français pour applaudir Paul
Forestier; mais on ne va jouer la pièce de M. Emile Augierque tous
les deux jours, et il est bon de donner quelques soins aux autres
spectacles de la semaine. C'est dans ce but qu'a eu lieu la repré-
sentation récente d'une comédie en un acte de MM. Albéric Second
et Jules Blerzy, intitulée un Baiser anonyme. Le sujet en est fort
léger, mais la faiblesse de l'intrigue est rachetée par l'esprit et la
distinction des détails. Il s'agit d'un jeune mari qui va au bal masqué
sans sa femme, et qui y fait la rencontre d'un charmant domino avec
lequel il entre en conversation intime. Gustave devient tendre et
pressanf ; le domino l'écoute avec complaisance, mais il faut se
séparer, et, au moment de partir, le domino jette au front de
Gustave un baiser rapide. A certains indices, le mari coupable a
cru reconnaître une amie de sa femme, et lorque le prétendu de
cette dame vient justement lui demander d'être son témoin, on
comprend qu'il s'imagine avoir de bonnes raisons pour le détour-
92
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ner de ce mariage. Il en résulte un imbroglio assez piquant entre
ces divers personnages qui finissent cependant par s'expliquer.
On apprend alors que le domino du bal masqué n'était autre que
la femme de Gaston, et que, pour punir son infidèle, elle a prié
son amie de l'aider à le mystifier.
Le plus grand mérite de ce gentil marivaudage est d'être mer-
veilleusement débité par Brassant, Febvre, Mme Madeleine Brolian
et Mlle Edile Ricquier. Comment une pièce, si insuffisante qu'elle
soit, ne serait- elle pas favorablement accueillie avec de pareils
interprètes?
— La nouvelle comédie de M. Gondinct, jouée au Gymnase,
sous le titre des Grandes Demoiselles, n'a pas non plus une
grande valeur, mais, comme celles des Français, elles se sauve
par d'agréables détails, et surtout par la réunion d'une douzaine
de jeunes et gracieuses femmes. Elles sont rassemblées dans une
maison de campagne poui' le mariage d'une petite cousine qui, au
dernier moment, croit devoir se raviser. On se désole d'abord,
mais la coquetterie reprend bientôt ses droits, quand on est informé
qu'un séduisant vicomte va venir faire un choix parmi cet essaim
de grandes demoiselles qui sont foutes dévorées du désir de se
marier. Un étranger se présente, c'est à qui cherchera à fixer son
attention par des manières engageantes, non moins que par des
toilettes irréprochables. Mais, dans leur empressement de plaire aux
dépens les unes des autres, toutes ces demoiselles ont fait fausse
route, et c'est pour un vulgaire accordeur de pianos qu'elles ont
déployé un si grand luxe de roueries féminines.
Ce petit acte a fait plaisir; il est gai et spirituel; il est bien
joué par Pradeau, Porel et Viclorin; dans le nombre des treize
femmes qu'il emploie, on distingue Mmcs Fromentin, Chaumont,
Pierson, Massin, Angelo ; mais nous avons tout lieu de supposer
qu'on ira le voir principalement pour la curieuse exhibition de
toilettes qui fait en ce moment, du Gymnase, une succursale
de nos meilleurs journaux de modes.
— L'immense pièce du Vengeur qui a fait tant de bruit, avant
son apparition, a été bien loin de tenir tout ce qu'elle promettait.
La première représentation de ce drame a pro\oqué le plus violent
orage, et c'est au bruit des sifflets qu'a fini par sombrer le fameux
vaisseau républicain. Cependant il est encore sur l'aflkhe, et l'on
parle même de le galvaniser en y appelant Mlle Thérésa qui y
lancerait aux échos du Châtelet le refrain d'une chanson patrioti-
que. Si cet expédient réussit, tant mieux; car on ne peut rester
indifférent à la pensée de tous les frais que comporte la mise en
scène d'un ouvrage de ce genre, et au calcul des pertes que sa
chute entraîne.
— Constatons, pour mémoire, que le Palais-Royal vient de re-
prendre, avec éclat, la Vie Parisienne, d'Offenbach, où l'on re-
trouve les principaux artistes de la création : Brasseur, Hyacinthe,
Gil-Pérès, Priston, Lassouche et Mlle Zulma-Boutfard. Mlle Aline
Duval y remplace Mme Thierret, et l'on a engagé, pour compléter
la distribution féminine, Mlles Baron, Lovato et Paurelle.
— A la Porte-St-Martin, on a repris également un ancien drame
de l'Ambigu, Glenarvon ou les Puritains de Londres, dont les pre-
miers rôles sont joués par Laray, Brésil, Delaistre, Mnjes Suzanne
Lagier et D. Petit; mais il faut en convenir, cette pièce a bien
vieilli.
D. A. D. SAINT-YVES.
GALERIE DES SUSICIENS CËLEBRES ANCIENS ET lODERNES.
Un des ateliers photographiques de Paris les plus curieux à vi-
siter est sans contredit celui de Pierre Petit. D'une prodigieuse
activité et d'une expérience consommée, Pierre Petit s'est attaché,
dès le principe, à reproduire toutes les notabilités existantes, et
plus de 2,500 individualités, prises dans toutes les classes de la
société, ont successivement posé devant son objectif. Maisons sou-
veraines, Episgopat, Armées de terre et de mer; Célébrités
politiques, diplomatiques, judiciaires, scientifiques, littéraires,
artistiques, etc , ETC. ; telle est la mine inépuisable dans laquelle
s'est recrutée, et se recrute chaque jour, sa vaste collection qui
n'a pas sa pareille comme variété et comme mérite d'exécution.
Les musiciens contemporains et les musiciens du siècle passé y
occupent une place aussi importante qu'intéressante, et cette série
compte environ 200 portraits des compositeurs et des virtuoses les
plus célèbres, parmi lesquels on remarque surtout les belles
épreuves de Meyerdeer , Rossini , Auber , Berlioz , Halévy , Gou-
NOD , Amb. Thomas, Verdi, Vieuxtemps, Prudent, H. IIerz, et —
tout dernièiement fait — le superbe portrait de Stephen IIeller.
Non-seulement leur ressemblance est parfaite, mais ils offrent de
plus, au point de vue artistique, une supériorité incontestable.
Tirés dans le format in-4'' (format de la musique), sur papier de
Chine et carton de Bristol, ils sont on ne peut mieux appropriés
à oiner le cabinet d'un artiste, à former des albums, à illustrer
des recueils, etc., et la modicité de leur prix les rend accessibles
à tous. Désireuse de propager cette belle iconographie, qui s'aug-
mentera successivement de tous les artistes en réputation, français
ou étrangers, la maison Brandus et Dufour, éditeurs de musique,
a traité avec Pierre Petit pour en avoir l'exploitation. Elle en in-
forme donc ses correspondants de la province et de l'étranger,
auxque's elle recommande très-chaudement cette publication. Ils
trouveront aux annonces de la Gazelle musicale la liste des prin-
cipaux portraits parus, et, sur leur invitation, elle leur en adres-
sera un spécimen. En outre, elle exécutera leurs commandes à
une remise tout exceptionnelle qui les encouragera à prêter un
concours zélé à celte utile entreprise.
CONCERTS ET AUDITIONS MUSICALES DE LÀ SEBIÂINE.
,ii% Les programmes des conceris de la cour et du high-life donnés
cette semaine ont été fort brillants et défrayés par ce que Paris compte
de plus éminents en artistes. Aux Tuileries, Mme Sasse, Mlle Battu,
Mlle Nilsson, Faure, ont chanté les plus beaux morceaux du répertoire de
l'opéra français et italien. Le magnifique duo du 4" acte de l'Africaine
par Marie Sasse et Villaret , le duo à'Hamkt par Mlle Nilsson et Faure,
la cavatine à'Ernani par Marie Battu, ont été de véritables triomphes pour
ces chanteurs d'élite. On a particulièrement goûté une barcarolle nou-
velle, Sancta Lucia, composée par Braga pour Mfie Battu, qu'elle dit avec
un art et un brio incoraparabli-s, et qui lui a valu les félicitations de
Leurs Majestés. Les chansons suédoises de Mlle Nilsson ont produit aussi
un grand effet.— Au concert de l'hôtel de ville nous retrouvons Faure et
Mlle Nilsson avec le duo et la ballade d'Hamlet. — Chez la marquise
d'Aoust , le quatuor de Maria chanté par la marquise elle-même,
Mlle Rives, Gardoni et Verger, les mélodies suédoises par Mlle Nilsson.
^Chez le président du Conseil d'État, M. de Vuilry, le chœur de V Afri-
caine exécuté d'une façon supérieure et bissé à la demande générale.—
— Chez la duchesse de Frias, Mlle Battu redisait avec le même succès
qu'aux Tuileries sa Barcarolle napolitaine, et avec Gardoni et Verger le
trio bouffe de Martini, Vadasri via diqua. Nous supprimons nécessaire-
ment le détail des morceaux exécutés; mais on peut juger, par ceux
que nous venons de citer, du soin apporté à l'orgaiiisalion de ces con-
certs et de la place importante qu'ils occupent aujourd'hui dans les plai-
sirs de la vie parisienne.
^*t Au deuxième concert du Conservatoire devait jouer ou Mme Ne-
ruda-Norman ou M. Edmond Duvernoy; Mme Neruda-Norman ayant
promis son concours au concert du Grand Orient, dont nous rendons
compte, on a dû remplacer le solo instrumental par les fragments ordi-
naires du septuor de Beethoven, ressource précieuse en cas d'embarras,
mais dont on a un peu abusé. Le reste du programme comme l'avant-
dernier dimanche.
^*^ La jeune et charmante pianiste américaine Teresa Carreno s'est
décidément posée comme une des individualités les plus remarquables du
DE PARIS.
93
monde artistique parisien, qui a accueilli à bras ouverts ce talent déjà
mûr et formé à la meilleure école.- Mlle Carreno, que la nature a roya-
lement traitée, possède une incroyable puissance d'exécution, une sûreté
de mécanisme à toute épreuve. Dans plusieurs de ses compositions, Une
revue à Prague, fantaisie sur l'Africaine, Un rêve en mer, dans le beau
duo symphonique pour deux pianos de Lefébure-Wély (avec son compa-
triote Cervantes), elle a soulevé, mercredi dernier, à la salle Erard, des
applaudissements frénétiques. Mlle Pauline Castri, MM. Delle-Sedie, Le-
fébure-Wély, Sarasate et Coquelin en ont pris leur boune part.
^;*i Le concert au profit de la crèche du quarlier des journaux, dont
rurganisalion avait été confiée à iM. Ehvait, a été brillant. Crosti, Sainte-
Foy et Mlle Marie Heilbron, de l'Opéra-Coniique, ont eu les honneurs du
bis. Mlle Lavini a été très- applaudie avec l'air du Barbier et un boléro
espagnol d'iradier. La jeune violoniste Nelly Guibert, élève distinguée
de Charles Lamouroux, a exécuté avec une véritable maestria une fan-
taisie d'Artôt et le solo du Parnasse de liaphaël, scène allégorique, avec
accompagnement d'un chœur à six voix de femmes, composée par M. A.
Elwart. La charmante pianiste Marie Secrétain, le saxophoniste L.
Mayeur, ont récollé leur bonne part de bravos, et la société chorale di-
rigée par Amand Chevé a fait sensation avec les Filles de Noé, chœur à
six voix d'EIwart, et un beau chœur du compositeur russe Bortniansky,
les Chérubins.
^*i. Georges Pfeiffer a donné le 1" mars une audition de ses œuvres.
Ce jeune maître n'est pas seulement un pianiste éminent, c'est encore,—
les lecteurs de la Revue et Gazette musicale le savent, — un compositeur de
grand talent qui a su se placer très-haut dans l'estime des musiciens.
Pour tout citer et tout analyser, il nous faudrait un espace qui nous
manque; nous nous bornerons à dire en quelques mots que le trio en
sol mineur, joué par l'auteur, M. Léonard et Lasserre, est une œuvre
très-remarquable, frappée au coin de la distinction et du savoir ; que la
transcription de l'ouverture d'Egmont est d'un puissant effet; que la
Valse des Sirènes et la 3° mazurka sont deux ravissants petits poëmes.
Le joli chœur VAbeille, parfaitement chanté par la société chorale d'ama-
teurs que dirige M. Guillot de Saint-Bris, un Sonnel-Éléyie sur des pa-
roles de Buileau, et une romance de l'cpéra-oomique le Capitaine Roch,
fort bien dits par Archaimbaud et Mlle Roulle, ont été accueillis,
comme tout le reste, par les chaleureux applaudissements d'un nom-
breux public.
a,*j, Dimanche dernier, a eu lieu le concert de Henri Kowalski et des
sœurs Pellini. Nous avons maintes fois applaudi aux succès du jeune
artiste, qui a su conquérir une honorable place dans l'armée si nom-
breuse des pianistes, par la réunion des qualités qui font le virtuose
sympathique et le musicien sérieux. 11 nous a semblé avoir gagné celte
fois encore en sûreté, en puissance et en charme. Il a joué trois jolis
morceaux de sa composition, parmi lesquels nous citerons la Danse des
Dryades. 'Avec le violoniste Hammer, il a été couvert d'applaudisse-
ments après la fantaisie de Thalberg et de Bériot sur te Huguenots. —
Les sœurs Pellini, gracieuses cantatrices dont le talent est aujourd'hui
apprécié partout, paraissaient pour la première fuis sur une scène plus
vaste et devant un public qui a\ait acheté le droit de les entendre; il ne
leur a pas fait un moins bon accueil que les salons aristocratiques. Elles ont
chanté quelques-uns de leurs ravissants duos, iXoclurne de Mendelssohn,
Créole et Captive de Duclos, écrit expressément pour elles et, en russe,
une charmante mélodie de la princesse Kotschouhey. Des bravos
chaleureux, des rappels nombreux leur ont prouvé qu'elles avaient con-
quis à Paris leurs lettres de grande naturalisation.
,,;** Le concert annuel de M. Delaliaye a eu lieu mardi 10 mars, dans
les salons Erard, devant un auditoire magnifique où Ton remarquait bon
nombre de notabilités du monde des arts, de la littérature et de la haute
soiété parisienne. 'M. Dolahaye est un pianiste au jeu vigoureux, puis-
sant, résolument exempt d'afféterie, ce qui ne veut pas dire qu'il manque
de délicatesse ni de charme. Il a exécuté avec une fougue superbe, un
style d'une pureté admirable, la belle fantaisie de Prudent sur le Domino
noir, morceau splendide, mais redoutable, qui exige des quaUtés si mul-
tiples et si diverses : l'ampleur, l'agilité, l'éclat, la grâce, la force!
M. Delahaye s'est montré à la hauteur de l'œuvre et a obtenu une vé-
ritable ovation. Comme compositeur, M. Delahaye n'a pas eu moins de
succès : la Mouche, romance sans paroles et sa deuxième Polonaise sont
deux pièces charmantes. Le concert s'est terminé de la façon la plus
brillante par l'ouverture du Freijschutz, habilement arrangée pour quatre
pianos par le bénéficiaire et enlevé avec un ensemble parfait par lui,
par MM. Lavignac, Lack, Corbaz. MM. Sarrasate, Lasserre, Hermann-
Léon et Mme Barthe Banderali qui prêtaient leur concours à M. Delahaye,
ont eu, eux aussi, leur très-large part du succès de cette belle soirée.
,1,*^ Comme nous l'avions annoncé en rendant compte de la dernière
audition de ses œuvres, D. Magnus a donné son concert annuel à la
salle Pleyel, le li mars, avec Mme Gagliano. C'est toujours le pianiste au
jeu nerveux et brillant que nous connaissons, le virtuose irréprochable
qui sait si bien faire valoir ses originales et intéressantes compositions,
comme la Tzigane-Marche, par exemple, charmant morceau qui a con-
quis tous les suffrages et qui n'aura pas moins de vogue que la Tara-
boukha. Citons encore quelques titres, le caprice sur te Huguenots,
Berceuse orientale, Dimanche, Caprice-Mazurka, etc., autant de petits chefs-
d'œuvre.— Mme Gagliano est une cantatrice de la bonne école; elle a dit
avec goût la romance de Mignon de Monpou, la chanson des Djinns
d'Auber et la sérénade de Gil-Blas de Semet.
*** Le concert de W. Kriiger, le 17 mars, a été du petit nombre de
ceux qui offrent au musicien un réel intérêt. Nous signalerons surtout
le concerto en la pour piano, œuvre capitale dans laquelle Kriiger se ré-
vèle comme un compositeur sérieux et attachant, et qu'il a exécutée avec
sa maestria habituelle. Sa Krakoiviak, danse polonaise, est brillante et
originale. MM. Hammer, B. Godard, Stratmann, Audran, Mlles T. Car-
reno et Cécile Dolmetsch prêtaient au bénéficiaire un précieux
concours.
**i Notre excellent contreba'isiste A. Gouffé, dont les matinées hebdo-
madaires sont toujours si intéres-santes et si suivies, a donné mercredi
dernier .sa séance publique annuelle dans les salons Pleyel, avec le con-
cours de Mme Béguin-Salomon, de MM. Guerreau, RignauU, Baur, Heiss
et Lebouc. Du trop riche programme de ce concert, nous ne retiendrons
qu'un quinquette en ré, de M. Ad. Blanc qui a été justement applaudi,
et une sicilienne variée pour la contrebasse, composée et exécutée avec
beaucoup de succès par M. Gouffé. Mme Béguin-Salomon est restée à la
hauteur de sa belle réputation dans le quatuor de piano de Beethoven,
dans deux charmants morceaux extraits des Nuits blanches de Stéphen
Heller et dans une brillante étude pour la main gauche, dont elle est
l'auteur.
»% Le terrain nous fait défaut, comme chaque année à pareille épo-
que, pour rendre un compte suffisant des nombreux concerts qui se
donnent de tous côtés. Nous nous bornerons donc à en signaler rapi-
dement quelque.s-uns parmi les plus intére,«sants :
— Celui de M. Ch. de Bériot fils et de Mme Monbelli, deux artistes
de race, le premier célèbre déjà et à juste titre comme pianiste; la se-
conde, cantatrice d'un remarquable et aristocratique talent, digne élève
d'Eugénie Garcia; signalons trois compositions charmantes de Ch. de
Bériot, Ballade, Rondo martial et Etude caprice, qu'il a exécutés en maî-
tre.
— Celui de M. Georges Jacobi, violoniste et compositeur de méiite,
qui a joué avec succès plusieurs de ses nouvelles œuvres : Nocturne,
Berceuse, Chanson de matelots; M. Ernest Stœger, le pianiste distingué
que nos lecteurs connaissent, s'est fait applaudir avec ses trois jolis mor-
ceau de genre: Novetlett'', Prélude et Etude caprice, si généralement
goûtés; M. Caron, dans la ballade d'Adaniastor , de l'Africaine, et Mlle
Rosine Bloch, dans l'air du Prophète : « 0 mon fils! » ont recueilli de
nombreux et légitimes bravos.
— Celui de Mlle Pauline Régnier, qui interprète d'une façon supé-
rieure les maîtres du piano, et qui s'est spécialement distinguée dans
une polonaise de Chopin, après laquelle on lui a fait une brillante ova-
tion.
— Celui des jeunes frères Sauret, violoniste et pianiste, si intéressants
et d'un talent si précoce ; le pianiste surtout qui semble promettre un
véritable artiste, à la façon dont il a joué un brillant Caprice-Etude de
son maître Ch. de Bériot.
— Celui de Mme Rouxel (Angèle Tailhardat), la vaillante pianiste que
l'on sait, à côté de laquelle se sont fait applaudir le violoniste Sighicelli
et le flûtiste Taffanel.
■- Celui du violoniste mexicain De'gado, ancien chef d'orchestre au
théâtre National de Mexico, qui vient faire apprécier à Paris un talent
réel et de bon aloi .
— Enfin, celui du pianiste et compositeur polonais Titus d'Ernesti,
dont l'éloge n'est plus à faire, et qui joue si admirablement la musique
de son illustre compatriote Chopin. Nous avons applaudi trois œuvres
de cet excellent artiste: Au bord du lac, Paris, galop brillant, et une
Fo(i(awie sur des thèmes polonais, qui feront certainemoot leur chemin
dans la carrière du succès. Nous devons également une mention très-
honorable à une cantatrice nouvelle pour Paris, Mme Délia Rosa, qui
nous arrive précédée d'une réputation commencée et dignement soute-
nue en Italie , et qu'on a acclamée unanimement après une cavatine
do Pierre de Màdicis et le grand air de Semiramide.
^*^ Le défaut d'espace nous empêche aussi de parler d'une manière
assez détaillée du concert donné dimanche dernier par le célèbre pianiste
compositeur Jacques Rosenhain ; nous y reviendrons dans notre pro
chain numéro.
^% Il y a quelques jours, M. Bessems a obtenu un grand succès en
jouant dans le concert donné par la Société des Lettres et des Arts, à
Fontainebleau ; M. Bessems y a fait entendre plusieurs de ses composi-
tions pour violon et alto, et a fait chanter sa ballade de Mignon avec
accompagnement d'alto par M. Sapin, qui a produit uu grand effet sur
le public de Fontainebleau. M. Bessems a terminé sa séance par deux
mélodies de sa composition ; elles ont électrisé les dilettantes de cette
aristocratique réunion.
.:!(*, La Société philharmonique d'Amiens, si bien dirigée par M. Deneux,
vient de donner, au profit des pauvres, un très-brillant concert dans le-
quel le Désert,de Félicien David, a été exécuté avec un immense succès;
l'auteur conduisait lui-même. — Sax et sa fanfare d'élite n'ont pas été
moins fêlés; on a surtout applaudi le grand duo sur Robert, pour Iroin-
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
bonc-sax et soxhorn-ba£se à six pistons, fort bien exécuté par MM. Holle-
beke et Robyns.
:j*„ Nous revenons aujourd'hui sur le concert de Mme Clotilde de Lala-
pie, dont nous avons déjà mentionné le succès dans notre dernier nu-
méro, et d'autant plus volontiers qu'un talent varié et solide comme le
sien mérite plus que beaucoup d'autres d'être mis en pleine lumière. En
effet, des morceaux de toutes les écoles classiques et modernes, de Bee-
tlioven, Chopin, Liszt, Schulhoff, ont pris sous ses doigts leur véritable
caractère ; elle donne à son exécution, irréprochable quant au méca-
nisme, un charme tout particulier qu'elle saura, nous n'en doutons pas,
communiquer aux disciples qu'elle est appelée à former.
**^, La dernière séance de musique de chambre de H. Bonewitz a eu
lieu dimanche dernier dans les salons Kriegelslein. Ces matinées seront,
lors de la reprise des séances au mois de septembre prochain , transfor-
mées en soirées, dont l'intérêt se soutiendra, nous n'en doutons pas.
,if** Les sociétés philharmoniques de province se disputent Mlle Angèle
Cordier, dont le talent de cantatrice s'établit de plus en plus. Tout ré-
cemment, dans les beaux concerts donnés à Cambrai et à Arras, elle a
obtenu le plus brillant succès en y chantant l'air de « l'Ombre » du
Pardon de Plocrmel qu'elle détaille admirablement.
**j, La direction du Casino de Monaco a organisé, le 7 mars dernier,
un magnifique concert auquel ont pris part Alfred Jaell et sa femme,
toujours admirables et toujours fêtés; l'éminent clarinelliste Wuille, pro-
fesseur au Conservatoire do Strasbourg, qui a exécuté avec son talent
habituel un cnnccrlino de Weber, et une cantairico du théâtre Italien
de Nice, Mile Scalchi, qui a recueilli de légitimes applaudissements après
la cavatine do Sémiramis. L'orchestre, sous la direction de M. Eusèbe
Lucas, a été de tous points digne d'éloges.
*** Aujourd'liui, au cirque de l'Impératrice, a lieu la grande séance
annuelle de l'Orphéon municipal de la ville de Paris (rive gauche), sous
la direction de M. François Bazin. Voici le programme des chœurs qui
y seront chantés : la Création, de Haydn ; Don Carlos, de Verdi ; les
Chants du Bosphore, de François Bazin ; CEdipe à Colone, de Sacchini ;
Paris! d'Aml)roise Thomas; C'est Dieu ! de Léo Dclibes; V Entrée des Croi-
sés à Conslantinople, de Helts: un ancien Noël; le Nabab, de F. Halévy,
et Vive V Empereur ! de Gounod.
^*K. Voici le programme du 21° concert populaire de musique classique
qui sera donné aujourd'hui au cirque Napoléon, sous la direction de
J. Pasdeloup : 1° Ouverture de Prcciosa, de Weber; — 2° Réformations-
Sinfonie, (n"5),dcMendelssohn, l'" audition (introduction, allegro, scherzo,
andante, choral de Luther, finale); — 3° Sicilienne, menuet de J.-B.
Bach; — 4° Andante pour violon-solo et orchestre de Garcin (le solo par
M Garcin); — 3° Symphonie en /a de Beethoven.
*** Mme Norman-Neruda est h. Paris, de retour de son excursion en
Hollande. Son concert — et c'est le seul qu'elle donnera à Paris — reste
fixé à jeudi prochain, 26 mars. La grande artiste y exécutera les
morceaux suivants : Ballade et Polonaise, de Vieuxtemps; Prélude, Ga-
votte et Menuet de J.-S. Bach ; une sonate de Rust, œuvre fort curieuse,
qui date de 1793; la Sonate de Beethoven, op. il, dédiée à Kreutzer,
pour piaao et violon avec M. Camille Saint -Saëns; et un duo de
Maurer et l'adagio de Bériot pour deux violons avec sa sœur, Mlle Marie
Neruda ; la partie vocale du concert sera représentée par Delle-Sedie.
^,*j, Chaque année à cette époque il y a fête au Casino de la rue Cadet;
Arban convie au beau concert qu'il donne à son bénéfice tous ceux, —
et ils sont nombreux — qui apprécient son triple talent de virtuose, de
compositeur et de chef d'orchestre, en même temps que les soins tout
particuliers et l'babileté avec lesquels il dirige les soirées musicales du
Casino. C'est le samedi 28 qu'aura lieu cette solennité dont les éléments
sont des plus attrayants; on en jugera par le programme que nous don-
nons in-extenso et dans lequel on remarquera une véritable nouveauté :
un fragment de la Saint-Julien des Ménétriers, symphonie dramatique
avec paroles qui termine la Parémiologie musicale de Georges Kastner et
qui sera exécuté pour la première fois.— P.\rtie vocale: Société des En-
fants de Lutëce, sous la direction de M. Gaubert.^PARiiE instoibientale :
M. Pujol, pianiste; M. Dunkler, violoncelliste; M. Lalliet, hautboïste;
M, Arban, cornettiste. — Première partie : 1° Ouverture de Charles VI,
d'IIalévy ; 2° Fragment de la Saint-Julien des Ménétriers, de Georges
Kastner (!''<' audition) ; 3° Premier grand solo de cornet à pistons, com-
posé et exécuté par Arban ; 4» Ouverture des Girondins, de H. Litolff ;
S° Fantaisie concertante sur les Vêpres Siciliemies, de Verdi, composée
par Arban, avec soli par MM. Gobert, Dunkler, Cantié, Soler, Damare,
Gobin et Divoire (1" audition). — Deuxième partie : i° Grande Fantai-
sie sur les Iluguenats, pour orchestre et chœurs, de Meyerbeer ; 2° Fan-
taisie pour piano, sur Faust, composée et exécutée par M. Pujol;
3° Ouverture du Premier Jour de bonheur, d'Auber {i^" audition) ;
4° Solo (le hautbois sur la Traviala, de Verdi, composé et exécuté par
M. Lalliet; 3» Finale de Roland à Roncevaux, de M. Mermet, orchestre
et chœurs.
»% Aujourd'hui dimanche à quatre heures, M. Ch. Widor donne, avec
le concours de M. Franck aîné, dans le nouvel établissement de
M. A. Cavaillé-Coll, avenue du Maine, 13 et 13, une séance de musique
d'orgue et de piano.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
„,** Lundi, à l'occasion de l'anniversaire du jour de naissance de
S. A. I. le Prince Impérial, tous les théâtres étaient pavoises et illuminés.
„,** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné trois fois Hamlet cette se-
maine. — Aujourd'hui représentation extraordinaire de la Juive.
^*if A la représentation donnée mercredi au théâtre de l'Opéra-Comi-
que, au bénéfice de la Caisse de secours de la Société des auteurs dra-
matiques, on a beaucoup applaudi Marie Sasse et Villaret dans le qua-
trième acte de l'Africaine, et particulièrement après le magnifique duo
qu'ils ont admirablement chanté. — Le Premier Jour de bonheur continue à
faire le maximum de la recelte.
^*^ Mardi, la Sonnanhula, jeudi, il Barbiere, et samedi, Rigoletlo, ont
été donnés pour la dernière fois avant le départ d'A. Patti. — La semaine
prochaine les époux Tiberini paraîtront dans i Puritani, et l'on donnera
sans doute la première représentation de Giovanna d'Arco.
s*ij: Lundi, comme il l'avait annoncé, M. Carvallio a inauguré par
Faust sa nouvelle exploitation au théâtre Ventadour. La salle était con>
plétement remplie et, sans égaler l'éclat qu'elles ont aux représentations
italiennes, les loges offraient un brillant aspect. Quoique annoncé par l'af-
fiche pour 8 heures, le spectacle n'a commencé qu'à 8 heures et demie.
C'est une inexactitude dont le théâtre Lyrique est coutumier et dont le
public a toute rai.son de se plaindre; il n'en est pas ainsi à l'Opéra et au
théâtre Français ; en outre, on avait oublié de chauffer la salle et on y
a souffert du froid. En lin, le changement de local et l'inconscience de
la portée de leur voix dans ce nouveau milieu, ont tout d'abord déroulé
les chanteurs, et ce n'est pas précisément par la justesse de l'inlonalion
qu'ils ont brillé. Ces réserves faites, et toute indulgence accordée aux
embarras inséparables d'une pareille translation, M. Carvalho n'a qu'à
se féliciter de la bienveillance qu'il a rencontrée dans l'auditoire
pour sa hardie tentative. Le chef-d'œuvre de Gounod a retrouvé à Ven-
tadour son succès du boulevard du Temple et du Châtelet. Mme Car-
valho a chanté avec un art admirable le rôle de Marguerite; la chan-
son du roi de Thulé, l'air des Bijoux, la grande scène du jardin, celle
du H" acte, ont été pour elle l'occasion de bravos et de rappels enthou-
siastes. — Massy est doiié d'un organe très-agréable, principalement lors-
qu'il ne le force pas, et il a eu de très-beaux moments dans le rôle de
Faust. — Troy donne bien à celui do Méphistophélôs le cachet diabolique
qu'il comporte; sa voixmorJanle y fait merveille.— Le rôle de Valentin
est très-bien tenu par Barré. Tous les décoi's ont été repeints et appro-
priés à la nouvelle scène, les costumes renouvelés; enfin, M. Carvalho
n'a rien épargné pour donner tout l'intérêt possible à celle inaugura-
tion.— Il ne néglige rien d'ailleurs de ce qui peut établir l'égalité dans
ses deux exploilalions ; ainsi, celte semaine, l'excellent Meillct et Mlle
Marimon ont fait leur rentrée à la salle du Châtelet, l'un dans le Méie-
cin malgré lui, qui fut une de ses meilleures créations, et l'autre dans
la Flûte enchantée, oîi elle a lutté sans trop de désavantage contre le
souvenir laissé par Mlle Nilsson dans la Reine de la Nuit. — La semaine
précédente on avait pu apprécier de nouveau, dans Violetta et dans Gilda,
de Rigoletlo, le talent dont Mlle Dcvriî^s avait déjà fait preuve dans la
Somnambule et dans la Julie Fille de Perth. A maintes reprises, de chaleu-
reux applaudissements ont rendu justice aux qualités dramatiques,
jointes au mérite de chanteuse, qu'elle a déployées dans ces deux rôles
difficiles.
^^\ MM. Henri Meilhac, Ludovic Halévy et Jacques Offenbach ont lu
jeudi, aux artistes du théâtre du Palais-Royal, les deux premiers actes
de leur pièce nouvelle : le Château à Tvto.
^*^. On annonce pour le 28 de ce mois, dans la salle de concerts du
Conservatoire, l'audition d'un opéra nouveau de M. le duc de Massa. Cette
audition a lieu par invitation, comme l'a déjà fait une première fois le
noble dilettante.
„;*,), La nouvelle du changement de direction des Bouffes-Parisiens et
du retour de ce théâtre à son premier genre, l'opérette, s'est confirmée
cette semaine. A partir du )-'" juin prochain, l'administration de cette
scène aura à sa tête MM. Jules Noriac et Ch. Lecomte, le propriétaire de
la salle, mais la réouverture ne se fera qu'en septembre. Offenbach s'est
engagé à laisser aux Bouffes tout son ancien répertoire, et, en outre, a
donner chaque année trois actes inédite. — Il n'est pas exact que la direc-
tion future de ce théâtre se soit attaché, en payant un dédit de
30,000 francs, l'excellent Dupuis, qui n'abandonne pas encore la fortune
des Variétés .
^*^ Le public de l'Eldorado applaudit chaleureusement, chaque soir, le
Diable Rouge, opérette de M.M. Baumaine et Blondelet, spirituellement
chantée par Pacra et Mlle Claudia. La musique, due à la plume élégante
et facile de M. Léon Roques, renferme de frais et charmants motifs.
:f^^ Robinson Crusoé continue à être accueilli avec la faveur la plus
marquée par l'intelligent et difficile public de Lyon. Depuis trois semai-
nes, cet ouvrage tient l'affiche et fait salle comble au Grand-Théâtre. On
ne se lasse pas de revoir et d'applaudir, dans des rôles qui semblent écrits
pour eux, M. Peschard, Mlles Mezeray et Douau. Robinson en est à sa
douzième représentation .
Dh l'AlUS
93
*•* La représentation annoncée des Bavards, à Liège, a eu lieu avec
un plein succès. On a de nouveau rendu pleine et entière justice, dans
celte ville, au Jeu distingué, vif et (in, au talent sympathique et délicat
de Mme Rose Bell, qui a, du reste, interprété le principal rôle avec un
remarquable entrain.
«** Encore deux nouvelles apparitions de l'yifrlcaino, et naturellement
deux triomphes, à Wurzbourg et à StetUn.
»** M. Gyo, directeur du théâtre Italien de Covent Garden, est en ce
moment à Paris.
t*t Le projet de fusion des deux théâtres d'opéra à Londres, n'a pas
abouti. i\I. Gye reste à Covent-Gardcn, et M. I\Inpleson provisoirement à
Drury Lane, jusqu'à ce que la reconslruction du Théâtre de Sa Majesté
soit achevée.— La saison commencera le .31 mars à Covent Garden ; Drury
Lane s'ouvrira le 28, avec une troupe ainsi composée : Mmes Tietjens,
Glara-Louise Kellog, Sinico, Corsi, Rose Herseo, TrebcUi-Bettini, Bauer-
meister, Deméric-Lablache et Christine Nilsson. — MM. Frascbinr (début),
Bettini, Conti (début), Hohler, Agretti, Lyal, Santley, Gra?si, Scalese,
Zoboli, Bossi, Casaboni, Foli, Rokitansky et Mongini. — Arditi reste chef
d'orchestre, et M. Harris, qui est en ce moment à Paris, conserve son
poste de régisseur général, en même temps que celui qu'il occupe pen-
dant la saison d'hiver à Saint-Pétersbourg. — Les principaux opéras
promis par M. Mapleson à ses abornés sont : la Gazzii ladra, Gustavo III,
Lohcngrin, la Figlia del Rcgimento, Don Giovanni, la Nozze di Figaro, GU
Vgonotti, sans compter les emprunts qu'il pourra faire à son répertoire
courant ,
NOUVELLES DIVERSES.
■i,.** C'est M. Georges Hainl, chef d'orchesire de l'Opéra, qui dirigeait
mardi soir, pour la première fois, le concert des Tuileries.
j*-f, Mardi, les auteurs qui avaient concouru pour le prix d'un poème
d'opéra ont été convoqués au ministère d'Etat, afin de procéder à l'élec-
tion d'un jury. Voici le résultat du vote. Jurés : MM. Perrin, Gounod,
F. David, A; Thomas, E. Augier, Th. Gautier, Paul de Saint-Victor, F.
Sarcey, V. Massé. Jurés supplémentaires: MM. J. Janin, Auber, Gaspe-
rini, H. Berlioz, E. Arago, Rayer, Jouvin, Roqueplan, de Saint-Georges.
,s*^, Mercredi prochain, 25 mars, à onze heures, la Société des artistes
musiciens fera célébrer la fête de l'Annonciation, dans l'église Notre-Dame,
par trois cents artistes. On entendra la seconde messe de C.-M. de Weber
avec soli, orchestre et chœurs dirigés par M. Tilmant. Cette messe sera
précédée d'une marche religieuse, composée par M. Ambroise Thomas.
A rOfiertoire, M. Leroy exécutera un adagio extrait d'un concerto de
C.-M. de Weber. MM Steenman et Hottin conduiront les choeurs. Le
grand orgue sera tenu par M. Sergent, organiste de la cathédrale.
»** Aujourd'hui a lieu à Saint-Eusiache une audition solennelle de la
messe du prince Poniatowsky, qui fut dite pour la première fois le 19
mars de l'année dernière. L'exécution en sera dirigée par M. Hurand et
les soli chantés par Villaret et David, de l'Opéra, et M. BoUacrt.
^*^ Un concours est ouvert, sous l'initiative de M. Papin , maître de
chapelle au lycée Saint-Louis, pour la composition d'une messe à quatre
voix d'homme, destinée aux sociétés orphéoniques. L'œuvre désignée
pour le premier prix, par un jury dont M. Gounod a accepté la prési-
dence, sera exécutée dans une des églises de Paris.
j^*=jt On lit dans le Journal des Villi-.s et Campagnes : « Dimanche der-
nier, à la messe qui précède la conférence du R. P. Félix, M. Camille
Saint-Saëns touchait les nouvelles orgues de Notre-Dame. Le nombreux
auditoire assemblé dans la cathédrale ne savait qu'admirer le plus du
talent de l'artiste ou du magnifique instrument de M. Cavaillé-Coll . M.
Camille Saint-Saëns a su, dans cette courte demi-heure, intéresser et
charmer à la fois les musiciens sérieux et la masse du public qui ap-
précie encore plus les effets que l'idée. C'est ce qu'il fallait pour la cir-
constance. » ■ — Aujourd'hui dimanche à midi 1/2, ce sera le tour de
M. Franck aîné, et dimanche prochain ce sera celui de M. Guilmat
organiste à Saint-Nicolas de Boulogne-sur-Mer.
.j,*ji L'auteur de la Source et d'une foule de compositions charmantes,
Blumenthal, l'éminent pianiste compositeur qui jouit à Londres, où il
réside habituellement, de la faveur du plus grand monde, est en ce mo-
ment de passage à Paris. M. Blumenthal se rend à Bayonne où il va
épouser Mlle Léonie Gore.
,K** Les frères Lamoury sont de retour de Lisbonne, où ils ont eu un
grand succès. S. M. le roi de Portugal vient de les nommer violoniste
et violoncelliste de sa chapelle royale et les a décorés l'un et l'autre de
l'ordre du Christ.
»*,j Un nouveau journal de musique hebdomadaire paraîtra le i"
avril à Leipzig, sous la direction de M. A. H. Payne, avec le titre de
Die Tonhalle. Cette publication, qui promet d'être très-intéressante , con-
tiendra, outre un texte abondant, des illustrations dont l'exécution sera
confiée à d'excellents artistes. On ne peut donc que lui souhaiter bon
succès.
:,*» La Gazette dos étrangers signalait tout réccranient à l'attention des
amateurs deux suites de valses, Chants des Alpes et Grazidla, dues à un
compositeur déjii connu avantageusement en Angleterre et en Allema-
gne, M. Kremer, et qui ont été pubhées chez les éditeurs Brandus et Du-
four : a Les mélodies de ces deux valses, dit la Gazette, sont, en effet,
si simples et si claires que l'on placerait aisément des paroles soas les
notes. Le rhythme est très-agréable, très-bien coupé, d'un dessin symé-
trique, ce qui les empreint d'un grand charme et donne à les suivre
une grande facilité. »
^*^ M. Albert de Lasalle vient de publier à la librairie internationale
un volume intéressant ayant pour titre : Dictionnaire de la musique
appliquée à l'amour, 1 vol. in-18 très-bien imprimé. Nous ne tarderons
pas à en rendre compte.
*% Les éditeurs Magnus et C° viennent de faire paraître sous le titre
de Gliazcl une valse chantée sur une poésie de M. Th. Gautier, dont
M Ten. Brink a composé la musique et qu'il a dédiée à Adelina Patti.
— Cette œuvre, qui est ornée d'un portrait de la célèbre cantatrice, est
mélodieuse, bien traitée et ne passera pas inaperçue.
,■** Un de. nos confrères en critique théâtrale, M. Charles Deulin, vient
de publier un charmant volume intitulé Contes d'un buveur de bière.
L'auteur y narre, dans un style pittoresque et original, les merveilleu.ses
légendes qui ont cours dans les Flandres, parmi les joyeux sujets du roi
Cambrinus. — Nous signalons ces amusants récits aux librettistes comme
une mine de livrets d'opéra-comique. Le Compère de la Mort, qui a paru
dans le Monde illustré bien avant que le théâtre Italien jouât Crispino
e la Comare, a le même point de départ que l'opéra de Ricci, et la ver-
sion flamande est bien supérieure à la version italienne. Un autre conte,
Culotte verte, a fourni à MM. DeuHn et de Najac les éléments d'une féerie
dont Grisar vient d'écrire la musique. — Les Contes d'un buveur de bière,
— un joli volume in-18, imprimé en caractères elzéviriens, avec titre
en couleur et un dessin d'Edmond Morin, — sont en vente chez Lacroix,
à la librairie internationale.
,!f*^ On écrit de Saint-Pétersbourg que l'Académie de chant célébrera,
cette année, son jubilé cinquantenaire; elle exécutera, à cette occasion,
le Samson, de Haendel, et Paradis et Péri, de Schumann.
if.*^, Arban vient d'avoir la douleur de perdre son pèi e .
.jt** Nous avons le regret d'annoncer la mort de M. Edouard Lenioine,
administrateur-général du Gymnase et frère de M. Lemoine-Montigny. 11
avait travaillé pour le théâtre et rédigea longtemps le courrier parisien
de l'Indépendance belge, sous le pseudonyme de Thecel.
ÉTRANGER
^** Saint-Etienne. — Le 9 mars, un auditoire d'élite assistait, dans la
jolie salle du cercle musical de notre ville, au concert de Mlle Cécile
Boissier-Duran. Le succès de cette jeune pianiste, élève de Marmontel,
a été complet; les applaudissements et les rappels sont venus le témoi-
gner, et c'était justice. Méthode parfaite, doigts agiles, .style brillant,
élevé, plein de sentiment; tout chez elle constate l'excellence de l'ensei-
gnement qui l'a formée. Une transcription bien réussie de M. Boissier-
Duran, sur le trio de Robert le Diable, pour piano, violon et orgue, et
exécutée par l'auteur, sa tille et M. Ginet, a fait sensation. Après plusieurs
morceaux de piano, iVIUe Boissier-Duran a dit, avec son père, deux duoj
concertants pour de ix pianos, et ces morceaux ont été exécutés avec une
précision qui faisait un seul instrument des deux. Les doigts et le cœur
étaient à l'unisson ; on le voyait aisément, et les bravos n'ont manqué
ni au père ni à la fille.
,j*^. Londres. — L'éminent pianiste James Wehli, l'un des virtuoses dont la
réputation est le plusjustementétablie dans la Grande-Bretagne, a tenu, cet
hiver particulièrement, une large et honorable place dans le monde mu-
sical de Londres. Il a accompli de plus une tournée provinciale qui n'a
été qu'un long triomphe.
^*^ Soleure. — Un grand festival fédéral de musique chorale est an-
noncé pour le 12 et le 13 juillet.
j*^ Berlin. — Pour la première fois depuis leur rentrée à l'Opéra,
Niemann et Mme Lucca ont chanté l'Africaine. Le 7 mars, Niemann,
surtout, qui n'avait jamais abordé qu'une seule fois le rôle de Vasco,
excitait un vif intérêt qui n'a point été déçu. Pauline Lucca a été à sa
hauteur ordinaire.
,j*^ Triesle. — La nouvelle direction du théâtre communal a brillam-
ment achevé ce qu'avait commencé sa devancière; elle vient de nous
faire assister à la première représentation du ballet de Fiametta, œuvre
de Saint-Léon, maître de ballets des théâtres impériaux de Russie, qu'elle
avait fait venir pour le monter. Quoique le sujet de ce ballet, représenté
aussi à Paris sous le titre do Nemea, soit fort différent de ceux produits
jusqu'à ce jour par la chorégraphie italienne, il n'en a pas été moins
bien accueilli, et nous pouvons ajouter que le succès a été triomphal
pour l'auteur, rappelé un nombre infini de fois, et pour la Salvioni qui
remplissait le rôle principal et qui s'y est montrée à la fois mime on
ne peut plus dramatique et danseuse d'une grande force. Au nombre
0(5
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAKIS.
des pas qui ont fait, le plus de plaisir, on a bissé avec acclamation [le
grand pas hongrois. La musique de Minkus a été trouvée soigneuse-
ment faite et elle a obtenu sa part des applaudissements. En somme,
M. Saint-Léon doit s'enorgueillir de la triple réussite de son ouvrage en
Russie, en France et en Italie.
jk,*^ fJvourne. — DUwah a été représenti;e pour la première fois le 9
de ce mois au théâtre Avvalorati. Grand et légitime succès pour l'œuvre
et ses interprètes; le ténor Minetti, le baryton D'Antonij, la prima donna
Enrichetta de Baillou, qui a été couverte d'applaudissements, après l'air
de « l'Ombre. »
^*jf Florence. — Deux dos conférences musicales annoncées par la So-
cieta dii Quarlello ont déjà eu lieu ; M. le chevalier Casamorata a entre-
tenu son auditoire de Boccherini et d'Haydn, et le professeur Gamucci de
Mozart. La partie instrumentale était confiée aux excellents artistes de
la Société du Quatuor et à des solistes distingués. Dans la troisième con-
férence, l'éminent critique et professeur Biaggi parlera de Beethoven ; on
y exécutera le trio op. 97, avec le pianiste Ducci.
^*^ Milan. — Le Mefislofcle, d'Arrigo Boito, devenu le sujet de toutes
les conversations depuis plusieurs mois, a enfin fait son apparition sur la
scène de la Scala. Le reproche capital encouru par le jeune compositeur
est de manquer de mélodie, et c'est grave dans la Péninsule comme
partout. Il n'a donc pas réussi, cela ne signifie pas qu'il n'ait aucun ta-
lent; car on peut signaler de nombreuses beautés dans son œuvre; mais
il s'est trompé de climat. La seconde représentation, paraît-il, a été tout
à fait orageuse, et le pauvre Mefistofele ne s'en relèvera pas, à Milan du
moins .
^*^ Lisbonne. — La Grande -Duchesse de Gérolslein, au dire des jour-
naux portugais, a fait fanatismo. Mise en scène magnifique, salle comble,
applaudissements frénétiques, tel est en quelque sorte le bilan de la pre-
mière représentation. Le violoncelliste Féri Kletzer cueille ici de nom-
breux lauriers. 11 a joué récemment à la cour avec un très-grand suc-
cès, devant le roi Louis, qui a accepté la dédicace de trois mélodies
composées pour lui ; un concert donné au théâtre San-Carlo par l'éminent
artiste n'a pas été moins brillant. Il est attendu à Madrid, où l'infant
Don Sébastien, dilettante éclairé, doit organiser une soirée en son hon-
neur.
CONCERTS ET AUDITIONS MSICÂLES ANNONCES.
Salon Kriegelstein, aujourd'hui à 2 heures : matinée musicale de Mlle
Biunca Cortesi, cantatrice, avec le concours de MM. LoUio, Bonewiiz
et Telesinski.
Salons Erard, aujourd'hui 22 mars à I heure 1/2 : grande matinée mu-
sicale donnée par le jeune Napoléon Firmin, piani.ste âgé de neuf
ans et demi, élève de M. Cliol, avec le concours de plusieurs ar-
tistes distingués.
Salons Pleyel, demain lundi 23 mars : concert d'Ernest Nathan.
Salons Erard, mardi 21 mars: concert de M. et Mme W. Langhans,
avec le concours de Mme Godin et de MM. Saint-Saëns, Heiss, Ries
et Lee.
Salons Pleyel, mercredi 2S mars : concert de Léon Lafont, avec le con-
cours de Mme Barthe-Banderali , Mlle Loui.se Cantin et de MM. Si-
ghicelli, Jules Lasserre, Ketterer, Maycur et Fauvre.
Salons Erard, mercredi 23 mars : concert de MM. Boscovitz et Reuchsel,
avec le concours de Mlle Castri et de MM. Beraud, Delédique et
Bose,
Salle Herz, mercredi 2S mars à S fieures 1 2 : second concert à grand
orchestre donné par Ant. Rubinstein.
Salons Erard, jeudi 26 mars à 8 heures 1/2 du soir : concert de l'excel-
lent pianiste compositeur Ernest Stœger, avec le concours de Mlle
Rives, du violoniste Jacobi, Poëncet, Baur et M. Van Waefelghem.
Salle Herz, jeudi 26 mars : concert donné par Mme Norman-Neruda, la
célèbre violoniste, avec le concours de sa sœur Mlle Marie Neruda,
de MM. C. Saint-Saëns et Delle-Sedie.
Salons Erard, vendredi 27 mars à 8 heures 1/2 : concert de Mme Be-
guin-Salomon, avec le concours de Mme Cinti-Damoreau, de MM.
Poëncet, Brunot, Bose, Baneux et Espeignet.
Salons Erard, samedi 28 mars à 8 heures 1/2 du soir : concert de M. Eu-
gène Ketterer, pour l'audition de ses œuvres nouvelles, avec le con-
cours de Mme Anna Fabre, Mlle Louise Cantin, de MM. Pagans, A.
Herman, A. Durand, F. Thomé.
Salle du Grand-Orient, dimanche 29 mars à 8 heures : concert audition
de M. Penavaire, violoniste, avec le concours de MUes de Beaunay
et Victorine Champier, de MM. Léon Lafont, Sixte Delorme^ Castei-
gnet, Graire et José Barrière.
Salons Pleyel, mardi 31 mars : cinquième séance populaire de musique
de chambre, par MM. Ch. Lamoureux, Colblain, Adam et Poëncet,
avec le concours de M. H. Fissot.
Mercredi l'"' avril : troisième soirée de musique de chambre, par MM.
Maurin, Colblain, Mas et Domunck , avec le concours de M. Saint-
Saens .
AVIS A TOUS LES lARCHANDS DE MUSIQUE.
M. Cartereau, éditeur, 10, quai de l'Ecole, \ Paris, prie ses
confrères, marchands de musique à Paris et en province, de vou-
loir bien rechercher dans leurs paquets un numéro 1 bis, Service
de l'organiste, de G. Sch.mitt (petit format orgue).
Prévenir M. Cartereau, propriétaire de cet ouvrage, si on pos-
sède ce numéro. {Les planches étant perdues.)
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Citez G. BJiANDUS cl S. DUFOUR, éditeurs, 103, rue de nichelieu.
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Escudier-Kastner (M""),
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Halévy (Fromental),
Haydn,
Haèndol,
Heller (Stcçhcn),
Herz (Henri),
Kalkbrenner.
k'asinor (Georges),
Lecouppey,
Leféhure-Wély,
Lilolft;
Méhul,
Mendelssohn,
Membrée,
Mozart,
Meyer (Léopold de).
Meyerbeer,
Osiiorne,
Poniatowski (le prince),
Prudent,
Ouidant (Alfred),
Ravina,
Rosenhain,
Rossini,
Rubinstein (A.),
Schubert,
Séligniann,
Servais,
Sivori,
Thalberg,
Thomas (Ambroise),
Verdi,
Vieuxtemps,
Weber (Ch. -Marie de).
Chœurs suédois et norvégiens
exécutés au tliéâtre de l'Opéra pendant l'Exposition universelle
par les étudiants de l'Université d'Upsal, de Copenhague et de Lund.
1 . Chant du Printemps, par A. Kappelmann net. » 75
2. Le Cortège de No'él, par Kjernefs net. 1 »
3 . Le Roi des Mers (air populaire) » 7S
i. Le Chant du Rossignol, par Pacins net. » SO
Chœurs divers
1 . Weber. Prcciosa, chœur des Bohémiens net. 1 »
2. Anber. La Muette de Portici, prière net. > SO
3 . Meyerbeer, L'Africaine, prière net . » SO
i. IWeber. Avant la bataille, marziale et andante net. 1 »
S. Arcadet. Ave Maria net. n 30
arrangés à l'usage de l'orphéon de la ville de Paris, par
PASDELOUP
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arrangés pour l'orphéon de la ville de Paris, par
Prix : 1 fr. FRANÇOIS BAZIN Prix : 1 fr.
MEYERBEER. — L'Africaine, chœur des Matelots
(chœur de concours à l'Exposition universelle de 1867), net
ROSSINI. — Buvons, buvons! composé et approprié
à l'usage de l'Orpliéon pour le Festival international 1867, net.
MENDELSSOHN. Mélodie à trois voix égales, par A.
Valenti, net
1 SO
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BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS. 1.
55' AnDée.
N' 13.
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et A l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, Us Libraire»,
et aux Hursaux de?. Messageries et des Postes.
REVUE
Ï9 Mars 181)8.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris, 24 r. pur an
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Le Joumal paraît le Dimanche.
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
Nos abonnés reçoi-rent, avec le numéro d'anjoard'linl,
VJEtuae en fa mi*%e*»ir de UElVDEEiiSSOlIIV, dont la
publication récente a excité h un si baut deg^ré l'inté-
rdt des planistes.
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra - Comique : reprise de la Part du
Diable, par Haurtce Oray. — Mme Norman-Neruda, par Em. Uatbieu
de Monter. — Concerts populaires de musique classique au cirque Napoléon,
par Apmamd fiionzien. — Séance solennelle de l'Orphéon de Paris, par
Em. Hathien de IHonter. — Ministère de la maison de l'Empereur et
des beaux-arts. — Concerts et auditions musicales de la semaine. — Nouvelles
des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Concerts et auditions musi-
cales annoncés. — Annonces.
THÉÂTRE inPÉRIÂL DE L'OPERi-COMIOUE.
Beprise de 9a IPntrt <fM IHahMe.
C'est en janvier 1843, c'est-à-dire il y a vingt-cinq ans, que la
Part du Diable faisait son apparition sur la scène de l'Opéra-
Comique, où nous revoyons aujourd'hui cet élégant ouvrage.
L'administration de l'Opéra-Comique a certainement été bien ins-
pirée en mettant en regard du dernier triomphe de M. Auber ce
succès de l'an 1843, et les amateurs de recherches et de compa-
raisons curieuses trouveront là matière à plus d'un rapproche-
ment. La dernière reprise de l'ouvrage avait eu lieu il y a sept
ans, un peu avant la rentrée de M. Perrin à la salle Favart, et
l'on nous sera gré peut-être de placer côte à côte les trois distri-
butions de l'ouvrage:
Raphaël, MM. Roger,
Le roi, Grard,
Gil-Vargas, Ricquier,
Carlo, MmesRossi-Caccia,
Casilda, Anna Thillon,
La reine, Révilly,
On voit que, de la distribution primitive, un seul rôle est resté
Warot,
Léon Achard,
Barielle,
Gailhard.
Prilleux,
Prilleux.
Monrose,
Brunet-Lafleur
Bousquet,
Bélia.
Révilly,
Révilly.
en possession de son créateur : c'est celui de la reine , que Mlle
Révilly n'a pas abandonné depuis vingt-cinq ans; Mlle Révilly est
aussi la seule artiste qui soit restée fidèle à l'Opéra-Comique de-
puis cette époque. Le fait est assez rare pour qu'on le constate.
C'est pour la continuation des débuts de Mlle Brunet-Lafleur et
de M. Gailhard qu'est venue l'idée de la reprise de la Part du
Diable. Mlle Brunet-Lafleur semblait, en effet, douée de toutes les
qualités nécessaires pour jouer le rôle de Carlo Broschi: physique-
ment, elle a la grâce et la distinction ; au point de vue musical,
une voix colorée, souple et vibrante comme du métal, avec cela
du goût et du sentiment. Malheureusement, la jeune artiste n'a
pu vaincre encore la frayeur que lui cause une nombreuse assem-
blée, et cette frayeur, qui nuit à ses facultés, l'empêche de se livrer
comme il le faudrait. Elle a cependant fait preuve d'une véritable
intelligence, et nous pensons que lorsqu'elle triomphera de sa peur
du public, elle obtiendra d'excellents résultats.
M. Gailhard, lui aussi, a une très-bonne voix ; il la dirige avec
aisance et assurance, et il s'est fait particulièrement remarquer
dans le charmant quatuor du second acte. Mais il fera bien d'ob-
server, au point de vue du comédien, que l'Opéra-Comique n'est
point l'Ambigu, et qu'il y faut adoucir les angles d'un rôle auquel
il a donné une teinte par trop sombre.
M. Léon Achard est parfait dans le personnage un peu trop
fantaisiste de Raphaël. Il l'a joué en bon comédien et l'a chanté
en véritable artiste. Aussi le succès ne lui a pas fait défaut plus
qu'à l'ordinaire.
Peut-être eût-on pu trouver dans le personnel du théâtre Favart
une dugazon à qui le rôle de Casilda eût mieux convenu qu'à
Mlle Bélia, ce qui ne retire en rien les qualités et le talent de l'ai-
mable cantatrice. Ce rôle est-il antipathique à la nature de l'ar-
tiste ? Je ne sais, mais elle y paraissait gênée et mal à son aise.
Mlle Révilly est toujours très-bien dans la reine, mais M. Prilleux
fera peut-être bien de jouer Gil-Vargas avec un peu plus de reté-
nue , et de chercher à moins forcer le comiques de ses effets.
En somme, nous n'avons pas besoin de le dire, cette reprise a
été fort bien accueillie du public.
Maurice GRAY.
98
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
lOÀDAME NORMÂK-NERUDÀ,
Concert donné par elle et sa sœur, Mlle Marie Neruda,
le 26 mars, à la salle Herz.
Du groupe, plus nombreux et compact que brillant, des vir-
tuoses qui viennent demander tous les hivers, à Paris, un peu de
son attention distraite, de son enthousiasme aussi vite éteint qu'al-
lumé, de ses louanges courtoises, — éléments avec lesquels on se
fait la plupart du temps une réputation facile sur d'autres ri-
vages, — se détachent, presque chaque année, deux ou trois
personnalités véritablement artistiques qui donnent à la foule non
pas une déception ou un ennui comme certains, encore moins
une leçon gourmée comme d'autres, mais bien un régal et une
fôte. C'est ainsi que la saison musicale actuelle conservera les
noms de Rubinsteln et de Norman-Neruda. Glorieux parrains,
entre tous, et de ceux qui mettent un peu de leur auréole au front des
filleuls ! La haute virtuosité de Rubinstein a été étudiée dans ces
colonnes. Quant à Mme Norman-Neruda, je crois devoir m'arrêter
un instant devant cette figure aujourd'hui célèbre, autant qu'ori-
ginale et sympathique, non pas pour analyser la nature musicale
môme de son talent (tout a élé dit à ce sujet et fort bien à celte
place), mais pour essayer d'en fixer par quelques traits rapides,
l'essence, l'esprit et d'isoler l'impression qui s'en dégage.
En composant le programme de la magnifique soirée musicale
qu'elle donnait jeudi dernier à la salle Herz, Mme Norman-Neruda
avait surtout pour but de se faire complètement apprécier et juger
en dernier ressort. Avant de quitter Paris, et encore tout émue
de la sincère admiration du grand monde et des chaleureuses
acclamations de la foule, la grande artiste tenait essentiellement à
produire sous tous ses aspects, devant un auditoire de connais-
seurs et de délicats, son talent expansif, éloquent, ardent jusqu'à
la fougue, mais qui sait se contenir néanmoins et assembler les
contraires sous la loi de l'œuvre qu'elle interprète, à laquelle bien
plutôt elle se livre.
Beethoven, Bach, Vieuxtemps, de Bériot, les vieux et les jeunes
maîtres, voilà ce qu'elle aime et finit, sans fausse couleur et sans
faux lyrisme. Elle semble ne vouloir rendre que ce qui élève
l'âme ou la réjouit noblement; son sentiment ne porte que là-
dessus : tout le reste est faux, et, tant elle y met de malice ou de
simplicité, on jm'erait qu'elle l'ignore !
Dans son exécution, dont une inaltérable netteté constitue la
qualité saillante, Mme Norman-Neruda a plus de la verve qui
remue que de l'inspiration qui émeut. Sa propre émotion étincelle
sans rayonner. Elle n'enivre pas, mais elle enchante, et avec
quelle souplesse, cette Loreley de l'archet! Elle ira jusqu'à porter
du charme, oui, le sien propre, un charme irrésistible, en cette
sonate de Rust, par exemple, récemment retrouvée au Conserva-
toire de Leipzig, inspiration fiévreuse, tourmentée, que traverse
le souffle d'orage de son temps : 179S . S'agit-il de jouer la Sonate,
op. 47, si puissamment humaine, si profondément vécue, de
Beethoven, Mme Norman-Neruda, sans raffiner ou trop quintessen-
cier, mais avec un goût qui est sien, augmentera le trésor de
toute sa valeur individuelle, l'enrichira d'expressions nouvelles,
découvrira des nuances, ressaisira des accents dans ces pages
éternelles qui semblaient cependant connues et explorées en entier.
Lui faut-il ciseler une gavotte, un menuet du vieux Bach ? menuet
et gavotte sont restés pour elle gracieux et pimpants sous leurs
atours de l'autre siècle, et voilà que son style s'enlève, léger et
transparent comme ces étoffes de gaze que les anciens appelaient
de l'air tissé. Prompt, piquant, pétillant, un air populaire varié
par Maurer fera, sous l'archet de Mme Norman-Neruda, l'effet
d'un sorbet mousseux qu'on prendrait l'été sous la treille. Mais
que le cadre s'élargisse, que la passion parle et pleure comme
dans cet Adagio de Bériot qu'elle a merveilleusement soupiré et
gazouillé avec sa sœur, Mlle Marie Neruda, — habile, sinon autant
qu'elle, — mais dont le sentiment est très-pénétrant, le goût
irréprochable et qui possède la force dans la douceur, au point
de vue de la sonorité, — et de son jeu concentré jaillira l'expres-
sion profonde qui rassemble toute une situation musicale et la
livre, domptée, aux applaudissements de la foule. Veut-elle, enfin,
transporter ceux qu'elle a séduits? Elle choisit une œuvre popu-
laire, aimée, la Ballade et la Polonaise de Vieuxtemps, par
exemple, parce qu'elle joue devant un auditoire français, et tout
à coup l'œuvre tant connue semble transfigurée : la Ballade, s'im-
prègne de la clarté pure, mais étrange du ciel Scandinave; et
tandis que la grande artiste enlève la Polonaise avec une verve,
une aisance, une agilité vraiment surpi'enantes, je ne sais pour-
quoi l'imagination rêve encore de hautes sapinières et de grands
lacs.
Mme Norman-Neruda, c'est Teresa Milanollo, avec la rectitude
de goût et l'émotion communicative en moins peut-être, mais avec
le tempérament, l'éclat, la virtuosité transcendante en plus.
En entendant jouer du violon ainsi, avec un tel relief d'individua-
lité, en écoutant cette femme qui, à travers un labeur incessant,
a su garder cette adorable légèreté de main, cette vigueur de poi-
gnet, cette prodigieuse agilité de doigté, on en arrive à croire
que le violon est le véritable instrument des femmes, impression-
nable, nerveux, ardent, frêle, mélancolique, prompt aux contrastes
subits et parfois... inquiétant comme elles.
Mme Norman-Neruda doit un second concert au dilettantisme
parisien : je lui prédis, sans grand effort, Un triomphe plus écla-
tant encore que celui de jeudi dernier. Ah ! le magnifique talent,
et quelle séduction il exerce ! Ce charme me domine encore, dans
le calme et le silence de l'heure où j'achève celte esquisse incom-
plète. Les cantilènes italiennes poétiquement dites par Delle-Sedie,
le ravissant caprice sur les airs de h&Wetd' Alceste, de Saint-Saëns,
tout cela s'éteint et disparaît. Ce que j'entends encore, c'est l'écho
des harmonies délicieuses s'échappant du violon des deux enchan-
teresses suédoises ; c'est le bruit des applaudissements qui saluent ces
phrases adorablement chantées, ces traits, ces trilles, ces points
d'orgue d'une hardiesse inouïe, ces enharmoniques, ces pizzicati;
ces doubles cordes agencées, combinées de manière à donner à
l'oreille l'illusion (comme dans la sonate de Rust, par exemple),
d'un trio d'instruments à cordes exécuté par des artistes émérites.
Mme Norman-Neruda laissera dans la critique et la société musi-
cale de Paris une de ces empreintes lumineuses qui deviennent
bientôt des termes infaillibles de comparaison en même temps que
le témoignage du goût, de l'élévation et de l'honneur artistiques
d'une époque.
Em.-Mathieu UE MONTER.
C'est pour nous une vraie bonne fortune chaque fois qu'il nous
est donné d'entendre ce pianiste élégant, ce musicien consciencieux,
ce compositeur plein de charme qui s'appelle Ernest Stœger. Sa
musique renferme d'adorables détails, des chatteries exquises qu'on
n'est pas tenté un seul instant de prendre pour de l'afféterie; son
jeu délicat, sobre malgré les avances d'une muse coquette, les fait
admirablement ressortir sans jamais s'écarter des lois du goût le
plus pur. Nous voulons parler surtout des trois morceaux intitulés :
Impromptu-scherzo (n" 2), Prélude et Novellelle, héritiers directs
de la poétique et rêveuse fantaisie de Robert Schumann. Ils sont
du reste assez connus aujourd'hui pour que nous nous dispensions
d'en faire l'éloge en détail.
DE PARIS.
99
Il y a encore une Historiette, naïve idylle qui a fait et qui fera
épanouir plus d'un frais sourire , et une grande Valse-Caprice,
moins remarquable peut-être comme invention, mais brillante et
d'un effet sûr, deux succès en germe qui ont tout l'air de vouloir
violenter les lois ordinaires de la croissance. Nous avons eu grand
plaisir à renouveler connaissance avec les quatre morceaux de chant
au.\quels Ernest Staegeradonné pour titre collectif/es Roseaux, et qui
décrivent avec un charme soutenu des scènes champêtres : le Soir,
le Crépuscule, l'Orage, le Calme. M. Mouren , un sympathique
baryton, les a fort bien détaillés.
Enfin, il nous reste à dire un mot, pour clore la liste des com-
positions de Slœger, de son nouveau quatuor pour instruments à
cordes, qui avait pour interprètes MM. Jacobi, Wasfelgheni, Baur
et Poëncet. Le scherzo et l'andante en sont les deux meilleures
parties ; mais des preuves d'un incontestable talent se rencontrent
partout. Néanmoins, il nous a semblé que ce cadre un peu sévère
gênait, dans ses gracieuses et libres allures, le talent fin, plus
sentimental que vigoureux, de l'excellent artiste, qui a encore de
nombreux lauriers à cueillir dans le domaine si riche de la musi-
que de piano. — M. Jacobi, avec sa Berceuse et sa Chanson de
matelots, M. Poëncet, avec deux morceaux de Schumann, Mlle Ri-
ves et M. Marochetti, avec les duos de Don Sébastien et de Don
Juan, ont été couverts d'applaudissements bien mérités.
C. B.
CONCERTS POPULAIRES DE ODSIOUE CLASSIQUE
AU CIRQUE NAPOLÉON
SYUPHOMIE POSTHIIITIE de IHIendelssoltii (f^" au-
dition). — ADAGrlO de HE. CSarcin, exécuté par
l'auteur.
On a bâti un petit roman sentimental sur la Reformations-sinfo-
nie, jouée pour la première fois dimanche dernier aux concerts po-
pulaires ; il en est de celui-ci comme de ces romans dits histo-
riques oîi l'auteur jongle avec l'anachronisme pour divertir ses
lecteurs et emprunte à l'histoire sans jamais lui rendre. Cette fable
a fait, avec le succès habituel de ces ingénieux récits, le tour de
plusieurs journaux ; il en résultait que Mendeissohn avait ordonné
de ne livrer à la publicité les œuvres qu'il laissait que vingt ans
révolus api'ès sa mort; le jour précis où la date anxieusement
attendue avait été atteinte, un éditeur se serait emparé^ entz'e autres,
de ce trésor. Malheureusement on sait qu'une grande quantité
d'œuvres posthumes ont paru peu de temps après la mort du maî-
tre, et les habitués des concerts populaires applaudissent chaque
année la symphonie en la mineur qui est dans ce cas.
A la mort de Mendeissohn quelques amis firent un choix des
œuvres à publier. Lbl Re/ormations-sinfonie fut-elle rejetée ? fut-elle
plutôt oubliée, égarée? nous l'ignorons; toujours est-il que le fils de
l'illustre compositeur, la trouvant aujourd'hui digne de son père, l'a
publiée chez Simrock, de Bonn, et que le public des concerts
populaires l'applaudissait dimanche et l'applaudira encore aujour-
d'hui .
L'introduction est d'un grand caractère, solennel et grave comme
l'exorde d'un sermon luthérien; Vallegro qu'elle annonce ne répond
pas absolument à cette majesté, et l'andante, qui est un peu dog-
matique de forme, n'a ni les contours mélodiques accusés sur une
harmonie ingénieuse de certains andante du même compositeur,
ni l'indécise et charmante mélancolie de quelques autres; il passe,
sans avoir ému, presque sans avoir intéressé. Le scherzo est vif,
brillant, pittoresque; les instruments à vent, les flûtes et les haut.
bois surtout y jouent le rôle piquant et gracieux que Mendeissohn sait
leur donner dans les morceaux de ce genre, dans le scherzo célèbre
du Songe d'une nuit d'été, par exemple; ce qui saisit le plus dans le
finale, c'est la péroraison, où l'orchestre déchaîne l'harmonie de
ses cordes, tantôt couvrant le choral de Luther, indiqué par les
cuivres, tantôt l'interrompant ou se laissant dominer par lui; l'effet
est des plus dramatiques, la scène est émouvante. L'œuvre a été
accueillie avec une faveur telle que M. Pasdeloup l'e.xécute à deux
concerts successifs; le scherzo a dû être bissé.
Il faut savoir gré au fondateur des concerts populaires de l'em-
pressement avec lequel il nous a fait connaître une œuvre de cette
valeur .
L'adagio de M. Garcin devait sembler pâle à côté de cette lumi-
neuse symphonie; l'auteur paraissait lui-même troublé par ce
rapprochement fâcheux, et l'assurance de son jeu s'en est parfois un
peu ressentie. Cet adagio renferme des qualités incontestables de
facture; il est écrit avec soin et fait partie d'un concerto que la
longueur du dernier concert n'a pas permis de faire entendre
en entier, mais qui, de l'avis de plusieurs instrumentistes, est une
œuvre des plus estimables et des plus consciencieuses.
Armand GOUZIEN.
SÉANCE SOLENNELLE DE L'ORPHÉON DE PARIS.
{Division de la rive gauche.)
L'enseignement du chant dans les écoles de la ville de Paris
accuse, depuis quelques années notamment , des améliorations de
détails et des progrès d'ensemble, lents sans doute et peu appré-
ciables, mais de nature, cependant, à exercer la plus heureuse
influence sur cette branche intéressante de l'instruction, je devrais
dire de l'éducation primaire. L'enfant de Paris n'est plus, en
musique c(>mme en toute autre chose, cet être indéfinissable du
passé, qui comprenait tout, mais qui ne savait rien. Aujourd'hui,
s'il chante, il connaît assez de musique pour solfier son morceau,
l'analyser sommairement et l'apprendre sans trop de routine.
Des maîtres dévoués développent son sentiment naturel de la
justesse, de la mesure, du rhythme ; cultivent son goût inné, lui
enseignent à conduire sa voix et à la colorer par l'expression.
Lorsque l'articulation sera plus précise et la prononciation plus
correcte, il n'y aura rien à reprendre aux études et aux manifes-
tations officielles de l'Orphéon de Paris; mais la critique ne sau-
rait se montrer exigeante à l'égard d'hommes et d'entants qui ne
peuvent consacrer à la musique que trois ou quatre heures par
semaine et auxquels on n'accorde pas plus d'un mois pour répé-
ter les chœurs toujours nombreux et souvent difficiles du pro-
gramme de leur concert annuel.
La séance solennelle de dimanche dernier , présidée par M. Al-
fred Blanche, a donc répondu à l'attente de l'énoi'me afQuence de
monde qu'elle avait attirée comme toujours^ et satisfait sans au-
cun doute les membres de la « Commission de surveillance de
l'enseignement du chant » qui y assistaient presque au complet.
Comme toujours aussi M. François Bazin, armé de son autorité et
de son expérience spéciales, a su entraîner la rive gauche et met-
tre bien en relief ses qualités... dans une salle dont l'acoustique
déplorable était encore aggravée par l'ouverture de toutes les fe-
nêtres. Les différentes compagnies de ce hardi mais turbulent ba-
taillon de jeunes garçons et de petites filles, appuyées par le
groupe respectable des classes d'adultes, a vaillamment marché
au feu sous l'impulsion de leurs chefs respectifs. En général, les
enfants ont «donné» avec plus d'élan, d'assurance, de vigueur que
les hommes.
Habilement combiné, varié, intéressant, le programme, au point
100
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de vue pui-ement clioral et en tenant compte du nombre d'exécu-
tants auxquels son interprétation était confiée, ne peut être loué
sans de légères réserves. Ainsi, le chœur de Don Carlos, assez
insignifiant, du reste, de motif et de coupe, et le refrain syllabique
du chœur du Nabab, d'Halévy, ne sont pas des chœurs choraux et
encore moins de masse : ils n'en ont ni le dessin large, ni la ligne
ouverte, ni la sonorité [voulue. J'en dirais autant de cette Entrée
des Croisés dans Constantinople, dont le début chevaleresque et
religieux est brusquement compromis par un refrain d'une vulga-
rité, d'une pauvreté de fond et de forme à se demander comment
une telle... erreur a pu franchir l'entrée, si vigilamment gardée,
et non sans raison, du répertoire de l'Orphéon parisien. L'ancien
Koël, empreint d'un caractère saisissant de grandeur et de sim-
plicité, mais un peu long avec ses quatre reprises, a laissé
froid unj public qui n'avait entendu depuis le commencement
de la séance que des chœurs à couplets. Les morceaux qui ont
fait le plus de plaisir, — en dehors du Domine sahum et du Vive
l'Empereur! de tradition, sus depuis longtemps et toujoui's enlevés
à la pointe d'un juvénile entrain, — sont le beau chœur d' Œdipe
(Sacchini); celui de la Création, dont la péroraison magnifique
a été rendue avec ensemble, le mouvement, trop lent, toute-
fois ; Paris ! chaleureuse inspiration d'Amb. Thomas ; C'est
Dieu! de Léo Delibes, chœur très-mélodique, parfaitement écrit
pour les voix , et qui a remporté la première médaille d'or du der-
nier concours ouvert par la Vihe; les Chants dit Bosphore, enfin,
de François Bazin, acclamés, applaudis, bissés : — délicieux petit
cadre mélodique, traversé comme par un courant de jeunessse et
de fraîcheur exquises et oîi l'on retrouve l'inspiration facile, la
science sans pédantisme et la vivacité d'imagination qui caractéri-
sent la manière de ce compositeur, populaire à juste titre parmi
les sociétés chorales et particulièrement aimé de ses élèves. L'ova-
tion que le public et les écoles ont faite au directeur de la division
de la rive gauche était des plus méritées ; je suis heureux d'avoir
à la mentionner, en y comprenant les principaux collaborateurs
de M. Bazin : MM. Foulon, Collet, Danault, Delafontaine, Dives,
Hottin, Pillevestre, Léon et Proust.
Prochainement, au cirque de l'Impératrice, la division orphéo-
nique de la rive droite chantera sous la direction de Pasdeloup.
Nous en reparlerons. Pour qui s'intéresse aux développements de
l'œuvre éminemment nationale du chant choral populaire, il est
du plus vif intérêt d'en saluer, chaque année, en ses séances,
comme l'aurore toujours nouvelle; de voir quelle sève circule,
ardente etjeune, dans la féconde pépinière de l'Orphéon de Paris;
de venir encourager les eiforts et applaudir aux travaux des artistes
modestes, autant que distingués, qui sèment avec persévérance
dans les écoles de la grande ville ces germes précieux d'art et de
moralisation.
Em. Mathieu DE MONTER.
BISISTËRE DE LÀ SAISON DE L'EnPEREUB
ET DES BEAUX'ARTS.
DIRECTION GÉNÉRALE DES THÉÂTRES.
Le concours institué au théâtre impérial de l'Opéra, pour la
composition d'un poëme destiné à être mis en musique, a été clos
définitivement le IS de ce mois.
168 ouvrages y ont été envoyés, tant de Paris que des départe-
ments.
Les auteurs qui ont pris part à ce concours ayant été invités à
se réunir le 17 mars, dans le cabinet du directeur général des
théâtres pour procéder à l'élection d'un jury spécial : cinquante-
six concurrents se sont présentés et ont nommé, au scrutin se-
cret, neuf juges titulaires et neuf juges suppléants. Ils ont en ou-
tre chargé une commission de cinq membres, désignés par le sort,
de les représenter pour obtenir les adhésions nécessaires à la for-
mation définitive du jury.
Tous les juges titulaires ont consenti à faire partie de ce jury,
qui se trouve dès lors composé de MM. Perrin , directeur de l'O-
péra; Gounod; Félicien David; Ambroise Thomas ; E. Augier;
Théophile Gautier; Paul de Saint-Victor; F. Sarcey ; Victor Massé.
Les travaux du jury vont immédiatement commencer, et, quand
un poëme aura été choisi pour le concours de musique, les com-
positeurs en seront officiellement informés.
Avant de se séparer, les concurrents, présents à la réunion du
n mars, ont exprimé le vœu qu'en dehors du poëme couronné,
cinq des mLilleurs ouvrages choisis par rang de mérite fussent
mentionnés par les titres et les épigraphes des manuscrits, et que,
pour l'avenir, des concours analogues fussent renouvelés à des
époques périodiques.
CONCERTS ET AUDITIONS ISDSICÂLES DE LÀ SEIOÂINE.
»% Cette semaine a été encore fort riche en concerts de la Cour et
du grand monde Celui de lundi, aux Tuileries, qui était le dernier, of-
frait en artistes Mmes Carvalho, BIocli et Rives, MM. Troy, Capoul et les
chœurs de la Chapelle. On a beaucoup remarqué Mlle Rives, qui a chanté
admirablement avec Mme Carvalho le duo des Diamants de la Couronne.
Elle a été félicitée par Leurs Majestés. La valse de Mireille, la Corvette
A'Haydéc pur Mme Carvalho et les stances du même opéra, dites par Ca-
poul et les chœurs, n'ont pas eu moins de succès. — Dimanche, chez
S. A. 1 Mme la princesse Mathilde, MM. Sauzay et Fanchomme pour la
partie instrumentale, MM. Gardoni ei Hermann-Léon pour la partie vo-
cale et surtout Mme Conneau qui a chanté trois fuis ont ravi la brillante
société qui se pressait dans les salons de la princesse. - La veille, Gardoni
et Mme Carvalho, avec l'orchestre de Pasdeloup défrayaient le programme
de M. le Préfet de la Seine et se faisaient applaudir dans plusieurs
morceaux de Weber, de Gounod, de Massé et de Floto\Y. La romance de
Marta, que Gardoni dit délicieusement, obtenait surtout un véritable
succès. Au ministère de la marine, le même jour, Mmes Marie Battu, Nils-
son, Nornian-Neruda,Faure, Vivier et le pianiste Kowalski, donnaient à
cette magnifique soirée le plus grand éclat. — Perfection sur toute la
ligne, cela va sans dire ; mais mention particulière aux deux morceaux
la Barcarolle napolitaine elSancta Maria, que Marie Battu amis à la mode
et qu'elle chante dii'inement; à Vivier pour son duo, cor et voix, avec
Faure et ta romance de Joseph, chef-d'œuvre d'exécution; enfin à Niltson
qui a charmé trois fois l'assemblée et à Mme Neruda dont on ne se
lassait pas d'admirer l'incomparable talent. — Capoul et Sarasate avaient
été conviés par M. le comte de Nieuwerkerke pour son dernier vendredi.
— En même temps que ces concerts officiels, M. Garfounkel et Mme Abel
Laurent réunissaient des éléments an.nlogues dans deux belles soirées
musicales auxquelles assistait l'élite de la société parisienne. La première
de ces soirées se distinguait par un programme choisi avec un goût exquis
et dont l'exécution était confiée à Mmes Marie Sasse, Bloch, Nilsson, à
MM. Faure, CoUn, Lefébure-Wely et Mme Norman-Neruda. Citons entre
autres attractions la chanson des Djinns du Premier Jour de bonheur,
dite en l'honneur d'Auber qui était présent; le duo du Slabat chanté
par Mmes Marie Sasse et Bloch; l'air de Joconde, par Faure, etc.— Chez
Mme A. Laurent c'était encore Christine Nilsson, Bloch, MM. Gardoni,
Aubery, Leroy, Garcin, Rigault, Viguier, Hignault, et on entendait le
duo du Stabat par A'ilsson et Bloch ; le quatuor de Martha, l'arioso du
Prophète, un quintette de Mozart, etc., etc. — Enfin mentionnons, pour
clore cette remarquable nomenclature, l'intéressante matinée organisée
à l'occasion de la Saint-Joseph par Mme la supérieure de Notre-Dame
des Ans, dans laquelle les élèves de l'institution ont fait, chacune dans
leur genre, preuve d'un véritable talent, et où s'est fait particulièrement
remarquer sur la harpe une jeune personne, Mlle Mathilde Galitzin, qui
deviendra une grande artiste.
=jt*^ Les splendides salons de la Muette s'ouvraient dimanche dernier à
plus de cinq cents invités, choisis dans les sommités du monde aristo-
cratique, littéraire et artistique, et conviés par les propriétaires hospita-
liers de cette demeure à entendre les artistes les plus renommés de Paris.
Le lion du jour Rubinstein, le ténor à la mode Capoul, la blonde
Ophéhe, l'enchanteur Vivier et l'auteur de Faust lui-même, — qui ne
DE PARIS.
101
dédaignait pas de tenir le piano, — formaient les élémenls de ce magni-
fique concert, dont l'excellente et digne Mme Erard , Mcnc Spontini , M.
et Mme Schœffer, M. et Mme de Franqueville ont fait les honneurs avec
la grâce et l'affabilité héréditaires dans la famille.
#** Rubinslein a donné mercredi dernier son deuxième concert. Des
ovations aussi enthousiastes que la semaine précudenle ont été prodi-
guées au grand artiste après son concerto en ré mineur, dont il donnait
une seconde audition, et à la suite de ses autres compositions de moindres
proportions. Prélude et fugue, fragments d'une Suite pour piano, etc., où
il s'est montré tour à tour puissant et délicat, vigoureux et tendre. —
Mme Whist, une cantatrice américaine qui, dit -on, appartient au meil-
leur monde de New-York, et admirablement douée sous le rapport artis-
tique, a recueilli de légitimes applaudissements après la valse de l'Ombre
du Pardon de Ploërmel, qu'elle a Irès-bien dite.
**^ Nous nous sommes proposé de revenir sur le brillant concert
donné, le dimanche IS mars, par Jacques Rosenhain, dans les salons
Erard. C'est, en effet, l'un de ceux qui auront marqué dans la saison
par l'intérêt qui s'attache à si juste titre au nom du célèbre pianiste,
comme par la composition tout artistique du public. Dans le nombre
assez considérable de ses œuvres qui formaient exclusivement le pro-
gramme, nous signalerons une sonate pour piano et violoncelle (œuvre S3),
un trio pour piano, violon et violoncelle (œuvre 8i), une Méditation, un
Conte d'enfant, une Barcarole, et les Cloches, pour piano seul ; enfin,
trois charmantes idylles pour piano et violoncelle, exécutées par l'auteur
et M. Jacquard. La vraie originalité, le charme pénétrant qui résident
dans tous ces morceaux ont eu vite gagné l'auditoire d'élite qu'avait
assemblé l'arliste, et la séance entière n'a été pour ce dernier qu'une
longue série d'ovations.
,■** Il y avait beaucoup de monde dimanche à la matinée musicale
de Mme la marquise de Safifray. Une jeune artiste hollandaise, Mlle Van
der Beck, qui possède un très-beau talent de harpiste, a joué plu.sieurs
morceaux charmants de façon à faire regretter l'abandon qu'on fait de-
puis longtemps déj< de ce bel instrument. On a aussi entendu un flûtiste
belge dont nous avons eu déjà l'occasion de signaler la supériorité,
M. Auguste Charles, qui joint au mérite de virtuo.se celui de compositeur
et qui s'est fait beaucoup applaudir en exécutant avec une grande per-
fection plusieurs de ses compositions nouvelles Enfin Mme Loyd, de la
Comédie française, a varié on ne peut plus agréablement cette réunion,
à laquelle les goûts artistiques de Mme de Saffray prêtaient un intérêt
tout particulier.
^*t L'année dernière déjà, nous avons vu poindre l'aurore d'un talent
sérieux: le jeune pianiste Napoléon Firmin, enfant de neuf ans, élève
de M. Chol, faisait ses premières armes avec un entier succès. Plus que
jamais il promet un artiste, si on en juge par le concert qu'il a donné
dimanche dernier à la salle Erard, et où il a exécuté, entre autres, deux
brillantes fantaisies de Herz et une valse de Chopin, avec une sûreté
parfaite ei une grâce toute charmante. Quand cette heureuse nature aura
reçu son entier développement, tout fait présager que nous aurons un
habile virtuose et un excellent musicien de plus.
,1,*, L'espace nous fait défaut pour dire tout le bien que nous pen-
sons de Mlle Caroline Levy, qui a donné la semaine dernière avec
Mlle Lavini un beau concert dans lequel l'excellente professeur a joué
avec autant de style que de goût un concerto de Mendelssohn, la Danse
des Fées de Prudent, et ou Mlle Lavini a très-bien chanté, entre autres
morceaux, avec M. Bregy le duo des Dragons de Villars.
— Il en est de même de Mme Marie Simonet, jeune pianiste d'avenir
qui a fait preuve, dans son concert de lundi, d'un mécanisme irrépro-
chable et de beaucoup de sentiment.
— Nous voudrions aussi pouvoir parler avec plus de détail de Mme
Béguin Salomon qui se consacre tout entière à l'art et qui s'est surpas-
sée dans son concert de vendredi . Impossible de traduire avec plus de
perfection la musique des maîtres que ne le fait Mme Béguin Salomon ;
elle apporte dans son jeu une poésie qui se répand sur tout ce qu'elle
interprète et on a pu en juger dans le trio de Beethoven, le quintette
de Spohr et un joli trio d'Ad. Blanc.
^*^ La ville de Rennes vient de donner, au profit des pauvres, un ma-
gnifique' concert pour lequel on avait spécialement engagé Mlle Mauduit,
de l'Opéra; entre autres morceaux, elle a chanté le grand duo du qua-
trième acte de l'Africaine de façon à électriser l'auditoire . Les bravos, les
rappels, les bouquets ont été prodigués à la jeune et charmante canta-
trice que la ville de Rennes compte parmi ses enfants et dont elle peut
à bon droit s'enorgueillir.
^*^ La Société des concerts du Conservatoire donne, aujourd'hui di-
manche 29 mars 1868, à 2 heures précises, son H« concert, sous la direc-
tion de Georges Hainl. En voici le programme : 1° symphonie en la
majeur de Mendelssohn; — 2° chœur d'Armide, de LuUi (1686). Le
solo chanté par M. Caron; — 3° 7" concerto en la mineur, pour violon,
de Rode, exécuté par Mme Norman-Neruda ; — i" chœur des Chasseurs
d'Euryanthe de Weber; — S° ouverture de Léonore de Beethoven.
»*f Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque Napoléon, vingt-
deuxième concert populaire de musique classique, sous la direction de
J. Pasdeloup. En voici le programme : 1» symphonie en ré majeur de
Mozart; — 2» air de ballet de Prométhée de Beethoven. Le solo de violon-
celle par Poënêet; — 3° Reformations-sinfonie (2° audition), de Men-
delssoiin (introduction, allegro, scherzo, andante, choral de Luther,
finale); — i" sonate pour piano et violon de Weber (andante, rondo),
par Allard et Diémer; — S» polonaise de Struensée (le Bal et l'Arresta-
tion), de Meyerbeer.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
»*« Mercredi, LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice ont honoré de
leur présence la représentation d'Hamlet à l'Opéra.
*"'» Le théâtre impérial de l'Opéra a donné cette semaine trois fois
Hamlet. Les démarches faites pour retenir Mlle Nilsson à Paris au delà
du 30 avril n'ayant pas abouti, l'opéra d'Ambroise Thomas ne pourra
plus être joué qu'une douzaine de fois avant son départ pour Londres.
Les huit premières représentations ont pleinement confirmé le succès de
la première, et Hamlet prend, — de l'avis des musiciens qui en jugent
aujourd'hui la partition en main, — une place brillante au répertoire :
les recettes dépassent 11,000 francs. Chaque soir, de nombreux rappels
accueillent les artistes qui se montrent les dignes interprètes de l'œuvre.
— Mercredi, la salle était éblouissante de toilettes, et LL. MM. l'Empe-
reur et l'Impératrice, arrivées au premier acte, n'ont quitté leur loge
qu'après le cinquième acte et après avoir félicité le directeur, l'auteur et
les chanteurs.— Dès le quatrième, S. M. l'Impératrice avait fait remettre
à Mlle Nil.sjon, en témoignage de sa haute satisfaction, le bouquet de vio-
lettes qu'elle tenait à la main, et le lendemain le vicomte de Laferrière
portait à Ophélie, de la part de l'Empereur, une riche parure de perles,
émeraudes et brillants. — C'est à tous les titres un vrai succès pour
l'école française.
**,^ Aujourd'hui, représentation extraordinaire de l'Africaine.
*''',(4 Au théâtre impérial Italien, monsieur et madame Tiberini
ont chanté mardi / Puritani avec Steller et Agnesi, et ils ont vu
se confirmer dans l'œuvre de Bellini le succès qui les avait ac-
cueillis dans Matilda di Shabran, quelques jours auparavant. C'est
principalement dans le troisième acte d'/ Puritani qu'ils ont recueilli
les plus enthousiastes bravos. La romance du quatrième acte par
M. Tiberini, la scène de la folie du deuxième acte et la célèbre polo-
naise par Mme Tiberini, ont été merveilleusement rendues; toutefois
nous conseillons à cette cantatrice de chanter la Polonaise comme on l'a
toujours entendue dire par la Grisi, la Bosio, la Patti, et de supprimer
les ornements qu'elle a cru pouvoir ajouter au texte de Bellini. Sans
avoir les belles notes de Tamburini, Steller s'est montré chanteur
de grand style dans le rôle de Riccardo et il y a retrouvé son beau
succès d'Alphonso dans Lîtcrezia; les applaudissements ont été d'ailleurs
amplement partagés par Agnesi dans celui de Giorgio. Depuis Lablache
on ne l'avait pas mieux interprété et le fameux duo : Suoni la Iromha
a valu aux deux artistes une ovation méritée; ils ont dû en répéter
l'allégro. — Hier samedi, c'était le tour d'Adelina Patti, qui se mon-
trait dans une nouvelle et importante création : Giovanna d'Arco de
Verdi. Nous rendrons compte dimanche de cette intéressante représen-
tation.
^% La rentrée de Mlle Marimon au théâtre Lyrique ne s'est pas effec-
tuée avec moins de succès que celle de Meillet. On y a revu avec plaisir
cette cantatrice qui y a fait ses premiers pas dans une carrière parcourue
depuis par elle avec un grand éclat. Quoiqu'elle eût à lutter dans le rôle
de la reine de la nuit de la Flûte encimntée contre le souvenir si récent en-
core de la supériorité avec laquelle il était dit par Mlle Nilsson, Mlle Ma-
rimon, qui excelle surtout dans les vocalises, a franchi victorieusement
les difficultés dont ce terrible air du quatrième acte est hérissé. Saluée
par des applaudissements aussi enthousiastes que légitimes, elle a
dû le bisser aux acclamations de la salle entière. — Bosquin
(Pamino), Troy (Papageno), et Mlle Daram (Pamina) ont vail-
lamment contribué au succès de cette représentation. — C'est la Fanchon-
nette, avec Mme Carvalho et Monjauze, qui a occupé le répertoire de la
semaine au théâtre de la Renaissance; Roméo et Juliette va lui succéder.
— M. Carvalho se propose de monter, avec Meillet dans le rôle principal,
le Brasseur de Prcston. — On a mis aussi à l'étude la Bohémienne de
Balfe, sans préjudice de l'Elisabeth de Hongrie, dont les répétions suivent
leur cours et qui sera donnée dans la première quinzaine d'avril.
Deux engagements nouveaux viennent aussi d'être faits : celui d'une
jeune élève de Wartel, Mlle A. Monnier, et celui d'un ténor qui était au
service, et dont l'éducation musicale aurait été faite aux frais d'une
dame de la société parisienne.
„:** Au théâtre des Fantaisies-Parisiennes on vient de reprendre le
Muletier, l'un des premiers ouvrages d'Hérold, qui remonte à l'année
102
CiEVUE ET GAZETTE MUSICALE
1823, et qui est resté, Jusque dans ces derniers temps, au répertoire de
rOpéra-Comique. Dans l'espace de liuit ans, l'illustre compositeur avait
enriclii la scène Ij'riquo de Maria, de Zampa, du Pré aux Clercs, lorsque
la mort est venue le surprendre. Plus heureux que lui, Paul de Kock,
son collaborateur pour les paroles du Muletier, assistait, après un laps
de quaranle-cinq ans (presque un demi-siècle), à la dernière reprise de
cette pièce, On sait que le sujet en est emprunté à un conte assez gra-
veleux de la Fontaine. Mais, sous la Restauration, on ne plaisantait
guère avec la morale, et, de nos jours, la donnée, expurgée forcément
par Paul de Kock, s'est trouvée fort anodine. Quant à la musique, elle se
ressent des truonnements d'Hérold, qui n'avait pas -encore rencontré sa
voie; on y peut constater, principalement dans un certain crescendo de
l'ouverture, des préoccupations rossiniennes, et il n'y a qu'un air, celui
du sommeil des muletiers, dont la facture originale décèle le génie du
maître. Cependant, il passe à peu près inaperçu, tandis que le public
riserve ses applaudissements pour un chœur de paysans, deux boléros et
des couplets comiques qui, du reste, ne sont pas sans valeur. Le succès
du Muletier fut dû, dans la nouveauté, à la manière brillante dont il
était monté; ses deux rôles féminins étaient tenus par deux cantatrices
charmantes, Mme Boulanger et Mlle Prahder; le personnage principal
avait pour interprète un comédien agréable du nom de Lemonnier; le
vieil aubergiste et son neveu étaient joués par Vizentini et Féréol, qui
ont laissé une réputation très-méritée. Aux Fantaisies-Parisiennes, Lau-
rent, Derval et BarnoU, Mme Géraizer et Mlle Deneux font de louables
efforts pour rappeler leurs devanciers, et il faut leur en tenir compte. En
somme, la reprise de l'opéra d'Hérold a été accueillie avec sympathie, et
nous croyons que M. Martinet n'aura qu'à s'en féliciter.
^*ii Le même théâtre jouera incessamment, sous le titre de l'Amour
mouillé, un acte de M. Théodore de Banville, dont M. J. Cressonnois a
écrit la musique.
!((** La reprise de l'Africaine, impatiemment attendue à Bordeaux, a eu
lieu la semaine dernière, avec l'éclat et le retentissement d'une véritable
solennité artistique. Comme aux premières représentations de l'ouvrage,
la salle était littéralement remplie d'une foule avide d'entendre encore le
chef-d'œuvre de Meyerbeer et d'applaudir la nouvelle Selika, Mme Wil-
hem-Massé, qui succédait à l'éclatant succès remporté l'année dernière
par Mlle Audibert, dans ce rûle et sur cette scène. Dès le second acte,
par ses grandes qualités de comédienne et de chanteuse, la vaillante ar-
tiste avait conquis les sympathies générales; son rappel après la chute
du rideau en a été le témoignage incontestable.
<^*^ Le succès de la reprise du Prophète a été aussi très-décidé à Tou-
louse, tous les artistes ayant concouru par leurs études et leur zèle à
rendre parfaite cette représentation. M. Mazurini (Jean de Leyde), no-
tamment, a eu dans le cours de la soirée des moments magnifiques;
Mme Ebrard-Gravière a partagé avec lui l'enthousiasme et les applau-
dissements du public.
5^.% La Grande-Duchesse vient d'être représentée à Rennes avec une
distribution excellente, de beaux costumes et une mise en scène com-
plète. Sous ce triple rapport, les journaux de la ville accordent sans res-
triction leurs éloges à M. Gilbert-David (Fritz), comme directeur et comme
artiste. La salle était comble, cela va sans dire, à la première, et le suc-
cès n'a fait que grandir aux représentations suivantes.
ii^jf, Le théâtre des Variétés de Lille a eu l'heureuse idée de reprendre
la Grande-Duchesse avec Mme Ugalde. Quand une artiste de la valeur de
Mme Ugalde applique ses facultés à créer un rôle d'opérette, on peut
être sûr d'avance de la perfection avec laquelle il sera exécuté. Personne
n'a oublié sa création de Roland dans les Bavards ; celle de la Grande-
Duchesse de Gérolstein ne laissera pas moins bon souvenir. Mme Ugalde
s'y est montrée comédienne remplie d'esprit, de crânerie et d'entrain ;
quant à son talent de chanteuse, elle l'y a mis tout entier, c'est tout dire.
Aussi a-t-elle été applaudie à tout rompre, et, grâce à son concours, voilà
une nouvelle série de fructueuses représentations assurée à l'œuvre po-
pulaire d'Offenbach.
,*« La direction du Grand-Théâtre de Marseille a renouvelé, à de très-
belles conditions, l'engagement de Michot, et elle monte activement
Bornéo et Julietle pour les plus prochaines représentations de l'excellent
artiste. En attendant, le Prophète continue d'attirer la foule.
**;s M. Gye vient de publier son programme pour la saison d'opéra
qui va s'ouvrii- le 31 mars à Covent-Garden. Voici les noms des artistes
engagés : Mmes Adelina Patti, Pauline Lucca, Fricci, Lemmens-Sher-
rington, Vanzinifdébut), Morensi, Tagliafico, Dall'Anese, Locatelli (début),
Lavrofska (début), Fioretti (début), Mayer. — MM. Mario, Naudin, Fan-
celle, Neri-Baraldi, Rossi, Marine, Graziani, Cotogni, Tagliafico, Petit,
Colini (début), Ciampi, Fellar, Polonini, Capponi et Bagagiolo. —
Premières danseuses, ailles Marina Mora et Rosalia (début) . — M. Costa
reste à la tête de l'orchestre, et M. Harris, qu'une erreur de notre der-
nier numéro associait à la fortune de M. Mapleson, conserve son
poste de régisseur. — Parmi les opéras qui seront représentés, les prin-
cipaux sont l'Africaine, le Siège de Corinthe, les Huguenots, Don Carlos,
l'Etoile du Nord, Robert, Roméo et Juliette, Fra Diavolo, Giovanna d'Arco,
le Domino nrAr. — Ce dernier opéra figure pour la première fois sur
un programme de scène italienne à Londres ; Auber y a ajouté dans ce
but des récitatifs. Fra Diavolo était jusqu'à présentie seul de ses ouvrages
donné à Londres dans ces conditions. Le Siège de Corinthe est également
nouveau pour l'Angleterre.
^,*^ Le Brésil est conquis au répertoire vainqueur d'Offenbach. A Rio-
de-Janeiro, le théâtre de la rue d'Uruguayana joue chaque soir la
Grande-Duchesse et les Dames de la Halle.
NOUVELLES DIVERSES.
*■** Hier à 8 heures, avait lieu dans la salle du Conservatoire l'audi-
tion des fragments de l'opéra en cinq actes, le Dante, composé par M. le
duc de Massa, et à laquelle il avait invité l'élite des gens du monde, des
artistes et de la presse. Nous en rendrons compte dimanche prochain.
„,"'* L'Association des artistes musiciens a fêté l'Annonciation, le 23 mars,
en faisant exécuter à Notre-Dame la seconde messe de Weber, dans la-
quelle on retrouve à un si haut degré l'élévation d'idées, la noblesse de
forme et la belle et puissante sonorité de l'auteur du Freyschulz. Le
Credo de cette messe a été remplacé par celui de Dumont. M. Battaille
et des enfants de chœur étaient chargés des aoli ; ils s'en sont fort bien
acquittés. Les chœurs étaient conduits par MM. Steenman et Foulon, et
l'orchestre par M. Tilmant. La marche religieuse de M. Ambroise Tho-
mas, avec accompagnement de harpes, a produit un très-bel effet.
,^'",1 Une seconde audition de la Messe solennelle du prince Poniatowski
a eu lieu, jeudi dernier, à Saint-Eusiache, sous la direction de MM. Hu-
rand et Pickaert, en faveur de la Caisse des écoles du 2° arrondissement.
Les soli étaient confiés à Villaret, Agnesi et Bollaert. L'exécution géné-
rale a laissé beaucoup à désirer, et cette nouvelle audition n'a modifié
en rien les jugements portés sur l'œuvre, du reste estimable à plus d'un
titre, du sénateur-dilettante. Parmi les dames patronne.sses de l'œuvre,
nous avons remarqué les noms de Mme Accursi et de Mlle A. Patti.
,^*, Hier, à 2 heures, au Cirque de l'Impératrice, a eu lieu, au profit
de l'Asile des vieillards, la première audition du Jugement dernier, grand
oratorio en quatre parties, composé par Duprez. Nous en rendrons compte
dans notre prochain numéro.
,** La Société académique de musique sacrée a fait célébrer, samedi
dernier, un service solennel pour le repos de l'âme de ses membres dé-
cédés. La Messe des morts en plain -chant-harmonisé à quatre voix par
M. Charles Yervoitle, a été exécutée par les sociétaires avec un ensemble
parfait.
#% Carlotla Patti, Vieustemps, Seligmann, Berthelier, qui formaient
la Compagnie Ulmann, sont de retour à Paris. Parmi les artistes qui ont
reçu dans cette brillante tournée l'accueil le plus chaleureux, le joyeux
chanteur de chansonnettes Berthelier, partout où il s'est fait entendre, a
recueilli les plus vifs applaudissements. Un des morceaux qui ne man-
quait jamais son effet sur le public est l'Air bouffe anglais d'Offenbach,
que le chanteur était toujours obligé de bis.ser, et qu'il a dit au moins
soixante fois.
3(*« La partition pour piano et chant de l'Elixir de Cornélius, de Meil-
hac et Delavigne, musique d'Emile Durand, dont nous avons dit le suc-
cès au théâtre des Fantaisies- Parisiennes, vient de paraître chez les
éditeurs Gérard et C". Cette partition, oii abondent de charmantes mélo-
dies, ne rencontre pas moins de succès à la lecture qu'à la scène.
«*,s C'est l'éditeur J. Maho qui vient d'acheter la propriété de la sym-
phonie de Mendelssohn dite la Réformation, et qui a été jouée dernière-
ment au Concert populaire .
,,*,, La grande cantatrice tragique Emmy La Grua est à Paris, venant
d'Espagne ofi elle a obtenu de si éclatants succès.
,j*t Le violoncelliste Féri Kletzer est en ce moment à Paris, de retour
de sa tournée triomphale en Portugal et en Espagne.
^*^^ Alfred Jaëll est également arrivé à Paris; Monaco, Nice et Lyon
ont marqué sur sa route comme de glorieuses étapes.
*** Aujourd'hui dimanche à 8 heures 1/2 , salle des Conférences ,
boulevard des Capucines, Mme Ernst donne une nouvelle séance de réci-
tation oii elle dira plusieurs poésies de Victor Hugo, Alfred de Vigny,
de Musset, Hégésippe Moreau, etc.
^'^t On doit inaugurer, mercredi prochain \" avril, le grand orgue
de la nouvelle église de Bergerac (Dordogne). On se rappelle que cet
instrument, un de ceux exposés l'année dernière par la maison Merklin,
Schutze et C°, a valu à ces éminents facteurs la médaille d'or et la dé-
coration de la Légion d'honneur. M. Auguste Durand, organiste de Saint-
Vincent de Paul, est désigné pour se rendre à Bergerac afin de procéder
à la réception de cet orgue, et d'en faire valoir les ressources le jour fixé
pour l'audition.
*** Nous apprenons que par suite de nouvelles appropriations, la jolie
salie de concert de la rue Saint-Georges, 50 (salle Sax), peut de nouveau
se louer pour concerts, conférences, cours, réunions d'actionnaires, etc.
»** M. Léon Pillât, l'ancien directeur de l'Opéra, devenu consul gé-
néral à Venise, vient de mourir.
DL l'AKlS
103
**, M. Edmond Franck, excellent accompagnateur, très-répandu dans
le monde artiste de Paris, est mort cette semaine, à Castelnaudary, où
il se trouvait en représentations avec Levassor; il avait trente-cinq ans
à peine.
^\ Le 2 mars est mort à Weimar, à quatre-vingt-un ans, un com-
positeur de talent, Cari Ebervvein, direcleur de la musique grand-ducale.
Il est surtout connu en Allemagne par la Léonorc de Holten, dont il a
fait la musique, et qui a obtenu un succès populaire.
ÉTRANGER
^*^ Bruxelles. — La saison musicale tire à sa fin. Le Conservatoire
vient de donner son dernier concert de l'année. Outre la symphonie en
ré (l'^) de Mozart et l'ouverture de Léonore de Beethoven, on y a entendu
l'adagio et le finale du 3» quintette de M. Fétis, exécutés par tous les ins-
truments à archet. Pour cette exécution Fauteur avait écrit une partie
de contrebasse distincte de celle du violoncelle. Les deux fragments ont
produit sous cette forme un très-grand effet : l'un par la fraîcheur et par
le charme des idées, en même temps que par la science et par l'ampleur
des développements; l'autre par la verve, la chaleur, l'énergie soutenues.
L'auditoire a éclaté en applaudissements et l'on peut dire qu'une véri-
table ovation a été faite à M. Félis, qui dirigeait l'exécution de son
œuvre, exécution parfaite, ajoutons-le. On a entendu avec intérêt, dans
la même séance, deux fragments d'une Suite d'orchestre, par M. Huberti,
lauréat des grands concours de composition musicale, jeune artiste qui
cherche plutôt à exprimer des idées qu'à produire des eflets, contraire-
ment à ce qu'on fait habituellement de notre temps.— Quelques jours après
le dernier concert du Conservatoire, les professeurs de cette école se sont
rendus auprès de leur illustre et vénérable direcleur pour fêter avec force
bouquets, discours et manifestations sympathiques, son quatre-vingt-
quatrième anniversaire. — Le public amateur et artiste a assisté, il y a
quelques jours, à la première représentation d'un petit opéra qui a eu
lieu, non dans un théâtre, mais dans la salle des réunions du Cercle ar-
tistique et littéraire, transformée pour la circonstance en salle de spec-
tacle. Le Tricorne enchanté, de M. Théophile Gautier, a été arrangé de
bastonnade (comme il était qualifié) en opéra-comique, et sur ce libretto
pétillant, M. Léon Jouret a composé une musique très-spirituelle, très-
élégante, une musique où il y a beaucoup de cette chose charmante et
rare qu'on appelle de la mélodie. L'auteur de cette jolie partition était
déjà connu chez nous par des chœurs qui sont dans le répertoire de
toutes les sociétés chantantes, par des romances très-distinguées et par
un opéra de Quentin Metzys, composé pour un théâtre d'amateurs. Le
Tricorne enchanté a eu pour interprètes les premiers sujets du Théâtre-
Royal : Mmes Daniele et Dumestre, MM. Jourdan, Ricquier-Delaunay et
Jamet. Il y a eu de vifs applaudissements pour le compositeur et pour
les chanteurs; il y a eu rappel de l'un et des autres comme au théâtre
les jours de grand succès. On assure qu'après avoir subi si victorieuse-
ment cette première épreuve, le Tricorne enchanté pourrait bien tenter
la fortune sur la scène du Théâtre-Royal, où M. Jourdan aurait obtenu
de l'auteur l'autorisation de le monter pour son bénéfice. — M. Rubins-
tein avait presque promis de revenir à Bruxelles diriger l'exécution de sa
symphonie l'Océan, à l'un des concerts populaires. 11 paraît que les en-
gagements qu'il a contractés en France et en Angleterre ne lui permettent
pas de réaliser ce projet. Nous aurons à sa place M. Joachim, le célèbre
violoniste, qui jouera le 3 avril dans une dernière séance organisée à
son intention par l'administration des concerts populaires. — M. Letellier,
directeur du théâtre de la Monnaie, est parti pour Paris. Les espérances
qu'il avait fondées sur le succès de Don Carlos s'étant définitivement et
trop vite évanouies, il a l'intention de traiter avec Marie Sasse pour un
certain nombre de représentations.
i^*^ Londres. — Le concert populaire du lundi 2 mars a été donné
au bénéfice de Mme Arabella Goddard-Dawison. La célèbre pianiste a
admirablement exécuté plusieurs œuvres de Mendelssohn encore incon-
nues en Angleterre, entre autres, un sextuor en ré mineur et une grande
sonate pour piano seul.
*"*» Berlin. — Pour éviter les inconvénients que pouvait avoir l'emploi
simultané des deux célèbres ténors Niemann et Wachtel, la direction de
l'Opéra a décidé que Wachtel, en ce moment en congé, ne rentrerait
en activité que du 1"' décembre au IS mars prochain, tandis que Nie-
mann commencerait et terminerait la saison.
^*^ Leipzig. — A l'occasion du 123» anniversaire de sa fondation, la
direction des concerts du Gewandhaus a remis au comité institué pour
l'érection d'un monument à la mémoire de Mendelssohn la somme de
mille thalers, avec les intérêts à partir du 11 mars, en reconnaissance
des précieux services rendus dans cette ville par le grand compositeur
à l'art masical. Un brilland concert au profit des pauvres a étét donné
dans la salle du Gewandhaus. Le violoniste russe Besekirsky y a exécuté
avec un grand succès un concerto de sa composition.
*% Pesth. — Don Carlos de Verdi a été donné pour la première fois
le 14 mars, avec un succès complet.
m*,^ Madrid. — Tamberlick dans la Muette, et Naudin dans la Favo-
rite, ont obtenu de brillants succès. — Le violoncelliste Féri Kh^tzor a don-
né ici un fort beau concert, auquel beaucoup d'amateurs n'ont pu assis-
ter faute de places, et qui a rapporté à l'excellent artiste honneur et
profit; on y a bissé la. Sérénade de Gounod, arrangée en. trio pour vio-
loncelle, piano et orgue. Sur les instances de l'infant Don Sébastien, la
reine a accordé à Kletzer la décoration de Charles 111.
„.% Venise. — Le li mars, le théâtre de la Fenice a fêté l'anniversaire
de la naissance du roi par une représentation de gala, où la marche
royale a été exécutée et redemandée, après le second acte de l'Africaine,
aux cris de Viva il Re galantuomo !
Florence. — Mme Lotti délia Santa, qui chante en ce moment l'.ifricaine
avec tant de succès à Venise, a été engagée à la Pergola pour les fêtes
du mariage du prince Humbert. Elle chantera Marta.
^% Varsovie. — Pour sa représentation d'adieux, Mlle Artôt avait
choisi un acte de la Sonnanbula et un de l'Élisir d'Amore. L'enthou-
siasme du public est arrivé au délire : des fleurs, des couronnes, des rap-
pels sans fin ont éié prodigués à l'éminente cantatrice. On lui a offert
comme souvenir un magnifique bracelet enrichi de diamants.
=(s*» Saint-Pétersbourg. — L'administration des théâtres impériaux vient
de publier l'avis suivant, relatif à la sai.son de 1868-69 de l'Opéra italien.
— Personnel. — Prime donne : Mmes Adehna Patti, du i°' janvier 1869
jusqu'à la fin de la saison (c'est-à-dire jusqu'au 3 mars 1869), Fricci,
Volpini, Trebelli {contralto), Lucca (du i novembre au 16 décembre 1868),
une comprimaria (à engager). Seconde donne : Mmes Dall'Anesse, Be-
rini. Primi tenori : MM. Mario, Calzolari, Neri-Baraldi, Fraschini. Se-
conde tenore : M. Ro si. Primi bari toni : MM. Graziani, Meo, Gassier.
Primi bassi : MM. Angelini, Bagagiolo. Secondo basso : M. Fortuna.
Primo basso buffo : M. Zucchini. Chef d'orchestre : M. Vianezi. Régis-
seur en chef : M. Harris.
CONCERTS ET AUDITIONS fflUSICÂLES ANNONCES.
Salle du Grand-Orient, aujourd'hui 29 mars à 8 heures : concert audition
de M. Penavaire, violoniste, avec le concours de Mlles de Beaunay
et Victprine Champier, de MM. Léon Lafont, Sixte Delorme, Castei-
gnet, Graire et José Barrière.
Salons Lebouc, mardi 31 mars : audition des compositions de M. L. Sal-
vator .
Salons Pleyel, mardi 31 mars : cinquième séance populaire de musique
de chambre, par MM. Ch. Lamoureux, Colblain, Adam et Poëncet,
avec le concours de M. H. Fissot.
Mercredi 1'="' avril : troisième soirée de musique de chambre, par MM.
Maurin, Colblain, Mas et Demunck, avec le concours de M. Saint-
Saëns .
Salons Pleyel, mercredi l'' avril : troisième séance du quatuor Maurin.
Salle Herz, jeudi 2 avril : concert avec orchestre donné par M. Garcin,
avec le concours de Mlle Marimon, M. Caron et Mlle Caroline Lévy.
L'orchestre sera dirigé par M. Georges Hainl.
Salle Herz, vendredi 3 avril : troisième concert donné par Ant. Rubins-
tein, avec orchestre. 11 y exécutera les œuvres suivantes : i° con-
certo en sol majeur (n" 3) de sa composition; — 2" fantaisie chro-
matique (Bach), Gigue (Haendel), Rondo (P.-S. Bach), Marche tur-
que des Ruines d'Athènes (Beethoven) ; — 3° Etudes symphoniques en
forme de variations (Schumann); — i" Nocturne et Ballade (Chopin),
Mélancolie, étude (Rubinstein). — Partie vocale, Mlle Rives. —
L'orchestre sera dirigé par M. Camille Saint-Saëns.
Salle Erard, samedi 4 avril; audition et soirée musicale par M. W.
Goldner.
Salons Pleyel, mercredi 6 avril à 8 heures 1/2 du soir : concert donné
par Mme Anna Fabre, avec le concours de MM. Hermann-Léon,
Pagans, Ketterer, Lebrun, Durand, Maton, Thomé et Tayau .
104
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©. liamotlio. Op. 61. Chant du soir, nocturne S »
liCfébure-Wéiy. Op. 175. Boléro 7 50
— Op. 176. Le Rêve de Chérubin 6 »
— Op. 177. Esméralda, caprice 6 »
— Op. 180. Le Défilé, pas redoublé à deux pianos 10 »
— Op. 180 6iS. Le même à quatre mains 9 i
— Op. 181. Deuxième duo symphonique à deux pianos 25 »
H. Bavlna. Op. 60. Confidence, nocturne 6 t
DANSES
B. Ettling. Polka- mazurka sur la Vie parisienne 5 »
Uarx. Polka des Oiseaux sur les motifs de Gulliver 4 50
O. Métpa. Valse, Fleurs et Papillons, id 6 »
Sipanss. Quadrille, id 4 50
— Quadrille, valse et polka sur la Vie parisienne, chaque.... 4 50
A. Mey. Valse sur les motifs de la Vie parisienne 6 »
— Les mêmes, à quatre mains.
de la Chaussée-d'Antin, à Paris.
UBLIGATIONS
CHANT
A. Hlenard. Hamlet, tragédie lyrique en cinq actes, partition
piano et chant, net 18
jr. orrcnliach. La Vie parisienne, opéra-bouffe en quatre actes,
partition piano et chant, net 12
— La même, pour piano seul, net 8
E.<5o Oclibos. Il n' faut pas vous gêner 4
— De quoi vous plaignez-vous ? 3
(Couplets chantés dans l'opéra-bouffe Malborouyh.)
Brousse (Marie). 0 Salutaris, d'après l'adagio de la sonate pa-
thétique de Beethoven, 1,2, chaque 4
Victor CUérl. Chant de guerre du Vengeur, 1, 2, chaque 3
LiUnllller. En visite, chansonnette 3
— Ouistiti, chansonnette 3
G. PfellTer. Sonnet-Elégie de Boileau 3
Xh. Radons . Vous m'oubliez, mélodie 5
— Le Rosier, id 4
— Le Réveil, id 6
— A quoi rêves tu ? id 4
O'Kellj-. Les Adieux de Valentin , chaftson 3
liebonr. Les Récréations de l'enfance , recueil de rondes avec
jeux et petites chansons avec accompag. de piano, net. . 3
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Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUS
DE PARIS
SOMMAIRE.— Théâtre impérial Italien : (xiooanna d'Arco, opéra en quatre actes,
poème imité de Schiller, par M. Temistocle Sciera, musique de Verdi, par
Haurice Oray. — Auditions musicales : Dante, de M. le duc de Massa ;
Jugement dernier, de G. Duprez, par Armand fionzien. — Bibliographie
musicale, par Artbnr Pongin. — Concerts et auditions musicales de la
semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvfillps diverses. — Con-
certs et auditions musicales annoncés. — Annonces.
THÉÂTRE iniPËRIÀL ITÀUEN.
GIOVANNA DA'RCO,
Opéra en quatre actes, poëme imité de Schiller, par M. Temistocle
SoLERA, musique de Verdi.
(Première représentation le 28 mars 1868.)
L'ouvrage que le théâtre Italien vient de nous offrir pour la
première fois date de vingt - trois ans ; il a été représenté à la
Scala, de Milan, au mois de février 184S, et il n'est pas inutile
de se rappeler cette date pour juger un opéra dont la va-
leur n'est que secondaire dans l'œuvre entier du maître, et qui
n'est pas à la hauteur de ce qu'on peut appeler ses grandes pro-
ductions, Rigolelto, la Traviata, il Trovatore. ..
Nature fougueuse et quelque peu désordonnée, Verdi a fourni
une carrière presque aussi inégale que son génie lui-même, mar-
chant la plupart du temps de succès en chute et de chute en
succès, faisant succéder à une œuvre de génie et débordante de
passion une œuvre vulgaire, sinon triviale, pour se relever ensuite
fièrement et arracher de nouveau des applaudissements à une
foule qui ne demandait qu'à l'acclamer. C'est ainsi qu'après un
Giorno di regno venaient Nabucco et Ernani ; et après ceux-ci
Giovanna d'Arco, qui n'obtint jamais, même en Italie, qu'un mé-
diocre succès, puis l'infortunée Alzira, qui en eut moins encore, et
Attila, qui n'en eut pas du tout; Luisa Miller, suivie de
Sliffelio; Rigoletto, il Trovatore et la Traviata précédant Simone
Boccanegral La carrière du maître, ou le voit, ressemble assez
à la course d'un cheval emporté, que la frénésie de son al-
lure fait plus d'une fois trébucher et qui choppe à plus d'un ob-
stacle, mais qui sait aussi se redresser avec hardiesse et poursui-
vre son chemin avec vigueur, vaillance et courage.
Il faut, d'ailleurs, rendre cette justice à l'auteur à'Ernani et d'»
Due Poscari, c'est que le génie — un génie abrupt, il est vrai, et
qui demanderait la plupart du temps à être assoupli — ne lui fait
jamais complètement défaut, et que, même dans ses œuvres les
moins réussies, on retrouve toujours, à de certains endroits, la
griffe puissante du lion, qui se plante vigoureusement dans les
chairs de l'auditeur et lui arrache un cri d'émotion ou d'admira-
tion. Il en est ainsi, comme nous allons le voir tout à l'heure,
pour quelques parties malheui'eusement trop rares de Giovanna
d'Arco.
Mais avant de parler de la musique, il me faut, hélas! parler du
poëme. Ce n'est pas là le plus réjouissant, et il est certain qu'en
présence d'une telle divagation rimée. Verdi peut hardiment invo-
quer les circonstances les plus atténuantes pour les défaillances et
la faiblesse d'une partition que quelques pages heureuses ne sau-
raient, dans l'avenir, sauver d'un juste oubli.
M. Temistocle Solera — qui est musicien cependant et qui a fait
représenter plusieurs opéras dont il avait écrit livret et partition —
a bien mal servi son collaborateur, il faut l'avouer. Il a voulu,
dit-il, imiter Schiller, mais il l'a imité un peu dans le ^enje de
ce singe qui se coupait la gorge en voulant se raser comme son
maître. Il a pris au grand poète allemand l'idée d'un dénoûment
extrahistorique, qui fait mourir Jeanne d'Arc d'une blessure au
lieu de la faire brûler par les Anglais.
Les personnages du drame sont au nombre de trois, et, sans
rien exagérer, on peut trouver que c'est bien peu pour établir,
nouer et dénouer une action aussi émouvante en elle-même que
celle fournie par l'épopée de la vierge de Vaucouleurs, surtout
quand ces trois personnages se composent d'une femme qui
n'a plus rien de cette grandeur noble en sa simplicité de la figure
historique de la bergère qui sauva la France sous Charles VIII;
d'un roi à moitié idiot, qui passe son temps à faire des décla-
rations à celle qui doit lui rendre son royaume et sa couronne , et
à chanter avec elle d'interminables duos d'amour; enfin, d'un
père dénaturé (celui de Jeanne), dont l'occupation principale est
d'accuser sa fille de sorcellerie, et d'aller la dénoncer comme ma-
gicienne aux Anglais, ses ennemis intimes.
106
UEVUE ET GAZETTE MUSICALE
Il n'y avait vraiment rien à tii'er d'un canevas aussi puéril,
aussi vulgaire, aussi ridicule, et, si l'on peut s'étonner d'une chose,
c'est qu'un artiste de l'intelligence, de la pratique et de la trempe
vigoureuse de Verdi, ait consenti à « réchauffer des sons de sa
musique » de telles platitudes !
L'analyse complète et détaillée de la partition de Giovanna
d'Arco me conduirait beaucoup trop loin, et je vais me borner à
signaler les parties qui saillissent de l'ensemble un peu terne de
l'ouvrage. Je ferai remarquer tout d'abord que, selon la coutume
adoptée au théâtre Italien, on a fait quatre actes des deux seuls
qui çonnposent la partition originale.
On distingue dans l'ouverture un joli andante pastoral, en style
concerté, dans lequel brillent tour à tour les flûtes, les clarinettes
et les hautbois. La cavatine du roi ne doit être mentionnée que
pour un agréable andantino à six-huit, très-joliment accompagpé.
Quant à celle de Jeanne, qui est en la majeur, elle est beaucoup
plus remarquable, et la phrase initiale surtout forme un cantabile
pénétrant, qu'on dirait échappé de la plume enchanteresse de Bel-
lini.
Un trio sans accompagnement entre le roi , Jeanne et son père,
m'a paru bien incolore ; mais je citerai le joli fragment sympho-
nique qui ouvre le deuxième tableau, fragment dialogué par les
instruments à vent et d'un tour extrêmement original, puis une
sorte d'invocation de Jeanne à son père absent , chant vraiment
inspiré, d'un caractère tendre, touchant et mélancolique.
Un duo qu'on pourrait appeler le « duo de la déclaration, »
entre Jeanne et le roi,' est totalement manqué, mais on trouve
dans le finale une belle phrase dite par Jeanne , accompagnée
avec la clarinette dans le chalumeau, et servant de dessin prin-
cipal à l'ensemble qui suit, lequel est grandiose et saisissant. Le
public a pu être surpris de voir le rideau tomber sur cet ensem-
ble majestueux, qui semblait n'être que la première partie d'un
morceau très-considérable. C'est qu'en efTet, et je ne sais pourquoi,
on avait jugé à propos de supprimer complètement toute la se-
conde partie de ce finale.
Mes souvenirs ne me rappellent, dans le dernier acte, qu'un
duo vulgaire, mais énergique et tout à fait dans la manière habi-
tuelle de Verdi, entre Jeanne et son père, puis la phrase princi-
pale et presque unique du finale, qui est très-court.
Telles sont, dans cette œuvre nouvelle pour nous, mais déjà
vieille pour le public italien, les quelques pages qui se recomman-
dent à l'attention de la critique, et qui émergent d'un ensemble
généralement peu satisfaisant. Je le répète, il était impossible
d'écrire une bonne partition sur un poëme aussi carrément détes-
table. C'est là ce que le musicien aurait dû comprendre, et ce qui
fait qu'il porte le poids des fautes de son collaborateur.
L'interprétation de Giovanna d'Arco est confiée à Mlle Patti, à
MM. Nicolini et Steller. Dire que Mlle Patti ne réunit pas toutes
les qualités physiques propres à la représentation satisfaisante de
la vierge de Domremy, ce n'est évidemment qu'énoncer une vérité
élémentaire : Jeanne d'Arc, cette sublime hallucinée, n'était point
une virago sans doute, mais cependant nous avons peine à nous
la figurer si mignonne.
Il manque donc à Mlle Patti l'ampleur physique, cela est incontes-
table. A cette remarque près, nous devons constater qu'elle a non-
seulement bien chanté, mais bien joué ce rôle de Jeanne d'Arc, et
qu'elle y a surtout fait preuve d'une sensibilité touchante et digne
d'éloges sincères. Oserons-nous ajouter après cela que nous la pré-
férons non-seulement dans le Barbier, dans Don Pas-quale et dans
la Somnambule, mais même dans Lucie et dans les Puritains? Il est
des rôles auxquels la nature d'un artiste se refuse, quels que
soient d'ailleurs son talent et ses facultés; il me semble qu'il en
est ainsi en ce qui concerne Jeanne d'Arc et l'enclianteresse du
théâtre Italien.
M. Nicolini, qui joue le roi, est toujours un artiste consciencieux,
bien doué et désireux de bien faire. Nous croyons cependant qu'il
se trompe sous de certains rapports. Nous regrettons, pour notre
part, de le voir dévoré par l'ambition de jouer les grands rôles
dramatiques, tels que Lucie, il Trovatore, Ernani, Giovanna d'Arco,
qui ne sont faits ni pour la nature de sa voix, ni pour celle de
son talent. Les ténors de grâce constituent-ils donc un emploi si
dépourvu d'agrément et de charme qu'on ne s'en puisse contenter,
et M. Mario a-t-il eu à se repentir de ne faire que de très-rares
incursions dans le répertoire purement dramatique? La tendance
blâmable de M. Nicolini le pousse malheureusement à dénaturer
le caractère de sa voix si chaude, si caressante et si sympathique ;
elle l'oblige à remplacer le charme par la force, à pousser le son
outre mesure, et à adopter, en négligeant les qualités qu'il
possédait à un si haut degré, les défauts principaux du chant ita-
hen, c'est-à-dire les hoquets, les portamenti exagérés et les coups
de gosier. Ces réserves faites, nous devons constater que lorsqu'il
reste lui-même, comme dans le dernier cantabile de Giovanna
d'Arco, M. Nicolini est un charmant ténor dont la « voix fait mer-
veille. »
M. Steller, qui est un des bassi cantanti les plus remarquables que
nous ayons possédés depuis longtemps au théâtre Italien, a fait tous
les efforts possibles pour sauver le personnage absurde et odieux
du père de Jeanne d'Arc. Il faut lui tenir compte d'une bonne
volonté qui ne pouvait sauver le caractère vraiment ridicule du
rôle, et lui adresser tous les éloges que méritent son beau talent de
chanteur et son expérience de la scène.
En résumé, nous ne croyons pas que la représentation de Giovanna
d'Arco constitue un véritable événement musical. L'attrait de la
curiosité pourra exciter quelque peu l'attention du public, mais
nous pensons que l'administration du théâtre Italien aurait pu,
même dans l'œuvre du maître lombard, choisir un opéra plus
digne d'exciter les sympathies générales.
Maurice GRAY.
AUDITIONS MUSICALES.
Audition de fragments du Dante, opéra en cinq actes de M. le duc
de Massa (salle du Conservatoire impérial de musique, le 28
mars). — Audition du Jugement dernier, oratorio en trois
parties, paroles et musique de G. Dupres ( salle du cirque de
l'Impératrice, le 28 mars).
Deux auditions intéressantes ont eu lieu samedi dernier, l'une
au cirque de l'Impératrice, dans la journée; l'autre, au Conserva-
toire, dans la soirée : toutes deux également dignes de fixer l'at-
tention de la critique. L'un des compositeurs, grand artiste, l'autre
grand seigneur ; celui-là ayant un nom glorieux au théâtre, celui-ci
un nom illustre dans la jeune noblesse; tous deux encore portant
le poids du passé qui a fait dire de l'un qu'il fut trop grand chan-
teur pour être grand compositeur, et, de l'autre, qu'il a assez de
noblesse pour se passer de talent: ce sont là de ces opinions sur
les hommes et les choses qui font trop souvent leur chemin, et
le devoir de la critique est de les contrôler et de se prononcer
sans parti-pris injuste.
Déjà, elle a eu l'occasion de signaler, il y a deux ans, les heu-
reuses intentions d'une autre œuvre inédite de M. le duc de Massa,
qui fut exécutée dans les mêmes conditions; dans les deux œu-
vres,^rapprochement qui semblerait indiquer chez le compositeur
une aptitude spéciale pour la musique de ballet , — ce sont deux
DE PARIS.
107
divertissements de danse qui ont eu le plus franc et le plus légi-
time succès.
Quoiqu'il manquât à la critique l'épreuve décisive du théâtre
pour se prononcer définitivement sur un opéra en cinq actes, exé-
cuté par fragments décousus, sans décors, sans costumes, sans
mise en scène, sans action , il ne nous a pas semblé que la musi-
que du Dante fut de la musique d'opéra, à proprement parler.
Mettant de côté les morceaux d'un caractère mixte, et pouvant
s'approprier au concert sans être déplacés au théâtre, l'ensemble
de l'œuvre nous a plutôt fait l'effet d'un oratorio très-développé,
auquel il ne manque que quelques récitatifs, comme traits d'union
entre les diverses parties, pour être complet.
L'introduction a un certain caractère de grandeur qui prépare
à la gravité du sujet et l'annonce assez pompeusement ; il y a
dans le chœur qui le suit et encadre une mélodie un peu terne,
une habileté heureuse dans le dialogue des voix. Comme les autres
duos qui suivent, le premier duo (baryton et basse) n'a point le
caractère scénique indiqué par la situation ébauchée dans les pa-
roles; il manque d'action: les récitatifs dialogues manquent du ca-
chet de déclamation lyrique des récitatifs d'opéra et languissent
dans des formules vieillies qu'une harmonie ingénieuse ou des
modulations inattendues ne tentent même point de rajeunir. Il faut
rendre justice à la distinction du Sonnet chanté avec une grâce
exquise par Mlle Nilsson; le rhythme en est gracieux, l'accom-
pagnement sobre et poétique; le public, en bissant ce morceau, a
partagé ses applaudissements en deux parts égales, entre le com-
positeur et l'interprète, ce n'était que juste. Des deux autres
duos, celui du troisième acte, entre Dante et Béatrix, renferme le
plus d'intentions scéniques; il y a même dans la manière dont le
compositeur a rendu cette scène digne du théâtre, oîi Dante,
pauvre et proscrit, couvert de haillons, épuisé de fatigue, brisé
d'amertume et de douleur, exhale sa plainte désespérée sous la
fenêtre de Béatrix, et reçoit l'aumône de celle qui fut sa muse
inspiratrice, il y a, dis-je, dans la traduction musicale de cette
situation essentiellement dramatique d'heureuses tentatives qui in-
diquent chez M. de Massa une intuition, encore hésitante pour-
tant, des effets scéniques. Si ces tentatives étaient plus soutenues,
plus fréquentes dans l'œuvre dont nous parlons, nous n'eussions
pas prononcé le mot d'oratorio en parlant dos fragments du
Dante.
Nous avons dit que les airs de ballet avaient été fort goûtés par
le public très-brillant qu'avait attiré cette audition. Il faut bien
dire que les rhythmes excitants produisent plus aisément cette
épanouissement du public , fatigué d'andante et d'adagio. On ne
doit pas, — et M. le duc de Massa est certainement de cet avis, —
attacher une grande importance au succès obtenu par de trop fa-
ciles moyens; la tarentelle que l'on a bissée est cependant piquante
d'orchestration et de couleur ; la petite flûte découpe le motif dan-
sant, plein de gaieté et de désinvolture, sur un accompagnement
des cordes, marquant le rhythme avec le dos de l'archet:
La flûte au rire aigu raillait le violoncelle
Qui pleurait sous l'archet ses notes de cristal.
Il y a, dans tout le fragment symphonique mêlé de chœurs et
de récits que l'auteur intitule l'Enfer et le Purgatoire, des beautés
réelles, l'unisson des basses, par exemple, dont l'effet est des plus
sinistres; certainement le compositeur se sent plus d'une fois flé-
chir sous le poids de son sujet; mais il y a dans cette page les
qualités incontestables, malgré leur inégalité, d'un compositeur
symphonique.
Si nous doutons que l'épreuve du théâtre puisse être favorable
à l'œuvre de M. le duc de Massa, nous devons avouer, en résumé,
qu'elle est conçue sévèrement et que l'on y sent surtout une con-
viction laborieuse, et, en quelque sorte, honnête, qu'il est bon de
signaler chez un compositeur encore jeune, enveloppé du prestige
du rang et de la fortune, et qui consacre sa jeunesse h des ten-
tatives artisli(jues, honorables et sérieuses.
*
La brochure do l'Oratorio du Jugement dernier de M. Duprez est
précédée de ces quelques lignes plus que modestes qui préparent
k l'indulgence pour le poëte et à la bienveillance pour le musi-
cien :
« Puisqu'il m'est ;i peine permis de faire de la musique, art que
cependant j'ai étudié à fond dès mon enfance, que va-t-on penser
de moi, pour m'être permis de rimer ce canevas musical, inspiré
par le tableau de Michel-Ange? Je dois donc, tout d'al.^H'd, dé-
clarer ici que je n'ai aucune prétention à la poésie; ce n'est qu'en
paraphrasant quelques strophes du Dies irœ que l'idée m'est venue
de faire mon Oratorio. De la conception à l'exécution, il n'y a eu
pour moi aucune distance, et enfin je suis arrivé à cet innocent
opuscule, m'écriant avec Figaro : « Aujourd'hui, ce qui ne vaut
pas la peine d'être dit, on le chante. »
Ce qui frappe dans cet oratorio de dimension très-considér.i '■ .
c'est l'importance des récitatifs dits par « le narrateur, » sorte
d'explication préliminaire des épisodes de l'œuvre et leur grand
style ; le souffle de Gluck anime ces récits, véritables modèles de
déclamation lyrique, que faisait ressortir encore, malgré les défail-
lances de sa voix, le grand chanteur-compositeur.
La plus belle page chorale de l'Oratorio est sans contredit le
chœur général :
Jour d'angoisse et de misère...
la belle phrase syncopée qui en forme le dénoûment, et la détona-
tion imposante des cuivres lui donnent un caractère très-grandiose.
A côté de ce chœur, ceux des « hommes pieux et des « saintes
femmes » n'ont aucune importance; s'ils sont habilement traités
au point de vue spécial des voix, les développements en sont assez
insignifiants.
Un duo et un trio bouffes, qui avaient été répétés, ont été sup-
primés le jour de l'exécution; nous n'en connaissons point la mu-
sique, mais les paroles passent un peu les bornes de la puérilité
et le librettiste y manque un peu trop de respect à la prosodie; le
compositeur nous semble avoir eu raison de couper ces deux hors-
d'œuvre comiques, d'un goût contestable dans le plan solennel
d'un tel oratorio.
Le chœur des « Vierges folles » est d'une originalité foi-t piquante,
et le motif majeur principal est amené d'une manière très-inatten-
due par les éclats de rire en staccati du début : il a été fort bien
chanté, il faut le dire, par les élèves de l'Ecole spéciale de chant.
Je n'insiste pas sur la troisième partie, qui n'est pas à la hau-
teur du sujet traité ni sur le chœur final qui emprunte aux Italiens
le rhythme brutal et démodé de leurs marches accompagnées en
batteries; cela gâte beaucoup l'impression produite par le fragment
symphonique avec chœur que le compositeur intitule Cataclysme.Nous
avouons avoir été frappé par la hardiesse de cette page, oii, k côté
de naïvetés et de violences d'orchestre, brillent, comme des lueurs
apocalyptiques, des harmonies vraiment inspirées ; les cris des
damnés, les lamentations des femmes, se mêlent au déchirement
des mondes éperdus et l'implacable trompette jette dans l'espace
son appel funèbre, irrévocable. L'exécution a été fort satisfai-
sante ; Mlle Fidès est belle et deviendra une chanteuse de race.
M. Maton a conduit l'orchesti;^ en maître.
En résumé, cette œuvre bizarre, inégale, où se mêlent sans
ordre le puéril et le grandiose, le terne et l'éclatant, est, à coup
sûr, fort intéressante; la troisième audition annoncée mérite
d'attirer plus de monde que la deuxième, qui n'a pas rempli à
108
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
moitié la salle. L'oratorio de M. G. Duprez commande, en outre,
la sympathie de tous : la sincérité du grand artiste qui l'a conçue,
et qui a essayé d'ajouter à la gloire du créateur celle de l'in-
terprète, est digne de tous les respects.
Armand GOUZIEN.
BIBLIOGRAPHIE fflUSIGÂLE.
Sous ce titre: Un nouveau système d'acoustique musicale, notre
excellent confrère M. Gustave Bertrand a publié récemment, dans
la Revue moderne, un article très-intéressant, très-solide et très-
raisonné sur les doctrines en matière d'acoustique d'un savant
professeur d'Heidelberg, M. Helmholtz. Un tiré à part a été fait de
ce travail substantiel, et nous demandons la permission d'en dire
quelques mots.
. M. Helmholtz est l'inventeur d'un instrument de précision, par
le moyen duquel il a obtenu des résultats surprenants, et qu'il
a appelé rèsonnateur. « Ces résonnateurs, dit M. Bertrand , sont
des sortes d'entonnoirs ou de pavillons pyriformes, de grandeurs
diverses, qui ont la propriété de ne recevoir et de ne faire vibrer
chacun que l'unique note qui correspond à leur construction. Si,
par exemple, vous vous bouchez hermétiquement une oreille et
que vous appliquiez à l'autre le bout d'un rèsonnateur, tout le
fracas d'un orchestre complet serait nul et non avenu pour vous,
dans le cas oià la note qui lui est propre serait absente de l'ac-
cord actuellement exécuté: mais toutes les fois que cette note re-
vient à travers l'harmonie, elle éclate avec force dans le rèsonna-
teur. . . Bien plus, le rèsonnateur, qui reste sourd à tel son forte-
ment entonné, pourra faire entendre une des harmoniques de ce
son, si l'harmonique est précisément la note du rèsonnateur. »
Chacun sait ce qu'on appelle en acoustique les harmoniques du
son : faites vibrer fortement une corde de violon ou de violon-
celle, frappez une touche de piano, et, en prêtant attentivement
l'oreille, vous entendrez se dégager de la note principale, de la
note produite, plusieurs autres notes plus aiguës et beaucoup plus
faibles, qui escortent en quelque sorte la première et qui s'éche-
lonnent, du grave à l'aigu, dans un ordre toujours semblable ;
les quatre premières donnent l'octave supérieure, puis la quinte
au-dessus, puis la seconde octave, puis la tierce majeure au-des-
sus, et sont, par conséquent, en consounance parfaite avec le son
fondamental, tandis que celles qui viennent ensuite, s'il était
donné de les entendre distinctement, feraient au contraire disso-
nance avec lui. « Ce phénomène , dit M. Bertrand, est observé
depuis longtemps, » — et, en effet, on sait que c'est de la théorie
des harmoniques du son que Rameau avait déduit son système
d'harmonie, — « mais, ajoute-t-il, M. Helmholtz aura eu l'hon-
neur d'en donner la théorie définitive, et d'abord de découvrir le
rôle véritable des harmoniques dont on ne se doutait pas : les
harmoniques servent à colorer le son, à faire le timbre. »
Malheureusement, M. Helmholtz ne s'en est pas tenu à cette dé-
couverte très-importante du rôle des harmoniques. Après avoir
fait de l'acoustique, il a voulu faire de l'harmonie, et a cherché
à tirer celle-ci des lois naturelles du son, tout comme Rameau,
qui dans cet ordre d'idées s'était complètement trompé, malgré
son génie, l'harmonie n'étant pas, en effet, une science puisée
dans la nature, mais une science puisée dans les sensations.
M. Bertrand combat — et, ce me semble, victorieusement — le
système de M. Helmholtz sous ce rîpport ; mais une analyse de
sa discussion me mènerait beaucoup trop loin , et je renvoie à sa
brochure ceux que cette question peut intéresser. Je ne veux ce-
pendant pas l'abandonner sans m'associer complètement à la pro-
testation formulée par notre confrère au sujet des prétentions or-
dinaires de messieurs les physiciens, qui prétendent en savoir plus
en musique que nous-mêmes, et qui ne manquent jamais de nous
faire la leçon.
« C'est, dit-il, une chose unique, en vérité, que cette prétention
des savants de dénier la compétence des musiciens en musique.
On ne voit rien de pareil dans les autres domaines, et jamais
Euclide, Descartes ou Leibnitz n'ont prétendu imposer aux archi-
tectes les figures simples de la géométrie, la ligne droite inflexible,
le plein cintre toujours régulier ou le triangle isocèle. L'architec-
ture a gardé le droit de tirer ses lois d'elle-même. Je ne sache
pas non plus que Newton ait signifié à Rembrandt et à Murillo sa
découverte du spectre solaire, en leur intimant l'ordre de ne se
servir que des couleurs simples. La peinture continua de relever
seulement d'elle-même. Supposons qu'un musicien, fût-ce Mozart
ou Beethoven en personne, allât trouver un physicien et lui dît,
par exemple, que le système décimal est absurde, qu'il vaut mieux
compter par septaines, puisque la gamme a sept notes, ni plus ni
moins ... Le savant sans doute hausserait les épaules ; à peine
daignerait-il répondre que les mathématiques ont leurs lois, leurs
conditions à elles, et n'ont que faire d'en demander à la musique.
A la bonne heure ! C'est un axiome assez naturel, assez évident,
ce nous semble, que chaque ordre de choses doit chercher en lui-
même ses lois propres. Pourquoi la musique serait-elle seule à ne
pas bénéficier de ce principe? Et quand un savant, fût-ce Leib-
nitz, Euler ou M. Helmholtz, vient affirmer que les lois de la
musique relèvent de tels ou tels calculs mathématiques, de telle
ou telle expérience physique, et qu'en vertu de ces constatations
à priori la quarte sera plus belle que la tierce, et l'accord parfait
mineur moins beau que l'accord parfait majeur, pourquoi les mu-
siciens, à qui leur instinct et le génie unanime des maîtres affir-
ment le contraire, ne se moqueraient-ils pas de cette injonction?
Ainsi font-ils, et ils font bien. »
C'est très-bien dit, cher confrère.
Arthur POUGIN.
CONCERTS ET AUDITIONS lUSICÂIES DE LA SEMAINE.
**t L'attrait principal du onzième concert du Conservatoire, dimanche
dernier, était l'exécution du septième concerto de Rode, par Mme Nor-
man-Neruda. Donner de la vie à cette pâle et froide musique par un jeu
expressif, charmer par la seule magie du son, tel est le tour de force
accompli par l'éminente artiste ; ne pas s'écarter un instant du style
classique et sévère qui seul convient à ces sortes de compositions, après
avoir vogué en pleine fantaisie avec Mendelssohn et Yieuxfemps, tel est
le privilège d'une organisation d'élite où la précieuse faculté d'assimila-
tion est portée au plus haut degré. Mme Norman-Neruda a été saluée en
terminant par une tempête d'applaudissements et rappelée . — Le char-
mant chœur de VArmide de Lulli, Les plaisirs ont choisi pour asile, dont
M. Caron a très-bien dit le solo, la magnifique symphonie en la majeur
de Mendelssohn, le chœur des chasseurs d'Euryanthe, de Castil-Blaze beau-
coup plus que de Weber, puisque trente mesures à peine appartiennent
au grand maître allemand, et la splendide ouverture de Léonore (a" 1),
complétaient le programme. L'orchestre a été vraiment superbe dans la
symphonie de Mendelssohn ; on imaginerait difficilement une exécution
plus parfaite, plus vitale, plus colorée .
,*, Le troisième concert de Rubinstein, vendredi dernier, offrait un
intérêt aussi puissant que les deux premiers. Cette fois, il a exécuté son
concerto en sol, que nous préférons à celui en ré mineur, et dont l'an-
dante est plein de poésie. Le grand succès de la soirée a été pour sa
transcription de la marche turque des Ruines d'Athènes, où il arrive par
une gradation longue et insensible à un si surprenant eifet de piano.
On a bissé ce morceau, qui cependant terminait le programme, et le
grand pianiste l'a remplacé par un des Waldsliicke de Schumann. La
salle Herz regorgeait d'auditeurs, dont une grande partie avait dû
rester debout. Rubinstein a été, comme d'ordinaire, longuement et chaleu-
reusement acclamé.
^% M. Garcin a donné jeudi dernier, à la salle Herz, un concert dont
le but principal était de faire apprécier une fois de plus son concerto de
violon, exécuté par lui il y a quelques semaines à la Société des Con-
DE PARIS.
109
certs du Conservatoire, dont il est membre. Une œuvre de cette impor-
tance mériterait assurément une analyse que nous ne pouvons lui con-
sacrer; nous nous boruerons à renvoyer à ce qui en a été dit dans ces
colonnes. M. Garcin, un des bons élèves d'Ambroisc Thomas, a puisé à
cette excellente école un faire délicat sans être maniéré, un goût pur qui
le préserve des écarts où les jeunes compositeurs ne sont que trop ex-
posés à tomber aujourd'hui. Les deux premiers morceaux de son con-
certo, Vandante surtout, sont d'un très-bon effet; le finale est tourmenté
et pêche par le plan. Deux autres compositions de moindre étendue,
Mignon, élégie, et Séguidille, ont valu au bénéficiaire de légitimes applau-
dissements. Mlle Marimon, MM. Caron et Fissot, qui lui prêtaient leur
concours, n'ont pas été moins bien accueillis.
*** L'excellent pianiste du roi de Portugal, Frédéric Boscowitz, dont
les visiteurs ds la Galerie animée des Arts libéraux à l'Exposition uni-
verselle, ont certainement gardé le souvenir, donnait mercredi dernier,
à la salle Erard, une audition de ses meilleures et plus récentes compo-
sitions. Nous y avons distingué le Chant du Matin et le Chant du Soir,
rêveries contrastées, empreintes d'une poésie pénétrante; une brillante
paraphrase du Trova'oro; une originale Chanson créole; le Trot de V Ama-
zone, fantaisie pittoresque ; enfin, un arrangement de la Marche turque
de Mozart, d'un effet grandiose. La vogue attend sans aucun doute ces
charmants morceaux aux harmonies distinguées, au rhythme toujours
séduisant. Fréd. Boscowitz est un maître dans l'art difficile de faire
chanter le piano et de varier la gamme de sonorité de cet instrument.
Aussi, le succès du virtuose a-t-il égalé relui du compositeur, et ce n'est
pas peu dire. Par son style, son sentiment, son exécut'on mécanique
toute personnelle, cet artiste distingué se recommande d'une manière
particulière à l'attention du public musical de Londres, où il va donner
une série de concerts.
t*i M. et Mme W. Langhans ont donné, mardi dernier, leur concert
annuel. Ces deux excellents artistes, qui ont bien mérité de l'art en fai-
sant connaître à Paris un certain nombre d'oeuvres applaudies à juste
titre en Allemagne, nous ont donné, cette fois encore, la primeur de
plusieurs auditions : un quintette, très-remarquable sous tous les rapports,
de Johannes Brahms, un concerto pathétique de Liszt, pour deux pianos
(Mme Langhans et M. Saint-Saëns), qui, croyons-nous, ne fanatisera
personne, et une Polonaise solennelle d'un jeune compositeur russe de
grand talent, M. d'Asantchewski (également pour deux pianos). Nous
applaudissons sans réserve aux deux morceaux de piano composés et
exécutés par Mme Langhans, Nocturne et Danse guerrière, qui sortent de
l'ornière banale où se traînent tant de compositions analogues, ainsi
qu'à la sonate pour piano et violon de M. Langhans, à laquelle, cette fois,
les vieux maîtres ont servi de modèle, et qui intéresse à un haut degré,
sans trop affecter d'archaïsme. Mme Godin a su se faire applaudir dans
l'air : la Prise de Jéricho, et dans trois mélodies de Schumann qu'elle
dit à ravir.
i*^ Un jeune violoniste compositeur, M. Pénavaire, à qui nous nous
plaisons à reconnaître un talent sérieux et de bon aloi, a donné di-
manche dernier une audition de ses œuvres à la salle du Grand-Orient.
La Pastorale- Ballet pour violon, et la mélodie Plus ne suis ce que j'ai été,
fort bien dite par Mlle de Beaunay, sont, entre autres, deux morceaux
de la meilleure venue et qui ont obtenu un succès flatteur. M. Péna-
vaire, qui est aussi un exécutant de premier ordre, nous paraît appelé
à un brillant avenir.
:t*^: Le grand festival donné samedi de l'autre semaine, par Arban,
dans les salons du Casino, avait attiré une foule compacte; comme virtuose
et comme compositeur, Arban a obtenu un succès éclatant. Sa nouvelle
fantaisie concertante sur^/es Vêpres Siciliennes a produit beaucoup d'effet,
et dans un grand solo qu'il jouait pour la première fois l'excellent ar-
tiste a provoqué d'unanimes applaudissements. Un accueil non moins
chaleureux a été fait à la fantaisie sur les Huguenots, dont la Société
des Enfants de Lutèce a parfaitement interprété la partie chorale. Enfin,
un des principaux altrails de cette belle soirée a été l'exécution d'un
fragment de la Saint-Julien des Ménétriers (l'Entrée de la noce), de Georges
Kastner. On a vivement goûté cette œuvre fraîche et mélodique, inté-
ressante au plus haut degré et qui, par sa nature même, semble appe-
lée à entrer dans le répertoire courant des Sociétés philharmoniques. En
résumé, le festival de samedi dernier a été de tous points digne de son
organisateur et des solennités pareilles des aimées précédentes.
»% Les soirées musicales de notre collaborateur M. Paul Bernard, qui
n'étaient d'abord que des exercices d'élèves, sont devenues peu à peu
de véritables concerts où se donne rendez-vous une assistance brillante
et distinguée. C'est au talent de plus en plus accentué des jeunes et gra-
cieuses élèves qui se réunissent dans ce salon, c'est au mérite et à
l'exqui-se urbanité de leur professeur, qu'il faut demander le secret de
cet empressement. La récente et dernière soirée dans laquelle Mme Da-
moreau, Meillet, Nadaud se sont fait entendre, c'est-à-dire chaleureuse-
ment applaudir, a été fort remarquable au point de vue de l'exécution
même des élèves. Deux ou trois, notamment, sont de première force, et
nous leur avons entendu jouer, avec une réelle maestria, des morceaux
qui présentent de sérieuses difficultés, la Danse des Fées, de Prudent, le
Concert-Stuck, de Weber, etc. Dans le Rondo-Ca-pricioso de Mendelssohn,
M. Paul Bernard a affirmé une fois de plus cette sûreté de goût, cette
netteté de jeu, cette élégance de phrasé qui ont fait sa réputation, comme
artiste et comme professeur et que l'on est charmé de retrouver chez
ses élèves.
**» La nouvelle mairie du 3° arrondissement a été inaugurée mer-
credi dernier par une soirée musicale de bienfaisance, dans laquelle
Mlles Marie Battu et Joséphine Martin, MM. Délie Sedie, Ernest Nathan,
etc., ont recueilli d'unanimes applaudissements. La musique de la garde
de Paris a brillamment complété le programme de cette solennité.
***. Au concert qui a suivi, cette semaine, à la Sorbonne, la séance
annuelle de la crèche Sainte-Geneviève, Mlle Marie Roze a interprété
avec son gracieux talent une cantate de circonstance de Mme Mélanie
Waldor et .Adrien Boïeldieu. Les chœurs étaient chantés par des or-
phéonistes de la ville de Paris, sous l'intelligente direction de M, Alex.
François. Saënger conduisait l'orchestre. Paroles, musique et exécution
ont été fort goûtées.
*** A la dernière matinée de M. Lebouc, on a admiré le beau et
large talent du célèbre violoniste Léonard, qui a magistralement inter-
prété le 10= quatuor de Beethoven et le 12° quintette d'OnsIow; une
sonate de Corelli, orchestrée par Léonard, a produit un grand effet.
*% Au concert donné le 30 mars dans la salle Herz, par Fanfan Be-
noiton, l'enfant terrible du Vaudeville, on a particulièrement remarqué
et applaudi la grande artiste qui s'est si promptement imposée à l'ad-
miration du public parisien, Mme Norman-Neruda, dans la Fantaisie-
Caprice de Vieuxtemps, Mlle Louise Murer, pianiste d'un très grand talent,
élève de Prudent, qui a joué avec beaucoup de charme deux morceaux
de son maître, et un autre jeune virtuose qui nous paraît appelé à un
bel avenir, M. Rendano; il a exécuté en maître le Mouvement perpétuel
de Weber.
,** L'éminenl professeur W. Kruger a donné dimanche dernier sa
seconde séance d'élèves, où nous avons remarqué de jeunes talents qui
donnent plus que des espérances. Citons en première ligne les enfants
de l'excellent artiste, et la jeune Emma Fumagalli, qui a exécuté l'allé-
gro de la sonate en mi bémol de Hummel et la sonate en la mineur de
P.-E. Bach.
*** Mme Pierson-Bodin vient de clore la saison musicale par une ma-
tinée expressément consacrée à ses élèves. Le jeune flûtiste Corlien,
Mme Blouet-Bastin, la brillante violoniste, et le jeune Fock, élève très-
remarquable de CheviUard, ont contribué à l'éclat de cette séance, dans
laquelle on a particulièrement applaudi : un trio de Haydn, les variations
de Beethoven sur la Flûte enchantée, un morceau pour deux pianos, un
concerto d'Alard et les variations du Toréador.
*■** Une bonne nouvelle pour le diletlantisme parisien : Vivier donne
son concert, le mardi 21 de ce mois, dans les salons d'Erard. Cela dit
tout et n'a nul besoin de commentaires.
4*^. Nous devons également une mention spéciale au quatrième concert
de musique de chambre que donnera Ant. Rubinstein, après-demain,
mardi, chez Herz.
,** La Société des concerts du Conservatoire donne aujourd'hui son
douzième concert, dont voici le programme : symphonie en la de Men-
delssohn ; chœur d'Armide de Lulli (solo chanté par M. Caron) ; concerto
pour piano en mi bémol de Beethoven, exécuté par M. Alphonse Du-
vernoy; chœur des chasseurs d'Euryanthe, de Weber; ouverture de
Léonore de Beethoven.
**,Aujouid'hui dimanche, à 2 h., au Cirque Napoléon, 23° concert de
musique classique, sous la direction de J.Pasdeloup. En voici le programme:
1° 9° symphonie (première partie), allegro maestoso, adagio canlabile,
scherzo, de Beethoven ; — 2° Andante et menuet de la symphonie en mi
bémol de Mozart; — 3° Fragment de Roméo et Juliette (première audition),
le jardin de Capulet, scène d'amour, de H. Berlioz;— 4° Romance en fa,
Prélude et Gavotte, pour violon, de Beethoven et J.-S. Bach, exécutés
par Mme Norman-Neruda; — 5° Invitation à la valse, orchestrée par Ber-
lioz, de Weber.— Le vingt-quatrième et dernier concert populaire aura
lieu dimanche 19 avril 1868. — Vendredi-Saint, concert spirituel à 8
heures i/% du soir, avec le concours de Mlle Nilsson et de Faure.
*% Notre correspondant de Dieppe nous envoie le compte-rendu d'un
fort beau concert dans lequel Mme Peudefer et MM. Hayet et Florenza
ont obtenu un brillant succès. — Parmi les morceaux les plus applaudis
on nous cite un duo de Rossini, et un Ave maris Stella de Vervoitte.
*** Une jeune cantatrice de beaucoup d'avenir, Mlle Cécile Dolmetsch,
s'est fait entendre à Nantes et à Angers, dans deux concerts, où sa voix
et sa méthode ont été très-appréciées. Elle était secondée par son père,
excellent pianiste-compositeur, auteur de remarquables transcriptions
du Prophète, du Pardon de Ploérmel et de l'Africaine, et qui a eu sa
part d'applaudissements dans l'interprétation de ses diverses œuvres.
jf*if Le 23 de ce mois, l'excellent pianiste Jacques Baur donnera son
concert annuel dans les salons d'Erard. Dans cette soirée, qui s'annonce
comme devant être une des plus brillantes de la saison, le bénéficiaire,
élève de prédilection de Listz, fera entendre pour la première fois sa
grande transcription du chœur des évoques de l' Africaine .
ifO
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
,** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné, cette semaine, trois re-
présentations d'Hamlet.
^*^ Dimanche dernier, l'Africaine a été représentée. Mme Marie
Sass y a rencontré son triomphe habituel , et les bravos enthousiastes
n'ont pas manqué à Mlle Levielly, Morère, Belval, David, Gaspard ,
Castelmary et aux autres interprètes du chef-d'œuvre. — Lorsque le
congé de Faure et le départ de Mlle Nilsson pour Londres interrompront
les représentations A'Hamlet , l'Opéra reprendra Herculanum, avec le
nouveau ténor Colin, MM. Obin et Belval, Mlles Battu et Bloch.
4»»A ce théâtre, il est question, pour l'automne, de la reprise de l'^^r-
mide, de Gluck, avec Mme Sass ainsi que de celle de la Reine de Chy-
pre, pour Mme Gueymard.
if:*^ Notre excellent baryton Faure vient de recevoir de S. M. l'Empe-
reur deux magnifiques fusils de chasse.
^*^, Les Dragons de Villars viennent d'être mis à l'étude à l'Opéra-Co-
mique : le plus grand soin sera apporté à la reprise de cet opéra popu-
laire.
,*« Le théâtre Italien a donné, cette semaine, deux représentations de
Giovanna d'.irco. Mlle Adelina l'atti y a retrouvé le succès et les bravos de
la première. A l'une de ces représentations, Mlle Carlolta Patli, accom-
pagnée de M. Scola, dont la santé est rétablie, applaudissait sa sœur.
Les débuts des Tiberini se poursuivent de la manière la plus heureuse
dans / Purilani.
,j*t Au théâtre Italien, le Stabat Mater de Rossini sera chanté jeudi et
vendredi prochain. La représentation de ce soir. Il Barbiere, est donnée
au bénéfice du maestro Alary.
^*^ Roméo et Juliette a retrouvé à la salle Ventadour l'éclatant succès
de la place du Châtelet. Devant un brillant auditoire, Mme Carvalho a
chanté comme le jour où la tendre et poétique Juhette se présentait pour
la première fois aux sympathies du public. Elle a donné comme une
consécration nouvelle à ce rôle qu'elle a fait sien; aussi la soirée de
vendredi dernier comptera-t-elle parmi les plus glorieuses qui aient .si-
gnalé la carrière de la grande artiste. Mlle Daram, Massy, Troy, Barré
ont parfaitement traduit l'œuvre de Gounod, dont l'exécution générale a
été irréprochable.
if*^ Mlle Schneider devant prendre son congé prochainement, le public
se presse aux dernières représentations que la Grande Duclrsse, toujours
victorieuse, toujours aussi applaudie, doit donner avant sa disparition
momentanée du boulevard Montmartre. Puis viendra le Pont des Sou-
pirs, dont plusieurs tableaux, paroles et musique, ont été en grande
partie refaits. — 11 est également question à ce théâtre d'un ouvrage
inédit de Grisar.
,*» Mme Ugalde a repris, dans Geneviève de Brabanl aux Menus-Plai-
sirs (100" représentation), son rôle de Drogan.
^*^ Mme Marie Sass a donné, ces jours-ri, trois représentations de
l'Africaine, à Nîmes. Depuis son entrée jusqu'à la fin du cinquième acte,
l'ovation n'a pas cessé. Le l" avril, elle a clianté avec un égal succès
son beau rôle de Selika à Montpellier. C'est le 13 de ce mois que les
représentations de Mme Sass commenceront à Biuxelles.
»*,> Le théâtre du Kursaal d'Ems jouera, cette année, l'opérette, et
donnera notamment la Princesse de Trébizonde, deux actes de MM. Tréfeu
et Nuitter, musique d'Oifenbach. Au nombre des artistes engagés, nous
nommerons : Bonnet, Gourdon, Jean-Paul, Derval (des Fantaisies'-Pari-
siennes); Mmes Lovato, Decroix, Labarre et Anna Vangel.
,** Les Dragons de Villars, fort bien chantés par Mlle Bleau, font, en
ce moment, les beaux soirs du théâtre d'Avignon. Le public accueille par
de sympathiques bravos la pièce et sa principale interprète. Mme Van-
denheuven donne, sur cette scène, des représentations qui sont très-
suivies.
^*^ Les Dragons de Villars sont également représentés à la Haye, avec
un succès très-franc.
^*^ Le théâtre de Boulogne-sur-Mer a représenté récemment une opé-
rette en un acte, paroles de M. Eugène Leroux, musique d'Alfred Ser-
gent, intitulée Sous un balcon.
*** Comme cette dernière ville, Bordeaux s'est offert cette semaine un
opéra de son cru : Quand les chats n'y sont pas, de MM. Brunet et Lo-
doïs Lataste.
**,s Mlle Angèle Cordier, dont le talent et les succès sont bien connus
de nos lecteurs, vient d'être engagée au théâtre de Barcelone.
»** Le public du Grand-Théâtre de Lille a fait hommage à Mme de
Taisy, l'ex-artiste de l'Opéra, d'un bracelet en or, enrichi de perles
fines et de diamants.
:f*» Mlle Léa Karl, que l'on a entendue et applaudie à Marseille au
Grand-Théâtre, et dont noti'e confrère Benedict a fait un pompeux éloge
dans le Sémaphore, vient de donner à Amiens une représentation de la
Juive. Elle a joué et chanté le rôle de Rachel de manière à satisfaire les
plus difficiles; aussi les applaudissements ne lui ont pa-s faitfau!e, et
une seconde représentation du même opéra lui a été demandée.
/„, Grâce au talent et à la beauté de Mme Goby-Fontanel, Offenbach
s'est emparé du théâtre de Brest et y règne sans partage, avec la Belle
Hélène, la Vie parisienne et la Grande- Duchesse. Salles combles, ovations,
faveur populaire, etc.
^*4: M. Ricci, qui n'avait pu s'entendre avec M. Bagier, au sujet de
son nouvel opéra inédit, vient, dit -on, de traiter avec M. le comte de
Guédéonoff, intendant drs théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg, pour
la représentation de son œuvre dans cette ville. Il reçoit une prime de
20,000 francs, sans préjudice de ses droits d'auteur.
»*„; M. Ernest Martin, autrefois ténor au théâtre Lyrique, a pris la
direction des Petits-Bouffes-Saint-Antoine, et il se propose, à partir du
1"'' .septembre prochain, d'implanter l'opérette dans le quartier de la
Bastille.
NOUVELLES DIVERSES.
^*j^ Mme Georges Kastner vient de faire don d'une .somme de S,000
francs à l'Association des artistes musiciens, et MM. Kastner fils ont rerais
300 francs pour assurer leurs droits d'associés perpétuels de l'œuvre fon-
dée par le baron Taylor et dont leur père était le vice-président.
^,*jf La messe au profit de l'Association des artistes musiciens a pro-
duit plus de 6,000 francs.
^*^ Les examens des classes de chant d'opéra et d'opéra-comique ont
commencé au Conscrvaioirj la semaine dernière et se sont terminés cette
semaine.
.f,*,f On annonce l'arrivée à Paris :
— De Mme Volpini, l'éminente cantatrice qui vient de remporter d'é-
clatants triomphes à Saint-Pétersbourg;
— Du pianiste-compositeur Mortier de Fontaine, précédé d'une grande
réputation solidement établie à l'étranger;
— Du célèbre chorégraphe Saint-Léon, de retour d'Italie.
jt*,^ M. de Lassabathie, administrateur du Conservatoire, a été frappé
d'un coup de sang, samedi soir de l'autre semaine, pendant l'audition du
Dante de M. le duc de Massa, à laquelle il assitait dans la loge de S.A.
la princesse Mathilde. Nous sommes heureux d'annoncer que l'état du
malade s'est sensiblement amélioré, il est maintenant hors de danger, et
l'on est en droit de compter sur son prompt et complet rétablissement.
,j*,^ On annonce, pour le .'amedi saint M avril courant, une solennité
musicale qui nous semble pré.senter un intérêt tout particulier. Diverses
sociétés chorales auxquelles s'adjoignent les enfants des maîtrises des
principales paroisses de Paris, doivent exécuter, dans l'église de Saint-
Roch, à 8 heures du soir, le Stabat Mater de Palestrina, qui n'a jamais été
entendu à Paris. C'est une excellente idée d'appliquer les masses chora-
les à l'exécution de semblables chefs-d'œuvre. C'est la preuve de l'édu-
cation musicale des orphéonistes, c'est la preuve surtout qu'ils sont aptes
à comprendre autre chose que des chœurs composés en quelque sorte
spécialement pour eux. C'est également une indication du parti sérieux
qu'on peut tirer de ces forces intelligentes, chaque fois qu'il s'agira d'in-
terpréter les pages des grands maîtres. Nous applaudissons de grand
cœur à cette tentative organisée par le Comité des intérêts orphéoniques,
présidé par 51. E. Delaporte.
^*jf Le dimanche de Pâques, sera exécutée, à Saint-Eustache, sous la
direction de M. Hurand, maître de chapelle, une messe en mu^ique,
choeur et solos, de M. François Schwab, de Strasbourg, compositeur et
critique musical du Courrier du Bas-Rhin, bien connu de nos lecteurs.
On parle avec grand éloge de cette œuvre.
S:** Aujourd'hui dimanche, 3 avril (dimanche des Rameaux), sera
exécuté à Saint-Eustache, à 4 heures de l'après-midi (après vêpres), un
Stabat Mater de M. Bourgault-Ducoudray, grand prix de Rome. Un per-
sonnel choral composé de quatre-vingts exécutants interprétera cet ou-
vrage, sous la direction de M. Hurand, maître de chapelle. La partie de
grand orgue sera jouée par M. Ed. Batiste.
^*,^ Le vendredi-saint à une heure, on entendra, à l'église Sainte-
Clotilde, les Sept paroles du Christ mises en musique avec orchestre par
Th. Dubois qui en dirigera l'exécution. Les soli seront chantés par
MM. Villaret, Caron et Mosbrugger.
j^*^ Vendredi prochain, à midi, dans l'église Saint-Roch, l'oratorio
d'Haydn : Les sept paroles de Noire-Seigneur, sera exécuté sous la direc-
tion de M. Ch. Yervoitte.
m PARIS
m
*** Jeudi dernier a eu lieu à Maubciige l'iiiaugiiration du grand or-
gue construit dans les ateliers de la SocicHci anonyme des grandes or-
gues Merklin-Schijtze. Cet instrument à trois claviers, dolé do tous les
perfectionnements modernes, produit ries effets de sonorité qui ont cap-
tivé l'auditoire nombreux et choisi. Les artistes appelés à faire apprécier
les ressources de cet orgue magnifique étaient : IMM. Bencteux, l'organiste
titulaire; Dubois, l'éminent organiste de Bruxelles, et Grison, l'organiste
de la métropole de Reims, qui ont tous fait preuve d'un talent remar-
quable, aussi bien comme compositeurs que comme exécutants. Une
toute jeune demoiselle, Maria Saunier, fille de l'organiste do Sainte-Ca-
therine de Lille, a pris part à cette fête musicale et a joué d'une ma-
nière très-correcte, une méditation de Lefébure-Wély et un offertoire
d'Ed. Batiste. Le public, aussi bien que les artistes présents, ont fait à
cette jeune organiste une ovation qui doit l'encourager à persévérer dans
cette carrière.
»** M A. Chaùvet, l'organiste actuel de Saint-Merri, vient d'être
appelé aux mêmes fonctions à la nouvelle église de la Trinité, dont
l'orgue ne sera terminé qu'au commencement de juin. — Puisqu'il est
question de cet excellent artiste, nous recommandons à nos lecteurs ses
deux dernières publications pour piano : tS Etudes préparatoires aux
œuvres de Bach et 5 feuillets d'album, qui ont paru chez F. Mackar, et
oii on retrouve l'imagination vive et le .savoir profond qui distinguent
ses autres compositions.
^*jf, MM. E. Gérard et C" (ancienne maison Meissonnier) vont faire
paraître successivement les œuvres d'Antoine Rubinstein, dont ils se sont
rendus acquéreurs pour la France, la Belgique, rEspa,gne et l'Italie. La
musique d'orchestre, la musique de chant et la presque totalité des
pièces spéciales pour le piano, qui composent l'œuvre déjà si considé-
rable de ce maître, deviennent ainsi la propriété de la maison Gérard.
^*^ M. Âloys Kunc vient de publier chez l'éditeur Jules Heinz, VEcrin,
de l'organiste, bO morceaux non difficiles, extraits des œuvres de
Mozart, Beethoven, Haydn, Haendel, etc., pour orgue ou harmonium,
pouvant servir aux différentes parties de l'office du malin, élévations,
offertoires, communions, etc., i suites. Ces recueils nous semblent être
destinés à rendre de grands services aux jeunes artistes, qui, encore
trop novices dans l'art d'improviser, auraient le bon esprit d'y faire un
choix de morceaux à la portée de leur degré de force comme organistes.
^*, Au concert donné la semaine dernière par le pianiste composi-
teur Esnest Stœger, on a particulièrement applaudi ses trois nouvelles
compositions : Iinpromptu-schirzo, Prélude et Nucellette. Le succès de ces
charmants morceaiix, dont la couleur poétique et la distinction frappent
tout d'abord, n'est du reste plus à faire. Dès leur apparition la vogue
s'y est attachée et ils sont joués partout.
:t:'% La liste des concours et festivals orphéoniques est ainsi fixée,
quant à présent, pour la campagne courante : Melun et Houilles, 10 mai;
Rouen, 2i mai; Versailles, 2-i mai ; Metz et Rodez, 31 mai. — Chartres,
7 juin; Choisy-le-Roi, 21 juin; Château-Thierry, 28 juin. — Senlis, 12
juillet; Hazebrouck, 12 et 19 juillet, Grenoble, 15 août.— 11 n'y a encore
rien de fixé définitivement au sujet des fêtes musicales qui auront lien
au Havre pendant son Exposition maritime.
»*, Le cours professe à la mairie du onzième arrondissement par M. A.
Elwart, pour les jeunes filles, n'aura lieu que le lundi de Qua.simodo,
à cause des solennités de la semaine sainte. On s'inscrit au secrétariat
de la mairie du Prince-Eugène.
**.:it A l'occasion de l'inauguration de la statue qui doit être élevée à
Antoine Watteau, dans sa ville natale, la Société impériale d'agricul-
ture de Valenciennes met au concours les paroles d'une cantate, qui
comportera trois strophes au moins et quatre au plus. Une médaille d'or
sera décernée à l'auteur de la composition qui sera Jugée la meilleure.
Les pièces porteront une épigraphe, laquelle sera reproduite dans un
bulletin cacheté contenant les nom, prénoms et domicile de l'auteur.
Elles devront être adressées franco au secrétaire-général de la Société,
au plus tard le IS mai prochain, terme de rigueur.
^*^ Le Pré Catelan, au bois de Boulogne, inaugurera ses fêles et con-
certs le 12 avril, dimanche de Pâqut'.s. Le programme de la saison d'été
de ce jardin devenu le salon de la bonne société parisienne, est des plus
remarquables : concerts d'harmonie par la musique des zouaves de la
garde; représentations dramatiques au théâtre des Fleurs; bal d'enfants
sur le plateau des chênes; expériences scientifiques d'aérostation et de
télégraphie aérienne sur la grande pelouse; courses et jeux divers.
»*■« M. Barsotti, organiste et pianiste remarquable, auteur de composi-
tions estimées et d'une Méthode de rtiusique vocale, ancien directeur-fon-
dateur du Conservatoire de musique de Marseille, vient de mourir dans
cette ville à l'âge de quatre-vingts ans. François Bazin et Reyer ont été
ses élèves.
ÉTRANGER
if:"-^ Londres. — Her Majesty's Opéra (tel est le nom légèrement modi-
fié de l'entreprise de M. Mapleson), a fait son ouverture au théâtre de
Drury-Lane le Samedi 28 mars dernier, avec Lucrezia Borgia. Mmes
Tietjens, Trebelli-Bottini, MM. Fraschini, Santley et Foli rempli.ssaient
les principaux rôles. C'est dire que la représentation a été très-brillante.
Fraschini particulièrement, qui débutait, ou plus exactcmentqui rentrait
après vingt et un ans d'absence, a été admirable dans le rôle do Gennaro.
Mardi, on a donné Semiramide avec Mme Tietjens, et jeudi Lucrezia
Borgia. -■ Le 31, Covent-Garden a ouvert ses portes. Norma avec Mmes
Fricci et Shcrrington, MM. Naudin et Capponi a inauguré brillamment
la saison; le succès de la soirée a été pour l'admirable Mme Fricci. Don
Carlos, avec les mêmes artistes, a été joué jeudi. — Le 23, la Philhar-
monie Society a-donné le premier de ses huit concerts. .Mme Schumann
y a obtenu un très-grand succès avec le concerto en sol de son mari.
***- Bruxelles. — Cent partitions sont parvenues à la commission pro-
visoire instituée pour le grand concours de musique sacrée organi.sé par
la maison Schott, sous la protection du gouvernement belge. Sur ce
nombre, dix-huit seulement proviennent de compositeure nationaux. Un
travail préparatoire, consistant dans l'examen de celles de ces œuvres qui
pourront convenir au culte catholique, sera fait incessamment par cette
commission, après quoi le jury définitif statuera sur les récompenses.
*% Berlin. — Une grande activité règne toujours à l'Opéra; on a
joué la semaine dernière Fra Diavolo, Violetta, les huguenots, Joseph et
les Diamants de la Couronne. Nieniann, Mmes Lucca et Artôt se sont
partagé le poids assez lourd de ce répertoire. — Un concert organisé sous
le patronage de Leurs Majestés, et auquel ont pris part exclusivement des
membres de l'aristocratie prussienne, a été donné le 24 mars au béné-
fice des pauvres. La baronne de Schleinitz, la comtesse Pourtalès,
MM. de Keudell, de Saldern, etc., ont exécuté en vrais artistes diverses
œuvres classiques. Un concert analogue est annoncé pour le 3 avril. —
Le maître de chapelle Henri Dorn.a célébré, le 21 mars, son 40°' anni-
versaire de chef d'orchestre de l'Opéra. Les artistes de ce théâtre lui
ont offert à cette occasion un magnifique buste de Beethoven, et le
comte de Rœdern, intendant de la musique de la Cour, lui a remis, au
nom du roi, les insignes de l'ordre de la Couronne.
:^*^ Cologne. — Le festival bas-rhénan est annoncé dans cette ville
pour les 31 mai, 1" et 2 juin. Le programme n'est pas encore publié.
*** Dessau. — L'Africaine vient d'être donnée pour la première fois
avec un succès splendide.
^** Leipzig. — Le vingtième et dernier concert du Gewandhaus coïn-
cidant avec la date de la mort de Beethoven (26 mars), le programme se
composait exclusivement d'œuvres de l'illustre- maître : fragments de la
messe en ré, fantaisie pour piano, orchestre et chœurs, exécutée par le
chef d'orchestre Cari Reinecke, et symphonie avec chœurs.
^*^ Munich.— La première nouveauté donnée au théâtre populaire sera
la Grande- Duchesse' de Gérolslein, avec l'excellente Mlle Emilie Schrœder
dans le rôle principal.
^*^ Milan. — Don Carlos, avec Fancelli, Junca, Mmes Stoltz et Destin,
a obtenu à la Scala un grand succès.
*** Barcilone. — Fra-Diavolo, avec Mme Rey-Balla et Stagno, dont le
zèle à tous deux semble depuis longtemps défier la fatigue, a été très-
applaudi.— La junta municipale a fait choix, pour la direction du Liceo,
de M. Rovira, connu déjà avantageusement dans le monde théâtral.
M. Rovira a rengagé pour l'année prochaine le ténor Steger, qui malheu-
reusemeut a été fort souvent malade cette saison, et dont l'emploi a été
tenu en grande partie par Stagno.
**,t Lisbonne. — Un compositeur portugais, le violoniste Noronha,
vient de faire représenter, avec un brillant succès, un opéra dont il est
l'auteur, intitulé l'^rco di Santa Anna, et qui a été chanté par la Mas-
sini, Bulterihi et Mendierez.
CONCERTS ET AUDITIONS fflUSICÂLES ANNONCES.
Salons Pleyel, mercredi 6 avril à 8 heures 1/2 du soir : concert donné
par Mme Anna Fabre, avec le concours de MM. Hermann- Léon,
Pagans, Ketterer, Lebrun, Durand, Maton, Thomé etTayau.
Salle Herz, mardi 1 avril : quatrième concert de musique de chambre
d'Antoine Rubin.stein.
Salle Herz, samedi 18 avril : concert du jeune Rendano, avec le con-
cours de Mlle Nilsson, de Gardoni et Delle-Sedie.
Salons Erard, mardi 21 avril : concert de Vivier.
Salons Erard, jeudi 23 avril : concert du pianiste Jacques Baur.
Salons Erard, lundi 27 avril : concert de Mlle Octavie Caussemille.
H2
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAKIS.
En vente chez E. GÉRARD et C° (ancienne maison Meissonnier), 12, boulevard des Capucines,
Et «. rue Scribe (Grand-nôtel).
ANTOINE RUBINSTEIN
MARCHE DES RUINES D'ATHÈNES, DE BEETHOVEN
Transcrite pour le Piano,
Prix marqué : S fr. Seule édition conforme à l'exécution par l'auteur dans ses concerts. Prix marqué: S fr.
DEUX IKEÉLODIES pour piano, op. 3. . 5 » \ TARENTELLE pour piano, op. 6 9 »
POUR PARAITRE INCESSAMMENT :
Toutes les OEuvres spéciales pour le piano; suivront la musique de Chant et la musique d'Orchestre.
Maison E. HEU, éditeur, 10, rue de la Chaussée-d'Autin, à Paris.
NOUVELLES PUBLICATIONS
POUR LE PIANO
cil. Dellonx. Op. 81 . N° 1 . Chanson aragonaise .6 »
— N" 2 . Chanson toscane 6 »
■iéo Dellbes. Grande valse extraite du Pas des Fleurs intercalé
dans le Corsaire 7 SO
J. Daydn. Menuet en «t, transcrit par Mortier de Fontaine... i »
C Eiamotlie. Op. 61 Chant du soir, nocturne 5 »
Iieféb«ire-%Vély. Op. d7S. Boléro 7 SO
— Op. 176. Le Rêve de Chérubin 6 •
— Op. 177. Esméralda, caprice 6 •
— Op. 180. Le Défilé, pas redoublé à deux pianos 10 »
— Op . 180 bis. Le même à quatre mains 9 •
— Op. 181. Deuxième duo symplionique à deux pianos 25 »
H. Ravina. Op. 66. Confidence, nocturne 6 »
DANSES
B. Ettllng. Polka mazurka sur la Vie parisienne 5 »
Harx. Polka des Oiseaux sur les motifs de Gulliver 4 50
©. Hdtra. Valse, Fleurs et Papillons, id
Strauss. Quadrille, id
— Quadrille, valse et polka sur la Vie parisienne, chaque. . .
A, Mey. Valse sur les motifs de la Vie parisienne
— Les mêmes, à quatre mains.
6 »
i 50
4 50
6 •
CHANT
A. HIgnard. Hamlet, tragédie lyrique en cinq actes , partition
piano et chant, net 18
Jl. orrenbach. La Vie parisienne, opéra-bouffe en quatre actes,
partition piano et chant, net 12
— La môme, pour piano seul, net 8
liéo Dcllbcs. 11 n' faut pas vous gêner 4
— De quoi vous plaignez-vous? 3
(Couplets chantés dans l'opéra-bouffe Malborough.)
Brontise (Marie) . 0 Sahuaris, d'après l'adagio de la sonate pa-
thétique do Beethoven, 1,2, chaque i
Victor Cliiîrl. Chant de gurrre du Vengeur, 1, 2, chaque 3
Eiballllor. En visite, chansonnette 3
— Ouistiti, chansonnette 3
«. PfcItTer. Sonnet-Elégie de Boileau 3
Tb. Radons . Vous m'oubliez, mélodie 3
— Le Rosier, id 4
— Le Réveil, id 6
— A quoi rêves tu? id 4
O'Kelly. Les Adieux de Valentin , chanson 3
E<ebonc. Les Récréations de l'enfance , recueil de rondes avec
jeux et petites chansons avec accompag. de piano, net. . 3
Cbez e. BRAJWDIJS et S. DUFOVB, éditeurs, 103, rue de Rlcbclleu
CHŒURS SUÉDOIS ET NORVÉGIENS
Exécutés au théâtre de l'Opéra pendant l'Exposition universelle par les
Etudiants de l'Université d'Upsal, de Copenhague et de Lund.
1 . Chant du Printemps, par A. Kappelmann net.
2. Le Cortège de Noël, par Kjerulfs net.
3 . Le Roi des ilers (air populaire)
4. Le Chant du Rossignol, par Pacius net.
Chœurs divers
1 . Weber. Preciosa, chœur des Bohémiens net.
2. Auber . La Muette de Portici, prière net.
3. Mejerbeer. L'Africaine, prière net.
4. Weber. Avant la bataille, marziale et andante net.
5. Arcadet. Ave Maria net.
arrangés à l'usage de l'orphéon de la ville de Paris , par
P ASD E LOUP
» 75
1 »
» 75
• 50
1 »
. 30
» 50
1 »
.. 50
CHŒUR DES ETUDIANTS DU LAC DES FEES,
arrangé pour l'orphéon de la ville de Paris, par
Net:lfr. FRANÇOIS BAZIN Netrlfr.
MEYERBEER. — L'Africaine, chœur des Matelots
(chœur de concours à l'Exposition universelle de 1867), net 1 »
ROSSINI. — Buvons, buvons ! composé et approprié
à l'usage de l'Orphéon pour le Festival international 1867, net. i 50
MENDELSSOHN. Mélodie à trois voix égales arrangée,
par A. Valent! , net * SO
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Gluck,
Goria,
Gounod,
Halévy (Fromental),
Haydn,
Haendel,
Heller (Stephen),
Herz (Henri),
Kalkbrenner,
Kastner (Georges),
Lecouppey,
Lefébure-Wély,
Lilolff,
Méhul,
Mendelssohn,
Membrée,
'), Mozart,
Meyer (Léopold de).
Meyerbeer,
Os! orne,
Poniatowski (le prince).
Prudent,
Ouidant (Alfred),
Ravina,
Rosenhain,
Rossini,
Rubinstein (A.),
Schubert,
Séligmann,
Servais,
Sivori,
Thalberg,
Thomas (Ambroise),
Verdi,
Vieuxtemps,
Weber (Ch. -Marie de).
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REVUE
12 Avril 1868.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
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Département», Belgique et Suisse.... 30 i il.
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Le Jouroal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Histoire de la musique instrumeatale (9* article), par Mau-
rice Cristal. — Revue des thûâtres , par D. A. D. Saint-Yies. —
Entrefilets. — Concerts et auditions musicales de la semaine. — Nouvelles
des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Concerts et auditions musi-
cales annoncés. — Annonces.
mSTOIBE DE LÀ SUSIQUE INSTRUfflENTÀLE
(9« article) (1).
Les dix années qui suivirent s'écoulèrent sans apporter de chan-
gement notable dans la fortune de Boccherini; mais Frédéric-
Guillaume II mourut et de nouveaux embarras assaillirent ce com-
positeur. Jusque-là sa vie avait été bien modeste, presque humble.
La perte de son premier protecteur, l'infant don Louis, rendue
plus sensible encore par l'ingratitude de la cour, l'avait conduit à
une existence retirée, partagée entre les soins d'une famille nom-
breuse, ses travaux et l'exercice d'une piété sereine et douce.
Profondément religieux, il consacrait tous les jours les prières
d'une messe à chacun de ses cinq enfants. La cloche de sa pa-
roisse se faisait-elle entendre, il laissait la plume pour le livre du
chrétien. Etranger au monde qui l'ignorait, vivant saintement en
famille, au milieu de quelques amis, les déboires et les déceptions
qui l'assaillaient ne purent altérer sa douceur, et jamais il ne
montra le moindre mouvement d'impatience contre les rigueurs et
les injustices de sa destinée. Heureux par l'art qu'il aimait avec
passion , travaillant pour lui-même sans autre but que celui de se
plaire à ce qu'il faisait, et de fournir à l'humble entretien de sa
famille, il conserva toujours l'imagination active et l'inspiration
jeune, et tous ses maux étaient oubliés dès que la plume en main
il pouvait écouter et transcrire la voix de son génie.
Doué d'une verve, d'une fécondité également merveilleuses,
puisant ses idées comme dans une source intarissable, il prenait,
quittait et reprenait son travail avec la même facilité, sans que sa
pensée en souffrît le moindre dommage, et que son imagination
(1) Voir les n" 38, 40, 42, 44, 46 de l'année 1867, et les n" 3, 9 et
10 de l'année 1868.
perdît son souffle. Ayant été obligé de renoncer au violoncelle à la
suite d'un crachement de sang, il envoyait ses compositions au
monarque prussien sans qu'il se fût procuré la satisfaction de les
entendre exécuter, et il arriva ainsi que l'art qu'il honorait si bien
ne lui donnait pas même les jouissances de l'artiste, c'est-à-dire
celles de l'amour-propre le plus légitime lorsqu'on l'on voit ses
idées revivre par une interprétation intelligente. Aussi quel bon-
heur pour lui lorsque, ayant fait la connaissance du marquis de
Benavente, il put goûter deux fois par semaine le plaisir d'enten-
dre enfin les délicieuses inspirations de sa muse.
Ce bonheur bien modeste fut traversé d'une de ces douleurs que
la vie ne nous épargne pas. Marié deux fois, Boccherini eut la
douleur de perdre coup sur coup deux filles déjà grandes, et de
voir expirer sa seconde femme frappée d'apoplexie foudroyante.
Cette triple et cruelle séparation qui empoisonna le reste de ses
jours n'avait point épuisé les sévérités du sort. La mort de Fré-
déric-Guillaume II lui porta un nouveau coup en lui enlevant la
meilleure part de son modique revenu. Ainsi poursuivi, accablé
par un sort funeste , le grand homme supporta ses maux avec
une inaltérable vertu.
Lorsque la République française désigna, pour la représenter à
Madrid, Lucien Bonaparte, homme d'une haute intelligence, ama-
teur éclairé des arts, dilettante généreux et courtois, noble pro-
tecteur qui savait accueillir et honorer le talent , Boccherini plaça
sous son patronage six quintettes pour le piano qu'il dédia à la
France, « la grande nation, » comme porte la dédicace, et il dé-
dia directement à son nouveau protecteur douze autres quintettes
pour violons, altos et violoncelle, superbes compositions, les seules
qu'il ait écrites en ce genre.
Lucien Bonaparte récompensa magnifiquement ce double hom-
mage. Dès ce moment les salons, la table et la bourse de l'ambas-
sadeur furent ouverts au célèbre artiste.
La vieillesse de Boccherini semblait à l'abri de nouvelles vicis-
situdes. C'était une illusion. Le rappel de Lucien, la gravité des
événements, tout se réunit pour le rejeter dans de nouvelles an-
goisses. Avec le protecteur disparut la pension momentanée dont
Boccherini avait joui trop peu de temps, et il connut de nouveau
la misère qui avait été la compagne trop fidèle, hélas! de la plus
grande partie de sa vie.
114
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Une seule ressource luiirestait, c'était la protection du marquis
de Benavente, qui lui avait continué son amitié et dont les salons
lui étaient restés toujours ouverts. Le dilettante avait un goût pas-
sionné pour la guitare et il excellait sur cet instrument cher à
tout bon Espagnol. Il pria Bocclierini de disposer une partie obli-
gée de guitare, à son usage, dans ses compositions qu'il désignerait,
moyennant une gratification de cent francs par quatuor. Satisfaisant
à cette demande, qui pour un homme habile eût été un moyen de
salut, notre compositeur arrangea avec une partie de guitare un
assez grand nombre de morceaux choisis parmi ses ouvrages.
Quelques autres riches amateurs imitèi'ent le marquis de Benavente.
Ce fut pour satisfaire à de serablabïes demandes que Boccherini
arrangea ses douze quinleltes de piano' pour deux violons, deux
violes e* violoncelle. Ces travaux entrepris tardivement commen-
cèrent à répandre la renommée de Boccherini dans la haute so-
ciété espagnole. C'est ainsi qu'il put enfin recueillir quelque célé-
brité parmi ses compatriotres d'adoption, au milieu desquels il
avait vécu trente années sans qu'ils soupçonnassent en lui un
grand homme.
Ses ressources furent donc un moment [moins modiques; mais
les commandes des dilettantes espagnols eurent bientôt un terme
et les besoins d'une famille se renouvellent sans cesse! Parvenu
à la vieillesse et envisageant avec effroi le sort qui était réservé à
ses dernières années, Boccherini projeta de quitter l'Espagne et de
venir s'établir en France. Il espérait trouver à Paris de la sympa-
thie et des avantages moins incertains. Mais pour entreprendre une
longue route avec une famille il fallait de l'argent et il n'en avait
pas.
Telle était sa détresse que lorsque Mme Gail le visita à Madrid,
en 1803, il n'avait qu'une seule chambre pour sa famille et pour
lui. Quand il voulait travailler en repos, sans être troublé par la
turbulence des enfants et les bruits du ménage et de la cuisine, il
se retirait à l'aide d'une échelle dans une sorte d'appentis en bois
pratiqué contre la muraille et meublé d'une table, d'une chaise et
d'un vieil alto troué où pendait une seule corde éraillée. C'est dans
cette situation misérable qu'il refusa, n'écoutant que sa probité,
cent louis d'un Siabat à trois voix promis antérieurement à fédi-
teiir Siébcr pour 60 ducats, environ 280 francs.
Mme Gail, qui s'était entremise dans cette affaire, apprit en
cette occasion qu'il avait cent fois donné des exemples de cette
probité délicate que l'on exploitait autour de lui. Les dernières
années de sa vie furent remplies par un travail sans relâche, de-
venu pénible pour un vieillard et si mal payé que lorsqu'il mourut
on ne trouva chez lui ni mobilier, ni linge, ni aliments. On assure
qu'il avait gardé sa douceur et sa gaieté jusqu'à sa dernière heure.
Il expira le 28 mai 1805, à l'âge de soixante-cinq ans.
On a dit que la cour et les grands honorèrent ses funérailles.
D'après les renseignements que s'est procurés M. Picquet, son con-
voi se fit au contraire sans pompe et ne fut escorté que d'un petit
nombre d'amis dévoués.
Boccherini est un compositeur délicieux; il a eu surtout le mé-
rite de l'originalité. Ses idées sont toutes individuelles et ses ou-
vrages sont à ce point de vue si exceptionnels qu'on en est venu
à croire qu'il n'a jamais connu d'autre musique que la sienne. Il
est le Sébastien Bach de la musique de chambre. La conduite, le
plan de ses pièces musicales, le système de modulation, ainsi que
les idées mélodiques ont le cachet de sa personnalité et ne res-
semblent au système d'aucun autre musicien.
Les œuvres de ce maître célèbre sont réellement filles du génie;
elles demeureront des modèles de grâce, de sensibilité et de goût.
La manière dont il sait suspendre l'intérêt par des épisodes inatten-
dus surprend toujours, même les musiciens les plus familiers avec
ses compositions, et c'est toujours par des phrases du caractère le
plus simple qu'il arrive à produire l'effet le plus vif. Ses pensées
toujours gracieuses, souvent mélancoliques, ont un charme inex-
primable de naïveté.
Maurice CRISTAL.
(La fin prochainement.)
REVDE DES THEATRES.
Théâtre-Français : la Revanche d'Iris, comédie en un acte et en
vers, par M. Paul Ferrier. — Odéon : [te Roi Lear, drame en
vers, en cinq actes et sept tableaux, imité de Shakspeare, par
M. Jules Lacroix . — Palais-Royal : reprise des Diables 7-oses ;
Une noce sur le carré, \&udey\\le en un acte, par M. J. Renard —
Porte-Saint-Martin : Nos Ancêtres, drame en vers, en cinq actes
et six tableaux, par M. Amédée Rolland,
La dernière quinzaine a été bonne, en ce sens qu'elle a donné
les gages réitérés d'un retour aux traditions de la vraie et saine
littérature que le théâtre contemporain met trop souvent en oubli.
Nous ne nous abusons pas néanmoins sur la portée de ces tenta-
tives, et nous croyons qu'il faudi'a encore plus d'un effort persévé-
rant pour amener la réforme du goût déplorable qui est à l'ordre
du jour ; mais nous saluons avec plaisir ces premières lueurs d'une
aurore nouvelle qui finira par percer les nuages dont elle est
obscurcie.
Le Théâtre-Français, qui, du reste, est en dehors de la question,
apporte à ce mouvement réactionnaire leçon tingent d'une petite comé-
die en un acte, intitulée laRevanched' Iris. Ce n'est pas tout à fait une
nouveauté, car elle a été jouée à Lille, dans la représentation-
gala offerte à l'Empereur et à l'Impératrice, à l'époque du voyage
de Leurs Majestés dans nos provinces du Nord; puis, son succès
s'est propagé dans quelques salons parisiens avant d'arriver à la
.scène.
Elle n'entrainc pas effectivement de bien grands embarras : un
décor de fantaisie et deux interprètes, voilà tout. Iris, la messagère
des dieux, est envoyée par Jupiter sur notre globe pour en rame-
ner au céleste séjour trois jeunes filles innocentes et pures, si elle
peut se les procurer. Cette réserve n'est pas de nous, mais de Dio-
gène, qui se rencontre sur les pas d'Iris et' qui se moque de sa
mission :
— Je cherche un lionime, un seul, et ne puis le trouver!
lui dit-il en raillant. Si bien qu'Iris, piquée au vif, jure de tirer
vengeance du terrible cynique, et pour cela, elle arbore toutes les
séductions que le ciel du paganisme lui a généreusement dépar-
ties. Ce malheureux Diogène a beau s'en défendre, il est forcé de
se plier aux caprices d'Iris, il s'adonise, il se parfume, il tombe
aux pieds de l'inhumaine. C'est là qu'Iris l'attendait; ce triomphe
lui suffit, et après avoir accueilli la brûlante déclaration de Dio-
gène par un irrévérencieux éclat de rire, elle reprend à tire d'ailes
la route de l'Olympe.
Ce proverbe, -^ car c'en est un, — est l'œuvre d'un débutant,
dont la versification élégante et facile est d'un heureux augure
pour l'avenir. Il est vrai que Coquelin et Mlle Ponsin lui prêtent
un appui qui n'est pas à dédaigner.
— Nous n'avons pas à raconter le Roi Lear; tout le monde a
lu, dans Shakspeare, cette magnifique flétrissure de l'ingratitude
filiale. On sait que r)ucis a essayé, non sans peine, de la réduire
aux proportions mesquines de notre ancien théâtre, et que Balzac
s'est efforcé de l'adapter à nos mœurs bourgeoises, dans le roman
du Père Goriot. L'imitation de M. Jules Lacroix est plus ample et
plus fidèle, sans être cependant complète. L'auteur du nouveau
drame de l'Odéon s'est attaché surtout à reproduire, sous toutes
ses faces, la belle physionomie de ce vieux roi aveugle, répudié
DE PARIS.
118
par ses filles et refusant de les maudlr". Il n'a pas néf^ligé le dé-
vouement, la mort louchante de Cordélia, mais il a écarté la
contre-partie de ce fils cliassé par son père, dont le désespoir se
marie si bien à la douleur du roi Lear. Cet épisode constitue à la
vérité une double action qui est un défaut au point de vue de
notre économie théâtrale. Gardons-nous donc de faire un reproche
à M. Jules Lacroix de cet excès de prudence. Son œuvre contient
encore d'assez remarquables scènes pour satisfaire les esprits les
plus exigeants. Quand il n'y aurait que le sublime tableau du
pauvre monarque mourant sur le bord de la mer, aux éclats de la
tempête, en la compagnie d'un fou et d'un mendiant, ou celui du
père infortuné berçant dans ses bras débiles le gracieux cadavre de
Cordélia, cela seul suffirait à justifier l'enthousiasme avec lequel
l'impressionnable parterre de l'Odéon a applaudi l'ensemble du
drame. Ajoutons que les vers du poëte, qui traduisent la plupart
du temps avec bonheur les pensées grandioses de l'auteur anglais,
n'ont pas été sans influence sur les dispositions des spectateurs.
Le rôle écrasant du roi Lear est rempli d'une manière irrépro-
chable par Beauvaliet, l'ancien sociétaire du Théâtre-Français, qui,
dans sa longue carrière, n'a peut-être jamais rencontré une occa-
sion plus favorable à son talent. Son entourage est digne de lui;
Taillade n'a qu'une scène, mais il y est parfait. Nous devons aussi
de sincères éloges à Paul Deshayes, à Laute et à iUlle Sarah Bern-
hard, qui est d'une simplicité attendrissante dans le rôle de Cor-
délia.
— Le Palais-Royal a interrompu encore une fois les représen-
tations inépuisables de la Vie Parisienne, pour reprendre une
vieille pièce de son répertoire, les Diables Roses, qui a fait florès
en son temps, et qui a obtenu un très-joli i-egain de succès, grâce
à l'entrain de ses joyeux interprètes : Gil- Pérès, Lhéritier, Hya-
cinthe, Lassouche et Mlle Baron, héritière du rôle de Mlle Schnei-
der.
On joue avant cette pièce un lever de rideau intitulé : Une
noce sur le carré, qui est très-bien enlevé par Luguet et par Mlle
Howey. L'effet principal de ce vaudeville réside dans une exhibi-
tion d'ombres chinoises qu'on aperçoit à travers les rideaux d'un
appartement voisin. C'est une noce qui sert de prétexte à un rap-
prochement et à un essai d'imitation entre les deux personnages
en scène. L'idée est plaisante et dispose parfaitement le public.
— La Porte-Saint-Martin a tellement abusé des grandes féeries,
que lorsqu'il lui prend fantaisie de retourner au drame sérieux,
elle semble ne plus être sur son terrain naturel. De là une cer-
taine hésitation parmi les spectateurs qui se sentent tout dépaysés
et qui n'applaudissent pas comme ils le feraient ailleurs, à l'Odéon
par exemple. Le drame en vers de M. Amédée Rolland, Nos An-
cêtres, qui se recommande par des qualités fort estimables, a mal-
heureusement fourni la preuve de ce malentendu. Comment
vouliez-vous qu'un parterre qui se gaudissait hier aux facéties
burlesques du Pied de mouton ou de h Biche aux bois, prenne en
bonne part la leçon de patriotisme que vous lui donnez aujour-
d'hui? Il ne suffit pas d'un prologue, plein de pensées généreuses,
pour modifier de prime abord une pareille situation. Faisons
pourtant un effort pour oublier la féerie de la semaine dernière,
et pénétrons avec l'auteur dans les bas-fonds de ce mystérieux
moyen âge ou se livre la lutte des communes contre la féodalité.
Le tyran Hélisand, c'est le principe féodal qui prétend conserver
envers et contre tous ses immunités abusives ; Marcus Faber, c'est
le peuple qui élève la voix pour avoir enfin sa place au soleil. Le
château reste sourd aux réclamations de la commune; mais aidée
parla rancune vindicative d'une vieille femme qu'Hélisand a cruel-
lement frappée, la commune s'introduit dans le château et s'en
empare Par un revirement soudain, la féodalité triomphe, les ma-
nants sont vaincus, et c'en serait tait de l'avenir populaire si le
roi Philippe-Auguste n'intervenait dans^jla'îmêlée par de légitimes
concessions. Hélisand, fidèle â son principe, est jnort assez ù temps
pour ne pas le voir amoindri. Quant à Marcus, il sera jusqu'au bout
le martyr de sa cause, et, au jour de l'émancipation, il portera la
peine de sa révolte prématurée en s' acheminant avec résignation
vers la route de l'exil.
A l'Odéon, nous avons rencontré Shakspeare; à la Porte-Saint-
Martin, nous nous trouvons face [à face avec Victor Hugo dont
l'exemple et le souvenir ont constamment inspiré M. Amédée Rol-
land. Il y a, du reste, dans son drame, de beaux vers qui sont
bien à lui et qui ne pèchent parfois que par uu peu trop d'em-
phase déclamatoire. Ses interprètes font tout ce qu'ils peuvent, et
nous citons parmi eux Laray, Montai, Lauruul, Mme Vign<' ut Mlle
Suzanne Lagier ; après tout, il ne faut pas trop demander à des
artistes qui débitaient, la veille, la prose de M. Cogniard ou qui
chantaient dans les catés-concerts.
D. A. D. SAINT-YVES.
Nous faisions connaître, dans notre dernier numéro, la libéralité
de Mme Georges Kastner envers l'Association des artistes musi-
ciens. C'est au mari de Mme Kastner que revient la pensée de ce
don posthume, pensée maintefois manifestée par lui de son vivant,
et que sa veuve vient de traduire et d'accomplir si généreusement.
— En même temps que nous apprenions ce détail, nous recevions
de M. Noetinger, le digne président du Comité central de l'Asso-
ciation des sociétés chorales d'Alsace, dont Georges Kastner était
président honoraire, une lettre qu'il vient d'adresser à tous les
membres de l'Association. Nous nous faisons un devoir et un plai-
sir de reproduire cette lettre, car on y verra à quel point les
compatriotes de notre regretté collaborateur et ami ont ressenti le
chagrin de sa mort prématurée, et que ce n'est pas seulement à
Paj-is qu'il cherchait à faire le bien, à venir en aide aux artistes,
et à encourager les tentatives favorables au progrès de la musi-
que.
Strasbourg, le 16 mars 48S8.
Mes chers collègues,
C'est le propre des natures d'élite, des hommes d'esprit et de cœur
que leur mort provoque un concert unanime de regrets.
Tour à tour, tous les journaux de musique, toutes les revues orphéo-
niques et les feuilles de sa ville natale nous ont retracé ce qu'était
comme époux, comme père et comme artiste M. Georges Kastner, com-
positeur, membre de l'Institut, officier delà Légion d'honneur, enlevé
prématurément à sa famille et à ses amis, le 19 décembre dernier.
Dans cette imposante manifestation de la douleur publique, c'est le
devoir du Comité central de l'Association des sociétés chorales d'Alsace
d'élever la voix et d'adresser, lui aussi, un dernier adieu à celui qui
fut son président honoraire et son protecteur bienveillant.
Oui, M. Kastner a toujours aimé notre belle institution qu'il savait de-
voir rendre d'utiles et de grands services à la cause de la civilisation.
Dès l'année 1856, date glorieuse pour notre Association, nous avons
été heureux de recourir à ses lumières et à ses bons conseils. Ayant fait,
dans sa jeunesse, une partie de ses études en Allemagne, il avait pu
suivre de près l'organisalion des sociétés chorales si renommées de ce
pays. Nous le voyons abandonner ses nombreux travaux de bénédictin
pour accourir à notre appel et assister à la première manifestation de
notre Association. Nous ie voyons prendre part à toutes les réunions, à
toutes les discussions, oubliant la fatigue pour participer à notre joie.
Aussi, en cette circonstance, lui avons-nous décerné par acclamation le
titre de président honoraire de notre Association.
Et ce n'était pas une sinécure que nous lui créions. Jamais une de-
mande que nous lui avons adressée n'a été repoussée.
Quoique habitant Paris, oij le retenaient forcément ses relations, quoique
continuellement occupé par les nombreuses séances de l'Institut, de la
Société des artistes musiciens, dont il était vice-président, par les con-
cours dont il a présidé un grand nombre, il a pour chacune de nos
réunions fait violence à son amour de la retraite.
Il n'a jamais craint de sb mettre en roule, malgré son aversion pour
la locomotion, pour venir présider nos concours. Et lui, cependant, qui
venait de loin, qui avait voyagé souvent toute la nuit, restait courageu-
sement sur la brèche, sans se lasser, sans témoigner la moindre fatigue,
à soutenir ses collègues moins vaillants que lui, par son exemple, à
116
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
écouler ces joutes musicales, qui, rappelez-vous-le, comme à Guebwiller,
duraient plusieurs heures sans interruption.
Ne se contentant pas de sacrifier sa personne h. nos concours, il vous
apportait chaque fois une médaille d'or obtenue de la munificence de l'Em-
pereur, à laquelle il joignait modestement une autre d'une égale valeur,
qu'il mettait généreusement à la disposition de ses collègues du jury.
Plusieurs de vos sociétés sont fières de porter à leurs bannières les
témoignages de sa libéralité, qu'elles ont obtenus à Barr, Schlestadt, à
Guebwiller et à Strasbourg.
Compositeur distingué, votre président honoraire a spécialement écrit
pour l'orphéon, en général, les Chants de la Vie et les Chants de r Armée,
ainsi qu'un grand nombre de chœurs qui ont été chantés dans plusieurs
concours.
Mais il aimait aussi écrire des chœurs généraux pour notre Asso-
ciation .
A la réunion de Schlestadt, nous avons été heureux d'exécuter sa can-
tate alsacienne composée pour la circonstance, avec accompagnement
d'orchestre, œuvre d'un caractère grandiose, remarquable par son am-
pleur, sa richesse de sonorité et sa belle et savante orchestration, dont
les comptes rendus de cette solennité ont fait le plus grand éloge.
Au festival de Colmar, le Chant des Bateliers a conquis les brillants
suffrages qu'il méritait. Il a été accueilli, vous vous en souvenez tous,
par des bravos frénétiques auxquels la présence de l'auteur ajoutait un
charme nouveau. Malgré sa modestie, notre président honoraire a été
contraint de vive force de quitter son siège et de recueillir en personne
les couronnes de son triomphe. Nous sommes heureux de vous rappeler
ce fait, témoignage de votre affectueuse sympathie pour lui.
Nous pourrions citer d'autres partitions encore qu'il était heureux
d'entendre interpréter par les sociétés de Strasbourg pendant les quelques
semaines qu'il venait passer au milieu de nous, non pour se reposer de
ses travaux, car il y apportait le même zèle, à Strasbourg comme à
Paris, mais pour se retremper dans sa ville natale, où nous étions heu-
reux de lui donner, au nom de l'Association entière, des témoignages
de notre afléctucuse sympathie.
Que de bienfaits il a répandus autour de lui! Sa porte était toujours
ouverte à un compatriote, son accueil toujours cordial. 11 n'existe pas un
artiste, et surtout pas un Alsacien, établi à Paris, qu'il ne fût heureux
d'aider, à leur début, de son crédit et de son appui.
« Il avait compris que la Providence, en lui accordant une grande
fortune, lui avait imposé une mission toute de charité; il l'a remplie,
cette divine mission, avec une continuité digne de la reconnaissance de
tous les artistes . »
De nous tous, devons-nous ajouter à ces paroles venues du cœur et
prononcées sur sa tombe par M. Elwart, l'un de ses amis de trente ans.
Agréez, mes chers collègues, l'assurance de mes sentiments les plus
affectueux.
Le Président de l'Association, N. Noetinger.
CONCERTS ET AUDITIONS MUSICALES DE LÀ SEUIÂINE.
,\ Les concerts officiels ont dit cette semaine leur dernier mot de la
saison. — Dimanche, la soirée de S. A. I. Madame la princesse Ma-
éthilde réunissait Mmes Carvalho, Norman-Neruda, MM. Delle-Sedie et
Saint-Saëns. — A l'hôtel de ville, le samedi précédent, Auber régnait en
maître et le programme était uniquement composé de morceaux de
la Muette de Portici, de VAmbassadrice, du Postillon et du Premier
Jour de bonheur, chantés par Capoul et Mmes Cabel et Marie Roze.
— Au Louvre, le vendredi, M. le comte de Nieuwerkerke clôturait ses
réunions hebdomadaires avec le pianiste Ritter et Délie Sedie. — Jeudi
dans son hôtel, le comte d'Osmont faisait entendre à un cercle intime
de dilettantes, la musique d'un ballet en quatre actes qu'il vient de
composer. — Dimanche, Mlle Castellan, le ténor Pagans, Berthelier, Na-
daud, Mlle Roze charmaient les nolabiliés de la Presse et du Feuilleton
réunis aussi une dernière fois chez jM. Ed. Fournier de la Patrie.
— Enfin, chez Mme la baronne de Maistre, devant une nombreuse as-
semblée de littérateurs, de compositeurs et de dames du monde, après
l'audition de morceaux de chants intéressants et un duo pour violon et
piano joué par les frères Sauret, M. Franceschi disait admirablement un
grand air de l'opéra Sardanapale, composé par la maîtresse de la maison
et qui a produit le plus grand effet. — Quoiqu'il soit difficile en men-
tionnant ces nombreuses réunions de ne pas tomber dans des redites,
il nous a paru néanmoins intéressant de signaler les progrès marqués
de l'art musical dans les hautes classes de la société et la place qu'il
occupe de plus en plus dans leurs plaisirs.
^*^, Au douzième concert du Conservatoire, dimanche dernier, M. Al-
phonse Duvernoy a exécuté le concerto en mi bémol de Beethoven. Ce
jeune artiste, qui se produisait pour la première fois devant un public
aussi nombreux et aussi imposant que celui du Conservatoire, a enlevé
du premier coup la position. 11 possède un très-bon mécanisme, tire de
l'instrument un son excellent et réussit parfaitement les nuances. Son
succès a été très-vif. Le reste du programme comme le dimanche pré-
cédent. — Le Vendredi-Saint, au concert spirituel, on a exécuté la sym-
phonie héroïque et le chœur final du Christ au mont des Oliviers de
Beethoven ; trois beaux fragments du Requiem en ut mineur de Cheru-
bini, un Ave verum d'Halévy, très-coloré et d'un beau caractère, dont
Mlles Mauduit et Wertheimber ont dit les soli, et l'ouverture à'Euryan-
the. M. Delaborde a joué sur le piano à clavier de pédales d'Erârd, un
Choral et Toccata en fa de Sébastien Bach. On a surtout admiré l'éton-
nante habileté de cet artiste à se servir du pédallier dans des passages
très-rapides, de dessins très-compliqués et d'un doigté ('puisqu'il n'existe
pas d'autre terme) fort difficile. Ce tour de force a été beaucoup ap-
plaudi. — Aujourd'hui, jour de Pâques, Rubinsiein joue son troisième
concerto (en sol). Les amateurs de piano ne se plaindront pas; ils auront
eu trois pianistes en huit jours.
5^** La scène du jardin, de Roméo et Juliette, de Berlioz, a été exécu-
tée, pour la première fois, dimanche dernier, aux concerts populaires.
Cette page a été moins bien comprise et plus froidement accueillie que
celles qui avaient été jouées précédemment : « Roméo seul, « et le « Bal
chez les Capulets ». Ce n'est pas que ce ne soit une inspiration sympho-
nique du caractère le plus poétique et le plus élevé; mais l'idée ne se
dégage pas nettement à une première audition, et l'on sait que ce que
demande d'abord le public, c'est la clarté ; seule, la belle et large phrase
des violoncelles a paru percer l'ombre de l'ensemble et s'en dégager lu-
mineusement. A ce même concert, Mme Norman-Neruda s'est fait enten-
dre pour la troisième et dernière fois. Même accueil enthousiaste ; mêmes
applaudissements; mêmes rappels. La grande artiste a supérieurement
joué le grand concerto de Mendelssohn à la place d'un prélude et d'une
fugue de Bach qu'indiquait le programme, et elle a admirablement chanté
la romance en [a de Beethoven, suave inspiration, i transparente comme
un lac réfiéchissant les mélancoliques étoiles, » a dit un grand écrivain.
Aujourd'hui, dimanche de Pâques, relâche. Dimanche prochain, dernier
concert de la saison.
f*^ La séance de musique de chambre, donnée mardi dernier par
Antoine Rubinstein, nous a fait connaître ce grand artiste sous une autre
face de son talent ; il s'est élevé dans la musique d'ensemble à la même
hauteur que dans les concerts où il a fait admirer sa prestigieuse vir-
tuosité. 11 a joué, entre autres, un très-beau trio de sa composition, avec
Léonard et Jacquard, la sonate, op. 111, de Beethoven, l'épouvantait des
artistes médiocres, et avec Jacquard trois morceaux de sa composition
qui ont produit le plus grand effet. — Nous devons quelques mots à son
excursion à Bordeaux, où il a donné' deux concerts, le 28 et le 30 mars.
Tel nous l'avons trouvé à Paris, tel il a été à Bordeaux: tour à tour fou-
gueux et tendre, puissant et gracieux. Mlle Harris, du théâtre Italien,
lui a prêté le premier soir un précieux concours.
»*,f On lit dans le Moniteur: u M. Vivier ne prodigue pas, on le sait,
ses concerts. 11 ne gâte pas ses admirateurs. Celui de cette année aura
lieu le 21 avril, à la salle Erard. L'Empereur, qui protège si gracieuse-
ment les talents originaux, a daigné prendre la première stalle. »
»*, Les journaux s'occupent beaucoup du concert donné à la Sorbonne
au profit de la crèche de Sainte-Geneviève, et citent avec éloge parmi les
artistes qui s'y sont fait entendre Mlle Wilden, dont le beau talent de
pianiste a brillé à celte occasion d'un éclat particulier. Quoique arrivant
tard au programme, Aille Wilden a su se faire écouter et applaudir par
un public que la fatigue commençait à gagner. Elle a joué avec infini-
ment de brio et de goût Titania de Lefébure-Wély, et le Caprice de Ch.
de Bériot. A une rare correction de style, Mlle Wilden joint un senti-
ment très-fin et très-original. Applaudie à chacun de ses morceaux, l'émi-
nente pianiste a remporté dans ce concert un succès qui lui a.ssure une
belle place parmi les meilleurs virtuoses de l'école française.
»*:); Une cantatrice de talent, Mme Anna Fabre, a récolté, à son con-
cert du 6 avril, des bravos nombreux et mérités pour la manière pleine
de charme dont elle a interprété plusieurs morceaux de styles divers,
notamment le duo des Dragons de Villars, celui de Mireille, avec MM.
Pagans et Herman-Léon, et divers airs d' Auber, Amb. Thomas, etc.
Eug. Ketterer, l'éminent pianiste, a pris sa bonne part de ces applaudis-
sements.
^*,^ A l'une des brillantes soirées de la baronne de Romans-Kaïssaroff,
deux virtuose d'élite se sont fait entendre et admirer : le flûtiste belge
Auguste Charles qui, dans deux fantaisies russe et Hongroise, a su tirer
de son instrument un parti vraiment merveilleux, sans cesser de char-
mer un instant ; et l'éminent pianiste compositeur Ernest Stœger, bien
connu de nos lecteurs, et qui a joué, avec le même succès que partout,
les ravissants morceaux : Novellette, Impromptu, etc.
,*,, Depuis que Berthelier est de retour de sa brillante tournée avec
Ulmann, il n'a pas chômé, et il n'est guère c!e réunion mu.sicale publi-
que ou privée dans laquelle il ne soit appelé à fournir son joyeux con-
tingent. Il est vrai que peu d'artistes l'ont surpassé dans le genre qu'il
a adopté et qui réunit à la fois le talent du chanteur et du comédien.
Cette supériorité explique la vogue soutenue dont il jouit.
^\ A la dernière matinée de M. Lebouc, Mlle Marie Mongin, la char-
DE PARIS.
m
mante pianiste, a été acclamée avec enthousiasme. On a admiré tour à
tour le charme, l'élégance et la vigueur de son jeu dans un trio de Mo-
zart, avec MM. While et Lebouc, dans un prélude de J.-S. Bach, le Ca-
rillon de Cythère, de Couperin, et une gavotte variée de Haendel, qu'on
lui a fait bisser (pièces extraites du Trésor des pianistes) ; enfin dans les
belles variations de Mme Farrenc sur un thème du comte de Gallenberg,
qu'elle a exécutées récemment à grand orchestre au concert du Conserva-
toire de Bruxelles, et qui lui ont valu un éclatant succès.
»% Samedi, dans une soirée donnée salle Sax, une pochade musicale
de M. Schwarlz : Un cas imprévu, nous a fait de nouveau apprécier le
talent de Mme Blot-Dermilly, comme chanteuse et celui de son mari
comme comédien; aussi ont-ils été applaudis et rappelés par tout l'audi-
toire.
^*t La jeune Thérèse Liébe a eu cet hiver de grands succès dans les
salon.s du faubourg Saint-Germain, et l'on y a fort apprécié son beau
talent qui n'est déjà plus celui d'un enfant prodige, mais d'une violo-
niste avec laquelle il faudra bientôt compter. Le public bientôt en pourra
d'ailleurs juger, car elle donnera le 28 de ce mois, dans les salons d'E-
rard un concert pour lequel plusieurs artistes distingués lui prêteront
leur concours et où elle exécutera le concerto de Mendelssohn.
*% L'excellent pianiste W. Goldner a donné le 4 avril un concert
dans les salons Erard. Il a été doublement fêté , comme compositeur et
comme exécutant; on a fait le meilleur accueil à ses œuvres : Valse
brillante, Princesse-Valse, la Chevaleresque, qui se distinguent par une
véritable élégance et un savoir-faire peu commun. MM. Danbé (violon),
Alf. Le Beau (harmonium), Mlle Darcier et M. Lafont (chant), qui l'ai-
daient à défrayer son programme, n'ont pas été moins applaudis
i** La Société des concerts du Conservatoire donne aujourd'hui di-
manche de Pâques, 12 avril, à 8 heures 1/2 du soir, un concert
spirituel dont voici le programme : 1° symphonie héroïque de Beethoven;
— 2° 0 filii (double chœur) de Leisring; — 3° concerto pour piano de
Rubinstein, exécuté par l'auteur; — i" Ave veruin, à deux voix et chœur,
d'Halévy, soli chantés par MOes Mauduit et Wertheimber; — 5° ouver-
ture (TEuryanthc; — 8° chœur final du Christ au mont des Oliviers de
Beethoven. — Le concert sera dirigé par M. George Hainl.
^*^ L'excellente Société chorale allemande Liederkranz, dirigée par
M. Ehniant, annonce pour demain lundi, dans les salons du Grand-
Orient, 16, rue Cadet, son troisième concert , dans lequel on exécutera
la Création de Haydn .
4*<, On n'a pas oublié l'excellent artiste Bouché, qui tint longtemps
l'emploi de première basse à l'Opéra. Son talent revit aujourd'hui dans
sa fille et son élève, Mlle Louise Bouché, qui est déjà une cantatrice dis-
tinguée. Elle s'est fait entendre dernièrement dans une soirée particu-
lière, préludant ainsi aux succès qui l'attendent sur une plus vaste
scène.
,** M. Mortier de Fontaine donnera le 23 de ce mois un concert his-
torique avec le concours de Rubinstein. La première partie du pro-
gramme, fort intéressant, se composera de musique d'autrefois pour la
virginale, Vépinette et le clavecin, inconnue en grande partie ici; la se-
conde, de musique d'aujourd'hui; tous les morceaux y seront placés par
ordre chronologique.
;t*:f En constatant le grand succès obtenu par les compositions de
Salvator, à sa séance du 31 mars, nous annonçons deux autres audi-
tions, les 21 et 27 avril.
,** La Société philharmonique de Boulogne-sur- Mer a donné, le 30
mars, au profit dès pauvres, un brillant concert dans lequel se sont fait
applaudir Eugène Ketterer, le pianiste élégant; Demunck , l'habile vio-
loncelliste, et Mlle Godefroid, une cantatrice qui paraît devoir faire par-
ler d'elle.
,*^, M. et Mme Jaëll, Mlle Battu et M. Devoyod ont défrayé le pro-
gramme du magnifique concert donné le 28 mars par l'Institut musical
d'Orléans, pour la clôture de la saison. Ces éminents artistes, dont l'é-
loge n'est plus à faire, se sont surpassés et ont excité de vrais transports
d'enthousiasme.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
f*^ Les théâtres impériaux ont fait jeudi leur clôture annuelle à l'oc-
casion de la Semaine-Sainte. L'Opéra-Comique et le théâtre Lyrique rou-
vrent ce soir, et l'Opéra demain lundi, avec Hanilet.
,*i Hamlet a été donné lundi et mercredi au théâtre impérial de
l'Opéra.
^% La charmante danseuse russe, Mlle Granzow , qu'on applaudissait
il y a quelques mois à l'Opéra, vient d'arriver à Paris.
j*,£a Part du Diable apporte d'excellents lendemains au nouvel opéra
d'Auber. Plus sûre de son rôle maintenant, Mlle Brunet-Lafleur obtient
un très-grand succès dans le personnage de Carlo. — On annonce pour
vendredi prochain n, la première représentation de l'opéra de M. Sa-
muel David, Sylvia. — On donnera le même jour la repri.se des Voitures
versées. — Outre les Dragons de Villars , il serait question de reprendre
le Brasseur de Preston d'Ad . Adam .
*** Dimanche dernier // Barbiere a été représenté au bénéfice de l'excel-
lent chef de chant Alary. Le chef-d'œuvre de Ros,sini était interprété
par A. Patli, Nicolini, Verger, Scalese et Agnesi. Cette représentation
a été fort belle. A. Patti a chanté à la leçon de musique l'Éclat de rire
d'Auber et la Calesera. - Mardi on a donné Don Giovanni avec Mme Krauss
Ad. Patti et Tiberini, MM. Steller, Tiberini, Scalese et Verger. Les
époux Tiberini étaient nouveaux dans cette distribution. Le rôle de
donna Elvira a été très favorable à Mme Tiberini et, si l'on tient compte
des difficultés dont il est hérissé, elle mérite les plus grands éloges pour
le talent de comédienne et de cantatrice qu'elle y a déployé. Son mari a
chanté avec beaucoup d'art et de sentiment le fameux air: )l mio tesoro
il est seulement à regretter qu'il l'ait forcé en certains endroits. Le
trio des masques a été bissé ainsi que l'air d'A. Patti : Batti, batti, Ma-
Z'^tto. — Les rôles de don Giovanni, de Leporello, de Mazetto et du
commandeur ont été très-bien tenus par Steller, Scalese, Verger et
Agnesi.— Dimanche prochain 19, aura lieu la représentation au bénéfice
d'Adelina Patti.
*** Le concert spirituel qui a eu lieu jeudi au théâtre Italien, avait
attiré un très-nombreux auditoire et bien peu de places sont restées
inoccupées. Le noir dominait dans les toilettes et la salle offrait un as-
pect sévère. Mmes Patti, Krauss et Grossi étaient également en noir et
tranchaient sur les choristes habillées toutes de blanc. — Le Stabat de
Rossini a été interprété par les trois cantatrices que nous venons de
nommer et par MM. Nicolini et Agnesi, — Le Cujus animam dit par
Nicolini, le Pro peccatis par Agnesi, le Fac ut portem par Mlle Grossi,
ont été particulièrement applaudis; mais les honneurs ont été pour
Mlle Krauss, qui a chanté l'Inflammatus avec une admirable expression
dramatique; elle a été appelée avec racclamation. — La troisième partie
se composait de divers morceaux, parmi lesquels Adelina Patti a
chanté l'Ave Maria de Gounod, de façon à enthousiasmer l'auditoire ; elle
a dû le répéter aux applaudissements de la salle entière qui l'a rap-
pelée deux fois. Le même programme a été exécuté pour la seconde
fois hier soir.
**;(. Le théâtre de la Renaissance donnera aujourd'hui par extraordi-
naire, une représentation de Faust avec Mlle Schrœder dans le rôle de
Marguerite, M. Massy dans celui de Faust ; M. Troy remplira le rôle de
Méphistophélès. — Demain lundi, Roméo et Juliette, Mme Carvalho rem-
plira le rôle de Juliette.
*** Au théâtre Lyrique, aujourd'hui la Flûte enchantée de Mozart, in-
terprétée par Mlles Marimon, Daram, MM. Barré et Bosquin. — Demain,
la Fanchonnette : Mlle Marimon remplira le rôle de Fanchonnette, M.
Monjauze celui de Listenay. — A partir d'aujourd'hui dimanche, le prix
des places est diminué au théâtre Lyrique, ainsi qu'on l'avait annoncé.
t*t Hier a été donné, au théâtre de l'Athénée la première représenta-
tion de Fleur de Thé, opéra-bouffe en trois actes de MM. Chivot et Duru
musique de Ch. Lecoq, joué par Désiré, Léonce, Sytter, Mmes Irma
Marié et Lucile Cabel. Nous en rendrons compte dimanche prochain.
t*t La direction des Variétés vient de s'attacher Lecomte, le Couder
lyonnais, qui a fait une véritable spécialité du rôle du général Boum
ainsi que Gobin, excellent comédien dont on n'a pas oublié l'entrain
désopilant dans les Douze Innocentes, de Grisar, aux anciens Bouffes.
t*^ Bien montée , suffisamment interprétée , la Grande-Duchesse fait
passer des soirées agréables au public du théâtre de Nîmes. Mlle Durand
et M. Puget ont parfaitement compris leurs rôles.
»% Les Dragons de Villars viennent d'être représentés à Alger. Salle
comble, magnifique recette. Le piquant et l'attrait de cette soirée, c'est
que le rôle de Rose Friquet était rempli par Mlle Henriette S., une
jeune Algérienne dont le talent ne demande qu'à être cultivé pour don-
ner des résultats excellents.
^*^ La remarquable étude de Bulwer, les Derniers Jours de Pompeï, a
inspiré à M . Victorin Joncières un grand opéra intitulé Nydia, qu'il ter-
mine en ce moment.
**t M. Peragallo, l'un des agents généraux de la So'îiété des auteurs
et compositeurs dramatiques, est de retour d'Italie. Il s'y était rendu
pour assurer à Turin, Gênes, Milan, Florence, etc., le mode de percep-
tion du droit des auteurs garanti par le traité international. Sa mission
ne paraît pas avoir beaucoup réussi.
s^i*^ La Grande- Duchesse continue sa marche triomphale en Allema-
gne; Munich et Presbourg viennent de l'applaudir.
^*, Le théâtre royal de Berlin vient de représenter une tragédie en
cinq actes, en vers, du prince Georges, neveu du roi Guillaume; elle
porte le titre racinien de Phoedra. La musique de cette œuvre, entr'acte,
chœurs, mélodrame, etc., est de M. Taubert.
**^ On écrit de Saint-Pétersbourg qu'en outre de l'engagement d'Ade-
lina Patti, l'administration impériale du théâtre Italien s'est également
attaché Fraschini, à raison de 93,000 francs pour trois mois. L'ensemble
des appointements de cette compagnie lyrique représente une somme
énorme, mais elle se trouvera certainement couverte par les belles re-
118
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cctles que la direction, confiée aux mains habiles et expérimentées de
M. de Guédéonnff, ne peut manquer de faire. Ainsi, les trente-six
représentations de la saison dernière ont pi'odiiit un totnl de 180,000 rou-
bles, soit une moyenne de 5,000 roubles,qui représentent environ d6,500
francs par soirée. Di^à, pour la prochaine campagne, la presque totalité
des feuilles d'abonnements des trois séries est remplie, et l'on se dis-
pute les quelques loges dont la direction peut encore disposer.
if*^ Nous apprenons avec plaisir que M. Louis Liebé, compositeur,
père de la charmante violoniste Thérè.«e Liebé, a présenté un opéra-
comique en trois actes, au théâtre grand-ducal de Carlsruhe. Il a été
choisi pour être représenté pour la première fois le 9 septembre prochain,
à l'anniversaire du jour de naissance de Son Altesse Royale le grand-duc
de Bade. Les paroles de cet opéra, qui est intitulé la Fiancée d'Avri-
court, sont de MM. Adrien Linden et Adolphe Katsch.
*% Une nouvelle opérette de M. Ed. Audran, fils de l'ancien ténor,
vient d'être représentée à Marseille, sur la scène du Gymnase. Elle a
pour titre : Le Petit Poucet. Plusieurs morceaux ont été fort remarqués
et vigoureusement applaudis.
NOUVELLES DIVERSES.
,t*» De tous les arts, la musique est celui qui s'associe le plus intime-
ment aux cérémonies et aux solennités de la Semaine-Sainte. L'adoration
est un état de l'âme que l'harmonie peut seule exprimer, .\ussi, suivant
en cela d'anciennes traditions, les nombreuses églises de Paris ont-elles
demandé à la musique, en ce temps de prière et de recueillement, la
traduction et comme le commentaire élevé du drame de la Passion. Celte
année a été sans contredit plus riche que ses devancières en manifesta-
lions de nuisique religieuse. Mercredi derni(;r, dans la chapelle de l'École-
Militaire, des dames du grand monde parisien, Faure, Mme Sass, Mlle
Bloch, les choristes- hommes de l'Opéra, chantaient au complet \c Stabat
de Rossini. — Jeudi soir, le Stabat mater a été exécuté par Faure,
Mlles INilsson et Bloch, à la chapelle des Tuileries. — Vendredi,
Stabat de Rossini à Sainl-Eustache; l'oratorio d'Haydn, les Sept Paroles
de \otre-Scigneur, à Saint-Roch ; tes Sept Paroles, de la comiiosition de
M. Th. Dubois, grand prix de Rome, maître de chapelle de Sainte-Clo-
lilde, à cette église ; nous reparlerons de cette dernière œuvre.— Hier soir,
à Saint-Roch, comme nous l'avons annoncé, exécution pour la première
fois à Paris du Stabat de Palestrina, par diverses sociétés chorales et les
enfants des maîtrises de plusieurs paroi.sses, sous la direction do M. De-
laporte ; nous reviendrons également, dans notre piochain numéro, sur
le compte de cette intéressante .solennité.— .aujourd'hui, à Saint-Euslache,
Messe solennelle de notre collaborateur et ami François Schwab, qui est
venu à Paris pour en diriger l'exécution. A dimanche notre apprécia-
tion.— A l'église des BatignoUes, mes,<!e de M. Desplanques, prix de Rome,
etc., etc. Nous ne pouvons tout mentionner, mais nous sommes heureux
d'avoir à signaler ce réveil du grand ait religieux, un moment compro-
mis et dédaigné, et auquel reviennent avec succès presqus tous les com-
positeurs de l'école moderne.
^*^ Le Stabat jttatcr de M. Bourgault-Ducoudray, grand prix de Rome,
exécuté dimanche dernier à l'église Saint-iùislai-hc, est une œuvre de
haute portée, dans laquelle l'expression n'est point sacrifiée à l'effet so-
nore, et oij l'auteur a mis, au service d'une inspiration souvent très-
élevée, une science véritable, ma's sans ostenlation. Ce Stabat, qui a été
écouté avec un vif intérêt, a été parfaitement chaulé par MM. Ponsard,
Perrier, Bollaert et Mosbrugger. M. Hurand dirigeait l'exécution;
M. Batiste tenait le grand orgue, et M. Blondel l'orgue d'accompagne-
ment .
^*» Une touchante cérémonie a été célébrée le 6 avril à Stuttgart ; le
père de deux éminents artistes, M. Kriiger, fêlait le cinquantième an-
niversaire de son mariage. A celte occasion, W. Kriiger, le pianiste que
Paris s'honore de posséder, et son frère l'habile harpiste qui jouit en
Allemagne d'une si grande et si légitime renommée, ont fait appel à
toutes les ressources de leur talent ; une cantate de la composition du
premier de ces deux virtuoses, œuvre d'un très-grand mérite, a été exé-
cutée à la solennité religieuse. De plus , plusieurs aubades ont élé don-
nées à M. Kriiger père par des musiques militaires; l'une d'entre elles
a exécuté une marche triomphale composée pour la circonstance par
M. Wieprecht, directeur des musiques de la garde du roi de Prusse.
**,(, A son retour de Saint-Pétersbourg, H. Berlioz s'était rendu à Nice
pour y prendre quelques semaines de repos. Dans une excursion à Mo-
naco, un grave accident lui est arrivé. 11 parcourait un site escarpé
d'où l'on avait une belle vue de la mer, inais que des rochers et des
travaux du chemin de fer, oîi le passage était interdit, rendaient fort dan-
gereux, lorsque le pied lui manquant, il tomba de toute sa hauteur sur la
tête. Etourdi par cette chiite, le célèbre compositeur resta quelque temps
évanoui et perdant son sang par une large plaie qu'il s'était faite au
front en tombant. Enfin des ouvriers du chemin de fer l'ayant aperçu.
le i-elevèrenl, et sur .ses indications, lorsqu'il fui revenu à lui, on le
transporta à Nice, où il reçut dans son hôtel tous les soins qu'exigeait
son étal. H. Berlioz est de retour à Paris depuis huit jours, mais encore
fort souffrant des suites de cet accident.
,^*,f On annonce pour après-demain mardi, au cirque des Champs-
Elysées, la troisième et dernière audition de l'oralorio de Duprez, le Juge-
ment dernier, dont nous avons rendu compte en détail.
^:*^ Une décision récente de M. le ministre de l'instruction publique
confère le titre et les insignes d'officier d'académie à M. Hurand, maître
de chapelle de l'église Saint-Eustachc.
^*^ Nous apprenons que l'un des beaux instruir.ents exposés en 1867
par la Société anonyme des grandes-orgues, Merklin-Schiitze, et qui ont
obtenu la grande médaille d'or, a été inau.ùuré mercredi l" avril dans
l'église Notre-Dame de Bergerac. M. Auguste Durand, notre éminent or-
ganiste de Saint-Vincenl de Paul, a été appelé expressément de Paris
pour faire entendre et valoir les qualités de l'instrument. Cet excellent
artiste a enchanté les nombreux auditeurs. M. d'Etcheverry, organiste de
Saint-Paul à Bordeaux, M. Paschali, organiste de la caihédrale de Péri-
gueux, et M. Massis, de Saint-Sernin, à Toulouse, ont été les dignes
partenaires de M. Durand dans cette belle séance musicale.
^*jf L'auteur des Légendes campagnardes, déjà connues (la Légende de
Saint-Nicolas, la Légende de la Pie, la Légende des Trois Bretons, la Lé-
ijcnde du. Péelicur, etc.), éditées par h Ménestrel, vient de publier chez
l'éditeur E. Gérard deux œuvres nouvelles : la Légende de Jean Renaud
et la Chanson Scandinave; et chez l'éditeur Ch. Grou, un recueil de huit
mélodies : la Départ, poésie de Victor Hugo; l'Aveu, d'IIippolyte Phili-
bert; Son Rêve, de François Coppée; Mademoiselle Ron:-on, d'Honoré
Maurard; Journée d'avril, d'Honoré Maurard ; ^'oici l'Aube, de Victor
Hugo; l'Aubade du Fiance, d'Olivier de Lafaye, et Loin d'elle, d'Hippolyte
Philibert. Nous recommandons à nos lecteurs ces œuvres nouvelles qui
portent le cachet artistique et original de celles qu'à déjà publiées notre
collaborateur Armand Gouzien .
,^*j, M. Dcldevcz, second chef d'orchestre à la Société des concerts du
Conservatoire, connu déjà par de remarquables pubhcations, vient de
faire paraître chez Richault un nouvel ouvrage qui se recommande de
lui-même aux artistes: •■ La Nolalion de la musique classique comparée
à la notation de la musique moderne, et de l'exécution des potiles notes
en général. » L'exécutant est bien souvent embarrassé lorsqu'il a à tra-
duire les innombrables ornements inusités aujourd'hui, et qui abondent
dans l'ancienne mu.sique ; le livre de M. Deldevez vient donc fort à pro-
pos faire la lumière dans ce chaos.
„*^ Nous signalerons à MM. les chefs des sociétés chorales une collec-
tion de chœurs très remarquables de M. Poil da Silva, que l'éditeur Ri-
chault fait paraître successivement. Ces choeurs, très-variés comme forme
et comme sujet, dénotent chez leur auteur une grande science dans la
manière de disposer les voix; ils devront, bien interprétés, obtenir de
grands succès. Nous avons aujourd'hui sous les yeux les trois premiers
qui viennent de paraître : Dieu le veuU Nous te chantons, ô nuit, la Citasse
aux lions.
»*,t On assure que les frais de l'exécution des fragments du Dante de
M. le duc de Massa, au Conservatoire, atteignent le chiffre respectable
de 30,000 francs.
,i,*ji. Le tribunal correctionnel d'Arras a rendu son jugement dans l'action
en dommages-intérêts intentée par la Société des auteurs dramatiques
contre la c Musique des amateurs », à l'occasion d'un concert dans lequel
plusieurs morceaux avaient élé exécutés sans autorisation. Sur les con-
clusions conformes de la Société des auteurs et du ministère public, le
président du cercle philharmonique dont il s'agit a été condamné en
SO francs d'amende, plus en o francs de dommages-intérêts par chaque
morceau chanté sans autorisation. Voilà un point de jurisprudence spé-
ciale rigoureusemenl, mais très-nettement établi.
,t*» L'illustre violoniste Joachim, qui, comme on sait, résidait à Ha-
novre avant la chute du roi Georges, son protecteur, s'est décidé à se
fixer définitivement à Berlin.
^^ Nous avons le regret d'annoncer la mort de M. Duponchel, une
des notabilités parisiennes les plus connues. M. Duponchel avait dirigé
l'Opéra de 1838 à 18i3, en second lieu de 1847 à 1849 et le Vaudeville
en 1860.
^*j Mlle Vitali, la cantatrice aimée des scènes italiennes, vient de
perdre sa mère, elle-même artiste remarquable, fort applaudie autrefois
en Espagne, en Russie, dans la Péninsule, alliée aux Fraschini, aux
Ronzi, aux Scalese, et qui avait parachevé l'éducation musicale de sa
fille.
,t*,^ On annonce la mort du pasteur Johannes Cotta , de WiUerstedt
près Weimar, auteur de la mélodie du chant national d'Arndt : Was ist
das Deutschen Vaterland ( Quelle est la patrie de l'Allemand?), si popu-^
laire dans les pays d'outre-Rhin.
ut; PARIS
H9
ÉTRANGER
^*^ Bruxelles. — En fait de nouveauté nous n'avons eu, depuis peu,
au Théâtre-Royal, qu'une représentation de Dm Carlos avec réduction du
prix des places à la moitié du taux ordinaire. C'est un essai que tentait
la direction et qu'elle renouvellera, car il a pleinement réussi. Il y a
des pièces où qui n'ont jamais fait ou qui ne font plus d'argent, on est
cependant obligé de les donner de temps à autre, lorsqu'il y a quelque
obstacle à ce que l'on puisse offrir au public un spectacle attrayant. Ces
jours-là, on ouvre les portes du tliéâli-e parce qu'on ne peut pas se dis-
penser de le faire; mais on est certain d'avance que la salle présentera
l'aspect d'une triste solitude. On s'est demandé si, en diminuant de
moitié le prix des places, on n'attirerait pas les personnes auxquelles un
médiocre état de fortune ne permet pas de s'accorder le nue de l'opéra.
Un public nombreux vient do répondre affirmativement à cette question.
On aurait fait 500 francs de recette au prix fort, on en a fait 3,000 à
prix réduit. Voilà donc une ressource dont il faudra user avec discrétion
seulement, afin de ne pas trop mettre le public en goût des représenta-
tions à bon marché. — Lundi, il y aura foule au Théâtre-Royal, et
cette fois il ne sera plus question de rabais, on élèverait plutôt le prix des
places. Mme Sass, qui vient nous donner une série de représentations,
commencera par C Africaine. 11 y aura une grande curiosité pour voir la
Selika désignée par Meyerbeer. Deux jours après aura lieu la première
représentation de La Jolie Fille de Perth.— Le mois prochain, les repré-
sentations du grand opéra, qui se prolongent habituellement jusqu'au !<"■
juin, cesseront au Théâtre-Royal. Le directeur a traité avec une troupe
italienne dont les représentations alterneront, pendant le mois de rciai,
avec celles de l'opéra-comique. C'est encore un essai auquel s'est décidé
l'entrepreneur en voyant que dans l'état actuel du répertoire et attendu
le peu de sympathie qu'aie public poul le personnel chantant en fonction,
le drame lyrique était complètement déserté. Les amateurs de bonne musique
viennent d'avoir l'heureuse chance d'entendre Mme Schumann et M. Joa-
chim dans une même séance. Les deux célèbres virtuoses ont été dignes
d'eux-mêmes, dignes de leur réputation, ce qui est tout dire. Deux
jours après, M. Joachim jouait au Concert populaire et faisait merveille,
comme toujours. Son apparition et celle de M. Rubinstein auront été,
cet hiver, les deux événements de la virtuosité à Bruxelles.
*** Londres. — Mario a fait sa rentrée à Covent Garden samedi der-
nierdans Rigoletto; on lui a fait un chaleureux accueil. — - A Drury-Lane,
la cantatrice américaine Mlle Kellog, s'est fait applaudir dans la Traviata,
et Mlle Sinicodans/i Trovalore. — Joachim a quitté Londres le 3 avril;
il retourne en Allemagne, et profitera de son passage à Bruxelles pour
y donner un concert. — Mme Lucca est attendue le 1"="' mai; elle n'est
engagée que jusqu'au 15 juin. — Louis Engel a donné un concert à pro-
pos duquel le Morning Post s'exprime en ces termes: « On ne se rend
compte des effets qu'on peut tirer de l'harmonium qu'en l'entendant
joué par un maître comme Engel, qui sait y produire des sons, d'une
variété et d'une richesse inouïes. Un public d'élite est venu samedi der-
nier rendre hommage à ce brillant talent; des compositions de Mozart,
Rossini, Chopin, Mendelssohn, d'Engel lui-même, ont été exécutées d'une
manière admirable par cet artiste éminent, et ce ne sont pas les der-
nières qu'on a le moins applaudies. » Le piano-harmonium, combinaison
d'un orgue d'Alexandre et d'un piano d'Erard, a fait un excellent effet.
— Le jeune violoniste belge Hermann Sternbei-g a obtenu un très-grand
succès dans un concert du Crystal-Palace en exécutant une fantaisie
de Vieuxtemps.
.jf*-ii Bade. — On commence déjà à s'occuper de la saison musicale;
après les représentations de la troupe de Carlsruhe, au mois de mai, le
théâtre appartiendra à celle de Strasbourg, sous la direction de M. Mutée.
Pour le mois de septembre, il es.t question de l'engagement des ténors
Niemann et Wachtel, du baryton Belz de Berlin, de la basse Schmidt
de Vienne, de Mlles Nilsson, de Murska, et Thellheim. Don Juan et le
Postillon de Lonjumeau seront donnés pour cette dernière et Wachtel.
Maria, la Sonnàmbula, la Favorita, Norina, Il Matrimonio segreto, compo-
seront le répertoire italien interprété par Steller et Mmes Fricci et Vol-
pini. Le mois d'août est réservé à la Comédie Française.
,^% Darmitadt. — Le 29 mars a eu lieu la première représentation de
Don Carlos ; l'œuvre de Verdi n'a réussi que médiocrement.
„*^, Sahbourg.— Le compositeur Henri Schnaubelt vient de remporter
un brillant succès avec son opéra Die Hose von Hallwyl ; il a été rappelé
après chaque acte et couronné à la fin de la représentation.
a,** Cologne. — Au prochain festival de la Pentecôte, qui sera dirigé
par Ferd. Hiller, on exécutera le Messie de Haendel, la cantate de la Pen-
tecôte de Bach, le huitièiue psaume de Mendelssohn, la neuvième sym-
phonie de Beethoven, une ouverture de Gade, une de Hiller, une sym-
phonie de Schuman et un concerto de violon de Joachim. Les solistes
sont Mmes Ilarriers-Wippern et Joachim, MM. Gunz, Sthmidt et Joa-
chim
^,*^ Berlin. — La troupe italienne, dirigée par Lorini, a terminé par
Norma ses représentations au théâtre Victoria.
*% Leipzig. — Le 2 avril a été célébré le vingt-cinquième anniver-
saire de la fondation du Conservatoire.
^*^ Kœnigsberg. — Le grand festival qui devait avoir lieu dans cette
ville à la Pentecôte est contremandé, à cause de la triste situation oii la
disette a plongé les districts orientaux de la Prusse.
.i*if, Vienne. — Mlle Ehnn, dans rAfricaine, obtient un succès qui fait
presque oublier sa célèbre devancière Mme Gompertz-Beltellieim; Adams
(Vasco) et Mlle Rabatinski (Inès) continuent à s'y distinguer à côté d'elle.
- L'un des vétérans de l'Opéra, le ténor Erl, vient de quitter la scène
après une honorable carrière de trente années. Il a fait ses adieux au
public dans lioberl le Diable, son opéra de début; les témoignages les
plus flatteurs de sympathie et d'estime lui ont été prodigués du com-
mencement jusqu'à la fin.
**^ Pragu'!. — Das Kcelhchen von Heilbronn, opéra nouveau de Moritz
Jaftë, a été donné pour la première fois le 25 mais. L'accueil qu'il a reçu
du public a été en général favorable, bien que quelque opposition se
soit manifestée à diverses reprises.
*** Venise. — La saison est terminée à la Fenice. La dernière repré-
sentation, composée de trois actes de l'Africaine et de fragments des
Vêpres sioitiimnes, n'a été qu'un long triomphe pour la prima donna
Lotti.
jis*^ Florence. — Roméo et Juliette, de Gounod, a été donné à la Per-
gola avec succès, malgré l'insuffisance de l'exécution.
CONCERTS ET AUDITIONS MSICÂLES ANNONCÉS.
Salle Herz, demain lundi à 8 heures V2 : cinquième concert d'A. Ru-
binstein, avec orchestre.
Salons Pleyel-Wolff, demain lundi : sixième séance populaire de musi-
que de chambre, donnée par MM. Lamoureux, Colblain, Adam et
Poencet, avec le concours de M. Fissot.
Salle Herz, mardi ii avril: concert du violoniste Fr. Console, avec le
concours de Mlle de Vriès. — Une tempête dans un verre d'eau, in-
termède.
Salons Pleyel-Wolfl, mercredi -15 avril : quatrièrne et dernière soirée de
musique de chambre, par MM. Maurin, Colblain, Mas et Demunck,
avec M. Camille Saint-Saëns.
Salle Herz, samedi 18 avril : concert du jeune Rendano, avec le con-
cours de Mlle Nilsson, de Gardoni et Delle-Sedie.
Salons Erard, lundi 20 avril : grand concert de M. Delaborde, pour
l'audition du piano à clavier de pédales d'Erard.
Salons Erard, mardi 21 avril : concert de Vivier.
Salons Erard, jeudi 23 avril : concert du pianiste Jacques Baur.
Salons Pleyel-Wolff, samedi 25 avril : concert de Mlle Leybacque.
Salons Erard, lundi 27 avril : concert de Mlle Octavie Caussemille.
s. DBFOUR.
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liECARPElVTIER. — Bagatelle sur le Stabat Mater. . 5 »
IiISTZ. — Cajas aiilmam, transcription 6 »
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VAI.IQUET. — Petit morceau très-facile 2 50
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Sept chants religieux à 4 voix net. 15 »
Sainte Marie, chœur du Pardon de Ploërmel. . 5 »
Pater noster, à 4 voix, du même opéra .... 4 »
Prière du matin, pour 2 chœurs à 8 voix ... 6 »
Prière pour 3 voix de femme, sans accomp . . . 3 •
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1 . Ave Maria, hymne à la Vierge, pour soprano,
avecaccomp.de hautbois, ad lib 3 »
2 . Ave Maria, solo pour contralto 3 »
3. Ave Maria, duo pour soprano et contralto,
avec accomp. de hautbois, ad lib 4 50
4. Ave vei'um, solo pour soprano 2 50
5. Ave regina cœlorum, duo pour soprano et
mezzo soprano 3 75
6. Inviolata, duo pour soprano et mezzo soprano. 3 75
7. 0 salutaris, pour soprano 3 »
8. Ave maris Stella, duo pour soprano et mezio
soprano 5 »
Les 8 numéros réunis : 10 fr. net.
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BOSSIJVI
STABAT MATER
1. Introduction .
, Air pour té-
nor ....
, Duo pour 2
soprani . .
. Air pour basse'i
ou ténor. .(
,. Chanir et ré-\
"• citatif. . A
6. Quatuor ■ ■ ■
„ Cavatine pour\
soprano . .i
„ Air et chœur\
' pour sopranoi
g Quatuor sans^
accompag..!
10. Chœur final}
Stabat Mater ....
La Vierge en pleurs .
Cujus animam
La douleur avec son glaive
Quis est homo
Où peut être la mesure. .
Pro peccatis
Fruits amers
Elia mater
Source d'amour
Sancta mater
Vierge, accorde-moi lagrâce
,Fac ut portem
G cœur noyé!
Inflamniatus
Par la flamme
iQuando corpus
!Que la croix me justifie. .
Amen
^Seigneur! Seigneur! . . .
5 »
3 75
3 75
3 75
3 75
5 »
3 i>
5 »
A. PAnrSEROIiT
Prière à Marie, cantique pour basse-taille, bary-
ton ou contralto 3 d
Le nom de Marie, cantique à 2 voix de femmes. 4 50
Invocation à Marie, cantique à 2 voix 2 »
0 salutaris, pour soprano ou ténor 2 50
Aqnus Dei, pour ba.'sse-taille, baryton ou contralto 3 »
Benedictus, pour basse-taille, baryton ou contralto 6 u
Mon unique espérance, pour soprano ou ténor,
avec accomp. de piano ou mélodium .... 5 >
Jésus vient de naître, cantique pour 2 voix. . . 4 50
B. PAMOCKA
Ave Maria, pour ténor ou mezzo soprano, avec
accomp. de piano ou orgue 3 »
0 salutaris, pour ténor ou mezzo soprano, avec
accomp. de piano ou orgue 3 »
Ti prego o Madré mia, prière pour mezzo soprano,
avec accomp. de piano 3 »
STADLER. — Deux motels et les quatre an-
tiennes à la sainte Vierge , à 4 voix,
avec accomp. d'orgue 7 bO
LABARRE. — Cantiqueà Alarie, chœur k3 voix S »
A. BINÉ. — 0 salutaris, p. soprano et chœurs 2 30
E. JONAS. — Osa/utarîs, pour ténor ou soprano 3 »
SÂLESSES. — 0 salutaris, 3 v., solo et choeur 3 »
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REVUE
19 Avril 18<;8.
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Paris. 24 r. par an
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Étranger 34 n td,
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra - Comique ; Mademoiselle Sylvia,
opéra-comique en un acte, paroles de M. Narcisse Fournier, musique de M. Samuel
David, par Paal Bernard. — Théâtre de l'Athénée : Fleur de Thé, opéra-
bouffe en trois actes, paroles de MM. Chivot et Duru, musique de M. C. Lecocq.
— Le concours d'opéra. — La musique religieuse à Paris pendant la semaine
sainte, par Em. Hatliiea de Monter. — Entrefilets — Concerts et
auditions musicales de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. —
Nouvelles diverses. — Concerts et auditions musicales annoncés. — An-
nonces .
THEATRE IBIPÉRIÂl DE L'OPÉRA-COIIOUE.
MADEnOISEIiliE STIitlA,
Opéra-comique en un acte, paroles de M. Narcisse Foubnier,
musique de M. Samuel David.
(Première représentation le 17 avril 1868.)
M. Samuel David fait partie de la série des pri.K de Rome pour
lesquels MM. Ritt et de Leuven ont prononcé le fiât lux de la
rampe.
C'est un droit, répondra t-on, pour MM. les lauréats de l'Insti-
tut de faire représenter un acte sur la scène subventionnée de
rOpéra-Coinique. Le cahier des charges en fait foi.
Mais il est si facile, dans la comédie qui se passe derrière le ri-
deau, si facile à MM. les directeurs d'éluder ce droit par mille
petits moyens, qu'il faut savoir gré à MM. Ritt et de Leuven de
leur paternelle initiative à l'égard des jeunes compositeurs chargés
des palmes de l'école.
L'année dernière M. Massenet s'était déjà montré digne de cette
faveur directoriale; cette fois encore, M. Samuel David a donné
raison à i;ette bienveillante hospitalité en tenant fort honorable-
ment le drapeau de la jeune garde.
Le nom de David a toujours été très-bien porté en musique,
témoin le roi de ce nom dont la puissante harpe, si l'on en croit
les traditions, savait se faire entendre du Ciel même, témoin, pour
en chercher un exemple plus terrestre et surtout plus récent.
Félicien David et ses riches œuvres consacrées. Le nou-
veau David, élève d'Halévy , croyons -nous, ne semble pas
vouloir s'inspirer de ses homonymes. Moins poëte que le roi-pro-
phète, moins coloriste que Félicien, il paraît se complaire dans
ces sentiers battus qui appartiennent à tout le monde, mais qui
cependant ne manquent pas d'un certain charme, parce qu'on
y rencontre toujours le frais bluet et le brillant coquelicot. Nourri
d'une assez forte dose d'études sérieuses, M. Samuel David montre
dès les premières mesures de son ouverture qu'il sait manier l'or-
chestre et tailler un morceau de musique. Plus tard, quand les
vois chantent, il prouve aussi qu'il sait écrire pour elles, et même
les faire briller à l'occasion. Cependant ces diverses qualités laissent
l'auditeur un peu froid. Cela tient peut-être à ce que la personna-
lité du jeune compositeur n'est point encore accusée. Les for-
mules de l'école surnagent encore sur le courant de son imagi-
nation et entravent des idées qui ne demanderaient pas mieux
que de s'élancer. Apprenez, sachez, mais oubliez ensuite. La science
porte forcément ses fruits, et le travail accompli est une richesse
acquise.
L'ouverture est une des parties réussies de l'œuvre. Conduite
avec une certaine autorité elle fait défiler plusieurs motifs, tous
charmants et pleins de finesse. Pendant qu'elle se déroulait je cher-
chais une analogie, car l'imagination humaine se nourrit de com
paraisons, et j'ai pensé à Auber.
Dans une romance de ténor, chantée dans la coulisse, dans une
ariette de Mlle Séveste, j'ai remarqué de jolis accompagnements
d'orchestre. Un duelto des deux femmes nous offre une valse
syllabique qui plaira certainement beaucoup. Il faut citer le grand
air de Mlle Girard, très-bien fait d'un bout à l'autre, et dans lequel
un fort joli motif se présente sur ces deux vers :
Oui, je sais plus d'un visage
Qui rajeunit tous les ans.
Cet air renferme aussi un fort long et très-intéressant point
d'orgue, que Mlle Girard a parfaitement enlevé, et qui lui a valu
des applaudissements bien mérités. Citons un petit quatuor sylla-
bique, très-court, mais très-fin. Peut-être l'a-t-on rencontré quel-
que part? N'importe, c'est pimpant, frais et gracieux. Citons en-
core un mélodrame renfermant une jolie phrase par les altos et
le quatuor final présentant un bel ensemble.
122
rnEVUË ET GAZETTE MUSICAL li'
Maintenant je i^^'apérçois, un peu tard, que j'ai manqué à totjs'
mes devoirs envers M.' Narcisse Fournier, en ne racontant pas Te'
poëme dont il est l'auteur.
En deiix mots, voici ce dont il s'agit :
Mlle Sylvia est la première chanteuse de la Comédie italienne. —
JlUe Camille est sa rivale en amour, mais non pas en talent; toutes
deux jettent leur dévolu sur le neveu d'un riche marchand,, et
ce dernier vient, jusque chez elles résolue à le leur disputer.
Toutefois, pour l'arracher à l'une, il le jette dans les bras de l'au-
tre, qui se fait épouser. Tout ceci n'est ni bien logique, ni bien
neiAf,_ mais en(in MHq. ^ylvia.-tciomplie sur toute Ja ligne, et, si
voas le trouvez, bon, la cause est entendue.
L'interprétation de ce petit ouvrage, assez innocent comme
poëme, très-honorable comme musique, est très-brillante do la part
defMlle Girartk, trèa-suflisaute de la part de Mlle Sevcste, très-^
méritante de la part de M. Natlian, contestable de la part de
M. Leroy, qui veut parfois se donner des airs de premier ténor
en faisant des demi-teintes exagérées ou des éclats de voix allant
jusqu'au chevrotement. Je ne sais pourquoi cela m'a rappelé.. la.
Grenouille et le Bœuf. Pardonnez-moi d'avoir de telles distractions
et de penser à une fable de la Fontaine en assistant à un opéra-
comique de M. Narcisse Fournier.
Paul BERNARD.
THEATRE DE L'ATHÉNÉE.
FEiEUB DE TUÉ,
Opéra-bouffe en trois actes, de MM. Chivot et Dunu, musique de
M. Charles Lecogq.
(Première repriisentation le 11 avril 1808.)
Nous venons d'assister à la représentation d'une œuvre de la-
quelle datera certainement une ère nouvelle pour l'Athénée.
Fleur de Thé va faire prendre délînitivement au public le chemin
de ce théâtre. Nous en avons pour garant l'accueil qu'on lui a
fait les premiers soirs, non-seulement pour la musique qui
est charmante, mais aussi pour les paroles qui sont aussi gaies
que spirituelles.
Fleur de Thé est une jeune Chinoise qui, pour échapper à une
poursuite indiscrète, se réfugie dans un débit de consolation tenu
par le couple Pinsonnet, dans n'importe quelle ville de l'empire
du milieu. Elle est reçue par Pinsonnet qui la cache au tond
de sa cantine, en l'absence de sa femme. Mais elle a été vue et
dénoncée ; aussi voyous-nous bientôt survenir le papa Tien-Tien,
un mandarin de première classe, s'il vous plaît, suivi de son futur
gendre, le capitaine des tigres Ka-o-Lin; Désiré et Léonce, c'est
tout dire. Or, il existe en Chine une satanée loi du Tsinn, d'après
laquelle tout homme qui a vu une jeune iille sans voile est con-
damné à l'épouser ou à subir le supplice du pal. Tien-Tien pro-
cède donc à l'enlèvement sommaire de Pinsonnet, l'emmène chez
lui, et lîi il lui pose le dilemme ci-dessus. De ces deux maux, le
mariage ou le pal, Pinsonnet, au mépris de ses liens antérieurs
n'hésite pas à choisir le moindre, d'autant plus que la loi chinoise
l'autorise à prendre des femmes de luxe et il destine cet emploi à
la sienne.
Sur ces entrefaites, celle-ci apporte au mandarin Tien-Tien un
panier de Champagne, et retrouve Pinsonnet sous ses brillarrts ha-
bits de noce. Explication orageuse s'il en fut; Pinsonnet affirme
qu'il n'a cédé qu'à la nécessité, et, pour preuve de ses bonnes
intentions, il apprend à sa Césarine qu'il a juré au capitaine
Ka-o-Lin de respecter son ex-fiancée. Au fond, Césarine ne tient
pas à ce qu'on empale son mari, mais elle a peu de confiance
dans ses promesses, et elle s'arrange de façon à li-eraplacer Fleur
de'Thé pendant la nuit, où tous les chats" sont gris. Nous ne di-
rons rien de l'explication qui en résulte, le lendemain, entre les
deux époux; elle est trop délicate et, pour la classifier, ' il faudrait
transcrire toute une scène qui est, sans contredit, la plus piquante
de la pièce. Toujours est-il que là situation de Pinsonnet n'en èsf
pas moins perplexe. Car, en apprenant la substitution qiiî'à' eu
lieu, le mandarin Tien-Tien assemble le conseil -des- cinq, et il in-
■ forme son gendre d'occasion que ce conseil, à l'unanimité moins
quatre voix, l'a condamné à périr sur le pal. «Il est juste, ajoute-t-il,
que, puisque tu as apporté le ti-ouble dans mon intérieur, tu subisses
une peine analogue.» Heureusement que Césarine le tire de ce
mauvais pas en grisant le mandarin et tous ses gens avec son
panier de Champagne, et en appelant à son aide les marins fran-
çais qai son]; dans le port, et qui emportent Pitisonnet îi la bpVbe
de Tien-Tien, son beau-père.
Comme on voit, ce sujet n'est pas tout ù fait du domaine de la
pure fantai,sie; i) a presque sa raison d'être, il touche par cer-
tains points à Ja bonne comédie, et il n'a d'excentrique que l'al-
lure prêtée aux deux personnages du mandarin et de son gendre,
le capitaine des tigres. Mais aussi, quelles excellentes caricatures!
■quels délicieux magots de paravent! quelles heureuses trouvailles
de mots qui portent! Ce mélange du réel et de l'impossible, adroi-
tement ménagé, ouvre un nouvel horizon au genre bouffe, dont les
exagérations commençaient à passer de mode. ;
La musi(|ue de Fleur de Thé est de M. Charles Lecocq, un jeune
compositeur de beaucoup d'avenir. Il y a quelques années que le
directeur des Bouires-Parisiens ayant mis au concours une opé-
rette, le Docteur Miracle, M. Lecocq remporta le prix ex œquo avec
M. Georges Bizet, el les partitions de ces deux messieurs furent
exécutées alternativement. Celle de M. Lecocq se distinguait par
d'heureuses et fraîches mélodies, présentées finement et rehaussées
par une habileté harmonique peu commune chez les débutants.
Depuis ce temps, M. Lecocq, travailleur consciencieux, a fait en-
core de notables progrès, et nous pouvons affirmer que son tler-
nier ouvrage a réalisé toutes les espérances que le premier avait
fait concevoir. En prenant soin de se conformer à l'exemple de
ses collaborateurs, il y a mêlé, à doses égales, la grâce et l'ingé-
niosité comique, sans cesser d'apporter une importance extrême à
son orchestration, dont les moindres détails sont caressés avec un
charme plein de tact et de délicatesse. Dans le nombre des mor-
ceaux qui ont été le plus applaudis, nous citerons la Chanson de
la Cantinière, très-fraîche et très-vive, la Chinoiserie du mandarin :
Je suis clairvoyant comme ^m sphinx, où l'effet bouffe est accentué
par l'immixtion originale du capitaine des tigres; ces couplets, très-
bien réussis, ont été redemandés par toute la salle. Au deuxième
acte, les couplets de Ra-o-lin : Je suis né dans le Japon, chantés
par Léonce sur le ton d'une confidence à mi-voix, ont eu le même
honneur. On a fait fête également au joli air de Césarine : En tous
pays. Le troisième acte, qui est le plus complet au point de vue
musical, renferme surtout deux morceaux qui ont exercé la plus
décisive influence sur les excellentes dispositions du public : d'abord
un duo, dans lequel sont intercalés des couplets fort agréablement
tournés et redemandés avec acclamation ; puis la Ronde du Cli-
quât, brillant feu d'artifice qui termine dignement cette partition
vraiment remarquable.
De même qu'au compositeur, nous n'avons que des éloges à
donner à ses interprètes. 11 serait superflu d'insister sur la phy-
sionomie éminemment drolatique que les deux compères. Désiré
et Léonce, ont su prêter à leurs personnages du Mandarin Tien-Tien
et du capitaine des tigres, Ka-o-Lin, ils sont coutumiers du fait,
mais jamais peut-être ils n'ont rencontré de rôles mieux adaptés à
leurs moyens. Le débutant Sytter, qui joue Pinsonnet, possède
; DE PARIS.
123
une voix des plus sympalhifiues, et s'en sert en bon musicien :
dès les premières notes, il a été traité comme un enfant de la
maison, et son succès a été en grandissant jusqu'aux couplets :
Ensuite, dans la nuit obscure, qu'on lui a fait bisser, et à la chan-
son ù boire qu'on a aussi redemandée. Mlle Irma Marié porte fort
liien riiabit de vivandière, et le rôle de Césarine ne lui convient
pas moins comme cantatrice que comme comédienne. Enfin,
Mlle Lucie Cabel est une séduisante Heur de thé, dont les attraits
justifient à merveille la jalousie de Ka-o-Lin et la perfide duplicité
de ce scélérat de Pinsonnet.
Rien de plus étincelant que la mise en scène de cette pièce ;
tous les décors sont neufs, tous les costumes, dessinés par Draner,
sont taillés dans la soie et le satin. Quant à l'orchestre, il est
mené par M. Bernardin avec infiniment d'entrain et de goût.
D.
LE CONCOURS D'OPÉRA.
La Commission instituée par le ministère de la maison de l'Em-
pereur (1) pour juger les ouvrages envoyés au concours vient
d'adresser son rapport au maréchal Vaillant, ministre de la mai-
son de l'Empereur et des beaux-arts. En voici la reproduction
d'après le Moniteur :
Monsieur le ministre,
Cent-soixante-huit concurrents avaient répondu à l'appel fait par Votre
Excellence dans son arrêté en date du l'"' noùt 1867 ; le jury d'examen,
nommé par les concurrents eux-mêmes , s'est donc trouvé en présence
de cent-soixante-huit manuscrits.
Il a tout d'abord procédé à une élimination première, écartant, parmi
les œuvres qui lui étaient proposées, celles qui, par la nature du sujet
choisi, ou par la façon dont ce sujet avait été traité, marquaient cer-
tainement qu'elles ne pouvaient entrer en ligne et disputer le prix.
Ce travail, qui a été extrêmement long, s'est fait tout enfier en com-
mission, et aucun poëme n'a été rejeté sans qu'il ait été lu en séance,
sans que tous les membres préseuls aient été appelés à statuer sur son
exclusion .
Cette épuration sommaire a laissé aux mains du jury dix-sept poèmes
d'opéra, qui lui ont semblé mériter, à divers titres, une attention par-
ticulière.
11 s'est ensuite livré à un second travail d'élimination et n'a gardé,
après un minutieux examen, que cinq ouvrages dont la supériorité lui a
paru tout à fait évidente.
C'est donc autour de ces cinq manuscrits, que s'est engagée la lutte
définitive.
Les concurrents ont exprimé le désir que la Commission, en même
temps qu'elle désignerait l'œuvre du vainqueur, nommât celles qui
avaient le plus approché du prix, et leur assignât des rangs. La Com-
mission n'a cru devoir déférer qu'à la première partie de ce vœu. 11 lui
a semblé difficile, pour ne pas dire impossible, de marquer un rang à
des œuvres qui s'étaient également recommandées à son attention par
des mérites fort divers; elle s'est donc arrêtée à l'ordre d'inscripfion,
pour présenter à Votre Excellence les quatre poëmes qui ont partagé
l'honneur de cette dernière lutte. Ce sont :
Le n" 61 , avec cette épigraphe :
« Pour faire un opéra cherche: d'abord un drame. »
Le n° H8, avec cette épigraphe :
/i( cédant vêlera ;
Nova sint oinnia :
Corda, voces et opéra.
Le n" 142, avec cette épigraphe :
Ausa et jacentem viserc regiam.
Vultii sereno, fortis et asperas
Tractare serpentes.
Le n" 164, avec cette épigraphe :
« Sut) judico lis est. »
(1) Cette Commission, nommée au scrutin secret par les concurrents,
était composée de MM. E. Perrin, directeur de l'Opéra, Gounod, Félicien
IJavid, Ambroisc Thomas, Emile Augier, Théophile Gautier, Paul de
Saint-Victor, F. Sarcey et Victor Massé.
Le n» Gl a, semblé à la Commission une pièce très-intéressante d'un
bout à l'autre et fort bien coupée pour la musique, mais elle satisfait
plutôt aux conditions dont se contente l'opéra-comique qu'à celles qui
sont exigées pour le grand opéra. La complication de l'intrigue nécessite
des développements qui ne pourraient guère être compris sans l'inter-
vention du dialogue. Le caractère de l'œuvre n'a point as.sez d'ampleur
pour une scène de proportions aussi vastes que celle de l'Opéra, et le
jury, en repoussant ce poème, pense qu'il aurait des chances ail-
leurs.
_ Le n" 142 est au contraire une œuvre d'un caractère élevé. Les situa-
tions en sont grandioses, et les vers, qui sont d'un vrai poète, ont sin-
gulièrement frappé le jury par l'éclat do la forme et Ja pui,s.sance de
l'harmonie : c'est un opéra du genre de ceux qui ont reçu autrefois le
nom de tragédie lyrique, et il pourrait soutenir la comparaison avec les
modèles que nous possédons en ce genre.
Diverses considérations ont déterminé le jury à ne point le couronner.
Le sujet, qui est héroïque, n'est point susceptible d'un intérêt bien vif;
l'un des deux principaux personnages disparaît au .second acte, et la
pièce s'achève sans lui. Le troisième acte est insuffisant, et sur tout
l'ouvrage est répandue une teinte uniforme de majestueuse douleur qui
pourrait, à la longue, fatiguer le public.
Le n° J18 et le n° 164 sont d'un caractère tout différent. Ce n'est plus
la tragédie lyrique, avec sa dignité sévère; c'est le drame, avec ses
grands mouvements de scène et ses péripéties terribles.
Le n" 118 toucherait même au mélodrame, et c'est une des raisons
qui l'ont fait écarter. Le sujet, tiré de l'histoire de Norwége, est très-
dramatique, exposé avec une rare vigueur et une clarté parfaite. 11 avait
tout d'abord plu au jury par une idée de finale qui termine le premier
acte d'une façon magnifique et à la fois pittoresque, par une situation
ingénieusement amenée et fort touchante au second ; mais le troisième
acte n'a point paru à la hauteur des deux autres, et la couleur mélo-
dramatique, répandue sur l'œuvre tout entière, en a décidé le rejet.
Le n° 164 est, au jugement de la Commission, une œuvre remarquable.
La grandeur du sujet, qui est tiré de l'histoire de Russie, la simplicité
et la rapidité avec lesquefies l'action est conduite, la vérité des coups de
théâtre, l'habileté singulière de l'auteur à préparer au musicien et des
caractères bien dessinés et des situations oii s'opposent les passions les
plus violentes, tout dans ce livret a frappé le jury, qui n'a fait que de
rares objections.
Peut-être eùt-il remporté le prix proposé par Votre Excellence, si nous
n'avions rencontré un poëme qui, du premier coup, a réuni tous les
suffrages et nous a paru hors ligne.
«C'est celui qui a pour titre : la Coupe du roi de Thulé.
Le mérite de ce poëme, que nous proposons à Votre Excellence de
couronner, est tout à fait supérieur. La légende, qui est par elle-même
très-poétique, eît mise en œuvre avec une grâce originale. C'est une
succession de tableaux faciles à comprendre, charmants à mettre en
scène et qui naissent tout naturellement d'une action simple et attachante-
la fantaisie du compositeur aura à s'exercer, soit qu'il préfère ce que
l'amour a de plus tendre, ou la rêverie de plus mélancolique; une cou-
leur blonde et lumineuse est répandue sur toute l'ceuvre, et les' vers sont
d'une facture très-pittoresque et d'une rare élégance.
La Commission propose, tout d'une voix, à Votre Excellence d'attribuer
à l'auteur de ce livret le prix du concours.
Elle a présenté quelques critiques qui ne portent, il est vrai, que sur
des points secondaires, mais qui n'en ont pas moins leur importance.
Ces observations seront communiquées à l'auteur par le directeur de l'Opéra
au nom de la Commission.
La Commission, avant de terminer ce rapport, éprouve le be.soin de
témoigner à Votre Excellence le plaisir qu'elle a ressenti d'un résultat
qui passe son espoir.
Elle n'a point encore, au moment où elle vous adresse ce rapport,
connaissance des noms de ceux qu'elle a distingués; elle se féliciterait
que ce fussent des jeunes gens encore inconnus, que ce premier succès
encourageât à composer d'autres œuvres.
Elle ne croirait pas, si elle avait le bonheur de susciter ainsi quelque
vocation qui s'ignore peut-être, avoir perdu les longues heures que lui
a coûté cet examen, et elle s'applaudirait d'avoir rempli les généreuses
intentions de Votre Excellence.
Nous sommes avec respect, Monsieur le ministre, de Votre Excellence
les très-obéissants serviteurs.
Pour les membres de la Commission :
Le membre rapporteur, Francisque Saucey.
La Coupe du roi de Thulé a pour auteurs MM. Louis Gallet et
Edouard Blau, deux jeunes gens, dont l'un, M. Louis Gallet, a
publié de jolies poésies dans l'Artiste.
M. Edouard Blau est connu au théâtre par une charmante say-
nète, le Chanteur florenlin, composée en société avec M. Alfred
124
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Blau, son cousin, mise en musique par M. Duprato, et jouée, le
20 novembre 1866, non sans succès, aux Fantaisies-Parisiennes,
pour les débuts de Mlle Pcyret.
L'auteur du poëme qui a obtenu la première mention honorable
est M. Chantepic. Le poëme choisi va être immédiatement im-
primé, et dès qu'il le sera, les musiciens concurrents seront avisés.
U inSIQDE RELIGIEUSE Â PARIS
Pendant la semaine sainte.
Les Sept rarolcs du Christ, oratorio de M. Th. Dubois. — Stabat, de
Palestrina, exécuté par plusieurs sociétés chorales. — Messe solennelle,
de François Schwab, à Saint-Eustache. — La Création, d'Haydn, exé-
cutée par le Lieder-Kranz de Paris.
Nous signalions, dimanche dernier, l'importance du concours em-
prunté, cette année surtout, à la musique par les cérémonies hthurgi-
aues de la semaine sainte, dans les églises de Paris, ainsi que la ten-
dance de plus en plus accentuée dos jeunes compositeurs a s inspirer
des traditions du grand art religieux et à écrire ou diriger des œuvres
de musique sacrée. Parmi tant d'exécutions présentant toutes, a des de-
grés différents, un véritable intérêt artistique, je dois choisir et ne parler
nue de celles qui ont vivement sollicité l'attention publique. L impres-
sionnable population parisienne, en effet, recueillie à ses heures, a
toujours montré une prédilection particulière pour ces solennités qui re-
disent avec l'éloquence et l'autorité du génie lyrique, les funèbres pcn-
péties'du drame de la Passion, que racontaient à nos ancêtres la langue
naïve des Mystères et le jeu convaincu de leurs interprètes.
*
C'est ainsi qu'une affluence énorme de personnes appartenant à toutes
les classes emplissait le samedi saint léglise de Saint-Roch, pour assister
à l'exécution du Stabat de Palestrina. Oui, en vente, deux cents orphéo-
nistes environ et un certain nombre d'enfants de chœur, recrutes, les
uns parmi les sociétés chorales parisiennes de fondation récente, les au-
tres dans les maîtrises de paroisses, ont tenté, sous la direction mtrepule
— ic ne veux pas dire téméraire - de mon-^ieur Bleuse, l'exécution de
cette œuvre immense en sa simplicité, qui pleure les désolations mysti-
aues d'un peuple agenouillé sous la main de Dieu. L effet produit a
Saint-Roch n'a pas été précisément aussi grandiose qu on 1 espérait. On
n'entendait là qu'un écho bien amoindri et presque défigure de la Sixtine
ou de Saint-Jean-de-Latran. Dans ces voix où l'accent parisien perçait,
sous les paroles latines, avec par trop de sans-gène, on ne retrou\ait m
l'élévation ni la mélancolie de l'Oraison extatique. Dans les hésitations,
les ignorances, les lacunes de l'exécution, je dois à la vente, nen qua
la vérité d'avouer que l'on avait quoique peine à reconnaître cette mu-
siaue grande et touchanta, féminine ot religieuse k la fois, qualifiée de
sublime par les maîtres de tous les temps, et que l'on croirait notée au
fond d'un couvent soUtaire, après de longues rêveries et d austères pé-
nitences.
A. part même l'habitude de la musique religieuse, l'exécution de celle
de' Palestrina exige des qualités peu familières, en général, aux sociétés
chorales Les forte doivent être chantés ptenâ voce, mais sans efforts; les
piano, doux, mais clairs; les crescendo et decrescendo agences sans
secousses ni saccades; les notes franchement attaquées et bien soutenues;
les sons enchaînés, de telle sorte que l'on puisse croire que le Slabat
presque tout entier est chanté d'une seule émission et d'une seule respi-
ration. Certainement, tout cela a été expliqué aux exécutants par leurs
directeurs Alors, pourquoi l'interprétation dont je rends compte, accom-
pagnée contre toutes les traditions, de l'orgue du chœur jouant au grand
jeu n'a-t-elle pas eu ce mouvement égal et modéré'? Pourquoi a-t-
elle manqué de cette expression de simplicité, de noblesse et d'onction
qui communique à l'iivmne de Palestrina quelque chose de réellement
surnaturel? Pourquoi? "C'est qu'il y a de certains chefs-d'œuvre consa-
crés par l'étude et par l'admiration respectueuse des siècles auxquels il
ne faut pas toucher impunément et sans préparation spéciale; sans aucun
doute il est bon d'initier les Orphéonistes à la majesté de la musique
sacrée, mais, des sentiers faciles et battus de leur répertoire habituel,
vouloir leur faire atteindre aux sublimes hauteurs de Palestrina, l'entre-
prise était trop hardie pour réussir, même avec la collaboration d'un
hasard heureux. En choisissant une œuvre d'interprétation moins pé-
rilleuse, on aurait donné une plus « précieuse indication » du savoir et
du talent de • ces forces artistiques inteUigentes, » et la caisse de bien-
fa'sance des sociétés chorales n'y aurait rien perdu, à la condition, toute-
fois, de ne pas confier à l'Harmonie de Montmartre le massacre, à coups
de cornet à pistons, de la Marche religieuse de Wagner , qui ne méritait
pas ce supplice, même en temps de semaine sainte!
N'importe! C'est là une tentative digne d'encouragement et dont l'idée
première fait honneur à l'infatigable et féconde énergie d'Eugène Dela-
porte, le seul homme qui, à ses risques et périls, ait, depuis quinze ans,
constamment entraîné les .sociétés chorales sur la route du nouveau, à
la recherche de l'inconnu, à la découverte du progrès. Pour arriver à
l'interprétation raisonnée, régulière, convenable de la grande musique sa-
crée, nos orphéons français ont tout, l'expérience exceptée. Il ne faut dés-
espérer de rien, toutefois, dans le domaine du chant choral populaire,
lorsque l'on entend, comme lundi dernier par exemple au Grand-Orient,
les membres du Lieder-Kranz parisien exécuter la Création d'Haydn avec
une largeur, une intelligence, un fini de détails qui ont profondément
impressionné l'auditoire. A la bonne heure! Comprendre ainsi les maî-
tres, c'est se montrer dignes de les traduire et de s'éclairer d'un rayon
de leur gloire !
*
* *
La Messe solennelle avec chœur, accompagnement d'orgue et quadruple
quatuor à cordes, que M. François Schwab a fait exécuter, pour son début
à Paris, le jour de Pâques, sous l'habile direction de M. Hurand, à Saint-
Eustache, est tracée sur le plan régulier et traitée dans la forme clas-
sique des œuvres anciennes. On n'y trouve rien qui révèle un esprit avide
d'effets nouveaux. Le h'yrie est un véritable et excellent andante religioso.
Dans le Gloria, qui débute en fa, et avec grand chœur, suivant les tra-
ditions, sans précipitation de mouvements, toutefois, on remarque l'heu-
reuse conduite des phrases, la bonne prosodie du latin : le Oui tollis et
le Suscipe sont peut-être un peu courts, mais la messe étant « brève » n'ad-
met pas de répétitions de texte; le Quoniam termine le morceau par
la reprise en ré majeur du premier motif fugué à l'Amen, mais seu-
lement par imitation, sans sirette ni croisement de contre-sujet. Le
Sanctus commence très-bien : les voix d'hommes y répondent aux so-
prani avec une symétrie habituellement agencée sur le Pteni sunt, qui se
termine ainsi en tutti par une belle cadence plagale. Un 0 Salutaris, de
l'auteur de la messe, d'un excellent style, a été parfaitement chanté par
Agnesi. La voix de soprano ou celle de ténor conviendrait mieux, ce me
semble, au caractère de ce morceau. VAgnus Dci est en ré mineur,
comme le Kyrie, duquel il participe beaucoup. En résumé, cette œuvre,
un peu concise pour une mes.se aussi solennelle que celle de Pâques,
pre-sque dépourvue de soli, est recommandable par sa conduite expéri-
menlée, sa simplicité, sa sobriété de modulations, son sentiment religieux
très-élevé. Je félicite notre ami et collaborateur Fr. Schwab de ce début
d'heureux augure : il a fait preuve de qualités qui ne larderont pas à
se produire sur une scène et dans un genre moins austères. Les livrets
ont tout à gagner à être confiés aux mains des compositeurs de ce
métal.
Pour l'exécution à Sainle-CIotilde des Sept Paroles, mises en musique
par M. Th. Dubois, ancien prix de Rome, maître de chapelle de cette
église aristocratique, le chœur, plus que triplé, avait pour solistes
MM. Villarct et Caron. Œuvre excessivement travaillée, irréprochable,
uni.ssant, comme le Slabat de M. Bourgault-Ducoudray, toutes les res-
sources de la science de l'orchestration et des voix, toute la magie du
coloris harmonique moderne, à une connaissance, à une possession trop
complète peut-être de l'antique. C'est admirablement vieux comme con-
ception, c'est ravi.ssamment jeune comme exécution, mais j'y cherche
en vain Vindicidualité. Je ne saurais mieux comparer cette musique
pseudo-archaïque, éclectique, de transition, et par cela même exerçant
une séduction véritable, qu'à un vénérable motif d'Haydn habillé à la
mode de 1835 sur la coupe d'un bon Reicha, d'un Lesueur solennel et tout
brodé, .soulaché, enguirlandé, constellé des ornements, des bijoux, des
fanfreluches de tous styles de noire époque féconde en passementeries et
en galons. Combien mieux je préfère ces pensées achevées, qui n'ont pas
même besoin d'être élégamment vêtues, puisqu'il leur suffit pour plaire
d'être finies, c'est-à-dire belles ! La situation de l'âme qui les a eues se
communique aux autres âmes, y transpoile sa grandeur, son recueille-
ment et i-oa repos.
Ce mouvement de rénovation de la musique sacrée est un événement
artistique de la plus haute importance pour l'avenir, mais il menace
d'être infécond si les jeunes maîtres imitent trop ceux qui leur agréent
le plus parmi ceux d'il y a un siècle ou parmi ceux d'aujourd'hui.
Qu'ils se contentent de les sentir, de les pénétrer, de les admirer. L'im-
portant, l'es-sentiel, en musique religieu'-e surtout, est d'être soi-même,
de faire son choix dans ses propres instincts, d'avoir le naturel et la
sincérilé de ses sentiments; d'y joindre, ce qui est plus difficile, l'éléva-
tion, la direction, s'il se peut, vers quelque but haut placé, car l'idée
divine ne nous donne que ce qu'elle reçoit de nous ; et, tout en parlant
sa langue, tout en écrivant sa musique à soi et non plus celle des au-
tres à la sienne mêlée, tout en subissant les conditions de l'époque où
l'on est jeté et où l'on puise sa force comme ses défauts, le profitable
serait de se demander, de temps en temps, le front levé vers les collines
et les yeux attachés au groupe des maîtres vénérés des âges de foi, vé-
nérés jusqu'à l'admiration, mais non pas jusqu'au pastiche : Que diraient-
ils de moi? Que penseraient-ils de nous?
Em.-Mathieu de monter.
DE PARIS.
123
Parmi les récréations à la mode dans les salons du grand monde, il en
est une des plus amusantes qui, après avoir conquis sa réputation d'ori-
ginalité et d'esprit dans les cercles d'artistes, s'est peu à peu propagée
dans la haute société où elle est fort goûtée : nous voulons parler des
pupazzi de Lemercier de Neuville. A la fois auteur dramatique, poëte,
dessinateur, sculpteur, architecte, Lemercier de Neuville a appliqué toutes
ces heureuses facultés à l'édification de son œuvre. Seul, il a construit
son théâtre, il l'a décoré, il l'a machiné, il a frabriqué ses acteurs, il a
composé leur répertoire et il en joue les rôles multiples avec un naturel
et une finesse d'observation surprenants. Nous assistions cette semaine à
une des dernières soirées qu'il donnait dans le salon d'un de nos princi-
paux éditeurs de musique, avant son prochain départ pour les villes
d'eaux, et nous doutons qu'aucune représentation théâtrale bouffe eût
amusé plus que celle-ci un auditoire qui se composait en majeure partie
de notabilités artistiques et littéraires. Madame Benoîion chez elle. Mon
Village, fine actualité en vers. Madame Benoîton indisposée, et surtout la
galerie des Masques et Visages, où parlent et agissent avec une ressem-
blance frappante de visage, d'organe et de gestes les célébrités politiques,
du barreau ou du théâtre : Emile Olivier, Thiers, Girardin, Lachaud,
Jules Favre, Arnal, Méiingue, etc., etc., n'ont pas cessé un instant de
captiver l'attenlion ou de provoquer le rire. 11 était 1 heure 1/4 qu'on
applaudissait encore avec autant de chaleur et d'ensemble qu'au début
de la soirée.
M. Lemercier de Neuville a eu l'heureuse idée de s'attacher un excel-
lent musicien, M. Roques, qui exécute entre les scènes des pupazzi des
morceaux de danse composés exprès et qui ont fait grand plaisir. — Nous
disions que plusieurs de nos éminents artistes assistaient à cette réunion ;
ils ont voulu aussi y apporter le contingent de leur talenr, et l'on a pu
entendre Marie Battu chanter son originale chanson napolitaine, Santa
Lucia, arrangée par Braga, et qui a valu à la grande cantatrice un
véritable triomphe à la cour et dans les plus brillantes soirées de l'hiver.
—On a pu admirer, dans une romance d'Elwart et dans l'air de Falstaff
du Songe d'une nuit d'été, la belle voix et la belle méthode d'Aajnesi, qui
ne chante pas que l'italien et qui occuperait une belle place sur nos pre-
mières scènes lyriques. — Seligmann est venu ensuite qui a dit avec
une incomparable expression l'Eloge des larmes, de Schubert, puis son
originale Kouitra, qu'il a dû répéter. — Le piano n'a pas été oublié, et
Stoeger, qui avait accompagné Seligmann, s'est affirmé encore une fois
dans cette occasion, comme un de nos meilleurs virtuoses et comme un
charmant compositeur, dans une grande valse de salon, suivie de son
morceau iVoueWeHe, qui fait fureur. — Enfin, lanoledésopilanteétaitfournie
par l'inimitable Berthelier, qui a porté le rire à son comble avec deux chan-
sonnettes, dites comme lui seul sait les dire : le Bonheur îles Champs et
le Cotillon. — Vivier, Edouard Wolft, Paul Bernard, Soumis, Alexandre
de Lavergne, Deforge, etc., avaient voulu aussi faire connaissance avec
les pupazzi, et ils n'ont pas été des dernie'rs à en féliciter l'inventeur,
en même temps qu'à lui souhaiter tout le succès qu'il mérite.
CONCERTS ET ADDITIONS MUSICALES DE LÀ SEnÂINE.
»** Le Stabat chanté le jeudi saint à la chapelle des Tuileries appar-
tenait un peu à toutes les écoles et à toutes les époques : les quatre der-
niers morceaux étaient de Rossini; on avait mis à contribution pour
chacun des autres Mozart, Sacchini, Cherubini, Haydn, Pergolèse et
Auber. Le Virgo virginum (inédit), de l'auteur de la Muette, a produit le
plus grand effet. Mlles Nilsson et Bloch, MM. Faure et Nicot chantaient
les soli.
**, La société des concert -i du Conservatoire a terminé dimanche der-
nier, jour de Pâques, la série de ses concerts d'abonnement. Le pro-
gramme répétait celui du vendrdi saint, sauf les fragments du Requiem
de Cherubini, qui ont été remplacés par l'O filU de Leisring (bissé comme
d'habitude), et le solo instrumental, dont cette fois Ant. Rubinstein a
fait les frais avec son concerto en ré mineur. Le grand artiste a été à sa
hauteur ordinaire, et, comme partout où il s'est fait entendre, la plus
chaleureuse ovation lui a été décernée.
**tUnefouleimmenseassiégeaitIecirqueN.ipoléonlcsoirduvendredisaint
et 3,600 personnes y sont entrées. La grande attraction du concert spi-
rituel était cette fois' Faure et Mlle Nilsson, qui ont chanté, comme ils
.savent le faire et au milieu d'un tonnerre d'applaudissements, des frag-
ments du Tannhœuser et du Stabat de Rossini (avec Mlle Fourche et
M. Nicot) ; Faure a superbement ditlc solo d'un 0 Fons pietatis de Haydn.
Un chœur de Silcher, Gloire au Seigneur, assez peu religieux, un autre
de Gounod, le Vendredi saint, qui ne comptera pas parmi les plus purs
titres de gloire de l'auteur de Faust, l'Andanle rcligioso de Mendelssohn,
l'allégretto de la symphonie en la de Beethoven et la marche funèbre de
Chopin, orchestrée par M. Prosper Pacal, complétaient le programme.
if^jf Rubinstein a donné cette semaine deux concerts, l'un avec or-
chestre et l'autre consacré à la musique de chambre, lundi et jeudi
derniers. On ne sait ce qu'on doit le plus admirer de sa puissante exé-
cution, de l'immense variété de son jeu, de sa vaste mémoire ou de son
infatigable ardeur. Nous avons fait connaissance lundi avec son deuxième
concerto (en fa), certainement supérieur aux deux que Rubinstein a fait
entendre jusqu'ici, et dont l'adagio, en particulier, peut rivaliser avec ce
qui a été écrit de plus beau en musique concertante et symphonique. —
Une autre séance de musique de chambre aura lieu chez Erard, le
24 avril, puis, huit jours après, un concert avec orchestre qui sera pro-
bablement le dernier, à la salle Herz; Rubinstein partira ensuite pour
Londres.
,** Nous devons ajouter à notre appréciation générale de la musique
religieuse exécutée pendant la semaine sainte dans les diverses églises de
Paris que les Sept Paroles du Christ de M. Th. Dubois constituent une
œuvre forte et saine, un véritable oratorio, où l'élévation de la pensée
n'a d'égal que l'art profond avec lequel l'auteur a su faire naître et gra-
duer l'intérêt. Sous le rapport du rhythme particulièrement, on pourrait
signaler de vraies trouvailles. L'expression est parfois très-dramatique,
surtout dans la cinquième parole, Sitio. M. Dubois, dont nous avons pu
déjà apprécier le sérieux talent dans une Ouverture exécutée il y a deux
ans au Conservatoire, nous paraît de taille à aborder avec succès la
scène lyrique, et nous désirons pouvoir l'y juger bientôt.
**» Au Salut solennel du samedi saint, à l'église Saint-Roch, on a
exécuté un 0 salutaris et un Ave verum de la composition de M. Charles
Vervoitte, maître de chapalle de la paroisse, deux œuvres du plus grand
mérite, un très-bel Ave Maria d'Amédée Méreaux et le Stabat de Pa-
lestrina dont nous rendons compte aujourd'hui.
*"', La matinée d'élèves de Mme Clara Pfeiffer a eu lieu, comme
chaque année, le lundi de Pâques. Les résultats obtenus par cet excellent
professeur, sous le rapport de l'ensemble et de la sûreté d'exécution, sont
vraiment surprenants : seize mains ont joué l'ouverture de Preciosa, une
symphonie de Haydn et la sérénade de Beethoven, de manière à pro-
duire l'illusion d'une seule partie avec plus d'intensité sonore. Parmi
les jeunes artistes qui se sont fait entendre seules, nous en citerons trois
qui donnent plus que des espérances : Mlle Marguerite Rousseau,
Mme Millier et Mlle Louise Paloc, qui ont dit avec beaucoup de charme
le rondo en mi bémol de Weber, la Ruche, et la cinquième mazurka de
Georges Pfeiffer.
,*^ Un violoniste qui nous semble mériter toute l'attention du monde
artistique, M. Federigo Consolo, a donné mardi dernier un concert à
la salle Herz. Virtuose né, possédant une habileté rare et un beau
son, il s'est fait applaudir à bon droit dans des fragments de concertos
de Viotti et de Léonard, dans deux morceaux de Mendelssohn et de
Scliubert, et dans la fantaisie de Vieuxleiiips sur Norma, sur la qua-
trième corde. Une part du succès revient à Mlle Fidès de Vriès, du théâ-
tre Lyrique, qui a dit en artiste consommée un air de la Flilte enclian-
tée et un morceau de Rigoletto.
^*^ Le pianiste-compositeur Bonewitz a donné dimanche dernier, dans
les salons Kriegelstein, une séance musicale, avec le concours de ses
meilleures élèves, dont quelques-unes ont un talent déjà mûr, et
parmi lesquelles nous avons particulièrement distingué Mlles Marie de
Poggenpohl, Lévy et Jeanne Kalkbrenner.
*% Mlle Joséphine Martin a donné son concert jeudi dernier. Au
nombre des artistes qui lui ont prêté leur concours nous devons une
mention particulière à M. de Cuvillon, dont nous ne parlons pas assez
souvent à notre gré, et qui n'en est pas moins, quoi qu'il ne se prodigue
pas, un de nos meilleurs violonistes. M. de Cuvillon a joué avec .Mlle
Martin et Lebouc le trio en ut mineur de Beethoven, dans lequel on
a pu apprécier son beau style et la façon dont il comprend et interprète
la musique des grands maîtres. De plus, après l'exécution de son grand
morceau de concert : les Adieux de Marie Stuart, l'éminent artiste a reçu
les applaudissements les plus enthousiastes, qui ne s'adressaient pas
moins au compositeur qu'au virtuose.
^'^^ Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque Napoléon, vingt-
quatrième et dernier concert populaire de musique classique, sous la
direction de J. Pasdeloup. En voici le programme : 1° Schiller-Marche,
de Meyerbeer. — 2" Fragments du Songe d'une JVuit d'été, de Mendelssohn;
allegro agitato, scherzo, nocturne. — 3° Marche turque, orchestrée par
M. Prosper Pascal, de Mozart. — i" Ouverture de Manfred, de R. Schu-
mann. — 5° Concerto en ut mineur pour piano, de Beethoven, exécuté
par M. Théodore Ritter. — 6° Prélude de Lohengrin, de R. Wagner. —
7" Fragments du septuor de Beethoven, exécutés par MM. Grisez (clari-
nette), Espeignet (basson), Mohr (cor), et tous les instruments à cordes.
^*, M. Fritz Gernsheim, pianiste compositeur tenu en très-haute estime
de l'autre côté du Rhin et professeur au Conservatoire de Cologne, don-
nera le dimanche 26 avril, dans les salons Erard, une .soirée musicale
qui offrira, le talent de l'artiste nous en est garant, un puissant intérêt.
Rubinstein doit lui prêter son concours.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
,'*^. Nous ajouterons à l'indication que nous avons donnée du coneert
de Moriier de Fontaine, pour le 2?) à la salle Hcrz, que iVlUe Mâuduit
chantera des morceaux de Vinci, Scarlati, Lotti; que Rubinstein jouÉra,
avec le bénéficiaire, un andantc et variations de Schumann, et que le
concert sera varié par Mlle Anna Vogt, cliarmante mattauphoniste, et
par les chansonnettes de lîerthelier.
^*^ A propos d'un concert donné à Lyon par un violoniste de cette
ville, M. Aimé Gros, le. Saint public donne de grands éloges à re\cellent
pianiste Albert Lavignac, qui s'y est fait entendre.
*.% Ed. Wolff, qui vient de remporter un si beau succès avec la com-
pagnie Uhnann-Patti, et dont on est toujours heureux d'applaudir le
talent élevé, se fora eriten Ire après-demain mardi au concert de Vivier.
11 y jouera pour la première fois sa grande Tarentelle.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
»"'* LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice assi.slaient vendredi à la re-
prise du Corsaire et sont restées jusqu'à la fin du spe^'laclo.
^'''^.Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi, mercredi —et samedi,
par extraordinaire,— i/amïet. — Vendredi a eu lieu avec un grand éclat
la rentrée de Mlle Granzoff dans le Cor.mire ; la cliarmante ballerine, que
les théâtres impériaux de Russie nous renvoient chargée de couronnes, n'a
fait que « changer d'élément sans changer de destin », car le public
parisien ne lui a pas fait un accueil moins enthousiaste que celui de
Saint-Pétersbourg et de Moscou. Elle a été couverte d'applaudissements
et plusieurs fois rappelée; Mlles Fioretti et Merante ont d'ailleurs partagé
ce succès. — Le ballot était précédé de la Fiancée de Corinthc, parfaitement
interprétée par Mmes Mauduit, Bloch et par David.
^*^ Les d(>buts du ténor Mazzoleni aiu-ont lieu dans le Trouvère, après
le départ de Mlle Nilsson.
»*, Le Premier Jour de bonheur poursuit au tiiéfttre de l'Opéra-Comique
sa brillante carrière. — Le lendemain la Part du Diable remplit la salle.
— Vendredi a eu lieu la premii're représentation de Mademoiselle Sijlvia,
de M. Samuel David. Nous en rendons compte.
a,*^ On annonce que le baryton Crosti, dé.sirant se consacrer au chant
italien, va quitter l'Opéra-Comique, dont il était un bon pensionnaire.
^*^ Le théâtre Italien a donné, pour les dernières représentations de
ces œuvres : Mardi, la Lucia; jeudi, Don Giovanni; et, samedi, MathiUe
di Shabran. — On annonce pour le 23 l'opéra inédit du prince Ponia-
towski, dont il a beaucoup été question, et dans lequel Mlle Urban doit
remplir im rôle de danseuse.
,,,*,(. La représentation que le théâtre Italien donne aujourd'hui au bé-
néiico d'.\delina Patti se compose définitivement du premier acte de la
Travinla, de la leçon de musique du Barbier, du deuxième tableau du
premier acte de Crispino et du quatuor de Rigoletto.
^*,^ M. Bagier a signé le rengagement, pour la saison prochaine, de
Mlle Grossi, qui se rend le l"^ mai <à Séville, où elle est engagée pour
la saison d'été.
^.'^j Le 27, aura lieu une représentation au bénéfice de Mlle Krauss ;
Mlle Patti y chantera.
^*i, A moins d'obstacles imprévus, l'opéra nouveau de M. Jules Béer,
Elisabeth de Hongrie, inlerprété par Mlle Schrœder, MM. Massy et Barré,
sera donné, à la fin de ce mois, au théâtre de la Renaissance.
^*j, Le succès du nouvel ouvrage de MM. Chivot, Duru et C. Lecocq,
Fleur de thé, va tous les jours grossissant. Vendredi et samedi la recette
a dépassé 3,000 fr.
,(.*,, Mlle Lasseny est engagée au théâtre de l'Athénée pour y créer,
après Fleur de Thé, un rôle important dans le Petit Poucet de Laurent de
Rillé.
s** Le succès de Fleur de Thé à l'.Athénée a décidé l'administration de
ce théâtre à demander à MM Chivot et Duru un nouvel opéra-bouflé en
trois actes, dont M. Charles Lecocq écrira la musique et qui sera joué
l'hiver prochain.
,t*,t Hier soir, le théâtre des Variétés a donné, au bénéfice de Mlle
Schneider, l'avant-dernière représentation de la Grande- Duchesse. Mlle
Schneider devant se rendre immédiatement à Toulouse, où elle est en-
gagée pour un mois, la dernière représentation de cette troisième série
a lieu ce soir.
„,*,), Nous recevons une lettre de notre correspondant du Havre de la-
quelle nous extrayons les détails suivants : « Si notre ville a été une des
dernières à monter l'Africaine, elle n'a dunsoins pas perdu pour atten-
dre. Déjà, depuis quelques jours, l'impatience de nos dilettantes était sur-
excitée,; et 1-prsqu'tinfin l'alfiche a .annoncé la -première.. repf.ésepta'ipn,
Je bureau do location, envahi dès le matin, ,n'a pu contenter tous les
postulants. Le soir, au bureau, l'empressement était le même et il a
fallu refuser un nombre considérable de personnes. Je dois dire de suite
que cette curiosité a été de tout point justifiée et que le dernier chcfT
d'oeuvre de Meyerbeer, consciencieusement étudié, monté avec le plus
grand soin, a été interprété de manière à satisfaire les plus difficiles.
— Tous ces magnifiques morceaux qui ont déjà fait le tour du mondç
et enthousiasmé le public de toutes les grandes scènes connues, ont pro-
duit le même effet sur la nôtre. Le Chœur des évéques, le .septuor
du deuxième acte, la Prière des matelots, la Ballade de Nelusko, mais
particulièrement tout le quatrième acte et, enfin, le prélude du sixième
acte, avec la scène du Mancenillier, n'ont pas cessé de captiver l'audi-
toire et ont provoqué d'incessants bravos. Les artistes .se sont montrés
d'ailleurs à la hauteur de cette œuvre gigantesque. M. Raynal, excellent
chanteur, bon comédien, a créé fièrement le personnage de Nélusko. Mlle
Bédora donne à Selika la noblesse et la poésie qu.î comporte ce ca-
ractère. M. Faivret est un Vasco de Gama, jeune, enthousiaste, im-
pi;tiieux. Mlle Goury et M. Larivé concourent à cet excellent en-
semble. L'orchestre rend brillamment le célèbre unisson que le public,
transporté, a fait répéter. Les décors, les costumes et la mise.cn scène
font le plus grand honneur à la direction. »
*% On nous écrit de Bruxelles que les représentations données en ce
moment par Marie Sa.s.se, au théâtre de la Monnaie, y attirent une foule
considérable. La célèbre cantatrice s'est fait entendre successivement
dans l'Africaine, les Huguenots et la Juive; elle a produit, particulière-
ment dans le rôle de Sélika, un enthousiasme indescriptible. — La Jolie
fille de Perth a été froidemement accueillie. — Ferdinand Miller vient do
pa.sscr une semaine à Bruxelles au milieu des fêtes les plus cordiales
offertes à l'éminent compositeur.
.);', Les recettes brutes des théâtres subventionnés, théâtres secondaires,
cafés-concerts, etc., se sont élevées pendant le mois de mars 1808, au
chiftre de 1,887,080 fr. 30 c.
NOUVELLES DIVERSES.
»** A l'occasion de la fête patronale de l'église Notre-Dame de Bonne-
Nouvelle, M. Alexandre Leprévost, compo.siieur do mu.sique sacrée, fera
exécuter sous sa direction, dimanche prochain 20 avril, avec le concours
d'artistes d'élite, sa sixième messe solennelle avec soli, chœurs et or-
chestre. — M. Henri Martin. tiendra l'orgue.
,1*:^ Parmi les œuvres musicales qui ont eu le plus de vogue cet hiver
dans les salons et dans les concerts, il con\ient ae citer celles de M. Ju-
les Klein. En rappeler les titres c'est constater autant do succès. Nom-
mons en première ligne six mélodies (paroles de Victor Hugo): Encore à
toi, Ji.rceuse, Ah! quand je dors, Hegret, la Captive, S'il est un charmant
gazon. Ensuite, trois mélodies : Seul au monde! les Trois Saisons et l'A-
mour au village, valse chantée, qui deviendra populaire; la Valse des Fou-
gères et la Mazurka des Etoiles, pour piano, publiées chez l'éditeur Ri-
chault, qui a sous presse, en ce moment, la deuxième série des poésies
de V. Hugo, mises en musique par le même auteur.
^*,^.\ux détails que nous avons déjà donnés sur les fêtes musicales que
l'administration nouvelle des jeux de Bade se propose d'offrir cet été
au public élégant de cette ville de plaisir, nous ajouterons qu'au nombre
des artistes engagés pour les concerts et représentations théâtrales, on
remarque les noms de Mmes Carlotta Patti, Carvalho, Norman-Neiuda,
Vandenheuvel, Schroeder, Harris, Brunetti, Marie Rose, Escudier Kast-
ner, de MM. Agnesi, Sighicelli, Kelterer, Batta, Stockausen, Troy,
Wilhelmi, Rubinstein, etc. Du 20 septembre au lo octobre, huit repré-
sentations d'opérettes du répertoire d'Offenbach seront données avec le
concours des meilleurs interprètes de re genre spécial. Le programme
du théâtre allemand et italien comprenant l'exécution de la Favorite,
Norma, le Postillon, Martha, Don Juan, Lohengrin, reste tel que nous
l'avons dit : mais ce programme déjà si riche sera complété par les Pu-
pazzi de Lemercicr de Neuville, que M. Dupressoir a engagé pour la fin
d'août. *
3-*,^ L'opérette régnera cette saison comme les années précédentes au
Kursaal d Ems, et l'on cite comme y étant déjà engagés : MM. Bonnet,
Gourdon, Jean-Paul et Derval, des Fantaisies-Parisiennes; Mmes Lovato,
Decroix, Labarre et Anna Vaugel.
^*^, M. Auguste Morel, l'excellent directeur du Conservatoire de Mar-
seille, a organisé tout récemment, dans cette ville, au profit des Algé-
riens, une brillante fêle musicale qui a été un triomphe pour Sivori et
Boltesini, et dont la recelte s'est élevée à plus de 13,000 francs.
Uti PARIS
in
,** Notre collaborateur Artluir Pougiii vient de publier, à la librairie
Hachette, une étude sur BoUini, sa vie et ses œuvres, dédiée pal- l'au-
teur à Rossini. Ce travail, sur lequel nous- reviendrons , fruit de recher-
ches exactes et consiùencieuses, est des plus intéressants. Il est édile avec
luxe et orné d'un fort joli portrait, et de deux fac simile de l'écriture
de BeHini.' ' y ■
*V Le- célèbre violoncelliste Feri Kleizer, vient de- recevoir de. S. M. le
roi de Portugal la croix de chevalier de l'ordre du Christ.
^*,i^,V Annuaire de la Noblesse, par M. Borel d'Hauterive, 1868, vingt-
cinquième année, est un livre que l'on a besoin de consulter à chaque-
instant. Outre la partie historique et rétrospective, il donne l'étal acluel
des grandes familles, les alliances, les naissances et les décès de la no-
blesse en 1867, la jurisprudence du conseil du sceau ut des cours impé-
riales en matière de titre et d'armoiries, la liste des chevaliers de Saint-
Louis actuellement vivants, etc.
„,** Un Mois de Marie doit être chanté tous les mercredis et samedis
du mois de mai, en t'églisé de Saint-RGch , au profit de TOEuvre du
rapatriement des Orphelins de Paris. Une société d'amateurs du monde
parisien chantera les chœurs.
*** Nous avons le.regret d'annoncer la mort de Paul Blaquières^ jeune
compositeur dont quelques chansons avaient été popularisées par Thé-
résa. M. Paul Blaquières a' écrit un nombre considérable de romances,
chansonnettes, rondes, chœurs, etc., parmi lesquelles il faut citer : la
Femme à. Barbe, la Vénus aux Carottes, le Chapeau de la Marguerite.
ÉTRANGER
^% Londres. — Mme 'Vanzini (Van Zandt) a débuté avec beaucoup de
succès à Covent-Garden, dans Un ballo in maschera. A Drury-Lane, Mlle
Kellogg fist toujours très-applaudie ; elle a joué d'une façon charmante le
rôle de Zerline, de Don Giovanni.
'■■■ ,j*t Birmingham. — Tm Grande-Duchesse, avec Mme Howard Paul dans
le rôle principal, vient de trouver ici comme partout un accueil très-sym-
pathique.
*% Amsterdam, — Dansun grand concert debi£nfai.';ance, donné le 30 mars
sous le paironage de S. M. la reine des Pays-Bas, et dans un autrequi a.eu
lieu le 5 avril, le chef d'orchestre et compositeur A. Berlyn a fait exé-
cuter plusieurs de ses compositions, notamment sa deuxième symphonie
i;l son ouverture en «t, dédiée à Mendèlssohn, qui ont reçu l'accueil le
plus flatteur et le mieux mérité.
^*^ Stiittgard- — Pendant le court séjour de M. W. Krûger dans sa
ville natale, où il a été appelé par la fête de ses parents, il a fait enten-
dre son second concerto, dédié au roi, au dernier concert d'abonnement
donné par la Chapelle royale, le dimanche de Pâques. L'exécution de ce
morceau, accompagné admirablement par tout l'orchestre sous la direc-
tion du maître de chapelle, M. Doppler, a valu à son auteur un grand
et légitime succès. Toute la cour et plus de 2,000 personnes assistaient à
ce concert. M.- Kriiger doit être fier du brillant accueil que lui ont fait
ses compatriotes. — A cette occasion, nous mentionnons avec plaisir la
nomination du père de M. Kriiger comme chevalier de l'ordre de Frédé-
ric, que le roi lui a envoyé le jour de sa fête de la cinquantaine. — Le
théâtre, fermé pendant toute la semaine-sainte, a rouvert ses portes mardi
dernier par une belle représentation de l'Africaine. Cet opéra jouit tou-
jours d'une vogue exceptionnelle, malgré l'élévation du prix des places
à chacune de ses représentations.
^*^ Weimar. — Le 13 avril, a été donnée, avec un très-grand succès, la
première représentation de la Mignon d'Ambroise Thomas, pour la fête
de S. A. la grande-duchesse.
^% Berlin. ■ — Dans la soirée dramatique et musicale qui a eu lieu à la
cour à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du roi, outre une
comédie allemande et les Brebis de Panarge (en français), on a joué l'opé-
rette d'Offenbach, le Mariage aux lanternes, qui, interprétée par Woworski,
Salomon, Mmes Lucca, Artût et Harriers-Wippern, — le dessus du panier
de l'Opéra royal, — a obtenu un succès des plus vifs.
^*^jf Vienne. — Les artistes dramatiques, sur l'initiative de l'un d'eux,
M. Preising, ont décidé de former une association analogue à celle qui
existe ;i Paris. Les statuts doivent être soumis au gouvernement dans le
cas oii les directeurs refuseraient de prendre en considération les récla-
mations qui leur seront soumises.
*** Prague. — Un opéra nouveau, Am Runenstein, de F. de Flotow et
Richard Gênée, a été donné pour la premiëhe fois le 13 avril avec un
succès complet. La facilité et la grâce mélodique de l'auteur de Martha
se retrouvent dans ce nouvel ouvrage, qui nous semble devoir conserver
la faveur du public. Les auteurs et les artistes ont été rappelés après cha-
que acte.
,^*^ Milan. — La Scala a clôturé la saison par Don Carlos, non sans
avoir gratifié ses abonnés, deux jours auparavant, d'une repré.sentation du
Guglielmo Tell » mutilalo per la compléta asscnza di Matilde, » (nous ci-
tons ,fe Trauaierç). On.ne.s'étaii pas encore avisé de trouver que le rôle de
la 0 (ille des rois » fut inutile à ce point!
j*» Rome. — La municipalité romaine a di'«idé de laisser le théâtre
ArgenlinaJ'ermé pendant la saison de printemps, l'imprésario Jacovacci
ayant déclaré qu'il ne voulait pas -se soumettre ii un déficit inévitable.
»'*« Barcelone. — La campagne est terminée au Liceo ; le ténor
Stagne et Mme Rey-Balla sont partis pour Sévillc où ils sont engagés pour
quelque temps.
„*,j New-York. ^Ceal soixante représentations n'ont pas encore épuisé la
vogue de la Grande- Duchesse de Gérolslcin.
CONCERTS ET AUDITIONS MUSICALES ANNONCES.
Salons Enird, lundi 20 avril : grand concert de M. Delaborde, pour
l'audition du piano à cjavier de pédales d'Erard.
Salons Herz, mardi 21 avril : concert du pianiste-compositeur Alphonse
Rendano. .
Salons Erard, mardi 21 avril: concert de Vivier.
Salons Pleyel-Wolf, jeudi 23 avril : concert de bienfaisance donné par
Mlle Laure Bedel, lauréate du Conservatoire, avec le concours de
Mme BarthCrBanderali, Jules Lefort, Mlle Muller, MM. Garcin,
Gouffé, Poencet et Fandou.
Salons Erard, jeudi 23 avril : concert du pianiste Jacques Baur.
Salons Pleyel-Wolf, vendredi 2i avril : séance musicale donnée par
M. À. Bessems.
Salons Erard, samedi 23 avril : concert de Mlle F. Carreno.
Salons Pieyel-Wolff, samedi 23 avril : concert de Mlle Leybacque.
Salons Erard, dimanche 26 : concert du pianiste-compositeur Fritz
Gernsheim.-
Salons Pleyel, lundi 27 avril, à 8 heures et demie : concert de M. Hip-
polyte Grignon, avec le concours de MM. Lefébure-Wély, Léopold
Dancla, Fréd. Leniz, de Mmes L. Dancla et Collin.
Salons Erard, lun.li 27 avril : concert de Mlle Octavie Caussemille.
Chez G. BRANDUS et S. ÛUFOUR, éditeurs, 103, rue de Richelieu.
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ANCIENS ET MODERNES.
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Au prix exceptionnel de 2 francs chaque portrait.
Ad. Adam, Gluck, Meyerbeer,
Auber, Goria, Ostiorno,
Beethoven, • Gounod, Poniatowski (le prince),
Bériot (de) père, Halévy (Fromental), Prudent,
Bériot (de) fils, Haydn, Guidant (Alfred),
Bernard (Paul), Haendel, Ravina,
Berlioz, Heller (Slephen), Rosenhain,
Boïeldieu père, Herz (Henri), Rossini,
Boulanger, Kalkbrenner, Rubinstein (A.),
Cberubini, Kastner (Georges), Schubert,
Clapisson, Lecouppey, Séligmann,
Czerny, Lefébure-'Wély, Servais,
David (Félicien), Lilolff, Sivori,
Devos (Camille), Méhul, Thalberg,
Donizetti, Mendèlssohn, Thomas (Ambroise),
Duprato, Membrée, Verdi,
Escudicr-Kastner (M"""), Mozart, Vieuxtemps,
Gevaert, Meyer (Léopold de), 'Weber (Ch.-Marie de).
Pour paraître cette semaine :
lies portraits de lime IVorinan-KeraiIa, Illlc llarie Nernda,
Aimé MalUart, Iiéonard, IStœ^er,
128
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAKIS.
SOUS PRESSE :
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FLEUBliE TBË
Opéra bouffe en trois actes,
PAROLES DE MM. ALFRED DURU ET HENRI CHIVOT, MUSIQUE DE
CHARLES LECOCQ
Les Airs des
rODTERTnRE,
I" ACTE.
1. Chanson de la Cantinière, chantée par Mlle Irma
Marié : Vivandière, cantinière, parlez, que dcsires-
vous ?
2. Couplets, chantés par M. Sytter : J'ai couru grossir
la foule
3. Duo, chanté par Mlle Lucile Cabel et M. Sytter : A
l'éviter j'ai réussi
4. Chinoiserie, chantée par MM. Désiré et Léonce : Je
suis clairvoyant comme un sphinx
4 bis. La même, arrangée à une voix
n' ACTE.
5. Trio, chante par MM. Désiré, Léonce et Sytter : La loi
du Tsinn est fort claire
Morceaux détachés
ARRANGÉE PODR LE PIANO.
6. Confidence, chantée par M. Léonce : Je suis né dans
le Japon
7. Couplets, chantés par Mlle Irma Marié : En tous pays
l'homme est un être qui traite fort mal
m* ACTE.
8. Romance, chantée par M. Sytter : Césarine à mes
vœux docile
8 bis. La même, transposée pour baryton
9. Duo, chanté par Mlle Irma Marié et M. Sytter: Rappelle-
toi, ma chère amie
9 bis. Couplets de l'Alcôve, extraits du Duo, chantés
par M. Sytter : Ensuite dans la nuit obscure
10. Ronde du Clicquot , chantée par Mlle Irma Marié,
MM. Désiré, Léonce et Sytter: Ce n'est pas un vin
de carême
IaA PARTITIOM pour CHAMT et PIAJVO
QUADRILLES. - VALSE. - POLKA. - GALOP. - ARRANGEMENT DIVERS
Publicutions nouvelles, chez l'éditeur S. RICH.ilJLT, à Paris.
12 Chœurs de Poil da Silva
DIEU LE VEUT
NODS TE CHANTONS, 0 NUIT. I l CHÂSSE AUX LIONS.
Ode à la Vierge, pour trois voix de femme avec orgue.
0 Salutaris, pour ténor ou soprano avec chœurs et orgue.
Ave Maria, pour soprano et contralto avec orgue.
sous PRESSE :
La Chevauché, Phœbé,
Le Chant du Tournoi, Voguons sans bruit,
Veni Creator, Le Chant de l'Aurore,
Te Deum laudamus aux cata- Maître Corbeau.
combes { double et triple Matelots, garde à vous !
chœur), Notre Père, invocation.
Les Fils de Mahomet, —
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A. Chauvet. Quatre offertoires pour orgue 8 r
C. Franck aîné. Six pièces d'orgue net. 12 »
Le n" 3, prélude , fugue e^ variation arrangés pour
piano et harmonium 12 »
C. Saint-Saëns. Trois lapsodies (cantique breton) pour
orgue, chacune 6 »
Arrangées pour le piano à quatre mains, les deux pre-
mières , cliacune 7 50
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IDA, rêverie sur la romance : AH,' iaiageai-tnoi gttew-
rer, de linc lieroy, composée pour le piano par mor-
tier de Fontaine.
SOMMAIRE. — Histoire de la musique instrumentale (10' et dernier article),
par Haurice Cristal. — Concert de Vivier à la salle Erard, par Charles
Bannelier. — Grand orgue de Notre-Dame. — Revue des théâtres, par
D. A. D. Salnf-Vves. — Concerts et auditions musicales delà semaine.
— Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. ^- Concerta et
auditions musicales annoncés, — 4aaonces.
HISTOIRE DE LÀ MUSIQUE IRSTRUIERTÂLE
(10° et dernier article) (1).
On a souvent reproché à Boccheriui de manquer d'énergie , et
le violoniste Poppo, faisant allusion à l'exquise douceur de cer-
tains passages, disait de lui qu'il était la femme d'Haydn. Cepen-
dant plusieurs quintettes sont comme enflammés de passion, d'en-
train et de véhémence. Son harmonie, quelquefois incorrecte,
abonde en détails piquants. Il emploie souvent l'unisson et réduit
parfois son quintette à un simple duo; mais chez lui ceci est un
effet voulu et il met une adresse merveilleuse à tirer parti de la
différence des timbres. C'est ainsi que ce qui chez d'autres serait
un défaut devient dans sa musique une source de beautés qui lui
sont personnelles.
Ses finales ont vieilli , mais ses adagios et ses menuets sont tou-
jours exquis. Doué de fécondité autant que d'originalité, Bocche-
rini a produit trois cent soixante-six compositions instrumentales.
On voit que ce maître a de nombreux titres à l'admiration des
connaisseurs ; mais, chose singulière , avec un mérite si remar-
quable, Boccherini est resté inconnu. L'Allemagne a dédaigné
longtemps sa simplicité naïve, et l'opinion qu'en avaient les artistes
(1) Voir les n"» 38, -40, 42, ii, 46 de l'année 1867, et les n°» 3, 9, 10
et 13 de l'année 1868.
de ce pays se peut résumer dans un mot prononcé par Spohr à
Paris, dans une réunion musicale où l'on venait d'exécuter quel-
ques-uns des quintettes du maître italien. On demandait au célè-
bre violoniste et compositeur allemand ce qu'il en pensait :
— Je pense, répondit-il, que cela ne mérite pas le nom de mu-
sique .
Il est fâcheux que la manière de sentir se formule svstj^.';:ii,i-
quement chez les artistes, qui devraient cependant avoir l'intelli-
gence ouverte à toutes les beautés produites en dehors de leur
œuvre. Il est-' à regretter surtout qu'un homme de mérite, pas-
siormé pour les enharmonies, pour les transitions fréquentes, soit
arrivé à ne plus trouver de charme aux choses simples et natu-
relles et à nier le mérite des créations que distingue une complète
individualité. Heureux l'artiste qui sait certaines choses qu'on igno-
rait un siècle avant lui ; mais il est à plaindre celui dont le savoir
se transforme en formules et qui ne comprend que ce qu'on fait
de son temps et l'art dont il a l'habitude ! Le domaine de la mu-
sique, comme celui des autres arts, est immense; il faut se garder
de le circonscrire dans une formule ou dans une époque. Baillot,
interprète incomparable des œuvres de tous les grands maîtres, avait
su conserver à celles de Boccherini tout le charme de la jeunesse,
toute la vie d'un immortel printemps. Après lui cette musique a été
négligée par les jeunes artistes, mais elle reprend vogue maintenant,
et le nombre d'amateurs qui la connaissent et en aiment les beau-
tés augmente chaque jour.
Au Conservatoire de Bruxelles, grâce à l'initiative de M. Fétis,
les jeunes artistes en ont relevé le goût et la tradition. En France,
Boccherini a toujours été très-grandement apprécié. Sa musique
a toujours excité un tel enthousiasme que le commerce, pour
exploiter ce succès, faisait composer par des auteurs apocryphes
des compositions imitées de Boccherini et qu'on vendait en les lui
attribuant.
Cambini a écrit pour Pleyel, éditeur, un grand nombre d'imi-
tations des compositions de Boccherini, qu'on a publiées parmi les
œuvres originales de ce grand artiste. Un jour que M. Fétis dînait
avec Cambini chez l'éditeur Auguste Leduc et avec Choron, son
associé, il arriva que Choron dit tout à coup :
— Père Cambini, est-il vrai que vous avez fabriqué du Bocche-
rini pour les marchands, notamment pour Pleyel?
130
REVUE ET GAZETTE MUSlCÂLIi
— Ti-ès-vrai, répondit Cambini, et j'ai eu tort, car on me payait
bien peu pour cela.
— Si l'on avait voulu payer plus cher, dit Leduc, on se serait
adressé à Boc);lierini.
— Sans doute, mais il n'aurait pas si bien réussi! répartit le
bonhomme avec sa suffisance habituelle.
Ces supercheries, que le commerce de la musique contempo-
raine n'accepterait pas, ont toutes été dévoilées, et l'on peut au-
jourd'hui, grâce à M. Picquit, connaître le catalogue complet et
raisonné de l'œuvre de Boccherini, sans avoir à redouter d'être
induit en erreur et de prendre pour l'œuvi-c du maître les élucu-
bratioijs médiocres d'un arrangeur de mauvais aloi.
Lai musique instrumentale de chambre, restreinte dans ses moyens
d'exécijtlon au violon et ù ses congénères, ne date, comme nous
l'afons vu, qu6 de la fin du xvn" siècle, et jusqu'à CorcUi , rien
n'indiquait la savante direction que le grand artiste eut la gloire
d'imprimer à la musique. Après cet illustre réformateur, vint
Tartini, aussi grand compositeur que grand violoniste. Nous avons
raconté quels services il a rendus à la musique de chambre. Les
élèves de ces deux grands artistes, Gerainiani, Locatcllo, Simis,
Leclair, Nardini, Pugnani, Domcnico Ferrari et plusieurs autres
ajoutèrent encore à la gloire de cette pléiade et préparèrent l'école
mémorable dont Viotti devint plus lard la personnification. Mais,
il faut le reconnaître, quelqu'influence qu'aient exercée les travaux
de ces virtuoses sur le grand mouvement opéré dans la musique
instrumentale vers la seconde moitié du xvin" siècle, ils entrevirent
à peine les hautes destinées auxquelles leur art devait s'élever.
Préoccupés uniquement des progrès du violon, des moyens de les
hâter et de les étendre, ils conçurect leurs compositions dans ce
but exclusif; ils n'imaginèrent aucune des combinaisons ingé-
nieuses d'ir.Gtiuments où chaque partie devenue concertante ajoute
à l'intérêt du discours musical, lui donne de la vie et du corps et
permettousiesacccnls, tous les tons. L'honneur de s'élancer au delà
de ces premiers essais était rései-vé à Boccherini ; par son admi-
rable génie, il a éclairé les rives inconnues où marchèrent ensuite
d'un pas si glorieux Haydn, Mozart et Beethoven. Boccherini est
le créateur du trio, du quatuor, du quintette; il a donc légitime-
ment acquis la place qui désormais lui est irréfragablement assi-
gnée dans l'histoire de la musique instrumentale.
Pendant que la musique de chambre grandissait ainsi, un pro-
grès simultané développait les proportions de la musique orches-
trale, qui s'accroissait du hautbois et des cors, utilisés pour la pre-
mière fois par Wanhal, et des clarinettes et des bassons que
Gossec y adjoignit bientôt. Jean-Baptiste Summartiui, de Milan,
donna un nouvel essor aux pensées, jusque-là timides, que devait
reproduire désormais un orchcsti'e enrichi de tant de timbres nou-
veaux et d'un si grand nombre d'effets inconnus, grâce à l'ad-
jonction des instruments à vent. Enfin, Haydn s'empara du pro-
gramme orchestral que les maîtres avaient peu à peu perfectionné.
n y imprima le sceau de son génie, et, après avoir fait de ce genre
de musique une des plus vastes conceptions de l'art, il conquit la
gloire d'avoir créé la symphonie, comme Boccherini avait créé la
musique de chambi'e.
Des mains d'Haydn, le flambeau magique passa dans les mains
fécondes de Mozart et de Beethoven, et l'Allemagne épuisée sem-
bla vouloir se reposer après ce grand effort.
Résumons-nous. Désireux de faire apprécier la valeur de l'œu-
vre de Boccherini, d'Haydn, de Mozart, de Beethoven, des maîtres
qui les ont suivis dans leur carrière glorieuse, nous avons étudié
les origines et les transformations successives de la musique ins-
trumentale. On connaît et on comprend maintenant les développe-
ments particuliers que chacun de ces maîtres a introduits dans
l'art.
Aussi n'est- il pas surprenant, en raison même d'une extension
si féconde et de progrès si rapides, de voir, un siècle à peine
après les premiers bégaiements de là musique orchestrale, vers
1760, la musique de chambre et la symphonie briller d'un éclat
qui devait être impérissable et trouver des formes et des formules
que l'on cherche encore à reproduire. Que de compositeurs ont
déployé des aptitudes remarquables dans ce que l'on est convenu
d'appeler aujourd'hui la « musique classique ! » Mais il n'est, à vrai
dire que quatre maîtres qui aient résumé les forces éparses de ces
esprits d'élite et qui aient réalisé, dans des créations immortelles, ce
que l'art musical ott're de plus élevé, de plus parfait. En creusant
la mine intarissable pendant une période de plus de soixante ans,
Boccherini, Haydn, Mozart, Beethoven ont amené la musique à
son âge d'or, à son heure bénie, à un moment de rayonnement
et de gloire qui rappelle la grandeur de la littérature îiu siècle de
Louis XIV et les triomphes de la peinture sous le pontificat de
Léon X.
Les sculpteurs grecs prenaient pour sujet de leurs études et de
leurs œuvres l'homme extérieur, le jeu de ses muscles dans le
mouvement, les attitudes : la forme, en un mot ; les peintres de
la Renaissance observaient et reproduisaient l'homme complet,
avec ses passions sous ses muscles, ses sentiments dans son atti-
tude, avec son âme sous son enveloppe. Plus tard, l'homme ne
suffit plus à la peinture, et la nature entière, avec ses mille as-
pects, dans ses détails infinis, dans ses transformations innom-
brables, vint embellir la palette des artistes. Ne retrouvons-nous
pas les mêmes phases dans l'histoire de la musique? D'abord l'or-
nement, mais aussi l'esclave des temples et des sanctuaires , elle
brise peu à peu ses entraves, se mêle à la famille, à la foule, à
la cité, et finit par arriver au théâtre, où elle se modifie com-
plètement. La voix, qui suffisait dans le principe à satisfaire les
oreilles avides d'harmonie , demande l'appui des instruments ;
ceux-ci se greffent à la voix, pour l'aider timidement, pour vivre
d'elle, à côté d'elle ; cependant, ils s'améliorent, ils se perfection-
nent, à travers les âges, et le moment arrive où ils veulent, eux
aussi, vivre de leur vie propre et se suffire comme la voix, qui a
pu longtemps se passer de leur concours. Musique instrumentale
d'un côté; musique vocale de l'autre. L'opéra réunit ces deux élé-
ments. Mais la musique intrumentale, de plus eu plus jalouse de
s'affranchir de la nécessité primitive de la voix humaine, déploie
ses ailes, s'ouvre, enivrée, une carrière libre, idéale, infinie,
entrevoit des horizons vierges de toute investigation ; et tandis que
la peinture accueille avec honneur toutes les manifestations de la
vie panthéistique, fleurs de Van Huysum, troupeaux de Paul Pot-
ter, marines de Van de Velde, paysages de Ruysdaël, — Bach,
Haydn, Haendel, Boccherini, Scarlatti, Mozart, Beethoven, plantent
le nouvel étendard de la musique instrumentale et créent, eux,
dans la toute-puissance de leur génie, la fugue, la sonate, le qua-
tuor et la Symphonie!
Maurice CRISTAL.
CONCERT VIVIER À LÀ SALLE ÉRÂRD.
Le 21 avril 1868.
En entrant dans les salons d'Erard, en y voyant réunies toutes
les notabilités qui s'y pressaient, on eût pu se croire dans une
des grandes et belles soirées de la Cour ou du grand monde que
nous signalions encore tout récemment dans cette feuille. Si l'on
doit juger de la considération qu'inspire un artiste par le rang
des personnages qui se rendent à son invitation, Vivier doit se trou-
ver bien fier, car s'il n'y était pas présent, S. M. l'Empereur lui-
même avait voulu donner à son artiste favori une preuve de l'in-
DE PARIS.
131
térêt qu'il lui porte en y faisant retenir sa place contre l'envoi
direct d'un très-beau présent. Il suit de là que Vivier n'avait pour
ainsi dire qu'à se montrer pour que la salle entière éclatât en
applaudissements, et c'est ce qui a eu lieu dès qu'on l'a vu pa-
raître avec Mme Léonard et qu'on l'a entendu dire, comme lui seul
sait le dire, cet andante pour voix et cor. délicieuse composition
dans laquelle l'auteur semble avoir concentré toutes les douleurs,
exprimé toutes les plaintes d'une âme ulcérée !
Bien des cornistes ont eu la prétention ou tout au moins l'am-
bition de faire tout ce que fait Vivier; mais quand ils seront par-
venus à produire comme lui sur leur instrument, à l'aide de la
résonnance naturelle et d'un petit artifice, trois et quatre sons
simultanés, qu'ils se mettent alors à son Menuet fantastique , et
s'ils peuvent aller jusqu'au bout sans encombre, s'ils abordent
avec cette netteté, cette sûreté, cette rondeur, les successions de
sons rapides; s'ils arrivent à dissimuler avec autant de bonheur
les notes bouchées, au point de rendre agréables et pleins des fa
du registre moyen et des la bémols, il ne leur restera plus
guère qu'à lui prendre le secret de ces sons veloutés et charmants
dont il sait si bien faire ressortir l'effet par le voisinage d'une fan-
fare éclatante, par des crescendo et diminuendo habilement mé-
nagés.
Des trois compositions de Vivier exécutées par lui à son con-
cert : Andante, pour voix et cor; — Adagio et Menuet fantastique,
pour cor solo; — Appel du Chasseur et Description d'une Chasse,
autre duo pour voix et cor, la première et la dernière ont été ap-
préciées depuis longtemps déjà dans ces colonnes; la seconde seule
est nouvelle. On y retrouve le caractère élevé, le tour mélodique
noble et simple de ses aînées. Ce n'est pas un des moindres mé-
rites de Vivier que d'avoir su intéresser dans le cadre restreint, je
dirai presque pauvre de ressources, dans lequel le renfermait la.
nature de son instrument, manquant essentiellement d'homogé-
néité et antipathique en général aux modulations. Ses duos pour
voix et cor, avec accompagnement de piano, sont des modèles de
savoir-faire en même temps que de charmants poèmes.
Vivier s'était adjoint, — voyez un peu quel luxe de précautions! —
M. et Mme Léonard, Ed. "Wolffet un ténor doué d'une fort jolie voix,
M. F. L. , deux initiales qu'on aurait voulues plus transparentes.
Il aurait pu s'entourer d'étoiles de moyenne grandeur, pour bril-
ler plus à son aise, ou ne pas s'entourer du tout ; que ceux-là se
plaignent, qui croient y avoir perdu. Mme Léonard a dit avec le
grand style et l'exquise méthode de vocalisation qu'elle a recueillis
dans l'héritage des Garcia la partie vocale du premier duo de
Vivier et les variations brillantes et difficiles, mais sans grand
intérêt, d'Adolphe Adam sur :.4/i/ vous dirai-je, maman. M. F. L...,
dans la Description d'une Chasse, a fort bien donné la réplique à
l'auteur, et a fait en outre le plus grand plaisir dans la sérénade
de l'Amant Jaloux de Grétry, et dans la Donna è mobile, de Rigo-
letto. L'hymne national autrichien a fourni à Léonard d'intéres-
santes variations en style moderne (il a su éviter, avec son tact
ordinaire, l'écueil d'une continuation de Haydn), avec lesquelles,
sa belle exécution aidant, il a produit un très- grand effet. Il a joué,
avec Edouard Wolff, le beau duo de ce dernier et de Vieuxtemps,
pour piano et violon, sur des motifs de Don Juan-, l'œuvre et ses
interprètes ont été chaleureusement applaudis et ces derniers rap-
pelés. Enfin, Edouard "Wolff a obtenu un succès très-complet et
très-légitime avec son étude intitulée Triomphale, et surtout avec
sa Tarentelle, morceau très-bien tait, qu'il joue avec une mer-
veilleuse agilité.
Nous voudrions dire maintenant au grand corniste : à bientôt!
Malheureusement, son habitude invétérée de ne pas se prodiguer
nous fait craindre de ne pouvoir prendre rendez-vous, comme
d'habitude, que pour l'année prochaine; bornons-nous donc, en
attendant, à constater les bravos enthousiastes et les rappels réi-
térés dont il a été l'objet.
Charles BANNELIER.
GRAND ORGUE
ne régltae métropolitaine de nrotre-Dame de Paris,
RECONSTRUIT
Par m. a. CAVAILLÉ-COLL.
Nous avons sous les yeux un extrait du très-remarquable rap-
port adressé à S. E.xc. le ministre des cultes par la commission
chargée de la vérification et de la réception des travaux du grand
orgue de Notre-Dame, construit par l'éminent facteur M. Aristide
Cavaillé-Coll. Cette commission était, en grande partie, composée
de notabilités de la science et de l'art musical : M. Auber y sié-
geait à côté de M. le sénateur Dumas, l'un des secrétaires perpé-
tuels de l'Académie des sciences; MM. Lissajous et Félix Clément,
à côté de MM. le Baron Séguier et du général Favé, commandant
de l'Ecole polytechnique. La commission comptait, en outre, dans
son sein un certain nombre de personnes désignées par leurs con-
naissances spéciales en physique et en mécanique, ou par la siî-
reté de leur goût et de leur oreille en matière musicale.
Parmi tous ces hommes de choix figurait naturellement M. l'abbé
Lamazou, vicaire de la Madeleine. Dans une notice sur la facture
d'orgue, ce digne ecclésiastique s'était déjà signalé comme possé-
dant à fond les questions techniques et scientifiques qui se rat-
tachent à la pratique progressive de cette branche professionnelle;
il avait, de plus, fait, en même temps, preuve de savoir sur tout
ce qui intéresse l'art chrétien et le culte catholique. L'Académie
des sciences et la Société d'encouragement pour l'industrie na-
tionale, frappées du mérite de ces études, leur avaient accordé les
éloges les plus explicites.
La commission n'avait que l'embarras du choix de son rappor-
teur. Dix de ses membres laïques étaient merveilleusement com-
pétents et préparés à cette mission. Elle la confia à M. l'abbé La-
mazou. Celui-ci s'en est acquitté de manière à obtenir l'unanime
approbation de ses collègues, de ses collaborateurs. C'est un tra-
vail complet; grâce à ses nombreux voyages, M. l'abbé Lamazou
a pu en acci-oître l'intérêt par une comparaison impartiale et ap-
profondie de l'orgue de la métropole parisienne avec les instru-
ments renommés qu'il avait pu étudier de visu et de auditu, en
Suisse, en Allemagne, en Hollande et dans le Royaume-Uni. La
facture française, représentée par les orgues de la Madeleine, de
Saint-Sulpice, de Notre-Dame, œuvres de M. A. Cavaillé-Coll, a
été relevée de l'état d'infériorité dans lequel la maintenaient d'an-
ciennes opinions accréditées, qui ne seraient plus aujourd'hui que
des préjugés; elle peut donc, en toute conscience et en toute jus-
tice, revendiquer la prééminence.
Nous regrettons de ne pouvoir citer que quelques paragraphes
de cet intéressant rapport qui oft're le rare mérite de traiter des
matières scientifiques avec la plus grande lucidité tt dans un lan-
gage à la fois littéraire et artistique.
Des travaux de cette importance, de cette autorité, quand ils
émanent de membres du clergé , n'honorent pas moins l'Eglise
que leurs propres auteurs.
Extrait du rapport.
« § VI. — Il nous reste à signaler un dernier progrès réalisé pour la
première fois dans l'orgue de Notre-Dame.
132
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» L'importance des orgues ne doit pas se mesurer seulement par le
nombre des tuyaux et la dimension des jeux, mais encore par la richesse
de leur composition harmonique.
» Dans les plus grandes orgues on trouve des jeux de 32, 16, 8, Â,
2 et mfime i pied. Tous ces jeux sont à l'octave les uns des autres.
Mais, indépendamment de ces jeux à l'octave, on a introduit de tout
temps dans la construction des orgues des jeux intermédiaires, pris dans
la série harmonique des sons, donnant la quinte, la tierce et leurs oc-
taves. M. Cavaillé-Coll a ajouté la septième et ses différentes octaves,
c'est-à-dire qu'il a complété la série harmonique des sons de 3 à 6 de-
grés de plus qu'on ne l'avait fait jusqu'ici.
» Il en résulte que la base des divers jeux de l'orgue, qui ne s'éten-
dait jusqu'à ce jour que de 9 à i\ degrés différents, s'est accrue par le
fait de l'addilion de la septième jusqu'à 16 degrés de la série harmo-
nique.
» Ainsi, l'orgue de Notre-Dame, qu'il faut ckisser en première ligne,
possède une base de 16 degrés pris dans la série harmonique de 1 à 32,
tandis que l'orgue de Saint-Sulpice, quoique ayant un plus grand nombre
de jeux, ne possède que H degrés de cette même série; celui de la ca-
thédrale d'Ulm, un des plus considérables d'Europe, également 11 degrés;
celui de Harlem, 9; celui de Fribourg, 7; ceux de Saint-Eustache, de
Birmingham et de la Madeleine , 6.
» Ce complément de jeux ajoute à l'instrument non-seulement une
augmentation de puissance en proportion réelle avec le nombre des jeux,
mais il permet, en outre, de donner au timbre de certaines combinai-
sons des caractères de sonorité tout à fait nouveaux et d'une grande va-
riété et richesse d'effets.
)) Pour résumer ces explications générales sur la série harmonique,
\oici l'application qui en a été faite au grand orgue de Notre-Dame. Le
clavier de pédale contient une série harmonique complète de 32 pieds,
du 1" au 8° degré; le clavier de bombarde contient une série harmonique
au ton de 16 pieds, du 2° au 16" degré, et le clavier du grand chœur
contient une série harmonique au ton de 8 pieds, du i^ au 32° degré.
» § VIL — 11 ne sera pas inutile de constater que les progrès réalisés
dans l'orgue de Notre-Dame sont un honneur pour l'industrie et l'art
français. Depuis quarante années, la facture française a laissé bien loin
derrière elle la facture étrangère, qui avait cependant produit des orgues
justement populaires, telles que les orgues de Harlem, de Fribourg et de
Dresde. L'étude que nous avons faite sur place de ces trois instruments
et des instruments les meilleurs de l'Europe nous a démontré leur
état d'infériorité, même par rapport à l'orgue de la basilique de Saint-
Denis, qui est considéré comme le premier ouvrage marquant de la facture
moderne. Depuis cette époque, l'art étranger s'est lancé à notre suite dans
la voie des améliorations et des perfectionnements, surtout en Angleterre,
en Hollande, en Allemagne et en Suisse; mais comme M. Cavaillé-Coll
s'est constamment appliqué à faire progresser l'art français, les nations
voisines restent toujours, vis-à-vis de nous, dans une infériorité mani-
feste .
» Trois simples dates sont une preuve irrécusable de notre assertion.
1) Dans l'Exposition universelle de Paris, en 1853, la seule grande
médaille d'honneur réservée à la facture d'orgue fut décernée à l'orgue
de Saint-Vincent-de-Paul.
» Dans l'Exposition universelle de Londres, en 1862, on ne put faire
figurer que les plans de l'orgue de Saint-Sulpice. Mais les amateurs qui
ont comparé cet instrument à ceux qu'on avait exposés à Londres, n'ont
pas eu un moment de crainte ou d'hésitation sur la supériorité de la
facture française.
» Enfin, dans l'Exposition universelle de 1867, ceux qui ont étudié
l'orgue de Notre-Dame ne sont point surpris que le Jury international
ait associé son constructeur à ses travaux et classé ses orgues hors con-
cours.
» M. Cavaillé-Coll avait pourtant un grave écueil à redouter pour son
orgue de notre-Dame, c'était son orgue de Saint-Sulpice. 11 suffit de rap-
peler les conclusions du rapport de M. de la Morinière (1) et de repro-
duire celles du rapport de M. Lissajous, à la Société d'encouragement
pour l'industrie nationale (2), sur le travail de M. Cavaillé-Coll ; « La
» reconstruction de l'orgue de Saint-Sulpice a été pour cet habile artiste
» l'occasion de réunir, dans un ensemble monumental, tous les perfec-
» tionnements dont il a doté la facture moderne. Malgré le nombre
» considérable de jeux, la multiplicité des organes, le développement
j> considérable de la soufflerie , cet orgue présente dans l'ensemble une
» simplicité majestueuse et une élégante clarté. La partie acoustique de
» l'instrument se fait remarquer par la variété et la distinction des tim-
» bres; l'ingénieuse disposition des registres, jointe à la multiplicité des
» pédales de combinaison , crée à l'organiste des ressources d'exécution
» inconnues jusqu'à présent. Le Conseil, convaincu de la haute valeur
(1) Repos, 1864.
(2) Séance du 13 juillet 1863.
» des travaux de M. Cavaillé-Coll , et reconnaissant les efforts qu'il n'a
» cessé de faire pour maintenir la facture française au premier rang en
» Europe, lui décerne une médaille d'or. »
» Malgré sa tendresse bien justifiée pour une œuvre qui, en échange
de pénibles labeurs, lui a conquis les plus honorables suffrages, M. Ca-
vaillé-Coll s'est demandé s'il convenait que la première cathédrale de
France par ses souvenirs religieux et nationaux possédât ua orgue
inférieur à celui d'une église voisine. Inspiré par son amour de l'art,
fasciné par la majesté architecturale de Notre-Dame, enhardi par la mer-
veilleuse restauration qui vient de la rajeunir, il a voulu en compléter
l'harmonie par une œuvre monumentale.
» La Commission , après un examen approfondi, a unanimement re-
connu que l'orgue de l'église métropolitaine de Paris est un instrument
de premier ordre, qu'il honore au plus haut degré la facture française,
qu'il dépasse par la fécondité et la richesse de ses ressources les résul-
tats artistiques que les clauses du devis faisaient pressentir.
» La Commission déclare donc que l'instrument de M. Cavaillé-Coll
est recevable de tout point et avec les plus grands éloges. Elle rend en
même temps un juste hommage à la science de l'habile facteur, ainsi
qu'à la belle ordonnance et à la parfaite exécution de ses travaux.
fl Ont signé : Dumas, président; — Auber, — Ambroise Thomas,
— RossiNi, — Baron Séguier, — Général Favé, — Surat,
— De Place, — Félix Clément, — Lecrand, — Benoist,
— Lissajous, — Lefèvre, — Hamille, — De la Motte,
— Viollet-Leduc, — Chanoine Devroye, — Chevalier Van
Elewick, — Lemmens, — L'abbé Lamazou, secrétaire rap-
porteur.
» Le directeur de l'administration des cultes, après avoir pris les
ordres de Son Excellence M. le garde des sceaux, autorise la publica-
tion de l'Extrait ci-dessus relaté.
» Paris, le 21 mars 1868.
» Signe : Victor Hamille.
REVUE DES THÉÂTRES.
Variétés : Un régiment qui passe, comédie en un acte, par
MM. Paul Sipière et Paul Paquot; la Comédie bourgeoise, à-
propos mêlé de chant et de danse ; les Pifferari, ballet dansé
par Mme Zina Mérante et M. Bertoto; les Abrutis du feuilleton,
vaudeville en un acte, par MM. J. Moineaux et H. Bocage. —
Théâtre Déjazet : Cent mille francs et ma fille, vaudeville en
quatre actes, par MM. de Jallais et Philippe Gille, musique nou-
velle de M. Eugène Déjazet.
La Grande-Duchesse de Gérolstein a encore une fois disparu de
l'affiche des Variétés, mais qui peut affirmer que ce soit la'der-
nière? En attendant qu'elle reparaisse, voici un spectacle de tran-
sition destiné à servir d'étape au Pont des soupirs dont la reprise
est annoncée. Du reste, la réussite complète de ce spectacle nous
donnera le temps de patienter.
Deux noms nouveaux se sont produits à la faveur du Régiment
qui passe, un très-joli proverbe dû à la collaboration de MM. Si-
pière et Paquot. Il s'agit d'un billet de logement qui amène par
mégarde, un officier de lanciers dans l'intérieur d'une demoiselle
du demi-monde patronée par un homme marié. La jalousie de ce
dernier s'éveille à la vue du chapska de l'intrus. Une belle dame,
en quête de secours de charité, et qui n'est autre que la femme
légitime du Lovelace bourgeois, vient compliquer la situation.
L'officier de lanciers pourrait bien donner une double leçon à ce
mari courant la prétentaine, et son brosseur, tout bête qu'il est,
ne serait pas éloigné d'accaparer, à son exemple, la soubrette du
logis ; mais la trompette se fait entendre, c'est le régiment qui
s'en va et... la marche est sonnée. Cette petite intrigue, rapide
et spirituelle, est menée avec beaucoup d'entrain par Alexandre,
Guyon, un comique nouveau du nom de Gobin, très-plaisant
dans un rôle de lancier limousin, par Mlle Saëns, une charmante
blonde que nous avons déjà vue au Palais-Royal, par Mlles Carlin
et Cécile Renault.
— La Comédie bourgeoise, par M. Trois Etoiles, a servi, dit-on,
DE PARIS.
133
dans plus d'une représentation à bénéfice. C'est bien peu de chose,
en effet; quelques scènes d'un proverbe répété par des acteurs
de société qui ne peuvent s'entendre et qui cèdent la place à un
intermède quelconque. Dans la circonstance présente, c'est une
romance chantée par Mlle Stanni, et accompagnée au piano par
Mlle Vernet, puis un pas de Pifferari exécuté par Mme Zina Mé-
rante, avec la brillante perfection qui la caractérise, et où elle est
fort bien secondée par son camarade Bertoto.
— Un titre piquant, les Abruiis du feuilleton, donne une cer-
taine importance à la dernière nouveauté dont nous avons à nous
occuper. C'est une actualité basée sur la lecture des romans à
surprises qui défraient le rez-de-chaussée de tous nos journaux.
Deux amateurs de cette littérature frénétique apprennent qu'un
forçat s'est échappé du bagne. L'esprit frappé par les gentillesses
de Rocambole, ils ne sont que trop disposés à voir partout des
émules de ce célèbre aventurier. Un monsieur, poursuivi pour
délit de chasse fait son entrée par la fenêtre, à la lueur des éclairs ;
il cherche une clé, pour s'échapper, dans le tiroir à l'argenterie;
il s'aifuble d'un déguisement emprunté au maître de la maison.
Plus de doute, c'est le forçat qui a pris la clé des champs. Cepen-
dant tout finit par s'expliquer, notre homme, sur le point d'être
pincé, décline ses noms et qualités, et comme, en outre, il est
amoureux de la fille d'un de ses hôtes, le quiproquo se termine
gaiement par un mariage. Les situations de cette pièce ne sont
pas neuves, mais elles sont amusantes et elles sont lestement con-
duites par Blondelet, Baron, Boulanger, Mlle Kid et Mlle Caroline.
— Au théâtre Déjazet, on joue en ce moment une pièce en
quatre actes, qui, sous le titre de Cent mille francs et ma fille, ob-
tient un succès des plus mérités. Un oncle de province vient à
Paris pour adjuger sa fille ornée d'une dot de cent mille francs,
à celui de ses trois neveux qui se sera fait le plus remarquer dans
la carrière embrassée par lui. Mais les neveux en question sont
trois bohèmes criblés de dettes et n'ayant de notoriété que dans
les brasseries du quartier. Néanmoins, les créanciers qui ont flairé
la dot s'arrangent pour faire accroire au bonhomme d'oncle que
ses neveux sont des prodiges. L'un est peintre, l'autre est mécani-
cien et le troisième est homme de lettres. On promène l'oncle
Vancerfenil dans un atelier de fantaisie, dans un comice agricole
de rencontre, et dans les coulisses d'un Théâtre-Français d'inven-
tion. Mais la mèche est éventée, et un quatrième larron s'empare
en fin de compte de la fille et des cent mille francs.
Cette dernière fantaisie fournit la matière de quelques tableaux
divertissants, joyeusement interprétés par Legrenay, Dailly, Dau-
bray et une demi-douzaine de jolies femmes. On y applaudit quel-
ques airs nouveaux d'Eugène Déjazet et un agréable ballet d'An-
dalouses.
D. A. D. SAINT-YVES.
CONCERTS ET AUDITIONS nUSICAIES DE LÀ SEMAINE.
»*, Dimanche dernier, une nombreuse et brillante assistance remplis-
sait la grande salle de la Sorbonne, oîi l'Institut de la Providence don-
nait une matinée musicale et litléraire au profit de son œuvre. Cette
matinée a tenu de tout point ce qu'elle promettait; on y a applaudi les
beaux vers de Mme Hermance Lesguillon, composés pour la circonstance,
et récités par Mlle Ozaline Crosnier, ainsi que la panie musicale, repré-
sentée par Mme Martin-Robinet, par Mlle Labeuvrie, par Mlle Fanny de
Lamarque, par MM. Pénavaire, Archainbaud et Graire, violoncelle du
théâtre Italien. Nous devons une mention toute spéciale à Mme Martin-
Robinet, l'habile pianiste, qui a électrisé l'auditoire avec la Valse de
Schulhotf, la Gavotte de Mignon, et le grand duo de Guillaume Tell,
où son succès a été partagé par le violon de M. Pénavaire.
^** Le concert de l'excellent pianiste Jacques Baur avait attiré jeudi
dernier, chez Érard, un public nombreux. Bien avan'. l'heure toutes les
places étaient occupées. Le talent du jeune maître est, en elTet, de ceux
qui séduisent et impressionnent vivement, en raison même de leurs
contrastes ; aussi les sympathies et les encouragements ne sauraient-ils
manquer aux développements de cette riche et complète organisation
musicale. Les morceaux du programme étaient de nature à bien mettre
en relief et en lumière les qualités qui caractérisent la haute virtuosité
de J. Baur. Dans le scherzo, dans le délicieux adagio de la Sonate en te
de Beethoven, il a montré avec quelle pureté de style et quelle fidélité
il interprétait les maîtres. Une Romance sans paroles de Mendelssohn et
la romance de l'Etoile, du Tannluiuser, lui ont permis d'affirmer son
goût et son sentiment. Par le quatuor de liigoletto, transcription de
Liszt, J. Baur a voulu rendre hommage au maître dont il fut l'élève
favori. 11 a apporté à l'exécution d'un Nocturne de Chopin un soin, un
fini de détails surprenants, ainsi que la poésie pénétrante propre aux
œuvres de ce maître. II a donné la mesure de la puissance et de l'éclat
de son jeu dans sa magnifique transcription du chœur des Evêques, de
VAfricaine, qui arrive graduellement à des effets de sonorité d'une am-
pleur magistrale et que le public a voulu entendre jusqu'à 3 fois. Dans
le célèbre Pondo de Weber, enfin, l'agilité, la précision de son méca-
nisme ont émerveillé l'auditoire. L'individualité artistique de J. Baur
s'accentue de jour en jour davantage et le classe parmi les maîtres du
piano. Son dernier concert n'a été pour lui qu'une suite d'ovations.
Triomphe vaillamment conquis et bien mérité par des études sérieuses,
par une persévérance et une volonté peu communes. L'éminent artiste
pouvait y voir le prélude des applaudissements qui l'accueillent, chaque
année, dans les casinos des bains de mer et qui l'attendent bientôt au
Havre. MM. Franco-Mendès, violoncelliste, et Lowenthal, Mlle Fortuna,
du Théâtre italien de Saint-Pétersbourg, méritent leur part d'éloges dans
cette soirée que l'on peut classer, en toute justice, au rang des plus
brillantes delà saison, et qu'a spirituellement terminée une jolie petite
comédie d'Ernest Dubreuil.
*** M. Charles Jeltsch, un pianiste de talent dont la réputation n'est
plus à faire, a donné samedi dernier, dans les salons Erard, un concert
dans lequel il a fait applaudir son jeu brillant tout en restant classique,
avec un charmant Impromptu de Stéphen Heller, le duo de Mendelssohn
et Moschelès sur Preciosa, et deux morceaux de Liszt. M. Hammer, le
violoniste élégant, et le pianiste Rie ont concouru pour une bonne part au
succès de cette soirée.
t*^ M. E Delaborde, qui s'était fait entendre au concert spirituel du
Vendredi-Saint au Conservatoire, a donné samedi dernier, dans la salle
Erard, un concert dans lequel il a fait apprécier de nouveau son habi-
leté toute spéciale dans le maniement du piano à clavier de pédales. Des
œuvres de Bach, de C. V. Alkan et de Schumann ont été exécutées par
cet artiste avec une sûreté et un brio que nous n'avons encore rencon-
trés à ce point chez aucun virtuose. Comme compositeur, M. Delaborde
s'est fait applaudir avec un lied et une fantaisie-prélude pour quatuor à
cordes d'un beau caractère. Mlle M^ertheimber et M. Poëncet ont récolté
à côté de lui de nombreux bravos.
,f*^ Mlle Laure Bedel, premier prix du Conservatoire, a donné jeudi
à la salle Pleyel un concert au profit de l'œuvre des Orphelines de la
paroisse Saint-Eustache. Cette jeune artiste se recommande par de pré-
cieuses qualités; la musique classique a toutes ses préférences, et nous
l'en félicitons. Dans le quintette de Hummel , la Frescobalda de Fresco-
baldi, une Bourrée de S. Bach, et la Polonaise de Chopin pour piano et
violoncelle (avec M. Poëncet) , elle a fait preuve d'une souplesse de ta-
lent qui manque à bien des artistes en vogue. MM. Poëncet, Garcin et
Mme Anna Fabre lui ont prêté le concours le plus efficace.
^*^ Très-briliant et très-fructueux a été le concert du jeune pianiste
Alphonse Rendano, à la salle Herz, le riiardi 21 avril. C'est que, chez
lui, le talent n'a pas attendu l'âge; c'est qu'il joue déjà en maître, et
qu'il compose en véritable artiste : sa Rimembranza, sa Valse-fantaisie,
son nocturne Sur le lac sont là pour le prouver; c'est enfin que
Mlle Nilsson, Gardoni et Delle-Sedie étaient de la fête, et que leur
succès a pour le moins égalé celui du bénéficiaire. Gardoni a été sur-
tout applaudi avec la romance de Marta. La recette de ce concert a,
dit-on, dépassé 3,000 francs.
^*, Nous avons à signaler, à cette fin de la saison, un concert des
plus intéressants au point de vue des bénéficiaires d'une part, les en-
fants Fremeaux, dont les grandes et si précoces quahtés artistiques sont
des plus remarquables qui se soient produites, — et de l'autre, l'attrait
du programme auquel prendront part Rubinsteiu, Mme Anna Constanzia
et des artistes de deux de nos théâtres subventionnés, dans un acte
d'Octave Feuillet. — Nous avons déjà signalé à l'attention des lecteurs
de la Gazette cette jeune famille d'artistes; elle mérite au plus haut de-
gré les encouragements de tous ceux qui ont le culte de l'art musical.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a de nouveau donné cette semaine
trois fois Hamlet. — Cet opéra sera joué mardi par extraordinaire et
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
pour la dernière représentation de Mlle Nilsson au bénéfice de la caisse
des pensions des artistes et employés de l'Opéra. — Immédiatement
après le départ de Mlle Nilsson, le ténor Mazzoleni débutera dans le Trou-
vère.
*** MM. Sardou et du Locle viennent d'écrire sur le sujet du Cid
Campeador un livret dont M. Gevaërt compose en ce moment la musi-
que. — D'un autre côté, on annonce qu'on va mettre à l'étude un
opéra en deux actes de M. Diaz de la Pena, dont le théâtre Lyrique
joua en 186-4 le Boi Candaule. Les paroles sont de M. Michel Carré; la
distribution des rôles en a été faite à Mmes Mauduit et Levielli et à
MM. Caron, Devoyod et Colin.
*.** Mardi aura lieu la dernière représenlalion de Mlle Nilsson avant
son départ. — La reprise à'Herculanum, qui est en pleines répétitions,
et que M. Perrin remonte avec beaucoup de soin, suivra peu de temps
après.
*** Une indisposition de Mlle Cico a relardé au théâtre de l'Opéra-
Comique la reprise des Voitures ivrsées. On donne aujourd'hui cette re-
prise avec le Pré aux clercs et les Rendez-vous bourgeois, au bénéfice d'un
artiste. — On ne tardera pas à représenter le petit opéra-comique de Mme
de Grandval, le Zapateyo , paroles de MM. H. Meilhac et W. Busnach.
— Mademoiselle Sylvia, de Samuel David, est venue ajouter un nou-
vel attrait au répertoire.
*.*:j L'événement de la semaine au théâtre Italien a élé la représenta-
tion au bénéfice d'Ad. Patti. Nous en avons donné la composition qui,
dans des styles complètement différents mettait en relief le talent de la
diva; cette représentation a donc été pour elle une longue fête, h laquelle
Nicolini, Verger, Agnesi et Ciampi ont fourni un brillant contingent; la
recette s'est élevée à 17,000 francs.
^** On a joué cette semaine pour les dernières représentations : mardi
Don Pasquale et liier Don Gioimnni ; jeudi, Lucrezia Borgia avec Mlle
Krauss et Steller.
^"■j Demain a lieu le bénéfice do Mlle Krauss, dans lequel Ad. Patti
chante pour la dernière fois avant son départ; la représentation se
composera du premier acte de Lucrezia Borgia, du deuxième de Don
Giovanni, du premier de la Traviata et du quatrième acte d'il Trovatorc.
„s*;,; Jeudi, dernière représentation de l'abonnement.
^*if, On annonce pour mardi la première représentation de l'opéra du
prince Ponialowski, dont le titre définitif est VUragano, et dans lequel
Mlle Urban est chargée d'un rôle de mime important.
*** Après une indisposition momentanée, Mme Carvalho a repris son
rôle dans Roméo et Juliette. La célèbre cantatrice étant sur le point de
prendre son congé, l'œuvre de Gounod ne sera plus donnée que deux
fois. — Un jeune ténor, élève de Nicole Lablache, et connu par des
succès de salons, M. Duchesne, a débuté mardi avec succès dans le
Freyschutz .
if:*^ Le célèbre compositeur Ball'e est à Paris, où il est venu pour sur-
^■eiller les répétitions de son opéra la Bohémienne, dont les répétitions au
théâtre Lyrique sont très-avancées.
^*^ Le succès de Fleur de Thé grandit tous les jours; les sept pre-
mières représentations avaient produit 14,0i3 fr. 5^. Les sept dernières
ont atteint le chiffre de 20,239 fr. 50 c. C'est une moyenne de 2,900 fr.,
et ce chiffre sera dépassé dès que les baignoires qui doivent remplacer le
pourtour seront construites.
,■** Mlle Irma Marié, qui doit reprendre son service au théâtre Lyri-
que, va être remplacée par Mlle Lovato dans le rôle de Césarine, de
Fleur de Thé.— D'un autre côté, le frère de MlleBaretti qui était au Théâ-
tre-Lyrique, répète en double le rôle de Sytier dans l'opéra de Lecocq.
^*t D'après une note émanée de M. W. Busnach lui-même, le théâtre
de l'Athénée aurait reçu les pièces suivantes : le Petit-Poucet, trois actes
de MM. Albert Vanloo, Eug. Leterrier et Georges Fontaine; Bocchoris,
un acte de MM. Octave Gastineau et Debillemont; le Commandore, un
acte de Cham et Vogel; le Vengeur, un acte de MM. Nuitter et Legouix;
Joli grec à l'œil noir, un acte de MM. de Launay et Adolphe Nibelle;
trois actes de MM. Octave Gastineau et Léo Delibes, et enfin les trois
actes de MM. Chivot et Duru, musique de M. Charles Lecocq, dont nous
avons déjà parlé. On voit que ce n'est pas l'activité qui manque à la
direction.
*** M. Busnach vient d'engager, pour trois ans, Mlle Pradal qui jouait
tout dernièrement dans Nos Ancêtres à la Porte Saint-Martin.
^*, M. Bock, l'éditeur de Berlin, vient d'acheter la propriété de l'o-
péra bouffe Fleur de thé. — Cet ouvrage va être monté au théâtre An
der Wien, à Vienne.
^''^ Le théâtre de Cluny joue en ce moment une opérette intitulée :
Un Cousin retour de l'Inde, dont la musique vive, spirituelle et légère
fait le plus grand honneur à M. Bovery, chef d'orchestre habile et com-
positeur déjà connu par un certain nombre de petites productions du
même genre. Cette dernière venue, qui n'est pas la moins réussie, sert
d'agréable prélude à la représentation du fameux drame de Lavaubalière,
emprunté à l'ancien répertoire de la Porte-Saint-Martin.
**;s Le préfet de la Seine et sa famille assistaient jeudi à la repré-
sentation de Cent mille francs et ma fille, le succès actuel du théâtre Dé-
jazet.
,^'*^ La représentation à Rouen du Cardillac de M. Dautresme, a valu
au jeune compositeur, enfant de cette ville, un triomphe légitime et a
été pour lui l'occasion d'ovations bien méritées.
^"^,1, La représentation de l'Africaine, sur le théâtre de Nice, donnée
au bénéfice de Mlle Nina de Rionnelle, n'a été qu'une incessante ovation
pour la jeune et dramatique Sélika. Applaudissements, rappels, bouquets
et couronnes, rien n'a manqué au succès de celte artiste qui s'achemine
vers la réputation.
,^*:j Robitison Crusoé, représenté à Genève pour le bénéfice de l'excel-
lent ténor de Quercy, a reçu du public de cette ville un accueil des plus
sympathiques. La pièce a été fort bien chantée et jouée par Mme Geoffroy
et le bénéficiaire.
„,'** Ce même Robinson vient de faire son apparition sur la première
scène bordelaise. Cet ouvrage semble devoir s'y acclimater et y plaire.
A la première représentation on a beaucoup applaudi le quatuor du pre-
mier acte, la romance : S'il fallait qu'aujourd'hui, la Chanson du pot au
feu, les couplets : C'est un brun 1 le duo. Il vient un jour, etc., et sur-
tout la Berceuse du troisième acte, chantée d'une manière remarquable
par Mme Montaul-Lamberl, qui a su faire de Vendredi une création des
plus originales. Dans le rôle d'Edwige, Mme Singelée a mis toute sa
grâce et tout son talent. Mlle Bordet (Suzanne) ne manque ni de verve,
ni d'esprit, ni d'agilité. Anthelme et Emmanuel ont provoqué à diffé-
rentes reprises les applaudissements de- la salle entière. Tournade est un
Jim-Cocks excessivement drôle. L'orchestre, parfaitement dirigé par
M. Granier, a bien marché. — Au Théâtre-Français, la première repré-
sentation de la Grande-Duchesse a fait salle comble. L'entrain, la gaieté
communicative, la spirituelle crânerie, la voix sympathique de Mme Rose
Bell, ont retrouvé là les admirateurs et les applaudissements qui ne ces-
sent pas de les escorter. Aussi a-t-on rappelé et acclamé Mme Rose Bell,
remarquablement secondée, du reste, par Carrier, son partenaire fidèle, le
compagnon habituel de ses succès, ainsi que par Mme Ferrare et MM. Ro-
que, Briel, Thaïs, du théâtre de Bordeaux.
**4f A l'exemple d'autres théâtres allemands, celui de Brunswick va
adopter le diapason normal français.
NOUVELLES DIVERSES.
4*^ Le concours de composition musicale pour le grand prix de Rome
s'ouvrira le i mai^prochain. Les concurrents admis resteront en loges du
19 mai au 12 juin, et le jugement sera rendu le 13.
«** Vendredi dernier, MM. les délégués des sociétés savantes de France,
accompagnés de leur président, M. Milne- Edwards, et de M. le direc-
teur de l'administration des cultes, se sont rendus à Noire-Dame pour
examiner et entendre le grand orgue dont le gouvernement impérial
vient de doter la métropole de Paris. M. A. Cavaillé-Coll, constructeur de
l'instrument, a donné des explications sur les nouveaux perfectionnements
introduits dans ce grand orgue, et qui intéressent à la fois la science de
l'acoustique et de la pneumatique. M. Auguste Durand , l'habile orga-
niste de Saint-Vincent de Paul, et M. Franck aîné, organiste de Sainte-
Clotilde, ont fait entendre l'instrument, avec le talent qu'on leur con-
naît, à la satisfaction de la docte assemblée. M. Milne - Edwards et
M. Hamille, directeur de l'administration des cultes, ont beaucoup re-
mercié M. A. Cavaillé-Coll et MM. Franck et Durand de toute la satis-
faction que leur avait procurée celte séance intéressante au point de
vue musical et scientifique.
:s*^ Agne.«i vient de signer un engagement de deux mois, du 15 juil-
let au 15 septembre, pour Hombourg. L'excellent baryton se fera égale-
ment applaudir aux concerts de Bade, oîi il doit chanter.
-j,*,, Mlle Corani, cantatrice qui s'est acquis une belle réputation en
Italie, qui vient de Saint-Pétersbourg, Moscou, Odessa et autres villes
principales de la Russie, oîi elle a obtenu de grands succès, est en ce
moment à Paris.
^*,i. L'administration de l'Eldorado a eu l'heureuse idée d'engager les
frèi'es Guidon. Ce ne sera pas une des moindres attractions de cet éta-
blissement pour la saison d'été.
^*» Alf. Jaell a quitté Paris mardi avec sa femme pour se rendre à
Londres, oii l'appellent de brillants engagements avec les sociétés phil-
harmoniques de Musical-Union, d'Ella et du Crystal-Palace.
^*^ M. et Mme Fr. Guzman, les pianistes chiliens qui ont été si re-
marqués cet hiver, viennent aussi de partir pour Londres, où les appel-
lent de brillants engagements pour les concerts de la saison.
^*,i: Nous sommes en retard pour mentionner la publication du boléro
à'I Batavi, chanté aux Italiens, par Adelina Patti, dans la leçon de mu-
sique d'il Barbiere , et qui a paru chez l'éditeur Choudens. Le public a
pu, en entendant ce charmant morceau , qu'il a chaque fois chaleureu-
sement applaudi, se faire une idée de la valeur de l'opéra de M""' Tarbé
DE PARIS
13S
des Sablons, dont il fait partie, et qui ne peut manquer, dans un temps
donné, de faire son apparition sur une de nos grandes scènes lyriques.
*** Nous avons sous les veux un opuscule du à l'expérience d'un de
nos plus excellents chanteurs, Jules Lefort. Il a pour titre : De l'Emission
de la Vùix. Fruit d'une longue observation de l'auteur dans la profes-
sion de son art, basé sur l'étude des grands chanteurs, soit français, soit
italiens, qui ont illustré la scène, ce travail a pour objet de fixer d'une
manière positive un des points les plus importants de l'art du chant,
lequel, sans être précisément livré au liasard, n'a pourtant pas de règle
fixe. 11 sera donc d'une grande utilité pour les élèves, en mettant sous
leurs yeux des moyens simples et naturels pour émettre le son. — Nous
en reparlerons plus au long.
*** Mercredi 6 mai, à 3 heures, aura lieu à l'église Saint-Merry un
concours pour la place d'organiste du grand orgue, devenue vacante par
suite de la nomination de M. Chauvet à l'église de la Trinité. Se faire
inscrire à la sacristie.
*** La Revista y Gaceta musical de Madrid du 13 avril contient une
description détaillée des perfectionnements apportés à la fabrication de
la clarinette par Antonio Romero, perfectionnements dont le résultat est
une justesse plus grande pour certaines notes, ainsi que la facilité d'exé-
cuter certains trilles peu abordables, et qui ont valu à leur auteur une
médaille d'argent à l'Exposition universelle de 1867. Nous en avons parlé
à cette époque.
^*^ Au nombre des améliorations introduites par M. Dupressoir dans
l'exploitation du magnifique établissement de Bade, il faut mentionner
celles que reçoit l'orchestre qui joue quotidiennement deux fois, sur la
terrasse de la. Conversation, sous la direction de Kœnemann. Le nombre
des musiciens en a été fortement augmenté, et le répertoire va s'enri-
chir, entre autres, des grandes fantaisies sur les opéras de Meyerbeer, de
Rossini, Auber et de nos autres grands maîtres, composées par Arban
pour ses concerts. M. Dupressoir a de plus engagé l'excellent chef d'or-
chestre du Casino pour conduire, cette saison, plusieurs solennités musi-
cales, et entre autres le grand bal qui sera donné au profit des pauvres.
*** Hier a eu lieu l'ouverture du jardin Mabille. 11 y avait beaucoup
de monde, et l'orchestre, sous la direction d'Aug. Mey, a fait merveille.
^*^. M. de Gasperirii, écrivain d'un talent élevé, qui avait fait de la
critique musicale dans plu.sieurs journaux, avec des opinions personnel-
les très-accentuées et très-franches, vient de succomber, jeune encore,
aux suites d'une maladie de poitrine. Comme homme, il sera vivement
regretté de tous ceux qui l'ont connu. La critique, la littérature artisti-
ques perdent en lui un de leurs représentants les plus ardents et les
plus loyaux.
,*^ Une grande douleur vient de frapper Mme Ugalde : elle a perdu
sa fille, âgée de quatorze ans.
^*^ La fille aînée de Mme Emilio Naudin est morte cette semaine à
Varsovie. Elle était mariée depuis peu. Grâce, bonté, charme, affection,
la mort a pris tout cela. .. à vingt-trois ans!
^*f, On annonce également la mort de la veuve du compositeur Mon-
pou, qui avait pu applaudir encore la reprise récente d'un ouvrage de
son mari.
ÉTRANGER
.j^*^ Londres. — La basse Colini a débuté lundi à Covent-Garden dans
le rôle de Bertram de Robert le Diable. Il possède une belle voix et beau-
coup d'intelligence dramatique; le public l'a très-sympathiquement
reçu. — Adelina Patti est attendue le 28.
^*t^ Schwerin. — La Légende de sainte Cécile, cantate de Jules Benedict,
accueillie avec tant de faveur à Londres, a fait sa première apparition
sur le continent à notre théâtre Grand-Ducal, sous la direction du chef
d'orchestre Aloys Schmitt, et avec Mlle Aglaïa Orgéni pour principale
interprète. Cette œuvre a rencontré les mêmes dispositions bienveillantes
d ans notre public que dans celui qui l'a applaudie l'année dernière aux
grands festivals londoniens.
j*j, Berlin. — La place de Concertmeister ou soliste, laissée vacante à
l'orchestre royal par la mort de l'éminent violoncelliste Moritz Ganz, a
été conquise, après une brillante épreuve et sur de redoutables concur-
rents, par Jules de Swert, concertmeister à Weimar.
^*^ Munich. —Les Meistersinrjer, de R. Wagner, qui devaient être
donnés le mois prochain, ne seront pas représentés avant l'automne.
,j*» Vienne. — L'Oie du Caire, traduite de l'arrangement français de
V. Wilder, n'a obtenu qu'un médiocre succès au Carltheater.
^*,i, Prague. — L'opéra en deux actes Am. Runenstein, de Flotow et
R. Gênée, dont nous avons dit le succès dans notre dernier numéro,
abonde en situations heureuses dont le compositeur a sii tirer un excel-
lent parti. Le Runenstein est un écueil, une sorte de rocher maudit cou-
vert de caractères runiques très-anciens, devenus indéchiffrables et
presque cabalistiques pour les pêcheurs de l'île suédoise d'Elverœn, où la
scène .se pa.s.se; il ne joue, du reste, qu'un rôle secondaire dans l'action.
Un antique usage veut que le vainqueur au tournoi d'adresse de la fête
des pêcheurs choisisse parmi les jeunes filles la reine de l'île ; le comte
Arenskiold, à qui le prix est décerné, ravit ainsi Swcna à son fiancé
Bruno. Swena, qui s'est déjà laissée prendre aux doux propos du comte,
va trahir sa foi; un rêve qu'elle fait près du Runenstein, et où sa faute,
lui est présentée avec de terribles conséquences, la retient à temps, et
il ne reste plus au comte qu'à aller porter ses hommages ailleurs. —
Le premier acte est sans contredit le mieux' fait, celui qui se prête le
plus aux effets scéniques, et celui aussi qui a été le plus goûté. Le long
rêve de Swena tient beaucoup trop de place dans le .second acte; c'est le
Deus ex machina qui la sauve du déshonneur. — A la seconde repré-
sentation, des coupures très-heureuses ont été pratiquées. Grâce aux
premier acte et au mérite de la musique, Am. Runenstein fournira cer-
tainement une honorable carrière. Ce sujet a quelque chose de légen-
daire et de poétique qui aurait parfaitement convenu, ce nous semble,
au cadre d'un ballet.
i^*^Florence. — Le cinquième et dernier concert-conférence de la Societce
del Quartctto a eu lieu le 6 avril; Schumann en faisait le sujet. Le doc-
teur Filippo Filippi, un des critiques les plus autorisés et les plus avan-
cés d'Italie, a apprécié avec un véritable talent le caractère et l'influence
de ce maître.
^''t Milan. — La Società del Quartctto a inauguré, le 12 avril, sa cin-
quième année d'existence par une séance pleine d'intérêt, a laquelle ont
pris part, entre autres, le célèbre violoniste Bazzini et le pianiste-compo-
siteur Fasanotti. . .
f:*^ Varsovie. — La troupe italienne a clos ses représentations par
Il Barbiere, et les artistes qui la composaient nous ont quittés pour di-
verses destinations.
:j^*^ Moscou. — La direction de l'Opéra a promis pour le printemps
prochain une série de douze représentations italiennes, et a engagé dans
ce but Mmes Artôt et Ferlesi, les ténors Perding, Ambonetti, Fillehorn,
et les basses Padilla et Bossi. Le chef d'orchestre est M. Dupont, frère
du professeur de piano au Conservatoire de Bruxelles.
:):% Constantinople, — Une représentation de gala a eu lieu le 5 avril
au théâtre Naoum (l'Opéra italien de Péra). Le sultan, plusieurs de ses
ministres, Fuad-Pacha, Ali-Pacha, Midhat-Pacha, etc., et tous les ambas-
sadeurs y ont assisté. Après un hymne composé sur des paroles turques
par le maestro Pisano, on a joué le Barbier en entier, un acte de Robert,
un de Linda, un de Marta et un de Norma. Après la représentation,
Sa Majesté a fait remettre à l'imprésario 1,000 piastres turques (2,300 fr.),
pour les distribuer à la troupe. — Dans un concert auquel ont pris part
le ténor Corsi, la basse Vacchi et Mme Fridericci, cette dernière a obtenu
un succès d'enthousiasme avecl'air d'Inès de r^/ricame et l'air de «l'Ombre»
du Pardon de Ploërmel,
CONCERTS ET AUDITIONS HUSICALES ANNONCES.
Salons Erard, aujourd'hui dimanche 26 avril
compositeur Fritz Gernsheim.
concert du pianiste-
Salons Pleyel, demain lundi, à 8 heures et demie : concert de M. Hip-
polyte Grignon, avec le concours de MM. Lefébure-Wély, Léopold
Dancla, Fréd. Lentz, de MmesL. Dancla et Colhn.
Salons Erard, demain lundi : concert de Mlle Octavie Caussemille.
Salle Herz, mardi 28 avril: concert des enfants Fremeaux, pianiste, vio-
loniste et violoncelliste, avec le concours d'Ant. Rubinstein.
Salons Erard, mercredi 29 avril : concert de Mme Rossi-Gallieno , avec
le concours de MM. Norblin, Telezinski, pour la partie instrumen-
tale, et pour la partie vocale, de Mlle Brunet-Lafleur, M. Fortuné Plu-
beit, doué d'une magnifique voix de baryton, et M. Paris, chanteur
comique. Le progamme, des plus attrayants, se compose de morceaux
de Mendelssohn et de Rubinstein. Mme Rossi fera entendre plusieurs
de ses compositions nouvelles : tes Regrets, Etude caractéristique, les
Chants du soir. Mélodie et une Tarentelle.
Salle du Grand-Orient, jeudi 30 avril : concert de M. Hurteaux, avec le
concours de MM. Bollaërt, Maton, Mayeur, Lionnet frères, Mlles Ma-
rie Magner, D. Champon et Tayau.
• : s. DDFOUa.
H ir T C ^'^ ''°" musicien, connaissant l'harmonie et jouant de plu-
il V 1 U. sieurs instruments, le violon et la clarinette entre autres,
désirerait trouver un emploi de chef de musique ou de directeur de
société musicale. 11 se montrerait facile sur les conditions. S'adresser à
M . Prell, à Saint-Sorlin (Drôme) . ' '
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UEVUË ET GAZETTE MUSICALE DE PAKIS.
EN VENTE :
Chez Ci BRAWDUS et Sw DUrODB, éditeurs, 103, me de RlcUelIen.
FLEUR DE THÉ
Opéra bouffe en trois actes,
PAROLES DE MM. ALFRED DURU ET HENRI CHIVOT, MUSIQUE DE
CHARLES LECOCQ
Les Airs de Gliaiit détacliés
1. Chanson de la Cantinière, chantée par Mlle Irma
Marié : Vivandière, cantinière, parlez, que désirez-
vous ? 3 ^^
2. Couplets, chantés par M. Sytter : J'ai couru grossir
la foule 3 »
3. Duo, chanté par Mlle Lucile Cabel et M. Sytter : A
l'éviter j'ai réussi "ï 50
4. Chinoiserie, chantée par MM. Désiré et Léonce : Je
suis clairvoyant comme un sphinx 4 50
4 bis. La même, arrangée à une voix 3 »
5. Trio, chanté par MM. Désiré, Léonce et Sytter : La loi
du Tsinn est fort claire 9 »
6. Confidence, chantée par M. Léonce : Je suis né dans
le Japon 3 »
7. Ariette, clianté par Mlle Irma Marié : En tous pays
l'homme est wn être qui traite fort mal 3 75
8. Romance, chantée par M. Sytter : Césarine à mes
vœux docile 3 »
8 bis. La même, transposée pour baryton 3 »
9. Duo, chanté par Mlle Marié et M. Sytter: RappeHe-toJ. . . 9 »
9 bis. Couplets de l'Alcôve, extraits du Duo, chantés
par M. Sytter : Ensuite dans la nuit obscure 3 »
10. Ronde du Clicquot, chantée par Mlle Irma Marié,
MM. Désiré et Léonce: Ce n'est pas un vin de carême 2 50
Quadrille pour le piano, par ARBAN, 4 50 — Cliquot-Polka pour piano, par ROQDES et STRAUSS, k f .
SOUS PRESSE
SOUS PRESSE
L'OUVERTURE, ARRANGÉE FODR LE PIANO.
liA PARTIXIOl POUR CHAMT ET PIAMO
KETTERER. Caprice humoristique pour le piano. | CRAMER. Bouquets de Mélodies pour le piano.
Cirande Valse par Strauss. — Quadrille par TÊÊe-y. — Polka-TTazurka, Galop.
CHEZ LES MÊMES ÉDITEURS
MEOI
DS ^^.^^IlS
DE SAINT - PHILIPPE
Huit Motets à une et deux voix, avec accompagnement d'Orgue, par
ADOLPHE ADAM
1. Ave Maria, hymne à la Vierge, pour soprano, avec accomp.
de hautbois, a() K6 3 »
2 . Ave Maria, solo pour contralto 3 »
3. Ave Maria, duo pour soprano et contralto, avec accomp. de
hautbois, ad Ub 4 SO
i. Ave verum, solo pour soprano 2 bO
3. Ave regina cœlorum, duo pour soprano et mezzo soprano 3 75
6. Inviolata, duo pour soprano et mezzo soprano 3 73
7 . 0 salularis, pour soprano 3 »
8. Ave maris Stella, duo pour soprano et mezzo soprano 3 »
Les 8 numéros réunis : 10 francs net.
mEYERBEER
Cantique tiré de l'Imitation de Jésus Christ, à six
voix avec récits 9 »
Pater noster, offertoire, chœur à 4 voix, sans ace. 4 50
Salve Regina, chœur à 4 voix 4 »
Sept chants religieux à 4 voix net. 15 »
Sainte Marie, chœur du Pardon de Ploërmel. . 5 »
Pater noster, à 4 voix, du même opéra .... 4 »
Prière du matin, pour 2 chœurs à 8 voix ... 6 »
Prière pour 3 voix de femme, sans accomp ... 3 »
B. VAJtOrtkA.
Ave Maria, pour ténor ou mezzo soprano, avec
accomp. de piano ou orgue 3 »
0 salutaris, pour ténor ou mezzo soprano, avec
accomp. de piano ou orgue 3 »
Ti prego o Madré mia, prière pour mezzo soprano,
avec accomp. de piano 3 »
STABAT MATER
DE HOSSIIVl
1 . Introduction. Slabat Mater S »
2. Air pour ténor. Cujus animam 3 75
3. Duo pour 2 soprani. Quis est homo . 3 75
4. Air pour basse ou ténor. Pro peccatis 3 75
5. Chœur et récitatif. Eia mater 3 75
6. Quatuor. Sancta mater 5 »
7. Cavatine pour soprano. Fac ut portera 3 »
8. Air et chœur p. soprano. Inflammalus 5 >
9. Quatuor sans accomp. Quando corpus 3 »
dO. Chœur final. Amen 6 »
A. PAKSEROar
Prière à Marie, cantique pour basse-taille, bary-
ton ou contralto. .' 3 »
Le nom de Marie, cantique à 2 voix de femmes. 4 50
Invocation à Marie, cantique à 2 voix 2 »
0 salutaris, pour soprano ou ténor 2 50
Aqnus Dei, pour basse-taille, baryton ou contralto 3 »
Benedictus, pour basse-taille, baryton ou contralts 6 »
Mon unique espérance, pour soprano ou ténor,
avec accomp. de piano ou mélodium .... 5 »
Jésus vient de naître, cantique pour 2 voix. . . 4 50
STADLER. — Deux motets et les quatre an-
tiennes à la sainte Vierge , à i voix,
avec accomp. d'orgue 7 50
LABARRE. — Cantique à Marie, chœur à 3 voix 5 »
A. MINÉ. — 0 salutaris, p. soprano et chœurs 2 30
E. JONAS. — 0 sa/utans, pour ténor ou soprano 3 »
SALESSES.— 0 salutaris, 3 v., solo et chœur 3 »
ilHEBIE CENTBAL
DE FES — .
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
3S° Année.
W 18.
5 Mai 1868.
ON S'ABONNE :
Dans les Départements et à rivtronger,
chez tous les Marchands de Musique, 1* s Libraire
et aux Bureaux der. Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. 24 r. par i
Déparlement», BelBiqucel Suisse.... 30" ii.
l^tranger 3i » Id.
Le Journal parait le Dimanclie.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial Italien : (o Contessina, opéra semi-seria en
trois actes, paroles italiennes de M. de Lauzières, musique de M. le prince Po-
niatowski, par Slaarice Cîray, — Études sur Charles-Marie de Weber (troi-
sième partie, l"' article), par Edmond JVenkonuii. — La Musique et
l'Amour, de M. Albert de Lasalle (t" article), par Em. HatMea de mon-
ter. — Ministère de la maison de l'Empereur et des beaux-arts, avis. — Con-
certs et auditions musicales delà semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques.
— Nouvelles diverses. — Annonces.
THÉÂTRE IMPERIAL ITÀUEN.
Il A CONTESSIIiTA,
Opéra semi-seria en trois actes, paroles italiennes de M. de Lauzières
{d'après un livret de MM. de Saint-Georges et Jules Adenis) , mu-
sique de M. le prince Joseph Poniatowski.
(Première représentation le 28 avril 1868.)
Voilà un opéra dont on peut dire qu'il a eu des malheurs!
Discussions d'auteurs au sujet du livret, hésitations sans nombre
sur le titre à lui donner, enfin disparition , après s'être montré à
peine, d'un ouvrage aimable, facile, élégant et fait pour plaire au
public !
Certes, tout le monde en souffre: le compositeur, qui peut à
peine s'entendre dans l'entre-bâillement d'une porte prête à se
fermer; le public, sevré d'un ouvrage dont il n'a pu qu'au vol
constater les rares qualités ; la direction, enfin, obligée de rester
sur les prémisses d'un franc et vrai succès. La critique, elle, ne
peut qu'enregistrer ce succès, en exprimant l'espoir qu'on lui
donne l'occasion de se renouveler à la saison prochaine (1).
Quelques mots d'analyse du poëme.
Un financier parvenu, Ser Abbondio, cherche à la fois un mari
et un titre pour sa fille. De son côté, la comtesse d'Altariva vou-
drait placer son fils, dont le titre est la seule fortune. La chose
pourrait aller de soi et le mariage se conclure aussitôt, mais alors
(1) Nous apprenons qu'à la demande générale de ses abonnés, M. Ba-
gier a donné, hier soir, une deuxième représentation de la Contessina.
la pièce serait trop rapide et se terminerait au premier tableau.
C'est pourquoi les auteurs ont jugé utile de corser l'action. Pour
cela, ils ont imaginé de rendre odieuse au jeune comte la jeune
héritière (qui a un cousin, ce qui explique tout).
La villa du financier est située au bord de la mer. On entend
gronder la tempête, et un vaisseau vient échouer sur la plage . Le
jeune homme s'élance au secours di3s naufragés, et ramène une
jeune fille que la frayeur a rendue muette, ce qui ne s'accorde
peut-être pas très-bien avec les lois physiologiques, mais ce qui
forme une excellente contre-partie au fait si célèbre de l'antiquité.
Naturellement, le fils de la comtesse d'Altariva et la jolie nau-
fragée s'éprennent l'un de l'autre. Mais c'est ici surtout que l'in-
trigue s'enchevêtre et tourne quelque peu au mélodrame, tout en
conservant un côté comique, par le fait d'un chassé croisé de
prétentions contraires. Le cousin veut épouser sa cousine, qui
veut épouser le jeune comte, qui veut épouser la jeune muette.
Comme il était difficile de laisser épouser le même homme par
deux femmes, ce qui n'est que bien rarement admis dans les
pays civilisés, il a fallu inventer une histoire d'héritage, avec ac-
compagnement d'oncle d'Amérique — procédé nouveau, d'ailleurs
— pour amener la comtesse à seconder les projets de son fils et
à abandonner les siens, en lui permettant d'octroyer son titre à
celle qu'il aime et qui est devenue millionnaire. Et, pour laisser le
public sur la bonne bouche, on lui sert, comme finale, trois ma-
riages au lieu d'un : 1° celui de Corrado d'Altariva avec Stella,
qui met le comble au bonheur de son époux en recouvrant la
parole à point nommé ; 52° celui du cousin Alberto avec la cousine
Erminia — une cousine à laquelle je ne me fierais pas, par pa-
renthèse, et qui a trop la rage d'être contessina;— 3" enfin, celui
de Ser Abbondio lui-même avec la comtesse d'Altariva, mariage
inattendu et qui fait qu'on aurait pu trouver à la pièce un sixième
titre qui n'eût pas été plus mauvais que les autres : Le Tre Nozze.
Ce livret, en somme, s'il pêche quelque peu par la nouveauté
du fond, se rattrape par certains détails et n'est pas dénué d'in-
térêt. Il est d'ailleurs bien coupé pour la musique, et il a fourni au
compositeur de bonnes situations qui ont été très-bien traitées par
lui.
Nous ne serions même pas éloigné de regarder la partition de
138
KEVUE Eï GAZETTE MUSICALE
la Contcssina comme la meilleure de toutes celles que M. le prince
Poniatowski a fait entendre à Paris. La musique de la Cordessina
est en effet franche, mélodique, bien faite, coulante, colorée, ins-
trumentée avec un soin tout particulier, et elle renferme quelques
morceaux tout à fait remarquables. On pourrait seulement lui
désirer plus d'originalité.
Ce n'est pas, du reste, après une seule audition qu'il est possi-
ble d'analyser d'une façon détaillée une partition aussi touffue.
Nous nous bornerons poin' cette fois à une nomenclature rapide
et riche des morceaux qui ont produit le plus d'effet. Dans ce
noiabre, il nous faut mentionner tout d'abord la belle page sym-
phonique qui sert d'introduction, le premier chœur de servi-
teurs, l'air de Gorrado, un quatuor charmant, le duo de Corrado
et d'Ernainia, celui d'Erminia et d'Alberto, un adorable menuet
chanté et dansé, le larghetto du finale du second acte, et la
chanson de Benedetto, enfin les mélodrames ti'ès-remarquables
qui accompagnent la pantomime de Stella. Pendant l'exécution de
tous CCS airs de facture si variée, le public n'a pas cessé d'ap-
plaiidir.
Quant à l'interprétation, je ne pourrais dire qu'elle a été par-
faite dans son ensemble. Bonne d'un côté, médiocre de l'autre,
son caractère principal a été une inégalité qui ne donne de la
perfection absolue qu'une idée très-relative.
La partie féminine a été la plus remarquable; encore n'est-ce
pas dans le chant qu'elle a brillé de son plus vif éclat. Mlle Urban
s'est fort distinguée par la façon charmante, gracieuse, inlclli-
gente et sobre tout à la fois avec laquelle elle a mimé le rôle de
Stella. Élégante et jolie, pathétique sans exagération, la physio-
nomie intéressante et mobile, le geste sobre et expressif, Mlle Ur-
ban avait toutes les qualités requises pour représenter cette nou-
velle Fenella, plus heureuse que sa devancière. Son succès a été
complet et mérité.
Mlle Grossi a bien joué Benedetto, et particulièrement sa scène
de la Morra ; elle a dû répéter sa chanson du matelot. Mme Ti-
berini , dont les intonations n'ont pas toujours été justes dans le
personnage d'Erminia, mérite cependant des éloges. Les rôles
d'hommes sont remplis par MIVI. Tiberini, qui a mis dans le sien
toutes les qualités d'un chanteur consomme, par Verger dont la
voix n'a jamais été plus charmante et par Scalese.
En résumé, la soirée a été bonne, et donne à espérer que
l'année prochaine nous serons à même d'entendre de nouveau
cette aimable et attrayante Contessina.
Maurice GRAY.
ETUDES SUR CHARLES -lÂRIE DE WEBER,
D'après la biographie écrite par son fils.
TROISIÈME PARTIE,
I.
Dans les deux premières parties de ces études, si prématuré-
ment interrompues, l'écrivain regretté, dont nous avons l'honneur
de continuer à cette place le travail commencé, a présenté un ta-
bleau fidèle de la jeunesse de Charles-Marie de Weber, jeunesse
ardente, souvent même orageuse, mais gaz'dée contre toute souil-
lure, contre toute impureté. Nous l'avons vu, cet enfant insouciant
que le génie avait marqué au front, traverser, le rire et la chan-
son aux lèvres, les premières années de sa vie d'artiste, frôlant
de bien près les épines tendues à son adorable crédulité, sans y
laisser jamais un lambeau de ce bien précieux qu'on appelle l'es-
time de soi-même. Aussi, quand vint l'heure de l'amour vrai, de
l'amour réfléchi, ce fut la tête haute et le front radieux qu'il put
mettre sa main dans la main de sa fiancée.
Lié désormais pour la vie, — hélas ! pour une vie bien courte,
— il dépose le bâton de l'artiste errant et reporte désormais tout
son zèle sur la lâche à remplir, sur le devoir confié à ses soins;
toutes ses espérances, toutes ses affections, toutes ses joies comme
toutes ses douleurs, sur le foyer que va embellir la présence de
la compagne aimée. Pour Weber commence, avec son engage-
ment à Dresde, une vie nouvelle, une vie tissée de jours heureux,
de jours de gloire, et aussi de jours néfastes et d'angoisses. Nous
le suivrons, le grand artiste, dans cette ère complexe qui aboutit
au couronnement de son génie, nous le suivrons avec amour, fort
de la conscience de son fils, ([ui a rendu un pieux hommage à sa
mémoire en ne transigeant avec aucun scrupule de biographe et
d'historien.
Fidèle au programme adopté dans ses derniers articles par
M. Paul Smith , nous nous efforcerons de précipiter autant que
possible la marche des événements, ne prenant que l'essence même
de notre guide volumineux, si intéressant et si complet, résumant
les chapitres et les époques, et laissant de côté toutes les descrip-
tions, tous les portraits, tous les faits étrangers au sujet.
Cependant nous devons faire, des aujourd'hui, une exception à
cette règle de conduite ; car la ville de Dresde joua un si grand
rôle dans la vie de Weber, qu'il nous est impossible de passer
sous silence son histoire musicale, sans laquelle les luttes qu'eut à
soutenir le nouveau maître de chapelle contre les gens et contre
l'ordre de choses établi seraient mal comprises ; aussi bien cette
histoire est celle qui peint le mieux le combat que la musique
italienne livra durant des siècles à l'art national allemand.
Eu effet, Dresde, la ville le plus richement douée de l'Allemagne
du Nord, fut, durant des siècles, le foyer de cette invasion artis-
tique ; car à Dresde était venue s'établir, au siècle dernier, sur
l'invilaliou du père Guarini, confesseur d'Auguste II, une colonie
nombreuse de gentilshommes et d'artistes italiens qui ne tardèrent
pas ii s'emparer de toutes les hautes positions à la cour et, ce
qui est bien autrement important pour nous, à exercer une domination
absolue sur le goût du public. Leur Machiavel en poche, ils menèrent
leur établissement au cœur de l'Allemagne avec un grand tact, et
surent cultiver habilement ce nouveau terrain si bien préparé
pour recevoir leurs soins. Tout en taxant de barbarie pleine d'es-
férances tout autre art que l'art italien, ils en arrivèrent bientôt,
par leurs manières polies et distinguées et par leurs mœurs élé-
gantes, à ce que le mot italien, devint synonyme de savoir-vivre et
de comme-il-faut. Le mouvement musical avait tout à gagner à
cette révolution ; car ce furent les apôtres de la grande époque à
laquelle commanda le sublime Palestrina, qui vinrent remplacer,
dans la direction de la musique à Dresde, les élèves d'Huckbald
et d'Orlando de Lassus, que l'électeur de Saxe Maurice avait
appelés à sa cour, dans le but d'y établir « une honnête et grande
chanterie » et d'y faire entendre des messes et des chorals « luthé-
riennement» exécutés. Les Italiens Scandelli et Pinelli, le Français
Roger Michel, se succédèrent au poste de dirigeants de la chapelle,
en môme temps que l'opéra, réservé aux plaisirs de la cour, deve-
nait la plus belle institution de ce genre en Allemagne. Dès 175S,
on inaugurait en effet une salle d'une magnificence inouïe, cons-
truite sur les ordres du prodigue Auguste II, par un ouvrage de
Lotti, exécuté sous la direction de l'auteur, et Hasse, le plus cé-
lèbre compositeur de son temps, avait été appelé à Dresde, avec
sa femme, l'admirable Faustine. La splendeur dont brillait alors
l'opéra dans la capitale de la Saxe, et les frais qu'il occasionnait
n'ont jamais été atteints depuis ; il nous suffira de dire que Lotti
et sa femme recevaient 10,S00 thalers, somme énorme pour l'é-
poque; Hasse et Faustine, 12,000 thalers ; le castrat Senescino,
I»E l'AKIS.
139
7,000 thalers; et il ne faut pas oublier que le théâtre était un lieu
de plaisir pour la cour, qu'aucune recette ne venait couvrir les
dépenses, et que chaque opéra de Masse coûtait à la cassette du
prince de 20 à 30,000 thalers. La souveraineté de l'art italien
était donc bien dûment affermie, souveraineté d'autant plus accep-
tée par le public, qu'il n'était pas admis à en goûter les splen-
deurs.
Cependant, ù côté de cet art royal, de cet art distingué, s'éle-
vait peu à peu une institution, qui devait un jour aboutir au
triomphe de l'art national. Cette institution, la seule accessible aux
gens qui n'appartenaient pas à la cour, avait son origine dans des
vaudevilles allemands, qu'on représentait tantôt dans un lieu,
tantôt dans un autre. Plus tard, un petit théâtre fut construit
sur lequel on joua la comédie allemande et française; dans des
salons contigus, les directeurs avaient établi un jeu public. Ce
petit théâtre brûla, on en éleva sur son emplacement un plus
grand, dont la direction fut confiée aux entrepreneurs Locatelli et
Moretti. Les acteurs composant leur troupe prirent le nom de co-
médiens de la cour.
Mais ce spectacle ne constituait encore qu'un amusement de
second ordre ; auquel ne se mêlait pas la classe élevée, à celle-ci
demeuraient réservées les représentations gratuites de l'Opéra italien.
Cependant le règne parcimonieux de Frédéric- Auguste, qui fut si
salutaire au pays après les guerres et les dilapidations de toutes
sortes de la cour, devait bientôt porter un coup terrible à cette
institution privilégiée. En effet, ce prince commença par donner
à l'entreprise privée l'autorisation de jouer des opéras bouffes
italiens ; puis il ôta au grand opéra italien, qu'avait porté si haut
le dilettantisme de ses prédécesseurs, son privilège et ordonna
qu'on représentât des opéras-séria sur le petit théâtre, qui était
alors aux mains de l'imprésario Bustelli. Par suite de cette me-
sure radicale, l'opéra italien entra dans une voie toute nouvelle :
il n'appartenait plus à la cour, mais bien au public, qui pouvait
en jouir moyennant son argent; il relevait de la critique ; en un
mot, il prenait place parmi les institutions artistiques populaires ;
néanmoins, en dépit de ces réformes, l'opéra italien conserva son
cachet d'élégance, et le beau monde n'allait au théâtre que les
soirs qui lui étaient réservés.
Cet état de choses dura jusque vers la fin de 1814, époque à
laquelle il fut brusquement renversé pendant l'occupation russe
et prussienne de la Saxe ; le contrat passé avec les entrepreneurs
fut rompu, le théâtre déclaré institution nationale, et le maréchal
de la cour Racknitz chargé de son administration. A son retour à
Dresde, en 181S, le roi laissa subsister cette organisation, se bor-
nant à substituer au comte de Racknitz le comte Henri Vitzthum.
Donc, jusqu'au temps de l'occupation russe et prussienne, il y
avait eu un Opéra italien à Dresde, mais il n'y avait pas eu d'Opéra
allemand. Ce fut le comte Henri Vitzthum qui, poursuivant avec
ardeur cette idée, née des sentiments de nationalité éclos dans les
dernières années, sut en convaincre le roi et provoqua la nomina-
tion de Weber au poste de directeur de l'Opéra allemand, en dépit
de l'opposition du ministre comte Einsiedel, en dépit surtout de la
noblesse italo-saxonne, qui détestait instinctivement cette institu-
tion rivale de l'art comme-il-faut.
Quoi qu'il en soit, Weber avait reçu mission de créer l'Opéra
allemand à Dresde*, mais l'on avait stipulé dans son engagement
qu'il agirait avec une grande économie pour le recrutement de
forces nouvelles, la chapelle et les chanteurs qui en faisaient partie
étant à sa disposition autant que besoin serait. Weber vit bientôt
les difficultés qui allaieni, surgir de toutes parts : en première
ligne se plaçaient une cour indifférente et une noblesse antipa-
thique à la nouvelle institution; d'autre part, le personnel de
l'Opéra italien, fort de ses anciens privilèges. lui serait hostile et
ne le seconderait en rien. 11 n'avait donc pour lui que l'appui
modeste du public et l'amitié de son chef, l'excellent comte
Vitzthum, et c'est dans son action commuue avec celle de l'admi-
nistrateur royal qu'il mit ses plus grandes espérances. Par
malheur, leur union déplaisait au ministre Einsiedel, qui ne se
faisait pas faute de le leur prouver à tout moment, et protégeait
visiblement le collègue de Weber, Francesco Morlacchi, maître de
chapelle de l'Opéra italien, et le maître de concerts Polledro.
Ce Francesco Morlacchi, dont il sdra beaucoup parlé dans la
suite, était bien homme à profiter de ces avantages. 11 était
élève de Carusso et Mazelti pour le chant, et de Zingarelli pour
le contre-point; en outre, le père Martini, qui s'intéressait à ses
progrès, lui avait conseillé d'apprendre à jouer de plusieurs
instruments. Comme compositeur dramatique, il avait débuté par
il Poêla in campagna, représenté à Florence, et par il Rilratto,
que Vérone avait applaudi. La Principessa per ripiego et le Danaïde
confirmèrent sa réputation dans la Péninsule ; enfin une scène
lyrique, Saffo, écrite pour la Scala de Milan, dans laquelle la
belle Marie Marcolini enthousiasma le public des grandes villes
d'Italie, le fit tout spécialement remarquer. Cette scène com-
mença sa fortune, car la Marcolini, dans sa gratitude pour le
jeune musicien qui savait si bien éci'ire pour sa voix, manda
tant de bien de lui à son parent le comte Marcolini, premier
ministre du roi de Saxe, que Morlacchi fut appelé à Dresde et
nommé maître de chapelle en 1811. Il débuta l'année suivante
devant le public de cette capitale par un opéra séria, Raoul de
Créqui, qui tomba; le même sort était réservé à sa première
messe, exécutée à l'occasion de la Toussaint, qui fut trouvée trop
mondaine et trop peu travaillée, ainsi qu'à deux opéras le Danaïde
(fin 1812) et Capricciosa pentita (janvier 1813). Son Barbier de
Séville, représenté en juin 1816, eut plus de bonheur, bien qu'on
y remarquât des longueurs et des réminiscences de l'œuvre du
même nom de Paisiello. Cependant, en dépit de ces insuccès,
Morlacchi s'ancrait chaque jour davantage dans les bonnes grâces
de la cour. Il s'y montrait fin cavalier, élégant, instruit et surtout
il y intriguait avec une rare habileté. Ancien élève des jésuites,
il avait conservé de sa première éducation un fonds de diplomatie,
dont il ne se départit jamais* c'est ainsi que, pour invoquer au
besoin un malentendu, il fit semblant de ne jamais posséder
entièrement la langue allemande ; aussi Vitzthum, qui abhorrait
sa nature féline et se défiait de lui, avait-il pris l'habitude de lui
envoyer ses Instructions en italien. Comme chef d'orchestre, il
n'était pas sans mérite : il avait l'oreille fine; il indiquait bien les
mouvements, mais il redoutait d'interrompre un morceau, dans la
crainte de vexer ses musiciens, préférant les accabler de répétitions,
jusqu'à ce qu'ils eussent corrigé d'eux-mêmes les fautes.
Morlacchi dirigea la chapelle avec une telle omnipotence pen-
dant plus de quatre années, que, lorsqu'en 1816 J. Baptiste Pol-
ledro, l'un des meilleurs élèves de Paganinr, lui fut adjoint en
qualité de maître de concerts , il le considéra comme empiétant sur
ses attributions et se déclara son ennemi. On psnse quelle] dut
être sa fureur, quand on lui annonça l'arrivée de Weber. Son
premier soin fut de se rapprocher de Polledro et de tous ceux
qui voulurent bien grossir les rangs de ses tenants et lui jurer
fidélité pour la guerre qui allait s'engager, implacable et terrible.
Edmond I^EUKOMM.
(La mite prochainement.)
140
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
LA MUSIQUE ET L'ÀIDOUB.
Dictionnaire de la maslqne appliquée A l'amour.
Par m. ALBERT DE LASALLE (1).
(Premier arlicle.)
La Musique, l'Amour mettant en jeu les mêmes fibres de notre
être..., les délicats, les raffinés de la physiologie le savent, mais
rendre sensible aux esprits timides ce rapport direct, absolu, pres-
que constant, et montrer les nombreux traités d'alliance frappés,
au courant des siècles par l'Amour et la Musique, n'était-ce point
là une originale et affriolante entreprise?
M. Albert de Lasalle l'a tentée sous la forme d'un Dictionnaire,
qui, à la vérité, n'a de la chose que le nom. Si l'auteur ne craint
pas de paraître galant aux pédants, combien il redoute, en eff'et,
de sembler pédant aux galants ! L'artifice et le calcul sont visibles,
sous la plume de cet esprit doux et poli, pénétrant et fin, rare-
ment à bout de lui-même, pour cacher et bien cacher ce qu'il
sait. Comme il fait le modeste, comme il se défend de prétendre
aux honneurs de la science et ne veut être qu'un homme qui a
du goût pour les belles choses, avec une pointe d'ironie et autre
trait bien plus piquant encore ! Oui vraiment : sous cette en-
veloppe rose tendre, parmi ces feuillets aux grâces littéraires
et typographiques de parti-pris vieillottes, il y a, le dirai-je? et
l'on retrouve aisément ce petit signe, cet « un je ne sais quoi »
auquel Aiiacréon reconnaissait ceux qui avaient beaucoup aimé
et beaucoup médité sur ces accidents de notre ondoyante nature.
Il ne s'agit pas ici, toutefois, de l'amour idéal , du maître d'é-
cole des grandes âmes, de celui (jue l'on appelé le Bonheur divin
de donner du bonheur. L'amour du Dictionnaire de M. de Lasalle,
quoiqu'il s'en défende au besoin , est un amour aimable, enjoué,
facile, d'une bonne maison française dont les ancêtres seraient
gaulois. Avec un tel guide, nous sommes bien moins conduits sur
ce mont Ilélicon où les habitants de Thepsie, confondant Ëuterpe
et Cupidon dans une aduiiration commune , célébraient solennel-
lement les Erotides, que doucement ramenés vers les frontières du
pays de Tendre, à la belle époque où les hommes étaient volon-
tiers amoureux de toutes les femmes et croyaient surtout qu'elles
étaient volontiers amoureuses d'eux,- alors que la grande affaire
était do bien « parler amour » et d'emprunter à tout, musique,
poésie, peinture, physique, cuisine, botanique, parfumerie, alchi-
mie, mécanique, que sais-je? les images de ce phébus à talons
rouges et à vertu gadins.
Il est bien de ceux dont Diderot disait que si les tablettiers en
fabriquaient, tout le monde en voudrait avoir à la campagne,
ce charmant petit volume, plus intéressant que bien des livres,
compagnon de loisir bon à prendre et à reprendre, aisément fa-
milier, judicieusement dédié, du reste, a aux femmes jeunes, jo-
lies et sensibles à la musique. » — A la musique du sentiment,
n'est-ce pas? M. Albert de Lasalle est trop xvni« siècle pour que
la concision de sa dédicace ne sous-entende pas cela. Et de fait,
je me figure bien son Dictionnaire dans les mains blanches et ner-
veuses de ces belles dames des portraits du dernier siècle, accou-
dées sur un clavecin, un peu pâmées et purpurines, vous regar-
dant du haut de leurs cadres et souriant étrangement d'une bou-
che voluptueuse et spirituelle qui lance l'épigramme et provoque
le baiser.
M. de Lasalle a beaucoup emprunté — son plan l'y autorisait —
aux buissons artistiques et... aux autres, et ces buissons-là lui ont
beaucoup rendu. Il les bat, parfois avec un peu d'affectation et de
manière, au pied de chaque lettre; mais parmi ces broderies, ces
(1) l vol. in-S" , Paris , Lacroix et Verboekhoven. Librairie interna-
tionale .
fantaisies et ces fantasias, le bon sens vit , le bon goiît règne, un
certain air de franchise et de liberté déconcerte la critique et bien
des traits, en dépit de leur allure dégagée, s'appuient non pas sur
les illusions de l'esprit, mais sur les principes d'une expérience
spéciale réelle. En suivant les chemins grands et petits de l'alpha-
bet, ce Ruggieri du style galant, obligé de combler des vides,
des lacunes, a écrit çà et là des choses rapides, nuancées, tou-
jours ingénieuses. J'en veux découper quelques-unes et les isoler
ici de ce qui les entoure.
J'aime assez, par exemple, la division de la substance vibrante
en « instruments de matière animale, de matière végétale et de
matière minérale. » On peut ainsi analyser l'essence du son,
étudier la façon dont il retentit au fond de nous-mêmes et
découvrir sa inérarchie. Le premier groupe est celui des instru-
ments supérieurs, qui parlent à l'âme; le violon, l'alto, le vio-
loncelle. Constitués par leurs cordes ( matière animale ) , le bois
n'étant ici qu'un appareil auxiliaire, ils deviennent partie inté-
grante de l'instrumentiste, et obéissent aux plus secrets mouve-
ments de sa pensée. Le groupe des instruments de matière végé-
tale, hautbois, flûte, basson, « a gardé de son origine une invin-
cible propension à l'églogue. Ce sont des outils de paysagistes. Ils
évoquent l'idée de vert par analogie sympathique; mais ils ne
sont pas avantagés, au même degré, de la voix amoureuse et do-
cile, aux accents quasi-humains, des instruments du premier
groupe. » Quant aux engins sonores de matière inanimée, leur
énergie tourne trop facilement à la colère, et « rien d'humain ne
vibre en eux. » Et M. de Lasalle en conclut '< que le pouvoir ex-
pressif d'un instrument est en raison directe du règne de la na-
ture au(|uel sa substance a été empruntée. » J'ai entendu formu-
ler doctoralement des théories moins rationnelles.
Un peu plus loin, le Dictionnaire établit et discute le caractère
mâle et femelle de la Musique , « deux sexes sans cesse en
présence, et qui, malgré tant de manières de se comporter, n'en
courent pas moins fatalement aux voluptés de l'accord parfait fi-
nal... Qui sait? le charme indéfini sous lequel nous tiennent les
combinaisons harmonieuses des sons réside peut-être dans cette
conjonclion intime de deux éléments distincts, bien que de même
essence? »
Pour ceux qui savent lire entre les lignes, la thèse est catégori-
que. Aussi le paragraphe s'empresse-t-il d'ajouter : « Car (ce car
est délicieux) ce que l'homme cherche toujours dans l'art, c'est
une représentation de lui-même , non tel qu'il est , mais tel qu'il
voudrait être; c'est son image aperçue au milieu des rayons d'un
miroir enchanté, c'est lui transporté au paradis de tous ses rêves
accomplis. » Est-ce assez clair? Et plus loin, dans le même ordre
d'idées, je lis : « Il se trouve que justement les notes vocales
données par la temme sont à l'octave aiguë de celles de l'homme.
Rencontre tout au moins singulière : par un signe extérieur , ces
deux êtres semblent révéler le rapport géométrique qu'une loi
mystérieuse aurait établi eptre eux. »
De ses hauteurs brûlantes, M. de Lassalle sait redescendre à des
questions plus pratiques, sMrtout lorsqu'il revendique pour la
femme le rôle d'accompagnateur. J'indique aux lecteui's du Dic-
tionnaire le tableau en partie double des vertus obligatoires chez
l'épouse irréprochable et des qualités exigées de l'accompagnateur
modèle : fidélité, belle humeur, abnégation, courage, dévouement,
et sur ce dernier chapitre, « ne jan'ais abandonner son virtuose,
quels que soient les écarts de rhythme ou de diapason auxquels il
lui plaît de se livrer; en qualité de teigneur et maître, il jouit
d'un droit absolu d'initiative. Donc, le suivre quand même et le
serrer de près en toute occasion. »
Em. M/.thieu de monter.
(La suite prochainement.)
DE PARIS.
141
nimSTÉBE DE L& ISÂISON DE L'EIPEREDB
ET DES BEAUX-ARTS-
DIRECTION GÉNÉRALE DES THÉÂTRES.
Le poëme choisi par le jury pour le concours d'opéra et destiné à être
mis en musique par des compositeurs français, la Coupe du roi de Thulé,
sera délivré, à partir du i^' mai prochain, au minisière de la maison
de l'Empereur et des beaux-arts (direction générale de l'administration
des théâtres).
D'après le vœu exprimé par un grand nombre de compositeurs, la
clôture du concours, qui devoit avoir lieu le 30 décembre -1868, est pro-
rogée au 30 avril.
CONCERTS ET AUDITIONS MSICÂLES DE LÀ SEMAINE.
5i;** Les deux derniers concerts de Rubinstein (l'un chez Érard, le
24 avril; l'autre avec orchestre chez Herz, mercredi dernier) ont eu le
même éclat et le même intérêt que les autres. Pour la première fois ce
grand artiste a joué un autre concerto que les siens, celui en sol de
Beethoven ; il y a été admirable d'un bout k l'autre. L'énorme travail
auquel il s'est condamné depuis son arrivée à Paris, jouant chaque soir
dans un concert ou un salon, avec cette énergie qu'on lui connaît,
semble néanmoins l'avoir fatigué.
*** Le pianiste-compositeur Mortier de Fontaine est venu, ces jours
derniers, chercher à Paris la consécration de ses longs succès d'Allemagne
et de Russie. Son concert historique de samedi dernier a été un véri-
table cours d'histoire du piano : vingt auteurs diflérents, depuis le clave-
ciniste William Bird jusqu'à Scliumann , ont fourni le programme de
cette séance; le clioix des morceaux a été en général très-heureux. Nous
citerons particulièrement les BallabiU de Frescobaldi, la Gigxie de Hsen-
del, un charmant Menuet de HayiJn, récemment publié et qu'on a
bissé ; et /da, rêverie de JUortier de Fontaine, qui vient ég.'ilenient de
paraître, composition pleine de poésie, dans la manière de Scliumann, et
à laquelle on a fait le meilleur accueil. Mlle Anna Vogt a exécuté deux
fantaisies, dont une sur Roherl-le-Diahle, sur le mattaup/wne, instrument
d'une sonorité Irès-sympalhique, basé comme l'harmonica sur la réson-
nance du verre, et mis en vibration par le frottement du doigt mouillé;
elle a obtenu un très-grand succès. Remercinns en terminant M. Mortier
de Fontaine de l'excellente idée qu'il a eue de faire distribuer dans
la salle une notice historique et critique complète, qui a été d'un
grand secours pour rintelligence des morceaux dont son programme était
composé.
^*:^ Mlle Thérèse Liebe, la jeune violoniste que nos lecteurs n'ont
certainement pas oubliée, et qu'on applaudissait jeudi chez la marquise
de Beaumont, a donné mardi dernier, à' la salle Erard, un très-
brillant concert. Thérèse Liebe a acquis aujourd'hui le droit de n'être
plus traitée en petit prodige; il y a dans ce jeu calme et pur plus que
l'imperturbable avsurance de l'écolier qui a bien appris sa leçon, il y a
la preuve d'un sentiment musical très-développé, d'un tempérament
artistique déjà bien accusé. Aborder le concerto de Mende^sohn à treize
ans, cela peut paraître téméraire; mais quand le maître qui a dirigé les
travaux d'une pareille élève, qui lui a désigné l'œuvre qu'il croyait le
plus propre à mettre ses qualités en lumière, s'appelle Léonard, on n'a
à craindre ni échec, ni charlatanisme. En effet, Thérèse Liebe tire de
son intrument un son plein, rond, sympathique, énergique même quand
il le faut; elle fait très-bien le staccato et les passages d'agiiité ; elle a
un parlait sentiment du rhytlime, et s'il lui manque encore certain feu
et certaine maestria, c'est que rien ne remplace l'âge et l'expérience, et
qu'il y aurait folio à vouloir en faire ex abrupto une Milanollo ou
une Norman-Neruda. Elle a fort bien dit aussi la Romance et le Rondo
élégant de Vieniawski, et les applaudissements ne lui ont pas été mar-
chandés. Stœgcr a produit son effet habituel avec sa grande Valse-caprice et
son Arrii ée du printemps ; Mlle de Eusch, charmante cantatrice alle-
mande qui chante en cinq ou six langues, a dit avec beaucoup de
goût des airs populaires du Nord et un morceau du Roméo de Bellini.
MM. Pagaud et Pottier ont également concouru gracieusement à l'éclat
de ce beau concert.
^*^ Les trois enfants Frémaux promettent autant d'artistes; nous
l'avons déjà dit, et leur concert de mardi dernier nous offre une occa-
sion de le répeter. La jeune fille est déjà une habile pianiste, et l'un des
garçons joue très-joliment du violon ; quant au plus jeune, sa gentillesse
n'c.-,t égalée que par son étonnante facilité et son assurance à se servir
d'un instrument aussi peu maniable pour lui que le violoncelle. Ils ont
exécuté un trio de Mozart et diver.'es fantaisies pour leurs instruments
avec un très-grand succès. Ruijinstcin avait bien voulu contribuer à
j l'attrait de ce concert; il a merveilleusement exécuté le Roi des Aulnes,
transcription de Liszt, la Berceuse de Chopin et la marche du Songe de
Mendelssohn. Mme Anna Constanzia a été irès-applaudie après l'air de
l'Ombre du Pardon de Ploërmel et la cavatine du Sorbier. Sivori assis-
tait à cet intéressant concert; il est resté jusqu'à la fin, a ensuite vive-
ment félicité le jeune violoniste et lui a dit qu'il voulait se charger de
perfectionner son talent.
**« Samedi 25 avril, à la salle Lebouc, deux élèves de M. Guillot de
Sainbris, MM. Biron et Roche, se faisaient pour la première fois entendre
au public. Si l'on tient compte de l'émotion qui les a plus d'une fois
paralysés, on reconnaîtra qu'il y a dans ces jeunes gens l'étoffe de deux
l3ons chanteurs, qui ne peuvent manquer de faire honneur à leur maî-
tre. Mme Pauline Roger, dont le nom s'est déjà rencontré sous notre
plume l'année dernière, pianiste d'un sérieux talent et organisation mu-
sicale d'élite, a dit en perfection, avec le violoniste White, une sonate
de Mozart, et seule une Romance sans paroles de Mendelssohn , et
l'Invitation à la valse. Elle ne lardera pas, nous en sommes persuadés,
à occuper la place distinguée qui lui est réservée dans le monde mu-
sical .
t*^ Une pianiste de talent, Mlle Octavie Caussemille, a recollé, à son
concert du 27 avril, des bravos nombreux et mérités, pour la manière
pleine de charme dont elle a interprété plusieurs morceaux de styles
divers. Virtuose habile, profes.seur des plus distingués, Mlle Caussemille
conserve son rang parmi les meilleurs exécutants au piano de l'école
française.
)(*^ La séance annuelle de la « Société chorale d'amateurs » qui a
eu lieu, mercredi dernier, chez Pleyel, a été une complète et brillante
constatation des traditions élevées, des excellents principes d'enseigne-
ment et de la recherche constante du mieux qui caractérisent cette re-
marquable institution musicale, créée par M. A. Guillot de Sainbris.
Dans l'exécution de cinq œuvres chorales d'une importance considérable,
et toutes de caractères différents, fragments du Messie, Stahat de Gou-
nod, Conjuration et Bénédiction des poignards, des Huguenots, notamment,
la belle et vaillante phalange, accompagnée par MM. Franck et Maton,
a déployé, sous la direction de son président-fondateur, une ardeur, un
goiàt, un sentiment, et avec cela une netteté d'articulation et une préci-
sion irréprochables, qui ont transporté l'auditoire et provoqué de nom-
breuses salves d'applaudissements.
.j,*^, La musique d'ensemble, on pourrait même dire la musique reli-
gieuse, puisque les exécutants appartenaient presque tous aux maîtrises
parisiennes, a rempli une bonne partie du concert donné lundi dernier,
chez Pleyel, par M, H. Grignon, ex-pensionnaire du théâtre Lyrique et
fds de l'ancien artiste de l'Opéra-Comique. M. Grignon a chanté avec une
belle voix, un goût sur et beaucoup de sentiment plusieurs morceaux.
M. et Mme Dancla, M. Lefébure-Wély, prêtaient leur concours au béné-
ficiaire. Un chœur assez insignifiant. C'est Dieu! empruntait, dans cette
soirée, à la manière de dire de ses interprètes, tous chantres d'église, je
ne sais quoi d'ultra-religieux et de funèbre qui n'a pas précisément en-
thousiasme l'assistance, mise, au surplus, en belle humeur par la Chasse
du Burgrave, de M. Lenlz.
^*4, Nous avons assisté le dimanche 26 avril, en l'église Notre-Dame-
de- lionne-Nouvelle, à l'occasion de la fête patronale de cette paroisse, à
l'exécution de la sixième messe solennelle avec orchestre, composée par
M. Alexandre Li-prévost, organiste à Saint-Roch, qui dirigeait lui-même
son œuvre. Cette messe, empreinte d'un véritable caractère religieux, se
fait surtout remarquer par d'heureuses et sympathiques mélodies.
jf*ig Mlle Hélène Leybaque a donné le 2.H avril un concert à la salle
Pleyel. C'est une jeune pianiste d'un talent consciencieux et classique,
qui a fait pressentir ce qu'on est en droit d'attendre d'elle en jouant le
concerto en fa dièse mineur de G. Mathias , une sonate de Beethoven
et la Truite de Stéphen Heller. Tous les styles lui sont familiers, et elle
excelle à en faire sentir les différences.
»*,t On sait avec quelle autorité M. Camille Saint- Saëns a dirigé, à la
salle Herz, l'exécution des concertos de Rubinstein. A son tour, le cé-
lèbre artiste russe s'est mis à la disposition de son confrère et ami , et
il conduira l'orchestre au concert qui sera donné par M. Saint-Saëns,
mercredi prochain, 6 mai, dans les salons Pleyel, Wolf et C'°. Le pro-
gramme de ce/te soirée, qui va dignement clôturer la saison, annonce
deux concertos de la composition du bénéficiaire, et des œuvres, pour le
piano, de G. Bizet, Laussel, Sieg, Vidor et Chauvet. La partie vocale
sera représentée par Id gi-acieuse Mlle Brunelti.
^*j^ La Chorale forézienne de Saint-Etienne, dirigée avec autant de
talent que de dévouement par M. Dard, a donné dernièrement un
concert spirituel dans la cathédrale. Cette excellente Société a exécuté
d'une manière remarquable le Stabat de Rossini, dont les soli étaient
confiés à des amateurs que bien des artistes pourraient prendre pour
modèles. Deux compositions de M. Dard, Tantum ergo et 0 Salutaris,
ont été très-appréciées.
^'^^ Aujourd'hui, à 2 heures, dans les salons Erard, a lieu une mati-
née littéraire et musicale au profit de l'Association des institutrices libres
du département de la Seine. On y entendra la sonate de Rubinstein,
142
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
par Mnies Rossi - Gallieno et Jacquart, Mmes Maiuluit et Damain,
MM. Consolo, Marochetli, Saint-Germain et Costel.
;^** Le concert annuel de Mme Lissarrague aura Heu au grand théâ-
tre de Versailles, le U mai, avec le concours de Mlle Mauduit, de l'Opéra,
de MM. Warot, Alard, Bottesini et E. Renard. Le piano sera tenu par
M. Coharé, maître de chant à l'Opéra.
^:*^ Aujourd'hui, à 2 heures, aura lieu, au Cirque-Napoléon, sous
la direction de M. Pasdeloup, la séance solennelle de l'Orphéon (rive
droite). 1,300 élèves des écoles communales de la ville de Paris pren-
dront part à cette solennité. On y chantera des œuvres de Mendelssohn,
Gounod, Léo Delibes, prince de Polignac et les chœurs suédois dont nous
avon déjà eu occasion de dire quelques mots.
*% Lcopold de Meyer est de retour à Paris, après avoir utilisé un séjour
de six mois aux Etats-Unis en donnant soixante-quinze concerts,
qui lui ont produit la bagatelle do quarante mille dollars. New-York,
Boston, Philadelphie, Baltimore, Washington, Richmond, Springfleld,
New-Haven, Providence, Worcester, Newark, Trenton, Hartford, telles
sont les étapes de son itinéraire artistique. On peut se faire une idée de
la manière dont les choses se passent chez les Américains, quand on
saura que dans ces diverses villes les billets s'enlevaient aux enchères et
se payaient jusqu'à dS et 20 dollars pièce, et plus l'amateur se trou-
vait près de l'artiste, plus il surenchérissait. Comme dans certaines localités,
Léopold de Mejer avait affaire à un public puritain que ses principes em-
pêchaient d'aller au théâtre ou dans les salles de concert, il lui fallait
donner ses concerts dans les églises et quatre ou cinq mille audi-
teurs y applaudissaient et bissaient à grands cris l'étonnante exécution
du célèbre pianiste. L'immense succès de la Grande-Duchesse de GéroU-
tein, à New- York, lui avait inspiré une brillante fantaisie qu'il y jouait
avec le plus grand succès, mais dont, à cause de la sainteté du lieu,
il avait grand soin de ne pas dire le titre. Au nombre des témoignages
d'admiration qu'on lui prodiguait, des dames lui jetaient des bouquets où
elles avaient attaché leur photographie. Heureux Léopold de Meycr ! Mais
singulier pays!
NOUVELLES DES TH£ATRES LYRIQUES.
,*„ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et mercredi la Fian-
cée de Corinthe et le Corsaire, où Mlle Granzow continue à se faire ap-
plaudir avec enthousiasme. — Vendredi, le Trouvère et le premier acte
de Giselle.
i^*^ Mardi, à la représentation d'Hamlet, donnée au bénéfice de la
caisse des pensions de retraite, Mlle Nilsson, qui faisait au public ses
adieux avant son congé, a été l'objet d'une ovation qui n'avait peut-être
pas encore eu de précédent à l'Opéra. Pendant toute la durée de celte re-
présentation, mais surtout au quatrième acte, des bouquets de toutes les
dimensions et composés des fleurs les plus rares, n'oni cessé d'être jetés à
la cantatrice qui a si bien personnifié le rôle d'Ophélie. Faure a légiti-
mement partagé ce triomphe: deux couronnes de laurier sont tombées à
ses pieds; Castelmary les a relevées et les a présentées à son camarade
au milieu d'applaudissements frénétiques. — La salle était éblouissante
de toilettes et de diamants. — La recette a dépassé l-i,000 francs.
«*,, On s'occupe maintenant avec activité de la reprise d'Herculanum,
qui aura pour interprètes Mmes Gueymard et Marie Battu, MM. Colin,
Obin, David et Gaspard; Mlle Granzow y doit i-emplacer la regrettée
Emma Livry, qui dansait le pas des Muses. — On pense que la repré-
sentation en aura lieu vers le 20 de ce mois.
j^*» Mlle Nilsson est partie le lendemain mercredi pour Londres, où elle
a dû débuter le jeudi à Drury-Lane dans la Traviata.
*** Lundi soir, on a placé au foyer de l'Opéra son buste, dans le
rôle d'Ophélie. Cette œuvre, qu'on dit très-remarquable, est due au
ciseau de MM. Deloye et Francia.
ii,*if: L'Opéra -Comique a repris, dimanche dernier, les Voitures versées
de Boïeldieu, qu'on n'avait pas entendues depuis dix ans à Paris. Cette
partition n'a rien perdu de son charme, et, comme au premier jour, le
public a accueilli avec un vif plaisir l'ouverture, le quintette d'introduc-
tion, l'air de Mme de Melval, les couplets de la duègne, les variations
adorables sur Au clair de la lune, en un mot tous les morceaux de cet
opéra vraiment écrit de main de maître. L'interprétation est excellente.
Mlle Cico joue et chante à ravir le rôle de Mme de Melval. Crosti obtient
le plus franc succès dans le personnage de Dormeuil, quoi qu'il ne
convienne pas de tous points à la nature de sa voix et de son talent.
M._ Ponchard et Mlle Derasse tiennent très-bien les rôles de Florville et
d'Élise, et l'ensemble est parfaitement complété par les autres artistes, au
nombre desquels nous citerons la toujours excellente Mme Casimir. Les
Voitures versées accompagneront d'une façon heureuse les pièces du ré-
pertoire qui alternent avec l'opéra d'Auber.
^*^ Mme Galli-Marié, dont le congé est expiré, a pris part dès hier aux
répétitions de la reprise des Dragons de Villars , dans lesquels elle doit
remplir le rôle de Rose Friquet. Ces répétitions vont se suivre sans in-
terruption ; les décorateurs et les costumiers sont à l'œuvre, et la direc-
tion de rOpéra-Comique ne néglige rien pour donner à cette reprioe tout
l'éclat que mérite l'œuvre d'Aimé Maillart.
*** La représentation donnée-lundi dernier au bénéfice de Mlle Krauss
a été fort orageuse. Par suite du laconisme de l'affiche, le public s'était
persuadé à tort qu'il entendrait Ad. Patti dans les deux rôles de Zerlina
et de la Trauiala, lorsqu'elle s'était seulement engagée à chanter le der-
nier. Le consentement de la célèbre cantatrice à se rendre aux désirs
du public a mis tin à des manifestations qui s'adressaient beaucoup plus
à la direction qu'aux artistes; seulement la représentation n'a fini qu'à
i heure du matin et beaucoup plus paisiblement qu'elle n'avait débuté.
,p*^ Vendredi matin , Mlle Adelina Patti est partie pour Amiens, où
elle devait chanter dans un grand concert avec Delle-Sedie. — Hier sa-
medi elle a quitté Paris pour se rendre à Londres, où elle est attendue à
Cuvent-Garden; elle y fera sa rentrée par il Barbicre. — La veille, dans
sa dernicie représentation de Lucia, une brillante ovation avait été faite
à la célèbre cantatrice. Des bravos sans fin, des rappels incessants, une
pluie de bouquets magnifiques, et enfin une belle couronne en bronze
d'aluminium avec cette inscription : « Adieux du public à la grande
artiste Adelina Patti, » tels ont été les éclatants témoignages d'afifection
et de regrets prodigués par le public parisien à la grande cantatrice qui
l'a charmé tout l'hiver.
**i Malgré la clôture officielle des représentations' italiennes, qui a eu
lieu jeudi par Lucia, M. Bagier a fait annoncer qu'il en serait donné
quelques-unes de supplémentaires. Ainsi, pour commencer, a eu lieu hier
une deuxième représentation de la Contessina, et si l'appel fait aux pre-
miers rôles et aux artistes des chœurs est entendu, cette soirée ne sera
pas la dernière.
,1,'*^ Le directeur du théâtre italien de Covent-Garden ayant offert à
Mlle Grossi un très-bel engagement, elle a renoncé pour l'accepter à
celui qu'elle avait contracté avec le théâtre de Séville.
»'*H, Mme Carvalho, après les deux représentations de Roméo et Juliette,
données cette semaine, a pris son congé et se rend à Bruxelles, où
M. Letellier l'a engagée pour le mois de mai ; elle va succéder
au théâtre de la Monnaie à Mlle Sasse, qui vient d'y terminer par une
représentation triomphale de i'.l/'rîcame, la brillante série de celles qu'elle
a données.
*■** Les répétitions générales d'Elisabeth de Hongrie, nouvel opéra de
M. Béer, ont commencé au théâtre de la Renaissance, et la première
représentation en est très-prochaine.
*** Mlle Sarolta Acs, jeune Hongroise, élève de Duprez, et dont on
a pu apprécier la belle voix de contralto dans l'oratorio de son maître,
le Jugement dernier, vient d'être engagée pour trois ans au théâtre Ly-
rique,
^*, Le théâtre du Palais-Royal annonce pour ■ maM la première re-
présentation du Château à Tuto, d'OÔenbach, Meilhac et Halévy ; de son
côté, le théâtre des Variétés doit donner jeudi la première de la reprise
du Pont des Soupirs complètement remanié par les auteurs, et augmenté
d'un acte et de deux tableaux.
^*^ Une représentation extraordinaire s'organise au bénéfice des
artistes du théâtre de la Porte-Saint-Martin. Les théâtres de l'Opéra, de
l'Opéra-Comique, le théâtre Français y apporteront chacun un brillant
contingent.
=(** Depuis quelques jours, Mlle Lovato a remplacé Mlle Irma
Marié dans le rôle de Césarine de Fleur de Thé, et elle s'y fait vivement
applaudir. La vogue est, d'ailleurs, de plus en plus à l'amusant
opéra de MM. Duru, Chivot et Lecocq, et la recette n'a pas cessé
d'atteindre le maximum.
^"^ Nathan quitte le théâtre de l'Opéra-Comique; il vient d'être en-
gagé par M. Noriac, le nouveau directeur des Bouffes-Parisiens, qui a
engagé également Berthelier; l'excellent artiste revient ainsi au théâtre
de ses premiers succès.
^*jj. On se rappelle une jeune cantatrice qui chanta deux ans d'une
façon très-agréable, au théâtre Italien, en qualité de comprimaria, Mlle
Marcus; le théâtre des Menus-Plaisirs a eu l'heureuse idée de se l'atta-
cher, et elle a repris depuis quelques jours avec succès, après Mme
Ugalde, le rôle de Drogan dans Geneviève de Brabant.
^\ Dans une représentation donnée jeudi au théâtre des Jeunes-Artistes
on a joué un opéra-comique inédit en un acte avec chœurs et orchestre
dont M. F. Tourte a écrit le livret, et dont M. Martyns a composé la
musique. C'était lui qui dirigeait l'orchestre. L'œuvre a été écoutée avec
faveur, et l'on doit des encouragements à l'auteur qui dans ce début a
fait preuve de savoir et d'inspiration. Une Loge d'Opéra et l'amusante
opérette de Léo Delibes, les Deux Vieilles gardes, complétaient le spec-
tacle.
,j*^ La campagne théâtrale de M. d'Herblay vient de se clôturer à Lyon
par Robinson Crusoé et l'Africaine, les deux œuvres accueillies avec la
faveur la plus marquée par le public exigeant de cette grande cité.
^% Ce n'est pas seulement en Europe que Martha est aimée, applau-
die, acclamée; nos colonies ont voulu entendre et apprécier l'œuvre
DE PAIUS
143
charmante de M. de Flolow, et on la chante en ce moment à la Réu-
nion (île Bourbon), à la grande satisfaction du public.
.**» Mlle Schneider vient de partir pour Toulouse, où elle jouo'a spé-
cialement Barbe-Bleue, la lidte-Iiclénc et la Grande- Duchesse .
*** On nous écrit de Moscou : « Mlle Désirée Artût vient do faire dans le
rôle de Marguerite, de Faust, le plus brillant début. Elle a trouvé chez les
Moscovites le même enthousiasme qu'à Varsovie et il est déjà ques-
tion d'une saison d'automne qui commencerait à la fin de septembre,
afin que la célèbre cantatrice pi\t chanter deux mois ici celte année
avant d'aller remplir l'engagement de cinq mois qu'elle a contracté
pour Varsovie. La salle était comble aux deux représentations de Faust
qui viennent d'être données, et Mlle Artôt y a été, d'ailleurs, fort bien
secondée par la basse et le baryton ; nous l'attendons maintenant dans
la Figlia dcl Regimento qui est annoncée. »
**» Une grande solennité s'organise en ce moment au théâtre de
l'Opéra pour le 9 mai. C'est un bal qui sera donné au profit de l'œuvre
internationale de secours pour les blessés des armées de terre et de mer.
NOUVELLES DIVERSES.
»% M. Pasdeloup prend une initiative qui ne lui fera pas moins
d'honneur que celles auxquelles il doit sa réputation. Après s'être fait,
avec la collaboration d'un orchestre supérieur, le vulgarisateur des chefs-
d'œuvre de la musique classique, et après avoir puissamment contribué
à répandre dans les masses ce goût et ce culte du beau qui était avant
lui le privilège du petit nombre, il veut initier mainlenant le public
aux sévères beautés de l'art religieux et acclimater dans nos églises
l'oratorio entré depuis longtemps dans les coutumes lithurgiques et les
mœurs artistiques de l'Angleterre et de l'Allemagne. M. Pasdeloup a été
compris et secondé dans la réalisation de son dessein par le chapitre
des Génovéfains, haute école ecclésiastique et par son doyen, l'abbé
Freppel, que l'on trouve toujours sympathique aux manifestations
élevées de l'art. C'est ainsi que jeudi prochain, 7 mai, à 8 heures du
soir, la Passion de Seb. Bach (1"= partie et chœur final), paroles fran-
çaises de notre collaborateur Maurice Bourges et YOde à Sainte-Cécile de
Haendel seront interprétées au Panthéon-Sainte- Geneviève, par 400 exé-
cutants sous la direction de Pasdeloup. On trouve des billets, au prix
de 5, 3 et 1 francs, chez tous les marchands de musique. Une quête
sera faite par Mmes la princesse de Metternich, Jules Simon et Mlle Ma-
rie Marie. Le produit des places et de la collecte, prélèvement fait des
frais, sera affecté à la Souscription algérienne. Nous consacrerons un
compte rendu spécial à cette solennité, première manifestation d'un
projet digne des encouragements de tous ceux qui s'intéressent aux pro-
grès réels de l'art musical en France.
»% Vendredi de la semaine dernière, le chevalier Nigra, accompagné
du comte Boyl, s'est rendu chez Rossini et lui a remis, de la part du
roi d'Italie, les insignes du grand cordon de son nouvel ordre de la
Couronne d'Italie.
^*^ M. le duc de Massa, qui le mois dernier a fait entendre au Con-
servatoire son nouvel opéra et qui avait confié à Faure l'exécution du
rôle principal, vient de faire cadeau à cet éminent artiste d'une montre
à son chiffre en brillants, et d'une chaîne d'un travail exquis et d'une
richesse inouïe. Les dessins de la montre, de la chaîne et du médaillon,
où alternent les diamants, le jaspe et le lapis, ont été fiuts par M. le
duc de Massa lui-même avec un goût et un art merveilleux Le boîtier
porte à l'intérieur cette mention : Souvenir affectueux et reconnaissant
de la soirée du 28 mars 18G8.
^*^ Une lettre de M. Achille Denis, placée en tête du nimiéro de la
Reuue et Gazelle des Théâires qui a paru jeudi , annonce qu'il quitte,
pour des motifs purement personnels et malgré les instances du nou-
veau propriétaire, M. Jules Mugnier, la rédaction en chef de ce journal,
auquel sa collaboration n'a pas fait défaut une minute depuis vingt-cinq
ans. Cette retraite de M. Achille Denis sera une grande perte XiOurXa. Gazette
des Théâtres, dont il était l'âme et dans laquelle il avait maintes fois
traité, avec une grande autorité, des questions de la plus haute portée
artistique.
^*^ L'établissement thermal de Spa ne veut pas rester en arrière de
ses concurrents , et il vient de faire connaître le programme des bril-
lants engagements conclus par lui pour la saison. On y remarque :
pour le chant : Mlle Brunetti , Mme Léonard, Mlle Schœder; Géraldi,
Jourdan, Everardi, Varnols. — Pour le piano : M. de Bériot; Mme Es-
cudier-Kastner, Mlles Palloc, Brandt. — Pour divers instruments:
MM. De Vroye, flûte; Arban, cornet à pistons; Léonard, violon; Jehin-
Prume, violon; Dunckler, violoncelle; Rcuschell, violoncelle.
»*^ On écrit de Saint-Pétersbourg : « La symplionie héroïque Jeanne
d'Arc, pour orchestre, chœurs et soli, d'Alfred Holmes, vient d'être exé-
cutée deux fois au Grand-Opéra de Saint-Pétersbourg avec un succès
inouï. Rappelé cinq fois par le public et l'orchestre , M. Alfred Holmes
s'est vu bientôt entouré de plusieurs membres de la famille impériale,
entre autres de S. A. L le prince d'Oldenbourg, qui est lui-même com-
positeur. M. Holmes a dirigé lui-même les WO musiciens (chœurs et
orchestre) que l'Opéra avait mis à sa disposition. Jeanne d'Arc a été
chantée en français. La direction dos tliéâtres impériaux de Saint-Péters-
bourg est en pourparlers pour l'achat de la partition de Jeanne d'Arc.
On parle de 4,000 roubles (i 5,000 francs) pour la Russie seulement.
M. Holmes garderait la propriété de son œuvre pour le reste de l'Eu-
rope. »
,*» Le directeur du théâtre du Parc, à Bruxelles, après avoir acheté
la partition d'orchestre de Geneviève de ttrabant, croyait avoir seul le droit
de représenter cet ouvrage; mais une direction rivale, forte du traité
franco-belge, monte le même opéra sans l'autorisation des auteurs. Ce
fait, qui soulève une question très-intéressante, vient d'être porté devant
les tribunaux.
*** L'éditeur Gérard vient de publier deux nouveaux morceaux de
violoncelle par Seligmann ; ÏAppassionalo et A travers champs continuent
la série de ces compositions pleines d'originalité et de sentiment, comme
la Kouitra, le Secrel, Flocons de neige, la Guzla, Dans les nuages. Sépa-
ration, etc., etc., que les amateurs tiennent en haute estime, et qui ont
valu de si nombreux succès à Seligmann en France et à l'étranger.
,,\ Arban vient de partir pour Madrid, où il est engagé pour diriger
les concerts d'été donnés au Théâtre de la Zarzuela.
*** On parle de l'arrivée à Londres d'une jeune femme de Batavia
qui joue simultanément sur le piano deux airs de la main droite et
deux autres de la main gauche, tout en chantant un cinquième air.
Voilà Toni Blind, le fameux pianiste nègre, singulièrement distancé par
ce nouveau phénomène indou !
_*** Le mauvais temps n'a pas permis à la direction du Jardin Ma-
bille de faire samedi sa réouverture; elle a dû être ajournée à mercredi
dernier.
t*t M. Pierre Gaudonnet, l'un de nos bons facteurs de pianos, vient
d'avoir la douleur de perdre son fils aîné, dont les études spéciales pro-
mettaient un brillant coopérateur à la facture instrumentale parisienne.
ÉTRANGER
,;;*» Bruxelles. — Mme Sasse partie, le grand-opéra disparaît de l'affiche.
L'opéra-comique et l'opéra italien défraieront le répertoire pendant le
dernier mois de la saison. La troupe italienne commence ses représen-
tations le 1" mai. En voici la composition : Mmes Carlotta Carrozzi-
Zucchi, Paolina Castri et E. Muzio; Mlles Lucia CambrcM et Arnoldi. —
Ténors : MM. Tombesi, Melchiore Vidal et Arnoldi. — Barytons : MM. Ver-
ger et Capurro Tophany. — Première basse : M. Fiorizelli. — Chef d'or-
chestre. M. Emmanuel Muzio.
„;** londres.— D'après le bruit qui court, Her Majesty's Théâtre seradéci"
dément reconstruit; le prince de Galles en posera la première pierre à
son retour à Londres. L'architecte choisi est M. Charles Lee. Le devis
des frais s'élève à 65,000 livres sterling. — A Drury-Lane Mlle Tiet-
jens continue à enthousiasmer le public dans Fidelio et Norma. — Hier
soir samedi a dû avoir lieu le début de Mlle Nilsson dans la Traviata. —
A Covent-Garden, le ténor Lefranc a fait sa première apparition, mardi
dans Guillaume Tell; trop ému pour disposer de tous ses moyens, il n'a
produit que peu d'effet. — - Pauline Lucca fera sans doute sa rentrée la
semaine prochaine.
.:jf*,^ Liverpool. — La Grœnde-Duchfsse de Gérolstcin, donnée pour la
première fois le 27 avril, avec l'excellente Mme Howard Paul dans le
rôle principal , est en passe de devenir une des grandes attractions du
moment.
,;;** Hambourg. - Un comité de dilettantes a acheté dernièrement à
Londres d2C volumes de partitions manuscrites, qui contiennent tous les
opéras et les oratorios de Haendel, écrits de sa propre main et chargés
par lui de remarques et d'interpolations. Ces précieuses reliques ont été
acquises au prix relativement minime de 800 livres sterling. En An-
gleterre, on regrette vivement que le Brilish Muséum les ait laissé échap-
per. Les manuscrits de Haendel seront déposés à la bibliothèque de la
ville de Hambourg.
*■** Vienne. — Les représentations du célèbre ténor Sontheim, de
Stuttgard, attirent la foule à l'Opéra. Ce chanteur, jeune encore, et au-
jourd'hui l'une des gloires de l'art lyrique en Allemagne, a joué Lucie,
Robert le Diable et la Juive, de manière à prendre place auprès des
Nourrit, des Duprez et des Roger.
**„ Turin. — Pour fêler les fiançailles du prince Humbert et de la
princesse Marguerite, le théâtre Royal à rouvert ses portes, par extraor-
dinaire, et a donné quelques représentations de Dinorah avec un succès
énorme. C'est encore Dinorah qui a été choisie pour la soirée de gala
à l'occasion du mariage. Mlle Camille de Maesen est ravissante dans le
principal rôle.
■ : s. DUFOUB.
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N° 5. LES DRAGONS DE VILLARS net : 3 fr.
(Sera continué.)
N. B. — Ces éditions, d'un format très-commode et d'un bon marché exceptionnel, se recommandent spécialement aux artistes dramatiques
pour remplacer les rôles copiés, aux spectateurs pour suivre la musique et la pièce à la représentation, aux sociétés chorales, etc.
EN VENTE
FLEUR DE TBÉ
Opéra bouffe en trois actes,
PAROLES DE MM. ALFRED DURU ET HENRI CHIVOT, MUSIQUE DE
CHARLES LECOCQ
Les Airs de Gliant détachés
1. Chanson de la Cantinière, chantée par Mlle Irma 6. Confidence, chantée par M. Léonce: Je suis né dans
le Japon 3 »
Marié : Vivandière, cantinière, parlez, que désirez-
vous? 3 7S
2. Couplets, chantés par M. Sytter : J'ai couru grossir
la foule 3 »
3. Duo, chanté par Mlle Lucile Cabel et M. Sytter : A
l'éviter j'ai réussi 7 SO
4. Chinoiserie, chantée par MJVI. Désiré et Léonce : Je
suis clairvoyant comme un sphinx 4 SO
4 bis. La même, arrangée à une voix 3 »
5. Trio, chanté par MM. Désiré, Léonce et Sytter : La loi.
du Tsinn est fort claire 9 »
7. Ariette, chantée par Mlle Irma Marié : En tous pays
l'homme est un être qui traite fort mal 3 75
8. Romance, chantée par M. Sytter : Césarine à mes
vœux docile 3 »
8 bis. La même, transposée pour baryton 3 »
9. Duo, chanté par Mlle Marié et M. Sytter: Rappelle-toi. .. 9 »
9 bis. Couplets de l'Alcôve, extraits du Duo, chantés
par M. Sytter : Ensuite dans la nuit obscure 3 »
10. Ronde du Clicquot, chantée par Mlle Irma Marié,
MM. Désiré et Léonce: Ce n'est pas un vin de carême 2 50
E. KETTERER. Fleur de Thé, galop de salon, pour le piano : 7 fr. 50.
ARBAN. Quadrille pour le piano, 4 50. — ROQUES et STRAUSS. Clicquot-Polka pour le piano, 4 f.
STRAUSS. Grande Valse pour le piano, 5 fr.
POUR PARAITRE INCESSAMMENT
IiA PARTITIOM POUR CBLAMT ET PIAMO
CRAMER. Bouquets de Mélodies pour le piano. | A. MEY. Deuxième Quadrille pour le piano.
UPBIHEBIE CEKTBALE bES CHEHINS DE FEB — A. CHAIX ET C, BUE BEBGÈBE, 30, A PABIS.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS. 1.
5S' Année.
N« 19.
10 Mai 1868.
ON S'ABONNE :
Dans les Dépnrlcments et ft l'Étranger,
chez tous les Marchands de Musique, Ifs Librafrï
et QUI DurcQux der Messageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Diipurlcments, Belgique et SuîBse.... 30 i
Étranger 3* '
Le Journal paraît le Dimanche.
TTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE . — Société des Oratorios, première année, par Em. Hatbiea de
Monter. — Séance solennelle des Orphéons de Paris, par le même. — Tliéâ-
tre du Palais-Royal : le Château à Toto, opéra bouffe en trois actes, paroles de
MM. Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de J. Offenbach. — Théâtre
des Variétés : reprise du Pont des Soupirs, — Chapelle des Tuileries, première
communion du Prince-Impérial. — Concert de M. Gerusheim, par Charles
Bannelier. — Revue des théâtres, par D, A. D. Salnt-Vves. — Con-
certs et auditions musicales de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques.
— Nouvelles diverses. — Annonces.
SOCIÉTÉ DES ORATORIOS.
FOEMIÈRE ANNÉE.
Première exécution le 7 mai, au Panthéon, sous la direction de J . Pasdeloup.
IM Passion, de J.-S. Bacli. — Odo à sainte Cécile,
de Hacndel,
Il pourrait bien se faire que le 7 mai dernier devînt une des dates
saillantes de notre histoire artistique contemporaine. Depuis jeudi
soir, — le fait a été constaté par plus de six mille témoins, —
Paris possède, en effet, une Société française d'Oratorios régulière-
ment constituée, composée de 400 membres d'un mérite réel, ex-
cellemment dirigée par le propagateur le plus convaincu et le plus
heureux des chefs-d'œuvre du passé, animée d'un zèle que l'étude
et le respect des maîtres retremperont sans cesse, armée de bonne
volonté et de persévérance. En raison même de tels éléments de
succès et grâce à cette organisation permanente succédant à des
manifestations isolées ou à des tentatives défectueuses, on peut
croire que le jour est proche oii point ne sera besoin, pour enten-
dre de grande musique religieuse, de traverser la Manche ou le
Rhin. Le temps aidant, et l'éducation musicale se faisant insensi-
blement, car, même dans le cercle régulier et gradué des admira-
tions légitimes, une certaine latitude est à laisser à la diversité des
goûts, des esprits et des âges, il est permis d'espérer la formation
d'un public qui n'écoutera plus les chants sacrés du dernier siècle
comme on écoute, aux distributions de prix, le discours latin du
professeur de rhétorique, alors qu'il y a toujours dans l'auditoire
une majorité qui n'y apprend rien et une minorité qui n'y com-
prend pas grand'chose.
En choisissant, pour sa première exécution, la Passion de Bach
et VOde à sainte Cécile de Haendel, la Société des Oratorios a dé-
terminé nettement son caractère et son but. Quel portique plus
grandiose donner à son initiative? Pouvait-elle, dès le début, s'ou-
vrir à elle-même un horizon plus large, plus imposant, plus lumi-
neux? En se plaçant sous l'égide de la gloire des deux géants de
la musique du xvin° siècle, en proclamant cette gloire, en lui
trouvant de nouvelles raisons d'être et de s'accroître, en y appor-
tant un nouveau et solennel tribut, l'association nouvelle, présidée
par M. Pasdeloup, s'est honorée elle-même, et par ce coup d'éclat
elle a assuré son avenir.
La Société des Oratorios n'avait-elle pas tout d'abord à prouver
que c'est le privilège de la vraie grandeur de se dessiner davan-
tage à mesure qu'on s'éloigne, et de commander à distance? La
démonstration a été victorieuse. De cette interprétation souveraine
se dégageait le sentiment du beau qui éclaire d'un si vif reflet les
conceptions colossales de Haendel et de Séb. Bach. Ces voix disci-
plinées, cet orchestre familiarisé avec la traduction des pages nobles
entre toutes, cet ensemble magistral, donnaient un relief saisissant au
sentiment mélodique qui domine dans toutes les parties sévèrement
travaillées de VOde à sainte Cécile. La foule a dû également re-
connaître que Bach, c'était le génie étendu par la réflexion concen-
trée, fécondé par la profondeur de l'expression, par la hardiesse
et l'originalité de l'instrumentation. Dans cette Passion, écrite à
deux chœurs et deux orchestres, le vaste cerveau, la grande âme
du vieux maître ont des mouvements d'un pathétique ardent et
sublime. Il est la voix biblique éloquente par excellence, simple,
poétique, souJuinement tonnante. Là même où il a son cours rigide
et son flot impérieux, il y roule des trésors de douceur et de mé-
lancolie. C'est par tous ces caractères que Bach est unique, et que,
quelle que soit la nature de ses œuvres, il reste le modèle du
sentiment religieux le plus haut, le plus austère, et de la musique
sacrée la plus variée de formes, de combinaisons, et la plus inté-
ressante.
L'orchestre et les chœurs et le grand orgue de Cavaillé-Coll
étaient placés sur une vaste estrade construite en avant du grand
portail ; disposition favorable aux conditions de sonorité du Pan-
théon .
Au nombre des morceaux de la première partie de l'Oratorio
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lŒVUE ET GAZETTE MUSICALE
de Bach qui ont le plus vivement impressionné l'auditoire, je ci-
terai le premier récit de Jésus : La Pâqve approche; — le large
et sombre choral qui suit: Qu'avais-tu fait , Jésus, sauveur ai-
mable ; — tout le fragment compris dans les n°s S, 6 et 7 de la par-
tition, dialogue mouvementé qui exprime d'une manière dramati-
que la colère des compagnons de Jésus contre la femme de Be-
thanie; — la réponse de Jésus empreinte d'une douceur péné-
trante ; — l'air de soprano, 0 douleur I saigne, pauvre cœur ; —
l'air de basse, le duo et chœur des fidèles, n" 33, que l'on aurait
certainement redemandé, si la sainteté du lieu n'avait pas inter-
dit toute manifestation de ce genre; l'air de ténor. Je veux veiller
pottr (ci sans cesse, une inspiration réellement sublime; — la
phrase persistante do hautbois pleurant avec le Christ prosterné
sur le mont des Oliviers; les n™ 28 et 30 qui inspirèrent à Alfred
de Vigny les plus beaux peut-être de ses derniers vers:
« Alors il était nuit et Jésus marchait seul,
Vêtu de blanc ainsi qu'un mort de son linceul ;
Les disciples dormaient au pied de la colline.
Parmi les oliviers qu'un vent sinistre incline,
Jésus marche à grands pas en frissonnant comme eux...
Comme un marbre de deuil tout le ciel était noir.
Dans le bois il entendit des pas,
Et puis il vit rôder la torche de Judas. »
Enfin le chœur final: N'entends-tu pas nos voix fidèles a magnifi-
quement couronné la première partie de l'Oratorio. L'exécution
générale, je le répète, a approché aussi près que possible de la
perfection. Toutefois, les mouvements, ceux des chorals surtout,
étaient un peu précipités. Les chœurs, dont le rôle important est
semblable à l'action des chœurs dans la tragédie antique, ont
merveilleusement marché, sauf quelques hésitations d'attaque au
début. Tout était travaillé, su et fini jusque dans les moindres dé-
tails. Ai-je besoiiw d'ajouter que les soli ont été chantés par JMM.
Bollaert, Solon, etc., avec un soin, un goût et une assurance qui
témoignaient de sérieuses études. Quant à la partie de Jésus, son
interprétation avait été confiée à la haute intelligence artistique, à
la voix splendide et au grand art de Faure, le seul chanteur sans
contredit qui pouvait remplir dignemect celte lourde, mais glo-
rieuse tâche.
On sait que les paroles françaises de la Passion sont dues à
notre collaborateur Maurice Bourges, qui a écrit également les re-
marquables paraphrases du Paulus et de YElie de Mendelssohn.
Le mouvement, l'ampleur et l'éclat de VOde de Haendel ont pu
se développer en toute liberté dans le vaisseau sonore du Pan-
théon. Les airs de soprano, chantés par Mme Vandenheuvel avec
une exacte compréhension de cette musique, un style irréprochable
et le plus grand respect delà partition; les soli de trompette; la mar-
che d'un caractère si noble; le pompeux récit : Quand la brillante
Cécile, enfin les splendeurs harmoniques de la péroraison, laisse-
ront de durables souvenirs chez tous ceux, et le nombre en est
grand, heureusement, qui ont assisté à cette soirée mémorable. 11
est des choses qui impressionnent trop vivement pour que l'on es-
saie même de traduire l'émotion que l'on a éprouvée. Au surplus,
il serait pour le moins inutile de refaire en un compte rendu ra-
pide l'analyse d'œuvres dont les beautés sont depuis longtemps
scrutées, dévoilées et fixées par la critique philosophique. Que
M. Pasdeloup, ses collaborateurs et la Société des Oratorios tout
entière reçoivent donc l'expression publique de notre admiration ;
qu'ils nous permettent d'espérer l'audition prochaine de VElie et
du Paulus de Mendelssohn ; du Christ aux Oliviers, de Beethoven;
de la Création, d'Haydn; de la Mort du Christ, de Gratin; du
Samson et du Judas Macchabée, de Haendel, et de tant d'autres
de ces poëmes lyriques religieux, populaires en Allemagne et en
Angleterre, dont l'harmonie — pour emprunter leur peinture à
l'éloquente et patriotique allocution du doyen des Génovéfains —
« peut seule s'élever, avec une autorité égale à celle de la parole
du prêtre, dans le recueillement du sanctuaire, et qui traduisent
en un langage presque divin la croyance chrétienne tout entière,
depuis le tonnerre du Sinaï jusqu'à la plainte funèbre du Gol-
gotha. »
J'ai dit en commençant quelle foule — considérable au point
de renverser les barrières de séparation du transept — remplissait
l'église Sainte-Geneviève, du portail au chevet, (j'était une foule
de choix, parmi laquelle on remarquait un grand nombre de nota-
bilités politiques, artistiques et littéraires, plusieurs députés, des
chambellans de l'Empereur, le préfet de la Seine, qui est resté
jusqu'à la fin , les critiques d'art de presque tous les journaux de
Paris, etc. Aux portes ((uêtaient Mmes la princesse de Mettemich,
de Grandval, Jules Simon, Mlle Marie Marie, et le produit de
leur collecte a été très-fructueux.
Au point de vue artistique, la création de la Société des Orato-
rios exercera certainement mie influence salutaire. Le côté par le-
quel le grand art religieux peut intéresser notre société musicale,
à une époque oîi la pensée est absente, quand elle n'est pas sacri-
fiée à la forme, ce côté se dessine nettement et va se rajeunir. La
musique sacrée du xviu'^ siècle replace des barrières , édicté des
lois, s'appuie sur des principes dont l'étude, dont le simple exa-
men même, quand cela n'est pas poussé trop loin, a bien ses avan-
tages. Il n'est pas mauvais de se gêner un peu et de se contenir
volontairement quand le stimulant est partout alentour : une cein-
ture un peu serrée aide à la marche. De tout temps, la musique
sacrée a été une forte nourrice des intelligences, qu'elle a aguer-
ries et comme exercées par sa calme et sévère contrainte. Elle peut
l'être encore.
L'œuvre si magnifiquement inaugurée, il y a trois jours, par
Pasdeloup, vivra et grandira. Cette prospérité, cette extension popu-
laire importe beaucoup, c'est du moins mon humble avis, à l'élé-
vation , à la substance , je dirais presque à l'hygiène des hautes
études musicales dans notre pays. Ces harmonies sublimes, qui ont
réveillé les échos endormis du temple national et retenti jusque
dans la nuit des tombeaux illustres, ne sauraient, en s'éteignant
subitement, laisser après elles le vide, le doute, l'oubli. 11 faut
qu'elles s'élèvent bientôt, plus éclatantes encore, qu'elles réson-
nent souvent, que, de ces hauteurs classiques, elles se répandent
sur Paris, sur la France, empruntant — et pourquoi non? — de
par la fraternité du génie, à Jean-Jacques sa fierté, à Voltaire son
bon sens et sa raison. Le public sera reconnaissant, aux artistes
de talent et d'initiative qui composent la Société des Oratorios, de
ce plaisir d'un ordre élevé et de cet enseignement véritablement
supérieur.
Em. Mathieu DE MONTER.
SËÂNCE SOLENNELLE DE L'ORPHEON DE PARIS.
{Division de la rive droite.)
Cette réunion artistique et populaire qui s'est tenue dimanche
dernier au cirque Napoléon, sous la présidence de M. Alfred Blan-
che, secrétaire général de la préfecture de la Seine, et des mem-
bres de la Commission de surveillance de l'enseignement du
chant, a été, le programme naturellement excepté, l'exacte repro-
duction de la réunion précédente de la rive gauche. Même af-
fluence de monde et même monde, couronnement traditionnel de
l'honnête Wilhem, dont le buste semble n'en pouvoir mais, même
enthousiasme bruyant, mêmes ovations faciles.
Le programme de la séance comprenait une seconde audition
DE PARIS.
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du chœur C'est Dieu, de M. Léo Dclibes, dont j'ai parlé à propos
du festival de la rive gauche. Les voix pures et bien posées des
enfants — le temps était superbe — l'ont parfaitement rendu.
L'auteur s'attendait à la petite ovation habituelle; elle ne lui a été
décernée toutefois par les enfants qui rappellent indiU'éremmcnt
Haydn, Gounod, Mozart ou Delibes, qu'après son second chœur
En avanil dont l'exécution lourde m'a empêché d'apprécier la
couleur pittoresque et l'allure en dehors.
Je ne sais trop pourquoi V Entrée des Croisés à Constantinople
a eu les honneurs d'une exécution nouvelle. Je persiste dans
mon opinion à l'égard de ce pastiche choral, indigne de l'Orphéon
parisien, et dont le refrain pitoyable semble destiné à accompa-
gner les exei'cices des écuyers forains. Il est vrai que dans un Cir-
que ! . . . Mais pourquoi tant appuyer sur cette coïncidence de
rhythme et d'appropriation'? /Irf/eM, montagnes! de M. le prince de
Polignac, écrit un peu haut, est d'une jolie couleur, d'une coupe
élégante, d'une vive inspiration.
Il est assez singulier d'entendre dans ce morceau douze cents fil-
lettes des écoles du quartier du Palais-Royal, des Halles, St-Georges,
du Temple, de la Bastille, chanter àpleines voix : Chassons ! En chasse!
Vive la chasse! La commission de surveillance du chant est si
sévère, et à tant de titres légitimes, sur le choix des paroles des
chœurs, que je ne m'explique pas trop le développement musical
de cette ardeur cynégétique dans les rangs féminins de la bour-
geoisie parisienne. Quant au nouvel ensemble vocal de Gounod,
le Vendredi-Saint, je m'associe complètement au jugement de mon
collaborateur Charles Bannelier : ce chœur de facture instrumen-
tale, aux modulations difficiles, aux combinaisons de timbres heur-
tées, à la contexture pénible, et dont le milieu seul est bien traité,
n'ajoutera rien à la réputation d'un maître habile entre tous, dans
le grand art d'écrire pour les masses. Je louerai sans réserve Gloire au
Seigneur de Silcher : cela est large, solennel, et gagnerait à être
chanté par les sopranes surtout avec plus de modération ; — ainsi
que le Chant de l'Alouette (Mendelssohn), adorable de jeunesse, de
fraîcheur, et où l'on entend comme des battements d'ailes, pour
arriver aux chœurs suédois et norvégiens que le public a voulu
acclamer deux fois, qui étaient le principal attrait du programme
et qui sont devenus le succès du festival orpliéonique de diman-
che dernier J'aurais bien quelques raisons de parler de
ces ravissantes mélodies populaires du pays des lacs, pour avoir
cousu à leur manteau constellé d'humbles rimes françaises, mais
M. Maurice Bourges a fait de la musique et de la poésie lyrique
de l'extrême Nord l'objet de longues et sérieuses études dont nos
lecteurs pourront apprécier, dans un article qui paraîtra prochai-
nement, l'intérêt, le charme et le mérite.
Em. Mathieu UE MONTER.
THEATRE DU PALAIS-ROYAL.
liE CUATEAU A TOTO,
Opéra-bou^e en trois actes, paroles de MM. Henri Meilhac et
Ludovic Halévy, musique de M. Jacques OrrENBACH.
(Première représentalion le 6 mai 1868.)
Voilà encore une fois deux de nos théâtres de genre livrés ex-
clusivement aux joyeux refrains d'Offenbach . Si c'est un mal pour
les membres de la Société des auteurs qui étaient naguère les four-
nisseurs brevetés de ces scènes, à qui s'en prendre'? Au public
qui traite en enfant gâté le père â.'Orphée aux Enfers et qu|
donne ses préférences aux œuvres marquées de son cachet. Ce
n'est pas assurément une tâche médiocre pour cet heureux
compositeur de justifier la foi qu'on a en lui et de se maintenir
sans broncher au niveau de l'immense notoriété que ses opéras-
bouffes lui ont conquise.
Le Château à Toto continuera-t-il cette série de succès à la-
quelle nous assistons depuis quelques années? Nous n'en serions
pas surpris, tant est grande l'attraction exercée par le nom d'Of-
fenbach. Et cependant, il faut bien en convenir, ses collaborateurs
ordinaires l'ont souvent mieux servi que dans cette circonstance.
C'est peut-être un peu la faute de leur donnée, qui n'est pas
franchement comique et qui laisse après elle une arrière-pensée
quelque peu empreinte de mélancolie. Ce petit crevé qui, à peine
âgé de vingt ans, a dépensé des sommes fabuleuses avec des filles
de portier, comme il le dit lui-même, et qui se voit forcé de vendre
le château de ses pères; sa dernière maîtresse qui essaie de séduire
un notaire pour se faire adjuger au plus bas prix le susdit château;
puis l'amour d'une petite fille qui le rachète en sous-main pour le
rendre à Toto dont elle veut devenir la femme ; tout cela est-il
donc d'une gaieté bien folle? Nous supposons que MM. Meilhac et
Halévy auront été séduits par l'idée de parodier à la fois les haines
de famille des Capulet et des Montaigu, ainsi que la vente romanes-
que du château de la Uame blanche. A ce point de vue, leur but a
été en partie rempli.
Ils ont inventé un baron de Crécy-Crécy qui est bien la plus
amusante ganache qu'on puisse imaginer. Le récit du premier acte,
dans lequel il raconte les démêlés des ses ancêtres avec les La
Roche-Trompette, les nobles aïeux de Toto, est un chef-d'œuvre
de facétie fantaisiste. Du reste, ce rôle est joué par Gil-Pérez
avec un vrai talent, non de farceur, mais de bon comédien. Il sera
pour une grosse part dans la fortune de la pièce.
Après lui, que dire des autres personnages, qui concourent à
l'action d'une manière plus ou moins directe? Nous craindrions
de nous égarer dans ce mèli-mêlo grotesque, oîi chacun change de
physionomie à chaque acte, où le paysan Pitou, amoureux de la
fermière Catherine, se transforme en général Bourgachard, où le
notaire Massepain endosse la défroque d'un garde-champêtre, où
le marquis de la Pépinière troque son costume de gandin contre
la blouse de Pitou. Le troisième acte est tout entier dans ces
ti'avestissements, et encore allions-nous oublier le plus drôle,
celui du baron de Crécy-Crécy en facteur rural, sonnant de la
trompette pour annoncer son passage.
Ces cocasseries ont fourni à Offenbach le prétexte d'une foule
de jolis motifs, comme toujours, gais et faciles et qui n'ont d'au-
tre tort que de rappeler quelques-unes de ses meilleui'es inspira-
tions, parce qu'ils sont forcément coulés dans le même moule.
On a particulièrement applaudi, au premier acte, une charmante
ronde à deux voix, des couplets chantés par Toto et un trio final; —
au second acte, l'air d'entrée du général Bourgachard (Brasseur),
très-bien en scène, d'un rhythme franc et qu'on a bissé ; la bour-
rée qui termine cet acte n'a pas eu moins de succès. — Au
troisième acte, les couplets de i-egrets et de retour sur son passé,
dits avec un sentiment exquis par Zulma Bouffar sur le motif du
solo de flûte de l'ouverture, ont été fort appréciés ; la chanson à
moitié parlée du facteur rural, très-bien détaillée par Gil-Pérez, a
été redemandée à grands cris.
Nous avons dit que Gil-Pérez était parfait. Brasseur, Hyacinthe,
Lassouche ont, eux aussi, de bons moments, mais ils ne le valent
pas et c'est en grande partie la faute de leur rôle. Mlle Zulma
Bouffar, qui joue Toto, y est fort agréable et met au service de ce
rôle une voix sympathique et une diction intelligente. Toutefois
nous sommes d'avis que le personnage eût été miiiux le fait d'un
homme que le sien. Mile Paurelle n'ajoutera pas au succès;
Mlle Worms est une très-gentille demoiselle de Crécy-Crécy. Quant
à Mlle Alphonsine, transfuge des Variétés, nous l'attendons à une
148
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
autre création que celle de la fermière pour la juger dans son
nouvel emploi.
D.
THÊATBE DIS VÂBIËTfS.
Reprise du POIVT DES SOCPIBIS,
Opéj-a bouffe en quatre actes et cinq tableaux, paroles de MM. Hec-
tor Crémieux et Ludovic Halévy, musique d'OFFENBACii.
(Première représentation le 8 mai 1868.)
II y a sept ans que le Pont des soupirs a été donné pour la
première l'ois au théâtre des BoulTcs-Parisiens, c'était le 28 mars
1861; les principaux rôles étaient joués par Désiré, Potel , Bâche,
Mlles Tautin, Testée, Plbtzer, etc. Nous nous rappelons encore
Tefiet produit par un comique du nom de Tacova, sous les traits
du président du Conseil des Dix. Tout cela est pourtant dt^à loin
de nous, et l'on comprend que la reprise de celte bouH'onnoric
vénitienne, remaniée d'ailleurs, et considérablement augmentée,
puisse aujourd'hui passer pour une nouveauté, L'accueil qu'on lui
a fait aux Variétés en est la preuve.
Les infortunes conjugales du doge Cornarino-Cornarini, tou-
jours suivi de son écuyer Baptiste, les scélérates menées du gon-
falonier Malatroniba, les amours de la hellc Catarina et du page
Amoroso, toutes ces folles aventures, assaisonnées de poignards,
de masques, de gondoles et de tout ce qui constitue la couleur
locale dans la cité de Saint-Marc, semblaient n'avoir jamais
servi. Nous constaterons à la vérité que tous les interprètes
de la pièce, cxceplé Mile Tautin, étaient neufs dans leurs rôles, et
que, par conséquent, c'était un tout autre horizon.
Mais si l'action a été légèrement modiliéc par les auteurs, la
musique d'Offcnbach l'a été dans des proportions bien plus impor-
tantes . Néanmoins, tous les morceaux à effet de l'ancienne parti-
tion ont été conservés, et, dans^le nombre, nous avons retrouvé
avec plaisir la sérénade et la complainte du premier acte, l'excel-
lent quatuor des poignards et le rêve du second, enfin le chœur
du carnaval.
Parmi les morceaux ajoutés, nous avons remarqué une jolie bal-
lade, la Colombe et le Vautour, chantée au commencement du
deuxième acte par Malatromba, puis un boléro entraînant; à l'acte
suivant, des couplets sur ces mots : Les affaires sont les affaires,
et, un peu plus loin, un délicieux duetto pour voix de femmes,
fort bien dit par Mlles Tautin et Carrait, qui a été bissé et qui
méritait cet honneur; enfin, au dernier acte, un gai tourbillon
dans lequel est intercalé un grand air pour Catarina. Ces additions
suffiraient au succès de l'ouvrage, s'il n'avait pas déjà pour lui les
éléments qui l'ont fait réussir autrefois.
Le rôle de Malatromba, qui a pris le premier rang, est tout à
fait dans les moyens de Dupuis ; comme comédien, et surtout
comme chanteur, il y a obtenu plusieurs salves de bravos. Thiron
et Kopp sont amusants dans les rôles du doge et de son fidèle
écuyer Baptiste. L'acte du Conseil des Dix a besoin de coupures,
et ses longueurs ont un peu nui à Grenier, qui a pris la succession
de Tacova. Hamburger fait valoir par ses cascades originales un
petit rôle de patricien ambitieux . Mlle Tautin a retrouvé son suc-
cès de la création dans le rôle de Catarina. Mlle Carrait, toujours
correcte et gracieuse, a été souvent applaudie dans celui du
page Amoroso.
Nous ne quitterons pas le Pont des Soupirs sans faire nos com-
pliments à la direction, qui n'a rien négligé pour donner les plus
brillantes attractions à la représentation de cette pièce. Les dé-
cors et les costumes sont très-soignés, les chœurs très - convena-
blement composés, les petits rôles de femmes très-bien remplis,
et l'orchestre fonctionne avec beaucoup d'ensemble sous la con-
duite de son habile chef, M. Lindheim.
D.
CHAPELLE DES TUILERIES.
Première communion <ln Prlncc-Impërlal.
Jeudi, à 9 heures du matin, S. A. le Prince-Impérial a fait
sa première conmiunion dans la chapelle du palais des Tuileries,
en présence de LL. MM. l'Empereur et l'impératrice, des mem-
bres de la famille impériale et des grands dignitaires du palais. La
messe basse a été dite par Sa Grandeur .Mgr Darboy, archevêque
de Paris. — Les artistes de la chapelle ont exécuté à l'orgue,
sous la direction de M. Auber, plusieurs morceaux. MJle Mauduit
et M. Grisy ont chanté les strophes du Magnificat liturgique ; un
Bencdlctus de M. Auber a été dit ensuite avec beaucoup d'onction
par Mlles Bloch et Mauduit, et Faure a chanté un cantique à
l'Eucliailslie, dont la poésie, attribuée à un haut dignitaire de
l'Eglise présent à cette touchante cérémonie, avait été adaptée à
un air de KossinI, assez peu orthodoxe.
Le recueillement du petit-neveu de Napoléon I" édifiait tous
les assistants. L'émotion de S. M. l'Impératrice était partagée par
toutes les mères qui l'entouraient, et l'Empereur était lui-même
très-iinpressionné.
Le soir, à 4 heures, S. A. le Priuce-Impérial a été confirmé par
Mgr Darboy. Les artistes ont chanté le Veni Creator et le célèbre
Vivat in aiiernum composé en 1802 par l'abbé Rose pour le sacre
de Napoléon l", morceau ([ui a gagné beaucoup en passant par
les mains de M. Auber.
Cette solennité religieuse et tout intime laissera de profonds
souveniis à tous ceux qui ont eu le bonheur d'en être les té-
moins. En sortant de la chapelle impériale, un des nobles com-
pagnons d'armes du héros d'Au.sterlitz se plaisait à répéter cette
belle parole de Napoléon : « Le jour de ma première communion
)) a été le plus beau jour de ma vie! »
A. E.
CONCERTS
De m. Friederlcb Cernsiielm.
La jeune .\ll6magno a en ce moment trois individualités très-rcmar-
quabli/s à la ti'te de son mouvement musical : Joliannes Brahms, Max
Bruch et Friederich Gernsheim, trois noms que la postérité retien-
dra el qui se partageront également son attention. Bruch et Brahms
vont franchement de l'avant, cherchant avant tout à être eux-mêmes, et
offrant néanmoins, par suite de l'analogie de leurs tempéraments et de
leurs études, de nombreux points de contact cnire eux; Gernsheim, na-
ture aussi riche, mais plus réfléchie et moins primesautière, se tient en
général plus près de l'élément classique, dont il s'est si profondément
et si heureusement imprégné, qu'on assignerait volontiers à telle de ses
œuvres une paternité beelhovénienne. Ce qui ne veni pas dire que l'o-
riginalilé lui manque : car il nous semble qu'on est trop porté à ne
voir cette précieuse qualité que dans la forme, dans la manifestation
extérieure de l'idée et non dans l'idée elle-même; et nous ne vo^'ons pas
pourquoi chaque nouveau venu se croirait absolument obligé de s'affran-
chir du cadre ou du style créés par un homme de génie, au lieu de
chercher si la nature de son talent ne s'accommode pas précisément de
ces formes qui se prêteront longtemps encore après lui à revêtir le beau.
Des trois maîtres que nous venons de nommer, jeunes encore, déjà
célèbres, et unis par une vive amitié, ce qui ne laisse pas que d'être rare
entre émules, Frédéric Gernsheim est le seul qui se soit produit jusqu'à
présent en public à Paris. Il occupe au Conservatoire de Cologne une
brillante position qu'il a conquise haut la main : il y est professeur de
piano, de contrepoint et fugue et de réduction de la partition. A son
concert du 26 avril, donné par invitation, les salons Erard, les couloirs
et le foyer regorgeaient de monde; les illustrations musicales de Paris
DE PARIS.
s'y trouvaient au complet. Rarement une salle de concert a offert un
aussi imposant spectacle.
Trois des compositions de Fr. Gernsheim figuraient au programme :
un quatuor pour piano et instruments à cor.les, doux fragments d'une
Suite pour piano, et une sonate pour piano et violoncelle. Des œuvres
de cette portée voudraient une analyse détaillée, que nous regrettons de
ne pouvoir leur consacrer. Il faut nous borner à en signaler les quali-
tés essentielles: la noblesse et la distinction des idées, la science admi-
rable du développement, fruit d'une intime compréhension de ce qui
fait la force et la vitalité des chefs-d'œuvre classiques; la clarté dans
l'expression, l'intuition de l'effet, l'éloignement de tout ce fatras préten-
tieux que les contrefacteurs d'un novateur puissamment organisé, mais
fourvoyé, voudraient mettre à la mode; enfin le soin apporté à éviter
l'abus de ce que les Allemands nomment polyphonie, abus qui consiste
dans la préoccupation de donner à chaque partie une importance égale
par un travail contrapuntique pénible, constant, et qui n'est plus à sa
place hors de la fugue.
Nous ne ferons une réserve que pour le finale de la sonate pour piano
et violoncelle, qui nous a paru long et trop travaillé pour avoir coulé
de source. Tout le reste, et surtout le scherzo de la Suite pour piano,
qui restera comme un modèle de verve et de franchise, respire la séré-
nité de la force qui a conscience d'elle-même, connaît son but et l'at-
teint sans le dépasser. On se retrempe en écoutant cette musique, et la
foi artistique, ébranlée journellement par tant et de si rudes chocs,
reprend une nouvelle vigueur.
Fr. Gernsheim , qui compte parmi les meilleurs pianistes de l'Alle-
magne , a exécuté lui-même ses compositions avec le concours de
MM. Maurin , Mas et Demunck. Les applaudissements éclataient , longs
et bruyants, après chaque morceau. Et, pour couronner dignement une
séance déjà si pleine d'intérêt, Antoine Rubinstein est venu jouer avec
le bénéficiaire (qui n'a bénéficié que de succès) le concerto de Séb. Rach
en ut mineur pour deux pianos. Inutile de dire combien ces deux vir-
tuoses éminents ont été fêtés. M. Gernsheim aura emporté de l'hospita-
lité parisienne un souvenir qui , nous l'espérons , tiendra quelque place
dans sa vie d'artiste.
Charles BANiNELIER.
REVUE DES THEATRES.
Gyîinase : le Chemin retrouvé, comédie en quatre actes, par
MM. Louis Leroy et Régnier. — Vaudeville : les Loups et
les Agneaux, comédie en cinq actes, par MM. Crisafulli et Sta-
pleaux. — Théâtre L^périal du Chatelet : le Comte d'Esscx,
drame en cinq actes et six tableaux, par M. Couturier.
Nous nous faisons un véritable plaisir de constater le succès
très-mérité que vient d'obtenir le Gymnase avec une comédie en
quatre actes, intitulée le Chemin retrouvé, qui, sans emprunter son
sujet à un ordre d'idées bien neuves, a su cependant conquérir
les suffrages du public par la sagesse de son plan, la logique de
ses déductions, et l'hcurèuse variété de ses formes littéraires. Les
auteurs de cette pièce sont deux hommes de talent et d'expérience,
M. Louis Leroy, journaliste distingué, et Régnier, l'artiste aimé
du Théâtre-Français. Leur œuvre se ressent de la mise en com-
mun des aptitudes apportées par chacun d'eux et soudées ensemble
par l'habile intervention de M. Montigny.
M. d'Augerolles, est un de ces maris comme on en voit tant, qui
ont sous la main des trésors de bonté, de vertu, et qui n'en vont
pas moins courir les aventures avec des demoiselles de hasard,
qui sont loin de valoir leurs femmes. Mme d'Augerolles, de son
côté, et toujours selon la loi commune, ne manque pas de cour-
tisans, parmi lesquels il en est un, M. de Laverdac, qui pourrait
bien distancer les autres, si la lice était ouverte. Mais Mme d'Au-
gerolles marche fièrement dans la ligne du devoir et rien ne sau-
rait l'en faire dévier, si elle n'apprenait toul-à-coup que son mari
a une maîtresse. Ce jour-là même, M. de Laverdac, dans un accès
de folie amoureuse, a voulu monter, aux courses, un cheval in-
dompté et il a été jeté mourant sur le turf. Une inspiration vindi-
cative décide Mme d'Augerolles à aller voir le blessé, sans souci de
sa réputation jusque-là irréprochable. Le mari, prévenu traîtreu-
sement, survient à l'improviste; Laverdac essaie de faire évader
l'imprudente jeune femme, mais en vain, et Mme d'Augerolles
serait à jamais perdue s'il ne se trouvait là, à point, une autre
femme qui se dévoue pour la sauver, parce qu'elle a beaucoup
moins à perdre. Néanmoins, cette Mme de Barsanne est, à son tour,
compromise d'une manière si grave qu'un aveu franc et sincère
de Mme d'Augerolles devient indispensable dans l'intérêt de cette
mère de famille. Il est vrai que la leçon a profité et que Mme
d'Augerolles a véritablement retrouvé son chemin, sans avoir pris
par la traverse.
Non-seulement la pièce de M. Louis Leroy et Régnier est bien
faite, mais elle est aussi parfaitement interprétée par Berton et
Villeray, par Mlle Piurson et par Mme Pasca. L'action est en outre
égayée d'une façon charmanle par plusieurs rôles épisodiques,
tels que ceux d'une vieille puritaine, joué merveilleusement par
Mme Mélanie, d'un petit collégien, confié à Mlle Massin, d'un
vieux garçon que Landrol détaille avec sa hnesse accoutumée, et
de deux valets comiques dont Francés et Lefort tirent un excel-
lent parti. L'Empereur et l'Impératrice, que l'on a peu vus dans
nos théâtres secondaires pendant la saison qui vient de s'écou-
ler, assistaient à la première représentation du Chemin retrouvé et
en ont daigné témoigner leur satisfaction au dii-ecteur ainsi
qu'aux acteurs.
— Le Vaudeville comptait beaucoup, dit- on, sur les Loups et les
Agneaux, qui n'ont pas tenu toutes leurs promesses. D'abord, cette
comédie de mœurs contemporaines a le grand tort de venir après
beaucoup d'autres du môme genre qui n'ont laissé que bien peu
d'épis à glaner. De plus, elle a l'inconvénient de mentir à son
titre, en ne nous montrant à peu près que des loups, sans égarer
au milieu d'eux quelques agneaux. L'intrigue, passablement vul-
gaire, est basée sur la vengeance d'un honnête banquier qui, se
croyant ti'oinpé par sa femme, passe avec armes et bagages dans
le (;amp des Faiseurs, afin d'y entraîner son rival et de le com-
promettre dans une affaire horriblement véreuse. La victime ne
se laisse pas immoler, et le mari, furieux, veut lui mettre le cou-
teau sur la gorge. Mais tout s'arrange par un mariage qui rend
l'honneur à la femme calomniée et le repos à l'époux criminel par
jalousie.
Nous avons négligé, dans ce résumé succinct, deux personnages
importants qui méritent une mention spéciale. L'un s'appelle Cal-
lot et est un vil coquin, sans conscience ni vergogne, qui fait
l'olfice du mauvais génie auprès du banquier Tourbonne. L'autre
répond au nom de Cotonnier ; c'est un ancien gandin tombé dans
la misère et le cynisme, hier cocher, aujourd'hui domestique et
secrétaire de ce même banquier, tantôt bon, tantôt méchant, selon
les intérêts du moment, mais en somme la seule physionomie un
peu originale de la pièce. Aussi est-on allé chercher Lesueur au
théâtre du Châlelet pour jouer ce rôle, qui tranche sur tout son
entourage.
Citons pourtant Dcsrieux, Parade, Munie, puis Mlles Bianca et
Léonide Leblanc qui ont fait de louables efforts pour lutter contre
le mécontentement du public, que commençaient à indisposer l'inex-
périence des auteurs et surtout l'invraisemblance d'une scène
d'actionnaires <|ui ne ressemble à rien de ce qu'on a vu jusqu'ici
et qu'on ne peut admettre que comme des caricatures.
— Faisant trêve à ses éternelles féeries, le théâtre du Châlelet vient
de tenter une excursion dans le domaine du drame historique, et
il n'a pas eu à se repentir de cet essai; c'est, du reste, la seconde
fois, depuis un an, que la reine Elisabeth nous apparaît sur les
scènes où fleurit le drame. A la Gaîté, on la représentait en
lutte avec la mort; ici, elle est aux prises avec l'amour, et le
comte d'Essex, qui oselui préférer une autre femme, paie une telle
audace de sa tête. Cette catastrophe donne lieu à une péripétie
très-émouvante. Pendant que le condamné r.ttend dans sa prison
150
«EVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'exécution de la sentence qui l'a frappé, la reine, prise de remords,
lui fait dire par une de fes dames d'honneur qu'elle est prête à
pardonner si le comte invoque sa grâce au moyen d'un anneau
dont elle lui a fait présent autrefois comme sauvegarde contre sa
colère. Le comte remet l'anneau lutélaire à sa dame d'honneur;
mais le mari de celle-ci, sir Howard, qui a une vengeance à exer-
cer contre le malheureux comte d'Essex, retient l'anneau et l'œuvre
de sang s'arccomplit
Ce drame est le second ouvrage de M. Couturier, dont la
femme interprète le rôle d'Elisabeth avec un talent plein d'inéga-
lités, qui l'a fait comparer à Rouvière. Mme Cornélie, — c'est
le nom qu'elle a pris sur l'afficbe, — est dignement secondée
par Laray, Deschamps, Colombier et Mme Paul Deshayes.
D. A. D. SAINT-YVES.
CONCERTS ET AUDITIONS IDSICÀIES DE LA SEMAINE.
,*» La Société des concerts de chant classique, fondée par feu M. Beau-
lieu, a donné, le Eamedi 2o avril, à la salle Herz, son concert annuel
au profit de la cais-;e de secours des artistes musiciens. Mlles Marimon, de
Beaunay et Printemps, MM. Achard et Archaimbaud, chargés d«s soli,
ont recueilli les suffrages les plus vifs et les mieux mérités. Quatre mé-
lodies peu connues de la reine Hortense, qui vont être publiées prochai-
nement avec un bon nombre d'autres, par M. Eugène Gautier, ont été
particulièrement applaudies. Des fragments du Guillaume Tell de Grétry
et du Komco et Juliette de Steibelt, ont également produit beaucoup
d'effet. De vieilles chansons avec chœur, un air du Persce do Lulli, un
fragment de la Passion de S. Bacli, forniaieut l'appoint de ce programme,
qui, comme on le voit, n'offrait pas moins d'intérêt que les années pré-
cédentes.
,*s. Une matinée musicale donnée dimanche dernier à la salle Erard,
au profit de l'as.sociation des instilulrices libres de la Seine, nous a
fourni l'occasion d'applaudir le brillant et sympathique talent de pianiste
de Mme Ro.ssi-Gallieno , qui a exécuté avec notre éminent violoncelliste
Jacquard une remarquable sonate de Rubinstein.
^** Vendredi dernier, dans un concert donné à la salle Herz pour la
fondation d'une crèche, et où chantaient Mme .Monbelli, Mlle Mcyer et
MM. Ketten et Lamotte, Mlle Louise Murer s'est fait entendre plu-
sieurs fois et chaleureusement applaudir, particulièrement après un
caprice sur la Somnambule et la Danse des Fées, de son regretté maître
Prudent, qu'elle joue avec une rare perfection.
^*j, Vendredi 15 mai aura lieu, au Conservatoire, la représentation
lyrique et dramatique organisée par Mme la princesse de Beauvau , au
profit de l'Ecole professionnelle de jeunes filles, qu'elle a fondée et dont
elle est la directrice. Le programme de cette soirée sera des plus at-
trayants
i^*^. Le début des frères Guidon, engagés à l'Eldorado, a eu lieu samedi
de l'autre semaine, avec un succès très-décidé. Les deux chansons poé-
tiques qu'ils ont dites avec leur finesse et leur goût habituels ont provo-
qué les sympathiques applaudissements auxquels sont habitués ces deux
excellents artistes.
j*^ Mercredi 13 mai, à la chapelle du Calvaire, séance de musique
classique donnée par la Société académique de musique sacrée sous la
direction de Ch. Vervoitte : exécution de morceaux de tous les pays
des xvi«, xvn'=, xvm^ et xix« siècles.
^*» Mme Oscar Comettant a brillamment terminé le 24 avril, la série
de ses intéressantes soirées musicales. Les nombreux invités qui se
pressaient dans ses salons de Versailles ont pu applaudir la maîtresse de
la maison dans l'air du pâtre de Sapho et la valse A'Hamkt, et les
excellentes élèves qu'elle a formées, dans le choeur de Rossini la Charité,
et dans une chanson du xvm" siècle, arrangée à cinq voix par
M. Oscar Comettant. MM. Nathan, Wliite et Mlle Joséphine Martin dé-
frayaient la partie instrumentale, qui ne pouvait être en de meilleures
mains.
^*^ Rubinstein, Mlle Harris et le baryton Devoyod ont donné un éclat
tout particulier au dernier concert du Cercle, à Nantes. Ces éminents
artistes ont été accueillis avec un enthousiasme auquel leur beau talen t
est depuis longtemps habitué.
^*^Edouard Wolff, reparti avec la compagnie Patti-Ulmann à la
conquête de nouveaux lauriers, s'est déjà vu applaudir à Orléans,
Bourges, Nevers, Moulins, Riom, Roanne, Clermont, Saint-Etienne et
Tarascon. Sa Tarentelle lui a valu chaque fois le succès le plus franc
et le plus flatteur. Carpentras, Valence, Grenoble, Chambéry, etc., atten-
dent la vaillante petite phalange artistique, qui est pariout accueillie
de la manière la plus enthousia.ste. Berthelier y fait merveille avec
ses chansonnettes.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^*s^ Lundi dernier, à peine de retour de .son voyage de Belgique où
le succès ne lui a pas ménagé les ovations, Mme Marie Sasse a fait sa
rentrée à l'Opéra, dans le rôle de Doua Anna, de Don Juan. Sa voix et
son jeu se ressentaient un peu des fatigues de son excursion ; le public,
néanmoins, lui a fait un excellent accueil. Faure, comme toujours, a
admirablement chanté et joué Don Juan; il a été magnifique dans les
deux derniers tableaux; on lui a redemandé la sérénade. Les applaudis-
sements n'ont pas manqué à Mlle Battu (Zerline), qui a été charmante
dans son duo avec Mazelto. Mlle Mauduit, qui remplaçait Mme Gueymard,
indisposée, dans le rôle d'Elvire, a chanté sobrement et avec beaucoup
de style ce rôle auquel elle a donné un touchant caractère de résignation
et de simplicité. Obin, quoique la nature de son talent ne l'appelle guère
à remplir des rôles comiques, prête cependant au personnage de
Leporello une grande franchise d'allures et un entrain de bon aloi.
David a été l'imposant Commandeur que l'on sait. "Warot etCaron com-
plètent un excellent ensemble. Le ballet, dont tous les airs ont été
empruntés avec un goût exquis à Mozart lui-même, est ravissant. La
salle était Irès-belle; les soixantes loges du premier et du second rang
étaient toutes occupées. — Vendredi, on a donné avec le même succès
le chef-d'œuvre de Mozart. — Mercreili, la Juive a valu à Marie Sasse un
nouveau triomphe ; Villaret, chantait Eléazar, l'un de ses meilleurs
rôles, et quoique relevant à peine d'une grave maladie, il y a recueilli
de chaleureux applaudissements, surtout à l'air du quatrième acte après
lequel il a été rappelé par la salle eniiôre.
,f% La représentation extraordinaire de jeudi, au profit de la caisse de
secours des auteurs et compositeurs dramatiques, n'a pas eu de chance;
la recette n'a été que de 3,223 francs, somme de beaucoup inférieure aux
frais. Cependant, Mlle Battu, Rubinstein, Mlle Graiizowy luttaient de ta-
lent chacun dans leur genre, et ces artistes d'élite ne s'y sont pas épar-
gnés pour obtenir un meilleur résultat.
,'\(tOn lit dans la Gazette des Étrangers. « A Bruxelles, Mme Sasse a
donné, pendant son congé, cinq fois Selika, deux fois Valentine, une
fois Rachel. Pas plus que l'approbation du public, la sanction royale n'a
manqué aux triomphes de notre cantatrice sur la scène de la Monnaie;
deux fois la reine a voulu venir l'entendre et, le .soir de la représenta-
tion d'adieu, un dîner d'apparat au chDteau n'a pu empêcher S. M. de
venir. Elle a fait remettre à Mme Sasse un cadeau digne de celle qui
donnait et de celle qui recevait. »
,f*. On annonce pour mercredi la première représentation, au théâtre
de rOpéra-Coniique, de l'opéra en un acte de Mme de Grand val, paroles
de Henri Meilhac et W. Busnach; il a pour titre définitif: la Pénitente.
s*t Toujours grande activité de la direction pour la reprise des Dra-
gons de Vitlars ; Mme Galli-Marié dans le rôle de Rose Friquet, et Mlle
Girard dans celui de Georgette suflTiraient seules, dit-on, par le talent
qu'elles y déploient pour donner à cette reprise tout l'attrait d'une
pièce nouvelle.
:i;*:^ Le Petit Chaperon rouge va être également repris avec Mmes Marie
Roze, Heilbron et Ca>imir, MM. Achard et Leroy.
^*^ La clôture du théâtre Lyrique et du théâtre de la Renaissance
s'e^t effectuée la semaine dernière. M. Carvalho abandonne décidément
la direction du premier, qui se trouve ainsi vacante. — La réouverture
de la salle Ventadour est annoncée pour le 1" septembre.
,,;*, Le théâtre de l'.^thénée vient de mettre en répétition une comédie
en un acte de M. Octave Gaslineau, intitulée : Première fraîcheur, qui
sera jouée par MaM. Bilhaut, Tourtois, Mlles Clémentine, Pradal et Da-
venay.
,,.** Fleur de Thé en est à sa trentième représentation et le public
continue de s'y porter en foule. Tout le monde veut entendre les char-
mantes mélodies de Ch. Lecocq et voir Désiré et Léonce, de plus en
plus ébouriffants, dans leurs rôles de Tien-Tien et de Kaolin. — D'.-puis
quelques jours, le chef d'orchestre, M. Bernardin, est atteint d'une indis-
position qui ne lui permet pas de conduire l'orchestre; la direction a dû
le faire provisoirement remplacer et c'est M. Debillemont qui remplit
ses fonctions. Le choix ne pouvait être meilleur.— Sytter, également in-
disposé, est remplacé dans le rôle de Pinsonnet, par une nouvelle
recrue, M. Baretti, frère de la cantatrice de ce nom ; il s'y montre
agréable chanteur.
,*4 Fleur de Thé, — dont la traduction en allemand est sous presse,
chez l'éditeur Bock, à Berlin, — ne lardera pas à être publiée également
en anglais par la maison Chappell , à Londres, qui a acquis la pro-
priété de cet ouvrage pour r.\ngleterre.
,t*^ C'est le théâtre français de Bordeaux qui montera le premier en
province Fleur de Thé. Deux de ses rôles principaux viennent d'y être
DE PAKIS
loi
distribués à Mme Rose Bell et à Carrier. — Le grand Théâtre de Nantes
vient également de mettre l'optra de Ch. Lecoeq à l'étude.
:^*:i, Dans quelques jours aura lieu au théâtre des Fantaisies-Parisiennes,
la première représentation du Barbier de Séville, de Paësiello, représenté
à Paris le 12 juillet 1789, par la troupe italienne de Viotti.
^*jf Le théâtre Déjazet vient d'ajouter à son grand succès de Cent
mille francs et ma fille, une charmante comédie de M. O'Squarr : Re-
cette contre les belles-mères .
**« D'après une statistique publiée par une feuille italienne, les dé-
penses du théâtre de la Scala, à Milan, pour les trois mois d'exploita-
tion de l'hiver dernier, auraient atteint la somme énorme de trois
cent soixante-dix-sept mille cinq cents francs ! Et l'on s'étonne des frais
occasionnés par la gestion de nos scènes lyriques et autres parisiennes,
et des désastres financiers qui frappent trop souvent, hélas! de vaillantes
et loyales intelligences !
NOUVELLES DIVERSES.
1^*^, Le jury appelé à se prononcer, cette année, sur le mérite des
concurrents au prix de Rome, entrés en loge le -i mai (épreuve prépa-
ratoire), se compose, comme d'habitude, de MM. Auber, le général
Mellinet, Fr. Bazin, Gevaert, Barbereau, Ermel, Gautier et Wekei-lin.
;if** Par suite de la retraite de M. Forestier, premier cornet à pistons
de l'Académie impériale de musique, M. Maury devient chef de pupitre,
M. Guilbaut, second premier cornet. A la suite d'un brillant concours,
M. Teste a été reçu second cornet à pistons.
*** La place d'organiste vacante à Saint-Merri a été obtenue au con-
cours, mercredi dernier, par M. Henri Fissot, le brillant pianiste que
l'on connaît, et qui a jusqu'ici tenu le grand orgue à l'église de Cli-
gnancourt.
^** Au mariage de M. Fouquet, député, avec Mlle Louise Barrot,
fille du grand référendaire du Sénat, à la chapelle du Sénat, trois
morceaux de chant ont été dits pendant la messe : l'Ace Maria de
Cherubini, par Mlle Lehuédé, un 0 Salutaris de la composition de
M. Vois, par son auteur, et un Ave veruni de Lugghini, par ces deux
artistes réunis. Ils ont fait le plus grand plaisir. M. Langlois, organiste
en .second du Sénat, tenait l'orgue d'accompagnement.
^;*:s L'église N.-D. de Boulogne-sur-Mer, a été ouverte au culte, diman-
che dernier, en présence de Mgr Lequette, évèque d'Arras, et de plu-
sieurs notabilités civiles et ecclésiastiques. Une messe à quatre voix de
M. Ch. Vervoilte et un Salut solennel du même auteur ont été exécutés
sous la direction de M. Fournier, maître de chapelle de la cathédrale.
:(,** S. M. l'Empereur ayant daigné agréer avec sa bonté accoutumée
l'hommage de trois cantiques composés pour la première communion du
Prince-Impérial, M A . Elwart, leur auteur, se propose de publier ces
trois morceaux au bénéfice des pauvres habitants de l'Algérie. On dit
que l'auteur du Salut Impérial n'a jamais été mieux inspiré.
*** Pancani, le célèbre ténor, vient d'arriver à Paris.
jf,*^ M. Mortier de Fontaine vient de partir pour Londres.
»% L'excellent flûtiste Auguste Charles a quitté Paris après une
saison bien remplie et qui lui a valu de brillants succès. M. Auguste
Charles nous reviendral'hiver prochain.
,15*^ La partition de Mademoiselle Sylcia, de Samuel David, que
POpéra-Comique joue en ce moment avec succès, a été acquite par
MM. Leduc tils et C'«.
*** Ln nouveau journal — l'Art — vient de naître. Il se consacrera
principalement à la critique des œuvres de peinture et sculpture qui
figureront dans les expositions publiques.
»*:f La jolie et utile collection de la Musique en miniature, publiée par
la maison Brandus-Dufour, vient de s'augmenter de trois nouveaux mor-
ceaux : la Chanson de mai, de Slephen Heller, avec le portrait photo-
graphié de l'auteur, la Légende du Vcre, de la Grande ûuchesse, avpc
le portrait de Mlle Schneider, et la Fable des Deux Rats, de Lischen et
Fritzchen, avec le portrait de J. Oflenbach.
»*» Trois gracieuses mélodies : Sérénade du Mariage de Ninon, Mes
Prétendants, Si pour te dire que je t'aime, de la composition du jeune
Henri Perry-Biagioli et de sa sœur Antonine, viennent d'être publiées
par Gambogi. Nous y retrouvons les traces du talent précoce dont ces
jeunes artistes font preuve depuis deux ans déjà, et que nous avons
signalé à maintes reprises.
,„** La campagne orphéonique ne se dessine pas comme devant être
très-brillante. Ainsi le concours du Havre, prématurément annoncé,
n'aura pas lieu. Jusqu'à présent les meilleures sociétés musicales du
Midi et du Centre paraissent se décider pour le beau concours choral et
instrumental que la ville de Grenoble ouvrira le 16 août, avec une
solennité exceptionnelle et dont les juges du camp, entre autres noms
sympathiques à l'art populaire, seiont .MM. Amb. Thomas, Berlioz .
L. de Rillé, Mathieu de Monter, Elwart, .Monesticr, S;iin-d'Arod, etc.
,"",, L'assemblée générale de l'as-sociation des artistes musiciens aura
lieu jeudi prochain, 14 mai, à i heure, dans la salle du Conservatoire
impérial de musique, Faubourg-Pois.sonnière.
^*,i: Après le concert qu'ils ont donné la semaine dernière, le jeune
trio des enfants Fremaux a reçu de M. Duprcssoir, le nouveau directeur
de l'établissement thermal de Bade, une lettre charmante par laquelle il
les engage, à de très-brillantes conditions, pour le concert qui sera
donné le 31 de ce mois dans les salons de la Conversation .
**« Le jeune ténor Léopold Kelten, qui a débuté l'année dernière, et
non sans succès, au théâtre Italien, vient d'êti-e engagé pour une série
de représentations à donner en septembre au Th âtre Royal de Berlin.
Cet engagement s'est conclu après une audition qui a eu lieu en pré-
sence de M. de Hiilsen, intendant général des théâtres royaux de Prusse.
^** Les entrepreneurs du Casino-Cadet étant dans l'intention de sup-
primer leurs concerts pour ne donner que des bals, Arban vient de con-
tracter avec le propriétaire de la salle Valentino un traité, aux ternies
duquel il y t.'-ansporte tout son orchestre et son répertoire. A cet effet,
l'établissement va recevoir de noiables embellissements qui le transfor-
meront complètement , et rien ne sera épargné pour que ces concerts,
qui prendront la qualification de Concerts-Audan et qui ouvriront le
!•' septembre, offrent aux amateurs de musique, dans une .-aile en
même temps spleiidide , confortable et bien située, les plus agréables
soirées. 11 est question d'Aug. Mey pour remplacer Arban au Casino.
**« Le Pré Catelan a ouvert dimanche avec le corp.-, de musique des
zouaves de la garde, sous la conduite de son habile chef M. Hemmerlé.
Aujourd'hui, de midi à six heures, grande fête de bienfaisance, avec le
concours des musiques et fanfares de l'infanterie de l'armée de Paris.
Plus de cinq cents musiciens participeront à cette fête de l'art et de la
charité, qui marquera comme l'une des plus belles de l'été 1868.
a,"^^ L'Aftonbladet annonce que Frantz Berwald, composiieur de mérite,
qui a été le premier maître de Christina Nilsson, vient de mourir, à
Stockholm, à l'âge de 72 ans.
ÉTRANGER
^*^ Bruxelles. — L'opéra français a terminé ses représentations.
C'est Mme Sass qui les a brillamment clôturées. 11 eut été dilBcile,
après le départ de la célèbre cantatrice, de représenter, avec chance
d'attirer le public et de lui être agréable, les ouvrages dans lesquels
elle s'était fait entendre. La fermeture est donc arrivée fort à propos.
11 nous reste l'opéra-comique et un opéra italien, nouveau venu, pour
achever l'année tliéâtrale, qui expire le 31 mai. Encore la troupe d'opéra-
comique ne demeure-t-elle pas entière. La prima donna en titre,
Mlle Danieli, a cessé ses représentations à la fin d'avril. Elle a eu un
très-brillant bénéfice, beaucoup d'applaudissements et de fleurs ; le rôle
qu'elle avait choisi était celui de Mignon, un de ses triomphes. D'ici à la
fin du mois elle sera remplacée par Mme Ferdinand Sallard, qui vient de
chanter la Traviata elqai se montrera successivement dans plusieurs des
principaux rôles du répertoire. — La compagnie italienne n'a obtenu
qu'un succès négatif à la première et unique représentation qu'elle a
donnée en huit jours; c'est dans le Trovatore qu'elle a débuté. On a
applaudi la jolie voix de ténor de M. Tombesi, et l'on a rendu justice
à l'expérience de M. Capurro, baryton dont la voix a conservé quelques
notes assez puissantes ; mais la prima donna et le contralto ne se sont
pas concilié les suffrages du public. Les chœurs chantaient en français,
ce qui produisait un singulier eftet. On aurait évité la mauvaise im-
pression de celte confusion de langues, de cette Babel en miniature, si
on les avait fait simplement vocaliser leur partie sur les voyelles a, o, i.
On donne ce soir la Sonnambula pour les débuts d'une nouvelle canta-
trice, et l'on annonce Don Juan avec M. Verger, le baryton sortant du
théâtre Ventadour. — Lundi aura lieu la première apparition de
Mme Carvalho, engagée pour quelques soirées et qu'on s'efforcera sans
doute de retenir jusqu'à la fin du mois. Il y aura foule, on n'en sau-
rait douter, aux représentations de la grande cantatrice parisienne.
Le public de Bruxelles est toujours prêt à porter son argent au théâtre;
seulement il faut des talents pour l'attirer. C'est ce que n'ont pas tou-
jours compris nos entrepreneurs de spectacles. Si le théâtre de la
Monnaie ne fait pas de brillantes affaires depuis quelques années, c'est
qu'on y chante fort mal l'opéra. On allègue l'impossibilité de former
une meilleure troupe par la di.sette de chanteurs qui court. Peut-être
cela est-il vrai ; mais les amateurs n'en sont pas moins parfaitement
fondés à s'abstenir, quand ce qu'on leur offre n'est de nature à leur
procurer aucune satisfaction. Mme Cirvalho va prouver, comme l'a fait
Mme Marie Sasse, que les dilettantes ne résistent pas plus chez nous
qu'ailleurs à l'appât d'une vraie virtuosité. — 11 avait été question
d'organiser cette année à Bruxelles une fête musicale dans le genre de
celles qui se donnent en Allemagne; mais on a reconnu qu'une telle
entreprise devait, pour réussir, être préparée avec une maturité suffi-
sante et la réalisation en a été ajournée à l'an prochain.
1S2
KIÎVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAKIS.
^*^ Londres. — • Trois brillantes soirées sont à signaler cette semaine :
les rentrées de Mlle Patti et de Mme Pauline Liicca h Covent Garden, et
celle de Mlle Nilsson à Her Majesty's Opéra. Mlle Patti jouait la Ros-ine
du Barbier, ce rôle qui semble avoir été fait exprès pour elle , et qui
met admirablement en lumière son talent si délicat et si souple. La prin-
cesse de Galles assistait à la représentation. Mme Lucca dans Fra Dia-
volo, Mlle Nilsson dans la Traviata, réalisent l'idéal de Zerline et de Vio-
letta ; on chercherait en vain plus de poésie et de naturel. Les bravos,
les rappels, les fleurs ont été prodigués pendant toute la durée de ces
trois splendides représentations. — Alfred Jaell a remporté ses succès habi-
tuels à la Nouvelle Philharmonique et à l'Union musicale, où il a exécuté
le beau concerto do Hiller et le quintette de Schumann. A la prochaine
séance de l'Union, le pianisie sera Rubinstein ; à la suivante, on enten-
dra de nouveau Jaell.
^% Scheewrin. — Le C° festival mecklembourgeois aura lieu ici les
li, '13 et de juin, sous la direction du kapellmeister de la cour,
A. Schraitt. — Joachim et sa femme, le ténor Schild {■^6 Dresde), la
basse Cari Hill y prêteront leur concours.
i^*J, Berlin. — Mlle Brandt a chan'é, le 28 avril, le rôle de Fidès du
Prophète, de manière à se concilier tous les suffrages. Elle semble ap-
pelée à fournir une belle carrière. — C'est avec l'Africaine que Pauline
Lucca, Niemann et Betz ont pris, le 30, congé du public. Mme Lucca
disparaissait presque sous les fleurs qu'un public enthousiaste lui a lan-
cées de toutes parts.
:^*5^ Hambourg. — On a repris, le 23 avril , la Rose d'Erin, opéra de
Bénédict, avec un succès très-honorable.
;c*^, Vienne. — Les musiques de l'artillerie et des régiments de chas-
seurs ont été supprimées, ce qui prive de leur emploi 98 chefs, rétri-
bués non par l'Etat, mais pai- le corps auquel ils appartenaient.
^*jf, Varsovie, — On vient d'inaugurer des concerts populaires, sous la
direction de Muncheimer. Le succès ne s'est pas tout d'abord nettement
dessiné. — Bilse est attendu avec son orchestre au mois de juin, et doit
donner des concerts tout l'été.
^*4 Saint-Pétersbourg. — Les premiers sujets du corps de ballet se
sont réunis pour donner pendant l'été des représentations en Alle-
magne. La troupe, composée do sept premières danseuses et de cinq
danseurs, a déjà conclu deux engagements avec le directeur Strampfer,
de Vienne, pour le mois de juin, et avec le directeur Wirsing, de
Prague, pour le mois de juillet.
AVIS A m. lES DIRECTEURS DE THÉÂTRE.
Les parties d'orchestre de FLEUR DE THÉ, qu'on grave en ce moment,
seront à leur disposition dans un bref délai, et avec elles la partition de
piano, arrangée pour la conduite de l'orchestre.
s. DUFOUR.
CJIIEZ G. DRAlVntrS ET s. nUFOUIt, £inTEUR8, 103, RtJK DK RICHEIilKU.
Il^
I®lf
Oratorio en deux parties, musi(iue de
J. - S. BACH
DONT LA PREMIÈRE PARTIE ET LE CHOEUR FINAL ONT ÉTÉ EXÉCUTÉS LE 7 MAI EN l'ÉGLISE DE SAINTE - GENEVIÈVE ,
SOUS LA DIRECTION DE M. PASDELOUP.
La Partition complète, pour Chant et Piano, in-8% net : 10 francs.
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CHOEURS SUÉDOIS, exécutés à la séance de l'Orphéon de la ville de Paris.
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FORMAT DE POCHE.
Paroles et Mntiiqae sans accompagnement
Avec analyse de la pièce.
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N° i . Adber. fra. DIA.V0I^0, Opéra -comique, net : 3 fr.
N°2. Adam. LE POSTILLON DE LON JUMEAU, op.-com.,net: s fr.
POUR PARAITRE LE MOIS PROCHAIN :
N" 3. ROBERT LE DIABLE net : 4 fr . [ N" 4. MARTHA (quatre actes) : net : 3 fr. 50
N° 5. LES DRAGONS DE VILLARS net : 3 fr.
(Sera continué.)
N.B. — Ces éditions, d'un format très-cominode et d'un bon marché exceptionnel, se recommandent spécialement aux artistes dramatiques
pour remplacer les rôles copiés, aux spectateurs pour suivre la musique et la pièce à la représentation, aux sociétés chorales, etc.
BUREAUX A PARIS "• BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
o§' Année.
M Mai 18G8.
ON S'ABONNE :
Dans les Dépnrtunients et tV rûlranifer,
chtaz tous les tfarchands àe Musique, lis Librnircs,
et aux l^'Jreaux <lcr Messageries et des l'oi^ic^.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris '2i r. (jar an
Dtiparlements. Bflgiquo et Suisse.... 30 •> 14.
Étrungor 34 " id.
Le Journal parait le Dimancho.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE, — Tliéâtre impérial de l'Opéra - Comique : la Pénitente, opées.-
comique en un acte, paroles de MM. Henri Meilhac et W. Busnacli, musique
de Mme de Grandval, par Panl Bernard. — Chœurs suédois et norvégiens,
par Maurice Bourges. — Mortier de Fontaine. — Revue bibliographique,
par Artbnr Pong^in. — Concours choral et instrumental de la ville de
Melun, par A. Elwart. — Concerts et auditions musicales delà semaine. —
Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
THEATRE IlfiFEBIÂL DE L'OPÉRi-COSIQUE.
liA PÉIVITEKTXE,
Opéra-comique en un acte , paroles de MM. Henri Meilhac et
W. BusNACH, musique de Mme de Grandval.
(Première représentation le 13 mai 1868.)
Commençons par revêtir notre armure de chevalier français, et
par orner d'une faveur rose notre plume. Il ne s'agit pas aujour-
d'hui de juger simplement l'un de nos pairs ou émules, mais bien
une dame du plus grand monde qui, loin de dédaigner l'arène
artistique, s'y est fait connaître, depuis longtemps déjà, par bon
nombre de charmantes mélodies et par quelques œuvres plus sé-
rieuses.
Mme la vicomtesse de Grandval, très-appréciée dans nos salons
parisiens, chante elle-même avec beaucoup de goût des composi-
tions essentiellement mélodiques et parfaitement rehaussées, du
reste, par un mérite réel de science, de distinction et de bon
goût.
Aussi le public aristocratique lui est-il essentiellement favorable
et dévoué ; il semble fier de compter dans son sein une person-
nalité aussi remarquablement artistique que Mme de Grandval.
En 1863, Mme de Grandval essayait ses forces de compositeur
dramatique sur le théâtre Lyrique dans un opéra-comique en un
acte, les Fiancés de Rosa, assez bien accueilli. En 1864 elle don-
nait à Bade un nouvel ouvrage appelé, je crois, la Comtesse Eva.
Là, elle remportait un succès qui devait lui faire bien augurer de
l'avenir.
Plus récemment, cet hiver même, Mme de Grandval nous fai-
sait entendre une Messe en musique renfermant de fort belles qua-
lités, et marquée parfois de ces touches lumineuses qui annon-
cent la griffe du maître.
Le théâtre de l'Opéra-Comique, qui bien décidément a rallumé
la lanterne de Diogène et qui cherche un homme, je veux dire un
compositeur, a cru devoir appeler Mme de Grandval au tribunal
de sa lumière. C'est donc ainsi que nous avons été convié à voir
et à juger la nouvelle « partitionnette » de la Pénitente.
Je dis « partitionnette, » parce que la pièce est excessivement
courte, — cela peut passer pour une qualité , et aussi parce que
la musique en est peu développée, — ce qui annonce au moins
le tact de savoir se maintenir dans son cadre.
Cependant, si vous tenez à savoir ce qu'est cette pénitente, il
faut d'abord que je vous annonce le mariage du seigneur Torri-
bio, gourmet émérite, avec la fille d'un marchand de comestibles,
chez lequel il faisait souvent de longues séances gastronomiques
entremêlées d'œillades à la beauté. Le mariage est consommé de-
puis quinze jours au grand désappointement de la jeune femme,
qui comptait trouver dans le matrimonium autre chose qu'un long
et interminable repas. Mais depuis la veille un événement nouveau
est survenu. En mangeant outre mesure d'un certain pâté, le sei-
gneur Torribio est tombé à la renverse, une indigestion monstre
s'est déclarée, et, finalement, ses jours sont en danger. Il lui faut
donc faire pénitence de ses péchés de jeunesse, fort nombreux, pa-
raît-il, et comme il ne peut payer de sa personne, c'est sa femme
qui entrera (' ns un cloître à cette intention. Naturellement la
pauvretL. ;< : , mais on lui envoie pour l'endoctriner un jeune
neveu d.: iur Torribio, destiné lui-même à entrer dans les
ordres ' i onfit d'une sainte vocation. La scène se voit d'ici;
ce n'est (• oinl la jeune femme qui est endoctrinée, mais bien le
pauvre novice qui devient affolé, énamouré, subjugué. Les deux
amoureux vont fuir quand on leur annonce que le pâté vient enfin
de passer et que le seigneur époux et oncle, n'ayant plus besoin
de faire pénitence, rend la liberté à sa chère moitié. Celle-ci en
profile pour dire au beau neveu qu'un uniforme lui siéra mieux
qu'une soutane et pour lui promettre de veiller désormais sur son
avenir. La morale n'est pas sauvée, je l'avoue, mais la gourman-
dise et l'amour y trouvent leur compte; ce sont deux si charmants
péchés I
^M
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
Ce canevas n'abonde pas précisément en situations de nature à
enflammer le musicien. L'ouverture, courte comme la pièce, s'an-
nonce assez bien. Un premier mouvement religieux et un boléro
final semblent préluder à un succès; mais le reste de la partition
se couvre alors d'une teinte neutre, qui n'est ni assez bouffe, ni
assez sentimentale, ni assez rêveuse, ni assez brillante, et qui laisse
l'auditeur dans un milieu froid, dont il se contente peut-être parce
qu'il se sent toujours en bonne compagnie, mais qui ne peut le
faire s'élever beaucoup dans le thermomètre de l'enthousiasme.
Il faut pourtant citer les couplets du pâté chanté par Potel, sur
ces paroles : •
Lorsque tout passe sur la terre,
'_ Lui seul ne passe pas.
Jjr ai remarqué un effet comique du meilleur aloi. Suit un trio
des- plus -distingués dans un sentiment Religieux conventionnel, au
milieu duquel se présente une rentrée charmante sur ces mots :
Le ciel soit avec vous. Voici dans un duo une jolie phrase musi-
cale sur cette jolie phrase poétique :
Puisqu'il créa la jeunesse et l'amour,
C'est qu'il lui plaît qu'on foit jeune et qu'on aime.
Le public a beaucoup applaudi un petit trio bouffe que, moi, j'ai
trouvé un peu trop Boulfes-Parisicns. Parlcrai-je d'un boléro et
d'un fandango chantés par Mlle Cico? J'y rencontre bien les inter-
valles mineurs et les rhythmes traditionnels ; mais voilà tout.
Telle quelle, cependant, l'œuvre de Mme de Grandval est des
plus honorables. Elle renferme toutes les qualités que je lui con-
naissais, la distinction, les jolies harmonies, les mélodies faciles,
le tour élégant, mais elle ne m'annonce rien de plus, et je crains
surtout d'y remarquer l'absence du sentiment scéiiiquc. L'orchestre
est habilement traité, il reste seulement un peu terne; une autre
fois, et ce sera, dit-on, l'année prochaine aux Italiens, IVLne de
Grandval saura bien arracher le voile qui le couvre.
Mlle Cico se tire fort bien de son rôle assez difficile et le
chante on ne peut mieux. Mais ce n'est pas elle qui donnera ja-
mais de la chaleur à ce qui en manque. Le jeune Leroy est beau-
coup meilleur que dans Mlle Sylvia; je suis heureux de le dire.
Potel est assez amusant dans le personnage d'un vieil intendant ;
mais pourquoi tremblote-il comme un vieux de quatre-vingt-dix
ans, tout en chantant à pleins poumons ?
J'ai oublié de dire que nous étions en Espagne. En France,
Dieu merci ! les pâtés sont moins lourds et les femmes moins
légères. Du moins, nous l'espérons.
Paul BERNARD.
CHŒUfiS SDËDOIS ET NORVEGIENS.
A QUATRE PARTIES, POUR VOIX d'hOMMES,
lie Bol des llers, — le Cbant de Printemps, — le Ctaant
du Bossignol, — le Cortège de IVoce.
La publication de ces quatre chants en chœur, et de ceux qui
les suivront sans doute, s'explique par le succès extraordinaire
qu'ils ont si justement obtenu à l'Opéra, lorsque la Société lyrique
des étudiants d'Upsal , de Copenhague et de Lund, venue à Paris
pour l'Exposition, les a fait entendre dans un concert qui a laissé
d'intéressants souvenirs. Le timbre frais et sonore des voix Scan-
dinaves, l'ensemble remarquable d'une exécution nette et très-étu-
diée, ont certainement contribué à l'effet ; mais la meilleure part
de cette brillante réussite revient de droit au caractère original de
ces mélodies chorales, dont le coloris exotique a quelque chose
de neuf pour l'oreille française, un peu blasée par la formule. Le
public devait trouver un attrait inattendu à ses compositions, où
passe le souffle d'une poésie tantôt sauvage, tantôt gracieuse et
tendre, où respirent avec une grande vérité d'expression ici une
douce langueur mélancolique, là une gaieté ingénue et candide.
Evidemment nos sociétés orphéon iques ne peuvent que gagner
à enrichir leur répertoire de cet élément nouveau d'étude et de
succès. En musique comme dans toutes les choses de la pensée,
il est utile de se retremper aux sources étrangères, surtout aux
sources mal connues ou encore inexplorées : et cela , non-seule-
ment pour les exécutants qui apprennent ainsi à varier les moyens
et les effets, pour les auditeurs dont l'intelligence étend de plus en
plus son horizon, mais aussi pour la jeune école de composition,
trop portée aujourd'hui à sacrifier le simple au compliqué, à faire
laborieusement dans ses partitions de la philosophie spéculative,
de la poésie, abstraite, au lieu d'obtenir du sentiment même le jet
d'une inspiration spontanée, appelée du cœur et non de la tête.
Le plus sûr remède serait (d'autres l'ont dit avant nous) de se
raviver au contact des mélodies nationales, filles anonymes du
génie populaire. C'est dans ce vaste trésor que l'imagination mu-
sicale moderne trouverait à recueillir des germes régénérateurs,
capables de la féconder à nouveau et de dompter les influences
énervantes qui menacent de la stériliser.
Sous ce rapport on ne saurait trop encourager les publications
du genre de celle que nous avons sous les yeux. Déjà la maison
Braudus et Dufour, dont l'initiative a rendu si souvent à l'art de
précieux services, avait édité un curieux recueil de Mélodies sué-
doises, mises en vogue par la célèbre Jenny Lind. Le sentiment
musical de la Scandinavie se révélait avec une autorité singulière
dans ces cantilènes d'un tour naturel, d'une touchante suavité,
auxquelles l'extrême fidélité de la traduction française a su con-
server toute la pureté de leur couleur originale. Ilda, la Petite
Chanteuse, le Retour du Lapon, l' Hymne au roi de Suède, les Adieux
de l'Épousée, sont bien de véritables chauts du Nord, abs(>lument
distincts de la musique du reste de l'Europe, et dont la tournure
impressionne vivement l'auditeur. Quoi de plus simple cependant
que cette musique populaire, toute en dehors de la science médi-
tative et calculée? Elle a sa source dans un ordre d'inspirations
naïves, de pur élan, qui ne savent rien ou que peu de chose des
lois ingénieuses de l'art officiel et convenu. Le rustique chanteur,
le rhapsode montagnard qui en est l'auteur, sans nulle conscience
du sens musical que Dieu lui a donné, obéit, en improvisant, à je
ne sais quelle impulsion irrésistible, qui lui fait trouver du charme
à traduire dans sa manière rude et fruste les émotions de joie ou
de tristesse, de paix ou de trouble dont il est pénétré. Son cœur
passe tout entier et se moule avec force dans des cantilènes
instinctives, souvent incorrectes, même bizarres, mais dont la sa-
veur énergique saisit par sa franchise. La véritable couleur locale
est bien là dans son éclat le plus vif. La chanson porte profondé-
ment empreint le cachet de nationalité de son auteur, presque
toujours inconnu.
Vainement tout l'art du monde, l'art civilisé s'efforcerait-il d'i-
miter ces chants primesautiers. Il n'arrive jamais qu'à des calques
pâles, effacés, languissants. Aussi ne sait-il rien de mieux, lors-
qu'il veut arborer dans une œuvre une couleur nationale quel-
conque, que d'emprunter ces mélodies mêmes, enfants vivaces de
la nature. L'effet en est sûr, infaillible. Qui ne se souvient, par
exemple, de l'impression produite dans la Dame blanche par
l'air écossais du troisième acte, dans lUartha par la romance de
la rose, dans le Désert par la chanson arabe, dans le Faust de
Berlioz par le thème de la marche hongroise?. . . George Sand a
dit quelque part : « Pour qui saurait exprimer puissamment et
naïvement la musique des peuples divers et pour qui saurait l'é-
couter comme il convient, il ne serait pas nécessaire de faire le
DE PARIS,
155
tour du monde, de voir les différciiles nations, d'entrer dans leurs
monuments, de lire leurs livres et de parcourir leurs steppes,
leurs montagnes, leurs jardins ou leurs désorts. Un chant juif
bien rendu nous fait pénétrer dans la synagogue, toute l'Ecosse
est dans un véritable air écossais, comme toute l'Espagne est dans
un véritable air espagnol. »
Rien n'est plus exact; et toute la Norvège est bien aussi dans
l'air populaire de la ballade norvégienne, dont M. Anibroise Tho-
mas a eu le bon esprit d'enrichir le quatrième acte de son Ham-
let. Crtte ballade, c'est le Roi des Mers (Necken's Polska), mélodie
étrange et délicieuse qui exhale le parfum de naïveté plaintive des
antiques sagas Scandinaves. On sait avec quelle poésie animée
Mlle Nilsson la chante et l'idéalise à l'Opéra.
La version du Roi des Mers, écrite pour voix d'hommes à qua-
tre parties dans la collection dont il s'agit ici, a plus d'authenti-
cité. Elle est de tous points semblable au type consacré par l'exé-
cution des étudiants d'Upsal. L'indication des nuances, si adroite-
ment contrastées, y est exactement la même. Le scrupule de par-
faite conformité a été poussé jusqu'à laisser subsister l'harmonie
excentrique de quarte juste, entendue à découvert, au commence-
ment de la neuvième mesure et de la onzième. Nous signalons à
l'attention de nos sociétés chorales le piquant délîut des deux
strophes du Roi des Mers, qui embrasse, en s'élevant par tierces
successives, les intervalles mélodiques de septième majeure et de
neuvième majeure. Il y a aussi dans la manière dont le chant
même est écrit une irrégularité qui ajoute à l'originalité de la
couleur. La note finale de chaque période, qui devrait naturelle-
ment reposer sur le premier temps de la mesure, tombe obstiné-
ment sur le deuxième ou sur le troisième. Il eût été bien facile de
rétablir l'équilibre rhythmique en écrivant la mélodie de sorte
qu'elle commençât sur le troisième temps : la cadence finale de
chaque phrase se serait faite par conséquent sur le premier. Evi-
demment le morceau aurait gagné en correction; mais peut-être
perdrait-il quelque chose à ne se plus présente)' avec cette appa-
rence de naïve gaucherie, qui ne messied point dans un air tout
populaire, du genre de ceux qu'a recueillis le poëte Geyer, le pa-
tient éditeur des Folk-Visor (Chants du Peuple). L'instinct y prime
l'art.
Ce caractère est moins exclusif dans le Chant de Printemps
(Varsang) et dans le Chant du Rossignol (Suomis' Sang). Cela vient
de ce que ces deux gracieuses compositions chorales sont l'œuvre
de véritables artistes, Kapfelmann et Pacius. Le style en est régu-
lier, l'harmonie élégante et choisie, la distribution vocale habile-
ment entendue. Le Chant de Printemps, qui a l'allure posée d'une
marche à demi solennelle, respire une majesté sereine , une ten-
dresse pure et douce. L'effet en est grand. Il résulte moins de la
beauté de la mélodie que d'un entrelacement heureux des cordes
vocales, employées avec beaucoup d'adresse dans ce que leur tim-
bre a de plus vibrant ou de plus mystérieux. Aux mêmes qualités,
le Chant du Rossignol, de Pacius, joint le mérite d'une rhythmopée
harmonique particulièrement noble. Quelques répliques en style
d'imitation ne nuisent nullement à la clarté de la strophe , qui se
termine par une péroraison brève, mais pleine de charme : « Ré-
pétez, échos. »
Remarquons, à ce sujet, que le génie musical du Nord se plaît
à conclure par une phrase plus saillante que tout le reste de la
cantilène. Le rhythme s'y montre plus accentué ; l'harmonie, plus
riche et plus incisive; les notes vocales, plus éclatantes et mieux
associées pour enchanter l'ouïe. Le dernier trait veut être le plus
acéré ou le plus délicat.
Notre remarque se trouve parfaitement justifiée par le Cortège
de noce du lac d'Hardanger, chœur norvégien. Quoique le
chant tout entier ait beaucoup d'agrément et de grâce, la palme
reste acquise au refrain imitatif, qui unit le ravissant efl'et d'une
mélodie pittoresque, dite par les ténors, au balancement cadencé
d'une double pédale murmurée par les voix graves.
Dans cotte composition d'une couleur locale vive et attrayante,
le musicien n'est pas demeuré au-dessous de son sujet. Les vers
du texte décrivent l'azur vaporeux des montagnes, la fraîcheur
des vallées parées de verdure, le lac bleu de Hardanger oii le
soleil baigne ses rayons, l'ivresse de la nature au réveil du prin-
temps, puis le pimpant cortège et les joyeuses chansons de la
noce qui passe en bateau. Eh bien, tout cela est dans la musique.
Ce tableau de demi-genre, que le pinceau germanique moderne
s'est plu souvent à retracer, vit et respire dans cette jolie pièce
chorale, à la fois populaire et distinguée, écrite à merveille pour
faire valoir les voix, pour captiver l'oreille et l'imagination. C'est
vraiment une bonne fortune pour nos sociétés orphéoniques. Nous
serions fort surpris si elles ne faisaient pas aux quatre chœurs de
cette publication l'accueil empressé qu'ils méritent.
Maurice BOURGES.
nORTIER DE FONTAINE.
Henri-Louis-Stanislas Mortier de Fontaine, naquit à Wisniowiec,
en Wolhynie, le 13 mai 1816. Ses parent s'étaient fixés à Milan,
où Mme Mortier suivait les enseignements d'un nommé Donaenico
Scappa ; une indisposition l'ayant empêchée un jour de recevoir
son professeur, celui-ci donna à l'enfant, alors âgé de sept ans, les
leçons qu'il consacrait à la mère. Les agitations d'un voyage s'ac-
commodaient mal avec les nécessités du travail; ce n'estqu'à Vienne
que l'enfant put continuer ses études auprès d'Antoine Hladislas,
aussi modeste que son maître d'aventure de Milan. Ce ne fut qu'à
son retour en Pologne qu'il put, sous Ernemann, en entendant
Chopin, s'adonner à son penchant pour le piano.
Sur ces entrefaites, des revers vinrent accabler la famille
Mortier de Fontaine. La mère se fit institutrice, le fils donna
des leçons de piano. En octobre 1830, le petit pianiste abandonna
le pays natal. Après des déceptions cruelles, il voulut revoir
sa mère en Pologne, mais pour passer la frontière il fit des
tentatives qui furent vaines. C'est à Dantzig que le jeune Mortier
donna son premier concert ; de là il se rendit à Copenhague et
fut comblé de faveurs par le duc de Montebello, ambassadeur de
France. Mortier aborda ensuite à Kiel les plus récentes composi-
tions de Mendelssohn et les dernières de Beethoven; dans ce con-
cert, l'orchestre fut dirigé par un jeune étudiant de l'université,
Otto Jahn, devenu par la suite l'une des gloires de la philologie
allemande. L'année suivante amena Mortier à Paris, où sa première
visite fut pour Chopin, qui l'accueillit à bras ouverts : « 11 suffit,
lui dit-il, que tu aies respiré l'air de Varsovie pour trouver en
moi un ami et un conseiller. » Et il tint parole. Un établissement
de concerts classiques venait d'être créé sous le titre de Gymnase
musical et la direction de Tilmant. Mortier y joua four la première
fois en France des œuvres de Mendelssohn, entre autres le concerto en
sol, devenu depuis le pont aux ânes de tous les pianistes. En 1836,
Mortier épousa une cantatrice de talent, avec laquelle nous le re-
trouvons à Milan, où Listz et lui exécutèrent un duo à deux pianos.
A partir de ce jour-là la presse s'occupa de lui, étudia son talent,
reconnut l'originalité de son exécution, suivit attentivement son
travail d'exploration. Cependant, bien qu'il contribuât à vulgariser
J.-S. Bach, il n'avait exliumé de l'oubli que le quatrième concerto
de Haendel. — En avril 1842, un grand concert au Conservatoire
posa d'une manière décisive Mortier de Fontaine à Paris. Il y pro-
duisit la fantaisie op. 80 de Beethoven, avec un orchestre de cent-
1S6
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
vingt musiciens et quatre-vingts choristes dirigés par Hector Berlioz.
Les journaux parisiens le mirent si bien à la mode que ses appari-
tions subséquentes à Berlin, à Leipzig, à Dresde furent autant de
triomphes (1843-44). Cependant l'intérieur de l'artiste était moins
heureux que sa vie publique; trop jeune pour comprendre l'im-
portance du mariage, il alla en Suisse où il obtint le divorce.
En 1830, ayantr épousé Mlle Marguerite Limbach, il résida, tantôt
à Saint-Pétersbourg, tantôt à Moscou. Au commencement de
l'hiver 1860, la mort do la veuve de Nicolas I""' ayant suspendu la
série de ses concerts, Mortier de Fontaine vint à Munich, où l'appe-
lait la perspective d'obtenir là direction du Conservatoire. Il y fut
fêté par les artistes, choyé par la noblesse. Les choses pourtant
ne tournèrent pas aussi bien que tout semblait le présager, malgré
les services rendus à l'art, services aussi évidents que gratuits.
Déçu dans ses espérances et frappé d'un coup terrible, la mort de
sa femme, il s'exila de Munich, allant promener au hasard de sa
fantaisie sa douleur et ses regrets.
Le fait capital de la vie artistique de Mortier de Fontaine est
d'avoir été le premier vulgarisateur des dernières sonates de piano de
Beethoven et d'avoir tiré de la poussière, où ils reposaient depuis
des siècles, maints chefs-d'œuvre de tant de grands maîtres.
Après l'exposé d'une vie aussi remplie, il devient puéril de par-
ler des distinctions dont un tel ai'tiste a pu être comblé. Nous nous
bornerons à faire connaître la lettre par laquelle notre illustre col-
laborateur, M. Fétis, prit congé, à Spa, de Mortier de Fontaine.
« A Monsieur Mortier de Fontaine, célèbre pianiste.
» J'éprouve le besoin de vous exprimer mes sentiments de haute
estime et d'admiration pour votre beau talent et pour les beautés
de premier ordre répandues dans les œuvres des maîtres illustres
que vous interprétez si bien. Je n'oublierai jamais les deux heures
que j'ai passées près de vous, ni le vif plaisir que j'ai goûté en
vous entendant rendre des œuvres sublimes, — presque incon-
nues, — avec une perfection qui ne laisse rien à désirer.
« Recevez, Monsieur, l'expression de mes sentiments les plus
sympathiques.
» Spa, 28 août 1867. Fétis. »
REVUE BlfiLIOGRÂFmQUE.
VX lilVBE I!KCO]IIPL.ET (1).
Décidément — et c'est une remarque triste à faire — les efforts des
artistes et des écrivains spéciaux sont en pure perte lorsqu'il s'agit de
faire connaître les mystères d'un art quelconque, d'en éclairer les obs-
curités, en un mot de le vulgariser. La musique surtout semble jouir
sous ce rapport d'un privilège dont certes elle se passerait bien. On ne
nous lit pas ou on nous lit mal , et à coup sur on ne nous comprend
point. Aussi, qu'arrive-t-il ? c'est que lorsqu'un homme, un écrivain
étranger à nos études, se trouve amené, par une pente toute naturelle
quand il s'agit de synthèse, à englober la musique dans un ouvrage
d'ensemble relatif aux arts libéraux, il le fait à la légère, sans scrupules,
sans études préalables, et parle de l'art que nous chérissons avec une
autorité à peu près égale à celle d'un aveugle qui voudrait discuter des
couleurs.
Ce fait vient de se présenter encore, et c'est un écrivain intelligent,
un travailleur consciencieux d'ordinaire, M. Alfred Souvîran, qui s'en
est rendu coupable avec son bictionnaire des termes techniques.
Et d'abord, je prierai le lecteur de bien remarquer l'importance et la
généralité de ce titre : « Dictionnaire des termes techniques de la science,
de l'industrie, des lettres et des arts, » et les obligations qu'il imposait
à l'auteur. La musique est fort maltraitée dans ce petit in-octavo de près
de 600 pages : la moitié des « termes techniques » qui se rapportent à
(1) Dictionnaire des termes techniques de la science, de l'industrie, des
lettres et des arts, par Alfred Souvîran. — Paris, Hetzel, petit in-S".
elle brillent par leur absence, et la définition des autres laisse considé-
rablement à désirer. Je ne veux pour le moment m'occuper que d'elle,
cependant je ne puis m'empêcher de faire quelques observations dont la
justesse évidente tendrait à faire croire qu'elle n'a pas été seule lésée.
Ainsi, dans ce dictionnaire scientifique, industriel et artistique, il n'est
nullement question du théâtre; le théâtre n'est donc pas un « art? »
Qu'est-ce donc, alors! D'autre part — en ce qui concerne les arts du
dessin, par exemple — je découvre quelques lacunes au moins singu-
lières, ne fût-ce que celles concernant les mots : académie, ombre, pein-
ture, plan, statvaire, etc.
Mais je m'en tiens à mon sujet, qui me fournira assez de griefs contre
l'auteur. Je n'en finirais pas s'il me fallait signaler les innombrables
omissions de termes relatifs à la musique. Je vais passer en revue seu-
lement les plus importants ; encore ne les citerai-je pas tous. Je me de-
mande d'abord comment il se fait que dans un livre de ce genre, ces
deux mots fondamentaux: harmonie, musique, n'ont pu trouver place.
11 en est de même de ceux-ci, qui assurément ont quelque importance
au point de vue de la théorie : accord, consonance, dissonance, imita-
tion, intervalle, notes de passage, retard, sonorité, suspension, etc. En ce
qui concerne certains ternies caractéristiques relatifs aux principes cons-
titutifs de l'art, je cherche encore vainement les suivants : blanche, con-
tre-temps, faux, intonation, juste, justesse, liaison, mouvement, note (les
noms des sept notes de la gamme, ut, ré, mi, fa, sol, la, si, seront
chose inconnue pour les lecteurs du Dictionnaire, car aucun ne s'y
trouve), reprise, tenue. . .
Chose singulière! certaines séries de mots, représentant un ordre d'i-
dées unique, sont incomplètes. Ainsi, en ce qui se rapporte aux inter-
valles, on trouve seconde, tierce, quinte, sixte, octave, — on ne trouve ni
quarte, ni septième; on remarque la présence de trio, sextuor, septuor, —
et l'absence d'air, duo, quatuor. On rencontre les noms d'un grand
nombre d'instruments, on ne voit pas ceux-ci : guitare, lyre. Cela n'est-
il pas la preuve d'une négligence impardonnable, certains mots devant
infailliblement appeler leurs similaires sous la plume?
Beaucoup d'autres termes, dont je n'ai pas besoin de faire ressortir
l'importance, manquent également; je citerai particulièrement: accom-
pagnateur, accompagnement, accompagner, cantatrice, chant , concert, con-
servatoire, écho, instrument, instrumentation, madrigal, maxime, morceau,
motif, musicien, noêt, opéra, opéra comique, opérette , orchestre , ouverture,
parodie, pont-neuf, port de voix , prélude, ritournelle, romance, rondeau,
roulade, variation, vibration, voix, etc., etc., etc.
Ce n'est pas tout. J'ai dit que certaines définitions laissaient considé-
rablement à désirer, et je vais le prouver.
M. Souviran affirme que cantabile k se dit des morceaux que la voix
humaine doit interpréter seule, en réunissant tous les moyens, tous les
ornements du chant. » La première proposition est exacte, mais que dire
de la seconde? — Le mot chromatique est ainsi caractérisé : « Se dit de
tout morceau qui procède par demi-tons. » Passe encore s'il s'agissait
de la musique grecque; mais je prierai l'auteur, pour son châtiment,
de me présenter un morceau moderne écrit dans ces conditions.— Au mot
basse-taille, M. Souviran renvoie à baryton; c'est court, net et facile,
mais peu satisfaisant. — La seconde partie de la définition de la pause
est plus fantaisiste encore : Pause, dit l'auteur, intervalle de temps pen-
dant lequel un ou plusieurs musiciens demeurent sans chanter ou sans
jouer; il équivaut à une mesure à quatre temps. » Alors, avec quoi, s'il
vous plaît, marquerons-nous les silences d'une mesure à deux ou à trois
temps? — Prenant le Pirée pour un homme et un système de division
pour un instrument, M. Souviran caractérise le tétracorde en ces termes
aussi brefs que surprenants : « lyre à quatre cordes. » — Quant à la
viole, qui n'est autre chose que l'alto, il la confond avec la viole
d'amour, puisqu'il affirme que c'est un « instrument à sept cordes. »
Je ne veux pas m'étendre davantage sur les incroyables imperfections
d'un livre que de tels défauts rendent, à mon sens, absolument inutile,
pour ne pas dire nuisible : inutile, puisqu'on n'y trouve pas ce qu'on
cherche; nuisible, puisqu'on y rencontre précisément le contraire de ce
qu'il y faudrait trouver. Mais, en terminant, j'exprimerai le regret,
assurément fort légitime, de voir des travailleurs sérieux, intelligents et
honnêtes perdre ainsi leur temps à bâcler, tant bien que mal, des ou-
vrages qui, bien faits, seraient pour le public d'une immense utilité, et
qui, faits au contraire avec si peu de soin, de goût et d'attention, ne
peuvent qu'égarer et dévoyer le lecteur qui demande à s'instruire.
Arthur POUGIN.
CONCOUBS CHORAL ET mSTRUMESTÂL
Ouvert par la Tille de Melnn le lO mai 1868.
Les amis de la vulgarisation de l'art musical populaire n'ont pas oublié
que c'est à Melun qu'eut lieu, en 1831, le premier Concours d'Orphéons
et Sociétés chorales. Depuis cette époque, l'institution fondée et propagée
en France par M. Eugène Delaporte et ses coopérateurs a bien grandi.
DE PARIS.
157
Nous en avons eu la preuve irrécusable dimanche dernier; — la confiance
de M. Poyez, maire de la délicieuse Melodunum (la ville de miel), nous
ayant appelé à présider l'un des jurys de ses multiples Concours.
Autrefois, les orphéonistes se contentaient d'apprendre, chaque année,
deux ou trois chœurs proportionnés à leur force et au degré de leur édu-
cation musicale. Les choses sont bien changées aujourd'hui. Les mem-
bres des Sociétés musicales lisent à première vue, soit en chantant, soit
en exécutant; et, par suite du progrès incessant, les voilà qui concou-
rent, les uns pour l'exécution de la musique religieuse, les autres pour
celle plus difficile peut-être de la symphonie. — Une seule Société, sur
deux inscrites, s est présentée à ce nouveau Concours, et (disons-le avec
plaisir) elle a bien mérité, sous la direction de M. F. Meinardi, le prix
qui lui a été décerné. — Elle a exécuté avec assez de goùl et d'ensem-
ble les ouvertures des Aveugles de Tolède^ de Méhul, et du Démophon, de
Vogel, dont l'arrière-petit-fils faisait précisément partie de fun de nos
jurys. Le concours d'excellence a eu lieu au Théâtre. Le vainqueur a
été le Choral de Belleville, dirigé par M. Jouvin. M. Laurent de Rillé,
l'un des présidents du jury a offert à la Commission d'orgiinisation du
Concours, pour être donné comme prix, un petit instrument de son
invention qu'il appelle gamme parlante, espèce d'harmonium d'une oc-
tave, lequel, au moyen d'une portée et de huit lira-ises mobiles, fait
connaître et entendre, tout à la fois, la position et l'intonation des sons
de la gamme d'ut écrite en clef de sol.
Un banquet, présidé par M le préfet du département, a suivi la bril-
lante distribution des prix, qui a eu lieu sur la place Saint-Jean. Plus de
cent Sociétés ont pris part à ces luttes pacifiques, — qui ne coûtent ni
une larme ni une goutte de sang, — ainsi que l'a dit, avec tant de rai-
son, l'honorable M. Poyez, dans son discours aux lauréate.
A. ELWART.
CONCERTS ET AUDITIONS MUSICALES DE LÀ SEISÂINE.
t% Le succès que nous avions prévu et annoncé n'a pas fait défaut
à la seconde séance de la Société des Oratorios; l'empressement du public,
le talent et la bonne volonté de l'orchestre et des chœurs, le soin général
de l'exécution, ne laissent aucun doute rnainlenantsur la vogue qui s'at-
tachera à l'initiative courageuse de Pasdeloup et à ses développements
successifs. Jeudi dernier, la Passion, de Jean-Sébastien Bach (d'après
l'Evangile de saint Matthieu), a déroulé une seconde fois ses larges et
mystiques harmonies sous les voûtes grandioses et sonores du Panthéon.
L'interprétation accusait un progrès réel : il y avait surtout et naturelle-
ment plus d'assurance dans les attaques ; les mouvements des chorals
étaient conformes à la tradition et les pauses bien indiquées à la fin de
leurs phrases. L'agencement des nuances laissait encore à désirer, les forte
étaient trop accentués et les piano trop sombres. L'oratorio ne doit rien
emprunter aux effets de la musique dramatique; sa puissance est en rai-
son directe de son calme majestueux et sa beauté se dégage de sa sobriété
même. C'est en cela surtout que le fameux mot : Pas de zèle! rencontre
son apphcation. — La seconde partiede la séancesecomposaitdel'^tie Kerum,
de Mozart, magnifiquement exécuté par l'orchestre et les chœurs; d'un
motet de Haydn, 0 Fons Pietatis, chanté par Faure avec une largeur
de style, une élévation de sentiment qui semblent grandir chaque jour
et atteindre les limites de la perfection absolue ; enfin du l'rélude, de
Bach, arrangé pour chœur et orchestre par Gounod, dont l'ampleur ma-
gistrale a positivement électrisé l'auditoire et donné la sensation bien
rare d'un immense vaisseau littéralement rempli d'une harmonie en
rapport avec son acoustique propre et ses proportions colossales. La soi-
rée d'Oratorio de jeudi dernier ne s'effacera pas de sitôt de la mémoire
des milliers de personnes qui y assistaient. Ce n'est pas en vain que
l'on se trouve en contact avec le génie traduit avec une si indiscutable
supériorité! La quête faite parMmesla duchesse de Chevreuse, la marquise
de Caraman, les comtesses de Lévis, de Lambel, de Contades, de Ros-
chaïd-Dahdah, au profit des fondations charitables de Sainte-Geneviève,
séchera bien des larmes, calmera bien des douleurs et bien des misères.
— Le 28 de ce mois, la Société des Oratorios exécutera, dit-on, l'Elie de
Mendelssohn pour la troisième et dernière séance de l'année.
,*, La Société académique de musique sacrée a donné, mercredi der-
nier, sous la direction de M. Vervoitte, l'intéressante séance historique
que nous avions annoncée. Sur la demande d'un grand nombre d'audi-
teurs, charmés de cette revue rétrospective de l'art musical depuis sa
naissance jusqu'à nos jours, la Société se réunira de nouveau mercredi
20 mai, et exécutera celles des œuvres de son répertoire qui n'ont pu
être comportées dans le programme de mercredi dernier.
»\ Un concert de Camille Saint-Saëns est toujours un événement. Celui
de mercredi dernier, à la salle Pleyel, aussi important que les précé-
dents par la nature et le mérite des œuvres que le jeime et savant orga-
niste de la Madeleine y a fait entendre, lui a prouvé une fois de plus
toute la sympathie que son talent si élevé et si vigoureux a rencontrée
dans le monde musical. Son nouveau Concerto de piano, en sol mineur,
sans être, non plus que celui en ré déjà connu et exécuté le même
soir, à la hauteur du concerto de violon , est cependant une œuvre de
maître, qu'une organisation musicale d'élite a seule pu faire éclore, mais
que nous croirion.s plus juste d'appeler Fantaisie pour piano et orciiestre.
Le premier morceau, d'un style large, est un peu dans la manière de
Rubinslein ; le deuxième, le mieux réussi, et qu'on a voulu entendre deux
fois, doit beaucoup à Mendelssohn ; le troisième n'est pas à la hauteur
des deux autres. Quant aux trois Bayatelles pour piano , qui sont beau-
coup trop développées et tourmentées pour justifier leur titre, M. Saint-
Saëns a de meilleurs titres de renom. Remercions-le de nous avoir fait
connaître diverses compositions dues à de jeunes et sérieux talents :
Scherzello, de M. Charles Widor, organiste à Lyon; le Retour, de
M. Georges Bizet, qui a souvent mieux (ait; Romance sans paroles (en
si bémol mineur) , de M. Chauvel , ravissant morceau qu'on a bissé et
qui le mérite bien; Tarentelle, de M. Victor Sieg, une des plus vraiment
originales et des mieux conduites que nous connaissions, mais qui a
perdu une grande partie de son effet à cause du mouvement vertigineux
et désordonné que lui a donné M. Saint-Saëns; et une maturka de
M. Adam Laussel. — 11 manque quelque chose M. Saint-Saëns si extraor-
dinairenient doué en tout ce qui louche au côté pratique de l'art : c'est
le charme, dont il semble d'ailleurs faire assez bon marché. Son jeu est
sec et sans grâce, et même, chose assez grave, il n'est pas toujours maître
de lui , et l'équilibre de l'exécution s'en ressent. Ce n'en est pas moins
un grand, très-grand musicit-n, qui, de quelque façon qu'il se manifeste,
excite toujours l'intérêt et s'impose à l'attention. Rubinstein, qui diri-
geait l'orchestre pour rendre à Camille Saint-Saëns le service qu'il en
avait reçu à tous ses concerts de la salle Herz, a été l'objet d'une ova-
tion en arrivant au pupitre.
»'*» M. W. Kruger a donné le dimanche, 3 mai, sa troisième et dernière
matinée d'élèves. Nous y avons, comme d'habitude, constaté la grande
supériorité de son enseignement, qui date de seize ans, sur tant de
méthodes routinières employées même par les maîtres en vogue. Ses
deux enfants et Mlle Emma Fumagalli ont eu les honneurs de la
séance.
»*» Les concerts militaires du jardin des Tuileries ont été inaugurés,
le 1'"' mai, par l'excellente musique du régiment de gendarmerie de la
garde, dont M. Riedel est le chef. Les musiques des autres régiments de la
garde joueront tous les jours, de 5 à 6 heures du soir, le dimanche
excepté, au même endroit, et les musiques des régiments de ligne, ainsi
que celle de la garde de Paris, se feront entendre alternativement sur les
places Vendôme et Royale et dans les jardins du Palais-Royal et du
Luxembourg.
i""* Le concert donné le 1"' mai par la Société philharmonique
d'Amiens, sous la direction de M. Deneux de Varenne, a été splendide,
grâce à la présence d'Adelina Patti, de Délie Sedie et de Sivori.
La gracieuse fée du chant a dit, avec son charme et sa bravoure or-
dinaires, la cavatine du Barbier, le duo du même opéra avec DeUe-
Sedie, VAve Maria de Gounod et le rondo de la Sonnambula. Delle-Sedie
s'est surpassé dans la romance d'/ due Foscari, un air du Barbier, etc.
Quant à Sivori, son Mouvement perpétuel et sa fantaisie sur le Trouvère
lui ont valu de frénétiques applaudissements. Ce concert, le quatre-
vingt-dixième depuis la fondation, a clos avec éclat la vingt-et-unième
session de la Société philharmonique. Il a fait comme toujours le plus
grand honneur au président de la Société.
t*,f Mlle Anna Meyer, revenant de Nice, où elle a passé l'hiver pour
sa santé, vient de donner, à son passage à Marseille, un magnifique
concert; elle y a obtenu le plus grand succès. Malgré la saison avan-
cée, la salle était comble, et le public n'a pas craint de braver la cha-
leur pour venir entendre cette jeune et intéressante pianiste qui a con-
quis les suffrages de toute l'assistance.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
*'*» Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi la Juive ; — mer-
credi, Don Juan ; — vendredi, la Fiancée de Corinthe et le Corsaire, et
hier samedi. Don /uan , comme représentation extraordinaire, laissant
au public la disposition des loges louées à l'année.
^*^ On annonce pour demain lundi le début de Mazzoleni dans le
Trouvère, dont les autres rôles seront remplis par Mraes Sasse et Bloch,
MM. Devoyod et Castelmary. Il chantera ensuite Don Carlos et le rôle de
Vasco dans l'Africaine.
^.*ji. En attendant la reprise d'Herculanum qui est très-prochaine et
dans laquelle le rôle d'Helios sera chanté par le jeune ténor Colin , Guil-
laume Tell, sera donné mercredi avec Faure et variera le répertoire .
**^ Tamberlick, M. et Mme Tiberini ont traité avec l'administration
des Italiens. Ils chanteront à Paris pendant les trois mois de l'hiver
prochain que Mlle Patti a promis à la Russie.
**^ Au théâtre des Fantaisies-Parisiennes a eu lieu, vendredi, une re-
prise très-réussie du Barbier de Paesiello. L'espace nous manque pour en
donner aujourd'hui le compte-rendu; mais nous nous empressons d'en
1S8
UEVUE ET GAZETTE MUSICALE
constater le succès dû autant à la cliarmante musique du maître qu'au
talent des interprètes, et aux soins tout particuliers apportés par M. Mar-
tinet à l'exécution d'une œuvre qui fit longtemps les délices de nos
pères. Mlle Darcicr, qui débutait à ce théâtre, s'est surtout fait remar-
quer dans le rôle de Rosine.
»** Le théâtre de l'Athénée a converti en baignoires ses stalles de
pourtour. Cette amélioration facilite la communication des fauteuils d'or-
chestre avec le foyer et rend libre la circulation dans tous les corridors.
Le nouveau système de ventilation adopté donne une fraîcheur qu'on ne
rencontre dans aucun théâtre ; aussi Fleur-de-Thé continue triomphale-
ment son .succès et bravera les chaleurs de l'été. Tous les soirs la salle
est pleine.
si,*. Le même théâtre vient de recevoir deux actes et un prologue de
MM- Meilhac, L. Halévy et Léo Delibes, intitulés la Princesse de Ravi-
gotte, et un acte de MM. Alex. Flan et Paul Henrion , dont le titre est
Quarante de Dési.
«** La direction du théâtre du Palais-Royal n'ayant pu .s'entendre
pour le renouvellement de son bail avec les propriétaires de la salle,
vient de traiter avec le marquis d'Herfordt, les uns disent de la loca-
tion, les autres de l'acquisition du local occupé main'.enant par le
théâtre des Bouffes-Parisiens, lequel serait approprié aux besoins de la
nouvelle exploitation.
,*^ M. Varney, qui a pendant plusieurs années dirigé l'orchestre des
Bouffes-Parisiens, vient d'être choisi par la nouvelle direction pour y re-
prendre ces fonctions.
^% La nouvelle administration des Bouffes-Parisiens vient d'engager
pour trois ans, à de tros-avantageuses conditions, le jeune chanteur comi-
que Alfred Audran, dont nous avons déjà plusieurs fois mentionné les
succès dans les réunions musicales de l'hiver dernier.
,*, Un certain nombre des artistes du théâtre de la Porte-Saint-Mar-
tin sont en arrangement avec M. Bagier pour donner des représentations
au théâtre Ventadour; ils lui abandonneraient 20 o/O sur la recette pour
la location de la salle.
^% Les recettes brutes des théâtres impériaux subventionnés, des
théâtres de second ordre, concerts, cafés -concerts, etc., se sont élevées,
pendant le mois d'avril dernier, à la somme de 1,6i2,802 francs.
NOUVELLES DIVERSES.
s^% La Commission d'organisation du grand Concours musical de Gre-
noble vient d'en adresser le Règlement aux principales Sociétés chorales
et instrumentales de France. Celles qui désirent le recevoir peuvent en
faire la demande au secrétariat de la mairie de Grenoble. Les adhésions
seront reçues jusqu'au 15 juin, délai de rigueur. Les prix de ces concours
auront une importance exceptionnelle. En effet, outre la médaille com-
mémorative et celle accordée aux Sociétés couronnées, une médaille en
argent sera offerte aux directeurs des Sociétés qui auront remporté un
premier prix. Depuis le célèbre concours de Saint-Denis, oîi tous les
prix furent décernés en double, aucune ville n'avait donné l'exemple
de cette générosité, logique après tout, car à qui un Orphéon doit-il
le succès, si ce n'est à son chet"? Ce système d'encouragement, s'il était
adopté partout, contribuerait puissamment, en stimulant le zèle des di-
recteurs de Sociétés musicales, aux progrès artistiques de cette institution
populaire.
it** L'assemblée générale de l'Association des artistes musiciens a eu
lieu jeudi dernier, dans la grande salle du Conservatoire impérial, sous
la présidence de son fondateur, M. le baron Taylor. — Le rapport sur
les travaux du Comité, pendant l'exercice de 1867, a été fait par M. Emile
Réty. Ce document important, écrit avec une rare élégance et une grande
sobriété de métaphores, a été applaudi presque à chaque alinéa par les
trois cents sociétaires présents. — Après une allocution aussi brillante que
bien sentie de son vénérable président, l'assemblée a procédé au remplace-
ment des quatorze membres sortants du Comité. Voici les noms par
ordre nominatif des nouveaux élus. — MM. Conrad Prumier, 243 voix;
Delofire, 230; Proust, 220; Henri Gautier, 219; Richard d'Amblécourt,
212; Martin, 208; Wolff, 206; Leroy, 182; Tubeuf, 180; Ch. Colin, 179;
Boulu, 154; Arthur Pougin, 142; Baneux, 105; A. Elwart, 94. — Dans
notre prochain numéro nous donnerons des extraits du rapport de
M. Emile Réty.
^*^ Des cinq élèves entrés en loge pour le concours préparatoire du
prix de Rome, le jury n'a admis que MM. "Winzweiller et Rabuteau,
sortant tous deux de la classe d'Amb. Thomas.
^*^, A la cérémonie du mariage du prince Murât et de la princesse de
Mingrélie, aux Tuileries, VAve Maria de Gounod a été chanté par Mlle
Mauduit, accompagnée sur l'harmonium par Jules Cohen, et par le vio-
lon d'Herman et la harpe de M. Tariot, premier harpiste solo du théâtre
Italien. Le solo do Genimy, dnns le chœur de Guillaume Tell: « Célé-
brons en ce jour et l'hymen et l'amour, » a été également dit par la
cliarmante artiste du théâtre impérial do l'Opéra.
»*» Les examens pour l'obteniion du certificat d'aptitude à l'enseigne-
ment du chant dans les écoles communales de Paris auront lieu dans la
première quinzaine du mois de juin prochain, à l'Hôtel-de-Ville. La liste
d'inscription des candidals est ouverte, du i'^ mai au 5 juin 1868, à là
préfecture de la Seine, direction de l'administralion préfecloralo, bureau
de l'inslruction publique, n» 17, oîi les candidats pourront prendre con-
naissance de ce programme. Les canditats doivent produire leur acte de
naissance, et un certificat de moralité délivré par le maire de l'arron-
dissement dans lequel ils résident.
^*:^ Un de nos meilleurs professeurs, composileur distingué dont les
œuvres de musique religieuse, notamment, ont acquis une légitime ré-
putation, M. L. A. Dessane, vient d'être nommé organiste du chœur à
Saint-Sulpice. Choix excellent et qui prouve combien l'art musical est en
honneur dans celte église, qui compte déjà M. Lefébure-Wély comme
organiste du grand orgue.
,f*. Le grand orgue de Notre-Dame sera joué le jeudi 21 courant,
jour de la fête de l'Ascension, par M. Sergent, organiste titulaire, à la
granû'messe de 10 heures et aux vêpres qui ont lien à 2 heures.
**» Notre excellent confrère Oscar Comettant vient de publier chez
Dentu une brochure intéressante qui a pour but de bien préciser le
caractère et le but de la noble, utile et poétique expédition au pôle nord
projetée par M. Gustave Lambert et appuyée partoutavec enthousiasme.
Au nombre des distractions instructives qui occuperont le moral de l'é-
quipage pendant les longs mois de l'hivernage, et dont M. Comettant
donne le programme, nous voyons figurer un cours de mu4que vocale.
0 On jouera aussi le vaudeville et l'opérette, ajoute l'auteur, afin que
M. Offenbach étende .son empire au delà des mondes habités.»
if*if La lettre suivante vient d'être adressée à notre collaborateur,
M. A. Pougin , au sujet de son intéressante étude sur Bellini :
« Cher monsieur,
» J'ai reçu votre joli volume sur Bellini. 11 m'est très-agréable de
connaître par vous toute la biographie de ce charmant idyllisie sicilien,
successeur de Théocrite et de Meli. Vou< y avez recueilli et assemblé
tout ce qui pouvait rendre de la vie à celte physionomie si tendre , à
cette âme mélodieuse qui ne soupirait qu'un seul air, celui de l'amour
et de la jeuncs.se. Le portrait de lui par Henri Heine, que vous avez mis
en tête, est un peu entaché de celte veine sarcastique qui venait à la
traverse dans les meilleures inspirations du satirique Hambourgeois. Vous
trouveriez dans les Mémoires du comte d'Alton - Shée la contre-partie de
ces relations de Heine et de Bellini.
» Veuillez agréer, cher monsieur, avec mes remercîments, l'assurance
de mes sentiments très-distingués.
» Sainte-Beuve. »
»% Les éditeurs Brandus et Dufour viennent de mettre en vente les
deux premiers volumes de leur édition populaire d'opéras, d'opéras-comi-
ques et d'opérettes, format de poche. Ils contiennent Fra Diavolo et le
JPostillon de Lonjumcau. Cette publication ne se distingue pas moins par
le nKTite des œuvres que par le soin apporté à sa fabrication et par son
bon marché.
^*jf, La partition de Fleur-de-Thé, pour piano et chant, paraît cette
semaine chez les mêmes éditeurs.
^*f Entre autres détails curieux donnés sur la personne de Pie IX
par un correspondant de l'Evénement illustré, qui a eu l'honneur d'être
reçu par Sa Sainteté, nous trouvons ce qui suit : « Quoique très-vieux,
le Pape chante encore fort bien, et. détail parfaitement inconnu de beau-
coup de Romains, il joue du violoncelle. »
,t*„: Nicolini a reçu de M. Bagier, en témoignage de satisfaction, une
couronne d'argent massif qui porte cette inscription ( et non point cette
épitaphe, comme nos confrères l'ont répété à l'envi) : 30 avril 1868, à
Nicolini, souvenir de la clôture de la saison de 1868.
i^*^ Aujourd'hui dimanche une messe en musique de M. Ch. Ver-
voitte sera chantée à Saint-Cloud par une société d'artistes et d'ama-
teurs.
»*, Le programme du grand festival musical qui sera donné au Pré-
Catelan le dimanche 17 mai, avec le concours de toutes les musiques de
la garde impériale, est des plus remarquables. C'est une splendide mo-
saïque oîi brillent les noms vénérés des plus grands génies. Une fois par
an seulement, le public de la capitale a le rare privilège de jouir de ce
spectacle unique dû à la bienveillance de S. M. l'Empereur, dont la
sollicitude pour les œuvres de moralisation et de charité n'a pas de li-
mites.
^*,t L'éminent pianiste compositeur W. Krûger vient d'avoir la dou-
leur de perdre son père. Tout récemment il célébrait joyeusement la
cinquantaine de son mariage lorsque la mort est venue le frapper.
DE PAKIS
469
ÉTRANGER
,% Bruxelles. — L'événement de la semaine, car c'en est un vrai-
ment , a été l'apparition de Mme Carvalho dans Romeo et Juliette. On
connaissait la célèbre prima donna du Théâtre Lyrique qui a donné, il y
a quelques années, une série de brillantes représentations dans notre
capitale; mais on ne l'avait pas entendue dans le rôle qui a été proclamé,
par la presse parisienne, le plus grand et le plus heureux effort de son
talent, et la curiosité était vraiment excitée. Tout ce qu'on pouvait pré-
voir et espérer a été dépassé. Le talent supérieur, déployé par Mme Car-
valho dans le rôle de Juliette, est un fait acquis à l'histoire de la scène
musicale contemporaine, et il y aurait de la puérilité à prétendre en faire
ici la découverte; mais ce qu'il est permis de dire, c'est que les hautes
qualités dramatiques qu'a fait briller Mme Carvalho , ont semblé une
révélation aux personnes qui n'avaient vu en elle que la cantatrice ha-
bile. Rarement représentation fut plus intéressante; rarement succès fut
plus grand et plus général. La vaillante artiste a été applaudie autant
qu'on puisse l'être et rappelée après chaque acte, presque après chaque
scène. Elle a été, il faut le dire, supérieurement secondée par M. JoMr-
dan, qui s'est montré un Roméo digne d'une telle Juliette. Trois repré-
sentations auront été données, cette semaine, du dernier opéra de M. Gou-
nod. C'est dans Faust que Mme Carvalho se fera entendre ensuite. —
La troupe italienne n'obtient décidément aucun succès, et il faut avouer
que les éléments dont elle est formée justifient l'accueil qu'elle reçoit.
Après avoir paru dans le Trovatore et dans Norma, la prima donna,
Mme Carozzi-Zucchi, a résilié son engagement à cause d'une indisposi-
tion qui la privait, paraît-il, de ses moyens. Elle a été remplacée par
Mme Montellio, qui n'est point parvenue à se concilier davantage les
suffrages du public dans Ernani où elle a débuté mercredi. On a témoi-
gné beaucoup plus de faveur à M. Verger, qui s'est fait entendre pour la
première fois dans ce même opéra. C'est un chanteur qui a de l'école et
du goiit; mais son entourage est trop médiocre pour qu'il puisse rame-
ner les amateurs mis en fuite par les premières et malencontreuses ten-
tatives de la Compagnie italienne. Il y a un ténor qui a une belle voix,
M. Tombesi ; mais il n'a que très sommairement appris à s'en servir.
C'est un préjugé dont il faudra revenir. Les chanteurs seront forcés de
finir par reconnaître qu'il n'est pas inutile pour eux d'étudier leur art.
^*^ Londres. — Samedi, les deux théâtres d'opéra ont donné Maria.
Adelina Patti à Covent-Garden, Christine Nilsson à Drury-Lane, ont
interprété d'une manière ravissante ce charmant opéra, et plus d'un
dilettante, ne pouvant les comparer dans l'ensemble du rôle, aura
partagé sa soirée entre les deux scènes rivales. Mario et Fraschini
jouaient Lionel; et Mlle Grossi débutait dans le rôle de Nancy, c'est en
dire assez. — Mlle Patti a joué ensuite Lucia, et Mme Lucca Faust et
Fra Diavolo. — Jeudi on a donné les Huguenots à Drury-Lane, avec
Mlle Tietjens, et pour les débuts du ténor Ferensi {Olim Ferenczy, de
l'Opéra de Vienne). — Carlotta Patti est attendue le 28 mai. Elle don-
nera des concerts jusqu'au 5 juin. — Alfred Jaell est engagé avec sa
femme pour le concert du 30 mai au Crystal-Palace. Ils défraieront, avec
Rubinstein, Henri Wieniawsky, Auer et Jacquard, les programmes des
deux prochaines séances de l'Union musicale dirigée par John Ella.
^*j^ Exeter. — Une troupe d'opéra anglais, sous la direction de Mme
Jenny Baur et de M. Charles Durand, a pris possession la semaine der-
nière du théâtre Royal, et a inauguré de la manière la plus heureuse
ses représentations par l'Africaine. Jamais notre ville n'avait été à pareille
fête! Rigoktto, Faust, etc., doivent suivre le chef-d'œuvre de Meyerbeer.
,% JBdle. — La direction de la nouvelle école de musique, qui ne
fonctionne pas encore, a été confiée à M. Selmar Bagge, jusqu'ici ré-
dacteur en chef de la Gazette musicale universelle de Leipzig.
:)f*^ Francfort-sur-l'Oder . — L'Africaine vient d'être donnée ici, pour
la première fois, avec son succès obligé.
^*^ Berlin . — La Permission de dix heures d'Offenbach, texte allemand
de Cari Treumann, a été donnée le 8 mai au théâtre de Frédérich Wil-
helmstadt avec un très-grand succès, dont il faut reporter une bonne
part sur Mlle Lina Mayr et MM. Leszinski et Adolf, chargés des prin-
cipaux rôles. — Mlle Sessi, de Francfort, a été engagée à POpéra après
de brillants débuts. Elle prendra son service le 1" octobre prochain.
^*^ Fjenne.— Mlle lima de Murska et le ténor Sontheim ont brillam-
ment terminé leurs représentations par Lucie et la Juive. - Un ténor
doué d'une voix superbe et orné d'un titre universitaire, le docteur Gunz,
de Hanovre (on dit aussi le docteur Franz Liszt), se fait applaudir en ce
moment à l'Opéra. Il a été très-remarquable dans le rôle de Raoul des
Huguenots. — L'excellent professeur Goldberg, Viennois de naissance et
habitant ordinairement Londres, bien connu par ses nombreuses et esti-
mables compositions vocales, a été l'objet, lors d'une récente visite à sa
ville natale, d'une ovation flatteuse de la part de l'Orphéon viennois,
dirigé par M. Dumba, le même qui se fit entendre avec tant de succès
à Salzbourg, lors de la visite de l'Empereur des Français.
*** /'cs(/(. — On a représenté, sans grand succès, un opéra posthume
de Gustave Fay, intitulé Fiesko. — Mlle de Murska est engagée pour un
temps assez court au théâtre allemand .
if*^ Madrid. — Arban et son orchestre sont hi grande attraction du
moment. Le premier concert, au théâtre de Jovellanos, a été magnifique;
Arban, dans ses variations pour cornet à pistons sur Bcatrix, et Emile
Dunkler, dans sa fantaisie sur Riyoletto, ont été couverts d'applaudisse-
ments. La fantaisie sur l'Africaine a produit le plus grand effet. Arban
a amené de Paris ses meilleurs solistes et quelques chefs de pupitre ;
mais Porchestre qu'on a mis à sa disposition n'est pas assez riche en
instruments à cordes. — Le public était fort nombreux, malgré la
rédaction françuise des affiches. En Espagne, oîi on applique volontiers à
tout ce qui est français le sobriquet injurieux de gabacho, la langue de
Bossuet et de Racine est loin d'être populaire , et M. Arban ne perdra
rien à faire traduire ses annonces dans le plus pur castillan.
,*„ Bologne. — Le compositeur Dall'Argine a été chargé par l'im-
présario du théâtre communal de faire un nouveau Uarbiere di Siviglia.
Ceux de Paesiello et de Rossini seraient-ils trop vieux pour la patrie de
la mortadelle"?
*.** Saint-Pétersbourg. — Orphée, de Gluck, traduit en russe et monté
l'année dernière par Ant. Rubinstein, qui Pa fait exécuter sur la scène
privée du palais de la grande-duchesse Hélène, vient d'être représenté
au Grand-Théâtre. Deux jeunes cantatrices, élèves de Mme Nissen-Salo-
man, Mlles Lawrowsky et Iretzky, s'y sont particulièrement distinguées.
g.*^ Moscou. — La Rose des Carpathes, de M. Nissen-Saloman, se main-
tient dans la faveur du publc. Le mérite incontestable de cet ouvrage le
destine certainement à rester au répertoire. — Mlle Artôt continue à
faire fanatisme. Après une représentation d'Otello, elle a été rappelée
quatorze fois. Le 9 mai, pour son départ, a dû avoir lieu la soirée à son
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Le Journal parait to Dimanche.
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ClilCQUOT-POIiKA composée sar des thèmes de Flettr-
Ae-VHé, de Cb. Lecocq, par L. Boqaes.
SOMMAIRE. — Études sur Charles-Marie de Weber (troisième partie, 2° article),
par Edmond Neakomin. — Association des artistes musiciens, assemblée
générale. — Théâtre des Fantaisies-Parisiennes : le Barbier de Séville, comédie
en quatre actes, d'après Beaumarchais, musique dePaësiello. — La Musique et
l'Amour, de M. Albert de LasaUe (2' et dernier article], par Em. Mathieu
de Monter. — Concerts et auditions musicales de la semaine. — Nouvelles
des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
ÉTUDES SUR CHÂRLES-fflÂRIE DE WEBER,
D'après la biographie écrite par son 01s.
TROISIÈME PARTIE,
II (1).
"Weber arriva le 13 janvier, au soir, à Dresde. II s'installa aus-
sitôt dans une maisonnette située au cœur du village italien, ainsi
nommé parce qu'il fut construit pour et par les ouvriers italiens
venus à la suite de l'architecte Chiaveri, auquel on doit la belle
église catholique qui s'élève au bout du vieux pont jeté sur l'Elbe ;
il meubla simplement cette maisonnette , qu'entourait un joli jar-
din, et eut soin de couvrir tous les parquets de tapis, car le bruit
des pas sur la dalle lui était insupportable ; puis il engagea un
domestique pour son service, et un maître d'italien pour le mettre
à même de faire figure dans le monde. Cela fait, il commença ses
visites. La première fut, comme on pense, pour le comte Vitz-
thum, auquel il ne fut pas peu étonné de trouver l'air embarrassé ;
l'ayant pressé de s'expliquer, il apprit de lui que Morlacchi avait
obtenu du ministre Einsiedel que le contrat de Weber portât
la qualitication de directeur de musique au Théâtre -Allemand, ce
qui le mettait entièrement dans sa dépendance, lui seul ayant
(1) Voir le n° 18.
droit au titre de maître de chapelle. Weber s'emporta, jurant qu'il
allait repartir aussitôt, qu'on l'avait indignement trompé, et qu'il
méprisait fort l'Italien Morlacchi, lequel avait eu le front de lui faire
mille protestations d'amitié et de le saluer à son arrivée comme
son cher collègue. Vitzthum chercha à le calmer, et en effet il y
parvint, après avoir promis de voir le roi au sujet de cette affaire;
il le vit le jour même , et le lendemain Weber recevait , grâce à
son chaud plaidoyer, le brevet en bonnes formes de maître de
chapelle. 11 avait gagné la première partie.
Peu de jours après eut lieu sa présentation aux artistes, auxquels
il tint un petit discours très-paternel, mais aussi très-ferme, en ce
qui concernait leurs devoirs envers lui et qui fit murmurer les
assistants; cependant leur mécontentement tomba devant un bal
que Weber leur offrit à l'hôtel de Pologne, et où il se mon-
tra charmant pour tout le monde; mais quand vint le jour
de la première répétition, il reprit son air sévère, et commença
par jeter un regard si perçant sur les musiciens et les chanteurs
qui arrivèrent en retard que le lendemain tout le monde fut à
son poste à l'heure indiquée; puis il dirigea la répétition comme
aucun de ses prédécesseurs ne l'avait fait, interrompant l'orchestre
à tout moment, montant sur la scène, faisant office de régisseur
et de metteur en scène, discutant avecle décorateur, le machiniste
et le costumier, ayant l'œil et l'oreille partout et ne se reposant
pas un seul instant. Son personnel, en effet, était si peu nombreux
et si peu aguerri, que ce n'était qu'à force de soins et de zèle
qu'on pouvait espérer quelque succès de l'entreprise et son
existence dépendait des premières manifestations.
Ce personnel mis à la disposition de C. M. de Weber n'était autre
que celui de la Comédie allemande, auquel pouvaient se joindre,-
sur un ordre spécial, les membres de l'Opéra italien. Le premier
se composait, en général, de bons comédiens, qui, suivant l'habi-
tude du temps, chantaient le vaudeville, mais qui ne pouvaient
guère convenir pour le Grand-Opéra. Sous le rapport des chan-
teurs, Weber se trouvait donc à peu près dans la situation d'un
général placé à la tête d'une armée pleine de bon vouloir et de
confiance, mais tout à fait dépourvue de munitions. Il monta,
pour ses débuts, Joseph, de Méhul, profitant de la présence à
Dresde du ténor Wilhelmi, et surtout parce que tous les rôles de
cet ouvrage, à l'exception d'un, celui de Benjamin, sont des rôles
162
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
d'hommes. Les répétitions de Joseph étaient donc poussées avec
activité. Pour l'orchestre, il était excellent, et le maître pouvait
compter sur lui.
Sur ces entrefaites eut lieu la présentation de Weber à la Cour.
Le roi fît un signe imperceptible de la tête et dit : « Je compte
sur votre talent; » la reine lui parla de sa fiancée, qu'elle avait
remarquée lors de ses représentations à Dresde, puis le couple royal
rentra dans ses appartements, laissant Weber assez désappointé
de sa réception et surtout fort embarrassé dans son costume de
cour à grand collet brodé, avec son claque sous le bras et son épée
quj gp prenait ^ans ses jambes. Quoj qu'il en soit, il avait été pré-
senté à la couEj le roi et la reine lui avaient parlé ; c'était le
prii^pjp^l, et 4^s lors les porter des salons les plus aristocratiques
lui étaient ouyprles. Weber avait acquis droit de cité dans sa
nouvcjfp rési^pflpe.
Un vénérable musicien de l'orchestre, contemporain de ces évé-
nements, qui vit aujourd'hui retiré dans un faubourg de Dresde, a
tracé de souvenir un portrait de Weber à cette époque: «Il était
petit et avait la poitrine rentrée, dit-il; ses bras étaient un peu
longs, maigres et ballants; la pâleur qui recouvrait ses traits fai-
sait mieux ressortir l'éclat de ses yeux abrités derrière d'épaisses
lunettes; un sourire charmant animait, quand il parlait, sa bouche
d'ordinaire sérieuse, et par moments il penchait sa tète sur le
côté, ce qui donnait une expression de douceur indéfinissable à
ses traits. Le jour que nous lui fûmes présentés, il portait un habit
bleu à boutons blancs, un pantalon collant et des bottes à la Sou-
vvaroff, à glands; une fine cravate en batiste, dont les bouts bro-
dés étaient réunis par une épingle en diamants, entourait son cou.
Un gros manteau brun à plusieurs collets recouvrait ce costume;
enfin un chapeau rond à larges bords abritait son visage. Rien, au pre-
mier abord, ne révélait l'artiste en lui. On pouvait passer à ses
côtés, dans la rue comme dans un salon, sans le remarquer ; mais
une fois qu'il vous avait parlé, vous étiez sous le charme de sa
présence et comme soumis à une influence magnétique. »
Cependant, le jour de la première représentation de Joseph
approchait; le public, auquel Weber s'était directement recom-
mandé par une proclamation en faveur de son entreprise, publiée
dans le Journal de Dresde, attendait avec confiance ; mais la cour,
influencée par les menées des Italiens, et, en outre, peu favorable,
comme on sait, aux efforts tentés par le parti allemand, augurait
mal de la réussite et comptait sur l'insuccès des premiers efforts de
Weber, pour le renvoyer dans une ville c moins comme-il-faut.»
L'événement donna raison au public, car Joseph, représenté pour
la première fois le 30 janvier, fut une révélation et ranima les
espérances du parti allemand, qui désormais se sentit appelé à
régénérer, avec Weber comme chef, l'art dramatique à Dresde.
Weber fut satisfait du succès qui accueillit son début, mais il ne
s'y fia pas, et dès le lendemain de cette soirée, qui avait sur-
passé l'attente générale, il reprit la tâche qu'il s'était imposée. Sa
sollicitude se porta tout d'abord sur les chœurs qui avaient be-
soin d'une organisation complète; en effet, jusque-là, les parties
de ténor et de basse avaient été tenues par des stagiaires inexpé-
rimentés, auxquels on avait adjoint quelques choristes du dernier
ordre, et celles de soprano et de contralto par de jeunes garçons,
dont l'accoutrement féminin produisait le plus grotesque effet.
Weber obtint qu'on engageât de bons choristes, hommes et
femmes, à la tête desquels il plaça l'excellent maître de chant
Miksh, le même qui eut, dans la suite, l'honneur d'attacher son
nom à la renommée de Mmes Haehnel et Schrœder-Devrient. Dès
le second ouvrage, dont la représentation suivit de près celle de
Joseph, on put constater les effets de ces heureuses améliorations ;
c'était un opéra de Fischer, auquel succédèrent rapidement d'au-
tres œuvres de maîtres allemands, entre autres Fanchon la
Vielleuse, de Himmel.
Pour aider encore au succès de son entreprise, Weber continua
d'appeler l'attention du public sur les beautés de chaque œuvre
nouvelle, au moyen d'une analyse critique, dont l'insertion dans
le principal journal de la ville précédait la représentation ; on se
rappelle qu'il avait pris cette habitude à Prague, et qu'il n'avait
eu qu'à s'en louer.
Comme on le voit, l'organisation du Théâtre allemand de Dresde
n'était pas chose aisée; Weber y consacrait tout son zèle, tout son
temps. On le croira sans peine, quand on saura qu'il venait de rece-
voir du poëte Franz Kind le libretto du Freischiitz, au sujet du-
quel il écrivait à sa fiancée : « Quand je le parcours, les mélodies me
jaillissent à la figure, » et dont, malgré l'enthousiasme que ce
poëme tant désiré lui causait, il ne pouvait arriver à commencer
la musique. Le comte Brûhl, surintendant des théâtres royaux de
Berlin, lui ayant commandé, dans le même temps, la musique d'un
drame de Mullner, Yngurd, qu'on répétait à Berlin, ce fut en
travaillant toute une nuit qu'il put remplir son désir; il lui en-
voya une chanson et plusieurs mélodrames; quant à l'ouverture,
il ne put y arriver et il pria son excellent protecteur de vouloir
bien se contenter d'une de ses anciennes, celle du Dominateur des
esprits.
Edmond NEUROMM.
{La suite prochainement.)
ASSOCIATION DES ARTISTES MUSICIENS.
ASSEiVIBLÉE GÉNÉRALE
sous LA PRÉSmENCE DE M. LE BARON TAYLOR.
(Jeudi, 14 mai 186 S.)
La Gazette musicale a fait connaître, dimanche dernier, l'inté-
rêt qu'avait excité à cette solennité le rapport de M. Emile Réty
et le résultat des élections qui avaient pourvu au remplacement des
14 membres sortant du comité.
Comme tous les ans, nous allons mettre sous les yeux de nos
lecteurs les points les plus saiflants de ce remarquable rapport,
dont M. Réty se chargeait pour la deuxième fois.
La mort a fait de grands vides dans les rangs de la Société pen-
dant le cours de l'année 1867: coup sur coup Triébert, JMeifred,
Georges Kastner, Forestier aîné, Prumier père, Edouard Monnais,
lui ont été enlevés. Un large tribut de regrets payé à d'aussi dou-
loureuses pertes venait donc en première ligne dans le rapport de
M. Réty. Le défaut d'espace nous ôte la possibilité de reproduire
les adieux pleins de sentiment et d'émotion adressés par le rap-
porteur à chacun de ces éminents fondateurs de l'Association. Nous
en détacherons pourtant les paragraphes consacrés aux amis que
nous pleurons également, MM. Georges Kastner et Ed. Monnais :
« Dans une position élevée, Georges Kastner a été constamment
pour les artistes musiciens un appui sur lequel ils pouvaient compter.
— L'un des premiers signataires de notre acte de Société, fondateur des
comités correspondants de Strasbourg et de Versailles, Kastner est resté
jusqu'à la fin de sa vie l'un des plus zélés propagateurs de nos principes,
et n'a pas cessé de vouloir la pleine et entière exécution des promesses
de nos statuts. — Théoricien, compositeur et philologue distingué, il
s'est livré, avec trop d'ardeur peut-être, à de longs et utiles travaux
pendant lesquels il semble n'avoir connu d'autre distraction que le plai-
sir d'obliger et de donner. — Assidu à nos séances, où sa présence était
un indice certain de nouvelles générosités, il a souvent augmenté de ses
deniers les secours votés par le comité. Aussi, tandis que l'Institut et les
corps savants auxquels il appartenait regrettent en lui l'écrivain érudit,
chacun de nous pleure un ami, l'Association un bienfaiteur.
Edouard Monnais a laissé dans le monde des arts des regrets una-
DE PARIS.
163
nimes. Il possédait, comme on l'a dit, ce don de l'aménité qui attire et
retient les cœurs, et M. de Saint-Georges à t^acé do lui ce portrait res-
semblant : « C'était un homme excellent, un esprit d'élite, un critique
distingué, un administrateur habile , un ami parfait. » Lorsqu'il fut
question d'établir une Association entre les artistes musiciens, Edouard
Monnais, homme de cœur autant que d'intelligence, comprit de suite la
noblesse et la sagesse de cette idée, et il contribua avec un zèle soutenu
au développement de l'œuvre nouvelle. Premier vice-président de l'Asso-
ciation depuis sa fondation , il prit pendant plusieurs années une part
active aux délibérations du ccmiié dont il était l'un des membres les
plus écoutés. Président de la commission des secours et pensions, il
apportait dans ces délicates fonctions un grand esprit de justice, et la
sincère bienveillance qui constituait comme le trait distinctif de son carac-
tère. Edouard Monnais a rendu à l'Association des artistes musiciens de
précieux service?, que le comité avait à cœur de reconnaître en ren-
dant ici ce public hommage à sa mémoire. »
Cette partie pénible de sa tâche accomplie, M. Réty présente le
•tableau des recettes et dépenses de l'Association pendant l'année
écoulée. Il résulte de ce tableau que les recettes de toutes natures
se sont élevées à 78,730 fr. 81 c, et que les dépenses ont atteint
la somme de 77,263 fr. 49 c.
« En comparant ces comptes avec ceux de l'année dernière, M. Réty
fait remarquer qu'avec une diminution de 1,043 fr. SO c. sur le pro-
duit des cotisations et de 10,839 fr. 88 c. sur la recette générale, il y a
eu augmentation de 1,516 fr. 10 c. sur la somme dépensée en secours
et pensions.
C'est-à-dire qu'en recevant moins, nous avons donné plus; et nous
avons pu le faire, non-seulement sans compromettre le présent, mais en
continuant d'assurer l'avenir par un placement de 30,980 francs qui a
augmenté de 1,330 francs le chiffre de notre rente, et le portait, au 31
décembre 1867, à 33,003 francs.
C'est là, reconnaissons-le , un merveilleux résultat. Nous le devons à
l'exacte et scrupuleuse exécution de l'article 10 de nos statuts, qui nous
oblige à convertir toutes les recettes en valeurs immobilisables et garan-
ties par l'Etat, et ne laisse à la disposition du Comité que les arrérages
des rentes. Sage et prévoyante mesure dont nous apprécierons surtout
la haute utilité si les mauvais jours ne nous étaient pas épargnés.
Supposons, en effet, une année difficile amenât pendant quelques mois
une interruption presque complète des recettes : pour une institution
qui ne reposerait pas sur des bases aussi solides que les nôtres , ce se-
rait la ruine ou tout au moins la suppression immédiate des secours au
moment où ils seraient devenus le plus nécessaires. Pour notre Associa-
tion, celte situation fâcheuse .n'amènerait qu'un simple temps d'arrêt
dans l'accroissement de la fortune sociale, et grâce aux revenus de notre
capital inaliénable, nous ne suspendrions pas le paiement d'une seule
de nos pensions et la part des malheureux ne serait pas diminuée d'un
centime.
Les idées qui ont présidé à la création de notre Société ne sont donc
pas le fruit de l'improvisation et du hasard , ce ne sont pas non plus
des illusions généreuses, hors d'état d'entrer en lutte avec les faits; ce
sont des principes sérieux, longuement élaborés par notre président,
M. le baron Taylor à qui nous les devons en entier, et ces principes qui
se sont dégagés plus vivants et plus forts en passant de la théorie dans
la pratique, recevront tous leurs développements par le cours naturel des
choses .
C'est ainsi qu'en attendant les pensions de droit nous avons pu créer
121 pensions coûtant annuellement 27,420 francs. »
Le rapporteur mentionne les nouvelles pensions accordées et les
mutations opérées dans les chiffres de celles existantes.
Au nombre des libéralités importantes faites dans l'année à
l'Association, M. Réty signale celle de 5,000 francs envoyés au
président par Mme veuve Kastner, et qu'accompagnait une
somme de 300 francs destinée à la cotisation d'elle et de ses deux
fils comme sociétaires perpétuels.
0 Ainsi que la reconnaissance nous en faisait un devoir, continue
M. Réty, nous avons décidé qu'une de nos pensions de 300 francs por-
terait à perpétuité le nom de Kasmer , et nous avons transmis à Mme
Kastner les plus vifs témoignages de gratitude. Nous étions sûrs que
l'assemblée générale tiendrait à s'associer à nos remercîments, et qu'elle
accueillerait par des bravos cette dernière preuve de l'intérêt de Kastner
pour l'Association qu'il a si puissamment contribué à établir. »
Nous ne suivrons pas le rapporteur dans la longue énuméra-
tion des autres dons et produits divers qui sont venus grossir les
recettes de l'Association; nous citerons cependant, au nombre de
ces derniers: l'envoi, par la musique de la garde de Paris, d'une
somme de SOO francs prélevée sur la valeur du prix obtenu par
elle au grand concours international de musiques militaires à
l'Exposition ; — 557 fr. 25 c. provenant de la part de recettes
attribuée à l'Association sur le concert donné par la fondation
Reaulieu; — 6,000 francs environ, bénéfice net de diverses exé-
cutions de la messe de sainte Cécile, etc.
« Ce sont là de beaux et bons exemples. Tous les sociétaires ne peu-
vent sans doute les imiter; il est du moins au pouvoir de chacun d'ac-
quiiter exactement sa cotisation ; c'est ce que nous demandons en vain
depuis longtemps, c'est ce que désormais nous serons forciJs d'exiger.
Une plus longue indulgence deviendrait de l'injustice, puisqu'elle consti-
tuerait des droits à de mauvais sociétaires au détriment de ceux qui
remphssent fidèlement leurs obligations.
11 est d'ailleurs indispensable que la rentrée de nos recettes s' ipère ré-
gulièrement, et que nous sachions au juste sur quoi nous pouvons
compter.
Nous avons dit que le produit des cotisations avait été de 2i,40i fr.,
et la dépense en pensions et secours de toute sorte, de 33,482 fr. Ainsi,
les Sociétaires ont reçu 9,078 francs de plus qu'ils n'ont versé, ce qui
prouve, qu'en priant nos confrères de ne pas se laisser rayer de nos
contrôles, c'est surtout leur intérêt qui nous guide. L'expérience l'a dé-
montré pour des sociétés de secours mutuels prélevant mensuellement
une somme supérieure à celle qui est exigée par nos statuts : la cotisa-
tién, suffisante peut-être pour les secours, est impuissante à créer des
pensions de retraite. Au moment de commencer le service des pensions
de droit, nous avons donc plus que jamais besoin du talent et du dé-
vouement de tous. Les sociétaires peuvent compter sur le zèle et la per-
sévérance du comité qu'ils ont chargé de la direction de la Société, mais
il faut que le comité soit assuré que les sociétaires répondront à son
appel, afin que chaque année nouvelle ajoute au nombre et à l'éclat des
solennités organisées au profit de notre caisse, et qui sont la plus bril-
lante et la plus féconde source de notre fortune.
Nous voudrions compter sans cesse dans nos rangs de nouveaux et
sérieux adhérents; nous voudrions que pas une ville de province, pas
un groupe de sociétaires ne manquât de nous envoyer annuellement son
offrande, si modique fût-elle; nous voudrions être riches, en un mot,
três-riches, car notre but est double désormais: il nous faut satisfaire à
la fois aux droits du passé en liquidant des pensions à nos premiers et
fidèles associés, et ne rien refuser dans le présent à ceux qui, frappés
avant l'âge, s'adressent à nous au nom du droit sacré que donnent la
souffrance et le malheur immérité.
Vous nous aiderez dans ce labeur; vous travaillerez courageusement à
enrichir cette caisse commune où les dons du riche se confondent avec
l'épargne du pauvre; et vous partagerez les sentiments qui régnent una-
nimement dans votre comité : l'amour ardent de cette Association, pour
laquelle les meilleurs d'entre nous sacrifient journellement leur temps et
parfois les plus sérieuses obligations de leur profession ; le respect et la
reconnaissance pour notre président M. le baron Taylor; enfin la ferme
volonté de faire exécuter dans toutes leurs prescriptions les statuts qui
nous ont donné en vingt-cinq ans 36,000 francs de rentes, tout en nous
permettant de distribuer en bienfaits 430,000 francs.
Ce qui a été dépensé d'efforts, ce qu'il a fallu vaincre de résistances
et de mauvais vouloirs pour réaliser ce capital de 800,000 francs et créer
une à une nos 121 pensions, vous le savez comme nous. Messieurs.
L'Association des artistes musiciens, aujourd'hui presque millionnaire,
ne sera pas ingrate envers ceux qui l'ont fondée, soutenue et enrichie.
— A notre tour, nous saurons accomplir notre tâche, et nous prouve-
rons notre gratitude à nos devanciers en n'ayant pas moins de dévoue-
ment qu'eux. — C'est avec la conscience d'avoir fidèlement rempli leur
mandat que les membres actuels de votre comité vous soumettent ce
compte rendu des travaux de l'année 1867, et vous demandent une ap-
probation qui est leur unique récompense. »
Nous avons dit l'approbation unanime qu'avait provoquée ce
rapport.
{La Rédaction.)
THÉÂTRE DES FANTAISIES-PARISIENHES.
liE BABBIER DE SÉVILI^E,
Comédie en quatre actes, d'après Beaumarchais, musique de
Paesiello.
(Première représentation le 13 mai 1868.)
C'est vraiment une chose curieuse, pour notre génération qui
164
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
a été bercée avec la musique de Rossini, de pouvoir contrôler le
chef-d'œuvre du [maestro par la comparaison de celui de
Paësiello, son aîné de trente-six ans. Nous devons savoir gré à
M. Martinet de nous avoir procuré cette satisfaction délicate;
mais nous n'en sommes plus à compter avec lui pour les sur-
prises de ce genre.
Paësiello était en Russie depuis quatre ans lorsqu'il y
fit représenter à la cour de Catherine II son Barbiere di
Siviglia. Le succès qu'il obtint fut confirmé, depuis, par les prin-
cipales villes d'Italie, dont il faut pourtant excepter Rome, ce qui
rend plus bizarre l'accueil hostile que la capitale du monde chré-
tien infligea d'abord au Barbiere de Rossini, comme pour lui
faire expier l'audace de sa rivalité avec le maestro napolitain.
Dès l'année 1790, les Parisiens avaient été conviés à juger
l'œuvre de Paësiello, dans la salle des Tuileries, oîi une troupe
de chanteurs italiens donnait des représentations sous le vocable
de Théâtre de Monsieur. Les principaux rôles étaient chantés par
Viganoni, Mandini, Raffanelli et par la signera Baletti. Cette pre-
mière épreuve eut tout le succès désirable et la pièce se main-
tint constamment au répertoire du théâtre Italien jusqu'à l'arri-
vée de Rossini.
C'est cet opéra, si longtemps heureux, qui nous a été rendu
par le directeur des Fantaisies-Parisiennes, et, malgré l'insuffisance
forcée de ses moyens d'exécution, nous devons constater qu'il a
été écouté avec le plus vif intérêt. L'arrangeur nouveau,
M. Wilder, n'a pas eu grand'peine à prendre, puisqu'il s'est
borné à encadrer des morceaux ti'aduits au milieu de la prose
étincelante de Beaumarchais. Néanmoins, le travail qui constitue
sa part dans l'adaptation actuelle n'est pas à dédaigner; sa versi-
fication est toujours facile et claire.
Quant à la musique de Paësiello, nous n'avons pas à l'apprécier ;
nos pères ont pris ce soin, et à cela près de quelques formules
archaïques ou passées de mode, aucune de ces charmantes et fines
mélodies d'autrefois n'a manqué son effet. Nous citerons, au
premier acte, l'air d'Almaviva sous la fenêtre, le duo avec Figaro,
l'air du Barbier. Au deuxième acte, il y a un excellent trio bouffe,
celui des serviteurs, qu'il a fallu répéter tout entier. Au troisième,
un très-bon air de Bartholo, et au quatrième un joli duo d'a-
mour entre Almaviva et Rosine, ainsi qu'un finale parfaitement
distribué.
Le rôle de Rosine est chanté par Mlle Darcier, une élève de
Mme Ugalde, dont les conseils n'ont pas porté sur un terrain
ingrat. Mlle Darcier avait choisi, pour la leçon de chant du deuxième
acte, le fameux air de la Molinara : ISel cor più non mi sento,
qu'elle a détaillé avec beaucoup de goiit et de méthode. Arsan-
daux, doué d'une voix franche et sympathique, s'est parfaitement
acquitté du rôle difficile de Figaro. Laurent a eu de bons moments
dans celui d'Almaviva, et Géraizer ne s'est pas mal tiré de Bar-
tholo. Avec Bonnet et Barnolt, il a obtenu le grand triomphe de
la soirée dans le trio bouffe du second acte.
Ne nous lassons pas de complimenter M. Constantin, qui obtient
des résultats vraiment extraordinaires de son orchestre réduit, par
les exigences de la localité, à des proportions si restreintes, et qui
a revu cette partition avec le soin le plus attentif.
D.
U nUSIQUE ET L'ÂIOUB.
Dictionnaire de la musique appliquée à l'amour,
Par M. ALBERT DE LASALLE.
(2« et dernier article) (1).
Je signalerai également les médaillons féminins au pastel que
le souple talent de l'auteur s'est plu à rapprocher de quelques
œuvres de musique choisies parmi les plus célèbres. Regardez
plutôt. « La Symphonie pastorale, de Beethoven : bonne et robuste
fille, tout en chair blanche et rose, avec des yeux qui regardent
honnêtement, avec des cheveux par millions, et des dents... plus
de deux cents dents peut-être ! — Symphonie de la Reine, d'Haydn:
voyez la pauvrette comme elle est pâle et langoureuse! Le masque ,
de cire blême sous lequel elle semble se cacher et pourtant trans-
percé par deux petites prunelles d'une vivacité toute juvénile et
qui disent les choses les plus douces du monde. — Ouverture du
Fryschutz : admirez cette tête énergique et âpre, ce front rude-
ment modelé, cette lèvre avide. On peut être brave et pourtant
ne pas retenir un mouvement de terreur à l'apparition d'un pareil
fantôme, la nuit, dans un bois... — La Chasse du Jeune Henry:
l'amour de la chasse, et non celui du jeune Henry, nous vaut la
présence de cette amazone. Aux rhythmes caracolants de Méhul,
on la voit se raidir, ouvrir l'œil et retenir sa respiration , comme
si son fauteuil allait prendre le galop. Elle n'est pas assise, elle est
en selle. — Hymne, d'Haydn : un ange qui cache ses ailes pour
ne pas effaroucher la couvée Benoiton, le mythe entrevu par M.
de Monthyon en ses songes des nuits d'été. Ce sourire paisible, ce
regard qui guette la porte des paradis promis, ne sont guère d'une
femme, mais plutôt de ces madones de Raphaël... qui donnent
envie de se marier. » El encore, « la Muse de Verdi: une sorte de
géante qui étonne par la vigueur de son biceps , et marche à la
conquête du monde dilettante en bousculant tout sur son passage.
Telle est la chaleur du sang qui bouillonne en elle, que jusqu'au
mot : « Je t'aime! » elle dit tout avec une véhémence et une im-
pétuosité fiévreuses. — La Muse de M. Auber: Après cinq ligues
d'adjectifs,» vous plaît-il, poursuit notre auteur, que nous la trai-
tions de Parisienne tout court, dans le sens le plus exquis de ce
vocable? »
Avec non moins d'esprit, M. de Lasalle fait remarquer aux habi-
tués de l'Opéra l'étrange contradiction à laquelle ils se laissent
aller, du fond de leur loge. « Vous exigez que l'on souffre pour
vous plaire, mais vous défendez que l'on crie pour se soulager.
« Voyez ce pauvre Robert, dit le Diable : que de traverses avant
d'épouser Isabelle ! Il perd sa fortune au jeu, se bat avec le prince
de Grenade, se fait circonvenir par des nonnes entreprenantes,
subit les incantations de Bertram, qui lui donne de mauvais con-
seils par amour paternel... Et vous ne voulez pas qu'il crie!...
» Croyez-vous aussi qu'Arnold (de Guillaume Tell) ait lieu de se
louer du sort? Ah! povero! il lui faut en quatre heures de temps
venger son père assassiné, délivrer l'Helvétie « d'un joug oppres-
seur, » et encore trouver moyen de se perdre dans les abîmes
d'un amour sans espoir... Et vous ne voulez pas qu'il crie !...
* » Raoul (des Huguenots) n'est pas moins misérable, quand son
mauvais génie d'une main le tient aux pieds de Valentine et de
l'autre l'entraîne vers la rue où l'on égorge ses amis... Et vous ne
voulez pas qu'il crie!... Ah! messieurs les ergoteurs, on voudrait
vous y voir ! 11 ferait beau vous entendre hurler, si un de ces
soirs la fatalité aux tenailles de fer vous saisissait par la peau du
cou et vous jetait vifs dans un de ces labyrinthes douloureux que
traversent les héros d'opéra ! »
(1) Voir le n" 18.
DE PARIS.
165
Je ne quitterai pas le Dictionnaire de M. de Lasalle sans em-
prunter, — avec discrétion, toutefois, — ù quelques-uns de ses mots
leurs « couplets » les mieux venus ou les plus étudiés. Je cite au
hasard même de ma lecture :
« Sirènes. — Il y a quelque chose de répugnant dans cette fable
antique. Des femmes-poisson (les vilaines Lôœs !) ne peuvent plaire
qu'à moitié et leurs torses monstrueux, réveillent les appétits les
plus disparates : ceux de l'amour et de la friture! » Eh bien!
voilà de ces aperçus philosophi(|ues que l'on chercherait en vain
dans le Traité sur les Sirènes de l'excellent Kastner ! »
« FoBTE. Piano. — ... Mesures de distance sur une ligne idéale où
un secret instinct fait voyager notre esprit. Leurs augmentatifs
déterminent bien, en effet, les différents plans de la perspective
du tableau musical. »
« Maître de musique. — Ici tout ce que la mémoire du lecteur
pourra contenir de vieux ana sur ce don Juan au cachet abusant
du pouvoir séducteur de la mélodie pour fasciner sa jeune élève
et fuir avec elle vers ce 21" arrondissement de Paris qui est la
prison pour dettes des banqueroutiers du mariage. »
« Ecoles. — ... Étude piquante que la comparaison de la musi-
que d'un peuple et du caractère de la femme chez ce peuple! Il y
aurait plus d'une analogie curieuse à établir, en partant de ces
principes généralement admis, à savoir que : l'Italienne est pas-
sionnée, loquace, amie de ce qui est bruyant et voyant; l'Alle-
mande, pensive, réfléchie et tendre avec une pointe de mélan-
colie; la Française... comme vous savez. »
« Duo. — La musique est une langue, et par excellence celle
des amoureux, puisqu'elle est la seule qui permette à deux per-
sonnes de parler à la fois sans confusion et sans impolitesse. »
« Barcarolle. — Pourquoi les chansons chantées en barque, en
gondole, en canot, en chaloupe, en esquif, en nacelle, voire en paque-
bot, roulent-elles plus volontiers sur l'amour que sur la naviga-
tion?... En y réfléchissant un peu, on ne tarde point à saisir la
raison de ce fait remarquable. Notez tout d'abord que la barca-
rolle est vénitienne. Veuillez vous souvenir maintenant que les
gondoles de Venise portent à l'arrière une sorte de petite maison-
nette capitonnée comme un nid de tourterelles. Est-il donc si
étonnant qu'il soit question d'amour dans les cantilènes mari-
nières d'un pays oii les amoureux peuvent naviguer en cabinet
particulier? »
« Cantatrice. — ... est à âme comme danseuse est à corps.
« Castrats. — Voir sopranisfe. » On y court et l'on est immé-
diatement édifié et fixé. Voici l'alinéa :
« Ing3Sr"sS12v7nn7n43S4948139 c7sQ237v4c7Ss26 82ntl8g4
139487n76s7n n474d4v87S s7vl 2c4m7c 94mS3 lV92c
c7mF7mSd7S74n NinD7 473dc7DS 91, etc., etc. »
C'est ainsi que, donnant libre carrière à sa verve humoristique
et lui mettant la bride sur le cou, M. de Lasalle caracole agréa-
blement dans les plates-bandes de la physiologie, de l'esthétique,
de la philosophie pure, de la musique, de tout ce qu'on peut savoir
et de quelques autres matières encore. Maintenant que l'on con-
naît le faire de l'auteur, on devine le parti qu'il a dû tirer des
expressions musicales proprement dites : Accolade, Donner le la,
Amabile, Amoroso, Animato, Crescendo, Agitato, Perdendosi poco a
poco, A piacere, Unisson, Consonnance et Dissonance, et quantité
d'autres. Voilà bien en ces feuillets délurés le vrai Dictionnaire
de la musique appliquée à l'amour, la justification de son titre,
la partie la plus originale et la plus réussie, mais je m'arrête sur
la pente entraînante de la citation. Que les intéressés s'adressent
directement à M. de Lasalle lui-même : sans parler du côté anec-
dotique de sa consultation, il leur en apprendra long sur le cha-
pitre du langage de l'harmonie, biep autrement éloquent que le
langage des fleurs. Iris : bonnes nouvelles ; jonc fleuri : discrétion
à toute épreuve; colcliique : douleur; orobc : besoin d'aimer;
lavande: silence; citronnelle: peines de cœur... Nous avons changé
tout cela, nous n'avons plus que faire de ces bouquets bavards et
de ces messagers antiques. Notre Salem musical se prête à toutes
les situations de l'âme, traduit toutes les phases de la passion et
permet aux Almavivas de courtiser leurs Rosines à la barbe des
tuteurs jaloux.
Les théories, les vues, les appréciations du Dictionnaire sont
discutables; mais j'insiste sur le curieux attrait du vocabulaire
musical appliqué à l'amour. Voilà pourquoi il est bien dédié, je
le répète, aux femmes, jeunes ou vieilles, qui aiment à s'enfon-
cer sous les aubépines du sentiment et de la mélodie. Les filles
d'Eve se ressentent à tout âge du penchant originel, elles gardent
toujours sur leurs lèvres les saveurs du fruit défendu ; mais
quelle heureuse chance de pouvoir le croquer, le faire croquer
aux autres, en musique et sous les espèces peu compromettantes
d'un dictionnaire?
« On a besoin de plus d'esprit pour parler d'amour comme il
faut, que pour commander les armées. Les amants doivent donc
cultiver leur esprit, car une liaison de cœur est celle de toutes les
pièces oîi les entr' actes soit les plus longs et les actes les plus
courts : de quoi remplir ces intermèdes, sinon par les talents? »
Il y a plus de cent ans que Ninon de Lenclos — cette Ninon
dont l'âme était pétrie de la volupté d'Epicure et de la vertu de
Caton — écrivait à peu près cela à je ne sais plus lequel de ses
bons amis. Ces hgnes ne semblent- elles pas ê're la préface pré-
destinée de la spirituelle improvisation de M. de Lasalle et la fin
naturelle de cette promenade autour de son volume rose? Jeunes
amants, cultivez la musique ! Musiciens , et vous aussi musicien-
nes, méditez le Dictionnaire de ta musique appliquée à l'amour, et
dans ce domaine séduisant vous apprendrez à vous connaître,
vous saurez ce que vous valez, vous entreverrez les destinées sé-
duisantes auquellcs vous pouvez prétendre en vertu de Yamoroso
cantabite et au nom de l'accord parfait !
Em. Mathieu DE MONTER.
Cette semaine une souscription, en tête de laquelle figurent
MM. Auber, Camille Doucet, (]haix-d'Est-Ange , Hipp. Rodrigues,
etc.. a été ouverte au Conservatoire, chez M. Réty, pour élever un
monument à la mémoire d'Edouard Monnais. Nous ne pouvons
que nous associer à cette preuve d'affection donnée à notre re-
gretté collaborateur et ami, et former les vœux les plus sincères
pour sa réalisation.
CONCERTS ET AUDITIONS MDSICÀIES DE LÀ SEMAINE.
^% Mardi, au Cirque de l'Impératrice a eu lieu, au profit de Forplie-
linat des jeunes filles d'Alger, la troisième et dernière exécution du
Jugement dernier, oratorio de Duprez. L'œuvre du grand chanteur, qui
renferme des beautés incontestables, n'a fait que gagner à cette nouvelle
audition, parfaitement rendue par l'auteur d'abord et les solistes
Mlle Sarolta-Acs, Mlle Fidès, Mme Pouschkinn et M. Engel ténor d'avenir.
— La seconde partie du concert se composait de divers morceaux
chantés admirablement par Mmes Marie Sass, Vandenheuvel-Duprez,
Marie Roze, MM. Crosti et Léon Duprez. Le violoniste Federigo Consolo
a joué une romance de Mendelssohn et l'Ave Maria de Schubert.
**jif La musique moderne, qu'on exécute dans les séances de M.
Goufi'é, est représentée par les œuvres d'Onslow et d'Adolphe Blanc; à la
dernière séance de clôture on y a entendu le 8" quintette du premier de
ces deux compositeurs, ainsi que le septuor de M. Blanc, pour instru-
ments à cordes et à vent ; l'exécution a été excellente, et le public a
prouvé par les applaudissements qu'il a prodigués à l'œuvre du jeune
compositeur de musique de chambre tout le plaisir qu'il éprouvait à
l'audilion de ce beau morceau, d'ailleurs parfaitement exécuté par MM.
166
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Giierreau, Rose, Sclotmann, Bauer, Bourdeau, Lebouc et Gouffé, tous
membres de la Société des concerts.
^*^, Pendiint soa mois de congé, les 24 et 25 Juin, Léon Achard en com-
pagnie de Mme Carvalho, de M. Agnesi et de nos plus habiles instrumen-
tistes, se rendra à Limoges où aura lieu le grand concert-festival de
l'union philharmonique des villes de l'Ouest. Cette solennité d'un carac-
tère très-artistique a lieu tous les ans et ne fut omise l'année dernière
qu'à cause de l'Euposilion universelle. Les amateurs provinciaux, .sous
la direction de M. Farge, composent l'orchestre et s'adjoignent seulement
quelques solistes émérites. Cette adjonction est un honneur et un profit
très-recherchés. Les musiciens appelés, défrayés de toutes leurs dépen-
ses, reçoivent de plus, en moyenne, un cachet de SOO francs et une
large liospitalité.
**» L'œuvre de Notre-Dame-des-.\rts, instituée pour venir en aide
aux filles des artistes, littérateurs, employés, etc., dont la position de
fortune et de famille est digne d'intérêt, donnera demain son concert
annuel au siège de l'Institution, S2, boulevart d'Argcr.son, à Neuilly.
Indépendamment des chœurs de Boïeldieu, de Rossini et du prince Po-
niatowski, qui seront exécutés par les élèves de l'institution, on enten-
dra Mlle Carlotta Patli et M. Félix Godefroid,
ji:*^ On écrit de Bruxelles : Le II mai, un dernier concert et des plus
intéressants, a clos notre saison musicale: l'audition du grand orgue, au
Palais ducal, a été pour M. Alphonse Mailly un succès très chaleureux et
bien mérité. Jamais l'excellent organiste n'avait mieux montré ses rares et
précieuses qualités de compositeur et d'exécutant; jamais le bel instrument
n'avait déployé sous des mains pl'js habiles, ses sonorités .•-i puissantes
et si souples, en leur infinie variété. Lt pour que rien ne manquût à
cette séance de belle et bonne musique, M. Warnots a dit, avec la style
et le sentiment élevé qu'on lui connaît, de charmantes mélodies de
Schumann, et ce petit chef-d'œuvre d'un grand maître, \'Adelàide de
Beethoven. L'instrument touché par M. Mailly est un orgue monu-
mental se composant de quatre claviers à mains et pédales sépai'ées de
32 pieds, et d'une série complète de pédales de combinaison ; il a
été construit par ordre du gouvernement belge avec le concours artis-
tique de MM. Fétis et Lemmens, dans les ateliers de la Société anonyme
des Grandes orgues, établissement Merklin-Schiitze. C'est jusqu'à pré-
sent le seul grand orgue qui se trouve placé dans une salle de concert,
sur le Continent.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Trouvère et le
premier acte de Giscllc, l'un des ballets qui met le mieux en relief les
admirables qualjtés de Mlle Granzov^'. — Mercredi et vendredi , deux
magnifiques représentations de Guillaume Tell ont été pour Villaret,
Marie Battu et Faure l'occasion d'enthousiastes applaudissements et de
rappels dus à la supériorité avec laquelle ils interprètent le chef-d'œu-
vre de Rossini. Mlle Bloch, Belval, David ont partagé avec ces artistes
d'élite la faveur du public.
^*^ Lundi a eu lieu à l'Opéra, dans le Trouvère, le début depuis
longtemps attendu d'un nouveau ténor d'origine italienne, M. Mazzoleni,
qui arrivait précédé d'une grande réputation conquise en Amérique.
Lorsqu'on sut que notre première scène lyrique venait de s'attacher cet
artiste en confiant à l'un de ses professeurs attitrés la charge de lui
apprendre le français, les journaux se montrèrent fort bien disposés
pour lui; malbeureusement les résultats n'ont pas répondu aux espé-
rances conçues. Nous pensons qu'il faut surtout en chercher la raison
dans l'âge auquel est déjà parvenu M. Mazzoleni, — qui paraît avoir aux
environs de la quarantaine — et dans la difficulté, sinon dans l'impossi-
bilité que l'on rencontre alors à perdre son accent originel. — La
conscience qu'il avait de son insuccès à cet égard a dû l'embarrasser et
la peur a pu paralyser une partie de ses moyens. Quoi qu'il en soit,
et malgré la bonne volonté du public à l'encourager, il n'a pas ren-
contré l'accueil sur lequel on comptait. Il possède une voix dont les
cordes graves ne manquent pas de vigueur, mais qui monte difficile-
ment, tout en atteignant le si bémol ; elle manque de souplesse, particu-
lièrement pour le rôle qu'il avait choisi. Il faudrait l'entendre dans un
autre grand rôle pour le juger convenablement. La représentation a
d'ailleurs été bonne. Marie Sass, Mlle Bloch et Caron ont chanté avec
un vrai talent.
**:^ Une maladie de Mme Gueymard, plus douloureuse que grave, va
retarder vraisemblablement la première représentation de la reprise
d'Herculanum, en empêchant cette artiste d'assister aux répétitions.
^*3, M. Th. Lalliet, hautbois solo des concerts Musard, vient d'être
nommé hautbois de l'Opéra, à la place de M. Berthelemy, décédé.
**i C'est le 1" juin qu' Achard prend son congé. Immédiatement après
ses dernières représentations, la direction du théâtre de l'Opéra-Comique
donnera la reprise des Dragons de Villars, l'opéra d'Aimé Maillart, que
le succès a popularisé partout. Nous a\ons dit le soin avec lequel il est
j remonté, et comme personnel et comme décors, costumes et mise en
scène. La direction compte avec raison sur le succès de cette repri.se,
dont les représentations alterneront avec celles du Premier Juur de bon-
heur, toujours très-suivies.
,i;'*;^ Un élève distingué du Conservatoire, M. Raoult, qui à la suite de
son brillant succès au dernier concours avait été engagé par M. Car-
valho, vient de signer un engagement avec le théâtre de l'Opéra-
Comique. — La direction de ce théâtre vient d'entendre la lecture d'un
ouvrage en trois actes de MM. Labiche et Delacour, dont M F. Poise
compose la musique, et qui a pour titre provisoire : le Corricolo.
,f*,u Aux engagements déjà faits par M. Bagier pour la saison pro-
chaine des Italiens, on n'apprendra pas sans plaisir qu'il faut ajouter
celui de l'excellent baryton Stellor.
,** A la sollicitation de M. Camille Doucet, et prenant en considéra-
tion la situation critique des choristes du théâtre Lyrique, S. Exe. le
ministre de la maison de l'Empereur et des beaux-arts vient de leur
accorder un secours de 2,000 francs.
^:*,!f^ M. Martinet ne borne pas son répertoire à la résurrection des œu-
vres anciennes, il a accueilli un opéra-comique en un acte de M. de
Hartog, intitulé : l'Amour mouillé, et dont les paroles sont dues à M. Ju-
les Barbier. La première représentation en est tiès-prochaine .
,t% Le ténor Sytter, rétabli de son indisposition, a repris son rôle de
Pinsonnet dans Fleur-dc-Thé, dont le succès ne faiblit pas.
^.** D'après une rectification émanée de M. W. Busnach lui-même,
la pièce en trois actes dont M Léo Delibes doit composer la musique
pour le théâtre de l'Athénée n'est pas de MM. Meilhac et Halévy, mais
bien de M. Octave Gastineau, et doit porter le titre de Princesse Mar-
7nollr, au lieu de Princesse Ravigotte.
**« Le 31 de ce mois, l'administration actuelle du théâtre des Bouf-
fes-Parisiens donnera sa dernière représentation. Dès les premiers jours
de juin commenceront les travaux de restauration jugés indispensables
par la nouvelle direction Noriac.
»*=, Désiré fera partie de la troupe que forme M. Noriac; son engage-
ment est signé.
^*^ Mlle Schneider est à Toulouse et s'y fait applaudir avec enthou-
siasme dans /'/ Gninde-Duchcsse. Elle vient d'être engagée à Toulouse
même par M. Raphaël Félix (venu exprès d'Angleterre) pour jouer
Jlarbc-Iikue, la Sellt-Ilélènc et la Grande- Duchesse au théâtre Saint-James
à Londres.
»*:^ La Grande- Dw:hcsse, chantée et jouée par Mme Lestrade avec une
grâce et une verve spirituelle des plus fines, vient de terminer la saison
théâtrale à Alger. La partition d'Offenbach, populaire entre toutes, a
trouvé là le succès qui l'a partout accueillie, et le public a fait une vé-
ritable ovation à sa principale interprète.
^*^ On nous écrit de Moscou : « II n'était bruit depuis une semaine
que du bénéfice après lequ'l Mlle Désirée Artôt devait nous faire ses
adieux. Aussi notre vaste salle était-elle entièrement louée à l'avance, et
l'empressement du public avait été tel que des places avaient été payées
jusqu'à 40 roubles! C'est // Barbiere i[\xe Mlle Artôt avait choisi pour celte
soirée, qui fera certainement époque dans sa vie d'artiste et qui témoignera
une fois de plus du fanatisme auquel peuvent atteindre les dilettantes de
notre pays lorsqu'ils prennent un artiste en affection. En cette occasion,
il n'est pas de formes que n'ait revêtues leur prédilection. A son entrée
dans sa loge une première surprise était ménagée à Mlle Artôt; cette
loge avait été splendidement décorée à neuf et tapissée des fleurs les
plus rares. A son entrée en scène, accueillie par des acclamations et des
hurras frénétiques, la célèbre cantatrice ne pouvait suffire à la récolte
de bouquets qui lui étaient adressés de tous côtés, et parmi lesquels s'en
détachait un d'admirables roses, de dimension colossale, et sur lequel se
balançait un magnifique papillon en rubis, diamants et turquoises d'une
valeur de 2,000 r. (7,300 fr.). A partir de ce moment l'ovation n'a fait que
grandir, corbeilles et guirlandes de fleurs, coupe en vieux Sèvres, ser-
vice à déjeuner, en vermeil, présenté sur un immense sachet de satin
blanc, bracelets, couronnes avec écharpes de toutes nuances; en un mol,
toutes les profusions de l'Orient. L'enthousiasme avait été d'ailleurs au
comble par la perfection avec laquelle Mlle Artôt interprétait le rôle de
Rosine , et par Pintercalation dans la leçon de chant de mélodies russes
très-bien dites. A la sortie du théâtre, attendue par 200 jeunes gens, la
diva n'a pu qu'avec peine et en laissant dans la foule des lambeaux de
sa toilette et des bouquets qu'on se partageait, gagner sa voiture pour se
rendre à un splendide souper, qui lui était offert et où elle trônait sous
un dais de fleurs pendant qu'un excellent orchestre exécutait les plus
beaux airs de son répertoire. Au milieu de cette délicieuse fête, le comte
SoUohub a lu des vers, composés par lui, en l'honneur de Mlle Artôt et
qui ont été suivis d'applaudissements et de fanfares. — La recette de
la représentation dans laquelle Mlle Artôt a été d'ailleurs fort bien se-
condée par ses camarades et surtout par le baryton Padilla, a produit
20,000 fr. — Une bague de prix a été offerte par les "artistes au chef
d'orchestre, M. Dupont, frère du célèbre pianiste belge. »
DE PABIS
167
NOUVELLES DIVERSES.
**, La partition pour piano et chant de Fkur-de-Thé sera mise en
vente après-demain mardi chez les éditeurs Brandus et Dufour.
:^*^ La Galerie des musiciens célèbres publiée chez les mêmes éditeurs
vient de s'enrichir de deux beaux portraits : l'un de Kelterer, l'éminent
pianibte-compositeur ; l'autre de Federigo Cousolo, le violoniste, dont
on a pu apprécier au concert qu'il a donué .dernièrement le talent aussi
vigoureux qu'original.
*** Avec la compagnie Ulmann-Patti est revenu à Paris Edouard
Wollî, après une tournée de trois semaines dans le midi delà France. —
Applaudissements, rappels, ovations, rien n'a manqué à l'éminent
pianiste-compositeur qui a joué dans chaque concerto se fameuse Taren-
telle, et avec Vieuxtemps leurs beaux duos sur Don Juan et sur Oberon.
^*^ M. Albéric Second va très-prochainement publier chez Dentu un
volume qui a pour titre : Misères d'un prix de Home. Le talent humo-
ristique de notre spirituel confrère permet d'augurer le succès complet
de ce nouvel ouvrage.
»** L'éditeur Leduc fils vient de mettra en vente les morceaux dé-
tachés de Mademoiselle Sylvia, le joli petit opéra -comique de M. Sa-
muel David, qu'il a acquis récemment.
^.** Mlle Nina de Rionnelle, qui progresse chaque jour en talent et
en réputation, vient de remporter deux nouveaux triomphes à Toulon,
dans une représentation de bienfaisance, et à Nice, où elle a chanté en
italien de manière à exciter un véritable enthousiasme, deux actes de
Nonna et un àHl Trovatore. Sa voix étendue, l'agilité qu'elle a acquise,
lui garantissent de beaux succès dans la carrière du chant italien, si
elle est tentée de l'aborder.
^*^ Pasdeloup vient de partir pour la Suisse et l'Allemagne, et il assis-
tera au grand festival de Cologne. Son but principal, en faisant ce voyage,
est de recueillir des matériaux destinés à varier le répertoire de ses Concerts
populaires.
*** Nous avons parlé récemment d'un projet de fondation en Italie,
d'une Société basée sur les formes qui régissent notre Société des au-
teurs et compositeurs de musique. Le ministre de l'Instruction publique,
M. Broglio, vient d'en offrira Rossini la présidence honoraire.
^** M. Jules Klein vient de recevoir de Victor Hugo, à l'occasion des
six mélodies publiées par lui sur les poésies de l'auteur de Notre-Dame
de Paris, la lettre suivante :
0 Hauteville-House, 5 mai.
» Monsieur Jules Klein, Paris,
» Je vous envoie, Monsieur, tous mes vœux de succès, et mes plus
cordiales sympathies. Victor Hugo. »
.i.*^ Nous devons mentionner, au nombre des dernières œuvres de
Camille Schubert, la Belle Bavaroise valse comique, qui obtient un grand
succès, et les • Confidences, valse chantée de Maxiniiiien Graziani. Elles
viennent de paraître chez l'éditeur Prilipp.
*** L'orchestre de Strauss a fait entendre, pour la première fois, au
grand bal international de l'Opéra, la grande valse et le brillant qua-
drille qu'il a composés sur les motifs d'Hamlet, le nouvel opéra d'Am-
broise Thomas. Ces deux morceaux, qu'il a dii répéter plusieurs fois, ont
eu les honneurs du programme.
»■** Dernièrement, dans un concert à Leipzig, on a entendu un andante
de Bériot et une Romance sans paroles de Meyerbeer exécutés par un
tout jeune violoniste phénomène, né sans bras. 11 tient l'archet avec les
deux premiers doigts du pied gauche et touche avec les doigts du pied
droit les cordes de son instrument placé sur un petit banc devant lui.
Cet artiste extraordinaire est attendu à Berlin, puis il viendra à
Paris.
^*^ On annonce le mariage de Mlle Halév}', fille du compositeur,
avec M. Desoria, négociant en vins de Bordeaux et grand amateur de
chant.
^*^ Vendredi prochain, Mgr de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais, ar-
chevêque de Bourges, présidera la solennité d'inauguration du grand
orgue construit par MM. Merklin-Schiitze et C'", pour la belle église de
Levroux (Indre). M. Edouard Batiste, professeur au Conservatoire impé-
rial de musique, organiste de Saint-Eustache, fera entendre l'instru-
ment.
^*.f. Le jeune Lotto, ce brillant lauréat de notre Conservatoire, dont le
talent s'est toujours développé et qui est aujourd'hui l'un des plus célè-
bres violonistes de l'Europe, est maintenant en pleine voie de guérison,
après une longue maladie. C'est une bonne nouvelle à donner aux
amis de l'art. Il arrivera prochainement à Paris.
»% L'inauguration de la saison à Bade vient d'avoir lieu avec un
grand éclat. Le nouvel éclairage des salons et de la façade extérieure
était éblouissant, et la foule qui se pressait sur la terrasse était énorme.
L'orchestre, renforcé, fonctionnait pour la première fois au kiosque, et
son habile chef, Koennemann a pu s'enorgueillir des applaudissements
prodigués à ses deux solistes : Wuille, le clarinettiste sans pareil,
Leloup, l'excellent corniste, et à l'exécution remarquable Aes Rendez-vous
de Chasse, de Rossini, et du Fremersberrj. En somme c'était une soirécsu-
perbe et qui fait on ne peut mieux augurer des autres.
;^*4, Le syndicat de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de
musique a lixé au dimanche li juin le jour de son assemblée générale
annuelle.
:,,'*,, M. Mazilier, chorégraphe distingué, vient de mourir à l'âge de
soixante-huit ans. 11 avait été maître de ballets à l'Opéra et avait colla-
boré à un nombre considérable de livrets de ce genre, le Diable amou-
reux, Griselidis, h Corsaire, le Diable à quatre, Lady llenrietle, etc. De
I85I à 1858, il avait également composé les diverlisscments des grands
opéras donnés pendant cette période. M. Mazilier, par son talent et son
caractère, avait mérité l'estime générale et l'affection toute particulière
des artistes de la danse.
ÉTRANGER
»■*:,, Londres. — Le ténor Mongini a fait sa rentrée à Her Majesty's
Opéra dans Maria; voix, méthode, jeu, tout en lui est trouvé excellent, et
on lui a fait un très-sympatliique accueil.— A Covent-'Gardcn, Mlle Patti a
chanté, avec son charme et son succès habituels, la Sonnambula et Don
Pasquale. — Mlle Nilsson est de plus en plus en faveur.
^*^ Manchester. — La Grande-Duchesse, donnée le 18 mai pour la
première fois, a remporté un nouveau triomphe. C'est encore Mme Howard-
Paul qui jouait le principal rôle. On a bissé la « chanson du Sabre » et
le chœur; il a fallu redire trois fois « la chanson du Verre. >•
*** Amsterdam. — La Société Félix Meritis a donné le 24 avril son
dixième et dernier concert, en présence de la famille royale.— Mme Nor-
man-Neruda s'y est fait entendre avec un très-grand-succès, ainsi que la
basse-taille Cari Hill, de Francfort.
**« La Haye. — Aladin no la Lampe merveilleuse, ballet fantastique
dont A. Berlyn a écrit la musique, représenté sur notre scène depuis le
mois de janvier dernier, a atteint, avec un succès toujours soutenu, sa
trentième représentation . Le roi et la reine des Pays-Bas ainsi que le
prince d'Orange assistaient à cette soirée.
js*,j Vienne. — Mlle Benza a chanté pour la première fois, le 8 mai, le
rôle de Sélika de l'AfHcaine. On fondait sur cette jeune artiste des espé-
rances qui ont été remplies et au delà; c'est assurément la meilleure
Sélika qu'on ait entendue à Vienne depuis Mlle Bettelheim. On l'a
applaudie et rappelée plusieurs fois. De Bignio est toujours très-remar-
quable dans le rôle de Nélusko.
*% Milan. — ha. Société del quartelto a inauguré le li mai les concerts
symphoniques qu'elle promet depuis si longtemps. On a entendu deux
Sinfonie (qui doivent être des fantaisies pour orchestre) de Bazzini et
et G. Rossi, couronnées au concours de la Société, une symphonie de
Beethoven . et une ouverture de Foroni. L'orchestre était dirigé par
CorbelUni .
»% Varsovie. — - M. de Moukhanow vient d'être définitivement
nommé au poste d'intendant des théâtres, -occcupé provisoirement par
M. de Zaborowsky. — Le compositeur Moniuzsko va présenter de nou-
veau au public un grand ouvrage. — - On a exécuté la semaine dernière
le Paria, de Casimir Delavigne, avec ouverture et chœurs.— Le Conserva-
toire, dont nous avions annoncé la fermeture, va être rouvert sous le pa-
tronage du gouvernement qui prend les frais à sa charge.
^*^ Saint-Pétersbourg. — Le succès de l'Orphée, de Gluck s'est pleine-
nement confirmé à la deuxième représentation, et il continue depuis
lors à enthousiasmer le public. Mlle Lawrowsky est au-dessus de tout
éloge dans le rôle d'Orphée ; celui d'Eurydice est parfaitement rempli
par Mlle Solowieff, qui, malade le premier soir, avait été remplacée par
Mlle Iretzky.
**iji iVoscou. — L'opéra Rognéda, d'Alexandre Seroff, sera représenté
l'automne prochain avec une mise en scène splendide. L'empereur de
Russie a accordé au compositeur une pension viagère de 1,S00 roubles.
a,*^ Nouvelle-Orléans. — L'Africaine, exécutée cinq fois déjà avec un
immense succès, paraît devoir terminer la campagne. L'interprétation
en est confiée à Mme Audibert, au ténor Picot et au baryton Lechevallier,
trois artistes excellents qui s'acquittent de leur tâiîhe avec un rare
bonheur et une grande distinction .
■ : s. Duroun.
168
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAKIS.
CHEZ G. BRANDUS ET S. DUFOUR, ÉDITEURS, 103, RUE DE RICHELIEU, A PARIS.
Catalogue des œuvres de
JACQUES ROSENHAIN
nuMfquc cl'ensembl*-.
Op. 1. Quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle » »
— 2. !"'■ Trio pour piano, violon et violoncelle {mi mineur),
dédié à Ferdinand Ries IS »
— 3 . Concertino pour piano seul ou avec orchestre 9 >'
— 13. Fantaisie appassionata pour 2 pianos (ou piano et harpe).. . ■» »
La même, arrangée à quatre mains » »
Andanie pour violoncelle avec ace. de piano » »
— 32. 2" Trio pour piano, violon et violoncelle (rc mineur),
dédié à Haheneck 20 »
— 38. l'" So7iatc pour piano et violoncelle (ou violon), mi ma-
jeur, dédiée à Mendebsohn 12 »
— 47. Deux morceaux de salon pour piano et violon (ou violon-
celle) : 1 . Andante espressivo 7 SO
2. Rondo-valse 9 »
— SO. 3» Trio pour piano et violoncelle (fa mineur) 20 »
— 53 2= Sonafe pour piano et violoncelle (ou violon), ut min. 15 »
— 55. 1" Quatuor pour deux violons, alto et violoncelle [sol ma-
jeur), dédié à Rossini 15 »
— 37. 2° Quatuor id. {ut majeur), dédié à Vieuxtemps 13 »
— 65. 3' Quatuor id. (re mineur), dédié à Jean Becker 13 »
— 72. Trois Mélodies pour piano et violon (1,2,3), chaque 6 »
— 73. Concerto pour piano avec ace. d'orchestre (ou d'un se-
cond piano ) 15 »
— 78. Trois Idylles pour piano et violoncelle: (1. Matinée d'Eté.
— 2. Dans la Nuit. — 3. Fêle villageoise) » »
Valses pour piano et violoncelle » »
— 80. 4° Trio pour piano, violon et violoncelle {mi majeur)... » »
musique & orcbestre.
l™ Ouverture de concert [ré mineur) a »
— 7.2° Ouverture de concert {ré majeur) » »
42. 1" Symphonie, sol mineur (exécutée pour la l'» fois aux
concerts du Gewandhaus, à Leipzig, sous la direction
de Mendelssohn ) » »
— 43. 2° Symphonie, fa mineur (exécutée pour la l'^ fois aux con-
certs du Conservaioire, à Bruxelles, sous la direction de
M. Fétis) . »
— 61. 3° St/mp/ionie {Au Printemps), fa majeur (exécutée pour
la 1" fois à Paris sous la direction de M. Pasdeloup). . . » »
musique pour Piano solo.
Romance (Souvenir) 4 50
— 3. Mélancolie, impromptu 7 30
— 12 . Andante religioso 6 »
— 14. Mélodies (quatre) 6 »
— 15. Morceau de salon 3 »
17. 12 Etudes caractéi'istiques, adoptées aux Conservatoires
de Paris et de Bruxelles, dédiées à Cherubini 18 »
Les mêmes, en deux livres 10 »
Séparément : a. Sérénade du Pêcheur S »
0, La Danse des Sylphes 3 »
20. 24 Etudes mélodiques faciles, pour servir d'introduction à
celles de Cramer 12 »
— 23. Caprice 7 30
— 24 Poème 6 »
25. Mélodies caracfe'risfigues (1" recueil) (a. Chanson espagnole;
— fc, Inquiétude; c, — ; d. Chant Montagnard.) 6 »
— 26 . Rêveries, en deux cahiers, chaque 6 »
— 28. Nocturne et Rondo-Valse, 1, 2, chaque 6 »
Rondo-Valse, arrangé à 4 mains 7 50
— 30. Scène dramatique 7 30
31. Mélodies caractéristiques (2= recueil), 1, 2, 3, (1. Chanson
polonaise. — 2. Les Adieux, à l'Étranger. — 3. Lutte in-
térieure), chaque 4 30
Agitato (de l'Album des Pianistes) 4 50
— 33 . Valse de concert "7 30
La même, arrangée à quatre mains 9 »
— 34 . Polka de concert 7 30
35 o. Etude (Lied) de la Méthode des Méthodes, de Fétis et
Moschelés 4 50
— 35 6 . Fantaisie dramatique à quatre mains 9 •
— 37 Mélodies caractéristiques (3" recueil), 1 , 2, 3 (o. Chants orien-
taux ; b, le Passé ; c, l'Ondine ; d, Plainte), chaque. 4 50
— 39. Deuxsolos faciles (morceaux de concours), 1,2 (mi bémol
et la mineur) , chaque 4 30
— 41 . 1" Sonate {fa mineur) 9 »
V Andante séparément 3 »
Op. 43. 2° Symphonie, fa mineur, arrangée à quatre mains par
M. H. Lévy....... • »
— 45. Calabraise et Ballade, mélodies caractéristiques (4" rec). 7 50
— 46. Variations humoristiques sur le Carnaval de Venise 6 »
— 48. La Tempête, Étude caractéristique de concsrt 3 »
— 49. Cantabile et Mauresque (1, 2), deux mélodies, chaque... 3 »
— 31. Idylles : 1. Le Calme, 3 fr. — 2. Fête villageoise 6 »
— - 32 . Trois Mazurkas 6 »
Impromptu {mi bémol), solo de concours 7 30
— 58. Deux Mazurkas : 1, mi niaj., 4 fr. — 2, ré mineur 3 »
— 61 . 3' Symphonie, sol majeur, arrangée à quatre mains par
M. Diémer » »
— 67. Ballade et Chanson slave, mélodies caractéristiques (5'= rec.) 7 30
Trois petits Duos à quatre mains (très-faciles) 1, 2, 3, chaq. 3 •
3'= Solo (facile), rondo élégant {ré majeuri 3 »
— 68. Mélodies caractéristiques (b" recueil) 1, 2 (a, Barcarolle ;
6, les Cloches; c. Courante; d. Chanson du Touriste, ch. 3 •
— 69. Second Caprice » »
— 70. 2° Sonate, fa mineur » »
— 74 . 3" Sonate, sol mineur » »
— 77 . Méditation 6 »
i" Solo (facile), rondo, mi bémol. , » »
— 79 . Deux Nocturnes, en deux suites » >
— 81 . Conte d'Enfant a »
— 82. Mélodies caractéristiques (7« recueil), 1, 2, 3 {a. Crépuscule;
— b. Dans les Champs ; — c, Regrets ; — d. Berceuse.) . . » »
musique vocale.
— 11. Une Visite à Bedlam (Der Besuch im Irrenhaus), opéra-
comique en un acte, poëme d'après Scribe, représenté
pour la première fois à Francfort) » »
— 27. Liswenna, opéra en trois actes » »
— 36. Le Démon de la Nuit, opéra en deux actes, poëme de Bayard
et M. Ltienne Arago, représenté pour la première fois
à l'Académie impériale de musique à Paris.
Grande partition 250 » Partition pour piano et
Parties d'orchestre. . . 230 » chant net 12 »
Ouverture séparée... 18» Morceaux détachés » »
— 64. Volage et Jaloux, opérette en un acte, poëme de M. T.
Sauvage, représenté la 1" fois au théâtre de Bade, net 3 »
— 4.. Mélodies allemandes pour une voix avec ace. de piano
(en deux recueils ) » »
— 10. Six Romances pour une voix avec ace. de piano » »
Ballade pour voix de ténor : Dos oede Haus » »
Id. pour voix de basse-taille : Der geistertanz s
— 19. Quatre Mélodies allemandes pour une voix (3' recueil) avec
ace. de piano » »
Six choeurs pour quatre voix d'hommes, sans accomg.. » »
— 21. Six Mélodies allemandes pour une voix (4° recueil) avec
ace. de piano » »
— 40. Id. (5" recueil), id » »
Barcarole pour deux voix (soprano, alto) ace. de piano. . » »
Six Mélodies à une voix avec ace. de piano : 1 . Le rendez-vous . 2 30
2. L'aube naît, et ta 4. Elle est si jolie 2 30
porte est close. . . 2 30 5. Es- tu jalouse 2 30
3. Sais-tu pourquoi je 6. Sérénade » ■»
t'aime 4 » —
— 44. Adieu à la mer, de Lamartine, scène de concert avec or-
chestre (ou piano) 1, pour voix de ténor; 2, pour voix
de mezzo-soprano ou baryton 6 »
— 54. Six Mélodies allemandes pour une voix (6° recueil) » »
— 59. Deux Mélodies pour une voix (a. Bergeronnette 3 »
b. Un Rêve) avec ace. de piano 2 50
— 60. Six Mélodies (Echo des campagnes) à deux voix (soprano
et alto) avec ace. de piano, dans le style populaire, pa-
roles françaises de M. Emile Deschamps (7^ recueil) :
1. Chanson 3 » 4. Barcarole napolitaine. . . 3 »
2 Nocturne 2 30 5. Mélodie 2 30
3. Vilanelle 2 » 6. Sérénade 2 »
62. Six Mélodies pour une voix avec ace. de piano (1. Quelle
est gracieuse et belle. — 2. Je veux oublier que j'aime.
— 3. J'aime un œil noir. — 4. Mon cœur est froid. —
5. J'ai peur des jaloux. —6. Brillante étincelle.) • »
— 63. Cantate hébraïque (pour l'inauguration du temple à Franc-
fort), pour voix de solo, chœur et orchestre (ou orgue). » •
(56. Six Mélodies pour une voix avec ace. obligé de violoncelle
(ou violon) et piano (8'= recueil), en deux suites » »
77. Six Mélodies allemandes pour une voix (9= recueil) avec
ace. de piano » »
— 73. Id. (10° recueil) avec ace. de piano » »
— 76. Id. (11" recueil) avec ace. de piano » »
lUPBUBBIB CBBTTBALE DES CDEHIIHS DE FEB - — A. CHAIX ST C, BUE BEBGKBE, 30, A PAEIS.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
5S' Année.
N' 22.
ON S'ABONNE :
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chez tous les Marchands de Musique, les Libraires,
et aui Bureaux der. Messageries el des Postes.
REVUE
31 Mai 181)8.
PRIX OE L'ABONNEMENT:
Paris 24 r. par an
Départemi'nti, Belgique et Suiue.... 30 n U.
lilrimger 34 < UL
Le Journal paraît lo Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
E PARIS
SOMMAIRE. — Les droits des auteurs (deuxième partie, S* article), par Xha-
inaa SanTage. — Bibliograpiiie musicale: Etudes pratiques de style vocal,
de Steplien de la Madeleine, par Arthar Pongrin. — Entrefilets. — Revue
des théâtres, par D. A. D. (Saint-lf«es. — Concerts et auditions musi-
cales de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses.
— Annonces.
LES DROITS DES AUTEURS.
{Deuxième partie.]
SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE.
(8« article) (d).
Cette aveftture bizarre, grotesque, vint tout à coup arrêter
dans sa prospérité un établissement utile à l'art, supprimer un
genre dont les progrès continuels donnaient aux compositeurs, aux
exécutants, déjà nombreux, l'espoir d'utiliser leur talent 1 Mais
devant l'arbitraire, l'omnipotence et le privilège, nulle réclamation
n'était possible : I'Opéra-Comique resta supprimé de 1745 à 17S2.
Après sa campagne de Flandres, Mme Favart était entrée à la
Comédie italienne (1749) où, pour utiliser son charmant talent de
cantatrice, on mettait des airs dans presque tous les rôles qu'on
lui donnait. Le chant se propageait donc en dehors de l'Académie
de musique, malgré tous les efforts faits pour l'y concentrer et le
goût du public, chaque jour plus prononcé pour la mélodie, fai-
sait abandonner les lugubres accents du grand Opéra, bien qu'a-
lors Rameau fût dans toute sa gloire : il fallait prendre une réso-
lution. Pour jeter de la variété dans les spectacles, l'Opéra ht venir
des chanteurs italiens.
On ne se njit pas beaucoup en frais : c'était une pauvre et mé-
diocre troupe, qui donnait des représentations à Strasbourg; elle
débuta au mois d'août 17S2 par la Serva Padrona, et cependant,
malgré sa médiocrité et la chaleur de la saison, la Tonelli, prima
donna, Manelli, primo houffo , et surtout l'œuvre admirable de
Pergolèse, obtinrent le plus grand succès. Cette musique vive, fran-
che, naturelle, fut comme une révélation pour les Parisiens.
(1) Voir les n»' 33, 40, 41, 45 et 49 de l'année 1867, et les n»' 7 et 9.
Une exécution, un style si différents de tout ce que l'on était
habitué à entendre jusque-là, ne pouvaient être acceptés sans sou-
lever de grandes discussions ; on ne dérange pas impunément les
idées et les goûts reçus : grande aussi fut, comme on sait, la que-
relle entre les Lullistes, les Ramistes, les Bouffonistes !
Pour satisfaire les premiers, on renvoya bien, après quelques
mois, les chanteurs italiens, mais le coup était porté; l'oreille du
public avait été frappée et conservait l'impression de cette mélodie
ravissante. Tandis que le génie de J.-J. Rousseau, éveillé par les
accords italiens, qu'il avait si éloquemment défendus (Lettre sur
la musique française), enfantait le Devin du Village, l'habile di-
recteur, que nous avons déjà rencontré sur notre chemin, Mo-
net, après avait fait bâtir une nouvelle salle charmante à la Foire,
entreprenait, au prix d'une grosse redevance à l'Opéra, de relever
Y Opéra-Comique, auquel il donnait pour devise : Mulcet, Foyet,
MONET.
Comprenant le parti que l'on pourrait tirer du nouveau genre,
il fit composer par Vadé et Dauverfijne les Troqueurs, véritable
opéra bouffon, qu'il donna d'abord pour une œuvre ultramontaine
et qui, à ce titre, attira la foule.
Les Troqueurs et le Devin sont de 1733; l'imitation avait suivi
de près l'apparition des modèles : ce sont les deux premiers opéras
bouffons composés en France.
L'année suivante, la Comédie italienne, qui en pareille circons-
tance ne pouvait pas rester en arrière, aborda franchement la
question : elle donna ce que l'on appela alors des parodies, et ce
que nous nommons aujourd'hui des traductions.
Ce fut d'abord la Servante Maîtresse, traduite par Baurans, qui
eut cent CINQUANTE représentations de suite et qui, restée presque
constamment au répertoire, servit aux débuts de Mme Boulanger,
il y a soixante ans, comme à ceux de Mme Galli-Marié, il y a deux
ans ; puis Baiocco d'Orlandini, le Maître de musique, la Bohémienne,
le Chinois, etc., etc., tous opéras bouffons des meilleurs maîtres
de l'Italie, et en outre des comédies mêlées d'ariettes, comme Ni'
nette à la cour, sortes de pasticci dans lesquels on faisait entrer des
airs choisis dans les opéras italiens adaptés à l'ouvrage ou des
morceaux composés exprès, dans le même goût, par des artistes
français.
De son côté, I'Opéba-Comique, se piquant d'émulation, faisait
170
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
écrire pottr lui, par des compositeurs étrangers ou français : Phi-
lidor, Laborde, Dauvergne, Duni, Monsigny, Sodi, Laruette, etc.,
de véritables opéras qui attiraient la foule.
11 y eut donc, de 1732 à 1762, trois théâtres lyriques en exer-
cice, et cet espace de temps suffit pour généraliser le goût de la
musique tellement que tous les airs, toutes les partitions se gra-
vaient (1).
Alors les compositeurs, les artistes lyriques, les instrumentistes,
pouvaient se faire connaître, acquérir de la réputation ou du moins
vivre : le monde s'occupait de musique; il l'écoutait et la prati-
quai chacun vQiulait la savoU' et cherchait à l'apprendre ! Faut-il
ledh'e^eet eng^uemeiRt épo^vaftta 1» littérature ; elle devint hos-
tile I )|t musiqij^, qi^ d^tournail d'elle l'attention, au moment où
elle dé^yait ^|i$ pltws |ïraiviçs |M-éte»\tioas philosophiques. Pour
ne ipwtw (^ dv 0b&f> voy^ )a rc^ç et ks sarcasmes do Vol-
taire contre l'opéra-comique (2) !
Mme Favart avait pris rang parmi les sociétaires, à la Comédie
italienne ; son mari, devenu sous la direction de Monet régisseur
de rOpéra-Comique, était donc parfaitement informé de ce qui se
passait dans les deux établissements. Il rend ainsi compte, dans sa
correspondance avec le comte de Durazzo, des luttes et des péripé-
ties qui amenèrent la dernière transformation de ces théâtres :
« — 1761, — 8 novembre. — L'Opéra-Comique a eu un succès
si brillant à la foire dernière, qu'il a réveillé les jalousies des autres
spectacles : il est maintenant question d'un projet de réunion de
l'opéra-comique avec le grand opéra. Si elle a lieu, on verra
Biaise le Savetier ou le Maréchal représentés à la suite d'Armide.
» — H novembre. — La cour et la ville sont dans la plus
grande fermentation; depuis les princes des princes jusqu'à la
plus vile populace, tous les ordres de l'Etat sont dans l'attente
d'un grand événement; l'intérêt des nations semble disparaître
devant un intérêt plus grand. — De quoi s'agit-il? — C'est notre petit
opéra-comique qui fixe l'attention générale. — Trois factions s'élè-
vent contre lui : nos gentilshommes de la chambre continuent à
demander sa réunion à la Comédie italienne, qui ne s'en soucie
guère, quoique cela puisse lui être favorable ; les directeurs de
l'Opéra, excités par M. Berlin, qui s'est mis à leur tête depuis
{l)VAlmanach des spectacles de Duchesne, qui jusque là n'avait jamais
mentionné un recueil de musique, dans les années 1733-56-60 présente
un catalogue musical considérable relatif aux pièces de théâtre, sous les
titres attrayants de :
— L'Amusement des dames ou recueil de menuets, contredanses, vau-
devilles, rondes de table, airs à boire, duos avec accompagnement.
— La Toilette de Vénus, dressée par l'Amour, contenant des menuets,
contredanses, vaudevilles, airs nouveaux et choisis.
— Le Passe-Temps agréable et divertissant, vaudevilles, rondes de
table, duos, brunettes et autres.
— Les Thémirêides, recueil d'air de Théroire.
— Les Desserts des petits soupers de Mme ***.
— Amusements champêtres ou les Aventures de Cythère, chansons
nouvelles à danser.
— Menuets, contredanses et vaudevilles, chantés aux comédies fran-
çaise et italienne.
— Airs, menuets, contredanses, parodies, chantés sur les théâtres de
l'Académie de musique et de FOpéra-Comique.
— Les Lois de l'amour, recueil de différents airs.
— Menuets nouveaux en concerto.
— Chois de différents morceaux de musique.
— Le Postillon sans chagrin.
— L'Année musicale, etc., etc., etc.
Puis, les recueils complets et séparés des airs de tous les opéras, opéras-
comiques el vaudevilles.
(2) Et cependant ambitieux de tous les genres de succès, il faisait
pour Grétry les mauvais libretli : Grégoire ou les Deux Tonneaux et le
Baron d'Otrante, que Grétry eut le bon goût et le courage de refuser!
qu'il s'est arrangé avec Mlle Arnould, demandent que le spectacle
forain soit incorporé avec l'Académie royale de musique, toute ri-
dicule et nuisible que serait pour elle cette innovation; d'un autre
côté, la Comédie française prépare des mémoires dans la vue
d'anéantir ce genre de spectacle, qui fait abandonner Rodogune
et Cinna pour des bagatelles. Tant de conjurations, tant de diffé-
rents intérêts à concilier, seront peut-être le salut de l'opéra-co-
mique; tous ces débats lui donnent une célébrité et des protecteurs
qu'il ne devait pas attendre de son mérite.
» — 2S décembre. — Deux fois le Conseil des dépêches
s'est assemblé pour discuter la grande affaire de l'opéra-
comique. A la dernière audience l'archevêque de Paris s'est pré-
senté avec toute la pompe de la prélature comme partie interve-
nante en faveur du spectacle forain. Sa Majesté a été fort étoanée
qu'un prince de l'Eglise devint l'avocat des histrions, qu'il excom-
muniait; elle en a plaisanté. S. Exe. M. le duc de Richelieu est
venu à la charge. — «Ne trouvez pas mauvais, monsieur l'arche-
» vôque, lui a-t-il dit, que les comédiens italiens et l'Opéra-Comique
» vous fassent assigner pour déduire vos raisons. » Notre saint
prélat a paru déconcerté; mais ses raisons étaient qu'un spectacle
de plus produisait un avantage pour les pauvres, à cause du quart
de la recette qu'on prélève. M. le procureur-général et les admi-
nistrateurs des hôpitaux ont appuyé fortement l'instance de mon-
seigneur l'archevêque. Le roi, qui n'est pas autrement attaché à
ce grand projet de réunion, en a marqué son indifférence ; autant
en a fait M. de Choiseul. Cette cause, si importante pour la nation,
sera portée au grand bureau des pauvres, où elle doit être jugée
en dernier ressort demain samedi 26 décembre. Il y a tout lieu
de croire que les choses resteront où elles étaient ci-devant et que
le sublime projet est échoué.
» — 29 décembre. — Grâce à notre saint archevêque, dont la
main apostolique a la puissance de lier et de délier, l'Opéra-Co-
mique, excommunié et béni tout à la fois, restera dans le même
état et, qui plus est, sous la protection de Son Eminence; c'est
une affaire décidée.
,) — 1762, — 12 janvier. — Enfin, enfin, enfin voilà le sort de
l'opéra-comique décidé : la réunion aura son plein et entier effet
au 1" février prochain. — Plus d'opéra-comique aux foires, mais
sur le théâtre Italien pendant toute l'année, à l'exception cepen-
dant de la semaine de la Passion, dans le cours de laquelle on
représentera comme à l'ordinaire, sur le théâtre de l'Opéra-Co-
mique à la foire Saint-Germain, nos petits opéras bouffons pour
l'intérêt des pauvres et l'édification des badauds. »
Abisi fut arrêté encore une fois subitement, brutalement, pour
de mesquins intérêts, cet élan, effet naturel de la concurrence et
de la rivalité, qui entraînait si vite et si haut l'art musical.
Pour ne pas faire trop crier le public, justement froissé de ces
petites intrigues qui troublaient ses plaisirs, pour ne pas le priver
d'artistes qu'il aimait, on incorpora dans la troupe italienne Clair-
val, Laruette, Audiiiot; les demoiselles Nessel et Deschamps.
Bouret et Mlle Luzy furent admis au Théâtre-Français.
Il n'avait donc pas été inutile ce petit théâtre, qui fournissait
des sujets remarquables aux deux grands, et des compositeurs
comme Monsigny et Philidor aux deux scènes lyi-iques qui
restaient !
Mais ce n'était pas assez tourmenter ces artistes, supprimés au
théâtre Italien par l'adjonction des nouveaux, ou jetés sur le pavé
par la suppression de l'Opéra-Comique ; voici les tristes mesures
que l'on prenait encore.
« — 1763, — 13 octobre. — Le roi vient de défendre expressé-
ment et sous DES peines très-graves, à tous comédiens, chanteurs,
danseurs, symphonistes, ses sujets, de sortir de France, sans une
DE PARIS.
171
permission signée du premier gentilhomme de la chambre en
exercice.
» On a de plus écrit aux directeurs de troupes de comédiens,
qui sont dans le royaume, pour leur signifier les ordres de Sa
Majesté.
» On a donné pour raison de ce nouveau règlement que les
personnes attachées au théâtre ayant dans les pays étrangers des
appointements plus forts que l'on n'en donne en France, il arri-
verait qu'au bout de quelques années on manquerait totalement
de sujets aux trois théâtres (1). ».
Voilà comment on favorisait l'art lyrique et dramatique sous
Louis XV, le Bien-Aimé, qui trouvait admirables les fades pasto-
rales de Laujon et Lagarde, chantées par Mme de Pompadour, et
ravissantes les parades épicées de Collé, lorsqu'elles faisaient rire
à gorge déployée Mme Dubarry.
Thomas SAUVAGE.
(La suite prochainement.)
BIBLIOGRAPHIE HDSICÂLE.
ETUDES PRAOTIQUES ȣ STYIjI: VOCA^Ii,
Pat STEPHEN DE LA MADELALNE (2).
11 y a bientôt huit ans, toute la presse musicale retentit des éloges
adressés à un savant professeur, praticien non moins exercé, qui ve-
nait, par un coup hardi et inattendu, de révolutionner l'enseignement
vocal. Ce professeur avait trouvé le moyen, bien simple en apparence,
et cependant inconnu jusqu'à lui, de perpétuer les bonnes traditions de
l'an du chant.
Pour cela, qu'avait-il fait? Une chose bien simple, je viens de le dire,
et qui cependant était un coup de maître, une innovation complète. Il
avait écrit une leçon; c'est-à-dire que, prenant pour texte de ses obser-
vations un air célèbre, il avait annoté cet air période par période, phrase
par phrass, mesure par mesure, indiquant sous chaque fragment, .sous
chaque note, l'inflexion, le caractère, le degré d'intensité qu'il fallait lui
donner. C'étai( une interprétation complète, détaillée, judicieuse, de l'air
en question, tellement complète et tellement détaillée, qu'un élève n'a-
vait qu'à étudier le morceau d'api-ès les observations écrites , à le tra-
vailler dans le sens indiqué, pour s'en rendre maître et le chanter
comme il convient, et cela sans le secours d'un professeur. En un mot,
l'enseignement écrit était substitué à l'enseignement oral, et de ce jour
les vraies traditions de l'art du chant ne devaient plus être perdues,
puisque tout grand artiste pouvait, avec l'aide de la plume, perpétuer
.son enseignement et faire vivre après lui .sa doctrine.
L'homme distingué auquel nous devons ce progrès considérable, est
personne ne l'ignore , M. Stéphen de la Madelaine. Chacun sait, en
effet, qu'en -1860, M. de la Madelaine adressa à l'Académie des beaux-
arts une « leçon écrite » sur l'air d'Agathe, du Freischiilz (qu'il a le tort
d'écrire : Freyschiitz) , et que la section de musique donna à ce travail
l'approbation suivante, confirmée par l'Académie elle-même en séance
générale :
<i L'idée fondamentale de l'ouvrage de M. Stéphen de la Madelaine
nous paraît ingénieuse. Cet ouvrage est une leçon très-développée sur
l'air célèbre du Freischiitz. — L'auteur a écrit avec le plus grand soin
toutes les observations que cet air pouvait suggérer à un professeur ha-
bile, et il substitue ainsi un enseignement écrit et durable à un ensei-
gnement oral et fugitif.
» Cette idée, appliquée aux morceaux de chant des grands maîtres,
aux morceaux qu'on peut nommer classiques, peut fournir le point de
départ d'un enseignement éminemment utile.
» 11 va sans dire que l'élève, pour profiter de ces leçons tout à fait
spéciales, doit être formé à l'exercice du chant et de la vocalisation.
» Quant à l'exécution de cette idée, appliquée à l'air du Freischiitz, la
section a trouvé dans le travail de M. de la Madelaine d'excellens avis
et une connaissance complète du morceau qu'il analyse avec un très-bon
sentiment. »
(\) Correspondance de Favart avec le comte de Diirazzo.
(2) Paris, Albanel, 1868, 2 vol. in-12.
M. .Stéphen de la Madelaine, on le sait, n'est pas .seulement un pro-
fesseur émérite. Chanteur et virtuose distingué, ancien membre récitant
de la musique de Charles X, il a, de plus, fait ses preuves comme cri-
tique, et a dirigé pendant plusieurs années, avec talent, avec goût et
autorité, un journal spécial. Nul n'était donc plus apte que lui, sous
tous les rapports, à marcher dans la voie que lui-même il avait tracée.
Auteur de l'excellent manuel connu .sous le titre de Théories complètes du
chant, tout semblait l'appeler à développer jusqu'au bout .ses idées, et à
faire suivre le travail présenté par lui à l'Institut de plusieurs autres du
même genre.
Il n'a pas manqué à sa lâche, et c'est précisément un recueil de le-
çons écrites sur plusieurs airs célèbres qu'il nous présente aujourd'hui
sous ce titre d'Etudes pratiques de style vocal.
Avant d'entamer les leçons proprement dites, l'auteur présente de très-
bonnes ob.servations sur les divers styles de la musique vocale, lesquels,
selon lui, sont au nombre de six : style tragique, style dramatique,
style comique, style bouffe, style religieux, style pathétique. Il présente
ensuite six leçons très- étendues sur six airs célèbres se rapportiint cha-
cun à l'un des styles caractérises par lui : 1° air d'Agathe, du Freischiitz
(pathétique) ; — 2° air d'Eléazar , de la Juive ( tragique ) ; — 3" air de
Rosine, du Barbier de Sémite (comique); — 4° stances de Rachel, de la
Juive (dramatique); — 5» air de Figaro, des Nozze di Figaro (bouffe); —
6° air de Stradella (religieux). A la suite de ces leçons viennent deux
chapitres très -intéressants, l'un intitulé : Considérations pratiques sur
l'enseignement élémentaire du chant, l'autre traitant de l'esthétique et du
mécanisnje des traits. Enfin, l'ouvrage se termine par un travail assez
étendu et qui en est en quelque sorte indépendant, bien que s'y ratta-
chant par un lien très-étroit, ainsi que l'indique suffisamment son titre:
la Vocale française à notre époque. C'est comme un appendice, fort loin
d'être inutile à l'esprit du livre lui-même.
En ce qui concerne la façon dont sont conçues les leçons ainsi présen-
tées par M. de la Madelaine, il me semble qu'elle est irréprochable. Ses
remarques, ses observations, ses conseils sont on ne peut plus justes, et
je suis convaincu, pour ma part, que les jeunes chanteurs qui auront
recours à son livre n'auront qu'à s'en louer, et à s'en louer considéra-
blement. Mais — il y a toujours un mois, et j'espère que l'excellent pro-
fesseur voudra bien me le pardonner — je ne suis nullement, mais nul-
lement de son avis en ce qui concerne les altérations à apporter au texte
musical. Mon opinion est qu'il faut respecter la musique des maîtres ,
et, quoi que puisse en penser M. de la Madelaine, je la consprverai.
D'abord, je crois que les compositeurs, et les plus grands, ont toujours
écrit leur musique comme ils désiraient qu'elle fût chantée, et je ne
crois pas que les virtuoses leur aient jamais procuré un plaisir bien
complet en modifiant leurs inspirations et en les arrangeant à leur guise.
Selon M. de la Madelaine, les changements que l'on peut apporter au
texte musical sont affaire de goût. D'accord , mais précisément le goût
est chose si rare que je suis peu tenté, en cette question délicate, de m'en
rapporter à l'arbitraire des interprètes. Le goût, o qui est le sentiment
des rapports harmonieux, » comme le disait si justement Halévy dans
une de ces excellentes définitions qui lui étaient famihères, le goût de-
mande à être formé, épuré par une bonne éducation et des études cons-
tantes. Or, il faut bien l'avouer, ce n'est plus malheureusement là le
fait des chanteurs de nos jours, qui, pour la plupart, ne se donnent plus
la peine de faire des études générales, se bornent à dégrossir leur voix
pour pouvoir débuter au plus vite, et se contentent ensuite d'apprendre
leurs rôles avec plus ou moins de conscience. Que jadis , des chanteurs
comme Lays, Laisné, Nourrit, EUeviou, Martin, Solié, Gaveaux, Ga-
vaudan, qui étaient des musiciens accomplis et quelques-uns même des
compositeurs di.stingués, que des artistes de cette trempe .se permissent
de temps à autre, et pour faire briller les meilleures notes de leur voix,
d'altérer accidentellement la pensée du compositeur, d'y ajouter des gru-
petti, des ports de voix, des points d'orgue, cela se comprenait encore
parce qu'ils ne le faisaient qu'à bon escient et avec habileté, non-seule-
ment au point de vue vocal, mais au point de vue technique. Aujour-
d'hui, malheureusement, nous n'en sommes plus là, et nous voyons des
chanteurs parfois bien doués, mais peu soucieux de la situation drama-
tique et complètement ignorants des lois premières de l'art, faire des
changements à tort et à travers, sans intelligence et sans goût, faire en-
tendre des notes étrangères à l'harmonie, placer, par exemple, d'heu-
reuses variations de l'accord de sixte et quarte sur une septième de do-
minante et vice versa, écorcher enfin avec un sang-froid imperturbable
les oreilles des vrais artistes, en même temps qu'ils pervertissent le goût,
le sens musical du public vulgaire. Voilà ce qui me semble fâcheux,
dangereux, malsain, et ce qui tait que sous ce rapport je ne partage
point les idées de M. de la Madelaine.
Cette réserve faite, je ne puis que recommander chaudement, aux
jeunes artistes, et même aux chanteurs exercés, le livre utile et vrai-
ment excellent de M. de la Madelaine. Les uns y trouveront d'excellents
préceptes, des conseils donnés ex professo, dans une langue claire, nette
et élégante; les autres y trouveront matière à d'utiles réflexions, à des
méditations qui ne pourront que leur faire chérir davantage encore l'art
si noble, si délicat et si charmant auquel ils se sont voués. Si les Eludes
472
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
pratiques de style vocal étaient dans les mains de tous les chanteurs, de
tous les professeurs, dans dix ans nos théâtres lyriques seraient trans-
formés.
Arthur POUGIN.
Le 7 juillet dernier, dans notre compte rendu de la distribution
solennelle des récompenses aux exposants, nous proclamions au
nombre des médaillés de la classe X la manufacture de pianos de
Philippe Herz neveu et G'», comme ayant obtenu, seule de la fac-
ture française, (MM. Érard, Pleyel-Wolff et H. Herz s'étant mis
hors concours) la médaille d'or.
Quelques jours plus tard on lisait dans V Indépendance belge :
« En contradiction avec ce qu'on avait dit que la facture française des
pianos avait été vaincue à l'Eiiposition universelle par la facture étran-
gère, j'apprends qu'une médaille d'or a été décernée à MM. P.-H. Herz
neveu et C'°. » »
« Nous avions été des premiers à annoncer que cette unique médaille
d'or accordée à la facture des pianos français avait été obtenue par une
jeune maison dont nous nous sommes plu à constater les progrès. Notre
opinion sur son compte avait d'ailleurs été partagée par tous les écri-
vains de la presse musicale, et par les artistes que celte maison a convoqués
maintes fois, depuis sa création, à l'examen de ses produits; le jury, en
lui donnant cette récompense, n'a donc fait que sanctionner cette opinion,
et la nouvelle en a. été accueillie par l'expression des plus vives sym-
pathies. !>
Cependant, par une série de malentendus aussi regrettables
qu'inexplicables, non-seulement celte médaille d'or, décernée par
le jury international à la majorité de quatorze voix sur quinze, et
pour la réception de laquelle, invitation de la Commission impériale
avait été adressée ;\ [M. Philippe Herz pour la séance solennelle
du 1" juillet, ne lui avait pas été jusqu'à présent délivrée, mais
encore n'avait pas été inscrite au catalogue des récompenses. Nous
apprenons avec plaisir que cette erreur vient d'être réparée à l'en-
tière satisfaction de M. Herz, qu'il a reçu la médaille et le diplôme
conquis par le mérite de sa fabrication, et que dans ce grand
concours international la facture française a repris victorieuse-
ment le rang qu'elle devait occuper auprès de la facture étrangère.
— La maison Ph. Herz neveu n'a donc plus qu'à justifier, en
progressant de plus en plus, la haute récompense dont elle a été
l'objet et l'appréciation si favorable du critique compétent,
M. A. Méreaux, qui s'exprimait ainsi sur son compte dans le Mo-
niteur du 17 avril dernier :
(t M. Philippe Herz neveu. — A ce point de vue, un jeune facteur
dont la fabrique n'a pas plus de quatre années d'existence, M. Philippe
Herz neveu, a rendu un service en adaptant à la mécanique des pianos
obliques le .système du double échappement, et en leur donnant ainsi
l'élasticité favorable à la rapidité de l'exécution, qualité qui jusqu'à pré-
sent avait été uniquement le partage du piano à queue.
» Les pianos de M. Philippe Herz neveu sont habilement construits :
le son est plein et de bonne nature. Les claviers 'sont bien égalisés.
Ces éléments constitutifs des instruments recherchés par les pianistes
sont tout à fait développés dans le piano à queue qu'il a exposé et
et qui de plus est d'une forme très-élégante.
» Le jeune facteur savait bien qu'un débutant n'a pas à se préoccuper des
séductions de l'enveloppe pour présenter ses produits, qui doivent s'a-
dresser aux oreilles bien plus qu'à la vue. Mais il a tenu compte d'une
vérité poclamée par la sagesse des nations, et qui peut s'appliquer à tout :
il en a changé la lettre et suivi l'esprit ; convaincu que si le luxe exté-
rieur ne fait pas le piano, du moins il le pare, M. Philippe Herz a placé
un mécanisme très-soigné dans une belle caisse d'ébène, avec incrusta-
tions et ornements dorés du style Louis XIV. Pour la valeur artistique
de cet instrument, on a pu en juger lorqu'une de nos célèbres pianistes,
Mme Escudier-Kastner, l'a fait si bien valoir dernièrement en exécutant
une fantaisie de Thalberg, un fragment de Mozart et le Torrent de La-
combe.
» Ce début remarquable prouve que le jeune facteur est de ceux qui
« à deux fois ne se font pas connaître,
i> Et pour leurs coups d'essai veulent des coups de maître.»
»En faisant l'éloge de cette manufacture, on n3 doit pas oublier l'habile
coopérateur dont M. Philippe Herz s'est assuré le concours, M. Marcus
Knust, qui a travaillé comme conire-maître six ans chez Érard, douze
ans chez Pleyel et dix-huit ans chez Henri Herz, et qui a été initié ains»
aux procédés des meilleures écoles de facture.
» Les instruments de M. Philippe Herz neveu ont été fort] remarqués de
tous ceux qui s'intéressent sérieusement aux progrès de notre fabrica-
tion nationale; ils le méritaient, et nous ne mesurerons pas nos éloges
et nos encouragements à cette jeune maison qui, de l'avis des connais-
seurs les plus difficiles, a pris du coup place parmi les plus justement
renommées. »
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre Français : Le Coq de Micylle, comédie en deux actes et
en vers, par MM. Eugène Nyon et Henry Trianon. — Odéon :
La Loterie du mariage, comédie en deux actes et en vers, par
M. Jules Barbier.
Nous sommes menacés d'un déluge de pièces dans les théâtres
de drames qui sont presque tous fermés sous prétexte de répéti-
tions générales, mais qui, en réalité, attendent un changement
dans la température torride dont nous souffrons. Les grands
théâtres subventionnés ne se permettent pas ces loisirs, et c'est
chez eux qu'il faut aller chercher notre pâture bi-mensuelle.
Voici d'abord, aux Français, le Coq de Micylle, comédie en deux
actes et en vers, par MM. Eugène Nyon et Henry Trianon. Cette
pièce, d'une contexture exceptionnelle, est basée sur l'idée mysti-
que de la transmigration des âmes. Micylle est un jeune savetier
dont les appétits ambitieux sont incessamment aiguillonnés par le
voisinage de l'archonte Eucrale, un richard inquiet et soucieux.
Il y a de par le monde une jeune esclave nommée Doris qu'il ne
tiendrait qu'à Micylle d'épouser, mais il la dédaigne pour porter
ses vues jusque sur la belle maîtresse d'Eucrate, lequel , de son
côté, voudrait bien toucher le cœur de Doris.
Or, un beau matin, le coq de Micylle vient troubler dans son
sommeil le riche archonte qui, pour se venger, roue de coups le
pauvre savetier. Celui-ci s'en prend à son coq et se met à le
poursuivre; mais, ô surprise! le coq revêt tout à coup une forme
humaine et se présente à Micylle sous les traits de Pythagore. 11
écoute les plaintes de l'artisan , et, cédant à ses désirs , il lui fait
don d'une de ses anciennes plumes, à l'aide de laquelle Micylle
pourra, lorsque l'envie lui en viendra, transporter son âme dans
le corps d'Eucrate, tandis que l'âme de l'archonte entrera dans
son enveloppe.
L'échange a lieu bientôt au gré de Micylle; mais son âme a
pris possession d'un corps débile et goutteux, et il se morfond
vainement en désirs impossibles à assouvir. 11 en est de même
d'Eucrate dont l'intelligence étroite ne sait tirer aucun parti de sa
métamorphose, et qui essaie, sans pouvoir y réussir, de se rendre
Doris favorable. Bref, archonte et savetier reconnaissent à la longue
qu'ils ont eu tort de troquer leurs âges, et ils invoquent la géné-
rosité de Pythagore, qui remet les choses à leur place, à la grande
satistàction des parties intéressées.
Le succès de celte comédie originale n'a pas été un seul instant
douteux, on y a applaudi des vers spirituels et fort bien tournés.
Constatons d'ailleurs que les principaux rôlessont tenusd'une façon
remarquable par Coquelin , Barré , Mlle Edile Riquier et
Mlle Emilie Dubois.
— La comédie nouvelle del'Odéon n'est pas du tout dans les mêmes
eaux; loin de se risquer dans les quintessences de l'allégorie
philosophique, M. Jules Barbier a tout simplement emprunté les
situations de la Loterie du mariage aux réalités de la vie courante.
Etant donné cet aphorisme peu consolant que le mariage est une
loterie, deux individus tarés, et désireux de refaire leur fortune à
tout prix, fût-ce aux dépens du bonheur de leurs enfants, s'adres-
DE PARIS.
173
sent chacun de son côté, à un industriel du nom do Saint-Amour,
dont le métier consiste à faire des mariages plus ou moins bien
assortis. Grâce à ce triste intermédiaire, la (ille de l'un épouse le
neveu de l'autre, non sans quelque résistance de la part delà jeu ne
personne qui se sent sacrifiée à l'ambition de son père.
Quelques mois s'écoulent, au bout desquels nos deux spéculateurs
découvrent qu'ils se sont trompés mutuellement, et alors, il n'est
sorte de manœuvres qu'ils n'emploient pour mettre la zizanie
dans le ménage de leurs enfants. Mais ceux-ci ont appris à se
connaître, à s'apprécier; ils ne sont ni riches, ni titrés, mais ils
s'aiment, donc ils ont eu le bon numéro dans la loterie du mariage.
Cette comédie littéraire n'est pas un début en ce genre pour
M. Jules Barbier, qui a fait déjà ses preuves, non seulement à
rOdéon, mais aussi au théâtre Français. La Loterie du mariage a
été parfaitement accueillie, d'autant mieux qu'elle est jouée avec
beaucoup de talent et d'ensemble par Romanville, Martin, Roger,
Reynald, Mlle Damain et Mlle Sarah Bernhard.
D. A. D. SAINT-YVES.
En annonçant dimanche dernier qu'une souscription, dont le
produit serait consacré à l'érection d'un monument à la mémoire
de feu Edouard Monnais, avait été ouverte chez M. Emile Réty,
au Conservatoire de musique, nous avons omis d'ajouter qu'elle
l'était également dans les bureaux de MM. Brandus et Dufour.
CONCERTS ET ÂDEITIOSS MSICÂLES DE LÀ SESIÂINE.
,;*a, La messe de M. Charles Vervoitte, dont nous avions annoncé la
prochaine exécution, a été chantée le dimanche il mai dans l'église de
Saint-Cloud, devant une assistance nombreuse et choisie. C'est une œu-
vre sur le mérite de laquelle la critique n'a qu'une voix , et que nous
désirons vivement entendre de nouveau pour l'apprécier convenable-
ment. Le ténor M. Hayet, dans les solos de la messe, et Sighicelli, le
sympathique violoniste, dans un charmant offertoire pour violon, ont
beaucoup ajouté à l'intérêt de l'œuvre elle-même ; nous ne devons pas
oublier non plus une dame du monde qui nous a fait grand plaisir en
chantant un Inviolata et un 0 Salutaris de M. Vervoitte.
,t*» Le mercredi suivant, la Société académique de musique sacrée,
dirigée par le même artiste, donnait sa troisième et dernière séance, en
présence d'un auditoire d'élite au milieu duquel nous avons remarqué
S. Em. Mgr Chigi, nonce du Pape, plusieurs hauts dignitaires de l'E-
glise; MM^ Gounod, Benoisf, professeur au Conservatoire, Camille Doucet,
Hamille, Vitet, etc. L'excellente phalange chorale composée d'hommes
et de dames du monde et si habilement disciplinée par M. Vervoitte, a
exécuté deux morceaux de Palestrina, dont l'un (fragment des Lamenta-
tions) peut assurément être mis au nombre des plus belles inspirations
de ce maître immortel, et a été admirablement rendu ; puis sont venus
de très-beaux fragments de la messe des morts de Jomelli, dont Mlle
Roubaud de Cournand a dit le solo avec beaucoup d'ampleur, et un
motet de Cherubini, Inclina, dans lequel se trouve un solo de ténor qui
a été chaleureusement interprété par M. Hayet. — A la séance précé-
dente, un Agnus Dei de M. Vervoitte a été chanté sur la demande de
M. Camille Doucet; ce morceau, d'un très -beau style et oii on sent la
main d'un maître, a produit un très-grand effet.
,% Dimanche dernier l'église de Sèvres célébrait sa mes;e annuelle
au profit de l'hôpital. Cette année, la solennité empruntait une attraction
toute particulière à la présence de deux artistes éminenis, habitanis de
la localité pendant l'été, et qui n'avaient pas dédaigné de prêter leur
concours à cette bonne œuvre : Mme Charton-Demeur et Délie -Sedie.
— On se ferait difficilement une idée de l'effet produit par la magni-
fique voix de Mme Demeur, chantant VAve Maria de Cherubini, un
0 Salutaris de Beethoven, mais surtout l'Inflammalus du Stahat de
Rossini, avec un sentiment, une puissance qui dans tout autre lieu
auraient soulevé des tonnerres d'applaudissements. Les chœurs de ce
morceau étaient dits par l'Orphéon de Sèvres et VAve Maria était accom-
pagné par un jeune artiste d'un très-grand talent, M. Fernandez, de la
Havane, saxophone dans une des musiques de la Garde. — Delle-Sedie
avait choisi l'air de Stradella, tout à fait approprié par son caractère
à la sainteté de la cérémonie et qui rencontrait dans le grand chanteur
un interprète digne de sa beauté. — Mlle Lagrua devait ajouter encore
I à l'éclat du programme; une indisposition subite l'a forcée de s'abstenir.
L'(''gliNe était pleine à ne pas y mettre une personne de plus et la quête
a produit plus de 3,000 francs.
*% Lundi dernier, une foule nombreuse assistait au brillant concert
donné à Notre- D,ime-des-Arls, celte instiluti on artistique et bienfaisante
fondée et dirigije avec tant de dévouement par Mme la vicomtesse d'An-
glars. Les échos du parc de Neuilly ont redit les mngiques vocalises de
Carloîta Patti, qui a chanté l'Eclat de rire, l'air de la Tnmiata et VAve
Maria de Gounod, et qu'on a saluée à cliatiue fois d'un tonnerre d'applau-
dissements. Mlles Mathilde Galitzine et Yvonne Morel, violoncelliste et
violoniste, ont ravi l'auditoire avec des fantaisies de Servais et d'Artot;
Félix Godofroid, le harpiste sans rival, qu'un petit accident a empêché
d'aLhever son morceau, n'en a pas moins été fêlé comme un grand ar-
tiste qu'il est. Des morceaux d'ensemble ont été dits avec beaucoup de
précision et de goût par les élèves.
*** Jeudi dernier, pendant la cérémonie de l'inauguration de la nou-
velle église de Saint-Augustin , une nombreu.se et brillante assistance a
pu constater la sonorité puissante du grand orgue construit selon le sys-
tème électrique Peschard-Barker. Nous reparlerons de ce magnifique ins-
trument après avoir étudié sa construction.
*** Dimanche dernier, dans une matinée musicale donnée chez Sax
par Mlle de Largentière, avec le concours de Mlle Magner et des excel-
lents chanteurs Marcsch et Béraud . on a entendu avec le plus vif plaisir
et chalpureusement applaudi un violoniste hongrois, depuis peu fixé à
Paris et qui se nomme M. Alexandre de Czéké. Il a joué avec une sono-
rité et une ampleur remarquables le Trille du Diable, de Tartini, et une
nouvelle et charmante transcription de l'Ave Maria, de Schubert, par
M. Scherek. Ce violoniste-compositeur vient; de publier : Sérénade et
Boléro de violon, guitare et castagnettes pour violon seul. Sivori s'est en-
gagé à jouer, l'hiver prochain, ce curieux morceau, d'un charme étrange
et qui produit un effet tout à fait nouveau.
^*^ Dimanche prochain, 7 juin, l'église de la Trinité célébrera sa fête
patronale en faisant exécuter solennellement, à 9 heures très-précises, la
Messe militaire en si bémol, composée par M. Alexandre Leprévost, avec
accompagnement de la musique de la Garde de Paris, sous la direction
de MAL Paulus Grisy (maître de chapelle de la Trinité) et l'auteur. Le
grand orgue sera tenu par M. Chauvet, organiste de la paroisse.
,*,j: Rouen a inauguré, dimanche derniei, son exposition régionale par
une imposante .solennité artistique et populaire. Le Concours d'Orphéons
et de Musiques organisé à merveille par M. Amédée Méreaux, avec la
collaboration pratique de M. Delaporte, avait attiré une foule considé-
rable dans l'ancienne capitale de la Normandie. Le défilé des deux mille
chanteurs et instrumentistes de la région a présenté le coup d'œil le
plus pittoresque. Les concours en eux-mêmes ont eu un caractère artis-
tique très-élevé. La fête s'est terminée par un banquet , à la fin duquel
M. le maire de Rouen a remis un souvenir commémoratif à M. Gustave
Chouquet, • poète normand de cette fête normande, » ainsi qu'il s'inti-
tule lui-même dans le compte rendu de ce « tournoi pacifique. » —
M. A. Elwart, auteur du Salut Impérial et de la Marche du Prince Impé-
rial, a été appelé à Rouen pour y diriger, dimanche prochain, avec
M. Dassonville, chef de musique du 96= de ligne , ces deux morceaux ,
qui seront chantés et exécutés devant LL. MM. l'Empereur et l'Impéra-
trice, pendant la distribution des récompenses aux lauréats du grand
Concours régional d'Agriculture. Les Sociétés chorales de la Renaissance
et de Boïeldieu prêteront leur concours aux soldats chanteurs du 96" de
ligne.
^*^ Le concours de musiques qui a eu lieu dimanche 24 mai à Bre-
teuil, a été très-remarquable. Jamais cette charmante petite ville n'avait
assisté à pareille fête. La présence de M. le duc de Mouchy, de M. le
vicomte de Plancy, député ; de M. le sous-préfet de l'arrondissement, des
notabilités du canton, et surtout de M. le baron Taylor qui, toujours in-
fatigable, était venu présider ces luttes fraternelles, accompagné par les
membres du comité des artistes musiciens, rehaussait l'éclat de cette so-
lennité. L'animation qui régnait dans la ville n'avait d'égale que l'en-
thousiasme de la foule qui a applaudi avec le plus chaleureux élan les
discours prononcés par le vicomte de Plancy, M. de Tartigny, M. le
baron Taylor, M. le Maire et M. le duc de Mouchy. Après avoir acclamé
vivement les lauréats des concours, que les membres du jury ont dé-
claré avoir été ttès-satisfaisants, un banquet de 80 couverts, dans lequel
plusieurs toasts ont été portés, a couronné cette belle fêle de l'harmonie
qui s'est prolongée fort avant dans la nuit, et dont la ville de Breteuil
gardera un long souvenir.
**, Ainsi que nous l'avons dit, c'est aujourd'hui même qu'a lieu, dans
les magnifiques salons de Bade, le premier concert de la saison, et ils
sont inaugurés par le charmant trio des enfants Fremaux. M. Dupres-
soir ne pouvait choisir un plus agréable prélude aux fêtes dont il a
donné le riche programme.
»** Au Pré-Catelan : Promenades-Concerts dans ce beau jardin, Mu-
siques militaires, Concerts d'harmonie, Bals d'Enfants, Courses et Repré-
174
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
senlations dramatiques au Tliéâtre des Fleurs, unique en Europe, par
une troupe d'élite, sous la direction habile d'un imprésario de mérite.
— Musée Aérostatique et Palais des Colibris.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^•* Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et mercredi Guil-
laume Tell, et vendredi la Muetle de Porlici avec Giselle.
**» Mme Gueymard, rétablie, a repris part aux répétitions d'Hcrcula-
nuni, dont les trois premiers actes ont été répétés en scène. — C'est
Mlle Granzow qui, dans le grand divertissement du troisième acte, dan-
sera le rôle créé par Emma Livry. — La première représentation sera
donnée dans la première quinzaine de juin.
**, Les débuts de Mlle Hisson sont prochains. On dit beaucoup de
bien de celte jeune Suédoise, élève, — comme Mlle Nilsson,— de l'excel-
lent professeur Wartcl, qui lui a donné tous ses soins. On ne peut que
lui souhaiter la réussite de sa compatriote.
:^*^ Trois danseuses de l'Opéra : Mlles Marie Sanlaville, Ricois et Thé-
résa Nini quittent notre première scène lyrique.
5,.*^A la suite d'une imprudence commise par le baryton Melchissédec,
et qui momentanément le tient éloigné delà scène, la direction de l'Opéra-
Comique a engagé Barré, qui s'était l'ait tort remarquer au théâtre Ly-
rique par sa jolie voix, sa distinction et son talent de comudien, et elle
lui a confié le rôle do Bellamy dans les Dragons de Villars, qui devait
être joué par Melchissédec.
**,,<. La première repré-sentation des Dragons de Villars est fixée à vendredi
prochain. Maillart assiste à chacune des répétitions et se montre enchanté
des artistes. — Ce n'est pas du reste d'une simple reprise qu'il s'agit
ici; c'est de l'apparition sur notre seconde scène lyrique et dans de tou-
tes nouvelles conditions d'une œuvre devenue populaire et qui occupera
désormais une place distinguée au répertoire. Le. direction en a jugé ainsi
en la montant avec tout le luxe d'un ouvrage nouveau et en en confiant
l'interprétation à Mme Galli-Marié, dont les succès constants, le genre de
talent et le physique semblaient offrir le type accompli de Rose Friquet;
à Mlle Girard, l'une des meilleures artistes de la création, et en les en-
tourant des sujets les plus distingués de la troupe. — C'est donc une nou-
velle existence qui s'ouvre pour l'œuvre d'Aimé Maillart, et elle ne paraît
pas devoir être moins longue et moins brillante que celle qu'elle a déjà
fournie au théâtre Lyrique.
»% MM.deLeuven et Ritt préparent du reste les éléments d'un riche pro-
gramme pour la saison prochaine. Aussitôt après l'apparition des Dragons de
FiWors, la pièce en trois actes de MM. de Saint-Georges et de Leuven, musique
de Flotow, /'Omftj'c entrera en répétition et sera jouée une des premières.
Viendront ensuite, selon que l'une ou l'autre sera la première prête, le
nouvel opéra d'Auber: Rêoe d'amour, de MM. Dennery et Corraon dont le
premier acte est déjà fait, ou l'opéra d'Offenbach. — Enfin ils ont reçu
ces jours-ci un ouvrage en trois actes de MM. .Iules Sandeau et de Saint-
Georges, dont la musique a été confiée à M. François Bazin.
^*, Rien n'est encore décidé au sujet du théâtre Lyrique. M. Martinet
est jusqu'à présent le candidat qui a le plus de chances; toutefois, bien
des ditÂcultés sont encore à aplanir; on s'occupe en attendant avec ac-
tivité de l'inventaire et de l'estimation du matériel.
^*;f Hier a eu lieu au théâtre des Fantaisies-Parisiennes la d™ repré-
sentation de l'Amour mouillé de J. Barbier et Hartog; nous en rendrons
compte dimanche. Ce sera vraisemblablement la dernière nouveauté,
jouée à ce théâtre, qui doit fermer le 18 juin pour livrer le local aux di-
recteurs du théâtre du Palais-Royal qui — comme on le sait — vont
y installer leurs pénates.
^'^ Fleur-de-Thé vient d'atteindre sa cinquantième représentation sans
que son succès se soit démenti.
^*^ M. Busnach vient de traiter avec M. Letellier, directeur du Théâtre
de la Monnaie, à Bruxelles, et M. Desfossez, directeur du théâtre du
Havre, pour y aller jouer Fleur-de-Thé avec les artistes de l'Athénée.
i^*^ Xous apprenons que la nouvelle direction du théâtre des Boulîes-
Parisiens a choisi pour chef d'orchestre M. Constantin, qui a fait si bril-
lamment SCS preuves au théâtre des Fantaisies-Parisiennes. Cette nouvelle,
que nous donnons comme certaine, met à néant celle qui avait désigné
M. Varney comme appelé à ces fonctions. M. Varney reste chef d'or-
chestre à Bordeaux où il dirige l'école de musique de la société Sainte- Cé-
cile et l'orchestre du Cercle philharmonique.
5S.** On se rappelle que la Grande-Duchesse, traduite en anglais , fut
représentée l'an dernier sur la grande scène de Covent-Garden . et que
les Anglais prirent grandement goût à ce genre fantaisiste. Un imprésa-
rio bien connu par ses hardie.sses, M. Raphaël Félix, entreprend aujour-
d'hui de faire connaître aux Ang'ais le répertoire d'Offenbach en fran-
çais et tel qu'il est joué à Paris. 11 va donc donner au Théâtre-Saint-
James une série de représentations, pour lesquelles il a formé une
excellente troupe et dont il n'a pas marchandé les frais. On en jugera
par le chiffre de l'engagement contracté par lui avec Mlle Schneider, à
laquelle il assure la bagatelle de 56,000 francs pour 28 représentations!
Elle jouera spécialement la Grande ■ Duchesse , Barbe-Bleue et la Belle
Hélène. Bonne chance- à M. Raphaël Félix.
**^ Après l'ovation faite à Varsovie à Mlle Artôt, la célèbre cantatrice
n'avait pu refuser à ses admirateurs la promesse de donner une repré-
sentation de plus. Cette représentation a eu lieu, en effet, et a vu se
renouveler les ovations de la soirée à bénéfice. Cette fois, Merelli a eu sa
part de succès; on l'a redemandé sur la scène jusqu'à deux fois et
applaudi à outrance, pour le remercier d'avoir fait connaître, à Moscou,
un talent aussi remarquable que celui de Mlle Artôt.
*** M. Montaubry obtient en ce moment à Genève un immense suc-
cès. Dans le Postillon de Lonjumeau, il a été acclamé et rappelé plu-
sieurs fois.
^*.^ Mnrlha vient d'être représentée à Poitiers avec son succès habi-
tuel : on y a beaucoup applaudi Mme de Joly et ses admirables voca-
lises.
^*^ 11 résulte du Rapport adressé aux auteurs dramatiques par leur
comité, que le total des recettes brutes des Théâtres pour l'année 1867-
1S6H a été de 17,128,450 francs. — L'augmentation des recettes a été pour
l'Opéra de 612,368 francs; pour l'Opéra-Comique de 570,073 fr.; pour le
Théâtre-Lyrique de 264,693 francs.
NOUVELLES DIVERSES.
*** Les religieux du monastère de la Grande-Chartreuse, sur la de-
mande qui leur a été adressée par M. Jules Moneslier, de Lyon, —
jeune compositeur dont le nom et les œuvres ont acquis parmi les or-
phéons une notoriété légitime, — viennent de faire farvenir à la Commis-
sion d'organisation du Concours musical de Grenoble une médaille d'or
destinée à être décernée comme premier prix à l'une des Sociétés cho-
rales entrant en lice le IG août prochain. Les statuts de leur ordre s'op-
posant à des dons de cette nature, les RR. PP. Chartreux, n'ont pu offrir
qu'à titre exceptionnel cette médaille aux fêtes artistiques de Grenoble,
pour témoigner de leurs sympathies envers les phalanges nmsicales qui
se réuniront dans cette ville, voisine de leur Retraite, ainsi que l'intérêt
qu'a su leur in.'ipirer l'œuvre, éminemment moralisatrice, du chant cho-
ral populaire. Ce don sans précédent et qui ne se répétera plus, par des
raison» majeures, sera vivement apprécié des Sociétés orphéoniques qui
ont adhéré et qui participent au Concours solennel de l'Isère, dont les
récompenses, au surplus, représenteront une valeur considérable.
V** A la suite d'une séanccdes plus orageuses, l'assemblée générale des
auteurs et compositeurs dramatiques a élu cinq nouveaux commissaires:
ce sont MM. Victorien Sardou, Emile Jonas, Brisebarre, GondinetetMaquet.
MM. E. de Girardin et Th. Seniet ont été nommés membres suppléant?.
— La Commission se trouve donc aujourd'hui composée de MM. Edmond
About, JulesAdenis, Emile .Augier, Edouard Brisebarre, Ferdinand Dugué,
Alexandre Dumas fds, Paul Féval, Edmond Gondinet, Gounod, Emile
Jonas, Labiche, de Najac, Auguste Maquet, de Saint-Georges et Victorien
Sardou. et de MM. Emile de Girardin et Th. Semet, membres supplé-
ants, et elle a composé son bureau comme suit : Président :
M. de Saint-Georges ; — Vice-Présidents : MM. Auguste Maquet, Edmond
About et Ferdinand Dugué; — Secrétaires : MM. E. de Najac et Jules
Adenis; — Trésorier : M. Paul Féval; — Archiviste : M. Edmond
Gondinet. — Ces nominations ont été faites à l'unanimité.
^"^ Par arrêt récent du tribunal civil de la Seine, les billets dits de
faveur, sans date et ne portant que l'indication d'une diminution sur le
tarif du prix des places, n'engagent pas les administrations théâtrales
qui les émettent à fournir des places à la première demande.
S. M. la reine
*** Notre confrère M. E. Gérard vient de recevoir
d'Espagne la décoration de l'ordre de Charles 111.
^** Le maestro Rossini a quitté Paris pourprendre sa résidence d'été à
Passy.
,** Une belle édition à'Hamlet , la remarquable partition d'Ambroise
Thomas , vient de paraître au Ménestrel pour piano seul, transcrite par
G. Bizet, qui avait déjà tenu à honneur de transcrire l'opéra de Mignon,
du même auteur. La partition piano solo comme celle piano et chant
d'Hamlet, brillera sur tous les pianos des artistes et des vrais amateurs
de musique. Hamlet et Mignon sont de ces œuvres qui marquent au
répertoire lyrique, et dont la place est assurée dans toutes nos biblio-
thèques musicales.
DE PARIS
t7S
**,0n écrit de Toulouse : « La béncdiclion et l'inauguration de l'orgue
de chœur dont le gouvernement vient de doter la cathédrale avaient
attiré jeudi dernier l'élite de la société toulousaine. Mgr l'archevêque,
M. le préfet, le général de Goyon et autres hauts fonctionnaires as-
sistaient à cette céiémonie pendant laquelle M. Ch. M. Wiilor , de Lvon,
organiste du plus grand talent, a fait entendre ce magnifique insirunient
sorti des ateliers de M. A. Cavaillé-Coll. Le public parisien avait déjà
pu apprécier dans la chapelle du Parc, pendant l'Exposition universelle
de 1867, cet orgue classé hors coTicoiirs par le jury international. »
»** Nous sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs et aux amateurs
de bonne musique que M. Hubert Rolling, compositeur distingué et pro-
fesseur de piano à la .Nouvelle-Orléans va incessamment faire paraître
une nouvelle oeuvre, qui est au moins égale comme mérite à son der-
nier morceau l'Appel à Dieu.
»*t Dans sa dernière traversée de New-York au Havre, le Saint-Lau-
rent, steamer de la Compagnie transatlantique, avait à son bord le ténor
Pancani. Bientôt reconnu par les nombreux passagers, le célèbre artiste
dut donner un concert improvisé, dont le produit assez élevé a été remis
à la Société générale de Sauveliige des naufragés.
,** Camille Sivori vient de partir pour Gênes, sa ville natale, pour y
prendre un peu de repos. On y bâtit en ce moment une salle de concert
pouvant contenir 3,000 personnes et qui sera appelée Salle Sivori. Une
dépuîation rie la municipalité s'est rendue chez lui pour lui de-
mander l'autorisation d'attacher son nom à ce monument. Cette nou-
velle salle, ainsi que le Grand-Théâtre Sivori, seront inaugurés le 20
décembre prochain; il va sans dire que le célèbre parrain sera de la
fête.
,% D'après les journaux de la Plata, le choléra aurait épargné les
artistes de la troupe française de Buénos-Ayres. Ils annoncent également
que MM. Coedès, Hoffmann, etc., ont résilié leur engagement avec le
directeur, M. d'Hôte.
**, Nos lecteurs apprendront avec plaisir que la santé d'Hector Ber-
lioz, qui a donné des inquiétudes, est maintenant presque complètement
rétablie.
,** On annonce le mariage de M. Ludovic Halévy avec Mlle Louise
Bréguet, fille du célèbre ingénieur-mécanicien.
*''* On annonce la mort, à Leipzig, d'un des principaux éditeurs de
musique de cette ville, Jules Kistner, qui remplissait en même temps
les fonctions de membre du Conseil de direction des Concerts du Gewand-
haus. Les artistes perdent en lui un ami dévoué et éclairé. Il était âgé
de 63 ans, et gérait seul sa maison de commerce depuis la mort de son
frère Frédéric arrivée en 1844.
ÉTRANGER
,j*j Londres. — Mme Lucca, rétablie d'une courte indisposition, a
chanté pour la première fois de la saison la Favorite ; depuis Giulia
Grisi on n'avait point entendu une aussi admirable Léonore. Âlario, trahi
quelquefois par sa voix, mais se relevant de temps à autre par de su-
perbes élans, chantait Fernand. — A Drury-Lane, Mlle Nilsson a abordé,
mardi pour la première fois, TMcie de Lammermoor; elle en a fait une toute
charmante impersonalion, dont les traits principaux sont la simplicité et
la distinction. Mongini chantait Edgard. — Arditi, le célèbre chef d'or-
chestre de Her Majesly's Opéra, a donné lundi son grand concert annuel.
Tous les artistes du théâtre, célèbres ou non, auxquels il faut ajouter
MM. Cowen, pianiste, Carrodus, violoniste, et le grand violoncelliste
Piatli, avaient été appelés à défrayer le programme et quel pro-
gramme! Trente-cinq morceaux do musique! C'est à 6 heures du
soir seulement qu'il a pu être épui.sé, le concert ayant commencé àdrux.
Le courage de celle légion de virtuoses n'a vraiment d'égal que la
longanimité du public anglais. — Le 20 juin, concert deJules lîoncdict,
dans les mêmes proportions ; on y entendra Mlles Patti, Nilsson, Tieljens
et Kellogg. — On a pu compter cette semaine jusqu'à dix-sept concerts
en moyenne par jour.
»*4 Bade. — Mme Pauline Viardot va faire représpnt(T prochainement
une troisième opérette de sa coniposiiion, l'Oyre, dont le libretio, em-
prunté à un charmant conte de fées, est de Tourguénielf, le célèbre ro-
mancier russe. Elle s'est ré.servé un des principaux rôles; les autres
seront remplis par ses enfants et ses élèves. La preujière représentation,
à laquelle doit assister la reine de Prusse, aura lieu à la villa Tourgué-
nieff; mais pour satisfaire à l'avenir aux nombreuses domaudes d'admis-
,sion qu'on lui adresse de toutes parts, la célèbre cantatrice se propose
d'ériger un théâtre pour son usage personnel, auprès de sa maison de
campagne .
,*» Mannheim — On a représenté un nouvel opéra, Ruy-ntas, de Zen-
ger.
**^ Berlin. — Une jeune cantatrice berlinoise, Mlle Schrœtter, encore
novice dans la carrière théâtrale, a débuté à l'Opéra par le rôle d'Alice
de liobert le Diable. Bien douée du côté de la voix, elle a encore à ap-
prendre pour être à son aise dans le grand répertoire. On l'a d'ailleurs
bien accueillie. — L'Œil crevé, de Hervé, a été représenté sous le titre
de Fleur de noblesse au théâtre de Friedrich-Wilhelmstadt, et sans au-
cun succès.
»** Prague. — Un nouvel opéra en trois actes, du chef d'orchestre
Smetana, Dalibor, a été donné avec succès au Neustœdter Theater.
^*t New-York. —On vient de représenter pour la première fois les
Dragons de Villars (la Clochette de l'Ermite); c'est une victoire de plus
à mettre à l'actif du charmant et poétique ouvrage d'Aimé Maillart.
Mme L'Arronge-Sury, qui avait choisi cette soirée pour son bénéfice,
s'y est montrée chanteuse et actrice accomplie, et son mari a partagé
son succès.
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Op. 83 . (Publiées par Jefferys, à Londres.) Op. 83 .
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DE FEE A. CHAH «ï c-, »UK BEIlfiEIIE, 50, A PAEIS.
BUREAUX A PARIS ■• BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
55' Année.
ON S'ABONNE:
Dans les Déportements et ô l'Étranger,
chez tous les Marchands do Musique, k's Libraire»,
et aux Bureaux def. Messageries et des Postes.
N" 23.
REVUE
7 Juin i868.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paria -''i r. par an
Dépaptements, Belgique et Suisse.... 'M » id.
Étranger 3i » i(L
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Tliéâtre impérial de l'Opéra-Comique : les Dragons de Villars,
opéra-comique en trois actes, paroles de MM. Lockroy et Cormoo , musique de
M.Aimé Maillart, par Paul Bernard. — Théâtre des Fantaisies-Parisiennes:
l'Amour mouillé, opérette en un acte, paroles de MM. J. Barbier et A. de Beau-
plan, musique de M. Edouard de Hartog. — Études sur Charles-Marie de Weber
(troisième partie, 3' article), par Edmond IVenkomm. — Application de
l'électricité aux grandes orgues, par Em. lUatbiea de Uonter. — Festi-
val de Cologne. — Revue bibliographique, par Arthur I*oai;in. — Con-
certs et auditions musicales delà semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques .
— Nouvelles diverses. — Annonces.
THÉÂTRE mPÉRIÀL DE L'OPERÂ-COmOUE.
IiGS »RA«OIVS DE TIIiliABS,
Opora-cojnique en trois actes, paroles de MM. Lockroy et
CoRMON, mvsiqve de M. Aimé Maillart.
(Première représentation, à ce théâtre, le 3 juin 1868.)
Depuis longtemps déjà les Dragons de Villars forment un régi-
ment bien connu du public ; les cadres du succès en font foi.
Casernes d'abord au théâtre Lyrique, ils ont ensuite effectué de
nombreuses campagnes, tant en France qu'à l'étranger, courant de
victoire en victoire, toujours choyés, toujours rappelés, s'arrêtant
partout oïl un théâtre pouvait leur donner l'hospitalité et payant
cette hospitalité par les bienfaits de leur fructueuse présence. Au-
jourd'hui c'est la salle Favart qui, leur ouvrant ses portes à deux
battants, préside à leur nouvelle carrière parisienne en donnant à
cette reprise toute la solennité d'une première représentation. Les
Dragons de Villars n'ont jamais été ingrats; ils ne le seront pas
davantage pour MM. de Leuven et Ritt qu'on peut considérer main-
tenant comme les chefs de ce régiment fortuné, car désormais
la prise de possession est bien et dûment établie ; c'est d'ailleurs
justice que cette charmante partition qui a couru le monde jus-
qu'en Amérique, qu'une œuvre d'un mérite aussi réel destinée à
alterner brillamment avec les pièces consacrées du répertoire de
l'Opéra-Comique, prenne désormais sur la seconde scène lyrique le
rang honorable qui lui était assigné.
Comme pièce et comme musique c'est une œuvre franche, net-
tement conçue, heureusement exécutée. La donnée en est intéres-
sante, le personnage de Rose Friquet y jette une couleur fort ori-
ginale, les scènes s'y développent avec habileté, les situations
musicales y abondent ; voilà plus qu'il n'en faut, certes ! pour pro-
duire ce type d'opéra-comique qui va se perdant tous les jours.
Quant à la musique, elle est pleine de vie, d'élan, de charme et
de passion; les parties bouffes pétillent de gaieté; l'orchestre y
est traité de main de maître; la clarté, ce flambeau de la forme,
préside à toute la partition; le sentiment scénique ne faillit jamais;
la mélodie y règne en souveraine et avec l'insouciance d'une jeu-
nesse qui déborde. En un mot, c'est l'œuvre d'un musicien con-
sommé, l'œuvre d'une nature virile et passionnée, l'œuvre d'un
poëte, mais non pas d'un rêveur. Je ne crains pas d'ajouter : c'est
le chef-d'œuvre de M. Maillart.
Il me semble fort inutile de faire l'analyse d'un livret qui se
trouve excessivement connu. A ceux qui n'ont jamais vu les Dra-
gons de Villars je dirai seulement que c'est une pièce*'militaire et
pastorale, un peu dramatique, parce qu'il s'agit de faire passer la
frontière à de pauvres proscrits de la guerre des Camisards. Sur ce
terrain généreux se rencontrent, mus par le mème'Çentiment, un
jeune garçon de ferme et une jeune paysanne qui passe pour laide ;
il faut croire cependant que la beauté de l'âme se reflète sur le
visage, car un bon mariage couronne le dévouement des deux
jeunes gens, au grand désappointement des autres filles du village,
qui toutes jetaient leur dévolu sur le beau Sylvain. Joignez à
cela de brillants uniformes lutinant les fillettes et faisant trembler
les maris, la cloche d'un ermite, qui soi-disant ne sonne que pour
avertir ces derniers d'un mécompte matrimonial, et vous com-
prendrez la réussite d'une pièce tout à la fois gaie, intéressante,
bien charpentée et essentiellement musicale.
Comme au théâtre Lyrique, il y a dix ans, et comme partout
du reste, le second acte a paru le plus riche de la partition, sans
ôter aux deux autres, bien entendu, leur large part de belles et
bonnes choses. C'est en effet dans le second acte que se trouvent
le délicieux duo: Moi, jolie ? une pastorale adorable de couleur et
de sentiment, un trio scénique très-développé dont la cloche de
l'ermite est le principal mobile, et enfin le chœur mystérieux
des proscrits, qu'on a déjà trouvé dans l'ouverture et qui me
178
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
paraît une belle et réelle inspiration. Dans les deux autres
actes citons avant tout l'air d'entrée de Rose Friquet et son grand
air du troisième acte : Il m'aime! morceau type par excellence
que pas une chanteuse n'ignore, que les concours du Conserva-
toire ont adopté, et qui, dans les concerts, rivalise avec les plus
connus. N'oublions pas, au premier acte, la ravissante romance
de Sylvain : Ne parle pas, Rose, je t'en supplie; les spirituels cou-
plets de l'ermite, avec leur refrain iinitatif, et un très-joli chœur :
Heureux enfants de la Provence. Les chœurs, du reste, tiennent
une large place dans cette riche partition et sont tous fort réussis.
Je tiens à citer celui du troisième acte : Vous savez la nouvelle,
daiis lequel le dialogue des hommes et des femmes est très-pitto-
resquement et très-heureusement agencé.
En suivant pas à pas la partition des Dragons de Villars, depuis
la pi'emière note de l'ouverture jusqu'aux derniers accords du final
du troisième acte, qui renferme le magnifique cantabile : U m'ac-
cuse , il me croit coupable, il n'y a qu'à louer d'un bout à l'autre,
et le public l'a montré l'autre soir par ses applaudissements réi-
térés. C'est une musique essentiellement vivante, un peu bruyante
parfois, mais agréable quand même. Cela pourrait passer pour
de l'exubérance de force et de santé ; c'est évidemment une ques-
tion de tempérament. La muse de M. Maillart est une belle brune
à la riche carnation et aux vives couleurs. Certains préfèrent les
blondes, mais il en faut pour tous les goûts.
Moi qui ne déteste pas les demi-teintes, je vais vous dire mon
passage de prédilection dans tout l'ouvrage. C'est le commence-
ment du duo d'amour au second acte. Sylvain demande à Rose de
s'attifer un peu plus parce que, mal mise comme elle est, on ne
s'aperçoit point qu'elle est jolie. « Moi, jolie'? » s'écrie-t-elle, et une
phrase délicieusement accompagnée par les violons en sourdine
se pose sur ces paroles. Il y a dans ce simple passage une poésie
adorable et un sentiment exquis.
L'interprétation a été vraiment remarquable. L'orchestre et les
chœurs se sont distingués, les décors sont fort beaux, surtout
celui du second acte, la mise en scène est très-soignée. L'effet
général a été que la pièce se trouve à l'Opéra-Comique beaucoup
mieux dans son cadre qu'au théâtre Lyrique et qu'elle y gagne un
résultat d'ensemble incontestable.
Mme Galli-Marié, par la nature même de son talent, était pré-
destinée au rôle original de Rose Friquet. Elle en a fait une
création qui lui sera comptée à côté de ses meilleures. Impossible
d'être plus espiègle, plus capricieuse, plus fantasque, de lancer le
trait avec plus de malice, d'être plus dramatique à l'occasion,
plus touchante quand il le faut, de mieux jouer, en un mot, ce
personnage multiple et coloré. Elle a dit le duo d'une façon déli-
cieuse et a chanté son grand air en artiste de bonne école. Comme
dans Mignon, Mme Galli-Marié sera la pierre de touche, le centre
attraclif des Dragons de Villars. Son costume, d'ailleurs, rappelle
beaucoup celui de Mignon. Il faut cependant encore un peu de
coquetterie dans ce réalisme ; à ce point de vue, nous conseille-
rions à Mme Galli-Marié de changer sa coiffure.
Mlle Girard a créé, au théâtre Lyrique, le rôle de Mme Thibaut.
Elle a retrouvé tous ses effets et tous ses succès d'autrefois. Les
couplets de l'ermite lui ont valu un bis. Elle a joué très-finement
et très-alertement le personnage de la coquette fermière.
M. Lhérie s'est distingué dans sa création de Sylvain. Savez-
vous que ce jeune homme pourrait bien devenir un fort bon
ténor? Sa voix est pure et agréable; il commence à bien phraser,
il a de la chaleur et un grand fonds de bonne volonté. Seule, sa
diction laisse à désirer. Qu'il cherche à se rectifier sous ce
rapport, et nous lui prédisons de l'avenir. II a dit sa première
romance avec infiniment de goût et de charme, aussi a-t-il été
chaleureusement applaudi.
M. Barré, qui a été engagé pour remplacer Melchissédec tombé
malade, nie semble une excellente acquisition pour l'Opéra-Comi-
que. Il a appris le rôle du dragon Belamy en quinze jours et s'en
est tiré à son plus grand honneur. Sa voix est fraîche, il chante
agréablement, joue avec intelligence et possède un physique très-
avantageux, ce qui ne nuit jamais. On a redemandé sa chanson à
boire du troisième acte, qu'il avait fort bien dite.
Quelle habitude de la scène il a, ce brave M. Ponchard! On ne
peut vraiment pas dire le contraire. Il remplit le rôle du fermier
Thibaut avec un excès de zèle souvent couronné de succès.
On le voit, l'ensemble est on ne peut plus satisfaisant et double
l'effet d'une pièce excessivement amusante, rehaussée d'une musi-
que délicieuse. C'est plus qu'il n'en faut pour attirer la foule, et
pour que les Dragons de Villars élisent garnison définitive dans la
salle hospitalière de l'Opéra-Comique.
Paul BERNARD.
THËATRE DES FÂNTÂISIES-PÂRISIENNES.
li'AHOUB llIO(JIL.L<Ë,
Opérette en un acte, paroles de MM. ,T. Barbier et A. de
Beauplan, musique de M. Edouard de Hartog.
(Première représentalion le 30 mai 1868.)
Le directeur des Fantaisies-Parisiennes va, dans quelques jours,
procéder à sa fermeture d'été, qui sera définitive, si l'on s'en
rapporte à certains bruits d'après lesquels M. Martinet, prenant
en main une plus vaste entreprise, céderait la place au théâtre du
Palais-Royal. Donné dans les conditions qui lui sont faites par ces
éventualités diverses, l'Amour mouillé nous paraît donc avoir contre
lui toutes les chances les plus défavorables.
Nous devons, du reste, constater que celte petite pièce n'a pas
l'importance qui s'attache d'ordinaire à une nouveauté. Si la mu-
sique de M. de Hartog n'a jamais servi, en revanche la prose de
MM. Barbier et de Beauplan a défrayé déjà un vaudeville joué, sous
le même titre, au Gymnase, en 1850. En ce temps-là, c'est-â-dire
il y a dix-huit ans, ces Messieurs avaient pour collaborateur
M. Michel Carré, et leur pièce était interprétée par Lafontaine,
Lesueur et Mlle Mila.
Quoique cette Muette ait un peu vieilli dans la forme, elle con-
serve néanmoins un arrière-parfum de grâce qu'elle doit à l'éter-
nelle jeunesse de l'ode charmante d'Anacréon, à laquelle elle est
empruntée, et qui n'a rien perdu de ses agréments pour avoir été
traduite en vers naïfs par l'inimitable auteur de Joconde.
Nous supposons que c'est cette traduction qui a séduit M. de
Hartog; car il en a fait le principal motif de sa partition, et il a
placé ce motif, non-seulement dans le corps de la pièce, mais
aussi dans l'ouverture. Il est d'autant plus remarquable que le com-
positeur a eu la singulière idée de le traiter en fugue. Nous n'a-
vions pas besoin de cette preuve pour savoir que M. de Hartog,
pianiste distingué, était en outre un excellent harmoniste. Nous
lui reprocherons même d'avoir trop sacrifié à cette tendance, et
d'avoir noyé de très-bonnes intentions mélodiques dans une trop
grande recherche d'orchestration. Cependant nous louerons sans
réserve un fort joli trio dont la phrase principale ne manque ni
d'élan ni de franchise.
N'insistons pas davantage sur cette opérette, destinée à vivre si
peu, et qui s'est nécessairement ressentie des circonstances dans
lesquelles a eu lieu son interprétation in extremis. Nous voudrions
pouvoir féliciter les artistes qui en sont chargés, mais nous ne
trouvons sous notre plume que le nom de Barnolt, qui a fait, dans
ces derniers temps, de réels progrès.
D.
DE PARIS.
179
ETUDES SUR CHÂRlES-lBÀRie DE WEBER,
D'après la biographie écrite pur son flls.
TROISIÈME PARTIE,
(3« article) (1).
Certes Weber avait des loisirs, mais ces loisirs, qu'il n'avouait
pas, il ne les consacrait pas à la nausique. Pour être grand ar-
tiste et grand maître, on n'en est pas moins homme , et Weber
était amoureux et fiancé. Le moment approchait où le calme
allait succéder aux grandes émotions de sa jeunesse , et ce mo-
ment, il l'appelait de tous ses vœux et il se multipliait pour en
hâter la venue ; il sentait que de son établissement à Dresde dé-
pendait le oui ou le non de sod bonheur; aussi travaillait-il de
toutes ses forces à s'imposer, de par son talent et son activité,
à cette cour indifférente, pour ne pas dire hostile, de qui tout
son avenir dépendait ; mais aussi, avec quel amour il préparait ce
bonheur tant souhaité, avec quelle joie il s'occupait des moin-
dres détails de son installation future, pensant à tout, veillant
à tout. Un jour il mande à sa fiancée : « Je vois un écriteau,
appartement à louer, au troisième, hum!... au troisième !... j'entre
cependant, et, tu me croiras si tu veux... l'escalier était si propre
que je me prends d'une belle aflection pour l'appartement et que
je cours, pour le louer, chez le propriétaire qui demeure hors
la ville... » Puis, dans d'autres lettres, ce sont des projets de bud-
gets, des indications de mesure pour les rideaux, pour les tapis,
des plans de l'appartement, etc., puis aussi les prix des denrées,
le tarif de la blanchisseuse, en un mot un budget complet. « Ce
que tu m'as raconté de la Flûte enchantée m'a ravi, écrit-il dans
une de ses lettres à Caroline Brandt; et dire que tu vas perdre
toutes tes belles plumes, comme Papagena, que tu vas troquer le
velours et le satin contre le tablier de cuisine ; que dorénavant les
estomacs alïamés seuls t'applaudiront, la cuisinière seule te rappel-
lera, ton Charles seul te redemandera da capo pour chaque baiser
que tu lui donneras. »
Weber était heureux, et il remerciait le sort qui lui réservait un
si doux avenir ; on s'imaginera donc sa joie lorsqu'il reçut du
comte Vitzthum la mission de se rendre à Prague pour y faire des
engagements; comme on pense bien, ses préparatifs ne furent
pas longs, et le soir môme il s'élançait dans la voiture de voyage,
le cœur débordant de glaisir et d'amour. Le postillon n'attendait
plus que le signal du départ pour faire claquer son fouet et don-
ner de l'éperon à son cheval, quand on remit au maître une let-
tre...; cette lettre lui annonçait la faillite d'une maison de ban-
que oîi étaient placées toutes ses économies, ainsi que celles de
sa fiancée. Le coup était rude; cependant il se rejeta en arrière
et donna l'ordre de partir. Il fondit alors en larmes et le chagrin
prit la place du bonheur, son compagnon de voyage présumé. Il
était ruiné, mais il calcula qu'en ramassant tout ce qu'il possé-
dait il lui restait encore assez pour remplacer, sans lui en rien
dire, la somme qui appartenait à Caroline Brandt; de sorte qu'elle
ignora pendant longtemps le malheur qui avait frappé à leur
porte; ce ne fut que dix ans plus tard qu'elle connut la vérité.
Dès son arrivée à Prague, Weber courut au théâtre, où il tomba
comme la foudre ; on donnait la Flûte enchantée. En le voyant, la
petite Brandt s'évanouit , et l'on dut prolonger l'entr'acte; ce
furent des pleines de joie qui ne tarissaient pas. La nouvelle de la
présence du maître se répandit bien vite dans la salle et des hour-
ras retentirent de toutes parts ; il dut promettre de diriger, le
lendemain, l'exécution de sa Sylvana. Cette représentation fut une
longue ovation à laquelle le public associa Caroline Brandt.
(1) Voir les n">» 18 et 21.
De ce voyage à Prague résulta l'engagement, pour quelques
représentations à Dresde, de rcxccllentc Mme Grûnbaum et de la
basse Oued; mais une lâcheuse ressemblance de ce dernier avec
le fonctionnaire qui avait été chargé par les souverains coalisés
de demander au roi de Saxe son épée, fit échouer son engage-
ment définitif sur lequel avaient compté le comte Vitzthum et We-
ber. En quittant Prague, ce dernier se rendit à Leipzig pour y
diriger sa cantate : Combats et Victoire. Il comptait beaucoup sur
cette exécution dans la ville où s'était passé le principal épisode
de l'action qu'il avait retracée, mais son espoir fut déçu; le pu-
blic resta froid aux accents brûlants de ce drame guerrier, et le
maître quitta Leipzig dans la nuit même qui suivit le concert.
Cet insuccès l'impressionna vivement et lui parut comme un
funeste prélude aux événements qui allaient suivre. Il ne se trom-
pait pas, car la guerre allait éclater, sans trêve ni merci, entre le
parti italien et lui. Une question de préséance donna lieu aux
premières escarmouches.
Il existe, à l'extrémité d'un faubourg de Dresde, un endroit de
réunion, connu sous le nom de Bains de Linke, où se donne ren-
dez-vous le beau monde, pendant les chaudes soirées de l'été. A
cet établissement était joint autrefois une salle de spectacle, cons-
truite en 1776, qui servait aux représentations des comédiens du
roi pendant la belle saison. Comme on pense, l'opéra italien n'avait
jamais été donné sur cette scène. Or il advintq u'au printemps de
l'an 1817, Weber reçut ordre de faire représenter l'opéra en pré-
paration aux Bains de Linkc, et en outre de se tenir prêt à jouer
sur le petit théâtre du château royal de Pillnitz. Aussitôt , grand
émoi dans le public, qui voyait dans la première de ces mesures,
la manifestation d'un sentiment de mépris à l'égard de l'opéra
allemand, placé de la sorte en seconde ligne par rapport à l'opéra
italien; d'autre part, on se demandait laquelle des deux troupes
serait mandée la première au château. Il n'en fallait pas tant pour
irriter les partis; et, en effet, on déploya dans les deux camps une
activité extraordinaire. Chacun des deux chefs se mit en devoir de
faire jouer tous ses moyens d'action : Weber ne quittait pas de
chez le comte Vitzthum, tandis que Morlacchi harcelait de ses ins-
tances son puissant protecteur le ministre comte Einsiedel; son
insistance aidant, il allait l'emporter sur son collègue allemand,
lorsque le ministre fut atteint d'une indisposition qui, bien que
légère, le força à garder la chambre, Vitzthum profita de cet avan-
tage; il vit le roi, l'entretint longuement de la situation, et gagna
la partie : il fut décidé que les Italiens joueraient également au
théâtre des Bains de Linke. C'est ainsi qu'un rhume décida de la
première victoire. Par surcroît de bonheur, le roi , qui désirait
entendre Mme Grûnbaum, ordonna que la troupe allemande inau-
gurerait les représentations d'été sur la scène de Pillnitz; en outre,
il fit défendre à Morlacchi de s'intituler premier maître de cha-
pelle de Sa Majesté, comme il l'avait fait à plusieurs reprises,
malgré la défense de Vitzthum.
Le parti allemand triomphait donc ; par contre, les Italiens don-
naient lin libre cours à leur colère et se répandaient en malédic-
tions sur les « barbares » qui s'attaquaient à leur omnipotence;
bientôt cependant , ils reprirent courage en vue d'ua événement
qui se préparaît : on parlait, en effet, dans le public d'un grand
concert, qui devait être donné au profit des pauvres, dans la
belle église protestante die Frauenkirche; Morlacchi comptait bien y
faire exécuter son oratorio Isacco; mais quel ne fut pas son dépit
quand il apprit que Vitzthum avait désigné Weber pour diriger
cette solennité; il courut aussitôt chez le ministre, lui exposa ses
griefs et l'intéressa à sa cause, ce qui était d'ailleurs chose facile.
Einsiedel reprocha amèrement à Vitzthum de s'être engagé vis-à-
vis de Weber sans l'avoir consulté, et sur son refus de revenir sur
sa décision, il fit venir Weber; ce dernier détendit avec calme ses
180
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
droits et déclara tout net que, si l'on revenait sur la promesse qui
lui avait été faite par le surintendant, il donnerait sa démission;
le ministre [et lui se quittèrent plus en froid que jamais; alors
l'affaire fut portée devant le roi, qui tança vertement Vitzthum,
mais décida, dans son équité, que Weber continuerait à être chargé
de l'organisation du concert.
Df^s lors, Weber tenait doublement à ce que l'exécution répon-
dît k la confiance que son bien-aimé chef avait mise en lui ; il
mit un grand soin à diriger les répétitions du Pater, de Nau-
mann, qui (formait le pricinpal morceau du programme, et s'ap-
puya, pour obtenir la meilleure exécution possible, sur les con-
seils du compositeur de musique religieuse Schubert, qui avait
connu particulièrement Naumann , et souvent entendu son oeuvre
dirigée par lui. Il avait à sa disposition plus de deux cents chan-
teurs et instrumentistes, recrutés parmi les membres du théâtre,
de la chapelle et de l'académie de chant, tous rivalisant de zèle
sous la fiévreuse conduite de leur chef. L'exécution fut saisissante;
on ne savait si l'on devait attribuer la plus grande part de l'effet
produit à l'œuvre vraiment magistrale ou au maître qui la diri-
geait, et la foule s'écoula, vivement émue et louant hautement les
qualités du réformateur Weber.
Edmond NEUKOMM.
{La suite prochainement.)
ÂPFUCÂTION DE l'ËLECTBIGITÉ ÂDX GRANDES ORGUES.
Le grand orgue de la nouvelle église Saint-Augustin, à Paris.
{Système Peschard-Barker.)
L'audition du grand orgue électrique de Saint-Augustin n'a pas
été la partie la moins intéressante et la moins remarquée de
l'inauguration du nouveau salon à prières du boulevard Males-
herbes. Cet instrument est, en eifet, parfaitement à sa place en
un édifice qui semble réunir toutes les innovations et hardiesses
architecturales modernes et dans la construction duquel le fer, la
fonte, le cuivre et le zinc combinés par la main pratique de
M. Baltard, l'architecte des halles centrales, remplacent la pierre,
— la pierre des vieilles cathédrales et des âges de foi!
Depuis longtemps déjà on avait tenté d'appliquer la force élec-
trique aux instruments à clavier. Le mécanisme extrêmement com-
pliqué, coûteux, encombrant, du levier pneumatique dans les
grandes orgues; les dérangements inévitables, malgré leur perfec-
tion, de ces balanciers, de ces équerres, de ces vergettes et abré-
gés; leur sensibilité aux variations atmosphériques avaient natu-
rellement donné l'idée de construire des orgues sans mécanisme.
On essaya, mais sans grand succès, du système tubulaire avec
transmission pneumatique; de l'attraction d'un électro-aimant au
jeu d'un marteau de piano ou d'une soupape d'orgue, etc. L'élec-
tricité dynamique a été appliquée à la construction des orgues,
d'une manière Isûre et durable, sans qu'il y ait besoin d'avoir re-
cours à une force considérable, sans entraîner une grande dé-
pense, sans nécessiter une manipulation difficile, par M. Peschard,
organiste de Saint-Etienne de Caen, docteur en droit, et MM. Bar-
ker et Verschneider, concessionnaires de son brevet d'invention.
C'est à leurs études entreprises et poursuivies en commun , c'est à
leurs travaux persévérants, que la facture doit un système dcfrit il
est opportun, je crois, d'indiquer l'ensemble et les points princi-
paux.
Un électro-aimant attirant une armature de fer doux lorsqu'un
courant électrique traverse son hélice, on peut donc faire parler
ainsi des tuyaux sans le secours d'intermédiaires mécaniques. Ces
intermédiaires, MM. Peschard et Barker, loin de les repousser tou-
tefois, estiment au contraire leur emploi avantageux, et ils joignent
au principe électrique que je viens de formuler le système du le-
vier pneumatique et celui de la contre -pression. Chaque appareil
constitutif de l'instrument présente, d'après ces données, l'aspect
suivant: soupape située dans la laye du sommier; soufflet moteur
lié avec la soupape ; électro-aimant (note) , dont l'armature met
en jeu la soupape du levier pneumatique.
Comme il était impossible d'affecter une pile spéciale à chaque
appareil, les constructeurs ont admis la division du courant élec-
trique. Sur les pôles de la pile sont greffes autant de circuits
égaux que de notes ou électro-aimants; chaque touche est disposée
de manière à fermer, en s'abaissant, le circuit de l'électro-aimant
propre à sa note, et la surface de la pile est calculée pour faire
agir simultanément douze notes. Ainsi, à l'état de repos, aucune
des touches n'étant abaissée, le courant ne traverse aucun électro-
aimant; mais si l'on vient à frapper l'accord do, mi, sol, par
exemple, le courant se divise dans les trois électro-aimants do, mi,
sol, exactement et régulièrement, car ils sont tous d'égale résis-
tance, les fils des bobines ayant la même longueur et la même
grosseur. Ces fils se réunissent en quittant les électro-aimants pour
aboutir à l'autre pôle de la pile.
MM. Peschard et Barker ont adopté pour les conjoncteurs le
mercure ou un amalgame, à la place des métaux solides. Un
pôle de la pile aboutit, sous le clavier, à une rigole de mer-
cure qui passe sous toutes les touches du clavier. Sous chaque
tou3he et près de la rigole est pratiqué dans une tablette de bois,
un trou qui ne traverse pas complètement la tablette. Directement
sous le trou il y a une vis en cuivre rouge, dont le bout occupe
le fond de la capsule et est en contact avec le mercure que l'on
verse à une hauteur suffisante. A la touche, où à la pièce que la
touche fait mouvoir est fixé un fil en cuivre rouge recourbé
en forme de fourche, qui, lorsque la touche est abaissée, met
la capsule en communication avec la rigole. De celte façon, le
circuit se trouve fermé, puisque la rigole communique avec la
pile et la capsule avec l'électro-aimant.
Pour produire les accouplements, par exemple, le récit s' ac-
couplant au grand orgue, au positif et au clavier de pédales, le
fil conducteur de la pile destinée au récit se divise en quatre
rigoles de mercure, une sous le clavier du récit lui-môme, une
sous le clavier du grand orgue, une sous le clavier du positif et
une quatrième sous le clavier de pédales. Il y a donc, sous le
clavier principal, autant de rigoles de mercure que d'accouple-
ment à produire, et, de plus, la rigole propre à ce clavier. Lorsqu'on
abaisse une touche, ces rigoles sont mises en communication par
les capsules, chacune séparément, avec les électro-aimants que
cette touche doit faire agir. Si l'on veut faire cesser un accouple-
ment, on sépare de la pile, au moyen d'un seul disjoncteur, la
rigole affectée à cet accouplement.
Les sources électriques employées par MM. Peschard et Barker
sont de plusieurs natures. Celle du grand orgue de Saint-
Augustin consiste en une pile à vases non poreux, à un seul
liquide, constante et suffisamment énergique. En raison même de
sa force, la pile ne devant agir qu'au moment où l'instrument est
touché, il a fallu que la manipulation puisse se faire instantané-
ment : les vases sont disposés, à cet effet, sur un petit soufflet à
part, lequel, en se gonflant, les porte sur les électrodes.
En résumé, dans ce système, la puissance de l'instrument n'a
pas besoin d'être limitée en vue d'un toucher facile à la main ;
aucun cliquetis désagréable ne se produit, malgré le nombre de
contacts que chaque touche peut effectuer pour les accouple-
ments ; les contacts qui servent à fermer les circuits dérivés de
la pile s'opèrent en toute sécurité; la résistance des soupapes est
DE PARIS.
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diminuée; la répétition de la note est prompte, l'attaque franche I
et vive. J'ajouterai que la sonorité du grand orgue de Saint-
Augustin est d'une rare puissance, et que l'on a admiré, le jour
de l'inauguration, la distinction de timbre de ses jeux habilement
employés par l'excellent organiste de cette église.
Sans prétendre à bouleverser la facture moderne si perfectionnée,
si complète, il y a, dans le système de l'application de l'électricité
aux grandes orgues, des innovations intéressantes et des élémenls
de progrès en rapport avec les travaux et les préoccupations scien-
tifiques de notre époque. C'est une voie nouvelle ouverte à la
construction des instruments à clavier, digne, dans tous les cas,
d'attirer l'attention, de mériter les suffrages et les encouragements
des amis de la science, des arts et du progrès.
Maintenant, l'entretien de cet appareillage compliqué ne sera-t-il
pas difficile ou onéreux? La nécessité du nettoyage ou de la répa-
ration ne se reproduira-t-elle pas trop fréquemment ? La constance,
la régularité de transmission, l'énergie de la source électrique, l'âme
même de l'instrument, ne seront-elles pas sensiblement modifiées
sous l'influence de certaines conditions atmosphériques? La cons-
truction jjénérale résistera-t-clle, sans altérations essentielles, aux
exigences du service d'une paroisse? Ce sont là des questions
auxquelles peut seul répondre le temps, ce moniteur et correcteur
sans pareil. Comme toutes choses, l'invention, la découverte, si
l'on veut, de iVIM. Peschard et Barker est perfectible. Ce n'est pas
au début d'une industrie nouvelle qu'il est permis de limiter les
systèmes et les perfectionnements, ni de restreindre les applications
de l'électricité dynamique dans l'orgue. Et qui sait si nous ne
verrons pas quelque jour cette mystérieuse puissance appliquée à
des moteurs pour remplacer le travail de la soufflerie?
Em. Mathieu UE MONTER.
FESTIVAL DE COLOGNE.
Le quarante -cinquième festival bas-rhénan, Niederrheinisches
Musikfest, a eu lieu cette année à Cologne, à l'époque ordinaire,
c'est-à-dire aux fêtes de la Pentecôte. Trois villes seulertient ont
des salles de concerts assez vastes pour contenir la foule qu'attire
de partout cette imposante solennité : Cologne, Dûsseldorf et Aix-
la-Chapelle , et le festival bas-rhénan se tient alternativement dans
chacune d'elles ; Elberfeld, qui jouissait dans l'origine du même
privilège, a dû y renoncer à cause de l'exiguïté relative du local
dont elle disposait. Ce n'est pas un mince honneur que de prési-
der ces grandes assises musicales, et Mendelssohn , Schumann,
Listz, F. Ries, Fr. Lacliner, Spontini, etc., comptent parmi leurs
titres de gloire d'avoir dirigé le festival rhénan. Cette année, cin-
quantième anniversaire de la fondation, c'est à Ferdinand Hiller
qu'incombait, pour la septième fois, cette grande tâche, et disons
de suite qu'il s'en est admirablement acquitté. Les voix et les
instruments de plus de sept cent cinquante musiciens remplis-
saient cette grande et belle salle du Giirzenich, le chant de ba-
taille habituel de ce vaillant chef.
La première journée (dimanche de la Pentecôte) a été remplie
par le Messie , de Hsendel , avec Mmes Dustmann et Joachim ,
MM. Gunz et Hill pour solistes; on ne peut se figurer une exécu-
tion plus vigoureuse, plus claire, plus parfaite, plus conforme en
un mot au caractère de l'œuvre. Le lendemain , le programme se
composait d'une cantate de Bach, le Feu éternel, d'une très-belle
ouverture de Hiller, du 93" psaume de Mendelssohn, d'un acte de
la Vestale, et de la symphonie avec chœurs de Beethoven. L'or-
chestre a été irréprochable, et les chœurs, si sûrs d'eux-mêmes et
si parfaitement fondus, ont mérité les plus grands éloges.
La troisième journée (ajoutée par Mendelssohn, en 1833, aux
deux dont s'étaient jusqu'alors composés les festivals) , est plus spé-
cialement réservée aux solistes, sans cependant exclure la musique
d'ensemble : une ouverture de Julius Rictz , par exemple, un
quatuor de Hiller composé pour la circonstance , la symphonie
en ré mineur de Schumann et l'Alleluia du Messie y ont trouvé
place. Mais la grande attraction de ce jour était l'exécution, par
Joachim , du concerto de violon de Max Bruch , fort belle œuvre,
qui commence à être très-appréciéo on Allemagne et d'un andante
et allegro de Spohr. Le grand violoniste a été réellement sublime.
Mmes Dustmann et Joachim, MM. Gunz et Hill ont chanté un
nombre assez respectable de Heder pour mettre en lumière leurs
voix et leurs talents respectifs. — Telle a été cette fête, l'une des
plus intéressantes et des plus significatives manifestations artis-
tiques de l'Allemagne, et l'une de celles aussi à travers lesquelles
aime à se faire jour le sentiment national germanique , si vivace
et si volontiers exclusif.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE.
lia notation de la moslqne classique comparée ù, la
notation de la ninnSque moderne, et de l'exécation
des petites notes en g^énéral.
Par E.-M.-E. DELDEVEZ.
(Paris, Richault, in-S".)
« En considérant les effets d'exécution soumis aux ressources
des instruments des anciens, on comprend que l'on ait cherché
les moyens d'accroître la puissance de certaines fonctions jugées
insuffisantes, telles que, pour le piano, la percussion du son
maintenant plus intense, et sa durée plus longue sur les instru-
ments des modernes. D'où il résulte qu'autrefois, pour rendre l'at-
taque d'un son plus sensible, on le faisait précéder d'une ou de
plusieurs petites notes d'agrément qui ajoutaient de la force à l'ac-
cent de la note réelle; et pour augmenter la durée du son, qui
ne pouvait être soutenu, on employait le gruppetto comme orne-
ment de passage entre deux notes liées. Il en était de même pour
le violoniste sous le rapport de l'archet. L'arc primitif ne permet-
tant point d'attaque accusée, on suppléait à ce défaut par des pe-
tites notes de trait, ou pinces, et la durée du son ne s'obtenant
qu'à l'aide d'un renouvellement d'arcliet, c'était par des gruppeiti
quelquefois très-allongés que l'on autorisait le va-et-vient de l'archet
sur un même son tenu, mais orné. Ces modifications sont arrivées
insensiblement à produire une transformation complète dans l'exé-
cution de certaines parties du texte des auteurs anciens, et cette
transformation crée des difficultés pour les modernes qu'une étude
basée sur les principes de l'art de la composition peut seule
aplanir. »
Ainsi s'explique, très-clairement et très -sensément, l'auteur de
l'ouvrage dont nous avons transcrit le titre ci-dessus. Compositeur
distingué, chef d'orchestre exercé, érudit très-versé dans la con-
naissance de notre ancienne musique et connu déjà par des tra-
vaux aussi estimables qu'estimés, M. Deldevez était plus apte que
qui que ce soit à nous donner la clef des mystères graphiques de
cette musique, et à rendre les anciens textes intelligibles pour les
virtuoses modernes.
On sait qu'en effet, et pour les raisons déduites plus haut, la
notation de nos pères était surchargée de petites notes, d'orne-
ments de toutes sortes, dont quelques-uns peuvent encore être
utiles, mais dont les autres sont plutôt nuisibles à l'expression
musicale, étant donnée la perfection apportée dans la construc-
182
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tion des instruments. Mais on comprend aussi que la matière est
délicate, et que, pour indiquer aux artistes modernes de quelle façon
ils doivent interpréter la musique ancienne, il faut à la fois un
profond savoir, une grande expérience et un goût très-sûr. M. Del-
devez a prouvé dans son opuscule qu'il possède ces trois qualités,
et, sans qu'il soit besoin d'en faire ici une analyse détaillée,
une critique approfondie, nous pouvons, après une lecture atten-
tive, recommander l'étude de cet opuscule à tous ceux de nos
virtuoses, soit chanteurs, soit instrumentistes, qui sont assez in-
telligents pour ne pas dédaigner les maîtres du passé et assez
heureux pour les faire aimer. Ils y trouveront d'excellents conseils
relativement à ces difficultés nombreuses « qu'une étude basée
sur les principes de l'art de la composition peut seule aplanir. »
Be l'émission tie la voiac, par Jules lierort.
(Paris. Heu, grand in S".)
C'est encore à l'aide d'une citation que je vais essayer de faire
connaître ce second écrit :
« Bien poser la voix — dit M. Jules Lefort — est^ le but [pre-
mier que doit se proposer d'abord toute personne qui aspire à bien
chanter; do même que, dans les exercices de déclamation, le bon
sens conseille, avant même le professeur, d'émettre naturellement
le son, sans le grossir ou le rendre guttural sous prétexte de le
renforcer; ainsi dans l'art pratique du chant doit-on, avant tout,
chercher une voix naturelle, si je puis m'exprimer ainsi , et cor-
riger les défauts de l'élève dont la voix serait ou gutturale ou na-
sale. . . Ceci n'est pas une méthode de chant. Ce sont de simples
conseils aux personnes qui veulent bien chanter; conseils qui leur
fournissent le moyen infaillible de bien poser leur voix, de lui
donner par conséquent le timbre le plus naturel, le plus agréa-
ble, le plus sonore, tout comme l'homogénéité la plus grande sur
toute l'échelle parcourue. »
On voit de quel principe part M. Jules Lefort, l'un de nos chan-
teurs de salon les plus estimés, et par conséquent fort expert en la
matièi'e.
Ayant remarqué que la voyelle u place l'organe vocal, au point
de vue anatomique, dans une position qui rend impossible une
émission guLturale, M. Lefort fait de cette voyelle la base de son
système d'émission du son et de pose de la voix. Attaquant ainsi,
comme on dit, le taureau par les cornes, et s'en prenant de prime
abord à la plus grande difficulté (car on sait que les chanteurs
considèrent le son de Vu comme le plus difficile à bien donner),
M. Lefort passe de cette voyelle, la plus fermée de toutes, à celles
qui sont de plus en plus ouvertes. « Lorsque la sonorité de I'm
est reconnue bonne, par un léger agrandissement de l'ouverture
de la bouche \'i se produit naturellement, sans rien modifier de la
position de la langue, puis, en l'abaissant un peu ainsi que la
mâchoire inférieure, on obtient l'e. » On s'exerce ensuite sur 6,
à, è, e (qu'on ne doit pas prononcer eu) et a.
Tel est, en résumé, le système d'études proposé par M. Lefort.
Ce système nous paraît rationnel, bien que nous ne puissions le
juger en toute connaissance de cause, car il nous semble que les
chanteurs seuls en peuvent parler sciemment et d'une façon rai-
sonnée. Cependant, nous le répétons, une telle doctrine, basée sur
une étude particulière de la structure de l'appareil vocal, sur un
phénomène physiologique, nous semble irréprochable en théorie.
Sera-t-elle sanctionnée par la pratique? L'auteur nous répond
ainsi : — « Les mains pleines de faits pour constater l'excellence
de ce procédé, je ne saurais dire les résultats obtenus rapidement
par cette méthode, un peu partout, en France, en Russie, en An-
gleterre, où la langue souvent gutturale donne de grandes diffi-
cultés pour l'émission de la voix. Non-seulement des élèves ayant
une émission de la gorge essentiellement vicieuse, sont arrivés ra-
pidement à un timbre excellent, mais encore des chanteurs à la
voix faite, mais mal faite, et ne portant pas, ont modifié leurs
procédés, et, en dépit de l'habitude, une seconde nature bien plus
difficile à vaincre que la première, ont pu, dans un bref délai,
reconstituer du tout au tout leur émission, en un mot refaire leur
organe. »
S'il en est ainsi, — et nous n'avons pas le droit d'en douter
après une telle affirmation, — nous félicitons vivement M. Jules
Lefort des résultats qu'il a obtenus et du service rendu par lui à
l'art du chant.
Arthur POUGIN.
CONCERTS ET AUDITIONS fflUSICÂLES DE LÀ SEDIÂINE.
^*„ Au concert annuel donné par les élèves de l'Institution de Notre-
Dame-d'Auteuil pour la fête de leur r.irecteur, MM. Capoul et Battaille,
de rOpéra-Comique, MM. A. Durand et Croisilles, deux organistes émi-
nents, se .sont fait chaleureusement applaudir. Les élèves, qui renoivenl
une éducation musicale irès-soignée, d'après les principes de l'école
Choron, ont fort bien interprété des chœurs de difîérents caractères, et
notamment un iV/seccre arrangé par M. Nicou-Clioron, pour chœur, vio-
lon obligé, or^ue, piano et orcho.<tre, sur l'adagio de la sonate en ut
dièze mineur de Beethoven, et dont le solo a été dit par Battaille. —
L'exécution, préparée et dirigée avec beaucoup de talent par M. H. Va-
liquet, a été parfaite sous tous les rapports.
^*i^ Une matinée musicale et dramatique a eu lieu dimanche dernier
dans la saile Herz, au bénéfice de deux jeunes orphelines, dont la mère
avait été une cantatrice des plus distinguées. On a entendu avec infini-
ment de plaisir les cantatrices Monbelli, Marie-Roze et Regnauld, les
chanteurs Aurcle et N'eviiu; Mlle Besse-Delarzes sur la harpe; Mme La-
gnier, M. Brisson et Meilhan dans nn trio d'orgue, piano et violon,
Mlle .4gar, de l'Odéon, a dit admirablement la grande scène du qua-
trième 3(^6 des Horaces, secondée par Firmin, et une émouvants poésie
de Coppée. Un délicieux petit opéra-comique inédit (paroles de Mme Mé-
lanie Waldor, musique de M. Douay) a été joué avec un plein succès par
Mlles Regnaud et Ducasse, et par M. Ducellier, bon ténor amateur,
MM. Aurèle et Neveu. — Le titre en est le Double Piège. Une fort belle
cantate, le Berceau de Vouvrière, dont les paroles sont encore de
Mme Waldor ei la musique de M. Adrien Boïeldieu, a été chantée par
Mlle Marie-Roze accompagnée par la harpe, l'orgue, le piano et le
violon, et par les chœurs de l'Athénée.
,*, Nous mentionnions dernièrement la solennité religieuse qui avait eu
lieu à l'Eglise de Sèvres, au profit de l'hôpital, et à laquelle le talent de
Mme Denieur-Charton et Delle-Sedie avaient prêté un si grand lustre;
jeudi, c'était le tour de Versaille.s, q li avait sollicité le concours de la
célèbre cantatrice pour une cérémonie religieuse au profit de VOEuvre
des crèches. Cet appel ne lui a pas été adressé en vain, et sa belle voix,
qui n'a jamais été plus fraîche, plus sonore, plus expressive, s'est fait
entendre dans un duo pour basse et soprano de Haydn et dans un Ave
Maria de Cherubini pour soprano et violon avec Sarrasale, l'éminent ar-
tiste qui, lui aussi, payait son tribut à la charité, et qui a adtnirable-
ment joué. — Plusieurs fragments du Messie de Haendel, ont été, en
outre, exécutés par des amateurs avec un talent que pourraient envier
beaucoup d'ariistes. Inutile d'ajouter qu'il y avait énormément de monde
et que la quête a été des plus fructueuses.
»% Au concours du 24 mai, si bien organisé par notre éminent con-
frère, Amédée Méreaux, dans la ville de Rouen, les honneurs ont été
pour l'Orphéon de Cherbourg, la Sainte-Cécile, directeur M. Antonio
Barrière. Cette Société a remporté quatre médailles : deux pour exé-
cution parfaite et deux pour composition, car les chœurs imposés,
le Matin aux champs et Salut au printemps, sont de MM. Antonio Barrière
père et Gaston Barrière fils. Parfaitement appréciés par les membres du
jury, ils se recommandent aux sociétés chorales.
**,( Dimanche dernier, l'exécution du Salut impérial, d'A. Elwart, a
eu lieu à Rouen, sous la direction de l'auteur, en présence de Leurs
Majestés Impériales. — Les Sociétés chorales rouennaises la Renaissance
et Boieldieu, ainsi que la musique du QG""» de ligne, ont parfaitement
rendu ce chant national.
t*;^ Lundi dernier, pendant la cérémonie d'ouverture de l'Exposition
maritime du Havre, qui a eu lieu dans l'immense hangar des Docks,
on a exécuté une Marche solennelle d'un beau caractère composée pour
la circonstance par M. OEschner, et une Cantate de MM. Fleury et
Frigola, oîi l'inspiration ne manque pas, et qui a été remarquablement
interprétée par MM. Faivrei, Larrivé, et surtout par la voix magnifique
de Mme Henry personnifiant l'Industrie.
,i*jf L'intéressant trio des enfants Frémaux, engagé à Bade, y a produit
DE PARIS
183
une grande sensation. Bravos, bouquets et rappels, rien ne leur a
manqué. Le directeur, M. Dupressoii', n'a pas voulu ritster en arrière du
public, et a spontanément élevé d'un quart le chiffre du bel engagement
qu'ils avaient obtenu. La critique musicale à Bade leur est on ne peut
plus favorable. Le prince Napoléon et le grand-duc de Bade assistaient à
leur concert, et il-i seront probablement admis à l'honneur de jouer de-
vant la reine de Prusse.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
*■•* Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi Guillaume Tell. Par
suite du congé que vient de prendre Belval, c'est Obin qui a repris le
rôle de Waller; il ne l'avait pas chanté depuis trois ans. — Mercredi on
jouait l'Africaine, où Marie Sass tient toujours triomphalement le rôle
de Sélika; Yillaret a très bien chanté celui de Vasco ; David avait pris
celui de Belval, do:n Pedro. — Vendredi on a donné Don Juan.
,^*j On annonce l'Africaine pour demain lundi.
^*^ La reprise à'Herculanum est de nouveau reculée; on ne doit pas
s'attendre à la voir représentée avant le 20 de ce mois.
t% Le théâtre de l'Athénée doit faire le 30 de ce mois sa clôture par
une représentation au bénéfice de Désiré; l'excellent bouffe a choisi
Malbroug-s'en-va-t-en-i/uerre, qui sera repris pour cette fois seulement et
dans lequel il remplira le rôle du duc créé par Potier.
j,*^ L'Africaine a été donnée pour la première fois le 27 mai à Bres-
lau. Bien peu nombreuses sont les villes d'Allemagne qui l'attendent
encore !
*'* C'est le 22 de ce mois que doit être représentée au théâtre Saint-
James, sous l'intelligente direction de Raphaël Félix, la Grande-Duchesse
de Gérolstein, avec Mlle Schneider. Rien n'est épargné pour que l'œuvre
d'Offenbach ne soit pas moins bien montée à Londres qu'à Paris. Décors,
costumes, tout est neuf. Scbey, l'un des meilleurs comiques des théâtres
de mélodrame, et Duplant, qui a obtenu les plus grands succès à
Bruxelles, seconderont Mlle Schneider. L'orchestre et les chœurs seront
au grand complet.
***. Mlle Irma Marié partira le io juin pour New- York, où elle jouera
le répertoire. d'Offenbach et Fleur de Thé aux appointements de 6,000 fr.
par mois.
^*^ Berthelier vient d'être engagé par M. d'Herblay pour donner une
série de représentations, durant le mois de juin, au théâtre des Célestins,
à Lyon; il y chantera spécialement Lischen et Fritzchen, avec une jeune
artiste de talent, Mlle Jeanne.
j,*^ M.Husson, directeur du Grand-Théâtre de Marseille, arrivera à
Paris, dans la première quinzaine de juin, afin de compléter sa troupe ;
mais en attendant il a chargé M. Rékel, professeur de chant du plus
grand mérite, de le représenter à Paris, et d'entendre les artistes qui
voudraient traiter pour la saison prochaine.
NOUVELLES DIVERSES.
:j** Au nombre des personnes décorées par S. M. l'Empereur lors de
sa visite au concours régional de Rouen, on a remarqué M. Amédée
Méreaux, aussi éminent musicien qu'excellent écrivain. Celte faveur,
méritée à tant de titres, a été accueillie avec une véritable sympathie par
tous ceux qui connaissent M. Méreaux.
^*, M. Félix Le Couppey, professeur au Conservatoire, a reçu du
schah de Perse la croix de commandeur de l'ordre du Lion.
^,*^ En apprenant l'accident qui avait mis en danger la santé d'Hec-
tor Berlioz, S. A. I. Mme la grande -duche^se Hélène de Russie s'est
empressée d'écrire au célèbre compositeur une lettre autographe pour
avoir des nouvelles de son état.
^** A la dernière séance mensuelle des compositeurs de musique, qui
a eu lieu le samedi 30 mai, nous avons entendu deux lectures fort in-
téressantes: l'une sur l'harmonie de la pédale considérée au point de
vue scientifique par M. P. Serrier; l'autre, sur les chants de la race ca-
birique et gallique de M. Salvador Daniel. Basant sa démonstration sur
les deux nouvelles lois harmoniques découvertes par le comte Camille
Durutte, c'est-à-dire sur la loi génératrice des accords et celle de leur
enchaînement, M. P. Serrier a vivement intéressé ses auditeurs en leur
signalant plusieurs faits que la science harmonique a été impuissante à
expliquer jusqu'alors et dont il a fait l'analyse avec toute la rigueur
de principes des sciences exactes. Dans la même séance, on a entendu
également un joli trio pour piano, violon et violoncelle par M. Imbert,
exécuté par MM. Poisot, Magnin et Nathan, et un 0 salutaris d'un beau
caractère religieux de M. P. Serrier, chanté par M. G. Brégy.
»■** M. Ambroise Thomas est de retour de son inspection annuelle des
succursales du Conservatoire, dans le Midi de la France. Un banquet
lui a été offert à Marseille, et partout le célèbre compositeur a rencon-
tré le plus chaleureux accueil.
»*« Un beau portrait d'Aimé Maillant, photographié par Pierre Petit,
vient de paraître chez Brandus et Dufour; il fait partie de leur belle
galerie des musiciens célèbres.
*** Mlle Julia Hispon, la débutante, que par assonnanco, sans doute,
on avait faite compatriote de Mlle Nilsson, réclame contre cette assertion.
D'une lettre écrite par elle, il résulte qu'elle est Francomloise, née à
Besançon, et élève de MM. Battaille ot VVartel.
»*j Nous annonçons l'arrivée à Paris de M. Ugo-Errcra, pianiste dis-
tingué et compositeur de musique de Milan; il se propose de donner
ici quelques concerts.
**i M. Sainte-Beuve vient d'adresser à M. Paul Foucher une lettre des
plus flatteuses au sujet du charmant livre qu'a récemment publié ce der-
nier sous le titre de : Entre cour et jardin.
^% L'assemblée générale annuelle de la Société des auteurs, composi-
teurs et éditeurs de musique, aura lieu le dimanche li juin, à une
heure précise, dans la salle du Grand-Orient de France, rue Cadet, 16.
MM. les sociétaires sont instamment priés d'assister à cette réunion.
,^** Ant. Rubinstein, qui enthousiasme en ce moment le public de
Londres, partira prochainement pour New- York.
^*^ La musique des zouaves de la garde impériale, de retour à Paris
du camp de Saint-Maur, fera au'oud'hui sa rentrée au Pré-Catelan. Le
programme du concert, composé par M. Hemmerlé, est des plus brillants.
ÉTRANGER
jf*^ Londres. — Médée, de Chérubin i , donnée pour la première fois à
Londres en 1863. vient d'être reprise à Drury-Lane avec Mlles Tietjens
et Harris, MM. Santley et Mongini. Ce dernier succède à Fraschini, dont
l'engagement est terminé. — Les Huguenots et Fra Diavolo avec
Mme Lucca, Uarta avec Mlle Patli, ont défrayé le répertoire de la se-
maine à Covent-Garden. — On répète activement à ce théâtre le Domino
noir, avec les récits ajoutés par Auber. Cet ouvrage sera chanté par
Mmes Lucca, Locatelli, Tagliafico, MM. Mario, Neri-Baraldi, Tagliafico,
Ciampi. — Alf. Jaëll et sa femme ont eu, le 2 juin, les honneurs de la
séance à la Musical Union, où ils ont exécuté des duos de Rubinstein et
de Mendelssohn, et un quatuor de Brahms. — La jeune violoniste Thérèse
Liebé a remporté un vrai triomphe à la soirée musicale annuelle de la
Schubert Society, où elle a joué un trio de Beethoven et deux solos de
violon. — Tout est prêt pour le grand festival triennal de Haendel, qui
commencera au Palais de Cristal le 16 juin, et auquel prendront part
quatre mille exécutants ; les solistes sont Mmes Tietjens , Nilsson , Lem-
mens-Sherringlon , Kellogg, Sain ton-Dolby, Carola, MM. Sims Reeves,
Santley, etc.
^%Bade. — L'Ogre, de Mme ViarJot, dont nous avons parlé dans notre
précédent numéro, a été représenté à la Villa Tourguenief, en présence
de la reine de Prusse et d'un aristocratique auditoire, avec un très-
grand succès.
^*^ Cologne. — Le Voyage en Chine, de F. Bazin, vient d'être repré-
senté pour la première fois et a fait le plus grand plaisir.
,^*jf Berlin. — Une opérette nouvelle de Ad. L'Arronge, Die Herren
Tertianer (Messieure les élèves de troisième), texte de Salingré, a été
représentée avec un succès très-franc au Wallner-Theater. — Le théâtre
de KroU, qui semble vouloir faire de durables incursions sur le domaine
de l'opéra, a inauguré d'une manière très-heureuss la saison, à la
Pentecôte, avec Marlha et Czar et CJiarpentier, de Lortzing.
^*^ Leipzig. — Le Roi Manfred, de Cari Reinecke, le directeur de notre
Conservatoire et le chef d'orchestre du Gewandhaus, a été donné le 24
mai, et a réuni tous les suffrages. Cet opéra, qui a été représenté déjà
l'année dernière à Wiesbaden, mais qui n'y a fait qu'une courte appa-
rition, avait pour Leipzig tout l'attrnit d'une nouveauté.
^% Vienne. — Le fils du célèbre Wachtel. ténor comme son père,
vient d'être engagé à l'Opéra. Mlle Geistinger a pris congé du public le
30 mai, au théâtre An der Wien, dans la Grande-Duchesse de Gérolstein,
un de ses meilleurs rôles. Un nouvel engagement l'attache pour trois
ans à cette scène, à la grande satisfaction de ses nombreux fidèles.
5^** Prague. — On a repris au Théâtre-Allemand un opéra de Kittl,
donné avec succès en 1848, les Français devant Nice. Le libretto est de
Richard Wagner, qui l'avait d'abord écrit pour lui-même, et qui, s'étant
épris bientôt après du sujet du Tannhœuser, céda son premier travail à
Kittl, alors directeur du Conservatoire de Prague. On a fait à cet ou-
vrage un chaleureux accueil.
if*f, Florence. — La saison s'est brillamment terminée à la Pergola
avec Marta. Au théâtre Alfieri, le Educande di Sorrento (les Pensionnaires
de Sorrente) du maestro Usiglio , ont eu déjà un certain nombre de
représentations et se maintiennent dans la faveur du public.
184
KKVUE ET GAZETTE MUSICALE DE FAKIS.
CHKZ G. BRANDUS ET S. DUFOUR, ÉDITEURS, 103, RUE DE RICHELIEU
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Opéra-comique en trois actes, paroles de MM. Lockroy et Cormon, musique de
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Pour le Piano, 1 fr. 50. — A quatre mains, 9 fr. — Partition et Parties d'orchestre. — Pour musique militaire.
LES AIRS DE CHANT DETACHES
ACTE 1".
1 . Chœur : v Heureux enfants de la Provence. » 3
2. Chanson provençale chantée par Mlle Girard :
« Biaise qui partait, en mer s'en allait. » 4
3. Ariette militaire chantée par M. Barré : a Quand
le dragon a bien trotté. » 5
3 bis. La même, transposée pour ténor 5
4. Air chanté par Mme Galii-Marié : « Maître Thibaut, vos
mules sont charmantes. » 6
5. Romance chantée par M. Lhérie : « Ne parle pas.
Rose, je t'en supplie. » 3
5 bis. La même, transposée pour baryton 3
6. Duo chanté par Mme Galli-Marié et M. Barré : « Al-
lons, ma chère, allons, voici mon verre. » 9
7. Couplets de l'ermite chantés par Mlle Girard :
« Grâce à ce vilain ermite. » S
Pour
3
8 bis. La même, transposée pour ténor 3
8. Chanson de soldats chantée par M. Barré:
séduire une fillette. »
AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO :
ACTE II.
9 . Villanelle chantée par M. Lhérie : « Ah ! tra la, ah !
Ira la. »
9 bis. La même, transposée pour baryton,,
10 . Duo chanté par Mme Galli-Marié et M. Lhérie : « Moi
jolie , moi jolie? »
H . Trio chanté par Mraes Galli-Marié, Girard et M. Barré:
« C'est là, c'est là, voilà. »
12. Prière : « Soutien de l'innocent. »
ACTE ni.
13. Chœur : « Vous savez la nouvelle. »
14. Chanson à boire chantée par M. Barré : « Le sage
qui s'éveille. »
1 1 bis. La même, transposée pour ténor
15. Air chanté par Mme Galli-Marié: « Il m'aime, il
m'aime, espoir charmant. »
16. Cantabile chanté par Mme Galli-Marié: « Il m'ac-
cuse, il me croit coupable. »
17. Chœur final : « Sonne, sonne toujours. »
4 »
4 B
9 »
9 »
6 »
3 »
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ARRANGEMENTS NOU"VEAUX POUR LE PIANO :
CRAMER. Bouquet de mélodies i DUVERNOY. Fantaisie de salon
Mosaïque pour le Piano. I Pour le Piano.
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lARC BDRTY. Mémento 7 30
A. CROISEZ. Fantaisie élégante 6 »
A. GORIA. Fantaisie de salon 9 »
LE CARPENTIER. Bagatelle 5 »
AL. lONGDEVIllE. Fantaisie brillante. 6 »
RDMIBEI. Fantaisie 6 »
— Amusement très-facile 4 50
— Duo à quatre mains 6 »
H. VA1I(|DET. Morceau très-facile... 2 50
— Petite fantaisie militaire .... 5 »
— Duo facile à quatre mains . . 5 »
ED. SNYDERS. Petite fantaisie 6 »
ED. WOIFF. Fantaisie facile 4 50
— Duo brillant 9 »
ED HERMAN. Mosaïque pour violon
et piano 9 »
COLTNS. Fantaisie p. violon et piano 9 »
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N* 24.
14 Juin \m.
ON S'ABONNE :
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chez tous les Uarchands de Musique, Ui Lilirairci,
et aux Sureaux def Messageries et des Postes.
-^= s-=î>'«3flÉ3S:'^S-Jx
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Poris. 24 r.paran
Départements, Belgiqae et Suisse..., 30 • id.
Le Journal parait le Dimancho.
DE PARIS
SOMMAIRE. — La Musique, le Théâtre et la Danse à l'Exposition des Beaux-
Arts, par Em. HatlilKa de Hanter. — Entrefilets. — Revue dea théâ-
tre», par D. A. D. linint-Yies. — Entrefilets. — Concerts et auditions
musicales de la semaine. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles di-
verses. — Annonces.
LA nUSIQUE. LE THÉÂTRE ET LA DARSE
A L'EXPOSITION DES BEAUX-ARTS.
Salon de 1868.
Huit jours encore, et elle aura vécu, cette Exposition que chaque
année ramène et qui ramène chaque année, avec une touchante
exactitude, dans le discours administratif d'usage, l'inévitable qua-
lification de « sanctuaire oîi le goût s'épure au contact du beau. »
Avant que la direction des Beaux-Arts, de concert en cela avec
l'indifférence publique , ne ferme les portes de ce « sanctuaire »
où plus de quatre mille statues, toiles, dessins, émaux et médailles
viennent d'être exposés deux mois durant à une température séné-
galienne et à l'ardeur de la critique, je dois me hâter, sans cher-
cher le moins du monde querelle à la couleur ou à la ligne, sans
vouloir rattacher, par l'antithèse et le parallèle, la peinture à la
musique et démontrer, avec M. de Lamartine « que la peinture
est la musique des yeux, de même que la musique est la peinture
des oreilles, » je dois me hâter de faire une visite rapide aux tra-
vaux qui sont du domaine de la Musique, qui la mettent en scène
dans ses allégories, dans sa légende, dans sa philosophie, dans son
histoire et son action. Ce sera , s'il vous plaît , une visite amicale
et de celles où la causerie allant à l'aventure et le nez au vent,
ainsi qu'un promeneur dans un musée, ne s'arrête qu'aux choses
qui l'intéressent et revient vite par un coin plus ou moins vif sur
les sujets déjà traités. L'idée première de ce Salon musical appar-
tient à la Revue et Gazette musicale , et ce n'est pas sans un cer-
tain plaisir que nous le continuons, depuis 1863, trouvant la rai-
son de son opportunité , de son intérêt dans les imitations de nos
confrères de la presse musicale , et dans les avances que fait de-
puis quelque temps à l'art musical la critique spéciale des arts
graphiques. On a écrit tout récemment que le paysage était ce qu'il
y avait de plus musical en peinture. Cette nouvelle esthétique a
du bon. Le paysage et la mélodie s'appellent, s'animent mutuelle-
ment et se complètent. Ne sont-ils pas, l'un et l'autre, un langage
que chacun de nous traduit selon ses émotions? Seulement, en
peinture comme en musique, on ne voit et on n'entend bien
qu'après une longue éducation ; on ne sent vivement les Maîtres
que par sympathie de tempérament, par parenté intellectuelle.
Un bon tableau n'est pas une invention arbitraire ou folâtre;
c'est une intensité du vrai ou tout au moins du vraisemblable, et
sans la moindre affectation. Les tableaux généralement compris et
aimés à présent sont le trompe-l'ceil des banalités que le public a
chaque jour sous les yeux; le miroir de la mode, du caprice, des
ridicules du temps; l'incarnation d'un certain joli sentimental,
maniéré, un peu niais, comme qui dirait les Amandas des cou-
lisses et les Désirées de la classe de Mme Taglioni. Ce qu'il faut à
la vente, aux débouchés, ce sont des muses de l'Acropole Bréda,
des petits piiférares accroupis sous les portes des hôtels ou cou-
rant après les voitures des Champs-Elysées, des zingarelles d'opéra-
comique qui rêvent en claquant leurs castagnettes de se faire enle-
ver par un banquier. Et tandis qu'en musique on raffine et subtilise
à l'excès le travail de l'orchestration , la peinture , elle , par des
effets sans mystère et sans équivoque, évite au spectateur toute
surprise , toute fatigue , toute inquiétude ; elle lui fait voir d'un
coup d'œil sur la toile tout ce qui s'y trouve ou peut s'y trouver.
Elle redoute de montrer du caractère, de peur d'être taxée de sau-
vagei'ie; elle évite la grandeur qu'on pourrait prendre pour de
l'exagération; elle se garde bien d'avoir de l'originalité, afin de ne
pas prêter au soupçon de folie.
Fils du cœur, de l'inspiration naïve, 6 grand Art! inaccessible
au mensonge, les historiographes du Salon de cette année n'ont
point eu besoin de placer leurs travaux sous ton austère invoca-
tion! Vous n'avez pas été les divinités secourables de l'Exhibition
artistique de 1868, ô muses de l'Harmonie et de la Poésie l nobles
cariatides créées par le robuste ciseau de Cordier, pour soutenir
la cheminée monumentale du foyer du nouvel Opéra! La Melpo-
mène du camée de Heller, la muse qui personnifie la trinité Art,
i86
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Lutte et Douleur, VEuterpe de Révillon, les Séraphins et les Cons-
tfllations du grand orchestre de l'Empyrée, n'ont rien à voir non
plus dans ce congrès tumultueux de travaux où les œuvres sont si
rares. C'est encore moins à la Sainte Cécile dessinée, d'après Ra-
phaël, par M. Bellay, ou à la Sainte Cécile et Valérien de 51. De-
vriendt, refusant l'union d'un patricien jeune, glorieux et riche,
pour se consacrer tout entière, cantantibus organis, au culte de
Dieu et à l'amour des harmonies célestes , qu'il serait décent de
confier la présidence de galeries où s'étale en sa luxuriante nu-
dité la Femme couchée de Lefebvre, et le long desquelles une foule
de petite^ drôle^ses, adoyablement jolies et galamment attifées, ne
dissimulent rien de leurs agrénaents aux amateurs ravis. Non! Les
dieux de la maison, les voici bien plutôt : c'est cette Terpsichore
qui s'enlève, gmcieuse et diaphane, dans le panneau décoratif de
M. rdUasson; c'est ce Bacchus inventant la Comédie, dont la tête
efféminée' sourit à un masque comique; ce sont ces petits /Imows
musiciens fixés par Mlle Hugard sur une faïence aux tons ruti-
lants; c'est aussi celte Muse comique de M. Chatrousse, qui ra-
chète le galbe lourd et commun de ses bras par une tête adorable
d'esprit et de finesse, et par des draperies ajustées avec un art
exquis.
Sous les yeux de ces allégories, dans des bosquets délicieux,
baignés de lueurs insaisissables et bleuâtres, sur des terrasses
qu'empourprele soleil couchant (la Sieste d'Ahna-ïadéma), de belles
nymphes, en costume de l'âge d'or, font de la musique avec des
demi-dieux blonds et élancés, avec d'imposants vieillards, sans
craindre les inclémences du ciel et du code. Le beau pays que ce
pays de l'idéal ! Et comme il est permis d'envier le sort de ces
joueurs de flûte et de lyre qui se promènent gravement dans des
paysages impossibles. A leur vue, on s'écrierait volontiers, comme
Martial : « Ah! que n'ai-je un petit foyer, un toit simple, une
source vive auprès et l'herbe de la prairie: et avec cela un do-
mestique bien nourri, une flûte sans défauts, une femme qui ne
soit pas trop savante; la nuit du sommeil et le jour point de
procès I » C'est ainsi que tous ces beaux paysages affirment eux-
mêmes et par eux-mêmes le caractère musical qu'on attribue ingé-
nieusement aux matutinales senteurs, aux buées ensoleillées, aux
larges horizons. N'engagent-ils pas à échapper à cette vie des
grandes villes qui dissipe, qui dessèche le cœur, qui inocule de
continuelles irritations d'amour-propre, l'habitude ou la crainte de
la raillerie, toutes choses contraires au véritable enthousiasme, au
culte fidèle de l'harmonie? Cet argument paraîtra victorieux à
tout musicien convaincu, car si l'on résiste à ce qui impose, on
cède toujours à ce qui inspire.
L'histoire musicale a fourni au Salon un certain nombre de toiles.
Satomé danse devant Hérode avec un jeu de hanches des plus en-
gageants. En regard de cette chorégraphie un peu bien moderne
pour un sujet biblique, Guy d'Arezzo enseigne la musique à ses
élèves, avec cette persévérance que l'on peut apprécier au Salon
de chaque année et qui aurait dû, ce me semble, produire chez
M. Claudius Jacquand des résultats moins secs et moins froids.
M. Leygue nous montre, d'un pinceau savant et coloriste,
Charles VI distrait de sa folie par Odette, dans la scène qui a
inspiré à Halévy une de ses pages les plus dramatiques. Avec
M. Vallot et sa petite toile chatoyante où la lumière s'accroche en
réveillons joyeux, nous assistons, en plein parvis Notre-Dame, à
la Répétition d'un mystère au, moyen âge. Lulli enfant, aide de cui-
sine, joue du violon devant les marmitons et les femmes de
chambre de la grande Mademoiselle, qui voulut l'applaudir et qui
fit sa fortune. Dix pas plus loin vous entendrez Vadé à la Halle,
humant doctoralement un piot de jinglet, chanter le « beau pin-
ceau qui enlumine la trogne, » et débiter les versets et répons du
catéchisme poissard.
*
* *
Parmi les sujets empruntés au théâtre et à la littérature dra-
matique, je citerai plusieurs Faust et Marguerite, escortés de l'éter-
nel Méphisto et de son «rictus fatal; » — deux Mignon, au moins,
exécutant la Danse des Œufs, celle surtout cataloguée à la sculp-
ture sous le n° 3627 : les jambes, un peu grêles, sont d'une pureté
de ligues irréprochable; la gorge naissante se modèle chastement sous
une tunique à br.mdebourgs ; les mains sont finement traitées ; c'est
grand dommage que la tête soit vulgaire et d'un mouvement forcé;
— plusieurs Ophélia, généralement verdâtres, naviguant sur le
dos, avec un peu de paille et quelques bluets dans les cheveux,
tout le long, le long d'Alphand's-River, au pays de Boulogne;
— une improvisation batoque "à propos du ballet dé ta Source.
Qu'a donc fait Mlle Fiocre à M. de Gas pour être ainsi traitée?
Les opéras de Gounod et d'Ambroise Thomas ont donc eu comme
leur reflet du Salon, et ils ont exercé une influence évidente sur
le choix des sujets. Je mentionnerai encore de fort jolies scènes
de la Comédie italienne et du Mariage de Figaro (M. Caraud); le
Souper des comédiens au château de Sigognac, qui rend spirituelle-
ment une des pages les plus pittoresques du Capitaine Fracasse
de Th. Gautier : la peinture lui devait bien cet hommage ! —
— Un Conseiller Krespel entouré de violons aussi insensés que lui ;
— et deux grandes machines de M. Hipp. Debon, qui, sous pré-
texte de peindre l'elfroi causé à Londres, dans une loge de théâtre,
au siècle dernier, par un drame de Shakspeare, et la joie provo-
quée à Paris par une comédie de Molière, se livrent à une débauche
de couleur, à un fouillis de dentelles, d'ors et de soie, à une
exubérance de chairs tout à fait comique. Au domaine dramatique
reviennent encore les épures représentant le Théâtre en construc-
tion à Reims et les Projets de salles de spectacle pour Alençon et
Tours. Ces plans accusent le pastiche, une imitation confuse et
entre-croisée des différentes époques, des différentes manières
antérieures, jointe à l'emploi des innovations anglo-américaines
si fort de mode. Il n'y a plus là que la forme, l'utilitarisme; la
pensée est absente ou sacrifiée.
*
* *
L'Exposition a beaucoup emprunté au chant et aux instruments,
et les instruments et le chant lui ont beaucoup rendu. Les
Slrénades ne chôment point; les Trouvères piquent çà et là les
murailles de leurs pantalons collants jaunes et rouges ; il y a des
Lutrins où des chantres de village tournent la... bouche d'une
façon réjouissante, des Sacristies dont le vitrail tremble à la for-
midable sonorité d'un serpent tout neuf; des Leçons de chant des-
quelles s'échappent les voix perçantes de ces bons gi'os moutards,
blonds et i-oses, sérieux comme des cardinaux, dont ils ont l'é-
clatante soutanelle. Il y a aussi des Points d'orgue que de jeunes
mariés brodent de vocalises sentimentales ; des Duo, ou Amour
n'a pas été remplacé par Tambour, chantés par de jeunes Agnès
qui joueront bientôt les Célimène; des Parties de musique, une
Causerie musicale à désirer que la mélodie soit aussi séduisante que
le tableau; un chanteur haut cravaté, en habit vert-pomme, la
main sur le cœur, qui roucoule la romance à la mode au milieu
d'un salon d'incroyables et de déités de l'an IV : sujet bien com-
posé, bien peint, de tous points réussi. — Comme chaque année
je retrouve la femme corse entonnant sur le cadavre de son mari,
tué dans les maquis, le Vocero, lugubre et monotone mélopée,
dont les strophes entrecoupées de sanglots sont presque chu-
chottées à l'oreille du mort. Tel est à peu près le bilan du chant.
Je m'étonne qu'il ne soit pas encore venu à l'idée d'un peintre de
genre de brosser un Orphéon attaquant un chœur de Laurent de
[(K PAIUS.
187
Rillé ou de Monestier, d'Avignon, devant un jury prfoidé par
mon excellent collaborateur A. Elwart. Quel plus digne sujet à
mettre en peinture !
Si de la partie vocale nous passons à l'instrumentale, que de
toiles, de statues, de dessins ne rencontrons-nous pas ! La flûte,
rien (|ue la flûte, est plus de cent fois représentée. Je me bor-
nerai à signaler le mérite du Faune de M. Combarieu, du Pecoruro
(Delaplanclic), du Zampognaro de Moreau-Vautliier. Dans ces
œuvres, d'un sentiment heureux et d'une exécution soignée, la
sculpture se montre bien supérieure à la peinture. Les instru-
ments, la danse, servent heureusement et exclusivement les tail-
leurs d'images en dotant leurs œuvres de l'animation de la vie.
Le piano a rencontré dans M. Artz un artiste minutieux et léclJé
comme un Hollandais. M. Honoré Capoul, le frère du ténor, me
dit-on, n'y est pas allé de main morte dans la réalisation de son
Musicien au violoncelle : sur les plats de cette basse, sur le gilet
de ce virtuose, semblent se concentrer et rejaillir tous les rayons
du bel soleou toulousain Quant au violon, à la mandoline, à la mu-
sette auvergnate, voire même à l'accordéon bourgeois, ils sont l'or-
nement de toiles plus nombreuses, il est vrai, que remarquables.
Je ne sais rien d'aussi tristement boufi"on que cette femme maigre
coiff"ée à la chinoise, vêtue d'un long peignoir jaune, juchée sur
l'étroit balcon d'un sixième étage et pinçant de la guitare, et
chantant à tue-tête, en plein midi, tandis que dans la rue doit
passer l'omnibus de Charenton à Saint-Philippe-du-Roule.
Mlle d'Aure fait sa partie dans le charivari avec un tambour de
basque et des castagnettes; mais quelles castagnettes, aussi! et le
beau tambour, mon Dieu ! Je suis encore à me demander pour-
quoi le premier violon du Quatuor dans un atelier de peintre, —
en voilà des gaillards qui doivent joliment arranger les adagios
classiques et les oreilles de leurs voisins ! — porte l'uniforme de
dragon bavarois? A côté de ces aimables plaisanteries, le Festival
au château de M. Lepoitevin mérite une mention particulière et
de justes éloges.
Alertes, nombreux, campés fièrement ou courbés sans bassesse,
Drapant leur gueuserie avec leur arrogance,
ils sont revenus à l'Exposition des Beaux-Arts, ces bohémiens, ces
nomades au pied légei', virtuoses du carrefour et du grand che-
min, dont les Salons précédents nous avaient déjà amplement ré-
vélé la poésie vagabonde. Il y en a tant que je renonce même à
dénombrer ces sujets faciles, facilement traités par MM. Brunet-
Houard, Cordier, Carloni, Dubouloz, Grigoresko, Loir, Maurin,
Salles, etc., etc. On retrouve là tous ces agaçants lazzaroni de la
Basilicate ou de la Sabine qui semblent nés pour écorcher Verdi
sur des violons étiques et user les uniformes des lycéens français.
Que voulez-vous? Au dire de Rabelais, un bateleur, un mulet avec
ses cymbales, un violeur au milieu d'un carrefour, assemblera
toujours plus de gens que ne ferait un bon prêcheur évangélique.
Ce goùt-là a progressé. N'importe! Sur le front de ces pauvres en-
fants de l'Italie, de la terre patricienne entre toutes, et sur leur
visage hâlé on retrouve le signe mystérieux des races aristocrati-
ques supérieures au malheur et à la misère. Cette noblesse est
d'autant plus frappante que l'éducation n'a rien fait pour elle,
qu'elle n'est pas le produit lentement distillé de la civilisation,
mais le fruit spontané d'un sol vigoureux. Je quitte ces brunes
ragazza que le n° 584 nous montre souriant d'aise, mangeant des
oranges au soleil de Naples, et le n° S85, hâves, déguenillées,
naufragées dans les boues de Paris pour courir aux Bohémiens
hongrois étudiant des airs nationaux, de Jean Grundt. Têtes hir-
sutes et bronzées, yeux ardents, physionomies d'oiseaux de proie,
ce sont bien là les étranges virtuoses qui, l'année dernière, entraî-
naient les visilours de l'Exposition dans le rliythme de leurs fié-
vreuses czadas.
Au libre royaume de la Danse, nombreuse et brillante compa-
gnie. La Poésie de la Danse toutefois, statue de M. Courtet,
manque essentiellement de charme et d'entrain : modelé sec, tête
fi'oide, draperies lourdes. Combien je préfère à ce plâtre le Sal-
timbanque demandant son salaire, de Délaye, ou le gracieux Tircis
de Bardry. La Gitana dansant ne manque pas de caractère. Une
Danse chez les Cerdans est un tableau médiocre, mais habilement
composé. La Leçon de danse au village réunit toutes les qualités de
sentiment et d'expression de l'école de Dusseldorff. Dans la salle
basse d'un chalet de la forêt Noire, le ménétrier du village, violon
en main, inculque les premiers préceptes de la contredanse à de
belles filles en jupes courtes. Elles sont là, bien campées, les pieds
en équerre, robustes et rougissantes sous l'œil de quatre ou cinq
vigoureux montagnards qui fument et boivent de la bière. Les
mamans s'intéressent vivement aux grâces naïves de leur progéni-
ture; les petites sœurs rient entre elles de la gaucherie de leurs
aînées; dans un coin, des gamins regardent, s'étonnent et sem-
blent rêver déjà à l'inconnu. Avec M. Viger et par la vertu de sa
palette magique, nous voici de cette chorégraphie champêtre re-
venu à la danse savante des salons d'autrefois, et des montagnes
de la Hardt lejeté au cœur de la Chaussée-d'Antin. Vestris, le diou
de la danse, fait répéter à Mme Récamier un Pas de gavotte qu'elle
doit danser le lendemain avec lady Georgiana , dans un bal chez
la duchesse de Gordon : la leçon est donnée, détail curieux! au
son de la harpe et du cor. Cette toile, dont le sujet et les détails
sont empruntés à Mme de Staël, est d'un fini et d'un effet éton-
nants : c'est bien certainement, à mon avis, le morceau capital de
la peinture de genre (car je n'y veux pas voir de l'histoire) du
Salon de cette année.
Quant aux portraits et à ceux du monde du théâtre et de la
musique, en particulier, leurs qualités négatives n'ont droit qu'à
la simple mention de leurs étiquettes, sans autres commentaire:
Cherubini, Rossini; puis Adelina Paiti, Mme Gueymard en faïence
(étrange idée!), Chevillard, Capoul, Mme la baronne de Maistre,
Mmes Viardot, Emilie Dubois, Jouassin, Mlle Favart, etc. Je ne
sais trop pourquoi Mme Âstoud-Trolley a donné une expressioii
satanique à son médaillon en bronze, d'ailleurs puissamment mo-
delé, de Beethoven? Le buste de Berlioz par M. Perraud est em-
pâté; ce n'est pas la finesse de profil de cette tête médullaire;
l'expression est trop concentrée ; et puis, je n'ai jamais connu au
maître ces cheveux semblables à des plumes d'autruche. M.
Bernhardt Sax a exposé un Liszt ressemblant, mais d'une exécu-
tion beaucoup trop lâchée. Au numéro 3400 je me suis heurté à
un Ponsard poncif qui fait une singulière mine à côté du médail-
lon plus grand que nature de Georges Hainl, par Auguste Poi-
tevin. La crinière au vent, la narine frémissante, l'œil domina-
teur, le front chargé de pensées, fulgurant, héroïque, avec quel-
que chose de léonin et de rêveur, tel je vous présente le chef d'or-
chestre de l'Académie impériale de musique et des concerts du
Conservatoire !
* *
Cette année-ci encore , la musique aura porté bonheur à la
peinture. Dans l'ensemble général du Salon, les statues et les toiles
qui ont emprunté leurs sujets à notre Art ne sont ni les moin^
intéressantes, ni les moins réussies. Au surplus, après les réserves
que j'ai faites en commençant, je n'éprouve aucun embarras à re-
connaître l'ingéniosité de conception , l'habileté d'ébauchoir et de
pinceau des artistes contemporains. Même faire, du reste, au camp
188
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
des harmonistes modernes. Sachons donc attendre. N'allons pas,
dans l'excès de nos impatiences, nous faire plus pauvres que nous
ne sommes et méconnaître injustement nos richesses. Notre école
de jeunes peintres comme notre école de jeunes compositeurs pos-
sède à un éminent degré le génie de l'observation, la vérité et la
puissance de la couleur, le secret des lumineuses transparences;
elle a le charme, le sourire, l'émotion aussi : ne nous plaignons
pas ; sachons attendre.
Il est des fruits, — et ce sont ceux de l'imagination et delà fleur
de l'âme, — qui ne se cueillent bien qu'à l'heure unique et dé-
sirée. Laissez passer la saison, allez vous figurer qu'ainsi, selon le
vieux précepte, vous leur permettrez de mieux mûrir et que vous
saurez les perfectionner en les retardant : erreur et oubli de la
fuite rapide des Heures, de ces Heures qui s'appellent aussi les
Grâces! Vous aurez peut-être d'autres fruits, mais vous n'aurez
plus les mêmes, et si ce sont ceux d'autrefois que vous voulez
après coup cueillir, ils n'auront jamais plus pour vous ni pour
d'autres leur duvet, leur saveur et leur parfum. Il y a beaucoup,
il n'y a presque que de ces fruits hâtifs au Salon de cette année :
c'est la raison, l'excuse et peut-être aussi l'honneur de sa fai-
blesse. Il faut espérer beaucoup et quand même d'une activité si
grande, d'une telle fécondité, même lorsqu'elles vont jusqu'à la
turbulence et à la prodigalité maladroite, dans un pays qui sait re-
trouver des ressources parmi ses inconvénients, et qui est ramené
toujours par ses défauts mêmes à ses qualités essentielles, netteté,
esprit et goût: — une tête qui pense, une beauté qui rayonne I
Em. Mathieu UE MONTER.
A propos des griefs formulés contre la direction du théâtre de
rOpéra-Comique dans la dernière Assemblée générale de la Société
des autours et compositeurs dramatiques, on lit dans le feuilleton
du Conslilulionnel, sous la signature de Nestor Roqueplan :
» Vers le milieu de la séance, plusieurs compositeurs ont pris la pa-
role et ont demandé que l'on rappelât au directeur de l'Opéra-Comique
l'obligation à lui imposée par son cahier des charges de jouer, par an
vingt actes nouveaux.
» Certes, nous comprenons que les compositeurs, de jour en jour plus
nombreux, qui s'entassent devant la porte étroite qui conduit à la lu-
mière et au succès, réclament la possibilité de se servir de leurs études
et de leur talent. Nous apprécions surtout la situation désavantageuse
que leur l'ait un traité dont une clause les oblige à travailler au même
prix que les maîtres les plus célèbres , et leur interdit celte faculté
commune à toutes les industries, de compenser les risques plus grands
de l'acheteur par le meilleur marché de la denrée.
» Mais nous voulons examiner ici, au point de vue pratique, s'il est
possible de faire droit à leur réclamation dans la forme absolue qui lui
a été donnée.
» Nous savons, par expérience, combien est rembourré d'épines l'o-
reiller d'un directeur de théâtre lyrique, et combien la tâche de satis-
faire à la fois des intérêts et des amours-propres, est plus difficile encore
pour ce malheureux que pour les directeurs des théâtres de drame et de
vaudeville.
» Mis à chaque instant en danger d'être jeté en dehors de l'équilibre
par l'énormité de ses frais, il est, en outre, chargé d'une subvention
dont Vcndroil présenle une somme ronde à palper, mais dont l'enucrs est
un cahier des charges hérissé, comme les contrats de mariage, de pré-
cautions minutieuses et d'obligations poussées jusqu'à l'extrême limite du
possible.
» Nous ne voulons nous mettre à aucun point de vue absolu, ni es-
sayer non plus de métamorphoser les directeurs de théâtres lyriques en
de blanches et innocentes victimes. Nous voulons seulement établir ici
que l'obligation imposée à l'Opéra-Comique de jouer vingt actes par an
ne peut être prise à la lettre, et qu'il convient d'établir une moyenne
entre les années heureuses et les années malhfureuses.
» En certains cas, pour un théâtre, une nombreuse exhibition de
pièces est un signe de perte ; car la période dans laquelle on joue beau-
coup de pièces est forcément la période oii chacune de ces pièces se
trouve jouée peu de fois. Or, en supposant qu'on laisse de côté les re-
prises, et par conséquent le répertoire, la moyenne des études nécessi-
tées par une pièce en trois actes, étant de trois mois au moins, trois ou-
vrages nouveaux prennent déjà neuf mois de l'année. Que si, — chose
impossible, — on mentait simultanément deux grands opéras en trois
actes, en divisant les forces du théâtre et en négligeant forcément la
distribution d'une des deux pièces, on serait obligé, vers la vingtième
représentation de l'opéra qui aurait passé le premier, de lancer l'autre,
divisant ainsi l'opinion du public et risquant d'interrompre un succès.
» De plus, en supposant les trois ouvrages suffisamment heureux, on
ne peut leur accorder à chacun moins de cinquante représentations, —
total, pour les trois pièces, 130 représentations. Etant reconnue, d'ailleurs,
à cause de la délicatesse des gosiers destinés au chant, l'obligation de ne
jouer une pièce lyrique que de deux jours l'un, voilà deux cent cin-
quante ou trois cents jours, à peu près, employés par trois opéras nou-
veaux.
» Admettons encore que, pendant les études de ces trois ouvrages, on
trouve moyen de monter trois petits opéras en un acte, sans chœur,
sans importance, et, par conséquent, sans profit pour personne, il ne
resterait toujours que trois mois pour jouer huit actes. Un rêve !
» Nous ne voulons pas dire pourtant que l'on ne puisse faire plus
que ce qui a été fait. De grands succès mérités ont immobilisé, sur l'af-
fiche, des pièces justement heureuses. Mais, dans l'existence des théâtres,
comme dans celle des individus, le bonheur n'est qu'un accident. Toutes
les années ne seront pas des années d'Exposition universelle. Le moment
viendra où, pour réussir, il faudra plus souvent tenter la fortune, et,
par suite, recourir à un plus grand nombre de compositeurs.
» Ainsi se trouvera écartée, par la force des choses, cette petite pierre
d'achoppement qui vient de faire un peu c.ihoter les relations paisibles
qui existaient entre le directeur de l'Opéra -Comique et les auteurs dont
le traité avec ce théâtre a été fidèlement exécuté par M. de Leuven.
Quant au cahier des charges, la surveillance en est confiée à une admi-
nistration qui se réserve, selon les circonstances, d'employer l'indulgence
ou la rigueur, et qui, dans l'intérêt des compositeurs, vient de faire ac-
cepter, aux directeurs des théâtres lyriques, deux choses qui n'étaient
pas dans le cahier des charges de ces théâtres: la liberté de l'industrie
théâtrale et la représentation des ouvrages couronnés dans le dernier
concours d'opéra et d'opéra-comique.
» Le principal grief contre M. de Leuven ne serait-il pas qu'il a di-
rigé son théâtre de manière à le sauver de tout désastre? »
M. Roqueplan aurait pu ajouter que la subvention annuelle de
240,000 francs est accordée spécialement au théâtre de l'Opéra-
Comique pour maintenir ce théâtre au-dessus du niveau des scènes
lyriques de second ordre, et qu'elle est en même temps affectée
particulièrement à la garantie du paiement des appointements des
artistes. Cela est si vrai que le jour où la subvention serait retirée,
tous les engagements se trouveraient résiliés de fait. Mais il y a
encore, dans la levée de boucliers qui s'est produite à l'Assemblée,
une contradiction bien singulière à faire ressortir, c'est celle-ci :
le cahier des charges octroyé au directeur de l'Opéra-Comique
l'autorise à jouer les traductions d'œuvres étrangères; seulement,
lorsqu'il s'est agi pour lui de faire un traité avec la commission
des auteurs dramatiques, celle-ci lui a tout d'abord interdit de jouer
ces traductions en alléguant pour motif qu'elle n'avait nullement
à se préoccuper du cahier des charges et des prérogatives qu'il
assurait à la direction, mais bien du soin de sauvegarder les inté-
rêts de ses sociétaires auxquels nuirait l'introduction d'un élément
étranger. M. de Leuven a dû céder à cette exigence. Et voilà qu'au-
jourd'hui c'est ce cahier des charges, que la Société ne voulait
pas connaître quand il froissait ses intérêts, qu'elle prend à partie
et dont elle prétend se servir pour attaquer la Direction ! En vérité,
est-ce logique? Est-ce équitable?
Espérons que, grâce aux bonnes intentions et à l'impartialité de
plusieurs des membres de la Commission, et surtout aux senti-
ments conciliants de son honorable président, ce conflit se termi-
nera à la satisfaction de toutes les parties intéressées. Nous croyons
d'ailleurs savoir que déjà les choses sont en bonne voie d'arrange-
ment.
DE PARIS.
189
REVOE DES THÉÂTRES.
Vaudeville. L'Abîme, drame en cinq actes et onze tableaux, de
Charles Dickens, arrangé par M. Didier. — Ambigu. La Czarine,
drame en cinq actes et huit tableaux, par MM. Jules Adenis et
Gastineau. — Gaité. Les Orphelins de Venise, drame en cinq
actes et six tableaux, par M. Ch. Garand. — Salle Ventadour.
Madame de Chamblay , drame en cinq actes par M. Alexandre
Dumas.
Si MM. les Anglais se livrent sans relâche à V adaptation de nos
œuvres dramatiques, sans profit pour les auteurs français, on ne
dira pas que nous abusons du droit de représailles. L'Ahtme a
obtenu un grand succès à Londres ; M. Didier l'a traduit et arrangé
pour la scène du Vaudeville, mais au lieu de laisser Charles Dic-
kens dans l'ombre, il l'a pris par la main pour le présenter au
public et pour lui faire les honneurs de l'affiche. Puisse cet exemple
profiter à nos confrères d 'outre-Manche qui , jusqu'à ce jour, n'ont
eu d'autre préoccupation que celle d'éluder, par tous les moyens
possibles, les dispositions de notre traité international.
Le drame de Charles Dickens a réussi à Paris comme à Londres,
et certes, la difficulté était plus grande. Il avait d'abord contre lui
le genre ordinaire du théâtre de la Bourse, qui n'a rien de com-
mun avec celui des anciens théâtres du boulevard , où il eût été
plus convenablement placé. Il y a, en outre, dans l'Ahime, un dé-
faut de composition qui est peut-être dans les habitudes anglaises,
mais qui n'est guère dans les nôtres. Nous voulons parler du
double sujet dont l'action se compose : un intérêt croissant, des
situations fortes, des péripéties nombreuses ont fait passer sur cet
inconvénient.
Dans la première partie, il s'agit d'un pauvre enfant trouvé
qu'une mère croit reconnaître, sur de faux indices, et à qui elle
laisse toute sa fortune; plus tard, cet enfant devenu homme, ap-
prend la vérité, et, par un rare excès de délicatesse, il forme le
projet de chercher celui dont il a pris la place, pour lui rendre
les biens qu'il possède indûment. La mort ne lui laisse pas le
temps d'accomplir son dessein , et il charge son associé , Georges
Leslie, de continuer ses recherches. Or, il se trouve que c'est ce
Georges Leslie lui-même qui est le fils dépossédé par la méprise
en question.
Mais avant d'arriver à la révélation de ce mystère, nous voyons,
dans la seconde partie, Georges Leslie en lutte ouverte avec un
coquin, du nom de Richenbach, dont il aime la pupille et en qui
il rencontre un rival redoutable. Richenbach a commis un vol et
un faux; Georges en possède la preuve; dès lors, il n'y a plus de
repos pour le premier de ces deux hommes tant que l'autre vivra.
Une première fois, dans une auberge, Richenbach est sur le point,
grâce à l'effet d'un narcotique, de s'emparer de la pièce accusa-
trice que son ennemi porte sur lui. Georges échappe à ce danger,
mais bientôt les deux rivaux se rencontrent, en Suisse, sur les
bords d'un abîme , au fond duquel Richenbach veut précipiter
€eorges, lutte effrayante qui se termine par la mort du coupable
et par la réunion des deux amants.
Ce tableau de l'abîme, encadre dans un magnifique décor et
venant après l'acte de l'auberge, dont l'admirable mise en scène
et le jeu des acteurs avaient produit beaucoup d'elfet, a été
accueilli avec enthousiasme et a décidé du sort de l'ouvrage dont
les représentations seront aussi nombreuses que fructueuses. Du
reste, la distribution est excellente : Berton et Desrieux interprè-
tent les deux principaux rôles avec beaucoup d'autorité et de talent.
A côté d'eux citons Munier, Parade, Saint-Germain, Mme Vigne,
Mlle Cellier, et une débutante, Mme Larmet, qui a fort bien joué
la mère du prologue.
— Dans le drame de la Czarine, donné à l'Ambigu, ce n'est pas la
grande Catherine II, la Sémiramis du Nord, l'amie de Voltaire, de
Diderot et de d'Alembert, qui occupe lapremière place. C'est un cer-
tain baron de Kempelen, savant mécanicien prussien, émule de
Vaucanson, mandé par la czarine à sa cour, et qui à l'aide de
ses connaissances scientifiques et d'une scène de fantasmagorie
étouffe la conspiration tramée contre elle par l'imposteur Pugats-
chew. — Il ne faut pas chercher dans l'œuvre de MM. Adenis et
Gastineau le tableau d'un des grands faits historiques de ce règne
éclatant; ils n'y ont découvert qu'une assez mesquine rivalité entre la
puissante souveraine du Nord et la fille du baron de Kempelen,
rivalité dans laquelle l'impératrice a le beau rôle, puisqu'elle
comble sa rivale d'honneurs et de richesses et lui fait épouser un
comte polonais qu'elle aime. — Il n'y avait guère lieu pour cette
intrigue, malheureusement trop rebattue, d'évoquer les souvenirs
de Catherine II et d'y faire intervenir Orloff et Pugatschew ; mais
Mme Marie Laurent y a trouvé une nouvelle occasion de mettre
en relief son immense talent dramatique, et le public une véritable
surprise dans l'exhibition d'un truc ingénieux dû à l'habileté du
célèbre Robert Boudin. Il consiste en un automate joueur
d'échecs dont la boîte, parfaitement isolée du sol, recèle à un
moment donné l'amant de Marie de Kampelen, qui y a trouvé un
refuge et n'offre pourtant, lorsque, sur l'ordre de la czarine, le ba-
ron est forcé de l'ouviir, qtrun intérieur percé à jour où l'on voit
se mouvoir les rouages du mécanisme. — La scène est saisissante
et elle sera l'attraction de la pièce, d'ailleurs très-luxueusement
montée et très-bien jouée, à côté de Mme Laurent, par Omer, Ré-
gnier et Mme Lacressonnière.
— C'est un moyen d'attraction semblable, en dehors des éléments
du drame, qui manque aux Orphelins de Venise, joués à la Gaîté.
L'action, un peu terre à terre, repose sur la vengeance d'un doge
quelconque, à qui le comte Roger a confié maladroitement le sort
de sa femme et de ses enfants. Ce doge est l'ennemi secret de
Roger; aussi laisse-t-il mourir la mère, et prend-il ses mesures
pour que le fils soit un jour un affreux bravo et la fille une cour-
tisane vulgaire. Mais sus odieuses prévisions sont trompées et les
enfants du comte Roger échappent heureusement à ses embûches.
En somme, ce drame est très-bien conçu et a de louables quali-
tés d'exécution. On y remarque en outre un très-beau décor de
Venise à vol d'oiseau, et enfin on y applaudit Ménier dans un rôle
de sacripant qui n'est pas dénué d'une certaine originalité. Les
autres personnages sont interprétés à souhait par Dumaine, Lacres-
sonnière, Angelo, Mlle Lia-Félix et Mme Juliette Clarence.
— Quelques artistes du théâtre de la Porte-Saint-Martin, frappés par
la faillite de la dernière direction, se sont réunis pour donner des
représentations à la salle Ventadour, et ils ont eu la bonne fortune
d'inspirer à M. Alexandre Dumas assez de confiance pour obtenir
de lui un drame inédit, tiré de son roman Madame de Chamblay.
Le sujet n'en est pas très-neuf; c'est l'éternelle histoire d'une
femme mal mariée qui trouve le dédommagement de ses peines
dans l'amour d'un beau jeune homme ; mais ce qui démontre l'ha-
bileté du célèbre dramaturge, c'est le dénoûment amené par un
personnage pour ainsi dire épisodique. L'amant de Mme de Cham-
blay est protégé par un fonctionnaire public, un préfet d'Evreux,
qui lui prête sa voiture pour échapper à la poursuite du mari. Le
cheval est attelé; le départ est imminent, mais, dans l'intervalle,
le préfet se prend de querelle avec M. de Chamblay; il sort avec
lui pour se battre à l'épée, et bientôt après il rentre seul. —
« Faites dételer, » dit-il au domestique.
Cette manière imprévue de dénouer une situation difficile a
provoqué d'enthousiastes bravos. Nous en sommes heureux pour
de courageux comédiens qui méritent tout notre intérêt. La pièce,
m
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
un peu languissante dans les premiers actes, est d'ailleurs bien
jouée par Brindeau, Charly, Laroche et Mme Hica-Petit.
D. A. D. SAINT-YVES.
Monument à la mémoire d'Edouard Monnais.
Voici la liste des souscripteurs inscrits jusqu'à ce jour :
MM. Auber, Camille Doucet, Caumartin, Chaix-d'Est-Ange, le
général Mellinet, Ambroise Thomas, Emile Perrin, de Saint-
Georges, Hippolyte Rodi'igues, Mme veuve Kastner, Mme Meyer-
beer, Treitt, Heugel, Ritt, Mme la princesse H. de H., baron Tay-
lor, de Lassabalhie, l'Association des Artistes musiciens, de Bez
(membre du Comité de l'Association des Artistes musiciens), Ch.
Thomas (idem), Delzant (idem), Emile Réty (id), Klosé, Mitouflet,
Mme L. Farrenc, François Bazin, Dauverné, Bressant, A. de Beau-
chesne, L. Massart, Cokken, J. Mohr, Georges Mathias, Elwart,
Tariot, Elle, Alkan (Napoléon), Laget, Che\ illard, Delle-Sedie,
Croharé, Le Couppey, Emile Durand, H. Duvernoy, H. Herz, Fo-
restier, Dieppo, Saint-Yves-Bax, Vauthrol, F. Benoist, Edouard
Batiste, Emile Jonàs, Franchomme, E. Mocker, D. Allart, A. Sa-
vard, Labro, Marmontei, Mme Maucorps Delsuc, Eugène Sauzay,
Baillot, Mlle F. Jousselin, Victor Massé, A. de Beauplan, Révial,
Charles Duvernoy, Alphonse Duvernoy, Edmond Duvernoy,
Mme Dufresne, Léon Kreutzer, Brandus Dufour, Pasdcloup, A.
Sax, Carafa, Edouard Thierry, Montigny (directeur du théâtre du
Gymnase), Mme veuve Panseron, Bagier, Alexandre de Lavergne.
On souscrit au Conservatoire impérial de musique et de décla-
mation (bureau de M. Emile Réty), au bureau de la Gazette musi-
cale et au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne.
CONCERTS ET AUDITIONS IBDSICÀLES DE LÀ SEOIÂINE.
^*j, M. Ugo Errera, de Milan, dont nous avons annoncé l'arrivée à
Paris, a donné son concert vendredi dernier à la salle Erard. M. Errera
appartient par sa naissance à l'une des familles les plus distinguées de
Venise. En se vouant à l'art musical il a obéi à une vocation irrésistible
et il s'est livré à de consciencieuses études. Aussi avons-nous pu apprécier
chez ce jeune compositeur (qui est aus-si un pianiste brillant et puissani),
un sentiment très-fin de l'harmonie et une entente peu commune de
l'effet; sa Rêocrie, son originale Sicilienne, sa Prière du soir, son scherzo
sont autant de charmantes compositions de salon qu'attendent des succès
durables. La transcription du chœur des soldats de Faust est tout à fait
artistique, mais fort difficile d'exécution, — M. Consolo, le violoniste na-
politain et une cantatrice d'un grand mérite, Mlle Enrichetta Corradi,
ont partagé avec le bénéficiaire un très-grand et très-légitime succès.
^*» Un compositeur espagnol, M. Lopez, qui est aussi un chan-
teur très-habile et très-sympathique, a donné dernièrement, à la
salle Herz, un concert où il s'est produit avec avantage en celte double
qualité. Mme Calderon, du théâtre Italien, y a obtenu un très-grand suc-
cès avec l'air de la Favorite et la romance d'Alary, l'Etranger, qu'elle a
dite d'une manière ravissante.
^*^. La Société d'émulation de l'Allier, à Moulins, a décerné dans sa
séance du S juin, après un rapport de M. Rondeau sur le mérite des
compositions musicales envoyées pour le concours d'un chant choral
bourbonnais, une médaille d'or à M. Victor Millet, président de la Lyre
moulinoise, et trois médailles de vermeil à MM. Auradou, professeur de
musique à Moulins, Marins BouUard, directeur de la Lyre moulinoise et
G. Curto, maître de chapelle à la Nouvelle-Orléans (Etats-Unis).
^*^ Au concours musical de Chartres, qui a eu lieu dimanche der-
nier, le premier prix de la division supérieure (médaille d'or donnée par
l'Empereur), et le prix d'excellence (couronne de vermeil), ont été rem-
portés par les Enfants de Saint-Denis . Celle vaillante Société, si intelli-
gemment dirigée par MM. Victor Desmet, père et fils, avait pour con-
currents dans cette circonstance, YOdéon, les Enfants de Faris , les En-
fants de la Belgique, le Clioral du Mans et ÏOrphéon de Sèvres, toutes
Sociétés excellentes et habituées à la victoire.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
»*» L'Africaine a été représentée deux fois cette semaine, lundi et
vendredi, devant une salle comble applaudissant les sublimes beautés du
chef-d'œuvre et les artistes qui l'interprètent si magistralement. — Mer-
credi on donnait Guillaume Tell. Un empêchement subit de Mlle Marie
Battu ne lui ayant pas permis de jouer le rôle de Mathilde, elle y a
été remplacée à l'improviste par Mlle Hamackers.
„,% Quatre représentations successives des Dragons de Villars ont glo-
rieusement confirmé le succès de l'opéra de Maillart. Maintenant sûrs
de leurs rôles, les artistes leur donnent toute leur valeur; Mme Galli-
Marié déploie dans celui de Rose Friquet les qualités qui lui sont pro-
pres et qui rendent fort difficile une comparaison entre elle et l'actrice
qui le créa. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle fait un'plaisir énorme,
c'est que Lhérie étonne par le charme de sa voix dans la romance et le
duo, que Barré s'est fait adopter d'emblée par le public de la rue Favart,
que Mlle Girard n'a jamais eu plus de verve, et que désormais, solide-
ment établie sur la scène de l'Opéra-Comique, cette œuvre si vitale, si
complète, sera l'un des plus beaux joyaux de son répertoire.
^*^ Capoul prenant son congé à la fin de ce mois, la direction a
résolu de ne reprendre le Premier Jour de Bonheur qu'au mois de sep-
tembre ; le nouvel opéra d'Auber n'aura donc plus qu'une demi-
douzaine de représentations d'ici au l" juillet.
*% Nous aurons la saison prochaine au théâtre Italien les deux
célèbres ténors Fraschini et Tamberlick, le premier en même temps que
la Patti; le second, pendant l'absence de la diva. — Les époux Tiberini
ont refusé l'engagement qui leur était offert par M. Bagier.
»*,K On sait que ce n'est pas seulement en France que les Dragons de
Villars ont conquis la popularité. Sous le titre de la Clochette de l'ermite
ils sont joués sur les principales scènes de l'Allemagne. Ils pourraient
bien avant peu faire aussi leur apparition sur les scènes italiennes. Nous
apprenons en effet qu'une des rantatrices les plus en vogue aujourd'hui,
et dont les succès à l'étranger font grand bruit, désire vivement jouer
le rôle de Rose Friquet, et que l'un des directeurs qui l'ont engagée pour
la saison prochaine est en pourparlers avec les auteurs pour une traduc-
tion italienne et pour les récitatifs nécessaires.
^*^ Aussitôt après la fermeture annoncée pour le 30 juin, la troupe
de l'Athénée se rendra à Bruxelles, où elle donnera, pendant le mois de
juillet, ses représentations de Fleur de Thé fit de Malbrough, pièce re-
maniée entièrement et réduite à trois actes. — Le mois d'août sera
donné au Havre, et, pour augmenter l'attraction de ces représentations,
M. Busnach a engagé Thérésa, qui chantera chaque soir deux de ses
chansons. — Grâce à ces éléments, le succès de la tournée entreprise
n'est pas douteux et le théâtre rouvrira le i" septembre dans les meil-
leures conditions.— Du reste, M. Busnach se prépare à celte réouverture,
et comme répertoire, et comme personnel. On cite les engagements
de Mlle Veslri qui a eu des succès au théâtre Italien, de Hamburger,
qui quitte les Variétés et qui débutera dans le Petit Poucet. En outre,
Luce, ténor qui arrive de Bruxelles vient de débuter dans le rôle de Pin-
sonnet, et Oscar a été également engagé pour donner un peu de répit
à Désiré. — Ce n'est pas, comme on voit, l'activité qui manque à la
direction.
^,*j. On donnera pour la réouverture du théâtre des Menus-Plaisirs
une féerie de MM. Clairville et Gastineau : la Fée aux Grelots dont
M. Debillemont compose la musique.
^*, On écrit de Bordeaux que M. Halanzier vient de publier son pro-
gramme pour la saison prochaine. Il y annonce qu'il donnera le grand
opéra, l'opéra-comique et le ballet, du !"■ septembre au 31 mai, quoi-
que son traité ne l'oblige à jouer ce genre que du i" septembre au
30 avril. — Le Grand-Tuéâtre ouvrira le l"' juillet pour les représentations
de Peau-d'Ane par les artistes de laGaîté. — Les explications données par
M. Halanzier, dans sa circulaire, satisfont tout le monde, et l'on est
plein de confiance en ses promesses. On compte donc sur une année
théâtrale exceptionnelle : les connaissances spéciales et le talent excep-
tionnel de l'habile imprésario justifient d'ailleurs cette confiance.
,*4 Crosti vient d'être engagé par M. Mapleson pour la tournée que
l'imprésario de Her Majesty's théâtre fait à l'automne en Angleterre; il
chantera le rôle de Saint-Bris dans / Ugonotti.
,p\ Les receltes des théâtres subventionnés, des théâtres de second ordre,
des concerts, cafés-concerts et autres établissements soumis à la percep-
tion du droit des pauvres, se sont élevés, pendant le mois de mai, à la
somme de 1,080,712 fr. 61 c.
NOUVELLES DIVERSES.
^** Aujourd'hui, à une heure précise, dans la salle du Grand-Orient,
rue Cadet, a lieu l'assemblée générale annuelle des auteurs, composi-
teurs et éditeurs de musique. MM. les sociétaires sont instamment priés
DE PAUIS
191
d'y assister. — L'ordre du jour est la lectirre du rapport du trésorier el
celle du rapport du président. 11 sera ensuite procédé au remplacement
de trois membres sortants du syndicat. Les candidats qui paraissent avoir
le plus de chances de les remplacer soin: M. Th. Sauvage, auteur dra-
matique, président honoraire'; M. Jonas, compositeur distingué, inspec-
teur des musiques de la garde nationale, el M. Colombier, éditeur de
musique, l'un des fondateurs delà Société, et qui fut longtemps membre
du syndicat.
^*^ Les examens préparatoires pour l'admission aux concours publics
sont commencés depuis le 5 juin au Conservaioire impérial de musi-
que et de déclamation, et se continuent dans l'ordre suivant : — le 5,
instruments à cordes: violon, violoncelle, contreba.^se; — le 9, comédie
et tragédie; — le IJ, piano (hommes et femmes); — le 12, orgue, har-
monium ; — le 13, solfège; — les lo et 16, les huit classes de chant;
— les 17 et 18, les quatre classes d'opéra-comique et d'opéra.
»*j, Le sixième concerto de Herz (en la mineur), est désigné cette
année pour le concours de piano de s hommes au Confervaloire, et le
premier de Chopin (en mi mineur) pour celui des femmes. Le
deuxième concerto (en mi majeur) de Habeneck a été choisi pour les
classes de violon, et le deuxième concerto de Romberg (en ré majeur),
pour les classes de violoncelle.
jf% Les concurrents poui* le grand prix de Rome (composition musi-
cale) sortent de loge aujourd'hui. Le jugement sera rendu le lundi 29
juin .
.*, Mlle Désirée Artôt est arrivée la semaine dernière à Paris. La
célèbre cantatrice, après ses triomphes de Moscou, va se reposer quelques
jours à Ville- d'Avray, dans la belle villa qu'elle s'y est fait construire à
côté de celles de Delle-Sedie et de Mme Demeur-Charton. Après avoir
assisté la semaine prochaine au mariage de sa sœur, elle partira pour les
eaux du mont Dor. Mlle Artôt est engagée pour Hombourg, et dès l'au-
tomne elle repartira pour Varsovie et Moscou dont les théâtres fondent
sur elle leurs grandes espérances de l'hiver.
*** Arban est de retour à Paris ; il s'occupe de transporter ses pénates
à la salle Valenlino, et des nombreux embellissements qui y sont appor-
tés. — Son dernier concert à Madrid a été magnifique; on y a beaucoup
applaudi l'excellent artiste et ses variations pour le cornet à pistons; sa
grande fantaisie sur les Huguenots a produit un immense efifet. Leurs
Majestés assistaient à ce concert.
»*, Mme Ugalde se propose de parcourir les villes du riord de la
France en compagnie de trois ou quatre artistes , pour donner des re-
pré^entations de la Grande - Duchesse , qu'elle interprète d'une manière
fort originale. De son côté, Brasseur a le projet de visiter le midi avec
Une troupe d'élite, et déjouer son désopilant répertoire, la Vfe parisienne,
le Brésilien, eic, dans toutes les viUes du parcours.
^*^ Levasfor et Mme Teysseire ont été engagés pour la prochaine
tournée artistique Ulmann-Patti.
^*^ Fleur-de-Thé, qui continue à braver avec avantage les chaleurs
del'été, n'échappera à aucun des genres de célébrité. Elle vient de donner
son nom, dans le royaume de la mode, à une nouvelle couleur qui pa-
raît destinée à remplacer la fameuse couleur Bismark, depuis un an en
possession de la faveur de nos élégantes.
,% M. Henri Herz jeune, chef de la manufacture de pianos connue
soiis le nom de Ph. Herz neveu et C'° qui a obtenu la médaille d or à
l'Exposition universelle, se marie le 16 de ce mois ; il épouse Mlle Ma-
rie Husson.
^*^ M. de Lenz , l'auteur de Beethoven et des trois styles, prépare un
ouvrage critique et biographique sur Weber, et se trouve en ce moment
à Dresde, où il complète les documents nécessaires h .«on travail. On sait
que cette ville doit beaucoup, sous le rapport musical, à l'auteur du
Preiichiilz, qui y dirigea plusieurs années l'Opéra.
^*, 11 exi^te à Naples, — et c'est la propriété de l'éditeur Teodoro
Cottrau, — une collection d'autographes musicaux peut-être unique au
monde. Elle renferme, en efifet, entre autres pièces intéressantes: la
partition ori,:^inale entière de Lucia ai Lammerrnoor, de Donizetli; / tuoi
frequenli paliiili, de Pacini ; l'air bouffe de Pulcinella, par Bellini ; la
célèbre cantate écrite par PaiViello pour l'entrée de Joseph -Napoléon à
Naples; celle, non moins célèbre, de Ros-ini, pour la rentrée des Bour-
bons à Naples en 1815; la Desiruc'io di Jérusalem, oratorio de Zinga-
relli; le Miserere, écrit par Valentino Fioravanti pour la chapelle Sixiine;
la Messe de Ucquiem, de l'illustre Simon Mayr, dont Rossini fut l'élève;
la CamiUa, de Pacr, etc. On remarque aussi , dans ces magnifiques ar-
chives, 2,000 manuscrit-s de toutes les partitions spécialement écrites
pour les six théâtres; lyriques de Naples et servant à la représentation
de ces opéras. Le British Muséum de Londres viendrait, dit-on, d'ac-
quérir cette collection.
^** On nous écrit de Vich/ : « La saison se présente sous de beaux
auspices: le temps est admirable, aussi les étrangers affluent-ils de
toutes paris. On compte en ce moment près de deux mille personnes.
-^ L'orchestre, composé de quarante musiciens des plus distingués de
la capitale, vient de donner son premier concert,. sous la véranda du
grand Casino, où la foule se pre.'^sait. M. Roméo Âccursi, qui dirige cet
orchestre, est un chef très-habile . — 11 est question' d'une améjioration
qui fera un sensible plaisir à nos lecteurs: deux fois par semaine, de 8
à 10 heures du soir, l'orchestre se ferait entendre dans le kiosque du
parc ; heureuse idée due à M. Callou. — Le Casino a ouvert ses portes
depuis plusieurs jours, et chaque soir les artistes dramatiques, sous la
direction de M. Menjaud, artiste très-distingué, font merveille. — Le
mois de juillet sera des plus brillants cette année, et l'on annonce la
présence à Vichy, pour cette époque, de Mmes Marie Cabcl , Werthfini-
ber, Ugalde, qui ont eu de si grands succès l'année dernière. On parle
de M. Capoul, de l'Opéra-Comique. - Mlle Godefroy, de l'Opéra, Mlles
Gonetti et Caussemille, qui séjourneront un mois à Vichy, contribueront
beaucoup à donner aux concerts du salon des fêtes le plus grand at-
trait.
*% M. Coedés, qui a résilié avec M. d'Hôte, comme nous l'avons
annoncé, ainsi que plusieurs de ses camarades de la troupe française par-
tie pour le Brésil, vient de fonder dans le plus beau quartier de Buenos-
Ayres un théâtre-café, où il exploitera l'opérette et le vaudeville.
:t*» Un homme de lettres distingué, auteur de vaudevilles et qui a
marqué dans la presse, M. Jules de Prémaray, est mort cette semaine.
ÉTRANGER
^*^ Londres. — Mlle Niisson vient d'aborder, pour la première fois,
et avec un grand bonheur, les rôles travestis : elle a chanté Cherubino
des Nozze di Figaro, qui lui a valu un splendide succès, et bientôt elle
jouera le page Oscar de Gustave III. — Mlle Patti, dont l'étoile brille
toujours à Covent-Garden de l'éclat le plus vif, a excité des transports
d'enthousiasme dans la Figlia del lieçimento. — Un brillant concert a
été donné le 9 juin par Mlle Enequist, la charmante cantatrice suédoise,
qui a dit d'une manière ravissante plusieurs mélodies nationales et une
valse de Loret, Sogni d'amor. — Le grand meeting annuel des Charity
Children , ou Enfants assistés, a été tenu à Saint-Paul, jeudi de la se-
maine dernière. Quatre ou cinq mille jeunes voix chantant à l'unisson
des psaumes bu des antiennes produisent un effet dont on s'imagine dif-
ficilement la puissance; et c'est à une solennité de ce genre, à plus de
cinquante ans de dislance, que deux musiciens d'organisations cependant
bien différentes, Haydn et Berlioz, ont du l'une de leurs plus vives
impressions.
^*^ Spa. ^ Parmi les artistes engagés pour la saison, on cite Mmes Escu-
dier-lCasiner, Léonard, Mlles Brunetti, Schrœder, Paloc, Brandt, MM. Léo-
nard, Jehin-Prum, Dunkler et Reuclisel (ces deux derniers violoncel-
listes), les chanteurs Géraldy, Jourdan, Everardi et Warnots, le flûtiste.
De Vroye, Arban et Charles de Bériot. ■
jf*^ Bade.— Di\r)s le programme desfêtes musicales publié parla nou-
velle direction des eaux de Bade il faut signaler quatre représentations d'o-.
péra allemand (Lohengrin, Martha, le Postillon de Lonjumeau, Don Juan,
joués du 'S au 12 septembre), deux d'opéra italien {^'orma, la Favorita,
pour les 1-4 et 17 septembre), deux- représentations de ballet données par
la troupe de Darmstadt et huit des plus jolies opérettes d'Offenbach, du
20 septembre au lo octobre : au nsmbre de celles-ci, est Lischen et Fritzchen,
très-populaire aux bords du Rhin et que joueront Désiré et Mlle Zulma-
Boutïar. — Ainsi que nous l'avons dit, les concerts ont brillamment com-
mencé avec les enfants Frémaux. M. Dupressoir avait voulu que cette
inauguration fût gratuite, et il y avait plus de deux mille personnes dans
les salons de conversation; le prince Napoléon y assistait. Après le suc-
cès qu'y ont obtenu les jeunes art'stes, ils ont été appelés à jouer dans
une soirée particulière, chez le directeur de l'établissement, à laquelle
assistait Offenbach, et où ils n'ont pas été moins complimentés. Enfin,
dans la matinée de Mme Viardot, la reine de Prusse, qui l'honorait de
sa présence ainsi que la grande-duchesse de Bade et autres grands per-
sonnages, a voulu entendre les charmants enfants, et SaMajesté ne leur
a épargné ni les félicitations ni les caresses. Avant leur départ,
M. Dupressoir les a invités à déjeuner, et sous leur serviette les deux
garçons onttrouvé une belle chaîne d'or et la petite fille une riche bro-
che donnés comme souvenir de leur séjour à Bade.
^*i^ Berlin. — Le théâtre de KroU continue à déployer une " activité
qui fait le plus grand honneur à son directeur, M. Engel. L'opéra y est
donné presque chaque soir; outre Martha et Czar et Gharpenlier, dont
nous avons parlé, on a joué le Trouvère, et Rlgolelto, Eernani, Lucrezia
Borgia, etc. , sont annoncés. La salle, très-spacieuse, est comble chaque
soir; six mille spectateurs y ont trouvé place le jour de la réouverture.
^*<, Vienne. — L'Opéra a clôturé la saison le 29 mai avec Faust. La
réouverture aura lieu le 1°'" juillet. — La nouvelle salle sera inaugurée
le i" avril prochain; les travaux sont activement poussés.
^*^ Madrid. — La troupe d'opéra-bulfa italien engagée pour le Théâ-
tre-Rossini des C^impos-Elissos se compose de Mmes de Baillou, Pozzi,
Emilia Grassi, Rasori, Fos<a de Ferrer, MM. Piazza, Altini, Giannini,
Alessandro Bottero (le célèbre buffo caricato), Scannoviano, Grassi. Les
représentations ont du commencer le 11 juin par Don Bucefalo. .
Le Directeur : S. DUFOUR.
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SOMMAIRE. — Études sar Charles-Marie de Weber (troisième partie, 4* arti-
cle), par Edmond IVeakomm. — Assemblée générale des trois Sociétés
pour la perception des droits d'auteur, par Tbomas SauTaçe. — Les Théâtres
tyriqoes secondaires à Pans depuis 182» fl" ai title), jmr Arthur Poupin.
— Ministère de la maison de l'Empereur et des beaux-arts, direction générale
des thé&tres, aris. — Nouvelles des thé&tres lyriques. — Nouvelles diverses.
— Annonces.
ÉTUDES SUR CEÂRLES-IÀRIE DE WEBE).
D'après la blograplile écrite par son lils.
TROISIÈME PARTIE.
(4« article) (1).
Cependant "Weber ne voyait pas l'avenir d'un œil bien ras-
suré; il avait gagné les deux premières parties, mais avec quelle
peine et à travers quel réseau d'intrigues ! On ne doit donc pas
s'étonner qu'il accueillit avec joie les premières ouvertures que lui
fit, vers ce temps, le comte Brûhl, pour remplacer à Berlin le
maître de chapelle Gûriich, qui venait de mourir. "Weber pesa bien
le pour et le contre de la position qu'il occupait et de celle qu'on
lui proposait; d'une part c'étaient, comme il écrivait à sa fiancée :
« Cinq cents thalers de plus par an, mais une vie plus coûteuse;
des profits plus nombreux, des concerts, des leçons; un engage-
ment à vie ; un grand théâtre ; mais aussi beaucoup d'ennuis avec
ses collègues et une existence moins calme; » d'autre part, à
Dresde : « Rien à gagner, rien à attendre, rien de certain; mais
l'opéra allemand dans cette ville était son œuvre, et, de plus, son
intérieur y serait bien plus charmant » — Quoiqu'il en soit,
Weber se décida pour Berlin; il accepta les offres de M. de
Brûhl, et fit ses premiers préparatifs de voyage; mais, hélas! il avait
(1) Voir les n" 18, 21 et 23.
compté sans sa mauvaise étoile; car le malheur voulut que le
théâtre royal de Berlin brûlât, et que, dans son mécontentement,
le roi déclarât, à la suite de ce désastre, que Giirlich ne serait pas
remplacé.
Weber avait tenu secrètes ces négociations; cependant le bruit
s'en était répandu, et dès lors on pense quel parti s'empressa d'en
tirer le camp italien. « Quoi, disait-on, un maître de chapelle du
roi de Saxe s'aviser d'établir des relations avec une autre cour, et
encore avec quelle couri avec la cour de Prusse!! Jamais un Ita-
lien n'aurait fait cela! Et maintenant, qu'on vienne donc parler
de la fidélité tant prônée de cet Allemand, de son dévouement à
ses princes ! »
Ce dernier propos alla au cœur de Weber, et comme la fête de
la gentille princesse Marie-Anne Caroline, fille d'un frère du roi,
approchait, il prit la plume et composa d'un trait une adorable
petite cantate, qu'il se proposa de faire chanter à Pillnitz, le ma-
tin de la fête, pendant que la famille prendrait le café. « Je me
levai à quatre heures, écrit-il à Caroline Brandt, ces messieurs du
théâtre vinrent déjeuner avec moi, puis nous partîmes pour
Pillnitz. Lorsque la famille se mit à table pour le café, nous nous
glissâmes dans une pièce voisine et la musique commença. Tu ne
sSurais t' imaginer quels furent la joie, l'étonnement, l'émotion
des princes et de quelles démonstrations d'amitié ils nous entou-
rèrent. Nous dûmes recommencer la cantate, et peu s'en fallut que
mes chanteurs ne pleurassent avec les assistants.... »
Le mariage devait avoir lieu au commencement de l'automne.
Le poëte Celani avait dès longtemps à l'avance versifié une can-
tate de circonstance dont Morlacchi devait composer la musique.
Mais dans l'intervalle, Morlacchi avait profité d'une absence de
Vitzthum pour demander un congé de huit mois ; il l'avait obtenu
et s'était empressé de s'enfuir à Naples avant le retour de son
chef, laissant toute sa besogne aux mains de Weber, qui se
voyait, par suite, privé de son congé de deux mois. — Comme
dédommagement, Vitzthum, à son retour, le fit nommer maître
de chapelle à vie, avec une gratification annuelle de deux cents
thalers et deux mois de congé réglementaires. — Weber fut donc
chargé delà cantate officielle; il la composa sur unpoëme allemand
de Kind, qui portait le titre : Der Weinsberg an der Elbe ; mais
cela ne faisait pas le compte de l'abbé Celani; il intrigua si bien
194
hKVUE ET GAZETTE MUSICALE
auprès du comte Einsiedel, que ce dernier enjoignit à Weber d'a-
voir à mettre en musique la cantate italienne intitu'ée :
« L'Accoglienza In occasione del felice Imeneo délia A. J. e. R.
Leopoldo di Toscana e Maria Anna di Sassonia. » Weber dut se
remettre à l'œuvre, et en moins de huit jours composer plusieurs
morceaux, dont quelques-uns, entre auti-es le cliœur d'introduction
et un hymne à la joie, — sont tout à fait dignes de lui.
Outre ces deux cantates, Weber, quoiqu'il fût surchargé de be-
sogne, composa plusieurs morceaux dans le cours de l'année 1817,
notamment des Lieder, parmi lesquels la Violette, un bijou de
grâce et d'aimable poésie, et surtout, ce qui est bien autrement
important pour l'histoire de l'art, les premiers fragments du
FreiscAûts, cet opéra aux grandes et largos proportions que les
Allemands appellent l'opéra par exceUeiice.
Oa se rappelle que le sujet du Freischiitz, qui est tiré d'une
vieille légende allemande, racontée par Apel dans son Livre des
Spectres, avait attiré l'attention de Weber dès l'année 1810, ii l'é-
poque oii il se trouvait ii Mannheim, en compagnie de Gottfried
Weber et d'Alexandre de Diisch ; ce dernier avait même, sur ses
instances, esquissé un scénario, que Weber se proposait démettre
en musique. Pour le plus grand bonheur de l'art musical, l'en-
thousiasme du jeune maître pour ce sujet d'opéra se calma au
bout de peu de temps ; il se remit à travailler à son Abu-Hassan,
qu'il avait commencé à Suttgard, et le Freischiitz fut oublié, pour
le plus grand bonheur de l'art musical, nous le répétons, car il
est permis de douter que le Freischiitz de 1810 eût valu celui de
1821. Ce ne fut que sept ans plus tard, c'est-à-dire en 1817, que
Weber, s'étant lié d'une étroite amitié avec le poète Ivind, qu'il
avait rencontré à son arrivée à Dresde, se souvint "à propos du
conte qui l'avait tant frappé dans sa jeunesse, et pria ce dernier
d'en tirer un libretto, dont il pût commencer aussitôt la musique.
On convint d'une somme de 30 ducats, une fois payée pour tous
lionoraires; Weber la coii*.pta sur-le-champ à son collaborateur,
qui se mit activement à l'œuvre. On verra dans la suite que ces
trente ducats furent la source d'un grand chagrin pour le maître.
Le conte d'Apel plut au poète Kind ; aussi eût-il bientôt fini de
versifier son libretto. Weber se hâta d'en raconter le sujet à sa
fiancée ; il ne diffère en rien de celui que nous connaissons, à
l'exception des deux premières scènes, que la petite Brandt, avec
son expérience de la scène, lui conseilla de changer; en effet,
dans le texte primitif de Rind, l'opéra débutait par deux scènes
entre Agathe, Annette et l'ermite, qui contrastaient de la façon la
plus froide avec la péroraison si brillante de l'ouverture. « Hetran-
che ces deux scènes; » écrit Caroline Biandt à son fiancé, « entre
d'emblée dans la vie populaire dès le début de cet opéra populaire;
crois-moi, et commence immédiatement par la scène de l'auberge. •
— On sait de quel effet est cette scène, avec son entrain, ses
groupes de gens en fête et ses joyeux coups de fusils.
11 appartenait vraiment à Caroline Brandt de donner à Weber
ce conseil salutaire; car, dans son esprit, il confondait avec elle
son autre fiancée, la Fiancée du Chasseur (ce fut le premier titre
de l'ouvrage), comme jadis et dans les mêmes circonstances, Mozart
avait confondu dans son imagination sa fiancée, Constance de
Weber, — qui était, comme on l'a vu, la cousine de Charles-
Marie de Weber, — avec la Constance de l'Enlèvement au Sérail ;
et c'est sans doute à ce rapprochement, venu de la coïncidence de
parenté, qu'il faut rapporter la prédilection toute spéciale de We-
ber pour cet ouvrage : « fliozart, disait-il souvent, aurait pu, s'il
eût vécu, composer vingt chefs-d'œuvre pareils à Don Juan; mais
il n'eût pas fait un second Enlèvement au Sérail. »
Weber travaillait donc sans relâche à sa Fiancée du Chasseur,
mais de tête seulement, car la première note ne fut écrite que le
12 juillet de l'année 1817, c'est-à-dire plus de cinq mois après sa
mise en possession du libretto. Le Freischiitz, qui est le chef-
d'œuvre de Weber, no fut pas écrit au jour le jour; Weber le lira
des quintescences mêmes de sa vie, le laissant se développer germe
à germe, feuille à feuille dans le fond de son cœur. 11 n'y a pas
dans la partition un morceau qu'il n'ait changé dix fois mentale-
ment, jusqu'à ce qu'il en fût satisfait et qu'il s'écriât : « Voilà
comme il doit être ! » Alors il l'écrivait d'un trait, sans y changer
une seule note. Cela seul explique l'imposante maturité d'idées
jointe à la parfaite clarté que l'on remarque dans tous les numéros
de cet ouvrage,
Qu'on le sache bien, Weber travaillait sans cesse. Pour lui, le
monde extérieur se composait de sons musicaux, et, par un en-
traînement secret des phénomènes de la vie, la couleur, la forme,
le temps et l'espace se traduisaient dans son âme par des mélodies...
S'il voyageait, la contrée se déroulait symphoniquemeut à son
oreille comme elle se déroulait optiquement à sa vue, et les
mélodies jaillissaient de chaque élévation de terrain, de chaque
buisson agité par le vent. Ses voyages restaient gravés dans son
esprit sous la forme de poésies musicales, et avant même qu'un
site se présentât à son souvenir, il se rappelait le motif dans le-
quel la vue s'en était traduite pour lui. Mais si parfaitement que
sonnassent les mélodies arrachées de son cœur pendant la durée
de l'apparition, Weber se gardait généralement de les écrire aus-
sitôt, l'expérience lui ayant enseigné qu'il en était de la valeur de
ces improvisations comme des brillants impromptus qui tombent
sans éclat et glacés sur le papier.
Il ne faudrait pas cependant conclure de la façon dont le monde
extérieur inspirait Weber, que les similitudes d'objets et d'idées
fussent observées. Bien au contraire, le paysage le plus splendide
donnait souvent naissance à un caprice bouffe, de même qu'une
scène grotesque pouvait engendrer un adagio plein de langueur.
Ses meilleures inspirations prenaient même parfois naissance dans
des circonstances futiles ; c'est ainsi que le chœur du rire, au pre-
mier acte du Freischiitz, a son origine dans les fausses intonations
de vieilles femmes qui psalmodiaient une litanie, pendant un ser-
vice à la chapelle de Pillnitz; de même, la scène de la Gorge aux
loups, si puissamment fantastique, fut conçue dans un trajet de
Dresde à Pillnitz , par un brouillard épais qui ressemblait à de
gros nuages se pelotonnant et s'erichevêtrant autour de la voiture.
Que si nous voulons chercher un exemple plus saisissant encore
de ce phénomène , c'est dans l'enfantement de la belle marche
d'Otéi-on que nous le trouverons. Le clarinettiste Roth, de
la chapelle royale, nous en a conservé un curieux récit ; nous le
reproduisons, en ayant soin de lui laisser toute sa couleur germa-
nique :
« Quand on jouait l'opéra au bains de Linke, dit-il, M. le maî-
tre de chapelle et moi avions coutume de nous y rendre aussitôt
après le dîner, pour y prendre le café. Pendant le trajet, M. le
maître de chapelle ne se montrait pas très-communicatif, il mar-
chait la tête baissée, les mains derrière le dos et ne levait même
pas la tête, quand les passants, se poussant du coude, disaient :
« Voilà Weber, » ce qu'il avait coutume de faire ordinairement en
leur souriaut, car il était très-fier d'être connu du peuple. Ce
n'est qu'après avoir pris son café qu'il devenait plus expansif.
» Un certain jour du mois de mai 1818, comme nous arrivions à
la Porte-Noire, il commença à pleuvoir et M. le maître de cha-
pelle avait la figure encore plus sombre que de coutume, d'autant
plus qu'un asthme, dont il souffrait à cette époque, l'empêchait de
marcher vite. Quand nous arrivâmes dans le jardin des bains de
Linke, tout le monde s'était mis à couvert à cause de la pluie; il
était vide et les garçons étaient en train d'empiler les chaises et
les tables, ce qui donnait un aspect tout à fait curieux au jardin.
En voyant ce pêle-mêle de tables, de chaises et de bancs, for-
DE PARIS.
49S
rtiant des pyramides insensées , M. le maître de chapelle s'arrêta
brusquement et s'écria : « Roth, regardez donc la belle marche
triomphale! pardieu, quels coups de trompettes! Eh
mais, c'est ce qu'il me faut! je la tiens donc enfin!...» Et,
entrant aussitôt dans la grande salle, il demanda du papier à mu-
sique et esquissa complètement, pour instruments à vent, une
magnifique marche, dont il avait besoin pour le drame de Henri IV,
de Gehe; il avait terminé sa besogne avant la représentation et
c'est cette même marche, orchestrée à nouveau, qui fut introduite
plus tard dans Ohéron. »
Edmond NEUKOMM.
{La suite prochainement.)
ASSEMBLÉES GÉNÉRALES
Des trol» Sociétés) pour la perception de* droil»
d'auteurs.
La Société des gens de lettres, la Société des auteurs et com-
positeurs dramatiques, celle des auteurs, compositeurs et éditeurs
de musique ont ordinairement à cette époque de l'année et elles
ont eu dans ces derniers quinze jours, une Assemblée pour en-
tendre leurs différents comptes, et traiter les questions d'affaires
présentes ou à venir," qui les intéressent.
Les trois Sociétés, quoique ayant le même but, la défense gé-
nérale, par l'association, des intérêts particuliers et la perception
des droits à frais communs, sont régies chacune par des Statuts spé-
ciaux. Ces actes constitutifs ont pris pour base et pour modèle
les actes de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, la
première formée. Cependant, la différence des produits et de leur
exploitation a nécessairement amené des modifications dans les
conditions sociales de ces Associations qui, en se développant, ont
dû étendre leurs moyens d'action. Une des singularités de ces
trois Sociétés, c'est que, composées d'hommes exerçant les plus li-
bérales des professions, fondées dans un temps oti l'on réclame
toutes les libertés, elles sont basées sur l'enchaînement de la libre
disposition de la propriété de chacun.
Je ne prétends discuter ici ni l'utilité, ni les ihconvénients de
ces liens. Je constate seulement qu'ils existent en vertu d'actes;
qu'ils ont été librement, volontairement acceptés par ceux qui ont
voulu participer aux avantages de ces Sociétés; qu'il faut donc s'y
soumettre. Ces actes d'ailleurs ont déjà des dates anciennes : les So-
ciétés se sont développées et agrandies, leurs produits ont augmenté
dans des proportions qu'on ne pouvait prévoir et malheureusement
leur répartition, avec quelque soin, quelque équité qu'on la fasse,
ne' saurait être égale. Le talent, le mérite d'abord, puis la chance,
le bonheur, le hasard donnent les plus grosses parts.
Il résulte de là que, depuis quelque temps dans les Assemblées
de ces différentes Sociétés règne une certaine agitation : on rêve
des créations utopiques, des opérations fabuleuses, impossibles !
On espère trouver dans des changements aux actes constitutifs des
améliorations aux situations pénibles : on les appelle, on les
demande...
La Société des gens de lettres elle, la première des trois,
après de longues et nombreuses réclamations a franchement abor-
dée les réformes. Une commission nommée par les réclamants a
formulé leurs demandes. Le comité a, de son côté, choisi un certain
nombre de ses membres pour s'adjoindre à cette commission et
discuter les articles nouveaux ou les amendements apportés aux
anciens. De cette réunion est résulté un travail qui a été soumis,
article par article, au vote et à la discussion d'assemblées générales
pendant trois années. Enfin, le 3 mai dernier, lecture a été donnée
de l'ensemble des Statuts, pour l'adoption desquels on a procédé
au scrutin. Sur 12S volants, 108 ont adopté le projet, lo l'ont
repoussé, — il y a eu deux billets blancs. L'Assemblée entière
a voté des remerciements à la commission de révision des
Statuts et à la commission mixte; puis au scrutin secret, M. Jules
Simon a été nommé président, en remplacement de M. Paul Féval,
dont le mandat, qu'il avait accompli à la satisfaction générale,
venait d'expirer.
Voilà donc le calme revenu dans la Société des gens de lettres.
Croyons qu'il s'y maintiendra longtemps.
A la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, la séance
annuelle a laissé les questions constitutives indécises, irrésolues.
Il faudra pourtant bien les aborder, et M. Brisebarre, un des
nouveaux membres appelés à la commission, dans une improvisa-
tion verveuse et incisive, a fait sentir la nécessité de s'en
occuper.
Les rapports sur l'état financier et l'état moral de la Société
avaient en général satisfait l'assemblée, lorsque tout à coup une
immense tempête de réclamations s'est élevée contre la direction
du théâtre impérial de l'Opéra-Comique.
Les auteurs qui travaillent pour ce théâtre, surtout les compo-
siteurs, — je ne dirai pas les jeunes compositeurs, car il y en a
beaucoup qui ont bien dépassé la quarantaine, — ont vociféré les
plaintes les plus violentes contre un système d'administration qui
rend impossible leur abord de cette scène, contrairement aux sti-
pulations du cahier des charges imposées à la direction, pour prix
de la subvention de 240,000 francs qui lui est accordée, stipula-
tions qui l'obligent à faire représenter chaque année vingt actes
nouveaux, savoir : quatre grands ouvrages et quatre petits.
L'on comprend que ces questions brûlantes aient animé, pas-
sionné les intéressés. Il a été question de formuler un blâme
général contre cette administration. C'était grave! — Des esprits
modérés et conciliants ont ramené à faire décider qu'il serait fait
par les commissaires une démarche auprès de la Commission du
budget, pour obtenir que désormais le don de la subvention soit
réglé sur l'exécution du Cahier des charges.
Puis, on a procédé à la nomination des commissaires rempla-
çant les membres sortants : le scrutin a donné pour résultat les
noms, fort heureusement choisis, de MM. Victorien Sardou, Emile
Jonas , Brisebarre, Gondinet , Auguste Maquet. Suppléants:
MM. Emile de Girardin, Th. Semet.
Quant à la troisième Société, celle des Auteurs, Compositeurs
ET Éditeurs de musique, dont l'assemblée générale annuelle a eu
lieu le dimanche 14 juin , j'allais en aborder le compte rendu,
lorsque le Petit Journal du IS, — je lis exactement et avec le plus
grand plaisir le Petit Journal, pour moi, le meilleur de tous ! —
lorsque, dis-je, le Petit Journal m'apporta ma besogne toute faite,
et faite comme sait faire son chroniqueur si populaire : Timothée
Tri mm.
Le Petit Journal est sans doute lu de tout le monde et de beau-
coup d'autres ; — cependant, comme dans son récit il s'est plus
occupé de détails relatifs à l'origine de la Société que des faits
de la séance dont il s'agit, je ne me crois pas dispensé de les
exposer ici.
L'assemblée était nombreuse, et non moins échauffée par l'at-
mosphère que par des discussions préliminaires très-animées.
Dès l'ouverture de la séance, présidée par M. Thys, une question
préjudicielle a été posée par M. Avenel à propos de trois membres
du syndicat appelés dans le cours de l'année au syndicat par suite
de démissions. — Les explications du président ont démontré
que l'approbation de cette triple nomination serait soumise à
l'assemblée en même temps que le rapport du président, et
I
196
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'on a pu aborder l'ordre du jour qui appelait le rapport du
trésorier. Clair, lumineux, logique comme Barème, M. Ch. Plan-
tade a signalé la notable augmentation de la recette (1) s' élevant
à 89,632 fr. 64 c., la plus forte qui ait encore eu lieu. Cet accrois-
sement des produits a cela de remarquable qu'il porte sur les dé-
partements aussi bien que sur Paris ; tandis que l'Exposition, qui
a considérablement augmenté les droits des auteurs dramatiques
à Paris, a diminué de vingt pour cent ces mêmes droits dans les
départements.
On doit certainement attribuer la prospérité croissante de la So-
ciété des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, au ^oût
généralement plus répandu de la grande musique, de la musique
d'ensemble, qui multiplie les concerts sérieux, les sociétés philhar-
moniques, les orphéons.
Ce rapport, fort approuvé, après avoir donné lieu à quelques
observations de détail présentées par M. Deshorties, — observations
intéressantes qui seront sans doute prises en considération par le
syndicat, — a été suivi du rapport du président. L'année n'ayant
pas été féconde en événements, M. Thys n'a pu que constater la
marche régulière des affaires. Mais ici ont surgi de nombreuses
réclamations sur l'organisation de la société, notamment contre
l'admission des éditeurs.
Ces réclamations, plus ou moins précises, avaient été déjà for?
mulées l'année dernière et à la suite de la réunion annuelle, une
demande d'assemblée générale, contenant certaines propositions
hardies, avait été adressée au syndicat, qui avait cru devoir sou-
mettre le tout à l'appréciation de son conseil judiciaire.
Le conseil avait jugé que l'assemblée, vu l'objet que l'on s'y
proposait, ne devait pas être accordée.
C'est contre cette décision que l'on revenait, ici, — ce que ne
pouvait raconter Timothée Trimm, — je dois le dire : M. Léo
Lespès, nouveau membre de la Société, a payé sa bienvenue avec
une de ces improvisations fines, aimables, élégantes, dont il gra-
tifie les autres sociétés auxquelles il appartient, — homo triplex ;
triple comme Hécate!
Naturellement encore très-peu au courant des afl'aires, des sta-
tuts de notre Société, — il ne lui appartenait, a-t-il dit, que depuis
le matin même, — et je n'affirmerais pas que sa présence à la
séance fût bien régulière, le syndicat n'ayant pas voté sur son ad-
mission; — M. Léo Lespès a dû se maintenir dans les généralités,
et sa discussion, un peu vague, n'est pas arrivée à des conclu-
sions bien positives ; mais il a manifesté les plus louables inten-
tions, et, quant à moi, persuadé que cet esprit net et juste, ce
caractère loyal et conciliant seraient fort utiles à l'arrangement
des difficultés que nous désirons tous aplanir, si j'avais pu pen-
ser que cet excellent et très-distingué confrère fût en disposition
d'accepter les fonctions de syndic, j'aurais supplié l'assemblée de
joindre les quatre-vingt-douze voix qu'elle a bien voulu me donner
aux quarante-huit que M. Léo Lespès a obtenues, sans se porter
candidat. Ce qui ne s'est pas fait hier peut se faire l'an pro-
chain .
L'on a enfin décidé qu'une prochaine assemblée générale aurait
lieu pour discuter l'importance d'une révision des statuts; mais
cette révision n'est pas l'affaire d'un jour.
Les nouveaux syndics nommés en remplacement des membres
sortants du syndicat, tous élus à la majorité absolue de l'assemblée
et au premier tour de scrutin, sont : MM. Thomas Sauvage, au-
teur ; Emile Jonas, compositeur, et Colombier, éditeur.
(1) La recette totale est de 384,408 fr. i3 centimes.
Il est à remarquer que, dans cette séance où s'était manifestée
une assez grande répulsion conlre l'adjonction des éditeurs, c'est
l'ÉDiTEUR qui a réuni le plus grand nombre de suffrages ! Comme
l'on voit, l'antipathie n'est pas si prononcée qu'on le dit.
Thomas SAUVAGE.
LES THÉÂTRES LYRIQUES SECONDAIRES A PARIS
DEPVIiS isieo.
(Premier article.)
On est généralement assez mal renseigné sur ce qui s'est pro-
duit de musical chez nous au théâtre, depuis un demi-siècle, en
dehors de nos grandes scènes lyriques. A peine sait-on qu'il a
existé deux ou trois entreprises dramatiques, dans lesquelles l'é-
lément musical se combinait avec d'autres pour constituer un en-
semble varié, et d'autant plus attrayant qu'à cette époque les
genres étaient absolument déterminés. Quant à savoir au juste ce
que ces théâtres secondaires , et d'une existence malheureusement
trop courte, ont mis en lumière comme oeuvres, comme auteurs,
comme artistes, il n'y faut point songer; et pour l'apprendre on
serait obligé d'avoir recours à une foule de livres, de journaux,
de recueils spéciaux aujourd'hui oubliés , et dans lesquels les re-
cherches, d'ailleurs, ne sont pas toujours faciles.
Ce petit chapitre du mouvement musical contemporain n'est pas
cependant sans intérêt, et, ne fût-ce qu'à titre de curiosité, il nous
semble qu'il n'est pas absolument inutile de l'esquisser. N'est-ce
pas sur les théâtres secondaires dont nous voulons parler que
trois de nos compositeurs les plus aimables et les plus aimés,
Adolphe Adam, M. Grisar et M. de Flotow, ont fait leurs pre-
mières armes, c'est-à-dire remporté leurs premiers succès? Et cela
est-il indifférent à connaître? Evidemment non.
Nous allons donc, remontant le cours des temps , — mais seu-
lement jusqu'à l'an 1820 — essayer de retracer ici le chapitre en
question. Toutefois, il faut voir auparavant à qui nous aurons af-
faire, c'est-à-dire quels théâtres vont nous occuper, quels théâtres
n'ont pas jugé trop indigne d'eux et de leur public d'encourager
quelque peu l'art musical dans un temps où celui-ci était beau-
coup plus protégé que de raison, c'est-à-dire, pour parler net,
dans un temps où l'on s'efforçait, sous le grand mot de protec-
tion, d'entraver le plus possible son expansion complète.
Ces théâtres ont été les suivants : Gymnase-Dramatique, ou
théâtre de Madame (1820-1827); — Odéon (1824-1829); — théâtre
des Nouveautés (1827-1831); — théâtre de la Renaissance (1838-
4841); — théâtre Beaumarchais (1848-1849); — Folies -Nouvelles
(1854-1860); — Bouffes-Parisiens (1 835-1867); — théâtre des
Champs-Elysées.
Nous suivrons, dans ces études familières, l'ordre chronologi-
que, et nous commencerons par conséquent par le Gymnase-
Dramatique.
I. — Gymnase-Dramatique.
Jetons les yeux sur un recueil du temps, qui va nous montrer
dans quelles conditions s'est ouvert le Gymnase-Dramatique, et
par suite de quel petit machiavélisme la musique a été pendant
un certain temps mêlée à son existence, — car il est à remarquer
que celui-ci est le seul de ceux dont nous devons parler qui ait
été semi-lyrique à son corps défendant.
Voici ce qu'en disait l'Almanach des Spectacles, rédigé par Mer-
ville et Coupart, et publié par le célèbre libraire Barba :
« Ce théâtre est une critique parlante du système des privilèges.
Pour l'autoriser sans montrer trop ouvertement que ce n'était
DE PARIS.
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qu'une faveur qu'on accordait, et pour avoir quelque chose à ré-
pondre aux réclamations qu'on ne prévoyait que trop, on le sou-
mit à un régime particulier. Le vaudeville était déjà joué dans
six théâtres; c'était marquer beaucoup de prédilection pour un
genre frivole, que d'en créer un septième qui lui fût encore spé-
cialement consacré. On éluda la difficulté, ou du moins on fit
semblant de l'éluder. Les lettres patentes du Gymnase en firent
une sorte de succursale du Théâtre-Français et de l'Opéra -Comi-
que. Là, les jeunes gens du Conservatoire devaient s'exercer sans
prétention, et sous les yeux d'un public indulgent, avant que de
paraître sur nos grands théâtres. En conséquence , la comédie et
l'opéra comique devaient faire partie de son répertoire ; et, pour
prouver qu'on était de bonne foi dans ce dessein, le droit de jouer
toutes les anciennes pièces de la scène française et du théâtre
Feydeau lui fut conféré, à la seule condition de les réduire à un
acte. Les administrateurs soutinrent la gageure en gens d'esprit :
ils firent même la mauvaise plaisanterie de nous donner la Fée
Urgèle et le Dépit amourevx, estropriés et réduits à rien par leurs
ciseaux. Quelques autres essais non moins édifiants, dans les genres
comique et lyrique, achevèrent de prouver que le public ne vou-
lait que des vaudevilles au Gymnase-Dramatique , et le vaudeville
y prit un droit de bourgeoisie à peu près exclusif. Les meilleurs
acteurs des théâtres rivaux furent gagnés; un de nos chansonniers
les plus spirituels (Scribe?) devint, comme en Italie, le poëte pri-
vilégié de la troupe; de nombreux débuts, des acteurs de passage
et jusqu'à une pauvre enfant que des prôneurs gagés donnèrent
comme une merveille au public (1), qui le crut, et à elle-même,
qui en fut plus persuadée encore (ce qui lui coûtera cher un jour),
tout contribua à mettre le Gymnase à la mode, et à faire entrer
plus d'argent dans sa caisse que dans celles du Théâtre-Français
et de l'Opéra-Comique, dont il ne devait être que l'humble suc-
cursale. . »
Le Gymnase, on le voit, pouvait jôûer trois genres : l'opéra-
comique, la comédie, le vaudeville, mais les deux premiers étaient
à l'avance sacrifiés au second, et il ne pouvait représenter que des
pièces en un acte. Son privilège, d'ailleurs, — quoi qu'on en pût
dire, — ne lui avait point été accordé dans le but de faciliter
l'entrée de la carrière aux jeunes compositeurs, dont on se sou-
ciait fort peu à cette époque, et dont les ombres désolées erraient
nuitamment — et inutilement aux abords du théâtre. Ce qui le
prouve bien, c'est que le Gymnase avait le droit de jouer toutes
les pièces lyriques dont les auteurs étaient morts depuis dix ans.
11 ne se faisait pas faute d'user de cette dernière faculté, d'au-
tant plus avantageuse qu'à cette époque les droits des auteurs s'é-
teignant dix ans après leur mort, elle constituait pour lui une
économie véritable sous ce rapport. Aussi vit-on revivre alors sur
la scène du boulevard Bonne-Nouvelle un certain nombre de piè-
ces de Duni, de Dalayrac, de Grétry, etc. En ce qui concerne les
auteurs vivants, nous ne rencontrons que bien peu de noms :
ceux d'Alexandre Piccinni, fils de l'illustre auteur de Roland et
à'Atys, musicien remarquable lui-même ; de Garcia, le grand chan-
teur, beaucoup moins estimable comme compositeur; de Guénée,
qui devait être plus tard chef d'orchestre du Palais-Royal ; d'un
nommé Douai, qui était artiste de l'orchestre; de Champein, l'au-
teur fécond de tant d'opéras aujourd'hui oubliés ; de Maresse, mu-
sicien obscur dont on ne sait même plus le nom; de Dourlen,
qui, ne trouvant plus sans doute l'occasion de se faire jouer à
rOpéra-Comique, n'eût pas été fâché d'obtenir un succès sur cette
scène secondaire ; et enfin de Castil-Blaze, qui commença là son
(1) Il faut avouer que les « prôiieurs à gages » ne se trompaient que
de peu, car la « pauvre enfant » n'était autre que Léontine Fay, l'é-
mule de Déjazet, la grande artiste qui fut plus tard Mme Volnys.
petit commerce de traductions et d'adaptations, commerce qui de-
vint pour lui si productif par la suite. On voit que les « jeunes
compositeurs, » dans l'intérêt desquels, disait-on, ce nouveau
théâtre était créé, n'eurent pas lieu de se réjouir beaucoup de son
existence et n'en profitèrent que médiocrement.
Alexandre Piccinni, en effet, n'était déjà plus un tout jeune
homme, puisqu'il était né en 1779; mais il méritait encore moins
la qualification de « jeune compositeur, » car il avait fait repré-
senter déjà une vingtaine d'ouvrages dont voici les titres : les
Deux Billets doux (théâtre des Troubadours, an IX), la Physiono-
manie (id. , an IX), le Terme du uoi/agre (théâtre Montansier, an IX),
Arlequin au village (théâtre des Jeunes-Artistes, an IX), la Pension
de jeunes Demoiselles (id., an IX), Arlequin bon ami (id., an IX),
le Pavillon (id., an X), l'Entres^ol, en collaboration avec Lemoyne
(théâtre Montansier, an X), les Deux Voisins (id., an X), Lui-même
(id., an X), les Deux Issues (théâtre de la Société Olympique, an
XI), le Jeune Sauvage (théâtre des Jeunes -Artistes, an XI), l'A-
mant rival de sa maîtresse (Porte-Saint-Martin, an XII), l'Amou-
reux par surprise, ou le Droit d'aînesse (théâtre Feydeau, an XIII),
Rien pour lui (théâtre des Jeunes - Artistes , 180S), Avis au pu-
blic, ou le Physionomiste en défaut (Opéra-Comique, 1806), Us sont
chez eux, ou les Epoux avant le mariage (id., 1808), Alcibiade so-
litaire (Opéra, 1814) (I), le Sceptre et la Charrue (Opéra-comi-
que, 1817). Je ne suis pas bien certain que cette liste soit abso-
lument complète, bien qu'il y manque assurément fort peu de
chose. En tous cas, elle prouve qu'Alexandre Piccinni n'était
rien moins qu'un apprenti, et que le Gymnase, en accueillant
ses ouvrages, n'encourageait pas positivement des essais. Il était
d'ailleurs accompagnateur à ce théâtre, et devait jouir à cette épo-
que d'une certaine réputation, non-seulement à cause des nom-
breux ouvrages qu'il avait fait représenter, mais encore parce
qu'il avait tenu cet emploi d'accompagnateur à Feydeau et à l'O-
péra, ainsi qu'à la chapelle royale, qu'il avait été par deux fois
chef d'orchestre à la Porte-Saint-Martin, qu'il avait écrit la musi-
que de plus de cent cinquante drames représentés sur tous les
théâtres des boulevards, enfin qu'il était pianiste de la musique
particulière de la Dauphine. Loin d'être un commençant, Alexan-
dre Piccinni, qui peu de temps après devait être premier chef du
chant à l'Opéra et chevalier de la Légion d'honneur, jouissait donc
au contraire de ce qu'on peut appeler une position considérable.
Artiste fort distingué, du reste, deux des ouvrages lyriques qu'il
donna au Gymnase, la Maison en loterie et la Petite Lampe mer-
veilleuse, étaient remarquables et obtinrent de très-grands succès,
Garcia, lui non plus, n'était pas un débutant. Il avait déjà fait
représenter en Espagne et en Italie une trentaine d'opéras, et cela
n'eût-il pas eu lieu que son immense et légitime réputation de
grand chanteur lui eût ouvert facilement les portes du Gymnase,
quand même un certain nombre de ses ouvrages n'eussent pas été
joués « aux Bouffes, » — comme on disait alors.
Champein, compositeur de troisième ordre, n'en était pas moins
dans la carrière depuis près de quarante ans , et son avoir , à lui
aussi, se composait d'une trentaine de partitions dont quelques-
unes, la Mélomanie, les Dettes, le Nouveau Don Quichotte, avaient
obtenu la faveur du public.
Quant à Dourlen, s'il n'avait jamais pu rencontrer un succès, il
avait néanmoins donné à l'Opéra-Comique : Linnée, la Dupe de
son art, Cagliostro, Plus heureux que sage, Frère Philippe, Ma-
rini, etc. Ce n'était donc pas encore là un jeune.
Restent Léopold Aimon, Guénée, Maresse et Douai.
Arthur POUGIN.
(La suite prochainement.)
{\) Et non 1824, comme une erreur typographique, sans doute, l'a
fait dire à M. Fétis.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
niNISTÊBE DE U MAISON DE L'EIPEREUR
ET DES BEAUX-ARTS.
DIRECTION GÉNÉRALE DES THÉATRE3.
AVIS.
Le concours institué au théâtre impérial de l'Opéra- Comique
pour la mise en musique du poëme intitulé le Florentin, sera clos
définitivement le 30 juillet prochain.
Les concurrents sont invités à déposer, avant ce jour, leurs par-
titions à la direction aénérale des théâtres.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^*ji Faure, prenant son congé à la fin de ce mois, la direction du
théâtre impérial de l'Opéra a donné celte semaine deux représentations
de Guillaume Tell et une de Don Juan, chefs-d'œuvre qui reçoivent un
si grand relief de leur magnifique inlerprétation par cet artiste.
»*, Des accidents survenus successivement à Mlles Granzow et Fio-
retii ont causé un nouvel ajournement dans la première représentation
de la reprise à'IIerculanum. Une répétition générale, a eu lieu ces jours-
ci, et l'on pense pouvoir être prêt pour la semaine prochaine.
j,*^, Le directeur, M. E. Perrin, vient de renouveler pour trois ans
l'engagement de Mme Gucymard. — On annonce également celui de
Mlle Arnaud, qu'on avait fort remarquée au tliéàlre des Fantaisies-Pari-
siennes, et celui de Mlle Adeline Corlez, qui tient avec succès depuis
trois ans l'emploi de contrealto au Grand-Théâtre de Lyon.
,j*^ Une des premières nouveautés qui vont être mises à l'étude est le
Sigurth d'Ernest Reyer. — M. E. Perrin vient, en outre, de confier ii
M. Duprato, pour en composer la musique , le poëme d'un opéra en
quatre actes et sept tableaux, dû à la collaboration de MM. Vict. Sardou
et G. Du Locle.
»*^ Marie Cabel, Capoul, Sainte-Foy prennent leur congé le !•'■ juil-
let. — L'ergagement de Mlle Marie Roze expire le 31 juillet, et jusqu'à
présent elle n'a pas voulu le renouveler. Elle se propose de partir pour
l'Italie, et d'y passer six mois pour y perfectionner son talent. — Par
compensation, Achard fera sa rentrée le l'^'' juillet, et Couderc, que le
mauvais état de sa santé tenait depuis trop longlemps éloigné de la scène,
vient d'y reparaître dans le rôle de Comniinges du Pré-aux-Clcrcs, où l'on
aurait vainement cherché à le remplacer. — Les Dragons de Villars
triomphent des chaleurs de la saison , et le charmant opéra de Maillart
continue à remplir la salle.
^*» D'après les renseignements donnés tout récemment par M. de Fi-
lippi, et à l'exactitude desquels on peut se fier, M. Bagier a conclu
presque tous ses engagements pour la saison prochaine qui s'ouvrira le
4 «■• octobre. A M"'= Patti, à Fraschiui et Tamberlick, qui, ainsi que nous
l'avons annoncé, se produiront successivement, le directeur du Théâtre-
Italien vient d'ajouter l'excellent Délie Sedie, Mlle Ida de Murska, l'élève
de Mme Marchesi, qui, après avoir débuté modestement à Paris dans les
concerts, prit son vol pour l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre, où elle
arriva promptement à de beaux succès, et Mlle Ricci, la flUe d'un des
auteurs de Crispino. M. Bagier conserve Mmes Krauss et Grossi, MM. Ni-
colini, Steller, Verger, Ciarapi et Mercuriali. Il serait aussi question de
Bonnehée, mais surtout, et ce qui ne serait pas une médiocre attraction,
de pourparlers avec Mme Carvalho, à laquelle un engagement de
10,000 francs par mois serait oflert.
^^*^ M. de Guédéonoff, directeur général des théâtres impériaux de
Saint-Pétersbourg, était à Paris ces jours-ci, pour traiter, dit-on, avec
M. de Saiut-Georges, de la composition d'un ballet, qui sera joué l'hiver
prochain en Russie. Chaque année, au surplus, M. de Guédéonoff fait à
Paris un voyage, dont le but est de se mettre au courant des nouveau-
tés et des talents qui se sont produits dans nos théâtres.
,*» La célèbre cantatrice Pauline Lucca (baronne'Rahden) vient de pas-
ser quelques jours à Paris. Elle se rendait en Suisse pour prendre un
repos nécessité par l'état de sa santé.
**, Le théâtre des Fantaisies-Parisiennes a fermé ses portes mardi
pour rouvrir le 1^' septembre, si toutefois la combinaison qui mettrait
les directeurs du théâtre du Palais-Royal en possession de la salle ne
reçoit pas son exécution.
^*,t Fleur de Thé va bientôt transporter ses pénates à Bruxelles et au
Havre pour revenir plus brillante au !«' septembre à l'Athénée. M. Bus-
nach s'occupe d'ailleurs avec une fiévreuse activité de préparer à son
théâtre une brillante réouverture. On dit le plus grand bien de la mu-
sique composée par M. Laurent de Rillé pour le Petit Poucet, musique
dont le caractère tout-à-fait bouffe contrasterait singulièrement avec ses
compositions chorales. M. Busnach a d'ailleurs donné à la pièce les in-
terprètes les plus excentriques. Ce seront : Léonce, Hamburger, Daubray,
I Mmes Lasseny, Bonelli, Lovalo, Ducrey, tous ayant fait leurs preuves.
Viendront ensuite les Jumeaux de Berr/ame, opéra-comique en un acte,
imité de Florian. musique de Ch. Lecocq; les Horreurs de la guerre,
opéra-bouffe en deux actes, de Ph. Gille, musique de M. Costé; Première
fraîcheur, d'Octave Gastineau, etc., etc.
,j% On donne comme certain l'engagement de Mlle Schneider au
théâtre des Boufies-Parisiens pour le l"' janvier prochain.
„,'** Les succès qu'a rencontré Mme Ugalde dans les excursions entre-
prises par elle avec la troupe qu'elle a formée, l'engagent à les contumer
sur une plus va.sle échelle. Elle se dirige donc vers la ïouraine, le Bour-
bonnais, la Bretagne, etc., pour y jouer spécialement la Grande- Duchesse
de Gérolslein; elle est accompagnée de MM. E. Garnier, des Bouffes;
Hittemans, des Variétés; Henri Beaucé, du Théâtre Lyrique; Warlin et
Mme Rodriguez, du Théâtre-Déjazet ; de Mlle Rosine Bordi, des Bouffes;
enfin, de huit choristes, hommes et femmes. Mme Ugalde s'est réservé
le r(Me de l'héroïne de la pièce, au service duquel elle met son grand
talent de cantatrice et sa verve de comédienne. Les représentations débu-
tent aujourd'hui même par Orléans.
:j"„ Au nombre des pièces qui seront jouées à Vichy celte saison, il
faut mentionner le charmant opéra-comique d'Adam, le Farfadet, repris
l'hiver dernier, avec succès, aux. Fantaisies-Parisiennes.
*■** Aux engagements faits par le théâtre de Bade, et dont nous avons
publié la liste, nous ajouterons le nom de Mlle Gruen, élève d'Alary,
et artiste du théâtre royal de Berlin, douée d'une très-belle voix et qui y
chaulera le l'ôle de Norma .
NOUVELLES DIVERSES.
»•*, Le grand orgue de Saint-Augustin (système Pe.schard-Barker), dont
nous avons étudié la construction dans notre numéro du 7 juin, a été
solennellement béni mercredi dernier. A cette occasion, plusieurs mor-
ceaux ont été exécutés par MM. Gigout, organiste de la paroisse, Batiste
et Schmitt, avec le talent qu'on leur connaît. La maîtrise et les élèves
de l'Ecole de musique religieuse ont parfaitement chanté, sous la direc-
tion de M. Hochsietter, plusieurs motets de Carissinii, Palestrina, Beetho-
ven, etc., ainsi que le chœur final de Noël, oratorio de M. C. Saint-
Saëns.
,1,*^ Samedi 6 juin, a été inauguré le nouvel orgue de l'église Saint-
Sauveur, à Cacn. S. G. Mgr l'évoque de Bayeux a daigné présider cette
cérémonie. Le conseil de fabrique avait appelé comme experts MM. Ch.
Vervoitte, l'habile maître de chapelle de Saint-Roch de Paris, Haulard,
Karrcn et J. Cariez, de Caen, qui ont fait le plus grand éloge du nouvel
instrument, sorti des ateliers de la Société anonyme des grandes orgues,
établissements Merklin-Schiitze, et qui ont surtout apprécié favorable-
ment les grands perfectionnements apportés dans cet orgue, c'est-à-dire
d'avoir oblenu, avec un nombre de jeux relativement restreints, par des
combiiiaisons mécaniques très-heureuses, récemment brevetées, une va-
riété d'effets extraordinaire, par le double emploi de chaque jeu.
MM. J. Cariez et Haulard ont exécuté plusieurs morceaux, et ont fait
apprécier avantageusement la douceur et la puissance vraiment remar-
quables de l'orgue. M. Léon Vasseur, de Versailles, qui avait bien voulu
prêter le concours de son beau talent, a complété l'épreuve dans une
brillante improvisation. La Société chorale de Saint-Grégoire-le-Grand,
sous la direction de M. Karren, organiste de Notre-Dame, a exécuté ad-
mirablement plusieurs morceaux, entre autres un Aveverum, dej. Cariez.
j*^ Lundi 13 de ce mois a eu lieu, dans la salle de spectacle du Con-
servatoire, l'assemblée générale de la Société des artistes dramatiques. La
séance a commencé à deux heures et s'est terminée à quatre heures dix
minutes. Le rapport de M. Eugène Moreau a été couvert d'applaudisse-
ments, et le discours de M. le baron Taylor, pour la clôture de l'assem-
blée, a été très-énergique.
^*^ Les examens préparatoires pour l'admission aux concours publics
du Conservatoire ont été terminés cette semaine.
,j*. Le célèbre imprésario Merelli est en ce moment à Paris. U assistait
jeudi au mariage de Mlle Antoinette Artôt, à Ville-d'Avray. — Nous avons
dit à quel point sa sœur, Mlle Désirée, avait fait fanatisme à Moscou.
Sur l'avis que M. Merelli l'avait engagée pour la saison prochaine, cent
quatre vingt mille roubles (près de 600,000 francs) d'abonnements ont
été immédiatement souscrits, et la salle entière se trouve ainsi louée
d'avance.
,*,k Pendant son séjour à Madrid, Arban a reçu de la reine d'Espagne
la décoration de l'ordre d'Isabelle-la-Catholique. Le même honneur a été
accordé par S. M. à deux solistes de son orchestre : MM. Dunkler, vio-
loncelUste, et Contré, fltïtiste.
»•» Le célèbre contre-bassiste Boitesini vient d'arriver à Paris.
^% Un cornettiste qui jouit d'une grande célébrité en Angleterre et
en Amérique, M. J. Levy, dont on a pu déjà apprécier le talent à Paris
UE PAKIS
f99
en ISG-i, s'y fait de nouveau entendre en ce momeni. — Ainsi que nous
le dîmes à celle époque, M. Levy possède une grande agililé sur son
instrument et il en tire une puissante sonorité. — Une charnianlc poIKa
d'Etlling : Zer Une-Polka^ Iburnit chaque soir à M. Levy l'occasion de
faire applaudir ces qualités.
*** Une pianiste qui obtint il y a quelques années de beaux succès-
et par son talent de virtuose et par d'agréables compositions, la Course
au Clocher, etc , esl en ce moment à Paris. Mlle Guénée habite Lyon,
où elle compte d'excellentes et nombreuses élèves, et elle se rend en
Italie pour y prendre quelques mois de repos.
^'•^ Les fêtes musicales du 16 août prochain, à Grenoble, auront l'éclat
et l'importance artistique que nous avons été des premiers à leur pré-
dire. Près de deux' cents, sociétés chorales et instrumentales y prendront
part. Sur la demande d'un grand nombre d'Orphéons et de Fanfares, et
à cause des morceaux imposés, la Commission d'organisation vient de
décider que les adhérions seraient reçues jusqu'au 1='' juillet, délai de
rigueur.
^*^ La charmante collection d'opéras, opéras-comiques et opérettes,
édition populaire, entreprise par la maison Brandus et Dufour, vient de
s'enrichir de deux nouveaux volumes : Robert le Diable et Martha. Nous
rappelons aux amateurs que ces partiiioiis, qui ne contiennent que les
paroles et la musique, sans accompagnement, se recommandent spécia-
lement aux artistes dramatiques pour remplacer la copie des rôles, —
aux sociétés chorales, — et aux spectateurs pour suivre la musique au
théâtre.
**t L'une des plus belles pages de l'Africaine est san.s contredit le
chœur des évêques du premier acte. Une transcription de ce morceau
pour piano, écrite par un pianiste-compositeur distingué, M. J. Baur, et
d'un très-puissant effet, vient de paraître chez les mêmes éditeurs.
*** La fantaisie pour piano de Mlle Tercsa Carreno, sur V Africaiiie,
dont nous avons annoncé la pubhcation, obtient un succès tout à fait
digne du talent de la jeune artiste.
*** Le chant et la comédie ont souvent recruté des interprètes distin-
guées dans le corps de ballet de l'Opéra. On annonce qu'une artiste de
la danse, Mlle Ricois, douée d'une voix fort belle, prend des leçons
de Warttl, l'éminent professeur de Mlle Nilsson, dans l'intention de
suivre la carrière lyrique.
ii*tt Au nombre des journaux qui n'attendaient pour se produire que
la promulgation de la nouvelle loi sur la presse, on signalait la publi-
cation du Goutois, feuille politique et littéraire, dirigée par M. H. de Pêne, et
M. Edmond Tarbé des Sablons, qui se sont associés pour cette entreprise.
On annonce aujourd'hui pour le X"' juillet Tapparilion du nouveau jour-
nal. 11 s'appuie sur des éléments incontestables de succès : des capitaux
suffisants, d'abord, puis l'expérience d'un écrivain qui a fait depuis
longtemps déjà et de la façon la plus brillante ses preuves dans le jour-
nalisme et dans la littérature; enfin la collaboration de M. Tarbé des
Sablons, auquel sa plume élégante et facile comme critique musical et
son nom ont tout d'abord concilié de légitimes sympathies. A ces divers
titres, le Gaulois recevra certainement du public et de ses confrères le
plus favorable accueil et nous le lui souhaitons de grand cœur. — M. de
Pêne annonce que sa nouvelle situation n'apportera aucun changement
à la publication et à la rédaction de la Gazette des Etrangers, à laquelle
il donnera ses soins comme par le passé.
*** M. Max Graziani vient de composer et de faire paraître, sous le
titre de The Earl, un quadrille entraînant, dédié à M. le mar-
quis de Hastings, propriétaire du cheval vainqueur au dernier derby.
**„: Aujourdhui dimanche, de midi à six heures, au Pré-Catelan,
représentation extraordinaire au bénéfice d'une grande et sympathique
infortune : Mme Péan de la Roche-Jagu, l'artiste de mérite, le compo-
siteur sérieux et convaincu. Les meilleurs artistes de la capitale ont gra-
cieusement offert leur généreux concours. La fête sera clôturée par le
tirage d'une riche Tombola.
^*^ Un éditeur de musique, en même temps compositeur de mérite,
M. Alphonse Leduc, auquel on doit une méthode de piano estimée, des
études , de nombreux morceaux de piano , des romances, des quadrilles
devenus populaires, etc., est mort subitement mercredi à l'âge de soixante-
cinq ans, au moment où il rentrait chez lui. Ses obsèques ont eu heu
vendredi au miheu d'un grand concours d'amis et d'artistes.
ÉTRANGER
:)f*jf Londres. — ^Africaine a été donnée mardi pour la première fois
de la .saison à Covent-Garden, avec son éclat et son succès accoutumés,
auxquels ont contribué pour une bonne part Mme Lucca et Naudin .
Adelina Patti a été ravissante dans le rôle de Zerline de Don Juan.
Christine Nilsson, à Drury-Lane, continue d'enthousiasmer son public
dans le Nozze di Figaro. — Le grand festival Iriennal de H;endel a eu
lieu celte semaine, lundi, mercredi et vendredi, dans l'immen-se vaisseau
du Palais de Cristal, qui renfermait vingt mille auditeurs. Une armée de
quatre mille artistes, dirigée par le célèbre Costa, a exécuté le premier
jour le Messie, le chef-d'œuvre du maître, qu'on ne se la.sse pas d'en-
tendre en Angleterre, et qui a vraiment été rendu d'une manière admi-
rable. Le surlendemain, le programme se composait d'une sélection em-
pruntée aux oratorios Saiil, Salomon, .jarnson. Judas Machabée, Josué,
Jephté, Déborah, la Résurrection, aux cantates Sémélé, les Fêtes d'Alexzndre,
Acis et Galatée. Les .soli élaient chantés par Mmcs Tietjen<=, Kellogg,
Nilsson, Rudersdotflf, Sainlon-Dolby, Carola, M.M. Sims Rreves, Santley,
Foli, Cummings. Nous manquons encore de détails sur la troisième
journée. — Mlle Kellogg, dont l'engagement se terminait cette semaine,
l'a renouvelé avec M. Mapleson pour le reste de la saison. Elle retournera
ensuite en Amérique.
,f** Bade. — Le deuxième concert de la saison a eu lieu le 16 juin
avec le concours de Mlle Brunetti, la gracieu.se cantatrice ; de l'éminent
clarinettisle Wuille, et de MM. Bach, GrodwoUe et Oudshorn.— Mme "Viar-
dot a donné, devant une auguste assemblée, une quatrième représenta-
tion de sa nouvelle opérette en deux actes, TO^re. C'est, comme nous
l'avons dit, un conte de fées très-gracieusement et très-habileaient arrangé
pour la scène, par M. Ivan Tourguénief, et dont toute l'intrigue roule
sur un cheveu d'or, par la vertu duquel le terrible Micocolembo (dont
le poète lui-même joue le rôle) retient captif tout un essaim de jeunes
filles. Grâce au prince Saphir (Mme Viardot), l'ogre finit par perdra sa
puissance en perdant son cheveu, et ses charmantes pri.sonnières échap-
pent à sa Yoracité. — L'ogre est le seul rôle d'homme de la pièce et il
n'est point chanté; Mme Viardot a su néanmoins, avec sa profonde con-
naissance du style vocal, jeter une grande variété dans son œuvre. —
Trois morceaux ont élé ajoutés depuis la première représentation. —
L'exécution a beaucoup gagné comme sûreté et comme nuances, et VOgre
n'a fait que croître dans la faveur de son public de reines et de prin-
cesses.
^*,(. Berlin. — Le théâtre de Friedrich-Wilhelmstadt a donné la pre-
mière représentation d'un opéra-comique en deux actes de A. Conradi :
La plus belle Fille du bourg, charmant ouvrage qui a été accueilli de la
façon la plus sympathique par le public. — L'Association des musiciens
a adressé au Reichstag une pétition réclamant une loi qui garantisse aux
compositeurs de musique de concert, vocale ou instrumentale, un droit
sur l'exécution de leurs œuvres, privilège dont ont joui jusqu'ici les
compositeurs dramatiques seuls. Une mesure pareille aurait une grande
importance en Allemagne, où la musique instrumentale occupe une si
large place. — La clôture annuelle de l'Opéra a eu lieu le 13 juin, et
durera jusqu'au 12 août.
^*^ Prague. — Mlle Orgéni, en représentations au théâtre tchèque,
a débuté par deux magnifiques succès, obtenus dans Lucie et le Barbier
de Sévitle. Son habileté comme chanteuse, surtout dans les vocalises, est
à la hauteur de son talent de comédienne.
^*^ Munkh. — Les Meistersaen'ger de R. Wagner seront donnés pour la
première fois le dimanche 21 juin; deux autres représentations sont an-
noncées pour le 23 et le 28.
^*^ Gênes. — La Société philharmonique adonné le 3 juin, au théâtre
Carlo Félice, un splendide concert, dans lequel Sivori a été l'objet d'une
ovation chaleureuse, et où la Marche indienne de l'Africaine a produit
l'effet le plus grandiose.
,j*:j; Florence. — La direction de la Pergola a engagé pour la saison
prochaine Mlles Camille de Maësen et Biancolini, les tinors Fancelli et
Montanaro, le baryton Cresci, et la célèbre ballerine Pochini. On donnera
le Prophète, Dinorah et le Comte Ory.
^*^ New-York. — Les journaux d'Amérique annoncent que M. Max
Straskosch s'occupe de monter le Prophète au théâtre de Niblo, avec une
splendeur encore inconnue en ce pays.
^*^, Baliimore. — L'union allemande des chanteurs du nord-est des
Etats-Unis, annonce pour l'été de 1866, une grande fête musicale à la-
quelle elle convie toutes les sociétés chorales allemandes. Elle a établi
également dans ce but, un concours de composition, avec des prix de
100 et de tëO dollars; leschœurs devrontêtre écrits pour voix d'hommes,
(paroles allemandes), avec accompagnement d'orchestre, et soli adlibitum,
et envoyés avant le i"' octobre 1868, avec devise et pli cacheté renfer-
mant le nom de l'auteur, à MM. Joh. Heckermann à Brème.
^*i), Philadelphie. — Après son immense succès à New- York, la Grande
Duchesse tourne ici toutes les tètes. Il ,en avait été de même à Was-
hington ; Mlle Tostée est toujours l'idole du public.
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Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Les droits des auteurs (deuxième partie, 9' article), par Tho-
mas Sanvage. — Les Théâtres lyriques secondaires à Paris depuis 1820 (2'
article), par Artbnr Pongin. — Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg,
opéra-comique en trois actes de Richard Wagner. — Nouvelles des théâtres
lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
LES DROITS DES AUTEURS.
{Deuxième partie.)
SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE.
(9= article) (1).
Après le départ des Bouffons, la réunion des artistes de l'Opéra-
Coniigue forain à ceux du théâtre Italien n'avait pas été sans
influence. Aux grands compositeurs Monsigny et Philidor, qui
avaient déjà débuté à la foire, on avait vu se joindre Grétry, dont
le talent s'était révélé dès son premier ouvrage le Huron, et le
drame lyrique, grâce à ces trois hommes de génie, faisait de ra-
pides progrès. Sa marche aurait été plus rapide ercore sans la ri-
dicule résistance que lui opposèrent les hommes de lettres.
Comprenant mal ou plutôt ne comprenant pas les convenances
de l'art qui doit dominer dans toute œuvre lyrique, ils prétendirent
traiter la musique en accessoire et conserver aux développements
du drame à peu près la même importance que dans la comédie
proprement dite. Tandis qu'en Italie le choix du sujet, la disposi-
tion du plan sont entièrement subordonnés à l'intérêt musical,
chez nous on voulut soumettre le compositeur à la domination de
l'homme de lettres : en un mot, dans l'œuvre commune, la litté-
rature exigea la prééminence sur la musique. Il résulta de cette
prétention un genre bâtard, sans valeur littéraire comme sans va-
leur musicale, que l'on nomma comédie mêlée d'ARiETTES, détes-
table invention qui, chaque fois que la mode en est revenue, nous
a valu les brocards de toute l'Europe musicienne. Elle semble
due au froid et lourd Marmontel; le premier, il accapara Grétry,
(1) Voir les n<" 33, iO, il, 43 et 49 de l'année 1867, et les n°' 7, 9 et
22.
et , portant ses assommantes prétentions académiques jusque
dans un genre oîi la verve et le sentiment sont des qualités indis-
pensables, il p3ut être regardé comme l'obstacle le plus funeste
qu'ait rencontré la musique dramatique.
Par bonheur se rencontra, dans le même temps, le maçon, l'illet-
tré Sedaine ! Celui-là, qui pourtant au besoin savait écrire des
œuvres comme le Philosophe sans le savoir ou la Gageure imprévue,
s'effaçant à propos lorsqu'il s'agissait d'une composition lyrique,
procura à ses collaborateurs Monsigny et Grétry des applaudisse-
ments qui durent toujours : un autre encore, un Anglais, homme
de goût et d'esprit, qui avait longtemps voyagé en Italie, d'Hèle (1),
introduisit sur notre scène lyrique ces grands finales à l'italienne
si favorables aux développements de la musique dramatique.
Le théâtre de la Comédie-Italienne, qui jusqu'en 1782 conserva
le répertoire italien auquel il devait son nom, répertoire augmenté
des œuvres de Goldoni que l'on avait fait venir exprès à Paris,
jouait en outre et fort bien la comédie française; car il créait la
Femme jalouse, de Desforges, les Etourdis, d'Andrieux, les drames
de Mercier, les charmantes arlequinades de Florian , et même les
vaudevilles de Piis, Barré, Radet, etc., etc. — Le Théâtre-Italien,
de 1762 à 1788, représenta à peu près deux cents ouvrages avec
musique nouvelle, ce que nous appelons aujourd'hui des opéras-
comiques. Soixante-deux noms de compositeurs figurèrent sur son
affiche, et parmi ces artistes on trouve :
Grétry pour 24 œuvres; — Philidor, 12; — Monsigny, S; —
Duni, 8; — Dezède, 10; — Dalayrac, 10; — Champein, 9; —
Piccinni, 5; — Martini, 4; — Sacchini, 2; — Gossec, 3; etc., etc.
Tant d'activité, les brillants succès qui en résultaient, char-
maient et attiraient la foule, chaque jour entassée dans la vilaine
salle de la rue Mauconseil (2).
Il n'en était pas de même à l'Académie royale de Musique, qui
s'éteignait dans la langueur et le marasme, abandonnée à des
(1) 11 s'appelait //ate, que l'on prononçait Hèle, et notre courtoisie
française l'avait décoré de la particule nobiliaire. Il a donné : le Juge-
ment de Midas, l'Amant jaloux, et ks Événements imprévus en 1778 et
1779.
(£) Où nous avons vu la Halle aux Cuirs. Elle appartenait à l'hôpital
des Enfants trouvés, qui la louait 9,000 francs aux comédiens.
202
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
compositeurs dont les noms étaient : Laborde, Trial, Desormery,
Lagarde, Ponteau et autres non moins inconnus.
L'an'ivée en France d'une jeune princesse allemande, intelli-
gente et spirituelle, élevée dans le goût et dans la pratique des
beaux-arts, surtout de la musique, donna heureusement une nou-
velle .et meilleure direction à l'action du gouvernement sur les
théâtres lyriques.
Marie-Antoinette, 'Dauphine, ne voulut pas faire un seul acte
d'autorité qui pût amener un conflit, un contact compromettant
avec l'indigne favorite d'alors ; mais dès qu'elle fut reine, elle fit
venir à Paris le chevalier Gluckj son maître de musique à Vienne,
et l'année même de son avènement, 1774, vit représenter Iphi-
g&nie e» Aulide et Orphée.
On ne peut se figurer quels obstacles le grand compositeur
eut à vïincre pour arriver devant le public, même avec celte haute
protection; cependant fes deux œuvres obtinrent un immense
succès. Pour que Gluck ne fût pas rebuté par tous les désagré-
ments qui accompagnèrent son triomphe, la reine lui fit
donner une pension viagère de 6, OCO francs, et ■ garantit une
autre somme de 6,000 francs ptur chaque partition qu'il don-
nerait à l'Académie royale de musique. Gluck ayant fait repré-
senter cette année, 1774, deux opéras, reçut donc 18,000 francs.
La musique sévère et déclomce de Gluck arrivant au moment
de l'enthousiasme pour le genre chanté italien, principalement
adopté à rOpéra-Comique, qui jouissait alors de la plus grande
vogue, on vit se renouveler les discussions soulevées par la pre-
mière apparition des bouffons, entre leurs partisans et les
ramisies ; guerre éternelle! car, comme en définitive elle a lieu
entre la science et la mélodie, on trouvera toujours des génies
féconds et paresseux qui soutiendront que, puisqu'ils produisent et
plaisent par la seule inspiration, la science est inutile, et l'on ne
manquera jamais de bœufs sans idées qui, parvenus à force de
labeur à tracer leur sillon, beugleront sans cesse que la science
seule fait la musique : in medio veritas! La grande difficulté,
c'est la réunion des deux mérites, des deux qualités dans des pro-
portions convenables. Il lui fallait un nom à cette guerre! On ne
peut pas chez nous admirer toujours le même homme; les partitions
qui succédèrent à Iphigcnie, à Orphée, à Cithcre assiégée, de Gluck,
qui tomba, à Alceste dont le succès fut longtemps conteslé, k Armide,
même que l'on n'accepta que difficilement, avaient éciairci les
rangs des pectateurs Ji l'Opéra; on commençait à parler de Piccinni,
dont Grétry se vantait d'être l'élève ; on avait applaudi avec
transporta la Comédie-Italienne sa Bvona figliola: l'ambassadeur
de Naples, qui s'était fait à Paris son prôneur, obtint de la reine
qu'elle partageât ses bonnes grâces entre Gluck et Piccini, et on fit
venir ce dernier à Paris. La direction de l'Opéra, en lui donnant
un traitement très-honorable (1), se l'attacha et le chargea de
composer une troupe de chanteurs italiens qui pût varier son
répertoire et faire connaître les chefs-d'œuvre ulframontains.
Marmontel, se hâtant de l'accaparer, lui infligea immédiatement
un poëme de Quinault, qu'il accommoda à sa mode. Les représen-
tations des bouffons commencèrent. Roland, dePiccinni, parut, sui-
vit à'Iphigénie en Tauride de Gluck. Et les deux camps furent
baptisés : Les gluckistes et les piccinnistes.
Dès lors, la musique devint la grande préoccupation de la
cour et de la ville. Pendant dix ans on put admirer et applaudir
les œuvres des deux antagonistes réunies à celles de Sacchini, de
Salieri, etc., etc. Cette période fut l'âge d'or des artistes et des
(1) En outre de ce traitement Plccinni touchait quatre cents francs par
représentation de ses ouvrages, qui ne se donnaient jamais seuls. Au-
jourd'hui l'Opéra paye cinq cente francs par soirée pour tout le spectacle,
à partager entre les auteurs, compositeurs et chorégraphes, s'il y a lieu.
exécutants. Les nouvelles exigences musicales avaient plus que
doublé le nombre des artistes employés dans les orchestres de
l'Opéra, du Concert spirituel et de l'Opéra-Comique. En outre, il
s'était formé plusieurs réunions musicales particulières sous les
auspices de quelques grands eigneurs, telles que le Concert des
Amateurs à l'hôtel Soubise; — la Musique du comte de Clermont,
celle de l'ambassadeur de Naples, celle du baron de Bagte, vio-
loniste amateur, ridicule, que l'on applaudissait à outrance par
dérision; celle du comte d'Albaret, qu'il logeait et nourrissait dans
son hôtel comme des moines dans un couvent. Toutes avaient
chacune leur pensionnaires spéciaux et de plus attiraient, accueil-
laient et faisaient entendre ce qu'il y avait de virtuoses distingués
à l'étranger.
Malgré les œuvres admirables (1) que l'Académie royale de
Musique offrait au public, I'Opéra-comique de la comédie italienne
était encore le genre qui attirait p'us particulièrement la foule;
cette préférence fut hautemoit et ciTicielkment constatée, sanction-
née par les lettres patentes accordées à ce théâtre en 1781 et
dont voici le préambule :
« Louis, etc. — La nécessité des spectacles dans les grandes villes
de notre royaume, et principalement dans notre bonne ville de
Paris, est un objet qui a de tout temps attiré l'attention des rois
nos prédécesseurs, parce qu'ils ont regardé le théâtre comme
l'occupation la plus tranquille pour les gens oisifs et le délasse-
ment le plus honnête pour les personnes occupées. C'est dans
celte vue, qu'indépendamment de ses comédiens français ordi-
naires, le feu roi, notre très-honoré seigneur et aïeul, avait
permis en 1716 l'établissement d'une troupe de comédiens italiens;
mais, malgré les talents et le zèle de ceux qui la composaient, ils
n'eurent qu'une faible réussite; et ce spectacle ne s'est jamais
soutenu que par des moyens étrangers et toujours insuffisants,
jusqu'au moment où, en 1762, on y a réuni I'Opéba-Comique. Si
depuis cette époque ce théâtre a été fréquenté toutes les fois
qu'on y donnait des opéras bouffons et autres pièces de chant,
d'un autre côté le public montrait si peu d'empressement
pour voir les comédies en langue italienne que, quand on les
représentait, le produit de la recette ne suffisait pas même à payer
la moitié des frais journaliers; d'ailleurs, comme les tentatives
réitérées qu'on a faites pour amener à grands frais des ac-
teurs d'Italie n'ont produit aucun effet, et qu'il ne reste plus au-
cun espoir de remplacer les bons acteurs morts, ni ceux que leurs
longs services mettent dans le cas de se retirer, nous nous som-
mes vu forcé de supprimer entièrement le genre italien et nous
avons pourvu au traitement des acteurs et des actrices qui le re-
présentaient (2) en leur accordant des pensions de retraite et des
gratifications convenables. Mais, désirant conserver dans notre
bonne ville de Paris un spectacle qui puisse contribuer à l'amuse-
ment du public, nous avons établi une nouvelle troupe qui
(sous le titre ancien de Comédiens-Italiens) représentera des comé-
dies françaises, des pièces de chant soit à vaudevilles, soit à
ariettes, et des parodies (3); et, en conséquence, nous avons permis
(1) De t77i à 1788, l'Opéra fit représenter, de Gluck : Iphigénie en
Aulide, Orphée, Cithére assiégée. Alceste, Armicle, Iphigénie en Taaride,
Echo; de Plccinni : Roland, Atys, Iphigénie en Tawide, Adèle de Ponthieu;
de Salieri : tes Horaces, les Danaïdes, Tarare, Bidon, Diane et Endymion,
Pénélope; de Sacchini : Renaud, Chiméne, Dardanus, Œdipe, Arvire et
Evelina.
(2) Deux comédiens italiens, Carlin Berchinazzi, l'Arlequin, et Came-
rani, Scapin, furent seulement conservés. Carlin mourut en 1784; Came-
rani, devenu semainier perpétuel, exerça ses fonctions jusqu'en 1816.
(3) Par parodies on entendait, nous l'avons dit, les traductions comme
la Colonie et l'Olympiade, de Sacchini, la Bonne fille, de Plccinni, et
M. Framery, le fondateur do la perception des droits d'auteur en
province, fut un des premiers et des plus féconds auteurs de Parodies.
DE PARIS.
aux administrateurs de notre Académie de musique de faire à
ladite nouvelle troupe un bail pour trente aimées du privilège de
l'opéra-comique. Nous nous sommes déterminé à cet arrange-
ment d'autant plus volontiers que, par le compte que nous nous
sommes fait rendre de l'état de ce spectacle depuis 1762, nous
avons remarqué que le genre des pièces de chant y avait fait des
progrès aussi rapides qu'étonnants.
» La musique française, qui jadis était l'objet de l'indifférence ou
du mépris des étrangers, est répandue aujourd'hui dans toute l'Eu-
rope, puisqu'on exécute les opéras-bouffons français dans toutes les
cours du Nord et même en Italie, oîi les plus grands musiciens de
Rome et de Naples applaudissent au talent de nos compositeurs
français. Ce sont les ouvrages de ce genre qui ont formé le goût
en France, qui y ont accoutumé les oreilles à une musique plus
savante et plus expressive, et qui ont enfin préparé la révolution
arrivée sur le théâtre même de notre Académie de musique , où
l'on voit applaudir aujourd'hui des chefs-d'œuvre dont on n'aui'ait
ni connu ni goûté le mérite si on les y avait joués vingt-cinq ans
plus tôt. On ne peut donc pas douter que cette révolution ne soit
le fruit des opéras-bouffons composés pour la Comédie-Italienne et
des efforts continuels des acteurs qui les ont exécutés, parce que,
consultant sans cesse le goût du public et cherchant à le perfec-
tionner comme à le satisfaire, ils sont parvenus à rendre leur spec-
tacle infiniment agréable à la nation et même aux étrangers. Si
donc il est possible de faire encore des progrès dans ce genre, on
doit les attendre des mêmes compositeurs et des mêmes acteurs,
qui, encouragés par de premiers succès, mettront leur gloire et
leur intérêt à porter cet art aussi loin qu'il peut aller.
» D'après cela nous avons pensé que nous ne pouvions mieux té-
moigner à ces mêmes acteurs la satisfaction que nous avons de
leurs services qu'en leur donnant une consistance solide et légale
à l'instar de celle de nos comédiens français ordinaires. Par là
nous contribuerons à augmenter le goût et les progrès de la mu-
sique, à entretenir l'émulation parmi les gens de lettres et les au-
teurs, et à assurer par la même voie, non-seulement l'état et les
fonds des acteurs et actrices, mais encore leurs pensions de
retraite, n
Il faut encore noter dans ces lettres patentes le douzième et der-
nier article, qui porte ;
« En renouvelant en tant que de besoin les dispositions de la
déclaration donnée par Louis XIII , notre très-honoré seigneur et
trisaïeul, en laveur des comédiens, le 16 avril 1641, nous enjoi-
gnons très-expressément à nos comédiens italiens de régler tellement
leurs représentations théâtrales que la religion, les bonnes mœurs
et l'honnêteté publique n'en puissent souffrir la moindre atteinte.
Et, en ce faisant, nous voulons et entendons que l'exercice de leur
profession ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur
réputation dans le commerce public. »
Enfin je citerai comme témoignage de l'estime où l'on tenait gé-
néralement à cette époque les exécutants français, ce fait que je
rencontre dans les Mémoires secrets de Bachaumont :
« Le Grand Seigneur actuel a engagé M. de Saint-Priest , notre
ambassadeur à la Porte, d'écrire à Paris pour former à Sa Hau-
tesse une troupe de musiciens qu'elle veut attirer à sa cour. Elle
désire que rien ne soit épargné pour cette entreprise , et ofTie de
payer très-chèrement ces messieurs. Les politiques voient avec plai-
sir ces dispositions de l'empereur turc : ils espèrent qu'à la longue
il en résultera une révolution chez cette nation barbare, et que les
arts la poliront. )>
Mais ce que ne disent pas les Mémoires secrets, qui pourtant ne
sont guère discrets ni retenus dans leurs révélations, c'est que le
Grand Seigneur ne tirait pas de Paris des musiciens seulement, il
en faisait aussi venir des chanteuses et des ballerines ! A l'appui
de ce système d'emprunt lyrique et chorégraphique, il me revient
en mémoire une anecdote que me raconta jadis un vieil ami,
dans son temps médecin de presque tous les artistes des grands
théâtres (1), dont il connaissait ainsi singulièrement la Chroni-
que secrète.
Thomas SAUVAGE.
[La suite prochainement.)
LES THÉÂTRES LYRIQUES SECONDAIRES A PARIS
DEPUIS 1S30.
(2= article) (2).
Aimon n'était pas non plus le premier venu. Né à Lisle (Vau-
cluse) le 4 octobre 1779, élève de son père, violoncelliste distingué
qui fut attaché au ministre de Danemark comte de Rantzau , il
dirigeait, à peine âgé de dix-sept ans , l'orchestre du théâtre de
Marseille, et se faisait remarquer par son ardeur dans la compo-
sition de différents morceaux de musique intrumentale. Etant venu
se fixer à Paris en 1817, il y fit représenter dès l'année suivante
un opéra en troij actes, intitulé les Jeux floraux, dont Bouilly
avait écrit les paroles. Il fut choisi comme chef d'orchestre du
Gymnase, mais n'abusa pas de cette position au point de vue de
sa carrière de compositeur, car, à part quelques airs placés par
lui dans des vaudevilles (particulièrement celui de Michel et Chris-
tine, qui acquit une sorte de célébrité), il retoucha seulement la
Fée Vrgéle, de Duni, pour laquelle il écrivit une ouverture et
quelques chœurs nouveaux.
Quant à Guénée, violoniste distingué qui avait eu pour professeurs
Gaviniés, Rode et Mazas, et pour maître de composition Reicha,
il faisait alors partie de l'orchestre de l'Opéra qu'il devait quitter
plus tard pour diriger celui du Palais-Royal, et deux ouvrages de
sa composition avaient été représentés à l'Opéra-Comique : la
Chambre à coucher, et la Comtesse de Troun, quand il vint don-
ner au Gymnase un petit acte qui n'eut pas plus de retentisse-
ment que les précédents.
Louis Maresse, jeune musicien qui publia un certain nombre
d'œuvres de musique de chambre, n'était point encore connu au
théâtre, où du reste il ne fit que paraître. C'est donc bien un dé-
but qu'il effectua en donnant au Gymnase les Projets de sagesse,
qu'il devait faire suivre rapidement de l'Habit retourné, repré-
senté à l'Opéra-Comique le 11 septembre 1821, et qui fut son se-
cond et son dernier ouvrage dramatique.
Maresse fut donc, avec Douai, l'un des deux seuls compositeurs
absolument inconnus auxquels le Gymnase voulût bien permettre
de se brûler les ailes aux feux de sa rampe. Ce dernier était presque
un adolescent, puisque, selon M. Fétis, il était né en 1802. Pre-
mier violon à l'orchestre de ce théâtre lors de son ouverture, de-
venu deuxième chef au bout d'une année, il sut mettre autant,
que possible cette situation à profit en faisant jouer un petit acte,
la Bonne Mère, son unique œuvre dramatique. Depuis, on n'en
(1) Je tiens de cet aimable docteur un portrait de Mme Dugazon, d'a-
près Isabey, hommage de la célèbre actrice, de l'admirable créatrice du
rôle de Nina. On lit au bas de la peinture ce quatrain de Dupaty, ami
du donataire et de la donatrice :
Toujours mon seul regard peignit son .sentiment:
Si l'on a, de mes traits, saisi la ressemblance,
Ce portrait, en vous regardant.
Exprime la reconnaissance.
Ce quatrain est écrit de la main de Mme Dugazon; il n'est pas signé,
mais il contient une faute d'ortliographs ; c'est son cachet.
(2) Voir le n" 2S.
204
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
entendit plus jamais parler en ce qui concerne le théâtre, bien
que cet artiste ait produit beaucoup dans le genre de la sympho-
nie et de l'oratorio.
Nous venons de voir ce que le Gymnase produisit en fait de
musiciens. Ayant d'énumérer les œuvres que ceux-ci y firent re-
présenter, voyons un peu ce qu'en pouvait être l'interprétation.
Le privilège du Gymnase avait, — ce qui était assez dans les
usages de l'époque, — été accordé à un homme qui ne servait
que de prête-nom, un certain M. de la Roserie, qui, je crois, était
employé de la liste civile. Mais le directeur de fait était Delestre-
Poirson, homme d'intelligence et de goût, fort expert en matières
théâtrales. Tenu, au moins pendant un certain temps, de faire
entrer dans son répertoire un nombre quelconque de pièces mu-
sicales, Poirson commença par faire choix d'un chef d'orchestre
exercé, Léopold Aimon, et d'un excellent accompagnateur, Alexan-
dre Piccinni. Aimon ne conserva pas longtemps cette situation ;
dès l'année suivante il abandonna l'orchestre du Gymnase pour
aller prendre la direction de celui du Théâtre-Français, et laissa
le bâton à Heudier, qui fut lui-même remplacé au bout de quel-
ques annés par Hus-Desforges.
La troupe, composée d'acteurs devenus célèbres, Pcrlet, Gontier,
Klein, Ferville, Numa, etc., ne comptait aucun chanteur propre-
ment dit, mais seulement des comédiens aptes à chanter des cou-
plets de vaudeville. Il n'en était pas tout à fait de même des
femmes, et l'on rencontre parmi elles qutilques artistes qui eus-
sent pu se faire un nom môme dans le genre lyrique , par exem-
ple Mnies Grévedon, Déjazet et Nadéje. Mais il faut citer tout par-
ticulièi'ement Mlle Méric, devenue si célèbre plus tard, comme
chanteuse italienne, sous le nom de Mme Méric-Lalande, alors
qu'elle créait, à Venise ou à Milan, les rôles principaux des ou-
vrages de Pacini, de Morlacchi ou de Meyerbeer.
Mlle Lalande, fille et élève d'un chef d'orchestre de province
nommé Lamiraux-Lalande, tenait depuis plusieurs années l'emploi
des premières chanteuses dans les principales villes des départe-
ments lorsque l'administration du Gymnase se l'attacha. Elle vint
donc à Paris, se plaça sous la conduite de Garcia, qui compléta
son éducation, et débuta le 16 mai 1821 dans la Meunière, ou-
vrage de son professeur. Entre autres créations, elle fit ensuite
celle d'Angélique dans le premier pastiche de Castil Blaze, les
Folies amoureuses, et ce rôle lui fit tant d'honneur que la direc-
tion de l'Opéra Comique voulut se l'attacher. Mais elle avait reçu
de brillantes propositions pour l'Italie, et elle partit pour ce pays
à la fin de 1823, avec son mari, Méric, corniste de l'Opéra-Comi-
que, qu'elle avait épousé l'année précédente.
Voilà, en ce qui concerne les chanteurs, avec quels éléments le
Gymnase se mit en devoir de devenir une succursale de l'Opéra-
Comique. Quant à l'orchestre, nous avons vu qu'à l'ongine il
avait à sa tête un chef consommé , Léopold Aimon ; il était ainsi
composé : cinq premiers et cinq seconds violons, deux altos (ce
qui est bien peu), cinq violoncelles (ce qui est beaucoup), quatre
contrebasses, deux flûtes, deux clarinettes, deux hautbois et deux
cors. Les trompettes, les trombones et les timbales brillaient par
leur absence, ce qui n'était pas un mal , mais on s'explique peu
l'absence complète des bassons. Quant aux choristes, ils étaient au
nombre de vingt, partagés par moitié entre le sexe fort et le fai-
ble; c'était très-suffisant pour un petit théâtre.
Voici maintenant le répertoire complet, en ce qui concerne seu-
lement la musique, bien entendu (1).
(1) Les renseignements très-précis et très-détaillés que l'oa trouvera
dans ce répertoire ont été pris dans les journaux et recueils du temps,
ainsi que dans une petite plaquette fort curieuse et sans doute aujour-
d'hui fort rare. Cette petite brochure in-18, qui contient une soixantaine
de pages et qui est rempUe de détails intéressants qu'il serait impossi-
La Maison en loterie, un acte, paroles de Picard et Radet, mu-
sique d'Alexandre Piccinni, représentée pour l'ouverture le 2 dé-
cembre 1820. Succès constaté par 73 représentations. Cet ouvrage
avait été donné pour la première fois à l'Odéon, sous forme de
vaudeville, le 8 décembre 1817.
Une Visite à la campagne, un acte, paroles de Bonnet et Dan-
guy, musique de Guénée, représentée aussi pour l'ouverture, le 2
décembre 1820. Moins heureuse que la précédente, cette petite
pièce n'obtint que 2 représentations.
La Fée Urgèle, ancien opéra en quatre actes, de Favart, musi-
que de Duni , créé à la Comédie-Italienne le 4 décembre 1765,
remis en un acte pour satisfaire aux prescriptions du privilège du
théâtre de Madame, musique arrangée par Léopold Aimon , chef
d'orchestre de ce théâtre, qui refait une ouverture et quelques
chœurs. L'ouvrage ainsi remanié paraît devant le public le 6 jan-
vier 1821, et est joué 21 fois, mais que pouvait-il bien rester de
la partition naïve de Duni? Quelques couplets, peut-être.
Les Projets de sagesse, un acte, paroles de Mélesville, musique
du même (dit Y Annuaire dramatique de Ragueneau, ordinairement
très-bien informé) et de Maresse. Mélesville, l'aimable collabora-
teur de Scribe et l'ingénieux auteur de tant de jolies productions
dramatiques, était donc musicien? En tous cas, c'est la seule fois
qu'il lui ait pris fantaisie de faire montre de ce talent particulier.
Ce petit opéra des Projets de sagesse avait été créé à la Gaîté le 6
février 1819, sous forme de comédie et sous un autre titre : les
Deux Secrets; donné au Gymnase le 20 mars 1821, il y obtient
13 représentations.
Une Française, un acte, de M. de Saint- Georges , musique de
Champein père et fils, représenté le 10 avril 1821. Voici la pre-
mière nouvelle que nous ayons d'un fils de Champein, musicien
comme son père, et, de plus, collaborant avec lui. L'exactitude de
ce renseignement ne saurait cependant être mise en doute, puis-
que je l'extrais des Tablettes du directeur du théâtre de Madame.
Cette collaboration ne fut pas heureuse, du reste, car l'ouvrage ne
fut joué que 2 fois.
Cantate, paroles de Cuvelier et Hélitas Demun, musique d'A-
lexandre Piccinni, exécutée au spectacle gratis qui fut donné le
30 avril 1821, pour fêter le baptême du duc de Bordeaux. Les
Tablettes ne mentionnent pas cette cantate, dont l'existence est
révélée par l'Annuaire dramatique cité plus haut.
La Meunière, un acte, paroles de Scribe et Mélesville, musique
de Garcia, représentée le 16 mai 1821. Obtient 20 représentations.
C'est dans cette pièce que se produisit, pour la première fois à
Paris, Mlle Lalande, connue plus tard sous le nom de Mme Mério-
Lalande. Trompé par de faux renseignements, j'ai dit moi-même
dans un autre journal, lors de la mort de celte {,rande cantatrice,
survenue récemment, qu'elle avait débuté au Gymnase seulement
en 1823, dans le pasticcio de Castil-Blaze intitulé les Folies amou-
reuses; c'était une erreur.
Le Grand-Père ou les Deux âges, un acte, paroles de Favières
fils, musique de Louis Jadin, représenté le 20 juin 1821. Ceci
était la reprise pure et simple d'un ouvrage créé sous le même
titre, à l'Opéra-Comique, le 14 octobre 181S; cette reprise ne lui
donne qu'un appoint de 15 représentations.
Alexis ou l'Erreur d'un bon père, un acte, de Marsollier, musi-
que de Dalayrac, représenté le 12 juillet 1821. C'était une reprise
aussi, et chacun sait l'immense succès que ce petit acte charmant
avait obtenu, au théâtre Feydeau , où il avait paru pour la pre-
ble de trouver ailleurs, est ainsi intitulée : Théâtre de S. A. B. Madame.
— Tablettes du directeur. Elle est datée de 1828, et fut évidemment tirée
à très-peu d'exemplaires, qui furent sans doute distribués aux action-
naires, aux administrateurs et à quelques personnes de la cour.
DE PARIS.
205
mière fois le 24 janvier 1798. Il est joué 35 fois au théâtre de
Madame, avec le concours de la jeune Léontine Fay, si célèbre
sous ce nom, et plus tard sous celui de Mme Volnys, à la Comé-
die-Française.
Arthur POUGIN.
(La suite prochainement.)
LES MAITRES CHIUTEUBS DE NDREMBERG,
Opéra- comique en trois actes, de Richard Wagner.
(Représenté pour la première fois à Munich le 20 juin 1868.)
(Premier article.)
Voici l'auteur de Lohengrin désertant le domaine de la légende,
sur lequel il avait déclaré vouloir s'établir exclusivement, pour
nous donner dans les Meistersinger un opéra-comique de toutes
pièces. Peut-être n'a-t-il ainsi circonscrit son terrain que posté-
rieurement à cet ouvrage ; car, chronologiquement, les Meistersin-
ger viennent après Tannhœuser, précédant Lohengrin et Tristan;
ou bien ses principes se sont- ils modifiés, et Bienzi va-t-il être
relevé de l'excommunication ? — Quoi qu'il en soit, Wagner s'est
assez épris de son sujet pour le traiter deux fois, dramatiquement
et mystiquement dans Tannhœuser, joyeusement et mondaine-
ment dans les Meistersinger. Il est certain que rien n'est plus fait
pour séduire un auteur que ces tournois poétiques et musicaux,
thème gracieux et facile sur lequel on peut broder à plaisir sans
faire une trop grande dépense d'imagination ; mais, après le Vais-
seau fantôme, après Lohengrin, après Tristan et Iseult, on a quel-
que peine à se représenter Richard Wagner armé d'une marotte
et courtisant Thalie. Aceeptons-le ainsi cependant; car, si nous
l'en croyons, il n'a point forcé son talent, il est resté lui-même,
il n'a fait que lâcher une fois la bride à la « gaieté sereine » de
son caractère. Nous allons voir comment il s'y est pris.
Les dramatis personœ sont les membres de la corporation des
maîtres chanteurs de la bonne ville de Nuremberg, vers le milieu
du xvi" siècle. Ces honnêtes bourgeois ont recueilli, pour l'ac-
commoder à leur guise , le noble héritage des anciens Minnesin-
ger ou chantres d'amour, les émules de nos troubadours et mé-
nestrels français. Naturellement h tradition de leurs aristocrati-
ques devanciers s'est profondément altérée entre leurs mains ; ils
ont emprisonné l'art dans des règles et des formules sans nombre,
afin sans doute de pouvoir, une fois leur catéchisme appris, com-
poser plus à leur aise, derrière leur comptoir, à l'abri des écarts
de la libre fantaisie. S'il est encore question d'amour dans leurs
chansons, c'est de l'amour pour le bon motif, de celui que sancti-
fie l'Eglise, et dont les accents ne profanent point le lieu saint;
car les Meistersinger tiennent leurs réunions dans les temples. —
La Saint-Jean va être l'occasion d'un concours oîi les maîtres se-
ront admis à se disputer la palme; la récompense du vainqueur
sera la main de la belle Eva, fille de l'orfèvre Veit (ou Guy) Po-
gner. Le chevalier Walther de Slolzing, jeune noble franconien
qui a étudié l'art de la poésie et du chant dans la nature autant
que dans un vieux livre de Walther de la Vogelweide, — le der-
nier des champions du célèbre tournoi de la Wartburg, auquel
prit part Tannhaiuser, — est retenu depuis quelque temps à Nu-
remberg pas son amour pour Eva. La jeune fille, dont le cœur
bat à l'unisson du sien, lui apprend le double obstacle qui s'op-
pose à leur bonheur : Walther doit d'abord se faire recevoir
maître chanteur, puis l'emporter au concours sur ses rivaux. Maî-
tre chanteur! c'est déroger ; qu'importe? Walther sollicitera l'hon-
neur de devenir bourgeois de Nuremberg. Pour commencer, Da-
vid, l'apprenti du fameux cordonnier-poëte Hans Sachs, lui détaille
ce qu'il a à faire : se familiariser avec une infinité de tons plus
ab.surdes les uns que les autres, le ton bref, le ton long, le ton
très-long, les tons de toutes les couleurs, ceux de l'alouette, du
rossignol, de l'aboyeur, de l'arc-en-ciel, de l'étain d'Angleterre et
du bâton de cannelle, etc., etc.; puis s'appliquer à trouver des vers
honnêtes et bien rhythmés, et enfin savoir y adapter une mélodie
congrue. Telles sont les épreuves qu'il aura à subir pour passer
maîtie.
Walther, que les aveux d'Eva remplissent d'une confiance sans
bornes, se présente à l'examen à peu près ex abrupto. Devant la
docte assemblée, au milieu de l'église Sainte-Catherine, il chante
l'amour, l'amour profane! et il le chante à sa manière, c'est-à-dire
sans tenir aucun compte du fatras de règles consignées aux statuts,
avec une verve et une éloquence qui font frémir les juges d'une
sainte horreur! Le marqueur de la corporation, le Stadtschreiber ou
greffier, Sixtus Beckmesser, un soupirant malheureux d'Eva, a si-
gnalé, comme c'était son devoir, les innombrables fautes du réci-
piendaire; aussi, malgré l'appui de Hans Sachs, qui s'y connaît,
et de Pogner lui-même, Walther est impitoyablement repoussé.
Mais il ne quitte pas la place sans avoir foudroyé de son mépris
les maîtres chanteurs, ce qui produit un certain désordre dont les
apprentis en gai sçavoir profitent pour danser une ronde effrénée
autour de l'estrade; il en résulte un premier finale assez mou-
vementé, comme on peut le présumer.
La figm-e quasi-légendaire du vieil Hans Sachs est au premier
plan dans les deux derniers actes. Le lourd Beckmesser, venu
nuitamment pour donner une sérénade à Eva Pogner, voisine du
cordonnier, est bafoué par ce dernier, qui ameute la foule autour
de l'amoureux transi et lui procure une magnifique volée de coups
de bâton. Le lendemain, jour de la Saint-Jean, Walther, qui,
malgré son insuccès, a passé une nuit très-tranquille, raconte à
son hôte, le poëte-artisan, un rêve charmant qu'il a fait. — « Nous
sommes sauvés ! s'écrie Hans Sachs; c"est un sujet excellent pour
une chanson de maître, une chanson oïl vous pourrez mettre toute
votre âme, et qui en même temps se prêtera merveilleusement à
être traitée dans les règles. » Et il lui montre comment il faut s'y
prendre; Walther, rempli d'ardeur, a bientôt écrit trois stances
auxquelles les plus exigeants ne trouveront rien à redire. Pendant
qu'il va se parer pour la grande fête qui doit être publique,
Beckmesser survient et trouve la chanson de Walther; Sachs lui
permet de l'emporter, de la chanter même, s'il le veut, sachant bien
qu'il ne saura en tirer qu'un effet grotesque. Beckmesser, ravi, et
croyant que la chanson est de Sachs, ce qui lui donne une grande
valeur, se sauve avec son trésor. Le moment solennel arrivé, le
greflîer-marqueur, encore tout écloppé, entonne ses couplets d'une
voix rauque, sur une mélodie barbare, déplaçant la prosodie et
dénaturant les paroles de la manière la plus bouffonne; il est
accueilli par les huées des initiés et des profanes. « Elle est de
Sachs ! » crie-t-il pour se venger. « — Non pas, dit le cordonnier,
je suis incapable de rien faire d'aussi beau. Celui-là seul qui l'a
composée pourra, je pense, la bien dire. » Walther s'avance alors,
il chante, et bientôt, à ces accents pathétiques, à cette exécution
irréprochable, les applaudissements éclatent, et le prix lui est dé-
cerné d'une voix unanime. Eva vient déposer la couronne de
myrte et de laurier sur le front du vainqueur, Pogner lui passe
au cou la chaîne d'or aux trois médailles, insignes des maîtres
chanteurs, et Hans Sachs termine la cérémonie en lui adressant
quelques paroles bien senties sur la valeur de l'inspiration, sur
l'utilité de la règle, — et sur la mission de l'art allemand, perverti
par le goût gaulois et par les princes.
Wagner se devait à lui-même de finir par ce trait ; on le voit,
c'est sous la dictée de Hans Sachs qu'a été écrit Art et Politique.
{La fin prochainement.)
206
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Dans sa séance du mardi 23 juin , le syndicat de la Société des
auteurs, compositeurs et éditeurs de musique a procédé à la re-
composition de son bureau. A la majorité de 10 voix sur 11,
M. Th. Sauvage, auteur dramatique, a été nommé président ;
M. S. Dufour, éditeur de musique, ayant obtenu 9 voix sur H, a été
nommé vice-président; M. Cl). Plantade, trésorier, a été continué
dans ces fonctions par un vote unanime d'acclamation. Le comité
permanent se compose de M. Th. Sauvage, président, et de MM.
Nibelle, J.-B. Clément, S. Dutbur. Les membres supplémentaires
sont : MM. Laurent de Rillé, Mouttet et Girod.
Il a été immédiatement décidé que l'on s'occuperait de la de-
mande d'une assemblée générale pour la révision des statuts,
présentée par quatre-vingt-neuf sociétaires. Le syndicat, d'abord
d'avis de faire cette réunion dans le plus bref délai , sur l'obser-
vation de quelques membres que la saison éloignait de Paris un
grand nombre de sociétaires, a fixé la convocation au mois
d'octobre.
Monument à la mémoire d'Edouard Monnais.
A la liste des souscripteurs que nous avons donnée dans notre
numéro du 14 de ce mois, il faut ajouter les noms suivants : M.W.
Louis Godefroy, JoulTroy, de l'Institut; Jules Janin, Emile Des-
champs, de Villemcssant , Edouard Rodrigues , M. Kœnigswarter,
Ad. Botte, M. et Mme Fréd. Leroy; Mmcs Adolphe Adam , veuve
Erard, veuve Duport, Pauline Boutin, Marie Battu; MM. Dan-
hauser, Cabanis , Jules Cohen , baron Haussmann , Léon Halévy,
Emilien Pacini, Levai, Edmond et Jules de Concourt, Auguste
Guérin.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi Don Juan , et mer-
credi et vendredi Guillaume Tell pour les dernières représentations de
Faure avant son congé.
**,, Hier a eu lieu la répétition générale de la reprise à'Herculamim.
— Demain lundi première représentation.
**:j C'est Mlle Laure Fonla qui a été choisie par M. Perrin pour rem-
plir dans Herculanum le rôle de la bacchante créé par Emma Livry. La
danse de Mlle Fonta a tellement d'analogie avec celle de sa devancière,
que le rôle sera rendu tel qu'il a été réglé à la création, et sans le
moindre changement dans la composition du pas. D n'est pas douteux
que Mlle Fonta n'y obtienne un très-grand succès.
^*^ Demain lundi au théâtre del'Opéra-Comique et après-demain mardi
dernière représentation d'Un Premier Jour de bonheur.
^*^ Par suite d'une foulure qu'elle s'est faite au pied, Mme Cabel est
depuis quelques jours remplacée dans Vu Premier Jour de bonheur par
Mlle Cico, qui s'y fait fort applaudir.
:sf*^ C'est dans Zampa que Achard, de retour de son congé, va faire
sa rentrée.
^*» Le bruit qui a couru au sujet de l'intention qu'aurait Mlle Marie
Roze de ne plus rentrer à ce théâtre se confirme. Il serait question d'un
mariage pour la jeune et charmante cantatrice.
^*^ M. Strakosch assistait avant-hier avec Maillart à la représentation
des Dragons de Villars. 11 a beaucoup applaudi l'œuvre du célèbre compo-
siteur, et il se pourrait bien que Adelina Patti fut la première à en
créer le principal rôle sur les scènes italiennes.
5^** Aux sujets d'élite engagés par M. Bagier, pour la saison prochaine,
manque un contralto del primo cartello. Nous savons que le directeur
de notre théâtre italien fait d'activés démarches auprès de Mme Alboni
pour la déterminer à reparaître sur une scène qui vit ses plus beaux
triomphes et qu'elle a quittée prématurément.
;^*<f Aux artistes engagés par la nouvelle direction des Bouffes-Pari-
siens il faut ajouter le nom de Montaubry! Voilà une recrue qui, avec
Berthelier, Nathan, Désiré, Mlles Schneider, Marie Périer et Berger, ne
laisse aucun doute sur la valeur que la_ nouvelle direction veut donner
à sa troupe.
<^*^ Le théâtre de l'Athénée ferme ses portes ce soir pour les rouvrir le
l" septembre. Mme Vestri débute dans cette dernière représentation par
le rôle de Césarine. — Depuis quelques jours Oscar, bien connu par ses
succès sur les scènes des Délassements, de Déjazet et des Bouffes, rem-
place Désiré, auquel M. Busnach a voulu donner quelques jours de re-
pos avant l'excursion que la troupe va faire à Bruxelles et au ïlavre. Oscar
s'est montré d'un comique excellent dans' le rôle du Mandarin Tien-Tien,
et on l'a fort applaudi. — Les rôles de Césarine et de Pinsonnet n'ont nul-
lement perdu à être repris par Mme Bonelli et par Luce ; la première
.Y apporte beaucoup de gaieté et sa jolie voix ; et le second, s'il est infé-
rieur à Sytter comme chant, l'emporte de beaucoup sur lui comme jeu
et comme entrain.
»*:, Jeudi a eu lieu chez M. le comte d'Osmond, devant une réunion
d'amis, l'audition à orchestre de la musique d'un ballet, composée par le
noble amateur en vue de l'Opéra; MM. Auber, E. Perrin, le duc de
Persigny, étaient au nombre des auditeurs. L'orchestre a été conduit à
tour de rôle par M. le comte d'Osmond et par Braga.
;,=*. Une charmante représentation a été donnée le 27 juin par les
élèves de l'Ecole internationale de Saint-Germain-en-Laye, à l'occasion
de la fêle de M. Brandt, leur directeur. Une cantate et un opéra-comique,
le Rêve d'un Ecolier., dûs tous deux il la collaboration de MM. Longuet
pour les paroles, et Gariboldi, pour la musique, ont reçu l'accueil le
plus sympathique et le mieux mérité.
»% La Grande - Duchesse vient de faire son entrée à Orléans, entrée
triomphale s'il en fût. Mme Ugalde, Hittemans, Beaucé , Garnier ont
rivalisé d'efforts et de talent. « Ce rôle de la Grande -Duchesse, dit le
Journal du Loiret , a été chanté par Mme Ugalde avec une crânerie
nuancée de finesse. L'éminente artiste s'est surpassée elle-même et a
atteint la perfection du genre. Quelle méthode et quelle ardeur! D'au-
tres chantent avec leur voix, d'autres avec leurs bras et leurs jambes.
Mme Ugalde, ainsi que l'a dit M. Francisque Sarcey dans une de ses
.«spirituelles causeries dramatiques, chante avec son âme, et c'est l'âme
d'une artiste. » Une deuxième représentation de l'œuvre d'Offenbach a
été redemandée avec acclamation pour le lendemain.
if*jf Une belle représentation des Dragons de Villars vient d'être donnée
au Mans. C'est Mlle Heilbron, du théâtre de lOpéra-Comique, qui chan-
tait le rôle de Rose Friquet. Les trois actes du charmant opéra de Mail-
lart ont été pour leur gracieuse interprète une ovation non interrompue,
et pour le public manceau un véritable plaisir.
^*^, Montaubry s'est aussi fait beaucoup applaudir à La Rochelle, dans
une brillante représentation de Fra Diavolo.
*** Le Casino de Vichy possédera Capoul et Mme Cabel les 2, S et
7 juillet.
»*jf De retour à Paris, Mlle Géraldine vient de jouer la Grande-Du-
chesse à la Rochelle et à Rochefort, avec un succès des plus accentués.
Dans ces deux villes le public a prouvé par ses rappels et ses applau-
dissement à l'artiste aimée des anciens Bouffes, tout le plaisir qu'il pre-
nait à son talent spirituel, à sa voix sympathique, à son jeu piquant et
distingué.
^*^, L'événement de la semaine, à Londres, a été la Grande-Duchesse
de Gérolstein, jouée par Mlle Schneider au théâtre Saint-James. La gra-
cieuse souveraine, aussi piquante qu'à Paris, mais un peu moins
prodigue de cascades, par égard pour la ré.serve britannique, a eu
un succès fou. MM. Duplan, Beckers, qu'on a vu à l'Opéra-Comique, et
Michel se sont fort bien tirés des rôles de Fritz, Boum et Paul. Dans la
salle, on remarquait le prince et la princesse de Galles, le prince et la
prince.-se de Hesse, le prince de Danemark, le duc de Cambridge, le
prince de Teck, le comte et la comtesse de Paris, le duc et la duchesse d'Au-
male, le prince de Joinville, le duc de Wurtemberg, la duchesse de Man-
chester, la marquise de Baih, etc., etc.
^*si, Le duc de Saxe-Cobourg-Gotha, compositeur éminent, vient de
supprimer la direction et l'intendance du théâtre de Gotha, qu'il entend
désormais diriger lui-même.
NOUVELLES DIVERSES.
^*^ Les examens des candidats à l'emploi de professeur de chant dans
les écoles de la ville de Paris ont commencé mardi dernier. Le jury se
composait de MM. Rodrigues, Onfroy, Ambroise Thomas, François Ba-
zin, Ermel, de Saint-Julien, Hubert, Foulon et Spenner. Mgr Doussot,
membre de la commission de surveillance du chant, faisait également
partie de ce jury
UE fAlUS
207
,** Le Concours d'Orphéons ouvert dimanche dernier à Choisy-le-Roi
a été fort intéressant; son organisation était du reste excellente. Parmi
les membres du jury on remarquait : MM. Semet, Laurent de Rillé,
Oscar Comettant, Bezozzi, etc.
»** Mme Ravinet, veuve de M. Nicodami, professeur de piano, a lé-
gué au Conservatoire le buste en marbre de son mari, et une somme de
10,C00 francs. Cette somme a été convertie en rentes, et, sur la propo-
sition du Comité des études du Conservatoire, S. Exe. le ministre d'Étal
a consenti à ce que la rente de 500 francs fût, cette année, donnée aux
premiers prix de piano, savoir : 230 francs au premier prix de la
classe des fenjmes, et 2S0 francs au premier prix de la cla?se des
hommes, sans partage.
»** Il y a peu de jours qu'a eu lieu l'inauguration du nouvel orgue
placé dans la magnifique église de Levroux. Cette belle cérémonie était
présidée par S. G. Monseigneur l'archevêque de Bourges. MM. Fhric et
Forster, organistes ye Châteauroux, se sont joints à M. Ed. Batiste, l'ha-
bile organiste de Saint-Eustache pour faire apprécier toutes les qualités
du nouvel instrument, qui a été construit par ]a Société anonyme des
grandes orgues (établissements Merklin-Schiitze); il a justifié une fois
de plus leur grande réputatioii.
»*« On nousécrit deRouen : A l'occasion delà récente promotion de M. Amé-
dée Méreaux au grade de chevalier de la Légion d'honneur, ses élèves lui
ont offert, lundi, dans le bel établissement de M. Vallot, un banquet,
comme témoignage de leur vive sati.sfaction. A cette fête, toute de fa-
mille, qui réunissait près de cent souscripteurs, ont voulu prendre part
également de nombreux amis de M. Amédée Méreaux, parmi lesquels
on remarquait MM. Louis Bouilhet et Gustave Flaubert, hommes de
lettres; Charles Vervoitte, maître de chapelle de Saint-Roch ; Bnnnesseur,
directeur des théâtres de Rouen; Lucien Dautresme, l'auteur de Cardillac, et
Frédéric Deschamps, avocat, président du banquet. Deux toasts, sous
forme de discours, ont été prononcés au dessert, le premier par M. Fré-
déric Deschamps, et l'autre par l'éminent professeur et compositeur dont
nous aurions voulu retracer les paroles éloquentes et pleines d'un affec-
tueux dévouement adressées à ses élèves et à ses amis.
^*^ L'ex-roi de Hanovre Georges a entrepris, dans sa résidence de
Hietzing, la publication de ses œuvres musicales.
,)(** Depuis quelque temps déjà Fra Diavolo a été exécuté sur les
scènes italiennes avec les récitatifs composés par Auber, qui y a même
ajouté plusieurs morceaux. A Saint-Pétersbourg et à Londres, Mme Pau-
line Lucca et Mario, à Berlin et à Moscou, Mlle Artôt y ont rencontré
un de leurs plus beaux succès. La publication de cette partition, ainsi
adaptée au répertoire italien, était donc vivement désirée. Les amateurs
apprendront avec plaisir qu'il vient d'en paraître une fort belle édition
chez les éditeurs Brandus et Dufour.
,j*=iç Le compositeur Joseph Dessauer, qui a été l'ami de Bellini, de
Liszt, de Chopin et de George Sand, s'occupe d'un volume de Mémoires
(en allemand), qui promet d'être extrêmement intéressant.
^*^ Nous avons sous les yeux deux nouvelles publications du pianiste
compositeur Missler, que nous recommandons avec confiance aux ama-
teurs; l'une à pour titre : Etudes de piano du Petit Caporal des Grena-
diers, et contient trois morceaux très-bien faits pour piano : Ballade; la
Grande Armée, racontée par une grand'mère, et le Moulin rouge, rondo
mignon. S. A. le Prince Impérial a daigné en agréer la dédicace; l'au-
tre, dédiée à Mlle Nilsson, est une mélodie, les Blanches Etoiles, poésie
de Mongis. Un succès certain est réservé à ces deux morceaux.
,f*^ Le grand succès obtenu par la Tzigane- March, de Magnus, a dé-
cidé l'éminent pianiste compositeur à l'arranger à quatre mains, et elle
vient de paraître ainsi chez les éditeurs Brandus et Dufour.
,''* Vieuxtemps vient d'être cruellement frappé dans ses plus chères
affections. Mme Vieuxtemps est morte le 20 juin, à la Celle-Saint-Cloud,
près de Paris, oii elle était arrivée la veille seulement pour soigner sa
santé compromise depuis plusieurs jours. Après bien des hésitations, le
célèbre violoniste avait cru pouvoir profiter d'une notable amélioration
dans l'état de sa femme pour aller se faire entendre à Londres, où
l'appelait un engagement contracté avec la Musical Union ; il n'a pu re-
venir à temps pour recueillir son dernier soupir. — Mme Vieuxtemps avait
cinquante ans. A Vienne, sa ville natale, elle acquit une certaine
renommée comme pianiste. Elle servait d'accompagnateur à son mari,
et il n'aurait pu en rencontrer un autre qui le comprît aussi bien. Elle
laisse à l'artiste dont elle fut la compagne dévouée deux enfants, un fils
et une fille.
**,,. On annonce la mort, à Gratz , du compositeur Anselm Hiitten-
brenner, âgé de soixante-quatorze ans, directeur du Conservatoire de
cette ville. 11 avait été lié d'amitié avec Beethoven et particulièrement
avec Schubert. On lui doit la publication des fragments de la symphonie
en si mineur de ce dernier maître.
**,^ Aujourd'hui, au Pré-Catelan, grande Fête Champêtre, Musique des
Zouaves, Fanfare de la Seine, Bal d'Enf;ints, Tombola, Jeux de toute
espèce. De cinq à sept heures, au Thi'âtre des Fleurs, deux Pièces nou-
velles : i" le Camp des Bourgeoises, du théâtre du Gymnase; 2° la Con-
signe est de Ronfler, du théâtre du Palais-Royal.
ETRANGER
^*^ Londres. — C'est Mlle Patti, et non plus Mme Lucca, qui jouera
le rôle d'Angela du Domino noir, traduit en itahen. — La troisième jour-
née du Hœndel-Festival a été en grande partie remplie par Israël en
Egijpte, qui a été au moins aussi bien exécuté que le Messie. Sims Reeves
y a été superbe. On a bissé V Oceasional-Ouverturc, et la fête s'est ter-
minée par l'hymne national, arrangé par M. Costa pour choeur et or-
chestre. — L'aflHuence de l'auditoire a été énorme : 79,463 personnes ont
fait acte de présence pendant ces trois jours. En 1857, lors du premier
essai, on n'avait compté que 38,114 assistants; en 1859, centenaire de la
mort de Hœndel, ce chift're s'éleva à 81,319, pour tomber en 1862, l'an-
née de l'Exposition, à 67,567, et en 1865, à 59,434.— Le trente-troisième
concert annuel de Benedict a eu lieu samedi dernier à Saint-James's-Hall,
avec un programe d'une longueur usitée en pareille occurrence, et une
foule de noms d'étoiles à côté de celui du bénéficiaire : Patti, Nilsson,
Tietjens, Kellogg, Arabella Goddard, Fricci, Santley, etc. Les concerts de
Benedict sont presque devenus une institution, et on peut toujours en pré-
dire le succès à l'avance.
„*,t Ems. — Le premier grand concert de la saison a eu lieu le 16 :
salle brillante; fructueuse recette, consacrée à une œuvre de bienfai-
sance. Mlle Brunetti, une pianiste du nom d'Amalie Wulfinghoft, M. Na-
than, violoncelliste, défrayaient le programme de cette soirée. — Parmi les
artistes attendus pendant la saison et qui se feront entendre au Kursaal,
on cite déjà : Mme Vandenheuvel-Duprez, Mlle Mariraon, Mlle Corina
Simoni, Mme Léonard, Mlle Marie Deschamps, MM. Vieuxtemps, Batta,
Sivori, Pialti, de Bériot, Léonard, Arban, de Vroye, Alfred Jaell, etc. —
Les représentations théâtrales ont également commencé par l'Elixir de
Cornélius, de MM. Meilhac, Delavigne et Durand. Vingt opéras ou opé-
rettes, la plupart écrits pour notre scène et qui forment la base de son
répertoire, Lischen et Fritzchen, entre autres, seront chantés dans une
période de deux mois environ par quatorze artistes de mérite, recrutés à
Paris.— On attend ici la visite du vice-roi d'Egypte, du prince Georges de
Prusse, du duc de Saxe-Meiningen, du prince Humbert d'Italie, qui vien-
dra passer quelques jours auprès de sa sœur la reine de Portugal, du
roi de Prusse et de plusieurs autres hauts personnages.
t^*^ Mannheim. — Une opérette nouvelle de Ferd. Langer, le Voisinage
dangereux (d'après Kotzebue) a été représentée avec un succès com-
plet.
i"^-j, Leipzig. — La place de cantor de la Thomasschule, remplie en
dernier lieu par Moritz Hauptmann, a été donnée à l'organiste E. F.
Richter, professeur d'orgue au Conservatoire.
,j*,p Vienne. — On considère comme à peu près certaine la démission
de l'intendant général M. de Muncli-Belliughausen, après l'inauguration
du nouvel Opéra, qui aura lieu vers la fin de l'année. M. Dingelstedt,
directeur actuel de l'Opéra, serait alors mis à la tête des deux théâtres
de la Cour, et le chef d'orchestre Esser prendrait la direction artistique
de l'Opéra. — La célèbre Mme Bockholtz-Falcoui , dont les leçons ont
fourni à l'Allemagne un si grand nombre d'excellentes cantatrices, a
donné dans le salon Streicher un brillant concert avec ses élèves; on y
a particulièrement remarqué et applaudi, comme des artistes d'avenir.
Mies Caroline Ritter, Fanny Schmidt, de Martinez et Weissert.
,,*^ Biisseto. — Le théâtre érigé nouvellement en l'honneur de Verdi,
et qui portera son nom, sera inauguré le 15 aoiit. La prima donna Berini
et le ténor Prudenza figurent dans la troupe engagée à cet effet.
„*^ Padoue. — Le Prophète vient d'être magnifiquement représenté,
avec Mme Maria Destin, la Sélika de Milan, dans le rôle Fidès.
^*^ Madrid. — Des réformes importantes viennent d'être introduites au
Conservatoire; par exemple, le directeur sera désormais remplacé par un
commissaire royal , délégué du gouvernement , dépendant immédiatement
du ministre de l'instruction publique.
ii;.*^ Chicago. — Un grand festival, dont la musique classique alle-
mande fera les frais, est annoncé. Reichardt, l'auteur de Was ist des
Deutschen Vaterland, a composé et envoyé un nouveau chœur pour cette
solennité.
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N» 27.
S Juillet 18(;8.
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REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. 24 r. par an
Départements, Belgique et Suisse.... 30 « id.
Étranger Zi n Id.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: reprise à'Hereulanum, de Féli-
cien David, par Panl Bernard. — Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg,
opéra-comique en trois actes de Ricliard Wagner (2* et dernier article), par
Charles Bannelier. — Les droits des auteurs (deuxième partie, 10° arti-
cle), par Thomas SianTage. — Revue des théâtres, par D. A. O.
Saint-Yves. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. —
A.ononces.
THEATRE inPËRUL DE L'OPËRÀ.
HEBCUEtANlTH ,
Opéra en quatre actes, paroles de MM. Méry et Hadot, musique
de M. Félicien David.
(Reprise le 29 juin 1868.)
II y a un an à peine les cinq Académies réunies décernaient à
Félicien David le grand pris biennal de 20,000 francs fondé par
l'Empereur pour le meilleur opéra joué depuis dix ans, et tout le
monde applaudissait à ce choix.
M. E. Perrin a donc fait aujourd'hui acte de bon goût comme
de justice en rendant au public une des deux œuvres qui avaient
valu à l'éminent compositeur cette haute distinction de l'Institut,
et en dédommageant l'auleur A'Hereulanum des vicissitudes qui
avaient arrêté le succès de cette œuvre presque au début.
Il est effectivement diflficile de voir un ouvrage plus contre-
carré que celui-ci par les hasards de la scène. Dès la cinquième
représentation, Mme Borghi-Mamo, créatrice du rôle d'Olympia ,
en entravait la marche par une indisposition. A la sixième,
c'était Mme Gueymard qui tombait malade; à la septième
enfin, c'était notre cher et regretté Roger qui subissait à son
tour la mal'aria, et peu de temps après, le terrible accident qui
brisa sa carrière.
Malgré toutes ces tribulations, Herculanum gagnait un rang des
plus honorables, et pendant trois ans, de I8S9 à 1862, reparais-
sait de temps à autre sur l'afTiche de l'Opéra. Mlle Vestvali y re-
prenait un rôle, Gueymard y succédait à Roger, mais tout cela
n'était par fait pour établir la réussite d'une œuvre si intéres-
sante qu'elle pût être.
Toutefois , Herculanum fut classé dans les meilleures du
maître. A cette époque (le public est ainsi fait qu'il a des opi-
nions stéréotypées), on refusait encore à Félicien David la faculté
dramatique et la grandeur nécessaire aux proportions de l'opéra.
La mélodieuse et large partition d' Herculanum devait appeler de
ce jugement, mais il fallait le temps de changer d'opinion; dans
les arts, c'est quelquefois plus long qu'en politique. Courage, mon
cher public , écoute seulement , et dis-moi si dans cet Hercula-
num tu ne retrouves pas les éléments d'une véritable école et
d'une forte individualité! L'école, c'est celle de Meyerbeer et
d'Halévy. L'individualité, c'est la nature même de Félicien, c'est
la poésie inhérente à son génie, c'est le charme, c'est la couleur
émergeant sans cesse de la féconde, palette de ce Léopold Robert
de la musique.
Il y a dans Herculanum une certaine alliance de la phrase ita-
lienne largement chantante et chaudement dramatique, avec
l'expression allemande plus cherchée dans le détail, plus déclama-
toire et plus vraie. De cette alliance il résulte des mélodies , popu-
lairement tracées, il est vrai, mais souvent drapées dans une dis-
tinction native et développées avec un art que négligent trop souvent
les Italiens. Il en résulte encore des récitatifs vrais d'expression,
des chœurs habilement traités oîi l'orchestre joue un grand rôle,
des morceaux d'ensemble oîi les voix se groupent dans toute leur
sonorité, sans arriver jamais à l'acuité, tranchons le mot, à la
vulgarité ultramontaine. Cela forme d'un bout à l'autre un ouvrage
honorable à tous les titres, et auquel il ne manque peut-être
qu'une de ces pages hors ligne, une de ces inspirations qui font
époque, pour être admis dans les chefs-d'œuvre de l'école moderne.
Que faut-il de plus pour que la reprise d' Herculanum soit con-
sidérée comme un heureux événement artistique?
Seulement, d'après tout ce que je viens de dire , on compren -
dra que l'interprétation d'une œuvre aussi chantante demande avant
tout des artistes de premier choix et des voix essentiellement
prinlanières. Ce sont là choses peu conciliables. En général, hélasl
le printemps manque de maturité, l'expérience manque de fraî-
cheur. Cependant l'administration de l'Opéra a fait pour le mieux.
Elle a donné large part à l'une et à l'autre en confiant cette in-
terprétation à M. Obin, à Mmes Gueymard, Marie Battu et au
jeune ténor Colin. Certes, dans cet ensemble il y a beaucoup à
210
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
louer, mais il reste quelques restrictions à faire. M. Obin, qui a
conservé le rôle de Nicanor, brillamment créé par lui, est tou-
jours l'excellent chanteur que vous savez. Malheureusement, sa
voix a beaucoup perdu du timbre nécessaire aux basses profon-
des. Dans le récit, dans le solo, on saisit fort bien ses intentions
toujours louables et de bonne école, mais dans les ensembles ou
quand l'orchestre parle trop haut, c'est en vain qu'on écoute ; on
peut encore voir M. Obin, mais on ne l'entend plus. Du reste, il
est fort bon à voir, car il semble impossible de mieux com-
poser un personnage qu'il ne le fait; il se drape, il se pose, il
marche en grand comédien, et c'est un excellent exemple pour
nos chanteurs, si peu versés en général dans l'art théâtral.
Mme Gueymard, qui jouait autrefois le rôle de la chrétienne Li-
lia, fait aujourd'hui la reine Olympia. Devenue sa propre rivale, il
reste à savoir ce qu'elle a pu gagner au change. J'ai souvenir
d'une esclave simple, touchante et pleine de foi à laquelle mainte-
nant la pourpre romaine ne sied qu'à moitié. Si Mme Gueymard
manque un peu de majesté, elle rachète cela du. moins par un
sentiment dramatique réel et entraînant. Son chant est toujours
bien accentué, quoique un peu lourd ; elle a été fréquemment et
chaleureusement applaudie, au' premier acte, après le brindisi
qu'elle a dû répéter, et surtout dans l'hymne à Vénus, au troi-
sième acte, oîi elle a su développer un grand charme et une cha-
leur concentrée parfaitement en situation.
La beauté sculpturale de Mlle Marie Battu, la pureté, la sévé-
rité même des lignes de son visage, personnifient admirablement la
vierge chrétienne des premiers temps du christianisme. Mlle Battu
a d'ailleurs apporté dans l'étude du rôle de Lilia l'intelligence et
le soin consciencieux qui distinguent toutes ses créations. Aussi ne
craignons-nous pas d'être démenti quand nous dirons qu'elle a eu
la plus belle part dans le succès de cette reprise. Dans le duo avec
Nicanor, dans le Credo, et pai-ticulièrement dans le grand duo du
quatrième acte avec Helios, dont la strette a été redemandée avec
acclamation, elle a fait preuve d'un sentiment dramatique, d'un
goût et d'une élévation de style qui ont provoqué d'enthousiastes
bravos, à la suite desquels elle a dû reparaître après le deuxième
acte et au dénoûment.
Dans le Laërte, à'Hamlet, nous avions trouvé M. Colin très-
suffisant parce qu'il y était en somme peu en évidence. Au con-
traire, dans un rôle de l'importance d'Hélios, la valeur person-
nelle de M. Colin est amoindrie; il ne sait pas encore tenir la
scène , et sa voix elle-même , si réellement sympathique , perd le
charme qu'on lui trouvait tout d'abord. Son chant est saccadé , sa
diction semble mesquine ; pourtant il mérite des éloges , et nous
ne doutons pas qu'avec du travail et du temps il ne devienne un
fort agréable ténor. Nous craignons cependant que les rôles de
force ne soient pas de son ressort.
Les personnages secondaires sont remplis par David, dont la
puissante voix éclate dans le rôle de Satan, et par Gaspard (le
prophète). La danse, dont les airs, dans le pas des Muses sur-
tout , sont charmants, et oîi se place la bacchanale avec son
magnifique chœur Evohé , Evohé , est représentée par Mérante et
Mlle Laure Fonta. Ici encore un triste souvenir : je me rappelle
avoir applaudi l'infortunée Emma Livry dans le rôle d'Érigone. 11
devait être rempli par Mlle Granzow : il est échu à Mlle Fonta, et
elle s'en est acquittée avec une grâce et une élégance qui ont, à
plusieurs reprises, rappelé les qualités de sa devancière et lui ont
valu de légitimes applaudissements.
L'orchestre et les chœurs n'ont rien laissé à désirer. L'oreille
est satisfaite et les yeux aussi, car les décorations, dues à MM. Cam-
bon, Despleschin et Thierry, les costumes, la mise en scène, tout
est splendide et digne du Grand Opéra.
Paul BERNARD.
LES MAITRES GHANTEDBS DE NQBE1SBER6.
éra- comique en trois actes ^ de Richard Wagner.
(Représenté pour la première fois à Munich le 21 juin 1868,
(2= et dernier article) (1).
Le libretto des Maîtres chanteurs est riche en situations: le mu-
sicien a dû être satisfait du poëte, mais la critique inexorable a de
grandes réserves à faire au nom de la logique et de la vraisem-
blance. A quelle époque a-t-il existé, l'habitant de Nuremberg, le
bourgeois de race qui met sa fille au concours, au heu de la don-
ner tout bonnement à celui qu'elle aime et qu'il souhaite lui-
même pour gendre? Mais aussi, si Pogner s'était comporté de cette
façon si raisonnable, point de Maîtres chanteurs, et nous aurions
sans doute attendu longtemps avant de savoir comment Wagner
traduit le rire. Des scènes d'une utilité fort contestable remplis-
sent le second acte, qui se passe tout entier dans la rue où de-
meurent Pogner' et Hans Sachs. Allégé de ces longueurs, s'il avait
pu recevoir quelque peu du trop plein du troisième acte, qui est
loin de manquer d'intérêt, mais qui dure près de deux heures,
un salutaire équilibre se serait établi, et l'auteur aurait épargné à
son public une fatigue physique qui ne peut être sans influence
sur ses impressions.
Le comique de Wagner n'est ni le marivaudage de la
plupart de nos opéras-comiques, ni la farce insensée qui a
usurpé le nom d'opéra-bouffe; c'est la gaieté de haut goût
de Shakspeare et de Molière, moins les gros mots. La
scène où Beckmesser reçoit de frappantes marques du courroux
des bourgeois troublés dans leur sommeil a excité à la représen-
tion un rire homérique. Mais où pouvait donc être pendant tout
ce tapage le veilleur de nuit, qui arrive tout endormi, à la fin de
l'acte, lorsque tout est rentré dans l'ordre, juste pour psalmodier
son monotone avertissement ? — La quatrième scène du second
acte, entre Hans Sachs et Eva, est, par contre, assez finement
traitée, bien qu'elle fasse longueur. Quant à Wallher, que l'auteur
a chargé d'exposer ses propres idées sur la rénovation de l'art, il
ne saurait plaisanter; il est enthousiaste, passionné, grave quel-
quefois, il ne quitte pas le mode lydien.
Les procédés musicaux employés par Wagner dans son nouvel
ouvrage s'éloignent un peu de ceux mis en pratique dans Tann-
hœuser, Lohengrin et Tristan, mais pas autant que le titre d'opéra-
comique pourrait le faire croire. Plus de phrase caractéristique
annonçant chaque personnage, quelques passages franchement
rhythmés, quelques cadences parfaites, bien rares il est vrai ; mais
à peu près partout la mélodie infinie, sans forme saisissable, une
harmonie aussi peu naturelle que possible et qui souvent défie
toute analyse, des périodes à perte de vue, des enchevêtrements
de parties qui ont l'air d'une caricature du contrepoint..., et tout à
coup, dans ce chaos, une éclaircie charmante ou bien une idée
puissante grandiosement exprimée.
Dans tout cela, on cherche en vain où peut s'exercer cette faci-
lité de compréhension qui doit, d'après Wagner lui-même, être
une des principales conditions du beau dans l'œuvre dramatique;
quant à sa proche parente, la simplicité, il n'en peut être question,
— les adeptes de l'école nouvelle nous riraient au nez, — non plus
que de l'unité, dépossédées qu'elles sont toutes deux aujourd'hui
du piédestal où les avait élevées Winkelmann. C'est sur d'autres
bases, plus solides sans doute, qu'est établie l'esthétique nouvelle.
Cependant il se trouve justement que les endroits où le beau éclate
dans l'œuvre de Wagner sont ceux où, échappant à la contrainte
(1) Voir le n" 26.
DE PARIS.
211
qu'il s'est imposée, il veut bien rester à la portée des simples qui
ont appris à sentir à l'école de Beethoven et de Weber : par
exemple, les finales des premier et troisième actes de Lohengrin,
la marche des fiançailles, l'air de Lohengrin à son départ de la
terre, maint passage de Tannhœuser, etc. SI le but avoué des
novateurs est de démocratiser l'art, n'est-il pas bien mieux rempli
par ces morceaux auxquels Wagner tient peut-être médiocrement,
que par les vagues échos de la « mélodie de la forêt? » Les disciples
du maître répondront évidemment, comme l'a fait Liszt, qu'il faut
être spécialement doué pour être accessible à cet ordre de beautés,
— et qu'ils le sont. A cela il n'y a rien à dire, sous peine de
tourner dans un cercle vicieux.
Le prélude des Maîtres chanteurs, plus développé que celui de
Lohengrin, lui est bien inférieur. Il est bâti sur le motif chanté
par Pogner au premier acte lorsqu'il déclare sa volonté de donner
sa fdie au vainqueur du tournoi, Ein Meistersinger muss er sein,
repris plus tard par Walther à la cinquième scène du second acte,
et sur la marche qui accompagne l'entrée des maîtres chanteurs.
La scène de la réunion dans l'église et le chaut de Walther au
premier acte; celle entre Hans Sachs et Eva, la sérénade, oiî
Beckmesser envoie, en grattant son luth, ses soupirs et ses ho-
quets amoureux à la femme de chambre d'Eva, déguisée sous les
habillements de sa maîtresse, et le finale du second acte; le rêve de
Walther, qu'il répétera plus tard dans l'assemblée publique, au se-
cond tableau du troisième acte ; le mouvement de valse vers le
début du dernier finale, et la scène entière du concours, sont à
citer comme les pages principales de la partition. Les deux mé-
lodies chantées par Walther, à chacune de ses épreuves devant les
maîtres, sont ravissantes, et rachètent bien des erreurs de goût.
Il y aura sans doute à revenir sur cette première impression;
ce n'est pas du premier coup qu'on se fixe définitivement sur
la portée d'une œuvre de Wagner. De cet examen, si hâtif qu'il
ait dû être; se dégage cependant pour nous la conviction que
l'opéra-comique n'a rien à gagner à être transporté sur ce terrain,
si l'on veut lui conserver son nom et ses allures, à moins de vou-
loir en arriver à une chose hybride où tous les genres seront
réunis, et dont l'avènement pourrait bien d'ailleurs n'être pas
trop éloigné.
Quelques mots maintenant sur l'exécution. C'est le dimanche
21 juin que les Maîtres chanteurs, si impatiemment attendus, ont
été donnés pour la première fois au théâtre royal de Munich. Le
public, très-réservé d'abord, est monté peu à peu au diapason de
l'enthousiasme ; Wagner, assis auprès de son royal ami Louis II, a
été acclamé à diverses reprises. La représentation n'a pas duré
moins de cinq heures; et encore, si Wagner n'avait pas évité avec
soin les fastidieuses répétitions de paroles qui entravent l'action
même dans nos meilleurs opéras, qui peut prévoir à quelle heure
indue pour les habitudes allemandes Hans Sachs aurait achevé sa
grande tirade politico - artistique, à laquelle on s'attend si peu ? Les
ensembles, grâce à cette précaution, sont relativement courts. Il
n'y a pas de dialogue parlé, il est à peine besoin de le dire. —
Les études, soigneusement dirigées et préparées de longue main
par un grand musicien dévoué corps et âme à Wagner, par Hans
de Bûlow, ont abouti aune exécution splendide. Nachbaur (Wal-
ter), Betz (Hans Sachs), Bausewein (Pogner), Schlosser (David),
Holzl (Beckmesser), Mmes Mallinger (Eva) et Diez (Madeleine), les
chœurs et l'orchestre, se sont admirablement comportés; et ce n'est
pas un petit mérite que de chanter convenablement une musique
aussi chargée, aussi tourmentée, où l'esprit et l'oreille sont continuel-
lement en quête d'un point d'appui pour ne pas dévier de l'intona-
tion. Hans de Bûlow, debout au milieu de l'orchestre, la partition
devant lui, conduisait sans presque y jeter les yeux; il sait par
cœur cet énorme volume, rudis indigestaque moles!
On a fait des prodiges pour la mise en scène; au deuxième'acte,
les coulisses sont supprimées pour faire place, non plus à des dé-
cors et à des trompc-l'œil, mais à de vraies maisons moyen âge.
Le roi avait ouvert un crédit illimité à son protégé; on a laissé
pendant des mois entiers souffrir les recettes du tliéâtre pour ne
s'occuper que des répétitions journalières et interminables des
Maîtres chanteurs, dont on doit donner trois représentations seu-
lement; la dépense se chiffre par cinquante mille florins! Quelque
opinion qu'on ait de la valeur et de l'avenir des idées wagnériennes,
il n'en est pas moins consolant de penser qu'un souverain a pu
faire autant pour l'Art , qui certes ne le lui rendra pas en écus
sonnants!
Charles BANNELIER.
LES DROITS DES AUTEURS.
{Deuxième partie.)
SOCIÉTÉ des auteurs, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE.
(10= article) (1).
Dans la seconde moitié du dernier siècle, les demoiselles des
chœurs de chant et de danse de l'Académie royale de musique,
— on disait alors tout bonnement les filles d'Opéra, — formaient
parmi les courtisanes une classe à part : chanteuses ou danseuses,
du moment qu'elles montaient sur les planches de ce théâtre doué
de tant de privilèges C2), semblaient croire appartenir à la noblesse
du royaume. Il est vrai qu'à cette époque une fille d'Opéra faisait
nécessairement partie du train d'un seigneur à la mode, comme
ses chiens, ses gens, ses chevaux, ses voitures : il ne pouvait s'en
passer sans rester incomplet.
Cette [prédestination aristocratique donnait , on doit le penser, à
ces demoiselles une fierté qui les rendait inabordables à la roture;
il fallait, avec elles, faire preuve de trois générations nobles, comme
pour monter dans les carrosses du roi. On en a vu se laisser
piller par un noble et jeune mousquetaire, plutôt que de déroger
en ruinant un financier vieux et roturier.
Un peu avant les grands mouvements politiques qui assombrirent
ce temps de joyeuse insouciance , florissaient le fameux mystifi-
cateur Musson et l'aimable farceur de société Dugazon, sociétaire
de la Comédie française, mari de la délicieuse actrice qui faisait
la fortune de la Comédie italienne. Si Musson, peintre médiocre,
mais garçon d'un esprit singulier, avait mis peu à profit le temps,
dans les ateliers qu'il fréquentait pour l'étude de son art, du moins
l'avait-il fait passer gaiement à ses camarades. Habile à démonter,
à faire jouer les muscles de son corps et de sa face, ainsi doué
d'une mobilité de physionomie étonnante , il semblait changer à
vue de visage et de tournure. Il copiait merveilleusement les tics
et les habitudes des originaux qu'il rencontrait dans le monde; il
imitait encore avec une extrême facilité tous les accents étrangers ;
enfin il savait amener, encadrer ingénieusement, soit dans des ré-
cits burlesques, soit dans des espèces de proverbes fort amusants,
ces caricatures et ces imitations. Aussi ses confrères voulurent-ils
qu'après avoir distrait leurs ateliers il vînt animer leurs goguettes :
Musson fut l'âme, la vie, le charme de toutes leurs réunions.
Bientôt la réputation du joyeux artiste franchit le cercle étroit
(1) Voir les n™ 33, 40, 41, 43 et 49 de l'année 1867, et les n»' 7, 9,
22 et 26.
(2) Les artistes n'y dérogeaient pas de noblesse ; ils n'étaient pas excom-
muniés, et les mineurs des deux sexes, en y signant un engagement, étaient
émancipés !
212
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de ses confrères, portée dans le grand monde par les plus célèbres
d'entre eux : on voulut voir, on voulut connaître cet amusant con-
vive, et Musson, simple artiste, sans titre, sans nom et sans mérite,
se vit inviter à la table des plus grands seigneurs.
D'abord, en acceptant les invitations, le plaisant crut pouvoir,
sans se mettre tout à fait sur le pied de l'égalité avec ses nobles
convives, ce que les convenances lui défendaient, au moins con-
server pour lui-même sa liberté et son indépendance, c'est-à-dire
se montrer gai et jovial à ses moments. 11 ne tarda pas à s'aper-
cevoir que l'honneur d'une telle compagnie ne lui était pas octroyé
gratis, mais bien à la condition d'être amusant et toujours et sans
cesse , de payer son écot en dépense d'esprit ; qu'ainsi il ne lui
était pas permis d'obéir au souci qui parfois plissait son front,
d'écarter le chagrin qui froissait son âme, qu'enfin on le servait,
lui, Musson! comme on sert le Champagne : pour égayer la so-
ciété.
Alors sa fierté d'artiste et de roturier se révolta : il fut prêt à
repousser ces prévenances, ces politesses achetées au prix d'une
sorte d'avilissement... ! Mais Musson était pauvre; il aimait le plai-
sir, la bonne chère et le vin ! Il capitula. Il consentit à exercer le
métier de bouffon, puisque ce métier le faisait vivre agréablement,
tout en se promettant de se rattraper, de se venger, en pi-enant
pour but de ses plaisanteries, de ses bouffonneries ceux-là mêmes
qui se croyaient placés tellement au-dessus de lui.
Il inventa un genre de mystification particulier, qui consistait
à se faire passer pour un illustre étranger, un personnage célèbre
ou à la mode, sous prétexte d'usages bizarres, d'habitudes singu-
lières; avec un imperturbable sang-froid, il faisait souffrir mille
vexations, mille avanies aux voisins de table qu'on lui avait donnés,
presque toujours fiers et ridicules gentilshommes de province. —
Sous le nom de julord Go, pendant tout un hiver il mystifia une
moitié de Versailles à la grande satisfaction de l'autre ; tous les mé-
moires du temps disent — mais on ne peut redire ici — la mystifica-
tion impudente et cynique que, sous le costume de la chevalière
d'Eon, il fit subir à une réunion de dames des plus illustres et des
plus curieuses!
DuGAzoN, dont la verve bouffonne défrayait aussi les soupers
libertins, ne tarda pas à rencontrer Musson dans le monde : les
deux farceurs se plurent et, pensant à l'efiet immense qui pouvait
résulter de leur association, ils se réunirent pour combiner et exé-
cuter des scènes, dans lesquelles l'un servait de compère à l'autre.
11 ne tut plus dès lors permis d'avoir Dugazon sans Musson, ni
Musson sans Dugazon.
A ce moment de leur célébrité, de leur gloire, le duc de la Vau-
balière donna un grand souper, auquel furent invités les deux
plaisants à la mode.
Le duc de la Vaubahère était ce joueur efifréné, qui, ayant com-
mandé à son joaillier ce que l'on appelait une boite de crédit (1),
reçut cet objet décoré des portraits de sa femme et de ses deux
enfants avec cette touchante légende : Penses à nous.'
La recommandation avait été inutile, car c'était pour célébrer
une grande victoire au pharaon que le duc réunissait dans sa
petite maison de la rue du Rocher ses amis et leurs maîtresses :
tous grands seigneurs et toutes filles d'Opéra.
La soirée fut des plus folles et des plus bruyantes : on but, on
chanta, on brisa... C'était un délke complet.
Musson et Dugazon épuisèrent leur répertoire de charges et de
bouffonneries. Vers le miUeu de la nuit, deux des convives moins so-
(1) C'est-à-dire un boîte contenant des fiches à ses initiales et expii-
mant promesse de 100, 200, SOO, 1,000 louis. Ces fiches se donnaient
et se recevaient comme des billets.
lides ou peut-être plus avides que les autres, ayant mis les mor-
ceaux doubles, succombèrent à ces travaux d'Hercule, furent em-
portés dans les chambres à coucher et laissèrent veuves deux de ces
demoiselles. C'étaient deux danseuses : Lolotte Pigoreaii et Fifine
Soubra. Vous retrouverez leur nom et leur adresse dans l'Almanach
des spectacles de Duchesne.
Se donnant des airs outrés de petit-maîtres et singeant les ma-
nières des deux défaillants, Musson et Dugazon se présentèrent
devant ces princesses comme remplaçants. DIabord on rit beau-
coup de leurs grimaces; mais les deux artistes ayant voulu pous-
ser les choses, Fifine et Lolotte les écartèrent d'un geste impérieux:
— Un peintre! pouah!
— Un comédien! fi donc!
— Du Roi, ma chère!
— Ne dit-on pas : « Gueux comme un peintre, » messieurs?
— C'est : « Gai comme un peintre, » qu'il faut dire, rétorqua
joyeusement Musson.
La lutte de propos s'engageait, on fit cercle, excitant du geste
et de la voix, comme aux combats de coqs, les assaillants et les
assiégées, qui, du reste, déjà fort animés parle Champagne et les
liqueurs, n'avaient pas besoin de stimulants.
— Allons, Fifine, puisque tu aimes la noblesse, tu ne peux refu-
ser tes bonnes grâces au marquis de Mascarille, — reprit Dugazon
s'avançant les bras ouverts.
— Vas donc mettre ton rouge, si tu veux jouer ton rôle, dit la
belle en le repoussant.
— Les bégueules' laissa échapper Dugazon, déjà piqué.
— Eh! mon dieu! lui répondit Fifine, qui l'entendit, pourquoi
te fâcher, Dugazon? tu devrais être habitué à ce traitement; ta
femme fait comme nous : elle te met à la porte pour recevoir un
duc.
— Pare celle-là, Dugazon, toi, si fort spadassin! cria le duc en
frappant sur l'épaule du bretteur, devenu rouge de colère.
— Ah! ça, mes petites, dit à son tour Masson, vous le prenez
sur un ton?...
— Avec vous? pourquoi pas? répliqua Lolotte avec mépris.
Si cela vous blesse, cherchez vos maîtresses chez Nicolet!
— Eh! mes toutes belles, reprit Musson, qui commençait à s'é-
chauffer, sauteuses pour sauteuses, vivent celles qui sautent le plus
haut !
— Ah ! ah ! il t'a payée en bonne monnaie, cria-t-on de toutes
parts.
— Insolents! dit majestueusement Lolotte en se levant; je vous
ferai donner cent coups de bâton par mes laquais !
— Vos laquais ! exclama Dugazon avec emphase, vos laquais !
Princesse, ne sont-ce pas messieurs vos cousins?
Uue explosion de rires accueillit le trait et sembla donner vic-
toire aux artistes; mais les danseuses voulaient avoir le dernier.
— Faites de l'esprit. Messieurs, vous avez beau dire, les fiUes
d'Opéra ne sont pas pour vous !
— J'aimerais mieux... tenez! le petit chevaher, dit Lolotte allant
se jeter au cou d'un jeune homme qui restait modestement der-
rière tout le monde. — Noblesse et misère! voilà ma devise!
— Et moi, fit l'autre en tirant à elle un gros podagre, qui
faillit tomber à cette rude secousse, je préfère le commandeur
goutteux. — Viens, mon vieux commandeur, que je t'embrasse !
A ce double trait de désintéressement et de dévouement à la
noblesse, on applaudit les danseuses, comme après la plus brillante
gargouillade.
Décidément battus, puisque les objets en litige étaient adjugés,
Dugazon et Musson durent faire bonne mine à mauvais jeu. Mais
DE PARIS.
213
ils ne se quittèrent pas sans s'être promis de tirer une éclatante
vengeance de ces deux déesses du Magasin (l).
Trois mois s'étaient écoulés depuis cette folle nuit.
Un ambassadeur turc arriva à Paris ; on s'empressa de lui faire
les honneurs de tous les établissements publics de la capitale, et les
théâtres ne furent pas oubliés. On organisa en sa faveur des re-
présentations extraordinaires où l'on étala tout ce que nous possé-
dions de mieux en œuvres, en talents, en spectacles. Ainsi pro-
mené, ce Turc devint bientôt le sujet de toutes les conversations,
dans les foyers de théâtres. Aucune difficulté politique n'existant
alors entre la Sublime Porte et la cour de France, on s'évertua
partout à chercher à deviner quel pouvait être le motif de la vi-
site inattendue de ce mmaamouchi.
Thomas SAUVAGE.
(La suite prochainement.)
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : Agamemnon, tragédie en cinq actes, imitée
de Sénèque, par M. de Bornier; reprise de une Chaîne, co-
médie de Scribe. — Gymnase : une Journée de Liderot, comédie
en un acte, par IVffl. Michel Carré et Raymond Deslandes; les
Amendes de Timothée, comédie en un acte, par MM. Clairville
et H. Gillet. — Variétés : Garde-toi, je me garde, vaudeville en
un acte, par M. H. Meilhac.
Il est bon que, de loin en loin, le Théâtre -Français fasse abstrac-
tion de ses intérêts pécuniaires pour favoriser d'estimables tenta-
tives dans le domaine de la littérature classique. S'il n'en retire
pas un profit essentiel pour sa caisse, il lui reste du moins l'hon-
neur d'avoir prêté son appui à une de ces manifestations qui ont
droit ans. égards des gens instruits et éclairés. L'Agamemnon de
M. de Bornier est dans ce cas. C'est une imitation de la tragédie de
Sénèque, qui elle-même est imitée, comme l'on sait, de celle d'Es-
chyle. Grand est le nombre des tragédies qui ont été faites sur ce
sujet ; la plus célèbre est celle de Lemercier. Mais les auteurs qui
ont précédé M. de Bornier se sont plutôt inspirés d'Eschyle que
de Sénèque; car, il faut bien en convenir, la pièce latine est bien
inférieure à la pièce grecque. Dans cette dernière, le caractère de
Clytemnestre est bien plus accentué ; les événements y sont pré-
sentés d'une manière plus tragique. On dirait que Sénèque a pris
à tâche de féminiser le rôle de l'épouse d' Agamemnon et de lui
donner des scrupules, des remords, qu'elle n'a pas chez le poëte
athénien. Quant à l'acition, elle se réduit à bien peu de chose.
L'ombre de Thyeste sort des enfers pour exciter son fils Egysthe
à le venger d'Agamemnon. Egysthe se sert de l'influence qu'il a
conquise sur Clytemnestre, pendant l'absence du roi d'Argos, pour
la forcer à devenir sa complice. Agamemnon est égorgé au milieu
d'un repas; Cassandre, sa captive, éprouve le même sort, et
Electre, pour avoir protégé son frère Oreste, est jetée dans un
cachot.
M. de Bornier, malgré tous ses efforts, n'a pu donner la vie à
ce squelette. Mais ce n'est pas là qu'il faut chercher le mérite de
son imitation ; c'est dans les formes, c'est dans le style, c'est dans
le goût littéraire. Ses vers sont généralement bien frappés, et il y
en a plusieurs de très-remarquables. Le chœur des Argiennes et
celui des Troyennes captives sont surtout traités avec un senti-
ment des plus poétiques : Mlles Ponsin et Lloyd leur ont prêté
beaucoup de charme. Mlle Devoyod est une belle Clytemnestre et
Mlle Tordeus s'acquitte fort bien du rôle prophétique de Cassandre.
(1) On appelait ainsi les demoiselles du corps de ballet, dont l'école
se tenait dans le magasin de l'Opéra, rue Saint-Nicaise.
Les hommes sont moins heureusement partagés ; cependant Séné-
chal a eu de bons moments dans le rôle d'Egysthe, et, autour de
lui, on a trouvé moyen d'applaudir Masset, Gibeau, Chéry ainsi
que Mlle Marie Royer.
On a repris, au même théâtre. Une Chaîne, de Scribe, et celte
comédie, dont nous avons entendu bien souvent contester la va-
leur, a obtenu un de ces francs et légitimes succès devant les-
quels la critique n'a plus qu'à s'incliner. Le rôle difficile d'Emeric
est joué aujourd'hui avec infiniment de talent et de distinction par
Febvre; Mme Madeleine Brohan a dû aussi éviter les écueils de
celui de Louise. Bressant et Régnier ont conservé leurs rôles, et
personne ne s'en est plaint, bien au contraire.
— Le Gymnase a donné, dans une même soirée, deux petites
comédies en un acte qui ont reçu un excellent accueil. La pre-
mière s'appelle une Journée de Diderot et rentre dans la catégorie
des pièces dites de galerie qui sont un peu passées de mode. Elle
met en scène non-seulement Diderot le philosophe, mais aussi ce
fameux neveu de Rameau qui a été esquissé de main de maître
par l'auteur du Père de famille dans une de ses plus charmantes
boutades. Le neveu de Rameau est un chevalier d'industrie d'une
curieuse espèce. Professant le cynisme le plus éhonté, il vit aux
dépens de tous les riches dont il s'est constitué le bouffon. Parmi
eux se trouve un fermier-général qui laisse dans le dénûment le
plus complet sa belle-sœur ainsi que sa nièce. Tout à coup on
apprend que ce maltôtier est mort intestat, et que par conséquent
ses deux parentes héritent de ses grands biens. Mais Diderot dé-
couvre dans les papiers de la succession un testament en faveur
du neveu de Rameau. Lui seul connaît cet acte, et il ne tiendrait
qu'à lui de l'anéantir. Néanmoins le devoir l'emporte, et Rameau
pst mis en possession du testament.» — Comment? lui dit Rameau
en persiflant, vous avez tenu ce papier dans vos mains et vous ne
l'avez pas brûlé? Voilà bien mon philosophe ! Tenez, moi, à votre
place, voici ce que j'aurais fait.» — En même temps, il déchire le
testament et le jette au feu.
C'est Pradeau qui joue le. neveu de Rameau; cet artiste, heureu-
sement doué, dissimule habilement les côtés scabreux de son per-
sonnage. Le rôle de Diderot est interprété par un débutant du
nom de Pujol qui a de la tenue, de la distinction, et qui est appelé
à rendre d'utiles services dans la troupe du Gynmase, déjà si riche
en bons comédiens.
Les Amendes de Timothée nous offrent l'amusant tableau des
tribulations d'un pauvre mari, plus naïf que coupable, qui essaie
timidement de donner des coups de canif dans le contrat, tout en
adorant sa femme, et qui, pour le premier de ses méfaits imagi-
naires, s'impose une amende au profit de la partie lésée chaque
fois que sa conscience lui fait un reproche. Un calepin sur lequel
il inscrit cette singulière comptabilité est découvert par sa femme,
qui se venge des prétendues scélératesses de Timothée en le mys-
tifiant avec l'aide d'une de ses amies.
Landrol est très-plaisant, comme à son ordinaire, dans le rôle
du mari mystifié. Il est bien secondé par Francès, par Mlle Massin
et par Mlle Magnier.
— Garde-toi, je me garde, tel est le titre d'un petit lever de
rideau de M. Henri Meilhac, que les Variétés ont joué dernière-
ment à la faveur d'une représentation dominicale. C'est à peu
près la même idée que celle de la haine héréditaire du Château
à Tolo, seulement elle est simulée, au lieu d'être effective. Bou-
langé n'est pas mauvais dans le rôle principal.
D. A. D. SAINT-YVES,
214
IlEVUE ET GAZETTE MUSICALE
monnier et Léo Delibes. Elle est soigneusement montée et très-bien
interprétée par MM. Pacra et Mlle Valérie.
L'éditeur E. Bock, de Berlin, vient de prendre une initiative
louable à tous égards : il met au concours le texte (allemand) et la mu-
sique d'un opéra-comique en un nombre d'actes suffisant pour remplir
une soirée. Les poëmes devront être envoyés avant le 31 octobre prochain,
et les trois meilleurs se partageront des prix de 50, 30 et 20 frédérics d'or;
les manuscrits seront imprimés et mis le l'"' février suivant à la dispo-
sition des compositeurs, qui pourront aussi cependant se servir d'un
libretto écrit par eux. Les partitions seront reçues jusqu'au 30 septem-
bre 1869; trois prix de 120, 50 et 30 frédérics d'or leur seront distri-
bués, le résultat final sera publié le 1"' janvier 1870. Les membres du
jury sont: MM. Hans de Bîxlow, H. Dorn, J. Hein, Ferd. Hiller, baron
de Perfall, G. Zu Putlitz, J. Rielz, W. Taubert, de Winterfeld et baron
de WoUzogen. Les poëmes et partitions restent la propriété de l'éditeur ;
et les auteurs auront droit, en outre des prix ci-dessus mentionnés, à la
moitié des droits d'auteur au théâtre, à partager entre eux dans la pro-
portion d'un sixième pour le poëte et de deux sixièmes pour le compo-
siteur.
NOUVELLES DES THËÀTRES LYRIQUES.
^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi la première repré-
sentation de la reprise A'Herculanum. Nous en rendons compte. — Mer-
credi on a joué pour la deuxième fois l'œuvre de Félicien David, et elle
l'eût été encore vendredi, si une indisposition subite de Mlle Battu n'a-
vait forcé de lui substituer la Muette de Portici. On annonce la troisième
pour mercredi.
,^** Mardi a eu lieu au théâtre de l'Opéra- Comique la dernière repré-
sentation du Premier Jour de bonheur. Les interprètes ont été tous Irès-
fêtés ; des bouquets en grand nombre ont été jetés à Mme Cabel et à
Mlle Marie Roze; une couronne au feuillage d'or est tombée aux pieds
de cette dernière et a été galamment posée sur sa tête par Capoul. On
sait que c'est par suite du congé que prennent à la fois ces trois ar-
tistes que l'opéra d'Auber est interrompu.
^''',1, Les Dragons de Villars sont maintenant en pleine possession de
la faveur du public, et on y applaudit trois fois par semaine Mmes Galli-
Marié et Girard, Melchissédec qui remplace Barré en congé, Lhérie et
Ponchard .
**, Achard a fait jeudi une brillante rentrée dans Haydée. Le baryton
Gailhard y a chanté pour la première fois le rôle de Malipieri et s'en
est bien acquitté. Emu d'abord, le débutant n'a pas tardé à recouvrer
ses moyens; il a été légitimement applaudi. — Mlle Belia chantaitle
rôle de Rafaëla.
»% Mme F. Sallard, du théâtre de la Monnaie à Bruxelles, en ce
moment à Paris, chante ce soir le rôle de Galalhée dans l'opéra de Victor
Massé.
^*^ On répète l'opéra de Poize, après lequel viendra VOmhre, de MM.
de Saint-Georges et de Flotow.
»** Une reprise du Docteur Mirobolan est prochaine. Couderc y re-
prendra le rôle de Crispin.
*** Le frère de Mlle Baretti, M. Georges Baretti, jeune ténor précé-
demment au théâtre Lyrique, vient d'être engagé par MM. de Leuven et
Ritt. Son début aura lieu dans le Chalet.
j*i^ Il est question d'une opérette-bouffe en deux actes de MM. H. Meil-
hac. Lud. Halévy et Offenbach, dans laquelle Mlle Schneider créerait le
priticipal rôle au théâtre des Variétés, avant d'aller jouer aux Bouffes-
Parisiens. — Cet ouvrage serait donné au mois d'octobre.
,*^ Le théâtre de l'Athénée a fait sa clôture dimanche et la troupe est
partie pour Bruxelles, où elle va donner des représentations de Fhur de
Thé. — L'Athénée rouvrira le 1=' septembre par le Petit Poucet,
i^*if, M. Rekel, professeur de chant, vient de signer un engagement
avec M. Busnach pour faire un cours de chant (vocalises et diction lyri-
que) aux jeunes artistes du théâtre de l'Athénée.
,,% L'Eldorado joue en ce moment avec beaucoup de succès les Deux
Vieilles Gardes, cette spirituelle bouffonnerie de MM. Villeneuve, Le-
^,*^, Dans une lettre datée de Cabourg, M. Montaubry dément la nou-
velle qui avait couru de son engagement aux nouveaux Bouffes-Parisiens.
^*if: Les Lyonnais ne se lassent pas d'applaudir leur compatriote Ber-
thelier. La foule accourt à toutes les représentations qu'il donne et lui
fait bisser ses chansonnettes.
^*^ Les journaux de Saumur, d'Angers, de Tours nous apportent les
nouvelles de la marche triomphale de Mme Ugalde et de sa troupe ;
dans ces diverses villes comme partout, la Grande- Duchesse fait fureur,
et la célèbre cantatrice n'est pas moins fêtée que la pièce. Quoique par-
tie avec l'intention de ne donner dans chaque localité qu'une représen-
tation de l'œuvre d'Offenbach, Mme Ugalde n'a pu tenir ce programme
et elle a dû, après la première, céder aux instances du public en en don-
nant une seconde. La scène de la déclaration au deuxième acte ne
manque jamais son effet et tous les soirs elle est bissée.
»% L'imprésario Merelli exploitera cette année le théâtre Italien à
Moscou du 20 septembre au 8 janvier, et à Varsovie du 15 janvier au 15
avril. Son personnel se compose de Mmos Désirée Artôt, Ferucci , Be-
nati, soprani, et de Mmes Honoré et Trebelli-Bettini, contralti ; de
MM. Stagne et Piazza, ténors; Padilla, baryton; Bossi et Finocchi, iasses.
M. Dupont, chef d'orchestre.
NOUVELLES DIVERSES.
**,j Le grand prix de composition musicale vient d'être décerné , par
le jury, à MM. Rabuteau et Winzweiller, tous deux élèves de M. Am-
broise Thomas. — Le sujet de la composition était « Daniel venant sur-
prendre Balihazar au milieu de son repas impie. » M.- Rabuteau a eu
pour interprètes Mlle Levieilli, MM. Ponsard et Grisy, de l'Opéra.
Ceux de M. Winzweiller étaient Mlle Dorasse, M. Lhérie, de l'Opéra-
Comique, et M. Aubery, pensionnaire du Conservatoire. Le piano était
tenu par MM. Fissot et Pugni. — MM. Rabuteau et Winzweiller étaient les
deux seuls candidats admis à concourir. Sur cinq qui s'étaient présen-
tés, trois ont été écartés — Le partage prononcé par le jury se fera dans
les conditions suivantes : la pension sera servie pendant quatre ans au
premier des deux lauréats, M. Rabuteau, et pendant trois ans à M. Winz-
weiller.
»■** M. Alphonse Royer prépare la publication d'un ouvrage qui pa-
raîtra à la fois en français, en anglais et en allemand, sous le titre
d'Histoire critique du théâtre universel, et qui analyse les œuvres drama-
tiques les plus importantes de chaque pays et de chaque siècle. L'unité
de pensée qui a dominé à toutes les époques entre les littératures dra-
matiques des différents peuples ressortira clairement des déductions de
cet examen comparatif.
if*if M. Hippolyte Grignon, professeur de chant au collège des Jésuites
de Vaugirard, vient de résigner volontairement cet emploi. Nous ne
douions pas que cet artiste distingué , fils d'un chanteur qui a laissé
d'excellents souvenirs à l'Opéra-Comique, ne retrouve bientôt une posi-
tion nouvelle complètement digne de son talent d'exécutant et de son
mérite de professeur.
5(,*j M. le ministre de l'instruction publique vient de faire don à la
Société des Compositeurs de musique de différents ouvrages concernant la
littérature et l'archéologie musicales.
^% L'éditeur Lavinée annonce la publication de la partition pour or-
chestre d'il Barbiere, de Païsiello, dans le format dit tascabile (portatif),
dont l'éditeur Guidi, de Florence, a pris l'initiative pour les partitions
de Guillaume Tell et des Huguenots. Celle qu'annonce M. Lavinée est
également gravée à Florence.
»*^ Les compositions de Mme Rossi Galieno sont fort goûtées par les
amateurs de musique de piano ; nous sommes donc sûrs de leur être
agréable en leur annonçant qu'elle vient d'en faire paraître deux nou-
velles, qui ont pour titre : Chants du Soir et Tarentelle, et qui ne sont
pas réservées à un moins grand succès que leurs aînées.
»** Le deuxième volume de Mes Souvenirs, par M. Léon Escudier,
consacré aux virtuoses, vient de paraître chez Dentu.
5ic*=!t Le premier numéro du Gaulois, journal quotidien (du soir), litté-
raire et politique, a paru hier. Ce numéro contient : un Salut au pu-
blic, signé H. de Pêne et Tarbé des Sablons; la Première aux Gaulois,
par M. Edmond About; la Vie parisienne, par Oct. de Parisis; l'Esprit des
autres, revue des Journaux, par Edouard Fournier ; Ateliers et Coulisses,
par Louis Leroy; les Éphémérides mondaines et théâtrales de Roger l'Es-
trange ; la Gastronomie de Balthazar ; des nouvelles à la main ; des me-
UE PAKIS
215
nus propos; les aparlé de la chanoinesse; des échos; des faits divers, etc.
En feuilleton, la préface encore inédite de la Qucsdon d'argent, par
Alexandre Dumas fils.-Demain, le Gaulois commencera le roman de
Charles Dickens : l'Abîme, d'où est tiré la pièce qu'on applaudit au Vau-
deville.
«*» L'année dernière, l'administration du Casino de Deauville avait
engagé, pour le concert donné à l'occasion des courses, Mlle A. Patti.
Il est question pour cette fois d'engager Mlle Nillsson.
^'^ Souhaitons la bienvenue à un nouveau confrère: le Monde des Arts.
Son rédacteur en chef, Elle Brault, est un jeune auteur dramatique connu
en outré par des livres sérieux, et ses collaborateurs sont pour la plu-
part des écrivains de talent. Cette nouvelle feuille artistique se présente
bien et nous paraît avoir de l'avenir.
^*^ L'Union musicale de l'Ouest a tenu cette année son congrès à Li-
moges. Deux concerts magnifiques ont été donnés; on y a applaudi
Achard, Mme Carvalho et le sympathique et consciencieux Agnesi, qui
remportait quelques jours après un nouveau succès à Bade, en compa-
gnie de Mlle Harris.
,*« Cette année, à l'occasion de la kermesse, aura lieu à Bruxelles, les
dimanche 19 et lundi 20 juillet, un grand festival musical auquel sont
appelées à concourir toutes les sociétés d'harmonie ou de fanfare du
pays.
^*4^ On nous écrit de Bade : « La première soirée musicale donnée
dans la superbe salle Louis XUI était très-brillante. On y a entendu
Mlle Brunetti et un très-agréable ténor, M. Bach, MM. GrodvoUe, Schotte-
Mayerhofer et Oudshorn. Wuille, le célèbre clarinettiste, y a exécuté de
belles fantaisies sur des motifs d'Auber, et le concert s'est terminé
par un duo des Dragons de Villars, chanté avec beaucoup d'âme par
M. Bach et Mlle Brunetti.— Au deuxième concert, qui aura lieu samedi,
on entendra Mme Harris et Agnesi, Mlle Caussemille, MM. Oudshorn,
Rucquoy et Stennebriigen.
**, Mercredi a été célébré le mariage de M. Ludovic Halévy avec
Mlle Bréguet, au temple de l'Oratoire, devant une nombreuse assistance
d'hommes éniinents dans les lettres, les arts et les sciences.
^*,i, On annonce la mort de M. Adolphe Vieyra, ancien agerit de
change, cousin d'Halévy, par sa femme; — et de Mme veuve Emile
Chevé, née Nanine Paris. Des trois chefs de Vécole du chiffre, il n'en reste
plus un seul.
^*^ Vête de la garde impériale au Pré-Catelan. — Cette année la grande
fête musicale qui sera donnée au Pré-Catelan, le dimanche 12 juillet,
par les admirables musiques de la garde impériale, aura un éclat tout
exceptionnel. — S. M. l'Empereur a daigné accorder, pour cette solennité
de bienfaisance, les musiques de la gendarmerie, des 1", 2'=, 3^ grena-
diers, des zouaves et des chasseurs à pied. — Tout Paris assistera à cette
fête unique, qui marquera comme l'une des plus belles dans les annales
des plaisirs de l'été de 1868.
ÉTRANGER
jf*^ Londres. — Mme Lucca a terminé son engagement à Covent-Gar-
den le l"^' juillet, par une splendide représentation à son bénéfice, où
elle a chanté avec Naudin le deuxième acte de Fra Diavolo et le qua-
trième acte de V Africaine, et avec Mario le troisième acte de Faust. —
Pour la première fois de la saison , Roméo et Juliette a été donné Jeudi
avec Mlle Patti et Mario, qui y ont remporté un très-grand succès. —
Mme Rey-Balla a débuté dans les Huguenots; le public l'a bien reçue.
malgré le souvenir dangereux pour elle de Mme Lucca. — A Drury-
Lane, Mlle Kellogg a abordé la Fille du Régiment; elle y a été char-
mante. — Mlle Nilsson a joué Faust pour la première fois depuis l'an-
née dernière; elle a été aussi applaudie que jamais. — Il est question
d'un grand voyage artistique à New- York, que M. Mapleson entrepren-
drait avec ses principaux artistes, Santley, Mongini, Mmes Tictjons, Kel-
logg et Trebelli. Les représentations auraient lieu à l'Académie de mu-
sique. — M. Frédéric Guzman , le pianiste chilien, a donné le 22 juin
un très-beau concert dans les salons Willis, avec sa femme et Mlle Ene-
quist. Dans un trio de Mendelssohn, le septuor de Hummel, plusieurs
duos à quatre mains (avec Mme Guzman) et la Victoria-Marche pour
deux pianos, dont il est l'auteur, il a fait apprécier sa brillante et solide
exécution, et les applaudissements ne lui ont pas fait défaut. — Rubins-
tein est parti pour Odessa, avec sa femme et son enfant.
»*.;it Hombourg. — La saison s'annonce magnifiquement ; la composi-
tion de la troupe engagée par la direction nous promet de vives et
artistiques jouissances. On peut se dispenser de tout commentaire en ci-
tant les noms de Mlles Adelina Patti, Désirée Artôt, Grossi, Ida Bettini,
Marietta AUievi, Marietta Pederzani, de MM. Naudin, Corsi, Verger,
Agnesi, Ciampi, Mercuriali.
^*^ Vienne. — C'est avec les Huguenots que l'Opéra a fait sa réouver-
ture le !'"■ juillet. — L.-A. Zellner, bien connu comme rédacteur des
Blœtter fUr Theater, Musik, etc., succède à feu Simon Sechter comme
professeur de basse générale et d'harmonie au Conservatoire.
:^*,p Pesth. — L'opéra Zrinyi , de M. d'Adelburg, donné pour la pre-
mière fois le 23 juin au Théâtre-National, a reçu du public le meilleur
accueil.
^*^ Padoue. — La brillante représentation du Prophète, dent nous
avons parlé, a été la dernière de la saison. La prima donna Maria Des-
tin s'y est montrée cantatrice achevée et grande actrice. Nous ne devons
pas oublier le ténor Villani , un très-remarquable Jean de Leyde, ni la
jeune et sympathique Ostawa Torriani, qui a rendu avec un grand soin
et un charme tout particulier le rôle de Berthe, et que de chaleureux
et fréquents applaudissements ont récompensé de ses efforts.
Le Directeur : S. DCEOUB.
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REVUE
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Étranger î* " '"1.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Études sur Charles-Marie de Weber (troisième partie, 4' arti-
cle), par Edmond IWeukomin. — Les droits des auteurs (deuxième par-
tie, it" article) , par Thomas SauTage.— L'Homme en Bellini, à propos
de : Sellini, sa vie, ses œuvres, de M. Arthur Pougin, par Em. Uatbieu
de llonter. — Nouvelles des théâtres lyriques . — Nouvelles diverses. —
Annonces.
ÉTUDES SUR CHÂRLES-^kiiïË hi ^LUi,
D'après la blograplile écrite par son
TROISIEMK PARTIE.
{S" article) (1).
n
Le congé accordé à Morlacchi, en l'absence du comte Vitzthum,'
avait singulièrement ajouté aux fonctions de Weber; car, outre le
théâtre allemand, confié à ses soins, il prenait en mains les in-
térêts du théâtre italien, en même temps que le service de l'é-
glise catholique et celui de la rausiquependant les repas de gala. Or,
il n'est pas inutile de dire que, seules , les exécutions musicales
à l'église atteignaient le nombre de cent cinquante par an, sans
compter les répétitions ; en effet, tous les dimanches et jours de
fête, il y avait messe et .vêpres en musique, et tous les samedis
et veilles de fête, vêpres à quatre heures. Le service pendant les
repas, auquel prenaient part les meilleures forces instrumentales
et vocales, n'était pas moins fatigant.
Weber commença son service à l'église, le 27 septembre de
l'année 1817, par l'exécution d'une litanie de Naumann, et à ce
sujet il nous semble curieux de relater que Weber se confessa et
communia dans la matinée de ce jour, comme il avait coutume
de le faire toutes les fois qu'il entreprenait quelque chose de nou-
veau. C'était une habitude à laquelle il ne manquait pas ; aussi
ne devons-nous pas nous étonner de le retrouver, peu de temps
après, accomplissant les mêmes devoirs, le jour de son mariage,
célébré à Prague avec une pompe inusitée, tout le personnel du
théâtre et des sociétés philharmoniques et chorales ayant voulu
participer à cette solennité. Seule, la mère de la petite Brandt
(1) Voir les n" 18, 21, 23 et 2S.
sanglotait dans son coin ; et n'allez pas croire que ce fut par
sensibilité maternelle ! Non vraiment; elle se désolait... parce
que, à son point de vue, ce mariage était une mésalliance ; la
bonne dame ne pouvait concevoir qu'une aussi grande attiste que
sa fille épousât un aussi petit compositeur que le jeune Weber.
Et pourtant, à cette époque, le maître avait déjà donné à l'Alle-
magne les chants patriotiques qui l'avaient enflammée, depuis les
glaces du Nord jusqu'aux Alpes.
Quo. qu'il en soit, Vveuer et .'a leni.iie qutiièreul Prague le ieu-
demain de leur mariage. Il se rendirent par Baireuth, Bamberg
et Heidelberg à Mannheim , oîi ils arrivèrent le 14 novembre,
puis à Mayence oîi Weber retrouva son vieil ami Gottfried Weber,
mais, hélas ! aussi froid et aussi compassé qu'il s'était montré af-
fectueux, expansif, aux beaux jours de Mannheim et de Darms-
tadt. Ce fut un grand chagrin pour Weber, qui se hâta de quit-
ter cette ville, but de son voyage. Il revint donc à Dresde , en
traversant Darmstadt, la ville aux doux souvenirs, et la Thuringe,
s'arrêtant à Weimar, où le duc l'accueillit avec des embrassements
sans fin. Le jeune couple arriva à Dresde le 20 décembre.
Là, de nouveaux tracas attendaient le maître. Mais pour les
expliquer, il est nécessaire que nous remontions à une époque
antérieure aux événements qui marquèrent le commencement de
l'année 1818.
Dès soiv entrée en fonctions de directeur du théâtre allemand de
Dresde, Weber ^vait pu se convaincre que l'agencement de l'or-
chestre était par trop différent de ce qu'il eût dû être, pour que
lui, directeur, pût avoir l'œil à tout, comme c'était son désir.
L'espace réservé aux musiciens affectait la forme d'un carré long,
dont les deux extrémités s'enfonçaient d'environ sept pieds au-
dessous des loges d'avant-scène et la Cour occupait celle de
droite. Les cuivres et les instruments à percussion étaient placés
dans cet enfoncement de droite; aussi éclataient-ils souvent mal à
propos, epipêchés qu'ils étaient de voir le directeur, placé devant
son piano au centre de l'orchestre. Cette position avait en outre
l'inconvénient de l'isoler complètement de la scène et de lui ôter
la possibilité de communiquer avec les chanteurs et les coulisses ;
bien plus, elle l'empêchait même le plus souvent d'entendre les
chanteurs; une contrebasse et un violoncelle lisant la partition à
ses côtés; dje plus, aux deux autres coins de son piano se tenaient
218
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
une autre contrebasse et un autre violoncelle; à sa droite, le pre-
mier et le second violon, lisant au même pupitre; devant lui et
tournant le dos à la scène, deux altos; à sa gauche, quatre pre-
miers et quatre seconds violons; derrière les altos et immédiate-
ment adossées à la scène, trois trombones; à gauche deux flûtes,
deux clarinettes, deux bassons, deux cors et deux trompettes;
dans les cas oii quatre cors étaient nécessaires, on reléguait les deux
trompettes dans la soupente qui se prolongeait au-dessous de la loge
royale.
Pour quiconque a l'habitude de l'orchestre , cet arrangement
paraîtra impossible. Weber en cppiprit de suite toute la défectuo-
sité et s efforça d.'y remédier; mais le changement qu'il souhaitait
y apporter, semblable à toutes les Jijijovations, n'avait aucune chance
d'être accueilli. 11 lui fut répond^ ea haut lieu, dès les premiers
mots. 00,4 "^'^ tûMçha, que les clioges a,\;aient marché de la sorte de
tout temps, et qu'il eût à se conformer à la tradition, comme il
convenait au successeur de tant de maîti-es illustres qui avaient
occupé avant lui le siège directorial. Weber se tut et attendit une
occasion favorable. Cette occasion se présenta lors de l'exécution
de la cantate italienne composée en l'honneur des augustes fiancés
et que devait suivre une représentation de l'opéra Titus de JUozart.
Weber espérait que l'attention du public, distraite par le brillant spec-
tacle qu'oft'rait la salle, permettrait à son innovation de passer
inaperçue. En conséquence, il résolut de jeter bas, d'un seul
coup, tout l'édifice, et dans ce but il commença, dès la première
répétition de ces deux ouvrages, par rapprocher son piano de la
scène, en l'accolant à la boîte du souffleur, de façon qu'il pût
communiquer avec le théâtre et embrasser tout son personnel ; en
outre, il plaça tous les instruments à cordes à sa droite, adossant
les altos, les violoncelles et les contrebasses au parquet, et il dis-
posa les trombones au milieu des instruments à vent. Cette révo-
lution radicale passa effectivement inaperçue à la représentation
de gala; mais il n'en fut pas de même lorsqu'il dirigea, peu de
jours après, la Vestale, de Sponlini. Un article ù ce sujet avait paru
dans un journal de Dresde; une réponse assez sèche de W^eber,
alléguant entre autres raisons que l'organisation première avait pu
suffn-e au bon temps de l'opéra italien, où l'accompagnement se
prélassait souvent pendant huit ou dix mesures sur la môme note,
mit le feu aux poudres. Le parti italien éclata en malédictions à l'a-
dresse du novateur, qui osait rompre ainsi en visière avec les saines
traditions des anciens; les articles, les brochures, les pamphlets
plurent sur la tête du malheureux Weber, si bien que le roi s'émut
de cet orage et envoya au comte de Vizthum l'ordre de rétablir
sur-le-champ l'orchestre comme il était auparavant. Et l'orchestre
fut rétabli, à la plus grande joie de tous ceux qui avaient vu d'un
mauvais œil la venue de Weber et la création d'un opéra allemand
à Dresde.
On a pu remarquer, dans les chapitres qui précèdent, que toutes
les fois que Weber avait éprouvé quelque désagrihnent dans le
goût de celui-ci, son ami et protecteur dévoué, le comte Vitzthum,
s'efforçait de cicatriser la plaie en y versant un baume salutaire;
c'est ainsi que, dans une circonstance analogue, il avait d'abord
fait nommer W^eber maître de chapelle, et avait ensuite obtenu sa
commission à vie. Cette fois, il eut la main moins heureuse ; peut-
être aussi s'était-il trop hâté de demander une faveur qu'on n'ac-
cordait, à cette époque, que rarement à un artiste; il avait pré-
senté Weber pour la croix de l'Ordi-e civil, faisant valoir, pjirmi les
titres du candidat, la cantate composée par lui à l'occasion du ma-
riage de la princesse, et le retard apporté à son propre mariage par
le fait de cette solennité; il ajoutait, enfin, que Weber n'avait recueilli
pour prix de ses efforts que des déboires et des chagrins de toutes
sortes. On conviendra que la forme de cette demande était aussi
maladroite que le moment était mal choisi pour la faire; la croix j
fut refusée, cela va sans dire, et même dans des termes blessants;
il était dit notamment, dans la lettre de refus, que le roi avait
donné ordre à son grand-maître de la cour de choisir une bague,
qui serait remise à M. de Weber pour le récompenser de sa nou-
velle messe.
Or, cette messe, qui est sa première, — celle en mi bémol, — avait
été composée par ordre. C'était une obligation pour les directeurs
de la musique de composer des messes qui restaient la propriété
du chapitre; aussi la bibliothèque de l'église catholique de Dresde
est-elle l'une des plus riches du monde en manuscrits d'œuvres
religieuses. Weber avait dû se conformer à l'usage, et, bien que
son génie le portât à des travaux d'un autre genre, il s'était mis à
l'ouvrage et avait travaillé nuit et jour à celle-ci, qui fut exécutée
pour la première fois, avec un grand succès, le 8 mars 1818.
Redemandée, elle avait dû être répétée peu de jours après, sur
l'ordre du roi, qui n'avait pu assister à la première audition, et
qui s'en montra fort satisfait. Cela ne l'empêcha pas, comme nous
l'avons vu, de refuser la croix demandée à cette occasion par le
comte Vitzthum pour son illustre protégé.
Malgré les nombreux travaux officiels auxquels Weber était as-
treint, cette messe ne fut pas dans ce moment la seule œuvre
musicale qui sortit de sa plume; il suffit, pour s'en convaincre,
de jeter les yeux sur les nombreux fragments qui remplissent la
première moitié de l'année 1818; il semble que Weber eût prisa
tâche, durant cette période de tribulations et d'ennuis, de deman-
der ù un travail continuel et fiévreux l'oubli des chagrins qui
empoisonnaient £a vie. Outre sa messe, Weber avait donc com-
posé un petit chœur pour la comédie de Kotzebue : le Village
dans la montagne; une ballade, des chœurs et des airs de ballet
pour la Maison d'Arujlade, de Théodore Hell; un chœur pour voix
d'hommes ; Chantez en l'honneur du chant, qui est encore au ré-
pertoire de toutes les sociétés allemandes; enfin un trio pastoral
pour piano, violoncelle et ilûte. Nous ne devons pas oublier non
plus la valse populaire et le grand air de Max, formant le n" 3
du Preyschulz, qui sont consignés sur le catalogue du maître à la
date du 22 avril. Pour se délasser de ces travaux nombreux,
Weber avait en outre écrit deux nouvelles pleines d'humour qui
ne virent pas le jour.
Cette fécondité paraîtra d'autant plus surprenante qu'il ne com-
posait guère que la nuit, à moins qu'il ne fût pressé pour livrer
une commande, comme pour sa messe, qu'il avait écrite tout d'un
trait. Ses matinées étaient employées à des travaux qui n'exi-
geaient pas une grande tension d'esprit, tels que : copies, orches-
tration, etc., puis il se promenait, rendait des visites ou en rece-
vait jusqu'à l'heure du dîner; les après-midi se trouvaient géné-
ralement prises par les répétitions au théâtre ou à l'église; les
soirées par ses fonctions directoriales. Deux fois par semaine, à
la sortie du théâtre, Weber se glissait dans la rue qui longe le
château, et pénétrait chez l'Italien Chiapone, qui se vantait d'être
le premier cuisinier du monde, et dont la boutique présentait
toujours l'aspect le plus affriolant en comestibles, primeurs et
fruits, toutes clioses dont Weber se montrait très-grand amateur;
en outre, il y était attiré par la société qui s'y réunissait, et dans
laquelle figuraient les poètes Ivind, Théodore Hell, Ludwig Tiek,
Cari Forster, qu'on a surnommé le Pétrarque de l'Allemagne, sans
oublier le vieux Bassi, qui avait été dans son temps le meilleur
don Juan de l'Allemagne. D'autres fuis, Weber et sa femme al-
laient dans le monde dont ils étaient l'âme, soit qu'ils chantas-
sent des duos, soit qu'elle récitât des vers pendant qu'il impro-
visait sur le piano. Ainsi se passaient les longues journées d'iii-
ver, bien remplies, comme on voit, et surtout uniformément rem-
plies.
{La suite prochainement.)
Edmond NEUKOMM.
DE PARIS.
219
LES DROITS DES AUTEURS.
(Deuxième partie.)
SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE.
(11« article) (1).
Lolotte Pigoreau et Fifinc Soubra, nos anciennes connaissances,
n'avaient pas considéré le Turc sous son aspect diplomatique
comme les habitués de l'arbre de Cracovie; mais à l'Opéra sa
présence avait soulevé de longues discussions sur le sérail, sur
les odalUques, et, ainsi que beaucoup de leurs compagnes, elles
auraient vivement désiré avoir des renseignements sur tous ces
charmants mystères.
Un matin , les deux jeunes filles, qui demeuraient ensemble, se
livraient aux exercices préliminaires de leur art tels que plies,
ronds de jambe, petits jetés, etc., lorsque leur femme de chambre
entre tout à coup, l'air effaré, en criant:
— Mesdemoiselles, Mesdemoiselles, un Turc!
— Comment un Turc? où?
— Là, dans l'antichambre.
— Un Turc chez nous? pourquoi faire?
— Je ne sais pas ; il demande à vous parler.
— Nous parler turc?
— Ehl non, il parle chrétien comme vous et moi.
— Le recevrons-nous ? dit Fifine effrayée : un Turc !
— Pourquoi pas? dit Lolotte : les Turcs ne mangent pas les
femmes; au contraire. Fais entrer le Turc.
— Entrez. Turc, dit la soubrette en retournant ouvrir la porte.
Lentement, gravement s'avança un amas de toutes sortes d'é-
toffes drapées, roulées, tortillées autour d'une tête, de deux bras
et d'un corps à peu près humains, de manière à former un énorme
paquet, marchant et parlant. Vers le milieu de cette masse, pres-
que égale en hauteur et en largeur, brillaient des yeux ombragés
de vastes sourcils blancs, descendait une longue barbe également
blanche : ce tout grotesque, arrivé au milieu de la chambre, éten-
dit d'abord son bras droit, ensuite porta sa main à son cœur,
puis à sa bouche.
— Je crois qu'il nous envoie un baiser... le gaillard!
— C'est sa manière de saluer à cet homme.
— Tiens ! fit Lolotte, il ne prend pas sa tête dans ses mains
comme Lays, dans la Caravane.
— C'est, répondit l'inconnu, que je ne suis pas Turc.
— Vous n'êtes pas Turc?
— Ou, si vous voulez, mahométan.
— Ah I ah !.. . dit bêtement Fifine, qui ne comprenait pas.
— Je suis Arménien.
— Qu'est-ce que c'est que ça?... dit toujours Fifine avec le
même air.
— Un Arménien est chrétien, ajouta l'étranger.
— Au fait c'est vrai! vous parlez comme nous; Clairette l'a-
vait bien dit.
Pendant l'observation judicieuse de Fifine, Lolotte avait avancé
un fauteuil auprès de l'Arménien ; mais celui-ci, sans avoir égard
à cette prévenance, tira successivement les coussins de deux ber-
gères, l'oreiller d'un canapé et se jeta sur ce divan improvisé,
croisant les jambes à la façon des tailleurs, ainsi que le fit obser-
ver Fifine à sa compagne.
Les deux danseuses s'assirent à leur tour... mais à la fran-
çaise, et le cou tendu, les yeux fixes , attendant que le visiteur
prît la parole; ce que l'individu voyant, il commença:
(f) Voir les n<" 33, 40, 41, 45 et 49 de l'année 1867, et les n"» 7, 9,
22,26 et 27.
— Mesdemoiselles, vous avez certainement entendu parler de
l'ambassadeur turc, récemment arrivé à Paris?
— Mieux que ça, nous l'avons vu à l'Opéra: un gros court,
pas mal bel homme de figure.
— C'est bien lui, vous le dépeignez à merveille. Vous ignorez
sans doute le but de son voyage?
— Oh ! pour ça, parfaitement ; les uns nous ont bien dit ci, les
autres ça; mais nous flottons entre ces différents avis.
— Je puis vous fixer, car vous voyez en moi Misti Moq-Moq, le
premier drogman de Son Excellence.
— Drog. . . quoi?
— Drogman, c'est-à-dire interprète.
— Ah ! bon, interprète. . . je ne connais pas.
— Je lui répète, en turc, ce que l'on me dit en français et je
transmets en français ce qu'il m'a dit en turc.
— C'est un drôle d'état! vous faites la demande et la réponse.
— Précisément. Pour en venir au motif du séjour de Son Ex-
cellence à Paris, motif qui vous concerne plus que vous ne pen-
sez.. .
— Nous ! s'écrièrent à la fois les deux danseuses, pas possible !
Comment se fait-il. . .
— Si vous voulez bien me laisser parler et m'écouter, vous
allez l'apprendre. Sa Hautesse l'empereur d'Orient, vulgairement
appelée le Grand ïurc, comme vous ne l'ignorez sans doute pas,
conserve et entretient dans un lieu de délices nommé harem ou
sérail un certain nombre de jeunes filles destinées à le récréer
par leurs jeux et leurs danses, ou de toute autre manière quel-
conque.
— Oui, oui, dit Fifine d'un air capable, il en est question dans
la Caravane. Mais on dit qu'on ne voit que des femmes dans vo-
tre sérail ; ça ne doit pas être amusant !
— On y voit Sa Hautesse, dont l'aspect suffit pour porter la joie
dans les cœurs.
— De toutes ces filles-là? elles sont faciles à réjouir ! fit Lolotte
en secouant la tête et pinçant les lèvres.
— Il y a trois mois, continua le drogman. Sa Hautesse parut
tomber dans un état de langueur et d'ennui fort singulier: elle
mangeait beaucoup, mais silencieusement ; elle se promenait, mais
vite et par saccades, enfin elle n'allait plus. . .
— Où? interrompit Fifine.
— Visiter son harem. Cette situation inquiétait tout ce qui est
attaché à la Porte . , .
— Quelle porte?, . . demanda encore Fifine.
— Fifine, tu es insupportable, dit Lolotte : tu interroges tou-
jours comme un portier.
Sans tenir compte de l'interruption, l'Arménien reprit:
— J'osai prendre la résolution hardie de sonder Sa Hautesse ;
un matin donc, qu'elle paraissait absorbée dans la contemplation
des bouffées de fumée, puisées à son narguilé . . .
Fifine fit un mouvement: elle allait parler; mais elle se contint
en soupirant. L'étranger, qui l'avait devinée lui dit obligeam-
ment :
— C'est une pipe.
— Merci !
— A ce moment, je me précipitai ventre à terre devant mon
souverain, et, après avoir frappé trois fois le tapis de mon front,
je m'écriai en arrosant ses babouches de mes larmes : 0 mon
maître ! ô mon roi !.. .
— 0 Richard! 6 mon roi! fredonna Lolotte, dont l'attention
commençait à s'épuiser.
— Daigne déposer dans le sein d'un fidèle sujet le poids qui
t'oppresse . . .
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
— Verses tous vos chagrins dans le sein paternel, fredonna en-
core Lolotte.
Le narrateur continua :
— S'il ne peut le prendre entièrement pour son compte, que
du moins il le partage et tu seras sans doute soulagé.
— C'était pas mal dit.
— N'est-ce pas? Aussi Sa Hautesse daigna-t-elle me tendre le
pied droit, je le baisai avec transport et me relevai. . . L'empereur
fumait toujours.
— Ah çà, mais dites donc, et nous aussi, mon brave homme!
Allez-vous bientôt nous apprendre pourquoi vous nous tenez le bec
dans l'euu depuis une heure?
— Je comprends votre impatience et j'abrège. L'empereur laissa
tomber sa pipe et me dit avec un accent. . .
— Grave? lança ironiquement Lolotte, dont le pied battait la
mesure de quelque chaconne, qu'elle chantait intérieurement.
— NonI repondit froidement l'étranger, mais profond et fort
ému :
« — Mysti-Moq-Moq ! » — C'est mon nom.
— Il est cocasse I
« — Mysti Moq-Moq, j'ai un désir. — Votre Hautesse a un désir
et il n'est pas satisfait? vous voulez donc le soleil, en breloque?
ou le croissant de la lune pour votre turban? — Non, Moq-Moq,
ce n'est pas le soleil, ce n'est pas la lune que je désire ; c'est des
femmes. — Mais, d'après le dernier catalogue, vous en avez six
mille deux cent quatre-vingt-treize , toutes vivantes dans votre
harem. — C'est vrai; mais il m'en manque deux. »
— Au fait, ça finissait par treize, c'est un mauvais compte, dit
Fifine.
« — Oii sont les houris assez heureuses pour avoir attiré l'œil
de mon maître, repris-je avec enthousiasme, je cours leur révéler
leur bonheur et elles s'empresseront de voler...
» — Ah! Moq-Moq, s'écria l'empereur avec abattement, elles
sont loin et je ne les ai jamais vues. »
— Vivement intrigué par l'incohérence des discours du sultan ,
je demeurais stupéfait; il ajouta :
« — Écoute : j'ai vu dans mon harem des beautés de toutes les
couleurs et de tous les pays, j'ai admiré leurs grâces et leurs ta-
lents variés; j'ai possédé des Chinoises aux pieds imperceptibles,
des négresses au nez épaté, des Géorgiennes au front de neige, des
Indiennes au teint de bronze, des Holtentotes aux formes rebon-
dies, des Abyssiniennes aux jambes de gazelle; j'ai applaudi aux
jeux des aimées d'Egypte, aux pas des bayadères de l'Indoustan;
mais, — s'écria-t-il en grinçant des dents et comme transporté de
fureur, — j'ignore les pirouettes des Françaises!... Il me faut des
Françaises, des Parisiennes, des danseuses... je veux tâter de
l'Opéra! »
— Tiens ! tiens !
— Il a dit ça le Grand Turc?... dans son langage?
— Comme j'ai l'honneur de vous le répéter. . . en français.
— En bon français, dit poliment Lolotte.
— Je commence alors à comprendre de quoi il retourne .
— Voilà! dit l'envoyé. Le mal de l'empereur étant connu, il
fallait se procurer le remède.
— C'est ça, il veut nous administrer comme. . .
— Mais, interrompit Lolotte, je n'ai pas vu, dans tout ça, figu-
rer l'ambassadeur.
— Non, sans doute. Pensant peut-être que l'exportation de la
denrée que nous avions mission de procurer à Sa Hautesse serait
prohibée, on a jugé à propos de masquer notre voyage du pré-
texte frivole d'un traité d'alliance offensive et défensive entre les
deux Etats; niaiserie diplomatique, qui occupe les badauds et ca-
che admirablement la partie sérieuse de l'ambassade. Tandis que
Son Excellence amuse les ministres du roi de France, le grand
Bah-Aladin.
— Baladin ! pourquoi, faire un baladin ?
Vous reconnaissez Fifine à cette interruption.
— Je dis Bah-Aladin; c'est le nom du chef des Chiaoux. . .
— Ah! quels animaux est-ce que les?... je n'oserai jamais
prononcer ce mot-là. . .
— Les Chiaoux sont les gardes de l'intérieur du harem.
TnoiUAS SAUVAGE.
(La suite prochainement.)
L'HOIIE ES BELLINI.
Bellini, sa vie, ses œnTres, par SI. Arthur PoDgin [1],
Les siècles qui ont précédé le nôtre ne demandaient à l'historien
que le personnage de l'homme, de l'artiste, et le portrait de son
génie. L'homme qui était cet artiste, l'âme qui était en ce maître,
le cœur qui a vécu derrière cet esprit, nous les exigeons et les
réclamons aujourd'hui. Cette science sans dédains, cette peinture
qui descend à tout sans s'amoindrir, cette sagacité déductive, cette
reconstruction de l'être avec ses propres témoignages, c'est l'his-
toire intime, c'est ce roman vrai que l'on appellera un jour YHis-
toire humaine.
Bellini a revécu pour moi. de 1825 à 1833, dans les deux cents
pages oij M. Arthur Pougin, armé, lui aussi, du prestigieux mais
inexorable outil de l'analyse, raconte, non pas sans une émotion
et une admiration respectueuses qui pour être concentrées et refou-
lées n'en sont pas moins vives, la vie vécue de ce blond, incons-
cient et frêle Benjamin de la mélodie. Ici, plus d'hypothèses doc-
torales ou de mensonges pédants : la vérité; un portrait pris sur
le vif et placé dans son vrai jour. Rien de plus intéressant que d'étu-
dier ainsi l'homme dans l'artiste et d'expliquer les œuvres de l'un
par l'organisation de l'autre. Dans cette étude physiologique, je n'hé-
site pas à suivre mon collaborateur, car il est de ces volontaires
de l'histoire, qui, dans l'élan d'un généreux caprice, recommencent
le partial appel de la critique, au profit des victimes de ses com-
plaisances ou de ses erreurs.
Examinons donc rapidement l'homme, en Bellini, avec ceux qui
l'ont pratiqué. « Physionomie distinguée, — suivant un de ses bio-
graphes qui résume les autres, — traits nobles et réguliers, car-
nation délicate et transparente, abondants cheveux blonds (et il
était de Catane! ) , enfin des yeux bleus, grands et limpides. » Henri
Heine serre de plus près son modèle, et, du a jeune maestro » fat
et suffisant parfois, il trace un croquis d'un étrange et âpre relief :
« C'était un être svelte et élancé, ayant des mouvements gracieux
et presque coquets, toujours tiré à quatre épingles. Il semblait vou-
loir étaler dans toute sa personne une douleur molle et flasque.
Ses cheveux, d'un blond clair, étaient frisés avec une sentimenta-
lité si rêveuse, ses habits se collaient avec une langueur si souple
autour de ce corps élancé ; il portait son jonc d'Espagne d'un air
si idyllique!... Sa démarche était si demoiselle, si élégiaque , si
éthérée ! Toute sa personne avait l'air d'un soupir en escarpins. »
L'ironique et implacable Germain, après avoir décoché cette flèche :
« Pour moi, son apparition avait quelque chose de plaisamment
gênant, « s'empresse toutefois de reconnaître que « le caractère de
Bellini était tout à fait bon et noble, n Dans ses intéressants iMé-
moires, M. d'Alton-Shée, de son côté, complète Bellini par un
trait que M. Pougin a eu tort de dédaigner ou d'ignorer : « 11
(1) Un vol. in-S" avec portrait par Desjardins et deux autographes.
Librairie Hachette et C, 77, boulevard Saint-Germain. Paris 1868.
DE PARIS.
221
s'asseyait aux pieds des dames, penchant sur leurs genoux sa tête
charmante. Vivant dans l'amour, il ne comprenait rien au-delà;
chez lui, tous les degrés d'affection, et jusqu'à l'amitié, avaient
comme un pur reflet de ce sentiment. » (C'est bien italien, je le
sais, mais je comprends maintenant la gène plaisante qu'éprouvait
Henri Heine.) « Un jour, continue M. d'Alton-Shée , il m'interpel-
lait en nombreuse compagnie du ton le plus simple : « Dis-moi
donc, cher, quel est l'amant de la duchesse?... » Or, la duchesse
et sa mère étaient présentes. Quand, plus tard , je le grondai, il
me fallut renoncer à lui faire sentir le scandale de sa question. »
Voilà donc une figure tendre, rêveuse, mélancolique, familière et
efféminée, distinguée par nature, mais n'ayant aucune idée de la
morale ou même des simples convenances ; un être caressant, naïf,
superstitieux, un peu suffisant; un composé de Raphaël, de Mo-
zart et de Chénier, mais avant tout , essentiellement un malade ,
une victime de ses nerfs et d'autre chose encore. S'il a eu beau-
coup de succès auprès des femmes , je doute qu'il ait fait naître
une grande passion. Ce n'est qu'après de fréquentes relations
que les hommes se prenaient à sentir pour lui un penchant réel,
une véritable sympathie.
Aussi l'histoire des œuvres du génie de Vincenzo Bellini n'est-
elle que la résultante de son tempérament, de son caractère, de
sa vie. Il naît en Sicile, sous un ciel ardent oii tout germe et
mûrit, les fruits de la terre comme ceux de l'inspiration ! II est
d'une famille où l'on cultive de père en fils la musique : dès le
berceau, il apprend cet art divin qui nous vient d'Italie et qui
lui vient des cieux. Son premier maître, c'est son grand-père,
l'élève du fameux Piccinni, qui le berce en fredonnant les ariettes
de Roland et d'Athys. Il a sept ans à peine, et déjà l'on remarque
en lui ces fréquents passages d'une joie désordonnée à une sombre
tristesse; indice d'une sensibilité nerveuse poussée à l'excès et dont
ses œuvres porteront l'empreinte ineffaçable. En raison môme de
l'ultra-sensibilité de sa nature, de l'aménité de son caractère, de
la distinction innée de ses manières, le vieux Zingaielli, directeur
du Conservatoire de Naples, éprouve pour son jeune maestrino une
affection toute particulière. Il n'étudie pas, il ne travaille pas, ce-
pendant. Son intelligence, plongée, peidue dans la contemplation,
reste rétive à tout enseignement. Il s'écoute rêver, chanter en lui-
même : le sentiment et l'expression le dominent. Une émotion
nerveuse, un vif dépit contre Zingarelli, son maître, lui dicte son
premier opéra : Adel son e Salvini, pastiche dont «l"un des mor-
ceaux, — dit M. Pougin, — est devenu la belle romance des Ca-
puletti, Oh ! quante volte, et l'autre, le Meco, tu vieni de la Stra-
niera. » C'est toujours sous une influence nerveuse appréciable que
s'ouvriront chez Bellini ses trésors de mélodie, que se développe-
ront les germes précieux de son génie : l'imagination qui crée les
pensées et la sensibilité qui les rend expressives.
Comment se Irouve-t-il lancé du premier coup et entre-t-il
presque triomphalement dans la carrière? C'est qu'on le charge
de composer la cantate du gran gala de 182o, à San-Carlo, Ismène,
qui doit être exécutée en présence de la famille royale, dans une
salle à l'aspect féerique, devant un public de grands seigneurs et
de jolies femmes, prêt à trouver tout bien et à tout applaudir.
De telles conditions surexcitent, donnent le courage, la foi et
l'audace.
C'est dans le double but d'oublier un chagrin d'amour et de
revoir sa famille que Bellini écrit la partition de Bianca e Ger-
nando.
Le Pirate , où est-il écrit ? A Milan , où Bellini est reçu
d'une façon presque touchante, où les portes des maisons les plus
considérables et les plus recherchées lui sont ouvertes, où sa de-
meure de la Contmda Santa-Margherita devient un centre char-
mant de réunion, alors qu'il n'ignore pas que ses interprètes seront
RubinI, Tamburini, Mme Méric-Lalande, — Mme Méric-Lalande,
l'admirable et l'héroïque! — qui laissa sa voix aux situations
énergiques et à l'atroce économie vocale de la Straniera.
De quelle manière Bellini compose-t-il ? « Enfermé dans ma
chambre, écrit-il à un ami, je commence à déclamer la partie de
chaque personnage du drame, avec toute la chaleur dont je suis
capable. . . J'observe l'accent et le ton de l'expression que la na-
ture donne à l'homme livré aux passions... Quand je sens en
moi-même une émotion correspondante, je juge que j'ai réussi.»
Avec un tel régime, une imagination féconde et de la volonté,
on peut faire des chefs-d'œuvre peut-être, mais on s'use à coup
sûr et on meurt à trente ans ! Que l'inspiration vienne en ces
heures d'enfantement mortel, et un Bellini écrira la Sonnambula,
cette idylle élégiaque, d'une grâce et d'une fraîcheur enivrantes;
Norma, l'une des plus belles et des plus pures expressions du gé-
nie humain ; i Puritani, composés loin de tout bruit, de toute
préoccupation, aux bords verdoyants de la Seine, dans une petite
maison amie cachée sous la glycine et les roses; i Puritani, dont
le succès fut inouï et qui eurent même le bonheur d'inspirer à
Gastil-Blaze un feuilleton à peu près sensé. Mais que, au contraire,
une mauvaise prédisposition, une influence fâcheuse réagisse sur
les nerfs, sur le cerveau du poëte, et nous aurons une Zaïra, que
Giuditta Grisi, alors dans tout l'éclat de. sa beauté radieuse et de
son talent (mars 1830, Venise) ne put sauver du naufrage; nous
aurons i Copule' ti et i M ontevchi, dont toutes les situations pathé-
tiques sont manquées, — c'est l'avis de M. Pougin et le mien ; —
nous aurons une Béatrice di Tenda, qui ne rachète pas ses fai-
blesses trop nombreuses par un superbe quintette et un linale
remarquable. Comme tous les malades en proie aux névroses, il
avait tant envie de vivre, le pauvre et cher grand artiste , que le
mot de mort excitait en lui un délire d'aversion ! « Il ne voulait
pas entendre parler de mourir, raconte Henri Heine; il en avait
peur comme un enfant qui craint de dormir dans l'obscurité. »
C'est en proie à de terrible souffrances, aggravées encore par cette
extrême sensibilité nerveuse devenue de la folie intermittente, que
Bellini quitta cette vie le 23 septembre 183S, suivi de près dans
la tombe par la Malibran, sa tendre amie et l'interprète sublime de
ses œuvres.
Bellini fut plus poëte que musicien, en ce sens que ses œuvres
brillent plus par le sentiment que par la facture. Il fut le compo-
siteur de son tempérament, de ses nerfs et de leurs excès. Rossini
fait l'amour, Meyerbeer le ressent et l'exprime en l'idéalisant,
Bellini aime. L'amour, une tendresse languissante, une mélancolie
rêveuse, une douleur plaintive, la joie et l'enivrement, le repentir
et l'immolation, voilà le fond de sa musique. En faisant l'appli-
cation d'un mot de l'Evangile au peu de savoir technique de Bellini
et à la naïveté de son orchestration, on peut dire qu'il lui sera
beaucoup pardonné parce qu'il a beaucoup aimé.
Ordre, clarté, concision, réserve, scrupuleuse exactitude histo-
rique, choix judicieux et contrôle des témoignages et des sources,
telles sont les qualités que je me plais à signaler dans ce livre
enrichi d'un beau portrait de Desjardins, de curieux autographes,
d'un appendice intéressant, et dont l'exécution matérielle, alla
Elzeviriana, faitgrand honneur à l'unde nos plus modestes et intelli-
gents coopérateurs, M. Félix Boussai'd, depuis quinze ansmetteur en
pages de cette Revue à l'imprimerie Chaix, ainsi qu'à son collègue
M. Schneiter.Que votre phrase un peu moins lâchée enserre davantage
lapensée; que certaines négligences de style échappées à la rapidité de la
révision disparaissent dans les nouveaux travaux que vous nous pro-
mettez, mon cher collaborateur, et, en dépit des mœurs littéraires
actuelles, je m'estimerais toujours heureux de rendre justice à la
nature et à la portée de votre talent. Ce livre sur Bellini, tel qu'il
a été conçu et réalisé, est bien l'hommage le plus respectueux et
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
le plus digne que les jeunes hommes de notre génération pou-
vaient adresser à cette gloire d'ordre secondaire, à cet enfant chéri
des dames et de la muse, comme on disait en 1830. Pour celui
surtout qui, s'il eût tenu im pinceau, aurait peint la Vierge de
Foligno: s'il eût manié le ciseau, aurait sculpté la Pstjché de Ca-
nova ; s'il eût été poëte en vers, aurait écrit les apostrophes de
Job à .léhovah, les stances d'Herminie du Tasse, le portrait d'Hay-
dée de lord Byron; pour l'artiste tué par son art qui a aimé avec
Roméo et soupiré avec Adalgise, chanté avec le Pirate, sangloté
avec Elvino, c'est un récit impartial et ému, montrant les choses
sans les grossir, enchaînant les faits sans les accentuer, disant,
désignant tout avec prudence et réserve, comme les pages que je
viens de lire; c'est ce mémorial familier et touchant qui convenait
le mieux à Bellini, et qui répond le mieux aussi à ce qui eût été
son plus doux vœu et son espérance la plus haute.
Em. Mathieu UE MONTER.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^% Le théâtre impérial de l'Opéra a représenté, lundi et vendredi,
la Juive. Belval rentrait dans cet opéra par le rôle du Cardinal, qu'il a
toujours tenu avec une grande autorité, et qui lui a valu les marques
les plus flatteuses de sympathie et d'approbation. — On sait avec quel
talent sont interprétés les rôles d'Éléazar, par Villaret, et de Rachel, par
Marie Sass. Les deux éminents artistes y ont été applaudis avec enthou-
siasme. — Mercredi, Marie Battu, rétablie d'une indisposition qui a un
moment inquiété ses amis, a repris son rôle de Lilia dans Ilcrculanum,
et le succès qu'elle avait obtenu à la première et ;i la deuxième repré-
sentations de l'opéra de Félicien David n'a fait que grandir à la troi-
sième, qui a été très-belle.
,*, L'opéra d'Ernest Reyer, dont nous avons annoncé la mise à l'étude,
a été entendu jeudi pour la première fois au piano.
^** On annonce , pour mercredi prochain , le début de Mlle Hisson
dans le Trouvère, interprété par Caron, Mbrère et Mlle Bloch, et accom-
pagné de la reprise du Marché des Innocents avec Mlle Fioretti.
^*^ La reprise d'Armick, avec Marie Sass dans le rôle principal, est
toujours décidée.
^*ji Mlle Granzow est remise de l'accident qui l'avait tenue, pendant
quelques semaines, éloignée de la scène. La charmante danseuse va donc
pouvoir s'occuper de créer le principal rôle d'un nouveau ballet dû à la
collaboration de MM. Nuitter, Léo Delibes et Saint-Léon, et dont le su-
jet est emprunté à un conte d'Hoffmann : l'Homme au Sable. Il est
en deux actes et trois tableaux, et passerait du l'^' au tS septembre, de
façon à utiliser les six dernières semaines de l'engagement de Mlle
Granzow. — Mlle Fiocre, en travesti, et Uauty y auront deux rôles
importants.
^*» Mlle Nilsson sera de retour le l" août et fera sa rentrée le 3.
^*, Par suite d'une indisposition de Lhérie, les Dragons de Villars n'ont
été donnés que deux lois cette semaine. Il reprend son rôle demain et
l'opéra de Maillart, qui captive de plus en plus le public, sera donné
lundi, mercredi et vendredi.
^"^ Un grand succès accueille Mme F. Sallard dans les représentations
de passage qu'elle donne en ce moment au théâtre de l'Opéra-Comique ;
elle a chanté trois fois Galathée dans l'opéra de Victor Massé, avec une
sonorité d'organe, un charme et une verve remarquables. Nous ne par-
lons pas de sa beauté, tout à fait en rapport avec le personnage qu'elle
représente; on a pu l'apprécier il y a quelques années dans la Déesse et
le Berger. Mme Sallard a été chaleureusement applaudie et rappelée par
toute la salle. A l'expiration de l'engagement qui la lie au théâtre royal
de Bruxelles, elle pourrait bien faire de nouveau partie du personnel de
notre seconde scène lyrique.
^*, La Part du Diable a été jouée mardi. Achard s'est fait comme
toujours applaudir dans le rôle de Rafaël; Mlle Brunet-Lafleur était sans
doute indisposée, car elle a laissé beaucoup à désirer dans celui de Carlo.
Prilleux charge trop le personnage de Gil Vargas.
,*^ Hier on a repris le Docteur Mirobolan, de MM. Cormon et Trianon,
musique de M. Eugène Gautier, qui eut en 18(i0, époque à laquelle il
fut représenté, un grand nombre de représentations. Cette reprise était
interprétée par MM. Couderc, Prilleux, Bernard, Potel, Nathan, Leroy;
Mmes Beha, Révilly, Heilbron, Tuai, Coraly.
^•^ Les recettes brutes des théâtres subventionnés, des théâtres de se-
cond ordre, cafés, concerts, etc., sont descendues, pendant le mois de
juin, à la somme de 821,049 fr. 74 c.
,*t Voici les bases du nouveau traité intervenu entre la direction du
théâtre de l'Opéra-Comique et la Commission de la Société des auteurs
et compositeurs dramatiques : d" La Société touchera 12 0/0 sur la
recette brute, c'est-à-dire avant le prélèvement du droit des pauvres; —
2" l'Opéra-Comique s'engage à jouer chaque année douze actes nouveaux,
dont trois en un acte; — 3° et, — cho.se bien importante! — les pièces
tombées dans le domaine public toucheront 12 0/0 absolument comme
les pièces nouvelles. — Ce nouveau traité sera exécutoire à partir du
1" août prochain. Il annule le précédent traité, qui avait encore dix-
huit mois à courir.
,*:R M. Noriac, directeur des Bouffes-Parisiens, vient d'engager pour
chef d'orchestre M. Jacobi, l'un des prenners violons de l'orchestre de
l'Opéra. La direction ne pouvait faire un meilleur choix, car M. Jacobi
a déjà maintes Ibis fait ses preuves pour la conduite d'un orchestre.
jk*<, Apres avoir fait rage à Saumur où elle a dû être donnée deux
fois, la Grande-Duchesfe passionne en ce moment Lizieux et Laval. Mme
Ugalde et ses artistes continuent à recevoir partout un accueil enthou-
siaste. Une modification a eu lieu dans le personnel: Hiltemans, dont le
jeu, dans le rôle du général Boum, était trouvé par trop accentué, y est
remplacé sans désavantage par Rodriguez, du théâtre Déjazet. Garnier,
dans le rôle de Fritz, Henry Beaucé dans le prince Paul, ne laissent
rien à désirer; la scène de Fritz au deuxième acte, et les couplets de la
Gazette de Hollande sont toujours bissés avec acclamation. — Quant à
Mme Ugalde, les journaux ne tarissent pas en éloges sur la finesse de
son jeu, sur l'adorable expression avec laquelle elle dit la scène de la
déclaration et la crâneric qu'elle met dans les airs d'un style tout autre
du rondo militaire et du « Sabre de mon père. »
*'♦', On écrit de Vichy : « Capoul et Mme Cabel viennent de nous
donner la Fille du réijiment ; les deux éminents artistes du théâtre de
l'Opéra-Comique ont délicieusement chanté. La jolie salle du Casino
était comble et les bravos ont été unanimes. »
^% On nous écrit de Bruxelles en date du 9 de ce mois : « La troupe
de VAthénée de Paris a fait sa première apparition, le 3, sur la scène du
théâtre du Parc. Cet ouvrage très-gai' a eu un succès colossal ; en même
temps qu'il faisait rire aux larmes, la musique de M. Charles Lecocq a
été trouvée charmante. Désiré et Léonce ont été ébouriffants, et Mmes Ca-
bel et Bonelli ont beaucoup plu. Il était impossible, à la première repré-
sentation, pour laquelle la salle avait été longtemps louée à l'avance, d'y
trouver une place, et les princes de Joinville et le duc d'Aumale, qui de
passage à Bruxelles avaient voulu y assister, ont dû monter aux secondes
loges. La recette a dépassé 2,000 francs, chiffre qu'on n'avait jamais at-
teint à ce théâtre, et le succès n'a pas été moins grand aux cinq repré-
sentations suivantes, qui ont fait chambrée complète. — Thérésa, la
chanteuse si populaire à Paris, s'est produite dans les entr'actes. Incer-
taine de l'accueil qu'elle rencontrerait chez nous , elle ne s'est pas suffi-
samment livrée le premier soir, et elle n'a pas produit l'eflet sur lequel
on comptait; le lendemain, on a trouvé qu'elle se lançait trop; en
somme son talent, aussi original qu'incontestable, n'a pas été bien com-
pris par notre public. »
NOUVELLES DIVERSES.
,*^ Voici l'ordre dans lequel doivent avoir lieu les prochains concours
au Conservatoire. — Concours à huis clos : mardi 14, contrebasse , con-
trepoint et fugue, harmonie; mercredi 15, harpe, étude du clavier;
jeudi 16, orgue, harmonie et accompagnement; vendredi 17, solfège
( 120 concurrents). — Concours publics: lundi 20, piano; mardi 21,
chant; mercredi 22, violoncelle, violon ; jeudi 23, opéra-comique; ven-
dredi 24, tragédie, comédie; samedi 2b, opéra; lundi 27, instruments
à vent ; mardi 28, instruments à vent. — La distribution des prix aura
lieu le mardi 4 août.
^*^ Dimanche dernier a eu lieu l'entrée en loge des élèves de contre-
point et fugue et d'harmonie seule. — Aujourd'hui a lieu l'entrée en
loge des élèves d'harmonie et d'accompagnement.
j*^ Une audition des grandes orgues de Notre-Dame a eu lieu mer-
credi à i heures pour les membres de l'Association scientifique de
France, sous la présidence de M. Leverrier. M. Sergent, organiste de
Notre-Dame, et M. Franck aîné, organiste de Sainte-Clotilde , ont tour
à tour fait entendre l'instrument, et leurs improvisations de différents
styles ont mis en relief les sonorités diverses de cet orgue aux propor-
tions monumentales, l'un des plus considérables de l'Europe, et le plus
complet dans sa composition harmonique. Après l'audition de l'orgue,
MM. les membres de l'Association scientifique, guidés par M. Cavaillé-
Coll, l'habile constructeur de l'instrument, ont visité le mécanisme et
examiné avec le plus vif intérêt toutes les parties de cet important tra-
vail, qui peut être considéré comme le chef-d'œuvre de la facture ins-
trumentale moderne.
^% Dans un des salons artistiques les plus hospitaliers au vrai talent,
nous avons pu , lundi dernier, renouveler connaissance avec un jeune
DE PARIS
223
compositeur-virtuose de Berlin, que le Conservatoire de Paris couron-
nait l'année dernière, et qui portera haut un jour le nom de son ptre
et de son oncle. Franz llies a l'ait entendre à un auditoire d'élite son
nouveau quatuor pour instruments à cordes, lequel, grâce à la distinc-
tion et à la noblesse des motifs, à la sagesse et à la sûreté de main que
décèlent les développements, à la richesse et souvent à l'originalité de
l'harmonie et de l'effet sonore en général, se place h coté des plus belles
productions modernes en ce genre. Quelques jolies pièces, pour violon,
notamment Burleske et Mrcarolle, parfaitement exécutées par l'auteur,
et plusieurs Ikder où on retrouve la belle école de Schumann, et qu'a
chantés avec infiniment de goût et de charme Mme Marie Trélat, la
femme de notre célèbre chirurgien , ont confirmé et fortifié l'excellente
impression que nous avait laissée l'œuvre plus considérable qui formait
le morceau de résistance de la soirée, et oii se révèle un goût très-pur
et un profond sentiment musical.
*** La solennité du baptême des quati'e cloches de la nouvelle église
de Rillieux (Ain), — l'une d'elles a pour marraine la petite-fllle de M.
le maréchal Canrobert, — solennité que présidait, dimanche dernier,
l'évêque de Belley, a été toute remplie de chants harmonieux exécutés
par une réunion de la Chorale de Rillieux. des jeunes filles du chœur
de cantiques, d'amateurs venus de Lyon et de Bourg, et de quelques
instiumentistes militaires choisis au camp de Sathonay, sous la direction
de M. Sain-d'Arod. On a particulièrement remarqué l'admirable motet
Sacris solemnis, de Choron, dont on sait que depuis longtemps M. Sain-
d'Arod s'est fait le continuateur, dans l'œuvre de popularisation de la
musique religieuse en France.
,** Une indiscrétion de journal (sera-t-elle confirmée?) nous apprend
que Rossini a destiné, dans son testament, une certaine somme à la
fondation d'un Conservatoire à Pesaro , sa ville natale. Ce Conservatoire
serait appelé à devenir le premier du monde; les maîtres les plus célè-
bres y seraient attachés. Serait-ce une réponse au ministre ds l'instruc-
tion publique, M. Broglio, qui a battu en brèche l'institution des con-
servatoires italiens en général?
-^*, Dans sa séance du ^2o mai dernier, l'Académie des sciences de
Paris a chargé M. Duhamel, l'un de ses membres, de faire un rapport
sur un récent travail intitulé : Phénomènes musico-physiologiques, et dû à
M. Charles Meerens, de Bruxelles.
**;, M. Stiehl, compositeur et organiste de mérite, résidant habituel-
lement à Saint-Pétersbourg, vient d'arriver à Paris.
^\ Après un séjour de dix mois en Allemagne et particulièrement en
Autriche, où il a chanté avec son succès habituel les meilleurs rôles de
son répertoire d'opéra et d'opéra-comique, Roger, l'excellent ténor, vient
d'arriver de Prague. Il compte aller prendre quelques mois de repos à
la campagne, et vers l'automne il ferait une dernière excursion qui em-
brasserait les principales villes de la Russie Orientale, la Boukharie et la
Turquie.
^*^, L'administration du Casino de la rue Cadet vient de donner la
succession d'Arban, comme chef d'orchestre, à Aug. Mey qui dirige ce-
lui du jardin Mabille. Elle ne pouvait mieux choisir; M. Mey, est un
musicien expérimenté et en même temps un compositeur distingué de
musique de danse.
»** L'éditeur Carbonel, à Marseille, vient de publier les Harmonies de
la mer de Seligmann. Ce morceau continue la série de ces charmantes
compositions qui ont valu une si brillante réputation à l'éminent vio-
loncelliste. Il sera accueilli avec la même faveur.
^*if Le lénor Stigelli, qui jouissait en Italie d'une réputation méritée,
vient de mourir, jeune encore, dans sa villa du lac de Cônie, à Monza.
On ignore communément que son vrai nom était Stiegel, et qu'il était
Allemand de naissance. Une des premières scènes sur lesquelles il se
produisit, fut le théâtre Italien de Saint-Pétersbourg. Ce vaillant chan-
teur était, en outre, doublé d'un compositeur de grand talent; ses
romances et ballades en font foi. Stigelli laisse trois lilles; il avait perdu
sa femme depuis trois mois à peine.
„,*, On annonce également la mort de Midiel Naum, fondateur du
théâtre italien qui porte son nom à Constantinople, et père du directeur
actuel.
:t** Aujourd'hui au Pré-Catolan grande fête musicale de bienfaisance
avec les musiques de la garde; on y entendra la Retraite de Crimée.
ÉTRANGER
,^*^ Londres. — Adelina Patti a chanté llomeo et Juliette pour son bé-
néfice. Cette soirée splendide, où la charmante diva s'est vraiment sur-
passée, comptera au nombre de ses plus beaux triomphes. — Elle a
prêté un efficace concours à la représentation donnée à Adelphi-ïheatre
au bénéfice de Mlle Harris, qui, elle aussi, a été dignement fêtée.— Une
grande fête musicale a eu lieu samedi dernier au Crystiil-Palace en
l'honneur du duc d'Edimbourg. Le nom d'Adelina Patti brillait au pre-
mier rang parmi ceux des artistes appelés à concourir à cette solennité,
dont la direction avait été confiée à Costa.— Mlle Teresa Carreno est ici
rolijet des démonstrations les plus sympathiques. La jeune et déjà célèbre
pianiste a obtenu un immense succès dans un dis grands concerts du
Crystal-Palace et dans un autre donné par elle-même à Hanover- Square,
où sa belle fantaisie sur l'Africaine a été particulièrement applaudie.
«*» Ems. — Mme Miolan-Carvalho, Alf. Jaell et sa femme, le célèbre
contrebassiste Boltesini et le violoniste Wilhelmj , ont di'frayé le pro-
gramme d'un très-brillant concert, qui a été donné le 7 juillet, et qui
leur a valu à tous les plus chaleureux et les plus sincères applaudisse-
ments.
*** Wiesbadcn. — La saison, qui n'est encore qu'à son début, a déjà
offert aux hôtes de notre station thermale de vives et pures jouissances
artistiques : on vient de donner le Prophète, où Mlles Lœfïler et Otto ont
tenu leurs rôles avec une grande distinction, et Lucie, qui a été l'occa-
sion d'un très-beau succès pour Mlle Denay.— Un magnifique concert a
eu lieu le 26 juin dans la belle salle du Kursaal ; on y a applaudi quatre
artistes d'un grand mérite: Mme Escudier Kastner, pianiste de S. M. l'em-
pereur d'Autriche; le ténor Walter, de l'Opéra de Vienne, qui a admi-
rablement dit la romance des Huguenots; Mlle d'Edolsberg, cantatrice de
la cour à Berlin, et le violoniste Gustave Friemann, un des plus brillants
élèves du Conservatoire de Paris. — Le prochain concert sera donné le
10 juillet : on y entendra M. et Mme Jaell, Mme Sessi, du théâtre de
Francfort, et le ténor Millier, de Cassel.
^;** Munich. — Le succès des Msistersinger a été le même à la deuxième
et à la troisième représentation qu'à la première. — Le théâtre restera
fermé du 1" au 31 août.
^*^ Worms. — A la fête de l'inauguration du monument de Luther,
à laquelle ont été consacrées les journées des 24, 23 et 26 juin, on a
exécuté le 66" psaume, mis en musique pour quatre voix d'hommes par
Vincent Lachner, VAllduia de Hœndel, arrangé de la même manière par
Jadassohn, le célèbre choral de Séb. Bach, Ein" feste Burg ist unser Golt,
et l'oratorio Paulus de Mendelssohn.
*\ Vienne. — La réouverture de l'Opéra a eu lieu, avec Guillaume Tell,
le l" juillet. Le 3, Sontheim a commencé par la Favorite la série de
représentations pour lesquelles il est engagé. Le célèbre ténor nous re-
viendra encore de temps en temps; mais le contrat qui l'attache pour la
vie au théâtre de Stuttgard fait le désespoir de ses nombreux admira-
teurs.
**,(; Pps(/i.— L'opéra d'Adelburg, Zrinyi, dont nous avons annoncé la
première représentation, voit se confirmer son succès. C'est un sujet
national que le poëte et le compositeur (une seule et môme personne)
ont supérieurement traité. La presse hongroise est unanime dans ses
éloges.
■i^*4i, Madrid. — Voici la composition de la troupe italienne engagée
pour la saison prochaine au théâtre de l'Oriente : Mmes Carlotta et
Barbara Manihisio, Tiberini, Sonieri, Ketty Morensi; ïamberliek, Tibe-
rini, Selva, Medini, Padovani, Boccohni, Everardi.
^*^ Barcelone. — C'est avec les Dragons de Villars que la troupe
française d'opéracomique a inauguré ses représentations au théâtre
d'été des Champs-Elysées. Cette première soirée, qui a été très-brillanle,
fait bien présager de celles qui la suivront. Mlle Mathilde Dupuy, qui
débutait dans le rôle de Rose Friquet, a subjugué du premier coup son
public. MM. Blum, ténor, et Arsandaux, baryton, ont été as.sociés à son
succès. Galathée a valu à Mlle Dupuy et à M. Bryon-Dorgeval un
triomphe complet.
Société philharmonique Euterpe, à Amsterdam.
Le jury au concours de compositions pour voix d'hommes, composé de
MM. les professeurs du Conservatoire de musique à Cologne : Ferd. Hiller,
Franz Weber,. Fr. Gernsheini, Fr. Derckum, Ernst Rudorff, a décerné
les trois prix de :
Une médaille en or et lOt) florhis chaque, aux compositions suivantes :
1» Genre sérieux : Valkers Nachsgesang. Motto. Ne quid nimis;
2" Genre léger : Ergo bibamus. Motto. Zum Eccher Klang ein frokersang;
3° Texte néerlandais : Goeden iSacht. Motto. De toonkunst sleahts doorziet
het spoor, etc.
Ces trois compositions seront exécutées par la Société Eutcrpe, à l'oc-
casion du concours international de chant d'ensemble, les 8 et 9 août
prochain. Immédiatement après, les billets cachetés seront ouverts et les
noms des lauréats livrés à la publicité.
MM. les compositeurs des œuvres non couronnées sont priés d'en dis-
poser on s'adressant à MM. Van Hoorn, Waal, 6i, à Amsterdam, sous
indication des titres et devises.
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Le Journal paraît le Dimanche.
TTE MUSICALE
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Nos abonnés reçoivent, avec le numéro fl'aujonrd'Uul,
an nouveau morceau «le piano, Gavotte, composé par
Cbarles Iiecoca. i
SOMMAIRE. — Conservatoire impérial de musique et de déclamation : con-
cours à huis clos. — Les droits des auteurs { deuxième partie , 12' article) ,
par Thomas SauTage. — Les Théâtres lyriques secondaires à Paris depuis
1820 (3* article), par Arthur t>nu{;in, — Concours d'Orphéons, de Fan-
fares et de Musiques militaires à Sentis, par /k. Elwart. — Ministère de la
maison de l'Empereur et des beaux-arts, direction générale des théâtres, avis.
— Entrefilets. — Correspondance : Bade. — Nouvelles des théâtres lyriques.
— Nouvelles diverses. — Annonces.
CONSERVATOIRE IMPÉRIAL DE MUSIQUE ET DE DËCUMÂTION.
Concours à huis clos.
Les concours à huis clos ont commencé cette semaine au Con-
servatoire. En voici les résultats :
Séance du mardi 44 juillet.
Jury: M. Auber, président; MM. Barbereau, Benoist, Colin, Henry
Duvernoy, Emile Durand, C. Prumier, Renaud de Vilbac et
Wekerlin.
CONCOURS DE CONTRE-BASSE.
Professeur : M Labro.
Premier prix : M. Dereul. — Deuxième prix : M. Martin el
M. Georges Ghys. — Premier accessit : M. Roubié. — Deuxième
accessit : M. Esclobas. — Troisième accessit : M. Charpentier.
CONTRE-POINT ET FUGUE.
Premier prix : M. Taudou, élève de M. Reber. — Deuxième
prix : M. Moullé, élève de M. Reber. — Premier accessit : M. Pi-
lot, élève de M. A. Thomas. — Deuxième accessit : M. Chavagnat,
élève de M. V. Massé. — Troisième accessit : M. Pugno, élève de
M. A. Thomas.
HARUOME .
I^remier prix : M. Gasser. — Deuxième prix : M. Cotte. —
Premier accessit : M. Génin. — Deuxième accessit : M. CoUin. —
Troisième accessit : M. d'Homme. Tous les cinq élèves de M. Au-
gustin Savard.
Séance du mercredi 15 juillet.
Jury : M. Auber, président; MM. Ambroise Thomas, Marmontel,
Mathias, Ûecorabes, Léo Delibes, G. Pfeffer, C. Prumier, et
Wekerlin.
HARPE.
Professeur : M. Th. Labarre.
Pas de premier prix. — Deuxième prix : Mlle Grillon.
ÉTUDE DU CLAVIER.
Premières médailles. (A l'unanimité.)
Mlles Lontski, élève de Mme Philippon. — Bresard, élève de
Mme Emile Réty. — Donne, élève de la même. — Guitry, élève de
la môme. — Derval, élève de la même. — Batiste, élève de
Mlle Jousselin. — Bernard-Gjertz l'", élève de Mme Philippon. —
Mottez, élève de Mlle Jousselin. — Gaensly, élève de la même. —
Tholer, élève de la même. — Max, élève de Mme Philippon. —
Séguin, élève de la même.
Deuxièmes médailles.
Mlles Gaildrau, élève de Mme Emile Réty. — Meunier, élève de
la même. — Lemarchand, élève de Mlle Jousselin. — Bernard-
Gjertz 3% élève de Mme Philippon.— Cceuille, élève de Mlle Jousselin .
— Masson, élève de la même. — Marx, élève de Mme Emile Réty.
— Labouriau, élève de la même. — Planquelte, élève de Mme An-
thiome. — Péan 2% élève de Mme Philippon.
Troisièmes médailles.
Mlles Torrent, élève de Mme Anthiome. — Prodhomme, élève
de la même. — Letellier, élève de Mlle Jousselin. — Bezancenot,
élève de la même. — Barsolti, élève de Mme Philippon. — Ber-
nard Gjertz t, élève de la même. — Praly, élève de Mme Emile
Réty. — Guillon, élève de Mlle JousseUn.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Séance du jeudi i6 juillet.
ORGUE.
Jury : M. Auber, président; MM. Edouard Batiste, Emile Durand,
Lecouppey. Mangin, Ravina, Renaud de Vilbac, Savard et
Welverlin.
Premier prix ; MM. Salvayre et Covin. — Deuxième prix : M.
Genêt. — Premier accessit : M. WintzweiUer. — Deuxième acces-
iit : M. Pugno.
HARMONIE ET ACCOMPAGNEMENT.
Jury : M. Auber, président ; MM. Edouard Batiste , Benoist , Le-
couppey, Maagin, Ravina, Renaud de Vilbac, Savard et We-
kerlin.
(Hoimnes.)
Premier prix : M. Carv.arttes, élètfe.de M. Fratiçois Bazin. —
Deuaicme prix : M. Cavaillé, élève du même. — Premier accessit:
M. Worniser, élève du même. — Deuxième accessit : M. Thomé,
élève de M. Duprato. — Troisième accessit : M. Rougnon, élève
de M. François Bazin.
(Femmes.)
Premier prix : Mlles Chart et Renaud, élèves de M. Eugène
Gautier. — Deuxième prix : Mlle Jacques, élève de Mme Du-
l'resne. — Premier accessit : Mlle Lliomme, élève de M. Eu^ne
Gautier. — Deuxième accessit : Mlle Tiger, élève de aime Uu-
fresne. — Troisième accessit : Mlle Gaillard , élève de M. Eugène
Gautier.
Séance du vendredi 17 juillet.
SOLFÈGE (hommes).
Jury : M. Auber, président; MM. Colin, Dauverné, Léo Delibcs,
Marmontel, C. Prumier, Ravina, Renaud de Vilbac, Wekerliu.
Premières médailles.
MM. Perrin, élève de M. Durand. — Cognet, élève de JI. Ba-
tiste.
Deuxièmes médailles.
MM. Cavaillé, élève de M. Durand. — Lamartine, élève de M.
Alkau. — Laye, élève de, M. Danhauser. — Samary, élève du
même. — Bernis, élève de M. Alkan.
Troisièmes médailles.
■ MM. Bouvetier, élève de M. Decombes. — Brunet, élève de M.
Alkan. — Gillet 1", élève de M. Decombes. — Valdejo, élève de
M. Tariet. — Roposte, élève de M. Alkan. — Pointis, élève de
M. Durand. — Colombin, élève de M. Batiste. — Buonsollazzi,
élève de M. Durand.
SOLFÈGE (femmes).
Premières médailles.
Mlles Guitry, élève de M. Lebel. — Ferrari, élève de Mme Mau-
corps. — Guillot (Jeanne), élève de la même. — Bernard - Gjurtz 3'^,.
élève de Mme Doumic. — Tindel, élève de Mlle Roulle. — Liber-
sac, élève de Mme Maucorps. — Close, élève de Mme Tarpet. —
Batiste, élève de M. Batiste. — Aron, élève de Mlie Roulle. —
Péan 2% élève de M. Batiste.
Deuxièmes médailles.
Mlles Gaildrau, élève de Mlle Hersant. — Fauvelle, élève de
Mlle Barles. — Tertre, élève de la même. — Rouch, élè\e de M.
Lebel. Labouriau, élève du même. — Dubois, élève de Mlle
Roulle. — Donne 3% élève de Mme Maucorps. — Thomas, élève
de la môme. — Bezancenot, élève de Mme Doumic.
Troisièmes médailles .
Mlles Marchand, élève de M. Lebel. — Huet, élève de Mlle Bar-
les. — Lafïite 2°, élève de M. Batiste. — Marx, élève de Mme Mau-
corps. — Hermann, élève de M. Lebel. — Decagny, élève de
Mme Maucorps. — Praly l"'", élève de M. Lebel. — LaiTite 2°,
élève de M. Batiste. — Renaud 2% élève de M. Lebel. — Liau-
zun, élève de Mlle Barles. — Poileux, élève de M. Lebel. — De
Beaufond, élève do Mlle Roulle.
LES DROITS DES ADTEURS.
{Deuxième partie.)
SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE.
(t2« article) (1).
Je reprends, dit l'Ainnénien :
— Le grand Bal)-Aladin et moi nous l'réqucntons l'Opéra et
notre coup d'œil exercé découvre, au milieu de ses phalanges de
nymphes, deux merveilles qui doivent, nous l'espérons, satisfaire
complètement l'empereur, si nous parvenons à les décider à nous
suivre à Stamboul ou Constaiitinople, comme vous voudrez.
— Ça m'est égal, je ne connais ni l'une ni l'autre.
— C'est la même ville.
— Ah!. . . j'en suis charmée!
— Et ces deux merveilles, sans être trop curieuse? dit Lolotte
en baissant les yeux.
-- Sont Lolotte Pigoreau et Fifine Soubra, ici présentes.
— Pardine! je l'avais bien deviné, murmiu'a tout bas Fifine.
— Vous suivre à Constantinople, reprit Lolotte, c'est bel et bon;
mais on ne s'embarque pas, pour un voyage comme celui-là, sans
biscuit.
— J'allais en venir au biscuit.
— Bon!
— Voyons, que nous proposez-vous? car les femmes de votre
Grand Turc, si j'en crois la Caravane. . .
Et vous pouvez l'en croire ; c'est un tableau fidèle des mœurs
de l'Orient.
— Eh bien, ces femmes sont des esclaves achetées, et nous,
nous sommes libres, nous sommes Françaises ! Nous voulons bien
nous engager, mais nous vendre, jamais !
— Jamais ! répéta Filine avec non moins de lierté.
— Aussi ne s'agit-il que d'un engagement.
— Pour l'emploi ?
— D'odalisques !
— C'est comme ça que ça s'appelle ?
— Oui!
— Ce nom est gentil! je l'aime mieux aue celui de
— Et pour combien de temps''
— Trois années.
— C'est comme à l'Opéra
— Va pour trois années.
— A quel prix?
— A deux mille roupies.
— Des roupies! cria Filine.
— C'est la monnaie du pays.
— Fi, la vilaine monnaie!
— Du tout! elle est d'or et vaut vingt-deux livres tournois, six
sous, trois deniers , au cours d'aujourd'hui.
— Pas possible I Ainsi nous aurions chacune environ ?. . .
— Quarante-quatre mille livres. . .
— Ce sont des appointements de premier sujet, ça !
(1) Voir les n»^ 33, ÀQ, -il, 43 et 49 de l'année 18G7, et les n»' 7, 9,
2,26, 27 et 28.
DE PARIS.
227
— Oui, sans douLo ; mais les costume:;, qu'est-ce qui les four-
nira ?
— Au fait, les costumes peuvent être ruineux.
— Non, dit gravement Moq-iMoq : une couronne de roses, un
collier et des bracelets de corail, avec des brodequins de satin...
voilà le costume de cour et la tenue de rigueur pour paraître
devant Sa Uautesse.
— Que ça !.. .
— Le costumier du sérail fournit tout.
— .J'accepte! approuva joyeusement Fifine.
— Et moi aussi! Seulement, comme je ne mets jamais rien de
côté, je suis sans le sou . . .
— Ma foi ! moi qui dépense tout ce que je gagne, je n'ai pas
une maille.
— Soyez sans crainte, nous nous chargeons des frais de route.
— Oh! ce n'est pas ça qui m'interloque, dit Lolotte ; c'est que
j'ai mon père, qui est suisse à l'hôtel Soubise , à qui je fais une
douceur d'un petit écu par semaine.
— Est-ce que je n'ai pas ma tante la garde-malade, que je
nourris quand ses pratiques se portent bien?
— Eh bien , qu'est-ce qu'ils deviendront ces pauvres gens ,
quand nous ne serons plus là? Il nous faut des avances, pour
leur assurer le même bien-être que si nous ne les quittions pas.
— Je n'y pensais pas : t'as toujours de bonnes idées, Lolotte.
Des avances !
— C'est juste! on vous en fera.
— Alors tope. Monsieur Moq-Moq !
— C'est marché fait. Monsieur le drog. . .
— Un moment ! Nous voilà d'accord pour vos demandes : main-
tenant il faut savoir si vous réunissez effectivement et aussi bien
que vous le paraissez toutes les qualités exigées.
— Comment?
— Je ne comprends pas.
— Ceci regarde mon collègue , le grand Bah-Aladin, que je
vous amènerai pour s'en expliquer avec vous. Jusque-là, Mesde-
moiselles, sur tout ceci le plus grand silence à l'Opéra! Si l'on y
connaissait notre mission, nous serions assailhs de demandes, de
sollicitations.
— Pardine ! celles de ces demoiselles qui seraient bien aises de
quitter leurs messieurs. . .
— Ceux de ces messieurs qui ne seraient pas fâchés de se dé-
barrasser de ces demoiselles.
— Nous aurions tout le monde sur les bras et inutilement, puis-
que notre affaire est terminée.
— Nous l'espérons.
— Et moi aussi.
Pendant ces derniers mots l'Arménien s'était levé. Au lieu du
salut par geste dont il s'était contenté en entrant, il s'approcha
des futures odalisques et appliqua sur les lèvres, assez fraîches de
chacune, un gros baiser.
— Tiens ! dit Filine, il parait que c'est à l'usage de tous les
pays! »
Ce ne fut pas sans impatience que, l'imagination remplie d'i-
dées si brillantes et si nouvelles , on attendit le lendemain. Enlîn
il ari'iva, et avec lui, vers le milieu de la matinée, les deux étran-
gers si vivement désirés. Pour éviter les acclamations des polis-
sons, ils firent entrer dans la cour l'énorme et antique coche qui
les voilurait, et Von vit paraître à la grande suprise des voisins et
voisines, accumulés aux fenêtres, Mysti Moq-Moq, te'.l que je vous
l'ai dépeint et son acolyte le grand Bah-Aladin, dont je vais vous
faire le portrait.
Figurez-vous un petit homme un peu gros, serré, dans une robe
de chambre de damas bleu à grandes fleurs jaunes, par une cein-
ture rouge à franges d'or; botté de longues bottes en cuir cou-
leur de bois, et coiffé d'un chapeau pointu semblable à celui de
Sgaiiarelle, dans le Médecin malgré lui.
L'œil vif sous de grandes lunettes, le nez en bec de corbin et
le menton proéminent, mais enseveli dans Lis plis nombreux d'une
éch.irpo verte (|ni lui faisait plusieurs fois le tour du cou; sautil-
lant, gesticulant, bredouillant, le petit homme s'avança vivement
vers ce.i demoiselles et débuta avec elles comme avait fini , la
veille, son camarade : par un double baiser.
Fifine. peu effrayée, se contenta de dire : — A la bonne heure!
il ne fait pas de façons, celui-là!
— Sala maléqui ! salamaléqui! salamaléquil dit d'une voix
criarde le petit homme.
— Il vous souhaite le bonjour et mille prospérités, interpréta
le drogman.
— Pourquoi nous dit-il ça dans ce patois peu clair? demanda
l'interrogeante Fifine.
— Parce qu'il sait le turc, le grec, l'arabe, le persan, le co-
plite, le sanscrit, le malais, le chinois; mais qu'il ignore le fran-
çais.
— Fallait donc le dire tout de suite.
— Nivroc, salam, hypocrata (1), cria Bah-Aladin.
— Il vous engage à vous asseoir et demande à en faire autant.
Sans attendre la réponse, Bah-Aladin s'était jeté sur le canapé,
qu'il occupa dans toute sa longueur.
— Ciirigar camboto oustin moraf.
— Yod II dit que vos exercices peuvent commencer.
— Quels exercices?
— Ceux qu'exigera votre service auprès de Sa Hautesse.
— Je comprends : c'est une répétition.
— A peu près, ou, plutôt, un examen : votre roi, que Dieu
conserve, a un chef de gobelet qui, avant de lui servir à boire,
doit goûter le breuvage : c'est ce qu'on appelle V essai du vin; il
a un maître d'hôtel qui doit goûter les mets : c'est l'essai de la
viande. Sa Hautesse a préposé le vénérable Bah-Aladin pour con-
naître et juger les qualités naturelles et acquises de ses odalis-
ques.
— Voyons, commandez l'exercice, dit résolument Fifine.
— Je vais donc lui apprendre que vous êtes à ses ordres.
— Vous le pouvez.
— Oustin salamaléqui, dit Mysti Moq-Moq à Bah-Aladin , en
s'inclinant.
— Basum basa alla moran café, répondit le petit homme.
— 11 demande si vous savez faire le café.
— Pardine! sans doute. Est-ce qu'une Parisienne peut vivre
sans son café au lait ?
— Opérez donc devant lui et servez-nous ce breuvage de pre-
mière nécessité.
Aussitôt les deux danseuses se mettent en devoir de confection-
ner la liqueur demandée, mais un geste de Bah-Aladin les arrête.
— Baballi dracam ouraf tabac, crie-t-il vivement. En même
temps il tire de dessous sa robe une énorme pipe, un sac à tabac
et présente le tout à Lolotte.
Moq-Moq, ayant pris dans sa poche un instrument et une pro-
vision semblable, les tend à Fifine.
— Il veut savoir si vous entendez le service de la pipe et vous
engage à charger les nôtres.
— Pourquoi pas? dit Fifine, c'est pas la mer à boire ; j'ai assez
(1) Ces trois mots sont ceux que prononce Crispin dans l
amoureuses pour rendre la raison à Agathe, et les autres mots préten-
dus turcs sont empruntés au Bourgeois gentilhomme. Molière lui-même
les avait pris pour la plupart à Rotrou, dans la Sœur.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
souvent bourré la bouffarde de mon cousin, qui est sergent dans
les petits corps.
Ces princesses, si fières, s'emparent des deux pipes; de leurs
jolis doigts parfumées elles y introduisent le tabac, le pressent,
le tassent; puis, avec toute l'élégance qu'aurait pu exiger le maî-
tre de ballets le plus difficile, le coips incliné, les bras gracieuse-
ment arrondis, elles offrent les deux tubes aux Orientaux.
— Marababa sahem! dit le chapeau pointu avec enthousiasme.
— Bah-Aladin exprime qu'il est enchanté de vos grâces.
— Il est bien bon, Monsieur Baladin.
— Maintenant mettez en train le café.
Les deux danseuses ont bien vite allumé le feu ; au milieu des
nuages de fumée que leur envoient les étrangers et qui transfor-
ment l'air embaumé de leur boudoir en atmosphère de tabagie,
elles se livrent avec empressement à tous les détails nécessaires à
cette préparation.
Thomas SAUVAGE.
{La suite prochainement.)
LES THÉÂTRES LYRIQUES SECONDAIRES Â PARIS
DKPVIS ISSO.
(3e article) (1).
Nous avons interrompu, dans le précédent article, l'énuméra-
tion du répertoire lyrique du Gymnase.
Nous la reprenons, en continuant de suivre l'ordre chronolo-
gique :
La Vente après décès, un acte, paroles d'Etienne, musique de
Dourlen, représenté le 1" août 1821. On avait donné le 13 sep-
tembre 1800, au théâtre des Troubadours (qui vécut environ deux
années), un vaudeville en un acte, Rembrandt, ou la Vente après
décès, signé Morel, Etienne, Servières et Moras; c'est ce vaudeville
que l'un des auteurs, Etienne, eut l'idée de mettre en opéra-comi-
que, et dont Dourlen fit la musique. La transformation n'était
sans doute pas heureuse, car il ne fut joué sous cette nouvelle
forme qu'une seule et unique fois.
Le Trésor supposé, ou le Danger d'écouter avx portes, un acte,
paroles d'Hoffmann, musique de Méhul, représenté le 13 septem-
bre 1821. Cet ouvrage, créé à l'Opéra-Comique le 29 juin 1802,
n'y avait pas obtenu beaucoup de succès, malgré des interprètes
tels que Gavaudan, Solié et Mlle Philis aînée. 15 représentations
en sont données au Gymnase.
Une Aventure de Faublas, un acte, paroles de M. Sauvage, mu-
sique de Garcia, représenté le 20 février 1822. Jouée avec succès
au Vaudeville, quelques années auparavant, cette pièce fut moins
heureuse transformée en opéra-comique, car sa première et uni-
que représentation ne put même être achevée.
Le Brahtnine, un acte, paroles de Delestre (Poirson?), musique
d'Alexandre Piccinni, représenté le 17 juin 1822. Obtient 10 repré-
sentations.
La Bonne Mère, un acte, de Mélesville, musique de Douay. C'é-
tait une ancienne comédie de Florian, arrangée en opéra-comique,
et qui fut jouée 11 fois.
La Petite Lampe merveilleuse, opéra-féerie en un acte, de Scribe
et Mélesville, musique d'Alexandre Piccinni. L'un des plus grands
succès du théâtre de Madame au point de vue musical. 79 repré-
entations.
Les Folies amourevses, pastiche de Castil-Blaze, qui réduit en un
(1) Voir les n"^ 23 et 26.
acte l'adorable comédie de Regnard, et y adapte un certain nom-
bre de morceaux de musique parodiés par lui sur divers fragments
de Mozart, Cimarosa, Paër, Pavesi et Steibelt. C'était le premier
essai de ce genre auquel Castil-Blaze dut sa fortune, et il porta
bonheur à son auteur, ainsi qu'à la cantatrice chargée du rôle
d'Angélique, Mlle Lalande, qui se fit tellement remarquer dans ce
rôle que l'Opéra-Comique voulut se l'attacher aussitôt. Elle pré-
féra accepter, ainsi que nous l'avons dit plus haut, les brillantes
propositions qui lui étaient faites pour l'Italie, et quitta Paris peu
de temps après. Données pour la première fois le 3 avril 1823,
les Polies amoureuses atteignirent le chiffre de 42 représenta-
tions. On se souvient que cet ouvrage a été repris aux Fantaisies-
Parisiennes le 31 mars 1866.
La Fête française, à-propos lyrique en un acte, paroles de De-
lestre-Poii'son, musique d'Alexandre Piccinni, représenté le 24
août 1823, jour de la Saint-Louis, fête du roi. (Cette mention est
celle de YAlmanach des spectacles dont Merville était l'auteur et
qui était publié par le libraire Barba; elle est en désaccord avec
celle des Tablettes du Directeur, et ce sont ces dernières qui sont
fautives, car une erreur de rédaction leur fait confondre ta Fête
française avec un autre à-propos représenté peu après, la Fête de
la Victoire, et donner à l'un les auteurs de l'autre.)
L'Epreuve villageoise, de Desforges et Grétry, donnée le 30 oc-
tobre 1823. Il n'est pas besoin de faire l'historique de cet ouvrage
exquis, que tout le monde connaît, et qui a été joué sur tous les
théâtres où l'on s'est peu ou prou occupé de musique. Il sert aux
débuts d'une demoiselle Florigny et obtient 29 représentations.
La Fausse Agnès, pastiche de Castil-Blaze, arrangé sur la pièce
de Destouches, avec morceaux parodiés sur des fragments de Ci-
marosa, Rossini, Meyerbeer, etc. Succès moins grand que celui
des Folies amoitreuses ; début de Mme Mercier; 32 représentations,
dont la première a lieu le 6 juillet 1824.
A partir de cette époque, le genre lyrique est abandonné au
Gymnase, et l'on n'en trouve plus trace que dans le Mal du pays,
« opéra-vaudeville » donné le 28 décembre 1827, paroles de
Scribe et Mélesville, musique d'Adolphe Adam, — pour qui il est un
heureux début dans une carrière brillante,— et dans quelques au-
tres pièces, la Batelière de Drieals, Perkins Warbeck, etc. (1),
pour lesquelles le même compositeur écrivit plusieurs airs de vau-
deville. Mais à dater de ce moment, l'opéra proprement dit
fut exilé du Gymnase. Il nous faut cependant signaler la re-
présentation d'une pièce de ce genre qui eut lieu vingt-cinq ans
plus tard : Yvonne et Loïc, sorte d'opérette donnée sans fracas le
IS novembre 18S1, dont les paroles avaient été écrites par Jules
Lorin et M. Michel Caire, et la musique par M. Delioux.
Avant de terminer, je veux rappeler un fait qui intéresse inci-
demment l'art musical et l'un do ses représentans les plus juste-
ment glorieux.
Le 29 novembre 1823, on donnait au Gymnase la première re-
présentation d'un vaudeville qui obtint un énorme succès. C'était
à l'époque où les opéras de Rossini triomphaient avec éclat sur la
scène du théâtre Italien; le maître immortel n'avait pas encore
transformé son Mosè en Moïse, il n'avait pas fait de Maometto, de
Siège de Corinihe, il n'avait encore écrit pour notre première scène
lyrique ni le Comte Ory, ni ce splendide et incomparable Guil-
laume Tell par lequel il- devait terminer si prématurément une
carrière glorieuse et honorée, mais il régnait en maître sur notre
(1) Dans la « Liste compli'tu des ouvrages d'Adolphe Adam, » placée
en tête de son premier voiume posthume de Souvenirs a'un musicien, et
dressée par une main étrangère, Perkins Warbeck est indiqué comme
ayant été criJé aux iNouveautc.'*. C'est une erreur. Perkins Warbeck fit
sa première apparition au Gymnase le 15 mai 1827.
DE PARIS.
229
scène italienne, et son nom était dans toutes les bouches. Aussi
le vaudeville en question, qui était un à-propos plein d'esprit si-
gné Scribe et Mazères , et qui était intitulé le Grand Repas, ou
RossiNi A Paris, fut- il accueilli avec des transports d'enthou-
siasme.
J'en veux citer les couplets suivants, non parce qu'ils sont bons,
mais parce qu'il sont un témoignage du sentiment public d'alors
au sujet de l'illustre compositeur :
Air : Tra la la.
Rossini! (bis)
Toi que j'implore aujourd'hui,
Rossini ! (6w)
Pourquoi n'es-tu pas ici ?
Sous tes accords enchanteurs,
On n'entend plus les chanteurs;
C'est pour ça qu'à l'Opéra
Le parterre dit déjà :
Rossini ! etc.
Par lui l'on n'entend jamais
La prose ni les couplets.
A maint ouvrage nouveau.
On dit souvent à Feydeau :
Rossini ! etc.
Partout son nom glorieux
Attire un public nombreux,
- Aussi chaque soir, dit-on.
On répète à l'Odéon (d) :
Rossini ! {his)
Toi que j'implore aujourd'hui,
Rossini! (bis)
Pourquoi n'es-tu pas ici?
Inutile de dire qu'à la première représentation, ces couplets
chétifs furent bissés avec frénésie, en faveur du vieux dicton : Le
ton fait la chanson.
Arthur POUGIN.
(La suite prochainement.)
CONCOURS D'ORPHÉONS,
DE FANFARES ET OE MUSIQUES MILITAIRES
Ouverts à Sentis le dimanche i'i juillet 1868.
L'institution orphéonique progresse d'une façon très-sensible,
grâce à l'obligation où sont, maintenant, les Sociétés de première
division de concourir pour la lecture à première vue. — Quoique
cette épreuve importante n'ait pas fait partie du concours de Sen-
lis, il n'en a pas moins été des plus intéressants. — L'Association
chorale de Valenciennes y a obtenu un premier prix ascendant.
11 est bien peu de Sociétés chorales chez lesquelles l'ensemble, la
justesse, le sentiment vrai de l'expression, soient portés à un tel
degré de perfection. — Le mérite de son habile directeur, M. Jean
Charle, est une cause première de cette supériorité ; aussi le jury
lui a-t-il accordé une mention spéciale de sa satisfaction. — Le con-
cours d'excellence a été très-brillant. — La première et unique
médaille des deux divisions orphéoniques et instrumentales a été
remportée par le Cercle des Cricks-Sicks de Tourcoing, directeur
M. Louis Rossoor, et par la Fanfare Gautrot, de Paris, dont
M. Blancheteau est le chef.
(I) L'Odéon se préparait alors, ainsi que nous le verrons dans le cha-
pitre suivant, à rouvrir comme théâtre lyrique, et répétait déjà cer-
taines traductions que Castil-Blaze avait arrangées pour lui de quelques-
uns des grands ouvrages de Rossini.
Un violent orage ayant interrompu les concours, nous avons fait
aux auditeurs de la salle de spectacle une petite conférence sur
l'histoire de l'Orphéon en France. Cet entr'acto improvisé s'est ter-
miné par une collecte dont le produit a été versé par M. Lindheim
iils, et nous, à la caisse de secours de l'Association des artistes
musiciens. Au banquet qui a terminé la fête, on a beaucoup re-
marqué la manière éloquente avec laquelle M. le marquis d'Auray,
sous-préfi't, a su parier de la musique et de ses manifestations
populaires.
A. ELWART.
MINISTËRE D£ U MAISON DE L'EUPEREUB
ET DES BEAUX-ARTS-
DIRECTION GÉNÉRALE DES THÉÂTRES.
Le concours institué au théâtre impérial de l'Opéra -Comique,
pour la mise en musique du poëme intitulé le Florentin, sera clos
définitivement le 30 juillet prochain.
Les compositeurs qui y auront pris part sont invités à se réunir
le samedi !'"■ août, à une heure, au ministère de la Maison de
l'Empereur et des Beaux-Arts, dans le cabinet du directeur géné-
ral des théâtres, pour élire eux-mêmes le jury chaigé de juger les
partitions envoyées au concours.
Ils seront admis sur la présentation de l'épigraphe qui doit
être placée en tête de leur manuscrit.
Monument à la mémoire d'Edouard Monnais.
Notre dernière liste, publiée le 28 juin dernier, s'est grossie des
noms suivants :
M. Ad. Botte, Maison Pleyel-Wolfï et C, MM. Larivière, Al. Rous-
seau, Victor Capoul; Henriquel-Dupont, de l'Institut; Couderc,
Mme veuve Eugénie Scribe, MM. A. Guillot de Sainbris, Sainte-
Foy, Henri Ravina, E. Jancourt, Lesueur, la baronne de Maistre,
MM. Cavaillé-Coll, Henri Potier, Mlle Cleo (Marie), M. le comte de
Nieuwerkerke , MM. de Besselièvre; Larabit, sénateur; Rolle,
C.-V. Alkan aîné; Ferrand, chef du bureau des théâtres; Obin, de
l'Opéra; Arthur Pougin, Mme veuve Edouard Bénazet; MM. Cou-
der, chef d'orchestre du Gymnase; Beulé, directeur de l'Acadé-
mie impériale de-, Beaux-Arts; Léon Achard, Wekerlin, Sarasate,
de Vatry, Martin, Régnier, Charles Poisot, Mme Remaury, Mlle Ma-
rie Roze, Mlle Francine Cellier, MM. L. Uorus, le comte Pillet-
Will, C.-L. Gruneisen, W. Kriiger, Adolphe Catelin, J. Offenbach.
Nous recevons de M. Choudens les renseignements suivants :
« La Hongrie résistait au traité international littéraire et artistique
conclu entre la France et l'Autriche. — Les éditeurs hongrois préten-
daient n'être pas liés par ce traité. Les auteurs et éditeurs français pro-
testaient, et M. Clioudcns t^e disposait à poursuivre les contrefaçons des
opéras de M. Ch. Gounod, lorsqu'une bienveillante et officieuse lettre de
S. Exe. le ministre des affaires étrangères l'informa de la reconnais-
sance de nos droits en Hongrie. Celte lettre, qui témoigne de la haute
sollicitude de M. le marquis de IVIoustier pour les intérêts des auteurs et
éditeurs français à l'étranger, est ainsi conçue :
« En réponse à la demande d'informations que vous m'avez fait
» l'honneur de m'adresser, je vous ai fait connaître, le 4 du mois der-
» nier, que l'assertion d'après laquelle la convention littéraire du 11
» décembre 1866, entre la France et l'Autriche, ne garantissait pas les
» droits de propriété des auteurs français, en Hongrie, est dénuée de
» fondement. J'ajoutais que vous pouviez poursuivre , dès à présent, à
» Pesth, les reproductions illicites de vos publications.
230
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» J'ai la satisfaction de pouvoir vous annoncer, aujourd'hui, qu'à la
>i suite des démarches faites par le consul de France à Pesth, les con-
» trefectcurs de vos éditions ont reconnu la justice de vos réclamations,
» et qu'ils se sont dcclai'és prêts à transiger avec vous. »
» Comme on le voit, S. Exe. le ministre des affaires étrangères ne se
borne pas à signer des conventions internationales, il en protège l'équi-
table exécution, et nous savons qu'en ce qui concerne les œuvres musi-
cales françaises si recherchées dans toute l'Allemagne , la haute sollici-
tude de nos légations est acquise aux auteurs français. »
CORRESPONDANCE.
Bade, le i6 juillet 1868.
... Les visiteurs de l'année dernière ont peine à reconnaître leur
Baden-Baden. Tout a subi une féerique transformation; de vilaines bou-
tiques ont disparu pour faire place à d'élégantes constructions ; des jar-
dins ont surgi partout; une illumination luxueuse fait resplendir la
maison de Conversation. Le kiosque de l'orchpstre a été haussé pour
aider à la propagation du son; le nombre des nmsiriens a été aug-
menté, etc., etc. M. Dupressoir est habile et de plus homme de goût;
ce n'est certes pas lui qui laissera péricliter l'héritage de son beau-père
et prédécesseur M. Bénazet.
11 a su attirer à Bade à peu près toutes les célébrités musicales, qui
y brilleront les unes après les autres, pour le plus grand plaisir des
hôtes de cette charmante résidence. Outre Mme Escudier-Kastner, dont
la Revue et Gazette musicale signalait dernièrement le succès, nous avons
entendu la gracieuse Mme Monbelli, que Paris a fêtée cet hiver et qui
le méritait bien ; avec Troy, Sighicelli et Ketterer, elle a fait de la
manière la plus brillante les frais du troisième concert. Puis nous
avons eu Mme Norman-Neruda, l'enchanteresse, et Carlotta Patli et ses
éblouissantes vocalises ; les applaudissements, les rappels adressés à ces
deux merveilleuses virtuoses n'avaient pas de fin. Samedi prochain aura
lieu le cinquième concert avec Mme Carvalho et Mlle Schrœder, du
théâtre Lyrique. — M. Dupressoir est parti pour Vienne ; on peut donc
s'attendre avant peu à quelque surprise musicale.
M. S.
NOUVELLES DES THEATRES LYRIQUES.
,f** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et vendredi Hercu-
lanum. — La reine de Mohély assistait à la représentation de lundi
dans une baignoire.
=);.% Le début de Mlle Julia Hisson a eu lieu mercredi dans le Trouvère.
Elève du Conservatoire et en dernier lieu de Wartol, la débutante possède
une très-belle voix, sonore, d'une grande étendue, bien timbrée dans les trois
registres et qui se prête adinirablomenl aux élans dramatiques des grands
rôles. — Mlle Hi^son a surpris la salle par l'éclat avec lequel elle a dit
sa cavatine d'entrée; la cabalette n'a pas été aussi heureusement enlevée
à la première reprise ; la seconde a été meilleure. Tout le quatrième acte,
le Miserere, le duo avec le comte de Luna et le duo final ont parfaitement
fait apprécier les magnifiques moyens dont Mlle Hisson est douée. — Ce
n'est pas à dire qu'elle soit déjà une cantatrice arrivée. Elle a fort à tra-
vailler jusque-là, et il serait fâcheux que des éloges exagérés vinssent
l'induire en erreur sur ce point et l'éblouir prématurément; il y a bien
des choses à limer, à polir, bien des nuances à observer, beaucoup à assouplir
dansson exécution. Maissil'on considère que Mlle Hisson n'a pas vingt ans,
et qu'elle débute dans un rôle comme celui de Léonore, avec un organe
de cette étoffe et avec un sentiment dramatique aussi caractérisé, on peut
féliciter la direction de l'Opéra de cette acquisition et prédire un bel
avenir à Mlle Hisson. — Ce que l'on a dit de sa beauté n'est nullement
exagéré. C'est une très-belle personne ; son visage est doux et agréable,
sa physionomie intelligente et expressive, sa taille élevée et bien prise,
ses bras superbes, ses gestes amples, pleins de noblesse et de fierté. Sans
doute on peut reprocher au jeu de la débutante de l'exagération dans
certaines situations, mais elle s'excuse par son inexpérience de la
scène, et il est même éionnant que son attitude et sa démarche ne s'en
soient pas ressenties davantage. — Applaudie à quatre reprises par les
loges et l'orchestre après sa première cavatine, les bravos ont redoublé
au quatrième acte et Mlle Hisson a été rappelée après la chute du ri-
deau.— Devoyod a très-bien chanté son rôle du comte de Luna et il a lé-
gitimement partagé le succès de sa jeune partenaire. Mlle Bloch, Morère et
Castelmaryont brillamment contribué à l'ensemble de cette représentation,
qui, malgré une chaleur accablante, avait attiré beaucoup de monde.
s,*j; Outre la reprise d'Armide, il est question de celle de Lucie.
Mlle Battu y chanterait le rôle principal.
^*4 Mlle Julia Hisson est engagée pour quatre ans à l'Opéra à raison
de 11,000 francs la première année, 18,000 francs la deuxième,
23,000 francs la troisième et 30,000 francs la quatrième.
„,** La reprise au théâtre de l'Opéra-Comique du Docteur Mirobolan a
été très-bien accueillie par le public; la musique du jeunecompositeurest
bien au ton des joyeuses et comiques situations de l'ouvrage. Parmi
les morceaux les plus applaudis, nous citerons l'ouverture, le duo d'Alcine
et de Dorine, la chanson paysanne et un finale ingénieux et élégant
Couderc est réellement inimitable dans ce rôle de Crispin, qui restera
comme un des plus complets de son répertoire. Prilleux (Mirobolan) est
très-plaisant; .Mlle Bélia a le mordant et la belle humeur du per-
sonnage de Dorine. Les autres rôles sont parfaitement tenus par Mlles'
Tuai et Heilbron, toutes deux charmantes, ainsi que par.Polelet
Leroy.
,j*,j La représentation des Dragons de Viltars a été honorée vendredi
de la présence de la reine de Mohély.
^% On répète Zanipa, qui sera chanté par L. Achard et Mlle Brunet-
Lafleur dans les deux principaux rôles.
^*^, Dans ces derniers temps on a assigné plusieurs causes au non-
renouvellement de l'engagement de Mlle Marie Ro?e à l'Opéra-Comique ;
on en inférait mèuie qu'elle renonçait au théâtre. La vérité est que la
jeune et charmante artiste a repris, sous la direction de son maître
François Wartel, les études qui lui pennettront d'aborder bientôt le
grand opéra. Grâce aux conseils de l'éminent professeur de tant de
cantatrices célèbres, Mme Trebelli, Mlle Nilsson entre autres, et tout
récemment Mlle Hisson, dont le succès vient d'être si décisif à POpéra,
Mlle Roze pourrait bien compter pour une étoile de plus.
,n*:)i. Le nombre des musiciens qui concourent pour la partition du
Florentin, l'opora-comique de M. Saint-Georges peut s'évaluer à cin-
quante.
*** Voici la liste exacte des artistes engagés jusqu'à présent par
M. Noriac pour la nouvelle exploitation du théâtre des Bouffes-Pari-
siens . Désiré, Berthelier, Bonnet, Nathan, Aurèle, Audran, Barnolt,
Daniel, Montbars, Poirier, Mousseaux, Debeer, Dublex, Pauly, Guyard,
etc., etc. — Mnies Schneider, Thierret, Font!, Perler, Castello, Gilbert,
Berger, Dalbert, Cap, Dencux, Henry, Marie Petit, Gayer, Sergent !■'«,
Sergent 2', Leduc, etc., etc. M. Noriac est en train de conclure encore
plusieurs engagements très-importants. — Le spectacle de réouverture
se compo.sera de (7osco/eMo, opérette en deux actes, deMM.Nuitter et Tréfeu,
musique d'Offenbach, représentée à Ems avec succès, et de l'Arche-Marion,
opéra en un acte d'Albéric Second, musique d'Ad. Nibelle. J. Offenbaeh
s'est engagé à donner aux nouveaux Bouffes trois actes par an et à les
laisser jouir de son répertoire.
:p*4 En annonçant le mariage de M. Raphaël Félix avec Mlle Hen-
riette Bloch, plusieurs journaux ajoutent que le célèbre imprésario, qui
vient d'obtenir une si grande réussite à Londres avec les représentations
delà Grande Duchesse, prend la direction du théâtre de la Porfe-Saint-
Martin. Le 16 juillet, il a effectivement signé avec les propriétaires de
la salle un bail de 20 ans.
^*^ Après un mois pendant lequel il a chanté, au grand enthou-
siasme de ses compatriotes, tout son gai répertoire au théâtre des
Célesiins, à Lyon, Berthelier est de retour à Paris, oit il va se mettre
à la disposition du directeur des Bouffes- Parisiens.
^*^ L'Africaine vient d'être chantée pour la première fois à Troyes.
Les journaux et les correspondances s'accordent à reconnaître que jamais
dans c«tte ville, aussi belle représentation n'avait été donnée avec un
personnel d'artistes aussi satisfaisant, avec une exécution aussi réussie,
des décors aussi beaux, une mise en scène aussi soignée. Le public a
fréquemment témoignépar ses bis et ses applaudissements de l'admiration
que lui inspirait le dernier chef-d'œuvre du maître. Mlle Bedora a été
une Sélika convenable. M. Faivret, dans le rôle de Vasco, a mérité les
honneurs du rappel. Mme Goury (Inès) a eu de très-beaux moments.
Les faveurs du public n'ont pas manqué à M. Benaben (Nélusko), chan-
teur et comédien excellent. 11 n'est pas jusqu'aux rôles effacés de don
Pedro et de l'inquisiteur qui n'aient trouvé dans JIM. Feitlinger et Larose
des interprèles satisfaisants. Les chœurs ont bien marché et Porchestre,
dans la mesure de ses moyens, a fait de son mieux.
^*.j. Le théâtre Alberto-^îota, à Turin, vient d'être détruit par un in-
cendie qui a éclaté le 12 juillet, à dix heures du soir. On jouait Cris-
pino e la Comare. Le feu prit aux vêtements d'une danseuse, et se
communiqua bientôt aux coulisses et à la charpente, tout entière en
bois. Heureusement la foule put s'écouler à temps et sans accidents ; la
danseuse, cause première du désastre, en a été quitte pour la peur.
On n'a rien pu sauver; les murs seuls restent debout. Du reste la recons-
truction de ce théâtre avait été décidée pour l'année prochaine par la
municipalité.
DE fAlUS
231
NOUVELLES DIVERSES.
**» Du procès-verhal de classement des Sociétés chorales et instru-
mentales inscrites au Concours musical de Grenoble, — document dont
nous recevons communication par M. le maire de cette ville, — il ré-
sulte que 90 Orphéons, 2-i Musiques d'harmonie, 108 Fanfares (7,000
exécutants environ) entreront en lice le '16 août prochain, pour se dis-
puter des prix d'une valeur exceptionnelle. Les jurys seront déflnitive-
ment composés, en outre d'artistes et ^mateurs de la localité et de Lyon,
de MM. Ambroise Thomas, Gounod, François Bazin, Victor Massé, Boïel-
dieu, Laurent de Rillé, Delaporte, Couder, Besozzi, Monestier, E. Bou-
langer, Mathieu de Monter, pour les Sociétés chorales; et de MM. El-
wart, jonas, Paiilus, Thibaut, Klosé, Cokken, Dauverné, Sain-d'Arod,
de Groot, Marie, pour les musiques. Un grand Festival suivra ces con-
cours auxquels prendront part les meilleures Sociétés de Lyon, Marseille,
Avignon, Chambéry, Saint-Etienne, Béziers, Vienne, Valence, etc., et
de toute la région. Les chœurs et les morceaux imposés sont de IIM.
Gounod, Ambroise Thomas, Laurent de Rillé, Boïeldieu, Besozzi, J. Mo-
nestier, Paulus, Klosé, Thibaut et Jonas. M. Joseph Luigini dirigera une
armée de S,000 instrumentistes, à la tête de laquelle marchera la célè-
bre Fanfare lyonnaise. Le comité d'organisation a pris toutes les me-
sures propres à assurer l'éclat et l'ordre de ces fêtes qui intéressent vi-
vement l'opinion publique dans le Dauphiné et qui, à en juger par
l'empressement sympathique des populations et des sociétés , seront les
« Grands Jours » artistiques de cette loyale et vaillante province. ■
»*„: Dimanche dernier iVogent-sur-Marne était en fête ; on y a exécuté
la quatrième messe solennelle de M. A. Bessems. L'auteur conduisait
lui-même son œuvre.
,s*:f Mlle Adelina Patti, l'éblouissante artistedu théâtre Italien, vient de
fournir à M. Guy de Charnacé le sujet de son premier chapitre des
Etoiles du chant, un livre de haute critique, somptueusement édité par
M. Henri Pion. La première livraison de cet ouvrage est, en efftt. con-
sacrée tout entière à la biographie et à l'appréciation du talent de
Mlle Patti; elle est enrichie d'un portrait gravé sur acier par M. Morse,
un véritable chef-d'œuvre, et d'un autographe de la diva. — Voici le
texte de ce charmant billet adressé à M. de Charnacé :
0 Cher Monsieur,
i> Vous me demandez l'autorisation de publier mon portrait, gravé
par M. Mor,-e, dont j'apprécie le talent charmant, dans votre livre les
Etoiles du chant, qui doit aussi contenir ma biographie.
» Sachant bien que vous ferez là un acte de pénitence, et ne voulant
pas nuire au salut de votre âme, je suis heureuse de vous donner l'au-
torisation que vous désirez.
» Recevez, je vous prie, Monsieur, l'assurance de mes sentiments les
plus distingués.
Paris, le i" mai 1868. Adelina Patti. »
:{;** Notre excellent confrère Achille Denis reprend la rédaction en
chef du Messager des Théâtres, qu'il avait occupée dans l'origine, et quit-
tée pour celle de la Reuue et Gazelle des Théâtres.— 'É. Jules Ruelle y
continue sa collaboration. Tout est bien qui finit bien.
:t*:jf: La librairie Victor Mas.son et fils vient de faire paraître un intéres-
sant ouvrage sous le litre de; Théorie phyiiologique de la Musique, fondée
sur l'Hudc des scnsatiuns auditives, par le professeur Helmollz, traduit
de l'allemand par M. Guéroult, avec le concouis, pour la partie musicale,
de M. Woltf, de la maison Pleyel-Wolff.
^*^ M. Godirey, l'auteur de la valse les Gardes de la Reine, vient d'en
couiposer une nouvelle intitulée la Bouquetière; le succès de cette valse
en Angleterre a été très-grand. Elle est publiée et mise en vente, à
Paris, chez l'éditeur F. Lambert, 41, rue du Cardlnal-Fesch.
,^*, On a retrouvé dans le musée Fitz-'WillIam, à Cambridge, le cahier
de musique pour le virginal (espèce d'épinette) qui était à l'usage de la
reine Elisabeth d'Angleterre. L'état où il est prouve que les biographes
de cette princesse ont probablement tort en vantant son talent sur cet
instrument. Toutes les pages où sont des passages un peu difficiles sont
comme neuves ; mais là où se trouvent des morceaux pour les com-
mençants, les cornes et autres signes d'un fréquent usage témoignent
que la reine s'en tenait à ces mélodies toutes sin.plcs.
**„ Un nouveau jouinal de musique vient de paraîtie à Turin; il a
pour titre // Nvooo Pirata, et pour directeurs MM. Piacenza et Zapcgni,
ex-rédacteurs de l'ancien Pirata, qui vient de changer de propriétaire
pour la cinquième ou sixième fols depuis trois ans.
^*,f M. Engel, le directeur du célèbre établissement Kroll de Berlin,
est en ce moment à Paris.
^,*.^ Une cantatrice qui faisait partie de la troupe italienne du théâtre
de Cadix, la saison dernière, Mme Turoni, et qui chantait à côté de
Mlle Lagrua les rôles de soprano-sfogato avec beaucoup de succès, est en
ce moment à Paris.
*% Une charmante cantatrice américaine, Mlle A. Hauck, qui a fait
partie des troupes italiennes de New-'lfork, Boston, Philadelphie, etc., et
qui y chantait les rôles de la Sonnambula, de Lucla, Giuliclla, etc., vient
aus4 d'arriver à Paris.
.K*» Arban part le 28 pour accomplir divers engagements qu'il a con-
tractés à Amsterdam, à Spa et à Bade; avant de ([ultier Paris il a tout
préparé pour l'ouverture, le 2 octobre, des concerts Valentino qu'il doit
diriger.
.*„, Pauline Lucca est en ce moment à Interlaken avec son mari, le
baron do Rahden .
. ^,*^ Mme Anna de Lagrange est de retour en France. Nous avons
mentionné les succès remportés par elle dans son excursion en Améri-
que.
*** On nous écrit de Douai qu'il vient d'y être donné un grand concert
pour lequel on s'était assuré le concours de Mlle Schroeder et de Troy,
Sivori et Bottesini. Les quatre artistes y ont produit un effet indescrip-
tible.
*** La messe solennelle de notre ami et collaborateur François
Schwab, exécutée cet hiver à Saint-Eustache et dont nous avons rendu
compte, vient d'être chantée avec un succès égal à Strasbourg, en l'église
Saint-Jean. Cette œuvre sérieuse, interprétée déjà sur plusieurs points de
l'Allemagne, provoque partout de légitimes éloges et vaut à son auteur
les sympathies les plus honorables.
i^*^ Mme la baronne Nathaniel de Rothschild, musicienne de premier
ordre, vient d'envoyer au pianiste-compositeur Michel Bergson une très-
belle épingle en diamants, avec une lettre de félicitalion sur ses re-
marquables études caractéristiques approuvées par les Conservatoires de
Paris, de Berlin et de Genève et sur ses dernières pièces de salon.
*% M.Viennet, de l'Académie française et grand-maître du rite écossais
franc-maçonnique, est mort cette semaine, au val Saint-Germain, dans
sa quatre-vingt-onzième année. Doyen des écrivains français, doué d'une
verve plus vigoureuse qu'originale, adversaire acharné du romantisme,
il avait été dans sa longue carrière tour à tour militaire, marin, poëte,
journaliste, auteur dramatique, député et pair de France. Ses obsèques
ont eu lieu, mardi dernier, au milieu d'un grand concours d'artistes et
de littérateurs. Entre autres œuvres destinées à la scène, M. Viennetavait
écrit deux opéras qui ne furent pas représentés: le Tournoi et un
Sardanapale dont Rossini avait promis de composer la musique. 11
avait en outre composé en 1820 un autre opéra, Aspasie et Périclés.'
ÉTRANGER
^% Londres. — Dans une semaine à Drury-Lane, dans deux à Covent-
Garden, la saison aura atteint son terme. — Après une courte indisposi-
tion qui l'a empêchée de chanter Rigoletto, jeudi, Adelina Patti a reparu
dans Romeo avec son succès habituel ; elle répète le Domino riero, qu'elle
doit chanter deux fois de suite, le 21 et le 22. — Le 23, dernière repré-
sentation de la saison à Covent-Garden, avec II Barbiere. — Il Flauto
magico, annoncé pour samedi 18 juillet à Drury-Lane, n'a pas encore
été représenté cette année. — M. Mapleson adonné mercredi dernier un
grand concert à son bénéfice au Crystal-Palace. Mlles Niisson, Tîetjens,
Kellogg, Sinico; MM. Mongiui, Betliui, Santley, Foll, lui prêtaient leur
concours.
*** Cologne. — La première nouveauté de cet été sera la Grande-Du-
chesse de Gérolstein avec Mlle Fischer, de Vienne. — Notre Conservatoire
est sur le point de faire une perle sérieuse. A dater de septembre
prochain, Mme Marche.si, qui professait depuis sept ans avec tant de
distinction à Cologne, va, sur la flatteuse invitalion qui lui en a été
adressée, reprendre son ancienne position de premier professeur de
chant au Conservatoire de Vienne. Son mari continuera, mais seule-
ment jusqu'au mois d'avril 18(i9, ses fonctions de professeur de chant
au Conservatoire do Cologne.— C'est Mme Marcliesi qui vient d'être char-
gée rie l'éducaiion musicale d'une jeune et belle Hongroise, découverte
par l'Imprésario Uhn:mn et qui posséderait, dit-on, une voix magnifique
et d'étonnantes dispositions.
^*^ Munich. —On monte le Ruy-Blas de Max Zenger, qui vient d'être
donné avec succès à Mannheim. La première représentation est annoncée
pour le 19 juillet.
,j'* Saint- l'étersbourg. — Il est question de confier la haute direction
des théâtres impériaux au comte Sollohoub. On applaudit généralement
à ce choix; le comte Sollolioub, musicien et écrivain distingué, paraît
appelé à rendre à l'art de sérieux services.
,1,*,^ Constantinople. — La troupe engagée pour la prochaine saison au
théâtre Nauni .se compose de : Mines Perclli, Bo.sisio, Paolina Vaneri (so-
prani), Olga Olgini (contralto); MM. Valentino Cristiani, Vidal, Vanlzan
(ténors), Sterbini (baryton), Miller, (basse-taille).
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et aux Bureaux der Messageries et des Postes.
REVUE
26 Juillet 1868.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paria î< r, par an
Dûportenients, Belgique et Suisse..., 30 » id.
Étranger 34 « id.
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Conservatoire impérial de musique et de déclamation : con-
cours publics, par Charles Bannelier. — Bibliographie musicale : Mi-
sères d'un prix de Rome, de M. Albéric Second, par Em. Mathieu de
Uonter. — Correspondaiices : Vichy et Londres. — Revue dea tliiSâtres,
par S>. A. D. Saint-V^es. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nou-
velles diverses. — Annonces.
CONSERVATOIRE mPÉBIÂI DE MSIQUE ET DE DËGUMTION.
Concours publics.
A en juger par les résultats dont nous avons pu être témoin
pendant cette laborieuse semaine, les neuf mois d'études réglemen-
taires qui viennent de s'écouler auront ajouté à l'histoire artistique
du Conservatoire une année scolaire honnête, riche surtout en ta-
lents de second ordre. Nous n'en faisons pas li, certes ! car ils
sont aussi nécessaires dans le royaume d'Euterpe que la bourgeoisie
dans un Etat. Point de succès éclatants ; point de sujets d'un mé-
rite transcendant, si ce n'est peut-être au concours de violon ;
mais un bon nombre de solides musiciens qui vont grossir l'in-
nombrable armée des virtuoses formés par notre Ecole de musique,
et dont l'esprit, nous sommes heureu.K de le constater, s'élève de
jour en jour. Ceci, il est vrai, ne s'applique guère aux chanteurs,
qui brillent en général par d'autres qualités; il ne faut point,
d'ailleurs, leur en faire un reproche, obligé qu'on est de tenir
compte avant tout d'un instrument naturel dont l'e.xistence ne se
révèle souvent que fort tard et indépendamment de toute aptitude
artistique.
M. Auber avait décidé d'attaquer le taureau par les cornes,
comme dans la mémorable séance si humoristiquement racontée
par Berlioz; ce qui signifie qu'on a commencé lundi par le con-
cours de piano. Treize jeunes gens et trente-deux jeunes filles se
disputaient les récompenses que leur a réparties un jury com-
posé de MM. Auber, président; Ambroise Thomas, Benoist, Batiste,
Jules Colien, Lacombe, Ed. Mangin, Fr. Planté et Stamaty. Parmi
les hommes, qui avaient à exécuter le premier solo du concerto
en la mineur de Herz, les lauréats ont été : MM. Bonnet, élève de
M. Marmontel, premier prix ; Auzende, élève de M. Mathias, se-
cond prix; Bourgeois, élève de M. Marmontel, premier accessit ;
Thoraé, élève du même, deuxième accessit, et Artaud, élève du
même, troisième accessit.
M. Bonnet s'est distingué par un jeu égal, ferme et brillant
et par la facilite élégante avec laquelle il fait les octaves ; i\l. Au-
zende, par une sobriété de bon goût, et en général par les qua-
lités d'un excellent musicien; M. Bourgeois, par un très-joH son
et une charmante attaque de la touche. La classe de M. Mathias
a cette année une revanche à prendre ; elle n'a évidemment pas
compris la musique de Henri Herz de la même manière que sa
riyale. — Le nombre des jeunes filles admises à concourir prend
des proportions inquiétantes ; il était le même qu'aujourd'hui lors-
qu'il y avait quatre classes ; les trois actuellement existantes ont
dû fournir la totalité de leurs élèves, car trente-six concurrentes
avaient été d'abord annoncées, et quatre se sont retirées pour
divers motifs. Comment donc ne pas donner plusieurs prix, plu-
sieurs accessits, alors surtout que ces intéressantes artistes jouent
presque toutes de la même manière, c'est-à-dire aussi bien ;
alors que la faculté d'assimilation, très-dcveloppée à ce qu'il pa-
raît dans les organisations féminines, en fait autant d'excellentes
copistes reproduisant toutes également bien le modèle, c'est-à-dire
la leçon du professeur? Aussi comptons-nous trois premiers prix,
adjugés à Mlles Doumergue, élève de Mme . Farrenc, Gaillard,
élève de M. Le Couppey, et Ferrari, élève de M. Henri Herz, qui,
promet une véritable artiste; trois seconds prix, à Mlles Léon,
de la Hautière, élèves de M. Le Couppey, et Janin, élève de
M. Henri Herz ; deux premiers accessits, à Mlles Boulât, élève de
M. Le Couppey, qui a fait preuve d'une grande habileté de lec-
ture en transposant de mi bémol en ut le morceau à déchiffrer,
et Le Callo, élève de M. Henri Herz ; trois seconds accessits , à
Mlles Barbetti élève de M. Henri Herz, Bel val, élève de M. Le Coup-
pey, et de Massas, élève de Mme Farrenc; trois troisièmes ac-
cessits, à Mlle Rachel van Lier, élève de M. Henri Herz, toute
jeune enfant dont les lecteurs de la Gazette musicale se sou-
viennent certainement, et qui a vraiment joué d'une façon
charmante, — Mlles Maurion, élève de M. Le Couppey, et Mau-
rice, élève de Mme Farrenc. Total, quatorze nominations.
' — Le morceau de concours était le premier solo du concerto
en mi mineur de Chopin; il a été, comme d'habitude, plus
!;KVL:K El' GAZETTE MUSICALE
ou moins défiguré par les additions et les changements que se
sont permis la plupart des élèves ; non-seulement des traits,
mais la mélodie, l'harmonie même, ont été dénaturés ; cette
manie déplorable, à laquelle les professeurs ont grand tort de
prêter la main, est aussi en grande faveur dans les classes des
hommes; l'un des concurrents du matin l'a même poussée
si loin, de son autorité privée, que ses malencontreuses fioritures
et ses octaves trop ambitieuses ont excité l'hilarité de la'galerie,
et plus tard le mécontentement très-accentué de son maître.
Les concours de violon et de violoncelle ont eu lieu mercredi;
MM. Auber, Benoist, George Haiul, Dauverné, Eug. Gautier, La-
bro, Deldevez, Eru. Altès et Lasserre formaient le jury. Quatorze
violoncellistes se sont succédé devant cet aréopage, dont la déci-
sion n'a pas été sans soulever quelques murmures; après un pre-
mier pt'ix bieu gagné par M. de Miretzky, élève de M. Franchomme,
on eût voulu en voir accorder un second à M. Barbot, 1" accessit de
i866; c'est le très-jeune M. Gros, également élève de M. Franchomme,
qui l'a emporté. La prétention de se substituer à un jury d'hom-
mes spéciaux, est, nous le savons, d'assez mauvais goûtj mais nous
ne pouvons nous empêcher de représenter à celui du concours de
violoncelle, avec tout le respect possible, le danger de céder à la
tentation, si fréquente au Conservatoire, de faire mûrir trop vite
les talents précoces , et l'avantage qu'il y aurait eu pour un en-
fant de onze ans et demi à conquérir ses grades l'un après l'autre,
de sorte que chaque concours apportât sou encouragement, et que
le premier prix n'eût son tour qu'Ji l'âge où. l'écolier peut cesser
de l'être pour devenir artiste. Sous le bénéfice de cette observation,
reconnaissons que le jeune Gros a fort gentiment joué le concerto
en ré de Romberg, et qu'il a éveillé de nombreuses sympathies
dans l'auditoire. Les autres lauréats sont : MM. Harndorff, élève
de M. Chevillard, 1" accessit; Spitzer, élève de M. Franchomme,
2° accessit, et Austruy, élève du même, 3*= accessit.
L'intérêt qu'excite généralement le concours de violon n'a pas
faibh cette année. Un brillant i" prix, parfaitement prévu, a été
remporté par M. Franz Ries, élève de M. Massart, qui l'a partagé
avec le jeune Heymann, élève de M. Alard. Déjà- compositeur d'un
A'éritable talent, musicien à toute épreuve, M. Ries doit aux ex-
cellents conseil d'un maître dévoué d'avoir perfectionné un talent
qu'on aurait pu considérer comme déjà formé avant son entrée au
Conservatoire. Nous entendrons certainement parler de ce jeune
homme, comme virtuose ou comme compositeur ; il ne saurait, du
reste, après de tels débuts, déroger à de glorieuses traditions de
famille. Ce n'est pas sans quelque égoïste satisfaction que nous
voyons l'Allemagne, qui nous est supérieure à tant d'égards, rendre
de temps à autre hommage à notre école instrumentale, à notre
école de violon surtout, en envoyant l'élite de sa jeunesse y corri-
ger ce que son enseignement à elle a de trop exclusivement
rationnel.
Deux seconds prix ont été donnés à MM. Palatin, élève de
M. Alard, et Hérold (de Berlin), élève de M. Massart; deux pre-
miers accessits à MM. Luigini, élève de M. Massart, et Wenner,
élève de M. Dancla; deux seconds accessits à MI. Fridrich, élève de
M. Sauzay, et Chollet, élève de M. Massart; trois troisièmes accessits
à MM. Lubinski, élève de M. Massart, Samary, élève de M. Alard,
et Jouet de Lanciduais, élève du même. — Les concurrents étaient
au nombre de 28. Le morceau choisi était le concerto de Habeneck
en mi. C'est, nous dit-on, un hommage que M. Auber a voulu
rendre, une fois au moins, à la mémoire du célèbre chef d'or-
chestre ; à cela nous n'avons rien à dire, mais il ne nous déplairait
pas, ni à personne, croyons-nous, de voir de temps en temps fi-
gurer les noms des vivants à côté de la pléiade classique, ultra-
classique, dont les chefs-d'œuvre servent à montrer dans tout leur
jour le talent des élèves ; et puisqu'on admet les concerts de Herz,
et de Franchomme, qui. Dieu merci, sont encore de ce monde,
pourquoi ne pas donner droit de cité à ceux de Vieuxtemps, par
exemple, dont on ne contestera pas la valeur au point de vue aes
idées, du style et du mécanisme, et qui auraient l'avantage d'écar-
ter d'emblée un bon tiers des concurrents?
Le concours de chant a été ce qu'il est tous les ans. Il a mis
en lumière deux ou trois voix fraîches et belles, d'autres, en grand
nombre, surmenées ou ingrates. Qu'on prenne garde au 'Verdi à
outrance! Dix-neuf hommes ont pris part à ce concours, dont les
juges étaient MM. Auber, Ambroise Thomas, Benoist, Victor Massé,
Pasdeloup, Eug. Gautier, Achard,Léo Delibes et Wekerlin. MM. Au-
béry, élève de M. Vauthrot, et Solon, élève de M. Battaille, se
sont partagé le l" prix. Ces deux jeunes gens savent chanter; la
voix de M. Aubéry n'a rien de bien remarquable, mais il s'en sert
avec beaucoup d'art et en véritable musicien; c'est d'ailleurs, on
ne l'ignore pas, un excellent violoniste. M. Solon possède une jo-
lie basse chantante, dont il tire un très-bon parti ; il vocalise sur-
tout avec une grande pureté. M. Nicot, charmant ténor léger, élève
de M. Révial, a obtenu le 2'= prix; MM. Rocton, élève de M. Bat-
taille, et Bacquié, élève de M. Grosset, le I" accessit; MM. Der-
rey et Auger, élèves de M. Masset, le 2^ accessit; et MM. Rives,
élève de M. Grosset, et Idrac, élève de M. Révial, le 3° accessit.
En somme, assez bon concours; les voix blanches sont en moindre
quantité, on semble soigner davantage l'émission. — Les élèves
femmes ont été assez médiocres; sur trente-deux concurrentes, le
jury n'a pas trouvé à décerner un seul 1" prix. En revanche, il a
libéralement accordé cinq 2"' prix à Mlles Bartkowska, élève de
M. Révial; de Lausnay, élève de -M. Laget; Moisset, élève de
M. Masset; Gilbert, élève de M. Vauthrot, et Guilllot, élève de
M. Masset; trois 1"» accessits à Mlles Polliart, élève de M. Délie
Sedie, Mineur, élève do M. Bax , et Brunel, élève de M. Laget;
deux 2" accessits à Mlles Laville et Perez, élèves de M. Laget; et
six 3" accessits à Mlles Bernard, élève de M. Battaille ; Gavet, élève
de M. Vauthrot; Caillou et Lieder, élèves de M. Battaille; Pfeil,
élève de M. Masset; et Labrunie, élève de M. Vauthrot.
L'opéra-comique a pris la journée de jeudi. MM. Auber, Arthur
de Beauplan, Amb. Thomas, de Saint-Georges, de Leuven, Bazin,
Jules Cohen, Ravina et Wekerlin composaient le jury. Sur sept
concurrents, 5DI. Aubéry, élève de M. Couderc , et Nicot,
élève de M. Mocker, se sont partagé le I" prix; ils ont fait
preuve, le premier surtout, d'un bon sentiment scénique. M. Nicot
a un défaut de prononciation qui lui nuira beaucoup. Un 2° prix
a été donné à M. Bacquié, élève de M. Mocker; un 1" accessit à
M. Victor, élève du même; un 2<' à M. Idrac, élève de M. Couderc;
et un 3'' à M. Wagner, élève du même. — Les récompenses ont été
distribuées de la manière suivante aux femmes, qui avaient con-
couru au nombre de onze : 1" prix, Mlles Bloisset et Guillot, élèves
de M. Mocker; pas de 2^ prix; l" accessit, Mies Nondin, Berdet et
Gavet, élèves de M. Couderc. Rien de bien remarquable dans ce
concours.
Vendredi, c'était le tour de la tragédie et de la comédie. En
voici le résultat, que nous consignons ici sans commentaire, pour
cause d'incompétence :
Jury: MM. Auber, président, Camille Doucet, Ernest Legouvé,
de Saint-Georges, Léon Laya, Arthur de Beauplan, Albéric
Second, de Chilly et Berton.
TRAGÉDIE.
Hommes. Pas de premier prix. — 2^ prix: M. Dugaril, élève
de M. Régnier. — 1" accessit : M. Mazoudier, élève de M. Mon-
rose; et M. Mounet, élève de M. Bressant. — 2'= accessit : M. Jou-
mard, élève de M. Régnier.
Femmes. Pas de premier prix. — 2° prix : Mlle Héricourt,
m PAïus.
235
élève de M. Beauvallet; et Mlle Dclmary, élève de M. iiégnier.
— i" accessit: Mlle Paturel, élève de M. Moiirosc.
COMÉDIE.
//oiMwes. Pas de premier prix. — 2' prix: M. Mounet, élève
de M. Bressant; et M. Vois, élève de M. Régnier. — I"''» acces-
sits : M. Uugaril, élève de M. Régnier; et M. Mazoudier, élève de
M. Monrose. — 2°' accessits : M. Fraisier, élève de M. Dressant;
et M. Jûurnard, élève de M. Régnier. — 3" accessit : M. Laro-
che, élève de M. Monrose
Femmes. 1'"' prix: ,Mlle Reichcmberg, élève de M. Régnier. —
2" prix : Mlle Tlioler, élève de M. Régnier ; Mlle Colas, élève de
M. Beauvallet; et Mlle Thomas i'", élève de M. Brossant. —
1" accessit : Mlle Croizelte, élève de M. Dressant; et Mlle Le-
grand, élève de M. Dressant. — 2'= accessit : Mlle Chapuy, élève
de M. Régnier.
Chaules DANNELIER.
On nous communique, au moment de mettre sous presie, la liste
du jury et des lauréats du concours d'opéra, qui a eu lieu hier
samedi ;
Jury : MM. Auber, Arthur de Beauplan, Amb. Thomas, Emile
Perrin , de Saint-Georges , Gevaert, George Hainl , Victor Massé
et Pasdeloup.
Hommes. Pas de premier prix. — Second prix : MM. Aubéry et
Nicot, élèves de M. Duvernoy. — Premier accessit : MM. Rives et
Bacquié, élèves du même. — Deuxième accessit : M. Etchetto,
élève du même. — Troisième accessit : M. Derry, é\h\e, de M. Le-
vasseur.
Femmes. Pas de premier ni de second prix. — Premier acces-
sit: Mlles Laville, élève de M. Levasseur, et Pitteri, élève de M. Du-
vernoy, — Second accessit : Mlle de Gray, élève de M. Duvernoy,
C. B.
BIBLIOGRAPHIE MUSICALE.
MISÈRES D'UN PRIX DE ROME,
Par ALBÉRIG SECOND.
Vous souvient-il d'un mélodrame antique, — on \i jouait parmi
les ruines du boulevard du Temple, — de celte pièce fianche-
ment populaire dans laquelle un « gentilhomme, » de déveines
eu malchances, devenu naturellement égouttier (et il y avait de
la musique là dessus !) tenait au public à peu près ce langage :
« Il m'arrivo parfois de rencontrer d'anciennes maîtresses. Lors-
qu'elles me voient en cotte bleue en bottes fortes, armé du ra-
cloir municipal, les unes se mettent à rire; les autres détournent
la tète et quoique chose comme une larme brille sous leurs pau-
pières. Lesquelles ont raison? Celles qui rient, ou bien celles qui
pleurent? »
Eh bien, telle est à peu près aussi l'impression, la moralité, si
l'on veut, qui se dégage du volume de M. Albéric Second : Mi-
sères d'un prix de Rome. Etant données les conditions d'existence
de ces surnuméraires du génie lyrique, la situation faite par les
règlements à ces apprentis de la Gloire, faut-il en prendre philo-
sophiquement son parti? Faut-il, au contraire, déplorer l'état de
choses actuel?
M. Albéric Second, esprit facile et de bonne humeur, chroni-
queur fort au courant des choses de la musique et du théâtre, a
groupé, dans une historiette qui détruit la valeur même de sa cri-
tique, toutes les objections formulées, depuis qu'elle existe.
contre l'Ecole française de Rome ; mais , en homme ha-
bile et qui craint de se compromettre, il s'est bien gardé de con-
clure et de donner son avis. 11 y a là de charmants détails, de
eui'ieux épisodes, des portraits vivants et des incidents vècus\ il y
a de piquants hors-d'œuvre, de l'esprit et encore de l'esprit, cela
va sans le dire. D'où vient donc que plus M. Albéric Second raille
et moins on a envie de se moquer et de rire avec lui? Pourquoi
son ironie satisfaite paraît-elle, à la longue, presque cruelle?
Comment s'ex|)liquer ce singulier manque d'équilibre et de pro-
portions entre le sujet et la manière dont il est traité? Qui donc
a-t-oii voulu tromper ici, avec une verve à la fois si superlicielle
et si impitoyable? D'après l'étiquette, il s'agit d'un prix de Jiome,
et l'on se trouve devant un « bohème » vulgaire, qui n'est même
pas arrière petit-cousin du neveu de Rameau, et dont la confes-
sion, à la fois sincère et d'un... réalisme peu édifiant, se résume
ainsi :
« .l'ai vu le jour dans l'arrière-boutique d'un boulanger de la rue
Montmartre. Je m'appelle Godiveau (Orphée) et je dois ce prénom
saugrenu à mon parrain Favillet, deuxième premier violon solo à
l'orchestre du théâtre des Variétés. C'est ce bonhomme sec et ner-
veux qni a décidé de mon avenir, un soir de Noël qu'il s'était
grisé consciencieusement. Dans l'âge de musique qui est le nôtre,
maintenant « qu'on installe au Panthéon, à la place de Voltaire
et de Rousseau, un baryton et un pianiste, » je ne pouvais être
que musicien, et je le devins bien malgré moi. Orphelin à dix ans,
je fus recueilli et élevé par mon parrain dans sa mansarde du
boulevard. Vous comprenez bien que travailler du matin au soir
le solfège de Rodolphe, la méthode de Viguerie, les sonates de Dussek,
de Gélinek et de Clémenti ne m'amusait guère, mais j'avais si
grand'peur de certaine cravache en permanence à côté du piano,
et si grand plaisir lorsque je pouvais voir, assis à côté de mon
parrain, à son pupitre du théâtre, les jambes des actrices! Ché-
rubin! m'admit au Conservatoire : c'était un grossier personnage
qui ne savait que jeter les gens par la fenêtre et bégayer cke, che,
che. Mon premier professeur fut Krakermann, vous savez bien, le
célèbre Krakermann, qui avait fini par convaincre le public qu'il
était le professeur-né de tous les pianistes connus et inconnus.
Après avoir successivement traversé les classes de fugue, de com-
position et d'harmonie, j'ai été jugé digne enfin d'entrer en loges,
de réchauffer des soi:s de ma musique une cantate tout bonnement
idiote, et l'on m'a envoyé àPiome. J'aurais été une simple brute de m'y
fatiguer à fau'e quoi que ce soit. Logé, nourri et appointé, je trouvais
bien plus naturel de passer mes joui-nées devant les petits guéridons
de bois du calé Greco et mes soirées près d'une foule de Marianna,
d'Elvira, de Vincenza et autres signeras. J'avais la jeunesse
alors, cette (leur sitôt fanée, ce parfum, ce rayon, etc., (confidence
cherchée ou regret involontaire, c'est la seule trace d'émotion que
je trouve en ces singuliers mémoires). Je revins à Paris, après deux
ans de fur niente. A moi le succès, la fortune, la gloire, les
amours! Je m'installe à crédit dans un coquet petit appartement.
Je fréquente les théâtres, avare d'éloges, prodigue d'épigrammes,
prétentieux, suffisant, cinglant de ce mot : « Nous autres en
Italie!... » tout ce qui me semble de taille à rétrécir mon horizon.
Je continue à avoir beaucoup de maîtresses et à ne rien faire. Un
beau matin et de mon ton le plus impertinent, je vais proposer
à un directeur de théâtre de faire sa fortune : il n'a, pour
cela, qu'à me commander un ouvrage en cinq actes. Croirait-
on que ce pleutre a l'audace de me berner après que je me suis
livré, moi, rien que pour l'approcher, à toutes sortes de bassesses?
Si je pouvais faire exécuter ma symphonie orientale, le Chameau,
demain je serais célèbre, mais on ne persuadera jamais au directeur
de la Société des concerts qu'un Parisien soit capable de composer
une symphonie et qu'il soit permis au peuple français d'instrumen-
236
Ki:VUE El GAZETTE MUSICALE
ter autre chose que des quadrilles. Reste la ressource des éditeurs,
parce qu'enfin j'ai du génie, mais que voulez-vous faire avec des
gens qui vous répondent ; « Vous êtes un homme de génie, je
n'en doute pas; mais à présent tout le monde a du génie. Ils sont
^à-bas dans mon magasin une soixantaine qui ont tous du génie !
Je serais encore éditeur dans cent trente ans que je n'aurais pas
iini de publier toutes les œuvres de génie dont on m'accable? »
C'est alors que je fondais un journal lyrique, dont je fus le rédac-
teur en chef et où je disais de ma musique tout le bien que j'en
pensais. Mon bailleur de fonds ayant l'ait augmenter les appointe-
ments de sa danseuse à l'Opéra, me supprima complètement les
miens, et je dus me résoudre à donner des^leçons. J'avais); pour
élève une riche Américaine : je n'eus rien de plus pressé que de
lui faire la cour et de provoquer son frère. Duel, cour d'assises.
Il s'ourdit contre moi une ligue formidable de bourgeois qui
avaient la petitesse de redouter les relations intimes entre jeunes
filles et jeunes professeurs. Je devais succomber : je succombai!
Ah I quelle est rapide la pente de la misère ! et qu'il est terrible
le vent de l'adversité! Je dépense 2,900 i'rancs pour un concert su-
prême et la recelte s'élève à 40 francs. Me voilàbientôt sans ressources,
sans logement, sans pain, moi le fils d'un boulanger! Je quitte
Paris. J'ai été musicien nomade, pensionnaire d'un saltimbanque,
,chef d'orchestre d'une troupe ambulante, que sais-je?... Aujourd'hui,
je donne des leçons de piano et de solfège à CO centimes le cachet,
dans une ville de sixième ordre, je chante au lutrin et je m'habille
comme un comique du Palais-Royal, étant le professeur attitré de
deux pensionnats de demoiselles d'où les jolis garçons sont bannis
rigoureusement. J'ai épousé la fille d'un bedeau ; j'ai deux enfants.
De l'aîné je ferai un tailleur, du cadet un cordonnier. »
Voilà le commencement, le milieu et surtout la fin de la carrière
des (i prix de Rome, » tels que les connaît, les comprend et les
raconte M. Albéric Second. Eh! mon Dieu! Orphée Godiveau n'est
pas à plaindre, après tout. Paix et peu , il a ce que méritent sa
médiocrité, sa paresse et le reste. Ce ne sont pas toujours les
fautes qui nous perdent, c'est la manière de nous conduire après
les avoir commises. Dans le calme et l'oubli de son village, ce
fruit sec de la réputation, — dans quel abandon tombent ceux qui
s'abandonnent eux-mêmes ! — pourra méditer à loisir sur les ta-
lents robustes qui résistent au succès, après avoir résisté à la misère.
Peut-être comprendra-t-il, trop tard, hélas ! la force, le désinté-
ressement glorieux des maîtres, qui après avoir longtemps tra-
vaillé, combattu et souffert, sans déroger, sans avilir le sentiment
de l'art, travaillent encore et triomphent de tout, ayant pour idéal
l'horreur du mensonge et la passion de la vérité.
En"définitive, Godiveau n'est ni un artiste, ni un prix de Rome.
Vous avez beau l'affubler du prénom d'Orphée, parce que vous
avez voulu en faire un musicien, pour protester à votre façon
contre les encouragements officiels accordés à la musique, votre
héros n'est qu'un pauvre sire sans talent, sans conviction, sans
vocation, sans honneur, capable de tout au demeurant; quanta
être fort drôle, je ne saurais le contester. Mais pourquoi ne pas
conclure? Pourquoi laisser le lecteur sur une impression démora-
lisante? Nous ne vivons, nous ne finissons pas tous. Dieu merci!
comme cette triste exception que vous nous présentez. Il y a
encore parmi nous des caractères qui ne relèvent pas de la for-
tune. C'est votre droit de dévoiler ces hontes et ces misères, sans
vous départir de votre joyeuse humeur, mais c'était votre devoir
de réserver un mot respectueux, sympathique, tout au moins,
aux âmes pudiques et fières, timides et hautes qui savent mourir
sans s'abaisser. A côté de tant d'esprit, un peu de cœur eût été
de mise. A ceux qui sont arrivés, aimés, louanges et contents,
il sied de ne point chercher à décourager ceux qui travaillent, de
ne point rire des malheureux, des faibles, des lâches même qui
tombent en chemin. Vous aurez beau dire, et malgré tous les
Godiveau du monde, ces artistes, musiciens, poëtes, peintres, scul-
pteurs, ces hommes qui osent se mesurer avec l'immortalité, porter
le défi au temps, une partition, un livre, une toile, une statuette
à la main, penser ou chanter tout haut devant leur siècle, sont
encore les plus intrépides de tous les hommes, et si on ne les
admire pas toujours pour leur talent, il faut les respecter toujours
pour leur courage. Il est vrai que je n'ai pas eu, comme M. Al-
béric Second, le bonheur de rencontrer à Royan des « Orphée Godi-
veau » et de leur offrir du vin de Champagne à seule fin de leur dé-
lier la langue, et de jeter sur leurs misères une coquette couverture
aurore et rose! Vous ôtes-vous reconnus, ô prix de Rome, et avez-
vous reconnu l'un des vôtres dans le pitre qu'un homme d'esprit
fait ainsi grimacer devant vous?... Il y aurait trop à dire sur ce
sujet. Je m'arrête. . .
Em. Mathieu DE MONTER.
CORRESPONDANCE.
Vicktj, le U juillet 1868.
I.a plus grande animation règne ici en ce moment ; touslps ))ôtels regor-
gent de monde et depuis sept anspareillea fïluence de baigneurs ne s'était
produite à Vicliy. La chaleur est grande comme partout, mais des ora-
ges quotidiens la modèrent dans la journée et la rendent suppurlable.
Aussi le parc otfre-t-il le coup d'œil le plus attrayant ; les jolies fem-
mes y sont en nombre et les toilettes fort élégantes; je me répéterais en
vous disant que le directeur de l'établissement, M. Arthur Callou, dé-
ploie une activité et une sollicitude rares et au-dessus de tout éloge dans
l'organisation et la variété des divertissements qu'il olïre à ses hôtes.
11 semblait dès cet hiver avoir deviné les splendeurs de cet été excep-
tionnel, et de nombreux engagements faits d'avance lui ont assuré le
concours d'arllstcs d'élite. Je ne parierai pas des comédiens du théâ-
tre Français, qui ont déjà donné plusieurs représentations; mais je
pourrai vous entretenir de auilUu de deux belles représentations de
Galatliéc, dans lesquelles Mme Ugalde et Mlle Werlheimber, qui furent
les créatrices des deux principaux rôlus de l'opéra de Massé, ont été écla-
tantes comme au premier jour. La salle était pleine malgré une tempé-
rature de 33 degrés, et l'air de la Coupe a valu à Mme Ugalde des bra-
vos enthousiastes et des bis réitérés à la suite desquels elle a dû ré-
péter le second couplet.
Pour tenir son engagement ici, Mme Ugalde a dû laisser à Clermont
la troupe avec laquelle elle exploite si fructueusement la Grande- Duchesse,
mais il se pourrait fort bien qu'elle vînt dans les commencements
d'août l'aiie connaître aux habitants de Vichy le chef-d'œuvre d'Ofï'en-
bach. — La musique du kiosque a lieu maintenant trois fois par jour,
et sans vouloir diminuer en aucune façon le mérite de son prédécesseur,
je dois vous dire que M. Callou a eu la main heureuse en confiant la
direction de l'orcliestre à M. Accursi, musicien distingué; ses pro-
grammes sont choisis avec autant de goût que de variété, f'exécution en
est excellente et l'on peut juger du pfaisir qu'on a à l'entendre par la
foule qu'il attire.
Une soirée musicale intéressante a eu lieu vendredi au Casino. M. Schi-
mon, qui fut pendant plusieurs années l'excellent chef du chant au
Théâtre italien, que vous n'avez pas oublié, y faisait entendre un
quatuor et un trio, pour instruments accordes de sa composition. — Le
quatuor est en la mineur et affecte la forme classique, quoique les idées
mélodiques appartiennent plutôt à l'école moderne. Il se compose de
quatre morceaux, un andante, un allegretto, un adagio et un scherzo.
L'auteur l'avait déjà fait exécuter à Florence, etles connaisseurs l'avaient
complimenté sur la clarté du style et le degré d'intérêt obtenu par les
quatre instruments concertants. — Le premier morceau nous a paru
froid, le dessin mélodique y est indécis, les contrastes font défaut et la
monotonie s'ensuit. L'adagio est très-développé, un peu trop peut-être,
mais il y règne plus de vie et de passion; c'est sans C(jntredit la partie
la mieux réussie. Le mouvement donné au scherzo nous a paru trop
lent ; il devait être enlevé agitato et offrir l'entrain ordinaire qu'on attend
d'un morceau final. — Le trio pour piano, violon et violoncelle est en
ré mineur. — L'adagio et le scherzo en ont été également les parties les
plus goûtées. Du reste, il faut dire que ces deux œuvres, qui ne peuvent
qu'ajouter à la réputation de M. Schimon, se sont, à notre avis, pro-
duites dans des conditions tout à fait défavorables à ce genre de compo-
sitions. Elles exigent un local un peu restreint, de nombreuses répétitions
de la part des exécutants et du recueillement de celle des auditeurs ; or
ces conditions n'étaient pas précisément celles qu'offraient le vaste salon
du Casino, avec ses grandes portes ouvertes sur la ferrasse, deux répéti-
tions faites à la hâte et un public nombreux allant et venant sans cesse
DE PARIS.
237
pour chercher une brise rafraîchissante et causant à son aise. Aussi,
malgré le talent de l'auteur qui tenait le piano, de M. Accursi, qui avait
pris le premier violon, et de M. Van der Gucht, violoncelliste, le quatuor
et le trio de M. Schimon ne pouvent-ils être jugés sainement sur cette
audition. — Mlle Gonetti, cantatrice de talent, a fourni à la séance un
agréable intermède en disant, avec un très-bon style et une netleté de
prononciation trop négligée aujourd'hui, un air de l'oratorio Suzanne,
de Haendel.
Maintenant, si je mentionne les charmantes soirées artistiques que
M. Callou donne dans son intimité, qui réunissent les notabilités pré-
sentes à Vichy et oij règne la plus exquise urbanité unie à la plus
grande cordialité ; si je vous dis que dans les grands hôtels du parc
il s'organise des bals qui ne le cèdent pas aux plus brillants et aux plus
gais de Paris — ce dont je viens d'être à même de juger par le bal de
l'hôtel des Ambassadeurs donné hier soir — vous en saurez autant que
moi sur ce célèbre établissement thermal, et vous ne plaindrez pas
trop ceux qui, en venant y chercher la guérison de leurs maux, peu-
vent y suivre leurs ordonnances au milieu de plaisirs si variés.
S. D.
Londres, 22 juillet 4868.
Mardi dernier, à Covent-Garden, le Domino Noir d'Auber a été repré-
senté devant une salle comble. Immense succès. La mise en scène de
Harris est fort belle et les décors sont superbes. L'orchestre de Costa a
été admirable. La chaleur n'a pas entravé l'enthousiasme et les applau-
dissements. L'ensemble était magnifique, mais les artistes, à vrai dire,
ne se sont pas montrés à la hauteur de leur mission. La pièce de Scribe
exige des acteurs et des actrices doués d'esprit et de délicatesse. Nous
n'avons pu entendre lancer le mot, dire le dialogue, comme cela se fait
en France. Scribe brille d'épigrammes, mais même quand les artistes
savent leurs rôles (et certes cela n'avait pas lieu mardi passé ) les traits
d'esprit et d'ironie échappent à beaucoup de monde. J'ajouterai qu'en
anglais la traduction du Domino Noir est loin d'être bonne.
Le Domino Noir, représenté pour la première fois à Paris le 2 décembre
1837, a passé le détroit en d838. Déjà, le 12 février, le premier arran-
gement anglais, par feu M. Edouard Lover, était entendu à Covent-Gar-
den, dans le théâtre qui a été incendié depuis. Malheureusement, le rôle
d'Horace était rempli par un ténor écossais, M. Wilson (mort en Amé-
rique), qui prononçait Ifs paroles avec son accent national ; sa méthode
de chant était de la même école. En 1838, nos orchestres et nos chœurs
n'étaient pas trop forts à Londres.
M. Harrisson et Mlle Louisa Pyne ont tâché de faire connaître pour
la seconde fois les beautés étincelantes du Domino noir, à Covent-Garden,
le 20 février 1841, avec la traduction de M. Chorley. Mais à côté de miss
Louisa Pyne, qui chantait Angèle parfaitement, et d'un basso buffo,
M. Corri, qui fit fureur dans Gil Perez, tous les autres rôles étaient fort
mal tenus : le ténor notamment qui faisait Horace était absolument
absurde. M. Gye avait eu l'intention d'assigner Angèle et Horace à Pau-
line Lucca et à Mario. Mais Mme la baronne de Rahden a quitté Covent-
Garden subitement et le directeur a perdu son Angèle n° 1. Alors c'est
Adelina Patti qui a voulu attaquer le rôle ; mais Mme la marquise de
Caux in futuro n'a pas pu étudier un nouveau personnage avec un ma-
riage qui aura lieu le 28 courant, à l'ambassade française, suivi d'un
déjeuner dont M. le prince de la Tour-d'Auvergiie fera les honneurs.
C'est ainsi que M. Gye a encore perdu son Angèle n" 2. La troisième fois
porte bonheur, quelquefois, et c'est Mme Lemmens Sherrington qui a éié
î'Angèle n° 3. Tout le monde .sait qu'elle est bonne musicienne. Je ne
puis pas, toutefois, m'as-ocier à la description d'Horace en affirmant que
Mme Sherrington «a la tournure la plus élégante et une grâce délicieuse. »
De temps en temps elle a chanté les roulades assez bien, mais elle n'était
pas en pleine possession de ses moyens. Quant à Naudin, vous le con-
naissez; quand il saura mieux son rôle, il aura peut-être plus d'anima-
mation, plus de chaleur. Le succès le plus franc a été pour Ciampi
(Gil-Perez). On a voulu lui faire répéter trois fois le Deo Gralias, mais
il n'a pas répondu au troisième rappel. Tagliafico a joué lord Elfort avec
le flegme et l'humour nécessaires au type français d'un lord anglais.
Au reste, les lords, et il y en avait beaucoup dans les stalles, ont
accueilli avec bonhomie leur caricature. Costa a apporté beaucoup de
soin à l'orchestre et aux chœurs. Le Domino noir aura désormais une
place permanente dans notre répertoire lyrique. La saison prochaine,
Patti et Mario seront I'Angèle et l'Horace, et alors nous verrons.
Je ne vous fais pas l'analyse des récitatifs et des morceaux ajoutés
pour l'arrangement italien. Quand un compositeur se nomme Aubcr,
il appartient tout au plus à un critique anglais, amateur enthousiaste de
votre grand maître, comme tout notre public, en général, de dire que
ce travail a toujours été digne du compositeur de la Muette et du Do-
mino noir. C. L. Gruneisen. »
REVDE DES THEATRES.
Gymnase : les Maris sont esclaves, comédie en trois actes, par
M. de Léris ; les Souliers de bal, comédie en un acte, par M. Oc-
tave Gastineau; le Mur de la vie privée, comédie en un acte, par
M. X. Y. Z. — Gaité : reprise des Fur/itifs, drame de MM. Ani-
cet Bourgeois et F. Dugué.
Parmi les théâtres qui tiennent bon contre les chaleurs tropi-
cales dont nous sommes accablés, et cela au mépris de l'exemple de
fermeture qui leur a été donné par la Comédie-Française elle-même,
il nous faut citer le Gymnase, dont le zèle se manifeste par de nom-
breii?es nouveautés accouplées deuxàdeux. Peut-êtrecst-ce un calcul
pour désencombrer les cartons afin de faire place nette aux favorisés
de [l'hiver! En tout cas, nous pouvons affimer que la direction
s'est trompée, au moins à l'égard d'une de ces dernières pièces qui
eût été digne assurément d'obtenir un sursis de quelques mois.
Nous voulons parler de la comédie de M. A. de Léris, intitulée :
les Maris sont esclaves. Il y a là une excellente moralité, présen-
tée d'une manière ingénieuse et relevée par des détails spirituels,
par d'heureux traits d'observation ; avons-nous besoin de dire que
ce titre, en apparence si aflirmatif n'est, -à tout prendre, qu'une
contre-vérité? Edgard, ennemi-né du mariage, retrouve, après une
longue absence, son ami Roger en puissance de femme, et il n'a
pas assez de sarcasmes, assez de quolibets pour accabler ces pau-
vres maris qui aliènent si gaillardement leur liberté au profit d'un
tyran en jupons. Roger a un bon caractère, il laisse parler son
ami Edgard et ne l'en presse pas moins de venir prendre sa part
des plaisirs du foyer domestique. Mais ici, de mystérieuses diffi-
cultés surgissent. Edgard a toujours quelques objections à faire
aux avances de Roger; il est contraint, inquiet, bizarre. Bref, on
découvre, par des bavardages de valets, que ce célibataire, si fier
de son indépendance, est tenu en charte privée par une maîtresse
fort exigeante, qui partage son domicile et qui y règne en souveraine
absolue. C'est alors que Roger prend sa revanche des plaisanteries
de son ami et les retourne contre lui. Mais au fond Edgard lui
inspire plus de pitié que de colère, et il achève de se venger en
le débarrassant de sa maîtresse et en le mariant à une charmante
petite belle-sœur, qu'il tient en réserve pour compléter la cure.
Cette comédie a grandement réussi, et le nom de M. de Léris a
été proclamé au milieu des applaudissements. Elle est d'ailleurs
très-bien interprétée par Landrol, Nertann, Victorin, ainsi que par
Mlles Angelo et Barataud.
Les Souliers de bal n'ont d'autre valeur que celle d'un petit
proverbe à deux personnages, qui peut se jouer dans un salon,
entre deux paravents. Suzanne, une jeune et jolie veuve, est sur le
point de se remarier, et, en attendant ce grand jour, elle renouvelle
sa maison. On lui adresse une soubrette, qu'elle accepte de prime-
aboi'd, mais dont bientôt les étranges allures font naître ses soup-
çons et sa défiance. Il n'est pas naturel, en effet, qu'une
femme de cette condition ait tant d'esprit, joue si bien du piano,
et explique si couramment Shakspeare. Une lettre vient bientôt
donner à Suzanne le mot de l'énigme. Sa soubrette n'est autre
que la sœur de son prétendu, qui a voulu la connaître et l'appré-
cier avant de lui permettre d'épouser son frère. Suzanne, pour
toute vengeance, force la grande dame déguisée à se mettre à ses
pieds pour lui essayer des souliers de bal, après quoi l'on s'ex-
plique et l'on s'embrasse.
Le sort de ce gentil marivaudage est confié à Mme Pasca et à
Mlle Massin, qui s'acquittent à merveille de leur tâche.
Nous oublions une troisième pièce, qui a cependant le droit
de priorité sur les deux comédies dont nous venons de rendre
238
iiEviii-: i;t r.AZi:ïTE musicalf
compte. C'est le Mur de la vie prirée, agréable production d'un
anonyme, qui a été inspirée par la loi Guilhoutet. Par une suppo-
sition passablement paradoxale, cette loi, bien loin de remplir son
but, n'aurait pour résultat que de protéger tous les petits scan-
dales de la vie privée, qu'il n'est plus permis de livrer à la répro-
bation publique. Une conséquence fort amusante de cette donnée,
c'est l'aplomb superbe de ce domestique qui ne souffre aucune
observation de la part de son maître, sous prétexte qu'il est abrité,
lui aussi, par le mur de la vie privée.
— Les théâtres de drame se livrent tous à des reprises, au
nombre desquelles nous signalerons celle des Fugitifs, qui a eu
lieu à la Gaîté, et qui emprunte une certaine importance à la
façon dont elle est jouée par Paulin Meinier, par Lacressonnière
et par Mme Marie Laurent, ainsi qu'aux deux ballets nouveaux
qu'y a introduits M. Justamant.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRÎQDES.
**^ Le Ihéiilre impérial de l'Opéra a donné lundi et vendredi le Trou-
vère, et mercredi Herculanum.
*% Le premier et si décisif succès de Mlle Julia Hisson dans le Trou-
vère s" efit mliàerncnt conRrmé. Plus sûre d'elle-même, la jeune débu-
tante a pu mettre toute la beauté et toute l'ampleur de sa voix au ser-
vice de son profond sentiment dramatique. On l'a chaleureusement
applaudie à plusieurs reprises. Elle était, du resie, parfaitement secon-
dée par MUe^Bloch, ainsi que par Morèro, Devoyod ci Caslelniary.
,j% A rOpéra-Cnmique, 1rs Drarjons de Villars, Ilaydèe, le Domino noir,
Gatathée et le Docteur Mirobolan continuent à braver vaillamment les
chaleurs. Ce théâtre n'aurait pu choisir un spectacle d'été plus at-
trayant. L'œuvre d'Aimé Maillart a été représentée trois fois cette se-
maine.
^*^ Nous pouvons donner comme certaine la liste suivante des engage-
ments faits par M. Bngier pour la saison prochaine des Italiens, de Paris:
— Prime dorme : Mmes Adelina Patti, Irma de .Mur^ka, Grossi, Krauss,
Ricci, Rosello, Ernestina Urban (mime). — Ténors: MM. Tamberlick,
Nicolini, Fraschini, Palermi, Ubaldi. — Barytons: M.M. Dellc Sedie,
Verger, Steller, Agncsi. — Basses : MM. Ciampi, Zinielli, Wallcnrcitcr,
Mercuriali et Fallar.
^'^'j^ La Belle Hélène a repris sa place sur l'afliehe des Variétés. Mlle
Taulin v remplit le rôle principal avec talent et e-prit.
s** Après des débats fort intéressants, mais qu'il nous est interdit de
reproduire, le chapitre du budget relatif aux subventions théâtrales a
été voté, mardi dernier, par le Corps législatif. La subvention du théâtre
Lyrique se trouve, par conséquent, maintenue; elle s'élève à '100,000 fr.
On sait que la subvention accordée à l'Opéra est, avec les accessoires, de
1,200,000 francs et celle de l'Opéra-Comique de 2i0,000 francs.
,*^ Les recettes brutes faites pendant le mois de juin dernier dans
les théâtres impériaux, secondaires, concerts, etc., ont été de 821,049 fr.
j,*^ Verdi composerait, dit-on, sur un livret de Ghislanzoni, un nou-
vel opéra intitulé : Falstaff.
,% M. Duprato travaille activement à la partition de son nouveropéra
Griseldis, poème de MM. Sardou et du Locle.
„*„ M. Husson, directeur du Grand-Th('âtre de Marseille, complète, en ]
ce moment, sa compagnie lyrique. Les engagements déjà faits et les ou-
vrages annoncés par cet habile et courageux imprésario laissent espérer
que le succès de ta prochaine campagne le dédommagera des difficultés
et des sacrifices de la précédente.
^*,^ Le théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, prépare sa réouver-
ture pour le l"' septembre. Les principaux artistes engagés par M. Le-
tellier sont : Mlle Lombia (contralto); Mmes Sallard, Marimon, Marty,
Dumestre (premières scprani) ; MM. Massy, Jourdan, Barbot, Tournade
(ténors) ; Dumestre et Ch. Lepers (barytons); Giraudet, Jamet et Cha-
puis (basses chantantes).
NODVELLES DIVERSES.
t*3t Le mariage de Mlle Adelina Patti avec M. de Caux est définiti-
vement arrêté. Les premières publications ont eu lieu à la mairie du
!«'' arrondissement; en voici la teneur : « M. Louis-Sébastien-Hehri de
Roger de Calsuzac, marquis de Caux, fils du comte et de demoiselle Hu-
guet de Vnrange, actuellement femme du duc de Valmy, et Mlle Adèle-
Jeanne-Mario Patti, propriétaire, fille de M. Salvatore Patti et de Cathe-
rine Bhioza, rentier,-;. » Le mariage légal aura lieu, la semaine pro-
chaine, à l'ambassade de France k Londres. Notre ambassadeur, M. le
prince delà Tour-d'Auvergne, serait, dit-on, témoin de M. de Caux, dont
il est cousin. Le duc et la duchesse de Valmy, mère et boau-përo du
marquis deCaux, sont partis pour Londres. Le prince et la princes.se de
Galles, ain.si qu'un gr;md nombre do personnages de la plus haute aris-
tocratie anglaise, ont déjà adressé leurs félicitations à Mlle Patti et à
M. de Caux, qui se serait montré doublement gentilhomme par son dé-
smtéressement à l'endroit des conditions du contrat. On s'est beaucoup
occupi! ces derniers temps, à propos de cette union, d'une question d'é-
tiquette de cour qui ne concerne personnellement que M. de Caux,
officiiT d'ordonnance de l'Empereur. Nous rappellerons à ce sujet
qu'aux termes d'une ordonnance de Louis XIV, en date du mois de
mars 1672, et qui n'a été ni contredite ni abrogée par d'autres disposi-
tions royales ou législatives, « tous gentilshommes et damoiselles peuvent
chanter (sur la scène) sans que pour cela ils soient censés dérogera leurs
titres de noblesse o Au surplus, ce qui nous fiiit attacher une médiocre
importance à cette question, c'est que Adelina Patti restera à la musique,
au théâtre, du moins tant que tous ses engagements ne seront pas rem-
plis et que nous l'applaudirons, avant trois mois, à la salle Ventadour.
a,*,^ MM. le docteui- Guillaume Stade, maître de chapelle de la cour
de Saxe-Alteudiourg et Charles Riedel, directeur du Riedel-'^'erein, célèbre
société musicale de Leipzig, ont adressé à Hector Berlioz le télégramme
suivant : « Nous avons l'honneur de vous annoncer que votre Symphonie
fantastique et votre Kequiem, exécutés tous deux ici dans leur entier, ont eu
le succès le plus éclatant devant un auditoire composé de musiciens de
tous les pays. Au nom de l'Allemagne, de l'Autriche, de la France, de
la Russie, de la Hongrie, de la Belgique, de la Suisse, de l'Amérique,
etc., nous vous exprimons le respect et la vénération profonde que vos
œuvres nous inspirent. » Puissent ces témoignages spontanés et chaleu-
reux d'une admiration sincère contribuer à apporter quelque soulage-
ment aux souHrances de l'illustre maître!
,j;*^ Vendredi dernier, le procès qu'intente M. Blaze de Bury aux hé-
ritieis de Mcycrbeer e.-t venu à la première chambre du tribunal civil
de la Seine. 11 s'agit d'un drame de M. Blaze de Bury, la Jeunesse de
Goethe, pour lequel Meyerbeer avait composé, quelque temps avant sa
mort, un intermède mu.sical. Nos lecteurs trouveront des ren.seignemonts
précis à ce sujet dans notre numéro du 9 février de cette année. L'af-
faire a été remise à huitaine.
)f*^ Mme Strakosch, née Amalia Patti, dont les succès de cantatrice
ont éti! nombreux en Amérique, vient d'arriver au Havre, oIj son mari
étiiit allé à sa rencontre. Elle va se rendre à Londres pour le maringe
de sa sœur, et se fixer ensuite avec sa famille à Paris.
^*^ Mlle Marie Lefébure-Wély, l'une des filles de l'éminent organiste
de Saint-Sulpice et piani.ste distinguée elle même, a épousé celte se-
maine M. Ch. Vide."oq, ingénieur civil des mines.
,^** De tous les établissements d'instruction publique de Paris, l'Insti-
tution impériale des Jeunes Aveugles e-t bien certainement l'un de ceux
oîi la musique est le plus en honneur, et où. elle est cultivée, enseignée
avec un soin, nous p.ourrions dire avec une sollicitude, qui permet aux
élèves de trouver dans cet art une ranière. Nous avons déjà eu souvent
l'occasion de dire luut lu bien que nous pensions de l'impulsion féconde
imprimée à l'enseignem'-nt music d dans cette maison et d'en constater
les heureux résultats. Dimanche dernier, il nous a été donné de pouvoir
les apprécier de nouveau. Pendant la messe, les chœurs ont interprété,
avec un ensemble piirfait et un l'emarquable agencement de nuances,
un Introït, un Graduel et une Communion, au caractère imposant et
large, de M. Roussel, maître de chapelle et organiste de l'Institution; un
Gloria e[ un Ajjnus de M. Gauthier, un U Sulutaris délicatement ciselé
par iMlle Hesselbeim, professeur d'harmonie de la division dos femmes.
Aux vêpres, nous avons été charmés par la belle voix de Mlle Mallard,
jeune élève non-vuyante qui a chanté avec le plus grand style, et fort
bien accompagnée par la clarinette et le quatuor, un Aoe Maria de
Clierubini et l'.-ly; verum de Mozart. Les chœurs étuient dirigés par
M. Roussel, et l'orgue était tenu par M. Lebel, l'excellent orgauiste de
Saint-Étienne-rlu-Mont, professeurs des plus méritants et des plus dévoués
de rinsLilutiou. Le> fêtes musicales de la maison des Jeunes Aveugles
impressionnent vivement ceux qui y assistent. On est heureux de pen-
S' r que, grâce à de nobles efforts et à de patientes études, la musique
devient pour ces pauvres déshérités de la nature une consolation, une
amie, comme une lumière intérieure et un avenir!
^*^, Nous sommes en retard pour parler de l'intéressant concours annuel
de musique qui a eu lieu à l'institution si renommée de Mlles Méri-
geaud et Barlas, dont maintes fois nous avons eu occasion de constater
la supériorité des études. Entre autres professeurs émérites , M. et Mlle
Delioux, MM. Kruger, Masse et Hammer y ont formé et fait entendre de
fort bonnes élève.s, parmi lesquelles nous avons surtout remarqué Mlles
G. Calderon, R. Aron , Bertout, Davy, Blum, Gautrot, Hoy et Alston ;
leur talent précoce et leur bonne méthode méritent d'être -signalés. Le
DE l'A lus
"239
chœur de la Fête au Lido do llaydée, exoculc d'une iaçoii trùs-satisfui-
santc, a brillamment terminé cette séance.
^** Mme Oscar Comettant, dont les cours de chant ont si brillam-
ment réussi h Versailles, réunissait dimanche dernier les élèves de son
cours élémentaire : une vingtaine de filletles pétries de roses et de laii.
Ce petit monde a dit avec beaucoup de charme et de mesure deux
chœurs à Irois parties, dont le dernier a été redemandé par le public
des mères et des papas enthousiasmés. Pour le reste du programme, il
a été rempli de la plus heureuse manière par deux premiers prix du
Conservatoire : Mlle Tayau, violoniste, et M. Antonin Corbaz, pianiste.
Mme Cumettant a chanté deux délicieux morceaux avec son succès ac-
coutumé.
^*^ Nous nous empressons de reproduire la lettre suivante, qui vient
de nous être adressée par M. Philippe H. Herz neveu :
1) Je vous demande la permission de vous rappeler que notre maison
est la seule de France qui ait obtenu la médaille d'or à l'Exposition uni-
verselle de J8C7, pour la fabrication des pianos.
» L'omission do iwtic nom dans la première édition du catalogue of-
ficiel est le résultat d'un malentendu, et elle va être réparée.
» Tous nos instruments portent la reproduction de la médaille d'or,
avec la mention de la .'■éance dans laquelle le jury international nous a
décerné cette haute récom[]ense. »
Nous n'ajouterons qu'un mot à cette lettre. Pour qu'une maison nou-
velle, fondée il y a cinq ans à peine, obtienne une médaille d'or, c'est-
à-dire la récompense la plus significative, la première fois qu'elle sou-
met ses instruments à l'appréciation d'un jury, et alors qu'elle a pour
concurrents des établissements dont l'existence est bien plus ancienne,
il faut que les produits de cette nouvelle maison aient une supério-
rité éclatante, incontestable. C'est ainsi, du reste, que le jury interna-
tional a jugé les pianos de M. Philippe H. Herz neveu: son vote le
prouve. On sait, en effet, que la médaille d'or a été décornée à ce jeune
et déjà célèbre facteur à la majorité de 14 voix sur 15 membres pré-
sents. Nous aurons occasion de parler dans un de nos prochains numé-
ros d'innovations importantes que la maison Philippe H. Herz neveu et
C^ introduit en ce moment dans la facture de ses pianos.
^% Nous extrayons d'une lettre de notre collaborateur, 51. Elwart, le
passage suivant : o La statue de Lesueur, à l'inauguration de laquelle
j'eus l'honneur de prononcer un discours au nom des H. Berlioz, des
Ambroise Thonaas, des Gounod, des Xavier Boisselot, des Eugène Prévost,
des Paris et de tous ses autres élèves, moins illustres peut-être, mais
non moins dévoués à sa chère mémoire, a étél'objet d'un pieux pèlerinage
de ma part à Abbeville. Elle a été érigée sur la place Saint-Pierre de
cette ville. C'est une belle et bonne composition due au ciseau de
M. Louis Rochet et fondue eri bronze par M. Denis. »
^*t Le défaut d'espace nous oblige à remettre au prochain numéro la
publication de quelques extraits d'un travail fort intéressant que M.
Szarwady vient de publier dans l'Indépendance Belge, sous le titre de :
Lettre allemande sur la musique fnnçaise.
^** Une commission vient dese constituer en AllemagneàlVffet de recueillir
des souscriptions pour ériger à Leipzig un monument à la mémoire de
Mendelssohn. Cette ville fut, en effet, la patrie adoptive de cegrandcomposi-
teur.l'un des mieux inspirés et desplus sympathiques de notre époque. 11 y
a été aimé et honoré pendant la période la plus brillante de sa carrière.
Ce fut par son initiative que cette ville devint l'un des principaux centres
d'activité musicale de l'Allemagne; ce fut sous sa direction que les con-
certs du Gewandhaus prirent l'importance qu'ils ont conservée. Mendels-
sohn est mort à Leipzig et son souvenir y est resté l'objet d'un culte
public. Bien que celte dette de reconnaissance et de patriotisme soit
allemande avant tout, les amateurs, les artistes des autres pays, d'Angle-
terre, notamment, où Mendelssohn a fait plusieurs voyages et laissé de
vifs souvenirs, tiendront certainement à honneur de contribuer à l'érec-
tion de la statue de Leipzig.
^** M. H. Mendel, de Berlin, l'auteur de la biographie d'Otto Nicolaï,
vient de mettre la dernière main à celle de G. Meyerbeer. Ses relations
avec l'auteur des Huguenots et son talent bien connu nous promettent
un travail intéressant.
f:*^ Deux curieux automates attribués à Vaucanson et remis en état
par Robert Houdin, une Joueuse de tympanon et une Mandoliniste, figu-
rent dans les galeries de notre Conservatoire des Arts et Métiers.
„,** On annonce la mort : de M. Jules Bovery, chef d'orchestre du
théâtre de Cluny, auteur de quelques opérettes et pantomimes représen-
tées aux Folies-Nouvelles; — de Camille Michel, artiste très- aimé au
boulevard, compositeur d'un certain talent, habile pianiste qui avait ob-
tenu un premier prix de piano au Conservatoire, et qui avait eu plu-
sieurs fois des succès populaires; — du poëte irlandais Samuel Lover,
le dernier des bardes : il aimait à chanter lui-même ses mélodies, dont
la grâce semblait alors plus séduisante encore.
ÉTRANGER
**« Londres. — Covent-Garden est fermé. Jeudi a eu lieu kdornièi'e
représentation, au bénéfice d'Adelina Patti. Elle se composait du premier
acte de liomeo, du troisième de Pauslo et du second de la Figlia del
regimento. La jeune diva a été acclamée, rappelée, accablée de bouquets.
— A Drury-Lane, les extra-nights ou représentations supplémentaires
durent depuis le li. Il Flauto magico, avec Mlle Nilsson dans le rôle de
la reine do la nuit, en italien yistrifiammante, dont elle a fait une si
charmante création, a été donnée le 18 et le 23. Samedi prochain la
clôture pour le bénéfice de Mlle Tietjens.
sf*:,, Bruxelles. — Un concert monstre a été donné jeudi, au Champ des
Manœuvres, pur toutes les musiques militaires de la garnison, sous la
direction de M. 'Valentin Bender. Le programme comprenait la marche
du Songe, de i\lendelssohn ; l'ouverture de l'Etoile du Nord , la marche
indienne de rAfricaine, la bénédiction des poignards des Huguenots, etc.
— Un Te Deum fort remarquable, de M. Joseph Brzowski, inspecteur du
Conservatoire de Varsovie, a été exécuté mardi dans l'église des SS. Mi-
chel et Gudule, à l'occasion de l'anniversaire de l'inauguration de la
dynastie régnante.
„;*„, Baden-Baden, — Samedi dernier, le cinquième grand concert des
Salons de la Conversation avait attiré un public nombreux et élégant.
Mme Carvalho a admirablement chanté un air A'Actèon. Le duo des A'oces
de Figaro, dit par elle avec un goût exquis et par Mlle Schroeder, a été
redemandé. Cette dernière, que l'on entendait ici pour la première fuis,
a fait preuve de beaucoup de sentiment joint à une simplicité délicieuse
dans le grand air du Freischutz. On l'a très-chaleureusement applaudie
et on lui a offert un énorme bouquet composé des fleurs les plus rares.
Le succès du violoncelliste Nathan a été très-franc. Samedi, 23 juillet,
sixième concert. Le 1=' août commenceront les représentations de l'Opéra
italien.
.Je** Hombourg. — Le Théâtre-Italien a ouvert le 18 juillet par la
Fille du régiment av(3C Agnesi et Désirée Artôt ; le public leur a fait fête
à tous deux, mais il a accueilli Mlle Artôt avec un véritable enthousiasme.
La célèbre cantatrice a retrouve ici, une fois de plus, les triomphes et
les acclamations qui saluent ses débuts sur toutes les scènes de l'Europe.
On attend pour le 13 août Adelina Patti, qui commencera ses représenta-
tions par Marta.
^*^ Ems. — Le 13 juillet, a été donnée au Kursaal une représentation
dramatique dans laquelle on avait intercalé une jolie opérette d'Offen-
bach, le Fifre enchanté, ou le Soldat magicien. Malgré une chaleur tropi-
cale, aucune place n'était vide.
ii*,Y, Berlin.— Le concours pour le prix de composition (fondation Meyer-
beer), a été ouvert pour la deuxième fois, d'après les statuts, le 1" juillet.
On se rappelle que l'illustre maître a laissé par son testament une somme
dont les intérêts, destinés à couvrir les frais d'un voyage artistique, >ont at-
tribués au lauréat d'un concours qui a lieu touslesdeux ans. — La Vie
Parisienne d'Oflfenbach va atteindre sa deux-centième représentation au
théâtre de Friedrich-Wilhelmstad. La direction fait des préparatifs pour
ce jour-là, et Offenbach s'est engagé à écrire un prélude.
^*^ Munich. — Les Ueistersinger ont été donnés une quatrième fois,
toujours avec succès. On va monter cet opéra à Dresde, avec Tichatschek,
Mlle Hœnisch et M. Degele.
„,** Vienne. — La construction du nouvel Opéra est fort avancée. La
scène pourra être livrée au directeur le 1°"' octobre, et le reste à la fin
de décembre. L'inauguration ne pourra guère avoir lieu avant le milieu
de février prochain. — Sontheim a remporté un magnifique triomphe
dans l'Africaine ; il a chanté Vasco avec l'intelligence et la verve qu'il
apporte dans tous ses rôles, et a provoqué à diverses reprises des salves
d'applaudissements.
^'^^ Livourne. — Mlle Linda Caracciolo, charmante cantatrice, élève
de Henri Panofka, a obtenu un très-vif succès à la villa des époux
Tiberini, où elle s'est fait entendre. Les grandes scènes de l'Italie ne lar-
deront certainement pas à attacher à leur ciel aujourd'hui un peu nua-
geux, celte nouvelle étoile du chant.
»*:j Barcelone. — Le Domino noir a suivi sur notre scène les Dragons
de Villars et a produit un effet extraordinaire, grâce au talent et à l'en-
semble des interprètes. Mlle Dupuy prête sa voix étendue et flexible, sa
méthode parfaite, sa remai'quable facilité aux mélodies et aux vocalises
du charmant rôle d'Angële. MM. Blum, Trillet et Dubosc (Gil-Pérez) ont
largement contribué au succès décisif de la soirée et en ont été chaude-
ment récompensés.
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ËTUDES POUR LE PIANO
Adam père [li.]. CINQUANTE LEÇONS
PRÉLIMINAIRES] pour les petites
mains, cloigtées,extr. de sa Méthode. . 15 »
Alkan (C.-V.). Op. 31. VINGT-CINQ PRÉ-
LUDES dans tous les tons majeurs et
mineurs pour piano et orgue, 3 suites,
chaque 9 n
— Op. 05. DOUZE ÉTUDES dans tous les
tons majeurs, 2 suites, chaque. ... 20 a
Bach (aean-JSébastien). LE CLAVECIN
BIEN TEMPÉRÉ : Préludes et fugues
dans tous les tons majeurs et mi-
neurs, soigneusement doigtés, 2 suites,
chaque 25 a
Les deux suites réunies &8 •
Bériot flls. Op. I. ETUDE-CAPRICE.. . 9 »
Blamenthal. Exaltation, étude 5 »
Chopin (F.) . VINGT-QUATRE PRÉLUDES,
2 livres, chaque 9 »
— Op. 10. VINGT- QUATRE ÉTUDES,
1""' livre 18 »
— Op. 15. ÉTUDES, 2' livre 18 »
— TROIS ÉTUDES extraites de la Méthode
des méthodes 7 50
— Op. 45. PRÉLUDE 6 «
Clementl. ETUDES DES GAMMES JOUR-
NALIÈRES. . 6 »
— PRÉLUDES ET EXERCICES dans tous
les tous, 2 livres, chaque 9 »
Cramer (.»,-«.). Op. 73. VINGT-CINQ
ÉTUDES CARACTÉRISTIQUES. . . )5 »
— Op. 100. SOLFÈGE DhS DOIGTS, nou-
velle école pratique du piano, consis-
tant en cent exemples d'une difficulté
progressive et d'une grande variété de
formes, servant d'exercices prépara-
toires à l'exécution des compositions
modernes et des grandes études de
l'auteur 20 »
— Op. 10 ;. Hommage à Mozart. DOUZE
GRANDES ÉTUDES MÉLODIQUES . . 20 «
— ÉTUDES EN QUARANTE - DEUX
EXERCICES, 2" livre 18 a
— EXERCICE JOURNALIER, consistant en
gammes dans tous les tons, en exer-
cices calculés pour donnei' aux mains
la position convenable, et iervant
d'introduction aux Études de dé-
menti, Cramer. Moschelès, etc. ...On
— ÉTUDES DE DÉLASSEMENT, collection
de pièces doigtées et classées progres-
sivement ... 12 »
Czcrn? (Ch.). ÉTUDKS DES ÉTUDES.
Encyclopédie des passages brillants
tirés des œuvres des pianistes célèbres,
depuis Scarlatti jusqu'à nos jours,
classés par ordre chronologique,
2 livres, chaque 15 »
— Op. 139. CENT EXERCICES doigtés et
très-gradués pour les commençants,
4 suites, chaque 6 •
— Op.337. EXERCICE JOURNALIERpour
atteindre et conserver le plus haut
degré de perfection, consistant en
quarante études 12 ii
— Op. 409. CINQUANTE ÉTUDES SPÉ-
CIALES, 2 suites, chaque 20 »
— Op. 453. CENT DIX EXERCICES fa-
ciles et progressifs, 4 suites, chaque. 10 d
Les quatre suites réunies 30 »
— Op. 599. LE PREMIER MAITRE DE
PIANO, cent études journalières et
progressives, 4 livres, chaque. ... 6 »
Czerny (Ch. ), LE PARFAIT PIANISTE,
collection complète d'études :
l»' vol. Op. 599. Le Premier Maitre ie
piano , soixante -quinze études
journalières 12 i
2" — Op. 748. Le Début, vingt-cinq étu-
des pour les petite» mains ... 12 »
3* — Op. 749. Le Progrès , premiar li-
vre , vingt-cinq études 12 »
4' — Op. 750. Le Progrès, 2'liv., trente
études 12 »
0" — Op. 151. Exercices d'ensemble, éta-
des à quatre maios 12 >>
6" — Op. 699. N" 1. L'Art de délier les
doigts, 1" livre, vingt-cinq études. 18 •
7' - Op. 099. N" 2. L'Art de délier les
doiijt», 2' livre, vingt-cinq études. 18 »
8' — Op. 755. Le l'erfeclionneiyient ,
vingt-cinq études caractéristiques. 24 "
9" — Op. 756. N' 1. Ls Style, premier
livre, vingt-ci.'q études de salon. 24 >
10" — Op. 756. N° 2. Le Sti/le, deuxième
livre, vingt-cinq études de salon. 24 »
— Op. 754. SIX É'I UDES ou amusements
de salon :
1. Etude 4 50
2. Toccata . . . . ' 4 50
3. Tarentelle 4 50
4. Impromptu & l'écossaise 4 50
5. Romance 4 50
6. Impromptu passionné 4 50
Les six réunis net 10 »
— Op. 77". LES CINQ DOIGTS, vingt-
quatre exercices très-faciles, sur cinq
notes, dans les tous les plus usités,
2 suites, chaque 6 »
— Op. 807. HECTAMÉRON. Cent études
nouvelles, progressives et de perfec-
tionnement eu 10 livraisons chaque. 9 »
— Op. 817. LE JEUNE ÉLÈVE, quatre-vingts
morceaux faciles et progicssifs suivis
d'études journalières dans tous les
tons, 2 livres, chaque 9 n
— Op. 818. LA VOLUBILITÉ, cinquante
études en 2 suites, chaque 12 u
— Op. 819. LA MÉLODIE, vingt-huit étu-
des mélodiques et harmoniques ,
3 suites, chaque 9 »
— Op. 820. QUATRE-VINGT-DIX nouvelles
études jouriialièrcs pour perfectionner
l'agilité des doigts 12 »
— Op. 821. LES HEURES DU MATIN, cent
soixante exercices, 4 suites, chaque . 10 jj
Uoehler (Th.), Op. 4i. CINQUANTE
ÉTUDES DE SALON, 2 livres de ■ me- 20 o
sures, 3 suites chaque 70 »
— Op. 45. N° 1. DEUX ÉTUDES compo-
sées par la Méthodes des Méthodes. 7 50
Les mêmes arrangées à 4 mains . . 7 50
Dreyschock. Op. 4. LE TRÉMOLO. . . 5 «
Cerville (C-P.). Op. 4. Rossignol et Fau-
vette, étude de salon 5 »
— Op. 9. La Locomotive, étude de vélocité 6 »
CSoria. Les Regrets, impromptu-étude ... 6 »
Heller (Stephen). Op. 81 VINGT-QUA-
TRE PRÉLUDES dans tous les tons.
2 suites , chaque 9 »
— Op. 29. LA CHASSE, étude caractéris-
tique 6 »
Henselt. Op. 2. POEME D'AMOUR, étude. 6 »
— LA GONDOLE, étude 4 •
Kalkbrenner (F.) . AJAX, étude 5 <•
Kessier. Etudes 30 »
Knecht. Op. 10. Etude de concert pour la
main gauche sur Norma 7 60
Knllack. Op. 37. Perles d'écume, fautaisie-
étude 7 50
lilszt (Fr.). VINGT-CINQ GRANDES ÉTU-
DE.S, 2 suites, chaque ÏO >
— MAZEPPA, étude 7 50
Hatbias (Oeurg^rs), Op. 10. DIX ÉTUDES
DE GENRE 20 »
Mendelssohn (F.). Op. 35. SIX PRÉLU-
DES ET FUGUES 12 i
— Etude en fa mineur, extraite de la Mé-
thode des Méthodes 5 »
— Prélude et fugue 5 »
Uolard (\.). Etudes mélodiques 18 »
Uoschelèx. Op. 95. DOUZE GRANDES
ÉTUDES CARACTÉRISTIQUES pour
le développement du style et de la
bravoure 18 »
— Op. 105. Deux études 6 »
llnller. PIÈCES INSTRUCTIVES pour le
piano, six livraisons à l'usage des
pensions, chaque 5 »
Palmcr. Murmures, nocturne-étude .... 6 »
Ilosenhain (J.). Op. 20. VINGT-QUATRE
ÉTUDEi MÉLODIQUES servant din-
troduction à celles de Crammer. . . 12 »
Nchmidt (A.). ÉTUDES: Exercices pré-
paratoires pour obtenir l'indépen-
dance et l'égalité des doigts, suivis
de 20 études 9 »
Stœpel. Op. 41. VINGT-QUATRE AIRS,
précédés de petits exercices pour les
premiers commençants 6 »
Taubert. Op. 41. LA CAMPANELLA, étude 6 »
Thalberg (S.) Op. 26. DOUZE ÉTUDES,
2 suites, chaque 12 u
— Op. 36. Grande étude en la mineur . . 7 50
— La même, à 4 mains 7 50
— Op. 45. Thùme et étude en la mineur. 7 50
— Les mêmes, à 4 mains 7 50
— L'eux études composées pour la Méthode
des Méthodes 7 50
Tirpcnne. CENT ÉTUDES GRADUÉES, di-
visées en cinq livres :
l"liTre : Etudes primaires 12 »
2" livre : Etudes élémentaires .... 12 »
3' livre : Etudes de genre 15 »
4" livre : Etudes de vélocité 15 •
5' livre : Etudes des tonalités. ... 15 •
Vlgnerie LES GAMMES dans tous les tons
majeurs et mineurs en 3 octaves. . . 3 »
Vos8 (Ch.). Op. 140. N°l. Le Balancier,
étude brillante de rhyihme 5 i
— N° 2. Le Collier de perles, étude bril-
lante 5 »
— Op. 161. Écume de Champagne, grande
étude de concert 9 •
— Op. 167. Le Frisson du feuillage, im-
promptu, étude 5 »
— Op. l'JO. N" 1. Plaisanterie, étude. . . 6 »
N" 2. Légèreté, étude 5 »
— Op. 171. Les Battements du Cœur. . . 5 »
— Op. 184. Extase, grande étude .... 4 »
■Wolff (É.louard). Op. 20. VINGT-QUA-
TRE GRANDES ÉTUDES (1" Hvre). 24 »
— Op- 50. VINGT-QUATRE GRANDES
ÉTUDES dédiées à Thalberg (2' livre) 24 •
— Op. 20. L'ART D'î L'EXPRESSION,
vingt-quatre études faciles et progres-
sives, 2 livres, chaque 9 «
— Op. 100. L'ART DE L'EXÉCUTIOIV,
vingt-quatre grandes improvisations
en forme d'études, divisées en deux
livres, chaque 15 »
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REVUE
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PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. 2* r.paran
Départements, Belgique cl Suisse — 30 f, id.
Étranger 34 i id.
Le Journal paraît le Dimanche.
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Conservatoire impérial de musique et de déclamation : con-
cours publics. — Études sur Charles-Marie de Weber (troisième partie, 6" ar-
ticle], par Edmond IVenkomm. — Les Théâtres lyriques secondaires à
Paris depuis 1820 (4' article), par Arthur I*ong^in. — Entrefilets. —
Revue des théâtres, par D. A. U. ISaint-'V.eii. — Nouvelles des théâ-
tres lyriques. — Nouvelles diverses. — annonces.
COSSERYÀTOIRE HSPÉRIÂL DE fflUSIQUE ET DE DËCUIBATION.
Concours pnbltca.
Les derniers concours publics ont eu lieu les lundi 27 et mardi
28 Juillet. Eu voici les résultats :
Séance du lundi 27 juillet.
FLUTE.
Professeur : M. Dorus.
1" prix : M. Rauch. — 2' prix : M, Mêlé. — jI«f accessit : M. Leh-
mann. — 2'= accessit : MM. Jouve et Houziaux.
HAUTBOIS .
Professeur : M. Colin.
1" prix : M. Pradel. — 2° prix : MM. Vautrin et Larrieux. —
1"' accessit : M. Gillet. — 2° accessit : M. Eybert. — 3° accessit :
M. Pointis.
CLARINETTE.
Professeur : M. Klosé.
1" prix : M. Rousseau. — 2° prix : M. Starck. — l"' accessit :
M. Ansart. — 2° accessit : M. Schwartz. — 3° accessit : M. Creusez.
BASSON.
Professeur : M. Cokken.
1" prix : M. Bourdeau. — 2" prix : M. Foumier. — l'f acces-
sit : M. Quieney. — 2° accessit : M. Leziart.
COR.
Professeur : M. Mohr.
l'f prix : M. Mellet. —• 2« prix : M. Willemolte.
Séance du mardi 28 juUlet.
Jury : M. Auber, directeur-président; François Bazin, Benoist,
Jules Cohen, Charles Colin, Emile Durand, Jancourt, Georges
Pfeiffer et Rousselot.
TROMPETTE.
Professeur : M. Dauverné.
V' prix : M. Chavanne. — 2" prix : M. Dubois. — Pas de pre-
mier accessit. — 2'' accessit : M. Malandran.
TROMBONE A COULISSE.
Professeur : M. Dieppe.
Pas de premier prix. — 2'= prix : MM. Picarda et Bouquet.
Classes des élèTes militaires annexés an Conserratotre.
TROMBONE A PISTONS.
Professeur : M. Dieppo.
1^' prix : M. Thouvenel. — Pas de second prix. — l" acces-
cit : MM. Bernard et Rousseau.
CORNET A PISTONS.
Professeur : M. Forestier.
Pas de premier prix. — 2' prix : MM. Gassian et Baculard. —
Pas de premier accessit. — 2" accessit : M. Pfersdoff. — 3° acces-
sit : MM. Michelin et Jacob.
SAXOPHONE .
Professeur : M. Sax.
l": prix : M. Ollagnier. — 2° prix : M. Wetzel. — 1"* accessit :
M^Leiber. — 2' accessit : MM. Pitont et Quignard : 3' acces-
sit : MM. Pelotier et Pericat.
SAXHORN.
Professeur : M. Arban.
l'r prix : MM. Cha>-anne et Jouvenot. — 2= prix : MM. Stoltz et
Carbonni. 1" accessit : M. Aubert.— 2" accessit : M. Godart.
242
UEVLE ET GAZETTE MUSICALE
ETUDES SUR CHÂRLES-MÂBIC DE WEBER.
D'après la blograpbic écrite par son fliN.
TROISIEME PARTIE.
(6» article) (I).
Le printemps venu, Weber se liûta de transporter ses pénales
au sein de la campagne luxuriante qui environne Dresde. Son
choix s'était arrêté sur une petit village nommé Hosterwitz , situé
aux bords de l'Elbe, non loin de la résidence royale de Pillnitz,
au pied même de cet amas de montagnes et de gorges sombres
qu'on appelle « la Suisse saxonne. » Retiré dans cette solitude,
Weber ne se laissa distraire que par ses ibnctions au théâtre de
Dresde, qui exigeaient souveiit sa présence dans cette ville. Le
reste du temps se; passait en promenades, en parties sur l'eau et
en excursions dans la montagne. Après un hiver aussi rempli de
soucis que celui qu'il venait de traverser, ce repos de quelques
semaines rétablit la santé du maître, altérée par les dernières lut-
tes ; il vivait heureux à Hosterwitz loin de ses ennemis' et de ses-
envieux, entouré de ses amis du cénacle de Chiaponc, auxquels
venaient se joindre souvent le célèbre castrat Sassaroli et les
frères Roth, attachés tous deux comme clarinettistes à la chapelle
royale. Weber eut, en outre, la joie d'oH'rir l'hospitalité dans sa
chaumière d'Hosterwitz, ù son vieux compagnon de voyage Baer-
mann.
Dès qu'il se sentit un peu reposé, il se remit au travail. L'épo-
que de la fête de la reine approchait, et Morlaechi, de retour de
son long voyage en Italie, avait déclaré ne pouvoir se charger de
la cantate destinée à célébrer cet anniversaire. Weber se pro-
posa pour le remplacer; son olFre fut agréée. Outre cette cantate,
connue sous le litre de Piatur und Liehe {Nature et Amour), We-
l)er- composa, durant cet été de 1818, plusieurs autres fragments,
parmi lesquels nous citerons une Chanson à houe, sur des vers
de Brencr, dont l'accompagnement est une merveille ; un air
commandé par le comte de Briihl, de Berlin, pour être intercalé
dans la Lodd'ska, de Cherubini, etc.
Une composition d'une bien autre impoi tance devait remplir le
mois d'août qui suivit. Le peuple saxon se préparait à célébrer le
cinquantième anniversaire du règne de son roi, Frédéric- Auguste.
Ce souverain, malgré sa raideur proverbiale et son admiration
bien connue pour l'empereur des Français, jouissait d'une grande
popularité, et ses sujets lui avaient décerné le surnom de Juste.
. On seipréparait donc, de toutei parts, à fêter dignement le ju-
bilé de son règne, et, comme on le pense bien, la musique, qui
joue un si grand rôle dans toutes les solennités allemandes, n'a-
vait pas été oubliée. Le roi eût désiré cependant que la cérémonie
se bornât à un service à l'église, pendant lequel on aurait exécuté
une cantate ' commandée' au compositeur Uber et le Te Deum de
liasse ; mais on obtint qu'il y aurait aussi concert de gala au
théâtre, et Vitzthum conseilla à Weber d'écrire pour cette occa-
sion une cantate, bien que rien ne fût arrêté relativement au pro-
gramme du concert; à tout hasard Weber alla trouver son ami
Kind, qui se mit aussitôt à rimer des vers officiels que le maître
s'empressait de revêtir de ses harmonies. En neuf jours tout était
terminé; Weber, il est vrai, n'avait pas quitté sa table de travail
durant ce temps. Lorsqu'il revint à Dresde, malade, brisé de fati-
gue, il avait perdu tout le bénéfice de son séjour à Hosterwitz.
Dès cette époque, en effet, il ressentait les atteintes du mal qui
devait remporter huit ans plus tard. Son enfance, on se le rap-
pelle, avait été maladive, et si sa santé avait paru se rétablir
I pendant les années de son adolescence, les symptômes alarmants
revenaient maintenant s'emparer de lui, plus inquiétants que ja-
mais. Il souffrait d'un relâchement du système nerveux et d'op-
pressions fréquentes; en outre, il était atteint d'un violent en-
rouement et par moment il perdait même complètement la voix.
Sa confiance aveugle dans tous les teinèdes qu'on lui proposait lé
portait â se droguer sans cesse. Il avait pour amis deux méde-
cins : l'un, vieux et routinier, le traitait pour une maladie abdo-
minale, tandis que l'autre, jeune et novateur, tenait sa gorge
pour le foyer de tous ses maux. Weber se confiait alternativement
à l'un et à L'autre, suivant à la lettre les ordonnances du premier
jusqu'à la visite du second, tantôt faisant diète, tantôt mangeant
des viandes succulentes, amalgamant les médicaments les plus
divers, sans compter les nombreuses infidélités de régime qu'il fai-
sait â ses deux confidents.
Une triste nouvelle acheva d'ébranler sa santé. Vitzthum lui
annonça que sa cantate ne serait pas exécutée, mais que, par une
faveur toute spéciale, le roi avait manifesté le désir d'entendre au
cojicert l'ouverture de cet ouvrage. Or, cette ouverture n'est au-
tre que la célèbre Jubel-Ouverture, c'est-à-dire celle que l'on met
en parallèle avec ses plus belles, celle par laquelle s'ouvre, en
Allemagne, toute solennité.- Weber éprouva un grand chagrin de
voir ainsi tronquer son œuvre, en même temps qu'une vive dé-
cc|)tion, car Morlaechi avait été chargé de composer la messe du
Jubilé, qui fut exécutée en grande pompe à l'église catholique
dans la matinée du 19 septembre. Le lendemain eut lieu le con-
cert au théâtre; il se composait de l'ouverture de Weber, de
morceaux détachés de Morlaechi, de Polledro, Nicolini, Zingarelli,
etc. La Jubd-Ouverlure fut accueillie avec enthousiasme. Peu de
jours après, la cantate tout entière que Weber lit exécuter pour
son propre compte, reçut le même accueil à la grande église;
c'était la destinée du maître d'être toujours acclamé par le peu-
ple et repoussé par les grands. 11 était fier, sans doute, de ses
succès populaires, mais la froideur des cours à son égard l'affli-
geait profondément, car il partageait les errements de la vieille
Allemagne, où la faveur des grands gouvernait toutes les exis-
tences. Et puis, il faut le dire aussi, Weber était sincèrement dé-
voué à la famille royale de Saxe, dont plusieurs membres étaient
pour lui remplis de prévenances, et son plus grand désir était
d'attacher son nom à une œuvre digne de ses puissants protec-
teurs.
L'occasion se présenta d'elle-même peu de temps après. Au ju-
bilé du règne allait succéder le jubilé du mariage du roi et de la
reine, ou, pour nous servir de l'expression allemande, leurs Noces
d'or
Weber pensa que Morlaechi ayant composé la messe du jubilé,
il serait, lui, chargé sans doute de celle de la cinquantaine. Il se
mit donc, à tout événement, à l'ouvrage, et composa sa grande
messe en sol, qui porte le titre de Jubel-Messe. Cet ouvrage, com-
mencé le 17 novembre, fut terminé Ve 4 janvier. Weber eut cette
fois la joie de voir son œuvre acceptée,... à la condition que Mor-
laechi et l'olledro y intercaleraient un offertoire et une symphonie.
Weber dut y souscrire, heureux encore de se produire en cette
circonstance. Sa messe fut; donc' exécutée; mais l'Offertoire de
Morlaechi, merveilleusement interprété par un jeune ténor qu'on
entendait pour la première fois à Dresde, attira à un si haut point
l'attention de l'auditoire que le reste de la messe passa pour ainsi
dire inaperçu.
Sa maladie nerveuse s'accrut de ce désenchantement; il devint
morose, taciturne, irritable ; dans un moment de colère il se laissa
même aller à formuler une plainte ofTicielle contre Morlaechi, ce
dont il ne tarda pas à se repentir; en' effet, ayant entrepris, peu
de temps après, de monter, sa Bylvqna à Dresde, il rencontra une
UE PAJUS.
243
telle mauvaise volonté parmi les artistes, qu'au bout de quelques
répétitions il dut renoncer à son projet et mettre une autre œu-
vre à l'élude. Ce coup lui fut plus sensible qu'aucun autre.
Cependant, ù la suite de ce nouveau mécompte, le voile épais
qui l'entourait sembla se soulever un instant pour lui faire apjr-
cevoir un horizon moins sombre. Weber reçut l'ordre de compo-
ser un opéra à l'occasion du mariage d'un des princes. On se fi-
gure la joie qu'il éprouva lorsque le comte Vitzthum vint lui an-
noncer cette nouvelle ; il ne pouvait y croire ; cette occasion tant
désirée, il la tenait enfm; et comme un bonheur n'arrive jamais
seul, ses vœux furent comblés par la venue d'une petite fille que
sa femme mit au monde vers le même temps. Tout souriait donc
au pauvre grand maître, que deux, années précédentes avaient
abattu ; les tristes jours semblaient déjà loin et l'on en parlait
comme d'un mauvais rêve!
Toute liberté avait été laissés à Weber pour le choix d'un poëme;
il s'adressa tout naturellement à son vieux collaborateur Kind.
Celui-ci, qui ne se laissait jamais prendre au dépourvu, avait pré-
cisément trois librettos en portefeuille : l'un tiré de l'histoire,
l'autre de la mythologie et le troisième des Mille et une Nuits. Ce
dernier, qui portait le titre d'Alcindor, obtint la préférence. Le
texte fut retouché et Weber se mit à pense?' à son opéra ; —
penser est bien ici le terme juste, car nous avons déjà dit que
Weber n'écrivait un morceau qu'après l'avoir travaillé, changé,
refait cent fois dans son esprit; nous en avons un exemple dans
le Freyschiitz, dont la composition ne dura pas moins de quatre
ans. Dans tous les cas, la surexcitation que fit naître Aldndor dans
le cerveau de Weber servit à ce même Freyschiitz, car nous trou-
vons inscrits à la date du 13 mars les fragments par lesquels se
complète le premier acte de cet ouvrage, notamment l'air de Gas-
pard ; malheureusement, cette surexcitation fut des plus funestes à
la santé du maître. Ses douleurs, sa prostration nerveuse revinrer.t
plus écrasantes que jamais; il fut même obligé de s'aliter et de re-
noncer momentanément à tous ses travaux; sa femme, pour comble
d'infortune, était également malade; ils eurent en outre le chagrin
de perdre leur enfant; de sorte que le départ pour Hostervvitz
s'effectua cette année-là tristement, sans confiance dans l'avenir,
sans espoir de jours meilleurs.
Cependant tel est le principe vivifiant de l'air de ces montagnes
qu'au bout de peu de temps la santé revint chez Weber, et avec
la santé la gaieté et l'amour du travail. L'activité du maître se
porta tout d'abord sur les arrangements pour piano d'Abu-Hassan,
de la cantate et de l'ouverture du jubilé. Il apporta à ces travaux
un soin tout particulier, ne se bornant pas seulement à arranger,
mais s'efforçant de faire revivre l'orchestre dans le piano; en
même temps ses idées se tournaient vers son opéra, dont il se pro-
mettait une grande gloire. Hélas! la fatalité veillait à sa porte,
tandis que son cœur se laissait bercer par de douces chimères.
Un jour, en effet, le comte Vitzthum entra dans la chaumière
d'Hosterwitz; il venait annoncer à Weber que, par ordre, son
opéra ne serait pas exécuté et qu'il serait remplacé par une can-
tate de Morlacchi, Weber n'en pouvait croire ses oreilles; il se fit
répéter les paroles royales, puis se laissa tomber sur une chaiselatête
cachée dans ses mains. Vitzthum alors, qui avait lui-même les larmes
aux yeux, s'approchant de Weber et lui prenant la main, lui dit
d'une voix émue :
« Weber, nous avons voulu faire une grande et belle chose,
et, chacun selon nos forces, nous y avons bien travaillé tous
deux; mais que pouvons-nous sans la protection d'en haut? J'ai
lutté longtemps; aujourd'hui j'abandonne la partie ; — j'ai demandé
mon congé et je l'ai obtenu sans peine. Embrassons-nous et
adieu. »
Edmond NEUKOMM.
[La suite prochainement.)
LES THÉÂTRES LYRIQUES SECONDAIRES A PARIS
DEPUIS 1 S90.
(i« article) (1).
IL
Odéon.
L'Odéon,onlesait, a de tout temps été considéré comme un théâtre
malheureux, destiné par sa situation au delà de la Seine à mener
toujours une existence précaire et misérable. Le fait est qu'il y a
quarante ans son état n'était pas des plus florissants, et qu'on
cherchait par tous les moyens possibles à galvaniser cet établisse-
ment infortuné, objet constant des brocards de tout Paris.
On crut trouver une solution favorable en modifiant d'une façon
toute particulière les conditions de son existence et de son exploi-
tation, et tandis que, jouant uniquement la comédie et la tragé-
die, il servait de succursale à la Comédie -Française sous l'admi-
nistration d'un directeur qui relevait de l'intendant des théâtres
royaux (l'un s'appelait alors Gimel, l'autre était le baron de la
Ferté), on en fit une sorte de troisième théâtre lyrique bâtard,
confié à un administrateur qui gérait à ses risques et périls, avec
la faculté de jouer tous les genres, excepté le ballet, c'est-à-dire
la comédie et la tragédie, comme par le passé, plus l'opéra , l'o-
péra-comique et même le vaudeville.
Voyons comment, quelques mois avant sa transformation, VAl-
manach des Spectacles (de 1824) appréciait ce changement de
régime :
« Les révolutions sont à l'ordre du jour dans les gouvernements
dramatiques. L'Odéon en va subir une nouvelle (la cinquième ou
sixième depuis son élévation au rang de second théâtre) .
Voilà le précipice où l'ont enfin jeté...
non
Les attraits enchanteurs de la prospérité,
mais les prétentions déplacées de ses acteurs. Ils ont voulu faire
les grands comédiens français ; les voilà désormais à la suite
d'une troupe d'opéra.
» Le nouveau directeur a fait introduire dans sou privilège la
clause, sine qud non, qu'il pourrait ajouter l'agrément du chant
à son spectacle.
» Or, examinez la justesse du raisonnement qui a fait accueil-
lir cette demande. L'Odéon, par son éloignement, peut être assi-
milé à un théâtre de province; il faut donc essayer si, en le trai-
tant en théâtre de province, on ne lui donnerait pas toute la
somme de prospérité dont il est susceptible. Les théâtres de pro-
vince sont à la fois lyriques et dramatiques; il faut donc mettre
l'opéra à l'Odéon. Mais on veut surtout respecter l'ordonnance
royale de 1818, et maintenir en honneur la tragédie et la co-
médie; eh bien, c'est aujourd'hui une vérité vulgaire que l'opéra
a tué en proviwe la comédie et la tragédie.
» Si l'erreur n'était que là, les gens de lettres seuls auraient à
s'en plaindre. Qu'importe aux habitants du faubourg Saint-Ger-
main et au reste des amateurs de la capitale que l'opéra brille à
l'Odéon, ou que ce soit le bon genre? Mais on ne conçoit pas
comment cette idée a pu entrer dans une tête saine, que le fau-
bourg Saint-Germain était une ville de province, ou qu'il ne con-
finait à Paris que par la muraille de la Chine. Si l'on voulait faire
chaque soir, à l'heure oii les théâtres finissent, une courte station
sur les ponts qui joignent cette grande ville à la capitale, on
pourrait se convaincre que ses citoyens ne regardent pas le
voyage comme très-pénible.
» Un bon spectacle pourra attirer plus de monde à l'Odéon,
(i) Voir les n»^ 25, 26 et 29.
244
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sans doute ; mais il ne fera pas que les habitants du faubourg
Saint-Germain rompent avec les spectacles de l'autre côté de l'eau.
Or ces spectacles sont au nombre de douze ou quinze; il n'y a
pas de jour oîi l'un d'eux n'offre quelque attrait à la curiosité, et
l'Odéon est seul pour soutenir cette fâcheuse concurrence. Les
accidents, le mauvais temps, les saisons rigoureuses, tournent né-
cessairement à son préjudice; à peine ses rivaux s'en ressentent-
ils. Il y en a même qui y trouvent leur profit. Voyez le théâtre
Français, Feydeau, les Variétés un jour de pluie, et voyez l'O-
déon.
» Le faubourg Saint-Germain est un quartier de Paris oîi l'on
n'est pas moins Parisien qu'à la Chaussée-d'Antin et au faubourg
Saint-Honoré ; la mode n'y règne pas moins despotiquenient et
c'est sur la rive droite de la Seine qu'elle a surtout fixé sa rési-
dence. Il se peut que la capricieuse divinité accorde parfois un
regard de faveur à l'Odéon ; mais les avantages qu'il en retirera
seront toujours, en comparaison des autres théâtres , dans la pro-
portion décroissante d'un à six. On va voir six fois une pièce qui
a réussi de l'autre côté des ponts; quand on l'a vue une fois à
l'Odéon, on l'a vue, on en peut parler; cela sutTit. Complerez-vous
sur les acteurs? Souvenez-vous de ce qu'y faisaient ceux de l'an-
cienne Comédie-Française, les Mole, les Fleury, les Grandmesnil,
les Contât, etc., dans des temps plus heureux, et dernièrement
Mlle George avec une grande réputation et un grand talent. Voyez
ce quy fait la réunion, assurément fort remarquable, de Joanny,
Perrier, Lafargue, Samson, Mmes Gros, Anaïs, etc., etc.
» Les pièces nouvelles attirent seules le public à l'Odéon ; en
travaillant beaucoup, il en montera deux ou trois par mois, tout
au plus; les autres théâtres en donnent quelquefois trois le même
jour. Ajoutez les représentations de l'Opéra, celles de Talnia et de
Mlle Mars, les concerts, etc., et jugez si notre calcul est faux.
» En ajoutant un nouveau genre à l'Odéon, on a bien certai-
nement ajouté aux dépenses. Les recettes feront voir si l'on a bien
fait. On aura de bons chanteurs, soit; mais Ponchard, Mme Ri-
gaut, Mme Boulanger et Mme Pasta ne chantent pas déjà si mal,
et quand on les a à sa porte, pourquoi crever des chevaux pour
en aller entendre d'autres?
» Ce que nous venons de dire n'est que pour mémoire. Nous
voudrions bien sincèrement nous être trompé ; et nous ne tenons
pas tant à l'infaillibilité de notre jugement qu'au désir de voir
réussir une entreprise utile, à laquelle nous craignons bien qu'on
n'ait porté le dernier coup en recourant à des moyens si dange-
reux, pour lui rendre une splendeur à laquelle peut-être il ne lui
est pas donné d'arriver. »
Il est certain que l'Odéon n'avait jamais été heureux, et le sort
fataljqui pesait sur lui depuis si longtemps n'a paru l'abandonner
que depuis une quinzaine d'années. Dans ces derniers temps, en
effet, grâce surtout aux œuvres surfaites de Ponsard, à certaines
pièces de M. Emile Augier, à quelques-unes des admirables con-
ceptions dramatiques de Mme Sand, on l'a vu obtenir des succès
nombreux, retentissants et prolongés. Mais jadis il n'en était pas
ainsi, et même lorsqu'il n'était pas seul sur l'autre rive de la Seine,
même lorsque étaient debout et plus ou moins vaillants le théâtre
du Palais, situé dans la Cité, le Lycée dramatique, à l'ancienne
foire Saint-Germain, le théâtre des Victoires-Nationales, dans la
rue du Bac, à l'époque enfin de la première et grouillante liberté
des théâtres, l'Odéon ne put se soutenir, et, en 1799, vaincu par
la solitude qui se faisait autour de lui, il allait fermer ses portes,
bien qu'il comptât alors dans son personnel des artistes de premier
ordre tels que Larive, Saint-Prix, Mlle Raucourt et quelques autres.
Heureusement pour son honneur, le hasard ou la fatalité se char-
gea de fournir un prétexte à sa ruine : le feu prit au théâtre, qui
fut détruit en une nuit, le 18 mars 1799.
Rebâti dix après, il rouvrit ses portes le IS juin 1808, avec le
litre de Théâtre de l'Impératrice, mais la troupe tragique et co-
mique ne jouait que quatre fois par semaine, et la salle servait,
les trois autres jours (lundi, mercredi et samedi) aux représenta-
tions de l'Opéra italien, alors placé sous la direction de Picard^
Berton étant directeur de la musique. Cette époque fut pour lui la
plus florissante : il était de mode alors, et c'était un signe de grand
ton, bien plus qu'aujourd'hui, d'avoir sa loge aux •< Bouffes ; » les
acteurs français se ressentaient heureusement du succès de leurs
camarades italiens, et le sort du théâtre était brillant des deux
côtés.
Arthur POUGIN.
(La suite prochainement.)
Un écrivain de talent et d'une véritable originalité, M. Szar-
vady, vient de publier dans l'un des derniers numéros de l'Indé-
pendance belge, sous le titre : Lettre allemande sur la musique fran-
çaise, une sorte de revue comparative de l'inlluence exercée sur la
musique dramatique française par le génie littéraire et artistique
d'outre-Rliin. Il y a là des choses très-vraies, très-finement pen-
sées et dites en fort bons termes; une esthétique ingénieuse mise
en lumière et déduite sous une forme à la fois élégante et pitto-
resque ; des portraits fidèles, des rapprochements intéressants, des
croquis incisifs. Nous regrettons do ne pouvoir publier ce travail,
en raison de son étendue même. Nous en extrayons les passages
suivants de nature à intéresser nos lecteurs.
« Si Amb. Thomas est caractérisé par l'étude, le travail savant , le
dessin sévère, Aubcr l'est au contraire par l'agrément, la facilité, le
coloris vivant, la mobilité et aussi..., tout étrange que cela puisse pa-
raître, par l'ininiobililé. En effet, le maître de quatre-vingt-cinq ans en
est au même point qu'au commencement de ce siècle, et la chose se-
rait encore plus évidente, si son librettiste Scribe avait pu vieillir avec
lui... C'est bien de lui qu'on peut dire qu'il n'a rien appris ni rien
oublié, et qu'il chante comme l'oiseau dans les branches. Il chante tou-
jours. Les chansons Icd plus différentes peuvent retentir dans son ar-
bre, il n'y fait pas attention, et quand même des centaines de nouveaux
virtuoses rempliraient la forêt de leurs mélodies, il continuerait à chan-
ter avec le gosier q'ie la nature lui a donné, sans s'inquiéter le moins
du monde des importations et des conquêtes récentes. . . L'amabilité, la
gaieté, la gentillesse, l'espièglerie, la bonne humeur, la sérénité , pres-
que la sérénité de l'art grec, fleurissent là abondamment, et aussi, ce
qui semble difficile à croire, une certaine simplicité et naïveté comme
on les rencontre souvent unies à la gaieté facile, à la légèreté et au
bonheur de vivre. Ce sont là les plantes propres au sol de la France, et
Auber a su s'en tresser une couronne qu'il préfère à tous ses lauriers et
qui, avec ses vives couleurs et sa fraîcheur de jeunesse, sied réellement
bien aux cheveux blancs du maître qu'elle entoure d'une grâce atten-
drissante. »
Voici qui nous semble également très-juste sur les services ren-
dus à l'art musical par Pasdeloup; services plus grands qu'on ne le
pense généralement :
i< ... Car ses concerts qui font entendre les cliefs-d'œuvre du
répertoire musical, bien que l'exécution ne soit pas toujour.-i irréprocha-
ble, les rendent populaires et jettent en conséquence une large et pro
fonde base sur laquelle pourra s'édifier le goût épuré de la masse. Au-
jourd'hui même on est déjà assez avancé pour que dans les concerts de
virtuoses, dans lesquels jadis on ne cherchait que la difficulté vaincue,
le public demande quelque chose de plus solide : Rubinstein, ce héros
de la dernière saison et qui a été accueilli avec tant d'applaudi^sements,
n'aurait jamais obtenu un tel succès, malgré son étonnante virtuosité et
malgré le nombre encore grand de ceux qui ne cherchent que l'exécu-
tion, s'il n'avait pas mis son habileté prodigieuse au service d'un goût
excellent. »
M. Szarvady apprécie très-judicieusement aussi la personnalité
artistique de Stephen Heller :
DE PARIS.
« Ce continuateur des Mendelssohn, des Schumann, des Chopin, des
compositeurs de piano par excellence, a cette année mis au jour toute
une série de créations, dignes de celles qu'il a déjà produites, telles que
les Promenades d'un solitaire, les Études, les Nuits blanches. Ce qui leur
manque en développement extérieur, elles le rachètent, comme toutes
les œuvres de Heller, par une grande profondeur et par une perfection
de forme telle que l'étendue devient accessoire. 11 n'y a pas de doute
qu'un aussi riche et aussi fécond compositeur, qui compte dans ses pro-
pres domaines des œuvres si nombreuses, pourrait comme tant d'autres
faire de longues sonates capables d'inspirer le plus grand respect aux,
critiques de l'école. Mais il est aussi dans ce sens le continuateur de
Chopin, un vrai lyrique qui laisse chanter en lui et qui façonne avec
amour ce que lui apporte l'inspiration du moment :
» D'abord le sentiment, ensuite la pensée,
» D'abord l'espace sans bornes, ensuite la forme limitée.
{Go'éthe.)
REVUE DES THÉÂTRES.
Palais-Royal : Deux Prisonniers de Théodoros, pièce en un acte,
de M. Jules Renard, musique nouvelle de M. de Villebichot; le
Chatovilleur du Puy-de-Dôme, pièce en un acte, de MM. Chivot
et Duru; reprise des Forfaits de Pipermans: reprise des Mé-
moires de Mimi Bamboche. — Ambigu : reprise de la Prise de
Pékin, drame en cinq actes et neuf tableaux, de M. d'Ennery.
Nous avons à compléter notre Revue de la semaine dernière
par la mention de plusieurs pièces qui sont venues modifier coup
sur coup l'affiche du Palais-Royal, et qui pourraient bien n'être
plus qu'un souvenir si nous les remettions à huitaine. Les Deux
Prisonniers de Théodoros n'ont de commun avec le monarque
abyssinien que l'à-propos de sa chute. Un marchand de jouets
d'enfant a envoyé là-bas son neveu Lecoq avec une cargaison
de polichinels; mais le neveu s'est prudemment arrêté à Rou-
gival, et, après avoir mangé les polichinels de son oncle, il
revient nanti d'une foule d'anecdotes cocasses sur Théodoros et
sur son lointain royaume d'Abyssinie. Il y en a même d'assez gra-
veleuses pour avoir provoqué les scrupules d'une partie des spec-
tateurs. Mais en somme la pièce est divertissante, et elle est
émaillée d'airs nouveaux dus à l'inspiration féconde de M. de Ville-
bichot. On y retrouve, en outre, avec plaisir, un comique du nom
de Lacdmbe, qui s'est fait connaître avantageusement, l'hiver der-
nier, au théâtre des Rouffes-Parisiens. C'est une excellente acquisi-
tion pour le Palais-Royal , où il a apporté avec lui l'un de ses
meilleurs rôles, celui des Forfaits de Pipermans, qui ont obtenu
le même succès qu'au [passags Choiseul. Dans les Deux Prison-
niers de Théodoros, Mlle Alphonsine, l'ex-actrice des Variétés, con-
tinue ses débuts à la faveur d'un personnage excentrique qui est
tout à fait adapté à ses moyens.
Une anecdote bien connue a fourni le sujet du Chatouilleur du
Pvy-de-Dôme, dont nous avons encore à constater la réussite. 11
s'agit d'un mari qui est soupçonné par son beau-père de se rendre
veuf en emmaillotant sa femme et en lui chatouillant la plante
des pieds jusqu'à ce que mort s'en suive. Mais lorsqu'on veut aller
aux preuves il se trouve que c'est le mari qui a été emmailloté
par sa femme, histoire de rire et de s'amuser pendant la première
nuit des noces. Du reste, il y a eu quiproquo de la part du beau-
père, et le gendre innocenté est mis définitivement en possession
de sa jeune et jolie moitié. Lhéritier et Priston font valoir cette
bouffonnerie de manière à mériter les bravos du public.
On vient de reprendre au même théâtre les Mémoires de Mimi
Bamboche, qui ont déjà eu un grand nombre de représentations
et qu'une attraction nouvelle va sans doute remettre en vogue.
Mlle Blanche d'Arligny, qui joue aujourd'hui le principal rôle de
cette pièce, est une fort jolie femme, très-connue dans un certain
monde, et, par conséquent, suivie au théâtre d'une curiosité en-
démique. Elle possède quelques qualités téméraires qui seraient
peut-être mal vues ailleurs, mais qui n'ont l'ien d'insolite au Pa-
lais-Royal. A côté d'elle, Mme Thierret a reparu dans le rôle de
Pulchérie, mais non d'une manière définitive; elle n'est là qu'en
passant.
— On n'a pas oublié l'immense effet produit au théâtre impé-
rial du Châtelet par la Prise de Pékin. Ce drame de M. Dennery,
inspiré par l'à-propos de notre campagne en Chine, ne se recom-
mandait pas seulement par un grand luxe de mise en scène; on y
trouvait une action intéressante, des détails ingénieux qui ne se ren-
contrent pas toujours habituellement dans les pièces de circonstance.
Aussi devait-il survivre aux événements qui en ont été le prétexte;
l'Ambigu s'en est emparé, et nous avons tout lieu de croire qu'il
n'a pas fait une mauvaise affaire. Quoique le cadre de cette scène
ne soit pas aussi vaste que celui du Châtelet, l'espace est encore
suffisant pour faire mouvoir des masses respectables et pour obte-
nir des résultats satisfaisants. Plusieurs décors sont merveilleuse-
ment réussis, et, entre autres, l'avant-dernier qui réalise dans
une sorte d'apothéose le rêve enchanté d'un fumeur d'opium.
Quant à la Fête du Palais d'été, elle a beaucoup d'éclat, et les
danses en sont bien tracées.
La distribution des rôles ne laisse rien à désirer. Clément-Just,
qui a créé au Châtelet le rôle original du correspondant du Times,
l'a conservé à l'Ambigu et s'y fait souvent applaudir à juste titre.
Castellano porte fort gaillardement l'uniforme de sergent; Omer,
dans un personnage dramatique, a une agonie des plus saisissan-
tes; Régnier et Léon Leroy contribuent pour une large part aux
émotions des spectateurs, tandis que Gaillard, Allard et Boutin se
chargent de les dérider. En résumé , nous pensons qu'il y a dans
la Prise de Pékin tous les éléments d'une reprise longue et pro-
ductive.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^*ij: Le théâtre impérial de l'Opéra a joué cette semaine le Trouvère,
Herculanum et ta Juice.
*•* La reprise d'Hamlet aura lieu le 5 août. Mlle Nilsson et Faure
feront leur rentrée par les rôles d'Ophélie et d'Hamlet.
^■"s-, Mlle Hisson continuera ses débuts par le rôle de Valentine, des
Huguenots. M. Perrin a l'intention d'entourer cette reprise du chef-
d'œuvre, qui aura lieu au mois d'octobre, d'un éclat exceptionnel ; les
chœurà seront renforcés, et une nouvelle mise en sène sera adaptée au
deuxième et au troisième acte ; les décors et costumes des trois autres
seront restaurés et rafraîchi?, etc.
*** Les études d\irmide sont assez suivies, bien qu'on ne sache pas
à quelle époque l'œuvre de Gluck sera reprise à l'Opéra. Voici la dis-
tribution : Armide, Mme Sass ; — la Haine, Mme Gueymard ; — Sido-
nie, Mme Levielli; — Phénice, Mme Hamakers ; — Renaud, M. Villa-
ret ; — Hidraot, M. Devoyod, — Ubalde, M. Maurel ; — le Chevalier,
M. Warot; — Artemidar, M. Grisy ; — Aronte, M. Gaspard.
jf*t Mlle Marie Batlu a pris son mois de congé, à partir d'avant-hier
1"' août.
^*« Mme Gueymard a obtenu un congé de deux mois (novembre et
décembre prochains), qu'elle utilisera en chantant à Madrid les rôles de
son répertoire.
**^ M. Obin a pris un congé pour raison de santé.
^*sf 11 est à peu près certain que M. Pasdeloup prendra la direction
du théâtre Lyrique.
,** Mme Patti, qui appartiendra, comme on le sait, du !<"■ octobre au
1" janvier 1869, au théâtre Italien de Paris, a renouvelé pour deux ans
l'engagement qui l'attache à dater de cette époque au théâtre impérial
de Saint-Pétersbourg.
»■** La réouverture de l'Athénée aiu-a lieu le 2 septembre prochain.
246
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
par la 79° rcprc'scnlation de Fleur de Thé, dont le succès es't loin d'être
épuisé .
»*, Leconile, un comique qui ne manque ni de naturel ni de bon-
homie, vient de débuter heureusement aux Variétés dans le rôle de
Calchas, de la Oelle Hélène.
^*;s Les Dragons île Villars, en dépit des chaleurs caniculaires, ont le
don d'attirer la foule au Gymnase de Marseille.
,*» Le charmant opéra d'Aimé Maillart a également séduit le public
de Carcassonne, grâce à une complète et remarquable interprétation.
Mlle Conti s'est tirée avec beaucoup d'aisance et d'expression du rôle
de Rose Friquel. La fjrande scène du troisième acte a été parfaitement
rendue. M. Rondeau a fori bien joué et chanté Helamy.
^*^ Fleur de Thé vient de faire sa première apparition sur la
scène du Théâtre- français de Bordeaux et d'y remporter un éclatant
succès. Cinq soirées n'ont pu répondre complètement à l'empressement
du public, car le départ de Mme Hose Bell a seul arrêté les représenta-
tions du spirituel opéra-bouffe de MM. Cliivot et Daru. On a fait fêle
à la jolie musiqne de Charles Lecocq, qui sait rester m'iodieuse, fine
et distinguée L'ouverture, la chanson de la cantinière, la confi-
dence : Je fuis né dans le Japon, les couplets de l'alcôve, la ronde du
Clicquot ont été notamment goûtés et accueillis par les applaudissements
les plus chaleureux. Mme Rose Bell joue et chante le rôle de Césarine
avec une gaîlé, un entrain remarquables; aussi a-t-elle fait à Bordeaux
ample moisson de bravos et de bouquets, surtout à la cinquième re-
présentation, qui avait lieu à son bénéfice. Mlle Hermine Contault,
MM. Carrier (qui doit aller chanter Fleur de Thé l'hiver prochain à
New-York), Uoque, Briet, etc, possédaient bien leurs rôles et ont su se
faire également applaudir.
^*, Mme Ulgade et sa troupe ont donné cette semaine, à Nantes, une
représentation de la Grande-Duchesse, qui a rempli la vaste salle de la
place Brancas.
:if*^ Berthelier est actuellement en représentations, à Bruxelles, au
théâtre du Parc: il y a beaucoup de succès, dans les Deux Aueuglcs,
rôle de GirafTier, qu'il a créé à Paris.
„.** Les Théâtres italiens ne sont pas près de chômer d'opéras; les
compositeurs de la Péninsule ne veulent point mentir à leur fécondité
proverbiale. Ainsi on annonce, entre autres, la prochaine représentation
à Turin d'un opéra de Lauro Rossi, Gli artisti alla fiera, sur un poëme
de Ghislanzoni. — F. Marcheiti termine un limj-nius dont Carlo
d'Ormeville a fait le librelto; Gaelano Braga traite le même sujet
(par parenthèse, on représente en ce moment un nuy-Blas à Manheim);
Arrigo-Boito met la dernière main à un Ncrone ; un opéra, llde-
go7ida, de Morales est sur le point d'être donné à Florence, et Dall'Ar-
gine travaille à son Barbiere.
^*^ On a réglementé à l'Opéra de Vienne, non pas l'enthousiasme du
public, mais la manière dont les artistes doivent y répondre. L'inten-
dance vient de remettre en vigueur une ordonnance de 1863, d'après la-
quelle il est interdit aux chanteurs ordinaires du théâtre, lorsqu'ils sont
rappelés par la salle, de reparaître à un autre moment qu'à l'entr'acte.
Par exception, s'ils sont rappelés en même temps qu'un artiste en re-
présentations, ils peuvent reparaître avec lui à un autre moment, mais
pas plus d'une fois par représentation.
NOUVELLES DIVERSES.
,*, On annonce comme pri.ichaine, à l'Académie des Beaux-Arts, la
séance où M. Walewski prononcera l'éloge de la vie et des œuvres de
son prédécesseur, Georges Kastner, notre ami et collaborateur, si univer-
sellement regretté.
sf*^, Le contrat de Mlle Adelina Palti et de M. le marquis de Caux
a été signé le 27 juillet à Londres, et le lendemain la cérémonie
nuptiale a eu lieu à l'église Ste-Marie, dans Clapham-Park. Les témoins
de Mlle Patti étaient M. Costa et le duc de Manchester; ceux de M. le
marquis de Caux étaient M. le prince de la Tour-d'Auvergne, ambas-
sadeur de France à Londres, et M. Mure, attaché de l'ambassade. Les
demoiselles d'honneur de Mlle Patti étaient Mlles Louisa Lauw, Maria
Harris, Rita de Candia, Marie Zanzy. Mlle Patti était ravissante,
l'air heureux et souriant ; elle portait une robe de satin blanc,
un voile de dentelle, et quelques fleurs d'oranger dans les cheveux ;
pas un seul bijou. Le père de Mlle Patti, M. Strakosh, le comte de
l'Aigle, le bai'on Baude, le comte de Luart, M. Fleury, consul général
de France, le comte de Cahen, le vicomte de Vire), la marquise de
Villevielle , la duchesse de Sunderland, Mario , Mme Grisi et ses
filles, M. Harris, M. et Mme Tagliafico, Clarke, Carratti, Gye, le di-
recteur de l'Opéra, une foule d'ariistes, enfin tous les habitués de Co-
vent-Garden dont Userait trop long do citer les noms, assistaient à la
cérémonie, qui du reste a été fort simple. Plus de dix mille personnes
attendaient les jeunes mariés à leur sortie de l'église; ils ont été salués
par des acclamations enthousiastes. Après la messe, il y a eu un dé-
jeuner intime servi dans le jardin de Mlle Patli, à la fin duquel
M. Grunei.sen, critique musical des plus notables en Angleterre, a pro-
noncé un remarquable speech. M. et Mme de Caux ont traversé Paris
cette semaine.
t*,^ La distribution des prix a eu lieu à l'école de musique reli-
gieuse Niedermeyer, le 27 juillet, sous la présidence de M. de La
Molle, représentant le Ministre de la justice et des cultes, en présence
de plusieurs dignitaires du clergé, de personnages distingués dans les
arts, et du Comité des études de l'école. Un concert, dans lequel on a
entendu les lauréats des classes de piano et des chœurs du xvi" siècle, a
ouvert la séance, puis M. le directeur des cultes a remis un diplôme
d'organiste à l'élève Edouard Marlois, et un diplôme de maître de cha-
pelle à Eugène Baëtz. Voici les noms des élèves qui ont remporté le plus
de prix : MM. Paul Rakowski, Eugène Baëtz, Alexandre Georges,
Ch. Rauwel , Achille Dupont, Jules Stoltz, Louis Gross.
»*t Les concours de musique entre les écoles communales de la ville
de P.iris placées sous la direction de M. François Bazin, ont eu lieu cette
semaine. Cent vingt-sept écoles y ont pris part. Le» premiers prix ont été
remportés par celles des rues Bassano, de l'Ouest, d'Eylau, des Prêlres-
Saint-Germain-l'Auxerrois, du passage Saint-Roch, des rues Boissière, de
Vaugirard, de l'Arbre-Sec , Saint-André-des-Arts, Saint-Jacques, Saint-
Eiienne-du-Mont, de Pontoise, de Reuilly, de Cîteaux, de la place Jeanne-
d'.\rc, de la rue Boutetirie, d'Argenteuil, etc , dont les professeurs sont
MM. Mayer, Hottin, Minard jeune, Darnault, Delafontaine, Divis, Léon,
Collet, Bariteau, Pillevesse, Pérou et Proust.
t*„ L'éminent compositeur Jules Bénédict s'est trouvé à Paris cette
semaine.
**j On annonce l'arrivée de F. Ricci.
,*» M. Ullman organise pour l'hiver prochain une grande tour-
née artistique à travers l'Europe centrale, tournée qui embrassera la
Belgique d'abord, puis le Danemark et la Suède, ensuite la Russie,
la Pologne, la Suisse, l'Allemagne et la France. Les artistes engagés
par le célèbre imprésario pour ces voyages dont chaque étape est mar-
quée par un triomphe sont Mlle Carlotta Patti, Mme Tesseire, MM. Ge-
raldy et Levassor pour le chant et les chansonnettes, et MM. Vieux-
temps, Théodore Ritter, Jacquard, de Vroye, Trenka.
»*,f Mlle Laura Harris, Sleller, M. et Mme Alfred Jaëll concourent
au deuxième concert d'été de la Société philharmonique de Boulogne-
sur-Mer.
^*« Mlle Godefroid, de l'Opéra, et M. Capoul, de l'Opéra-Comique, sont
engagés pour le grand concert donné par la Lyre moulinoise le ven-
dredi 14 août, à l'occasion des courses de Moulins.
^*. A la suite du beau concert qu'il a donné à Douai, Sivori s'est
fait entendre dans la cathédrale de cette ville, devant une foule émue
et recueillie.
^"^^ Mlle Valérie Janson, jeune pianiste belge dont nous avons eu
l'année passée, l'occasion de mentionner les succès, se trouve à Paris et
s'y fera entendre la saison prochaine.
;j*^ M. Henri Poëncet, notre excellent violoncelliste, épouse Mlle Marie
Pierre.
^*» Cent trente-quatre sociétés ont envoyé leur adhésion au Concours
d'orphéons, de musiques d'harmonie et de fanfares qui aura lieu au
Havre, le 30 août prochain. Les chœurs imposés sont de MM. François
Bazin, Adrien Boiëldieu, Œschner, L. de Rillé, Aug. Blavet et Marsch.
^*,i: Plus de tro:s mille chanteurs s'étaient donné rendez-vous aux
fêtes fédérales qui viennent d'avoir lieu à Soleure (Suisse). Trois cou-
pes d'honneur avec couronnes et diplômes ont été décernées aux socié-
tés étrangères : la Concordia et la Sainte-Cécile de Mulhouse et la
Liedertafel de Fribourg. Le chœur « Aimons toujours », de Joseph
Heyberger, a été vivement goûté, et le jury s'e,-t levé d'un commun
accord pour donner le signal des applaudissements.
,% Dans notre compte rendu du cinquième concert de la Conversa-
tion, à Bade, nous avons omis de mentionner le succès obtenu par
l'excellent pianiste J.-P. Pujol, dont le talent a été justement apprécié
par l'auditoire d'élite qui assistait à cette belle soirée.
,f*^ Après avoir séduit les rois et entraîné les populations des deux
DE PAIUS
247
mondns, la Grande- Duclv- an de Ccrohicin a eu le caprice do publier un
jnur'iial sous !i^ titre ilc : la Fantaisie parisienne; nous eu avons le pre-
mier numéro sous les yeux. Ni mieux, ni plus- mal qu'ailleurs, on y
parle de juusique, de théâtre, de littérature et de modes.
**. Un nouveau Journal de musique vient de paraître à Naples, sous
le litre dé A'a/io/t musicute. \\ a pouT directeur Luigi Mazzone, ancien
rédacteur cii dief de la Gazetla musicale de la même ville.
f*^, Aujourd'hui, par extraordinaire, grand concert vocal et instru-
mental donné au Pié-Catelan, avec le concours du Quatuor toulousain
et de la Musique des Zouaves.
ÉTRA NGER
»*4 Londres. — La magnifique représentation de clôture à Covent-Gar-
den , au bénéfice d'Adelina Putti, a produit le maximum de la recette,
trente mille francs. S. A. la duchesse de Cambridge, la princesse de
Teck, sa fille, et toute raristocr.itie anglaise y assistaient. Les dames agi-
taient leurs iTiouchoirs, en envoyant à la charmante artiste un sympa-
thique : « Au revoir! » — Un nouveau ténor, M. Bulterini, a débuté
avec succès dans lUgoletlo à Her Majesly's Opéra. Avaiit hier, vendredi,
brillante représentation au bénéfîi'e de Christine Nilsson : premier acte
de la Traviala, deuxième de Faust et troisième de Lucia. Combien la
charmante artiste a été acclanièe et fêtée, il n'est pas besoin de le dire.
Hier samedi a dû avoir lieu la clôture au bénéfice de Mlle Tietjens. —
Le cent cinquante-cinquième festival des trois chorales de Gloucester,
Worcester et Hereford aura lieu, du 8 au 11 septembre prochain, à Glou-
cester. On y exécutera la Création, la messe en ut , de Beethoven, Èlie,
Samson, le Messie, di;s fiagmenis du FreisckUtz, de la Loreley, de Men-
delssohn, de Don Giovanni, etc. Les principaux artistes sont : Mmes Tiet-
jens, Liebhart, Edith Wynne, Sain Ion -Dolby, Zandrina, MM. Sims Ree-
yes, Vernbn Rigby, Lewis Thomas et Santlt-y. Le docteur S. S. Wesley,
par le droit que lui confère son titre d'organiste de la cathédrale, diri-
gera l'exécution. — Otto Goldscbmidt, le mari de Jenny Lind, a résigné
ses fonctions de vice-principal de l'Académie Royale de musique, qui
avaient été créées exprès pour lui.
^% Spa. — Le premier concert de la saison a eu lieu vendredi de
rkutre semaine, à la Redoute. L'ouverture de Sainte-Claire, du duc de
Saxe-Cobourg, servait de pr.'lude à cette brillante soirée. M. Géraldy a
chanté avec une rare macsiria plusieurs morceaux, l'air des Noces de
Figaro notamment. Mlle Brunctti a dit d'une manière ravissante une
Sérénade, de Gounod, et la cavatine de Lucie. M. de Vroye, flûtiste excel-
lent, dont la réputation s'accroît chaque jour, a joué une fantaisie sur
des mélodies valaques, qui a été chaleureusement applaudie.
,i.*^ Gand. — Dans un récent concert, une jeune cantatrice, Mme Fir-
mani, s'est révélée avec éclat en chantant l'air de Grâce, de Hubert, et en
prenant part h l'exécution de la Bénédiction des poignards, des Huguenots.
La basse 'T^lexis Tasson et le baryton De Ligne ont obtenu aussi le plus
grand succès dans l'interprétation de la page magistrale de Meyerbeer et
de la grande cantate Van Arteveld, do Cevaert.
.^.*,f Horr.bourg. — Le Faust, de Gounod, a continué la série des repré-
sentations de l'Opéra-ltalien. Cette œuvre avait attiré une réunion des
plus choisies et a été admirablement iuterprétée. Désirée Artôt réalise le
type rêvé de- Marguerite. Son succès a été plus accusé encore, s'il se
peut, que dans la Fille du Hégimcnt ; bravos et rappels lui ont été pro-
digués, et après l'air des Bijoux, qu'elle a dit bisser, les fleurs sont tom-
bées de toutes les parties de la salle. Agnesi continue à faire admirer .'a
voix, son jeu et sa personne Mlle Boltini débutait dans le rôle de Sie-
bel : jeune et gentille, elle dirige avec goût une fort belb: voix de con-
tralto. L'orchestre et les chœurs, sous la direction de l'habile Orsini,
ont parfaitcuient marché.
/, Berlin. — D'après le désir de S. M. la reine, un compositeur
d'une renomniée européenne, mais dont le nom est encore un .secret,
serait appelé à remplir ici les. fonctions de Gencral-Husikdireclor, ][i.(X[s,
exercées avec tant d'éclat par Spontini et Meyerbeer, et que personne
n'a occupées depuis l'auteur des Huguenots.
^*^ liœnigsberg. — Le 22 juillet, la Grande- Duches!^e de Gérolstein fai-
sait sa. triomphante apparition sur notre scène. Mlle Stubel, charmante
acirico viennoise, chargée du principal rôle, y a déployé un incontestable
talent.
^,*ii, Hambourg, r- Un' franc succès a accueilli une jolie opérelte
d'Eberlé, Barbe-Bkue, donnée au théâtre de Tivoli.
,^% Milan. — Depuis le décret qui supprime les subventions théâ-
trales accoi;dées par le gouvernement , la Scala a toutes les peines du
monde à suhsi.-lor; la municipalité n'a pu arriver à lui donner que
133.000 francs, et a été obligée d'avoir recours, pour arrondir la .somme,
à une .souscription publique qui, bien qu'ouverte depuis plusieurs mois,
n'a encore produit que 2,S00 francs. Néanmoins, les off'rcs pour le con-
cours à la direction ne manquent pas; on elle au preinier rang le pré-
cédent imprésario G. Bonola, qtii doute si peu de sa nomination qu'il
fait déjà de nombreux engagements.' — Nous aurons probablement en
septembre et octobre, au théâtre Santa-Radegonda, la Grande-Duchesse,
Fleur de Thé, la Belle Hélène, et quelques autres opérettes du répertoire
boutfc parisien. Les macstri Gallieri et Iremonger, en prenant la direc-
tion de l'aniien théâtre Re, ont l'intention d'y donner leurs deux nouvelles
partitions : Ser Maltco et Una notle di novembri;.
^"ji, Turin. — Le théâtre Alfieri vient de s'ouvrir avec Maria, oh
Mlles Sidonie et Virginie Van der Beck ont fait furore. C'est un succès
de bon augure pour le reste de la saison.
^'.^ Florencf. — Les principaux artistes engagés à la Pergola pour la
saison de carnaval 1808-69 sont Mlle Camille de Maësen, le baryton
Cresci, le basso-bu/fo Polonini et la première danseuse Pochini-Coppini.
^*^ Naples. — Deux jeunes danseuses du théâtre Partenope, Amalia
Tromba et Emilia Alsaniello, viennent de périr victimes de leur impru-
dence; rappelées après un de leurs pas, elles s'approchèrent trop près
de la rampe, le feu prit à leurs robes, et elles ne purent être secou-
rues à temps.
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N' 32.
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Poris. i'* r.priran
Départements, Belgique et Suisse.... ;30 « ii-
Étranger 3i n id.
Le Joumol paraît le Dimanche.
TTE MUSICALE
DE PARI
SOMMAIRE. — Conservatoire impérial de musique et de déclamatioa : dis-
tribution des prix. — Les Etoiles du chant : Adelina Patti, de M. Guy de Char-
nacé, par Em. Slatbieu de Monter. — Correspondances : Vicby et Deau-
ville. — Entrefilets. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses.
— Annonces.
CONSERVATOIRE IUPÉRIÂL DE MUSIQUE ET DE DËCLÂIÂTION.
Distribution des prix.
Exercice 4867-1S68.
La distribution des pri.x a eu lieu mardi dernier, à 2 heures, au
Conservatoire, dans la grande salle, sous la présidence de M. le
maréchal Vaillant, ministre de la Maison de l'Empereur et des
beaux-arts.
A côté de Son Excellence, ont pris place :M. Gautier, secrétaire
général du ministère de la Maison de l'Empereur et des beaux-
arts ; M. Auber, de l'instilut, directeur du Conservatoire; M. Ca-
mille Doucet, de l'Académie française, directeur général de l'ad-
ministration des théâtres ; M. Deschapelles, sous-chef du cabinet
du ministre; M. Ambroise Thomas, de l'Institut; M. deBeauplan,
commissaire impérial près les théâtres lyriques subventionnés et
le Conservatoire ; M. Albéric Second, commissaire impérial près le
théâtre de l'Odéon ; M. de Lassabathie, administrateur du Conser-
vatoire ; les directeurs des théâtres impériaux.
Venaient ensuite les professeurs du Conservatoire et les membres
du jury des différents concours.
Le ministre a ouvert la séance par le discours suivant, fréquem-
ment interrompu par les applaudissements des élèves et de l'au-
ditoire.
« Croyez-le bien, jeunes élèves, ce n'est pas uniquement à venir
une fois chaque année, comme je le fais encore aujourd'hui, vous
apporter des encouragements et des couronnes que se borne
l'intérêt tout particulier, j'allais dire tout paternel, dont je me sens
de plus en plus animé pour vos travaux. Hors de cette enceinte,
mon attention se porte souvent et avec sollicitude sur l'organisa-
tion du Conservatoire, sur les phases diverses par lesquelles il a
passé depuis sa création, sur les services qu'il a rendus, sur le
bien qu'on doit en attendre, et souvent je me suis demandé quelles
améliorations pourraient être mises en vigueur pour donner des
garanties nouvelles au développement de l'art et à l'éducation des
artistes .
» Mais, si je reconnais volontiers qu'ici, comme ailleurs, le pro-
grès n'a pas dit son dernier mot, si je me sens pour ma part très-
désireux de seconder son essor autant qu'il me sera donné de le
faire, je n'en aime pas moins à rendre hautement justice à cette
école célèbre d'oîi sont déjà sortis, dans toutes les branches
de l'art musical et dramatique, tant de talents de premier ordre.
» Chargé, comme son nom l'indique, de conserver les traditions
des grandes époques artistiques, le Conservatoire a rempli sa mis-
sion avec un respect pieux, et je l'en félicite. Je le félicite égale-
ment de la réserve prudente avec laquelle il a toujours examiné
consciencieusement, et sans esprit de routine, avant de les écarter,
des inventions séduisantes, mais dangereuses, dont l'adoption eût
dénaturé un enseignement auquel ont été dus de si nombreux et
de si brillants succès.
» D'un autre côté, tandis qu'il avait ainsi la sagesse et le cou-
rage de combattre pour l'honneur de son foyer, le Conservatoire,
sans autre parti pris que celui de bien faire, a, je le sais et je le
constate, accueilli a\'ec empressement toutes les améliorations qu'il
a reconnues sérieusement utiles.
» Tous les perfectionnements apportés de nos jours dans la fac-
ture des instruments, il les a consacrés en les patronnant; il a
spontanément adopté un grand nombre de nouvelles et excellentes
méthodes de chant; et d'importants ouvrages, marquant le point
culminant de la science moderne, ont été récemment introduits
dans les classes de solfège, d'harmonie et de composition, à côté
des anciens solfèges et des anciennes méthodes qui seront toujours
l'honneur du Conservatoire et qui resteront les classiques de vos
études.
» Mais ne nous y trompons pas, Messieurs, il s'en faut de beau-
coup que le secret de la réussite soit tout entier dans la qualité
des méthodes ; il est surtout et presque uniquement dans'l' aptitude
naturelle des élèves, dans leur intelligence, dans leur zèle, dans
leur persistance et leur soumission au travail. Comme les fonda-
250
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
lions solides font seules les monuments durables, ce sont les fortes
études qui seules font les grands artistes. Bâtissez donc de bonne
heure, sur un terrain affermi, l'édifice de votre avenir. Le talent
ne s'improvise pas, et le génie lui-même, ce don divin, a besoin
d'être développé et soutenu par un profond savoir. Aussi, un
écrivain philosophe a-t-il osé dire : « Le génie n'est qu'une longue
patience. »
» La longue patience n'est pas trop une qualité de noire épo-
que, jeunes élèves : méfiez-vous des entraînements, et résistez de
toutes vos forces à ce besoin d'arriver vite que chacun semble
éprouver aujourd'hui. Si ^ous voulez aller jusqu'au bout, ne cher-
chez pas trop à abréger la route ; on s'égare souvent en prenant
les cliemins de traverse; marchez donc bravement au but loin-
tain, sans vous en laisser détourner par de vaines chimères ou
pai* des tentations décevantes.
» Que la science garde sa vapeur ! Pour les arts comme pour
les lettres, le temps ne fait rien à l'affaire: ce n'est pas en se hâ-
tant outre mesure, ce n'est pas en employant pour simplifier leur
travail des moyens expéditifs et des procédés empiriques que les
maîtres ont appris à composer ces chefs-d'œuvre qui seront tou-
jours vos premiers modèles : Gluck et Mozart, Beethoven et Ra-
meau, Haydn et Méhul, Cherubini etMeyerbeer, tant d'autres que
je n'oublie pas et dont les noms sont sur vos lèvres, protesteraient
en faveur des grandes études et des grandes traditions dont le
Conservatoire est le gardien vigilant et jaloux. A ces voix des
morts se joindraient celles des vivants; la plus autorisée et la
plus puissante s'élèverait à la fois de Pcisaro et de Passy, et dans
cette salle même, au milieu de vous, comme autour de moi, un
témoignage unanime voudrait au besoin défendre la maison qui
conserve, et rendre hommage à l'illustre chef qui la couvre de sa
gloire.
» Je me reprocherais de vous faire longtemps attendre vos
couronnes et l'heure de votre liberté.
» Mais comment nous séparer sans offrir des remercîments aux
maîtres que vous allez momentanément quitter, et sans payer un
tribut de regrets à ceux que la mort nous a ravis pour toujours,
pendant le cours de cette année : à MM. Meifred et Giuliani , bien
dignes tous deux de la reconnaissance de leurs élèves ; à M. Pru-
mier, mortellement frappé dans une séance du comité des études
musicales, sur ce' champ de bataille où il s'était longtemps dis-
tingué ; à ce jeur.e Barthélémy enfin qui, succombant tout à coup,
après cinq mois à peine de professorat, semble n'être entré au
Conservatoire que pour y laisser des regrets.
» Vous m'en voudriez de ne pas prononcer le nom de MM. Kastner
et Edouard Monnais : attaché au personnel du ministère des
beaux-arts, Edouard Monnais remplissait auprès du Conservatoire
des fonctions délicates que, par son esprit de conciliation, il avait
su rendre faciles pour lui et agréables pour les autres. Il a mérité
ainsi que les deux administrations, auxquelles il inspirait Ja même
sympathie et la même estime, éprouvassent le même chagrin en
le voyant enlevé sitôt à ses amis et à sa famille.
» C'est comme membre du comité des études musicales que
M. Kastner a pu rendre et a rendu, en effet, de très-réels services
au Conservatoire. Érudit de premier ordre, auteur de nombreux
ouvrages sur l'histoire et la philosophie de la musique, il prêtait
à vos études le plus sérieux concours et encourageait vos travaux
avec une infatigable ardeur.
» Le Conservatoire a ce mérite et cet honneur que, pour peu
qu'on l'ait connu, on l'aime et on le fait aimer. •
» Au commencement de ce siècle, un brave professeur nommé
Nicodami enseignait ici le piano à ceux qui l'ont enseigné à vos
maîtres. Héritière de ses sentiments pour le Conservatoire, sa veuve
vient, en mourant, de nous léguer le buste en marbre du vieux
professeur, avec une rente perpétuelle de SOO francs que nous em-
ploierons le mieux possible en son nom.
» Pour bien commencer, et en souvenir de l'enseignement spé-
cial professé par Nicodami, c'est à la classe de piano que seront
consacrés les premiers arrérages de celte rente; une moitié en
sera remise à l'élève qui, dans les classes d'hommes, aura obtenu
le premier prix de piano, et l'autre à l'élève qui, dans les classes
de femmes, ayant partagé le premier prix avec deux de ses cama-
rades, aura été désignée pour cette récompense par vote spécial
du jury.
» Ainsi, môme de la part de ceux qui ne sont plus, vous rece-
vez des encouragements précieux; mais les meilleurs vous viennent
toujours de vos maîtres, et avant tout de votre illustre chef, à qui,
pendant sa brillante carrière, le talent ne s'est pas lassé de rester
fidèle. C'est une gloire, pour la musique française et pour nous, de
le voir, dans sou inépuisable fécondité, mériter, à chaque nouvehe
épreuve, de garder sa place, la première, à la tête de la jeunesse
militante.
)) Après lui, et marchant avec respect sur ses traces, l'auteur
de la Double Échelle et de Mlynon, du Songe d'une nuit d'été et de
Hamlet, n'a cessé, depuis trente ans, de donner, à ses rivaux
d'abord, et maintenant à ses élèves, l'exemple du travail et du
succès.
.1 Pour l'en récompenser et pour honorer en même temps le
corps enseignant du Conservatoire dans l'un de ses plus dignes
professeurs, l'Empereur a bien voulu, et je vous l'annonce avec
grand plaisir, élever M. Ambroise Thomas au grade de comman-
deur dans l'Ordre impérial de la Légion d'Honneur. »
Une triple salve d'applaudissements a accueilli cette nouvelle.
M. Ambroise Thomas, en effet, est aimé de tous, autant pour l'é-
lévation de son talent que de son caractère.
La séance s'est terminée par un concert et des fragments de
pièces, dans lesquels les principaux lauréats se sont fait entendre.
Voici le programme dans l'ordre de son exécution :
1° Fragment du premier concerto, pour piano, de Chopin
(œuvre H"), exécuté par Mlle Doumerguc;
2° Air de la Dame du Lac, de Rossini, chanté par M. Solon;
3" Fantaisie appassionata, pour violon, de Vieuxtemps, exécutée
par M. Franz Ries;
4' Air de Zaire, de Mercadante, chanté par M. Aubéry ;
S" Duo pour saxophone-alto en mi bémol et saxhorn-contralto
en si bémol, exécuté par MM. Ollagnier et Chavanne ;
6" Fragments du deuxième acte de Mina, de M. Ambroise
Thomas ;
7" Fragments du quatrième acte de Lady Tartuffe, de Mme Emile
de Girardin ;
8° Fragments du deuxième acte de l'Eclair, d'Halévy.
LES ÉTOILES DU CHANT.
Première livraison. — Adctfna Patti,
Par M. GUY DE CHARNACÉ.
A Monsieur Guy de Charnacé.
Prenant pour guides votre délicatesse de dilettante, votre goût
de critique et votre loyauté de gentilhomme — trois noblesses! —
vous venez. Monsieur, de demander à la première l'oubli « des
gi'acieux sourires et des propos mahns, « d'éviter, grâce à la se-
conde, « le danger de flatter aux dépens de la vérité, » de ren-
contrer enfin dans la troisième le rare secret d'une respectueuse
bE 1>AI!1S.
231
courtoisie, pour peindre, à votre tour, en « observateur conscien-
cieux, » cetle merveilleuse fillette, en moins de dix ans devenue la
diva cliérie des deux mondes, cette adorable enfant, bambina
d'amore, qui réunit la gaieté de Ninon, la douleur d'Iphigénie,
l'éclat de Mme Tallien, à ce je ne sais quoi qui est son propre
charme et son attrait vainqueur à elle.
De cette jeunesse, de ces yeux brillants, de ces joues en fleur, de
ce sourire expressif , de cette voix aussi sonore et aussi pure que
le cristal de roche, de cette âme d'artiste, de tout ce bonheur et
de toute cette gloire vous avez su composer. Monsieur, un pastel
dont les fraîches couleurs ne pâlissent pas à côté du délicat burin
de Morse. Cette légèreté de main et cette richesse de palette vous
prédestinaient, eu vérité, à créer la galerie des divinités lyriques.
Vous n'êtes pas , au surplus , de ces historiens, petits-cousins des
rhéteurs qui, ne sachant bien que quelques points de leur sujet, à
ces points sacrifient le reste, et sont obligés, par des suppositions,
par des vues, par des phrases, de combler les intervalles et de dissi-
muler leur embarras. Non, rien de votre modèle ne vous était in-
connu; vous l'aviez étudié selon les conditions mêmes de sa na-
ture. Aussi nous en avez-vous donné une vive et fidèle description,
tout en le classant impartialement et le mettant à sa place dans
l'ordre artistique. Vous n'avez pas rempli toutefois cette tâche dif-
ficile entre toutes, — cai- enfin il s'agissait d'une femme et de
quelle femme! En y songeant j'ai honte d'être obligé de mettre
les mots pédants de classement, d'ordre et de place, en regard de
cette « fleur qui boit une chanson; » — vous n'avez pas accom-
pli votre œuvre avec la raideur habituelle de l'analyse, et, quoique
vous cherchiez à vous en défendre, si boutonné que vous vouliez
être en votre « rigide habit noir » d'homme d'expérience et de
sang-froid, en dépit de vos critiques elles-mêmes, ah! comme on
voit bien. Monsieur, que vous prêtez une attention émue, une
oreille domptée au charmant ramage qui gazouille dans votre sou-
venir; comme l'on sent bien que vous avez médité la gracieuse
maxime des Indous : Ne frappez pas une femme, même avec une
rose!
.le m'explique parfaitement que vous ayez voulu faire rayonner
Adelina Patti, la première, dans le ciel radieux des Étoiles du
chant, et que votre enthousiasme — un joyau que nul ne porte
mieux que vous — n'ait pu résister au désir légitime de placer
votre début sous la protection de sa célébrité. Le contraire m'eût
surpris , et , cependant , il eût été peut-être plus sage, sinon plus
habile, de commencer par l'examen d'une étoile de moindre gran-
deur, de celles qui scintillent mais ne rayonnent pas encore, ou
de celles qui ont brillé d'un vif éclat et s'éteignent à l'horizon;
de vous faire la main, en un mot — passez-moi cette expression
— par l'étude d'une personnalité moins lumineuse. Vous auriez
pu ainsi introduire plus d'ordre dans votre plan, et au lieu de
présenter, par exemple, un peu pêle-mêle, l'artiste dans ses créa-
tions diverses, opposer plus directement ses créations les unes
aux autres , les comparer dans leur essence môme, et de ce
choc, de ce rapprochement philosophique, si mieux vous aimez,
faire jaillir la vérité comme une étincelle. Les publications du
genre de la vôtre ont une optique, vous le savez mieux que moi.
Après la sincérité de mes éloges, me permettrez-vous , Monsieur,
une légère critique? Eh bien! je suis persuadé que, si vous aviez
écrit au préalable deux ou trois de ces livraisons — publiées avec
un luxe qui rend exigeant — vous n'eussiez pas employé dans la
biographie d'Adelina Patti certaines expressions, « rossignol en
colère, » par exemple, laquelle, appliquée à votre héroïne, ne
laisse pas que de surprendre et de détonner un peu sur l'en-
semble si mesuré de votre intéressante appréciation.
« La froide critique, — dites-vous judicieusement, — veut ana-
lyser les causes et les effets, distinguer le vrai du faux, l'enthou-
siasme passager de la gloire durable, être, en un mot, un ensei-
gnement. » Le beau programme, Monsieur , et c'est le vôtre ! Ce
sera le mien, s'il vous plaît, pour examiner d'un peu près quelques
parties de votre toile, plus importante qu'elle ne le paraît de
prime abord et en appeler à vos souvenirs et à l'impartialité,
de votre jugement. A votre opinion, à l'opinion des juges dont
vous vous entourez comme d'autant d'assesseurs austères, — et à
ce propos, pourquoi avoir troublé le sommeil de M. Scudo?
— j'opposerai, il est vrai, ma propre manière de voir et celle de
mes tenants, et peut-être arriverons-nous ainsi à un portrait plus
ressemblant que nature. N'a-t-elle pas assez de malice, la char-
mante marchesina, pour nous donner tort à tous deux?
Votre récit de l'enfance et des pérégrinations artistiques en
Amérique de la mignonne et capricieuse petite prodige est parfai-
tement mené. Il m'a été agréable de vous voir rendre justice à
M. Maurice Strakosch, qui créa et mit au monde musical la jeune
Adelina : peu d'hommes, en effet, sont doués d'autant d'habilité,
de patience, de tact et de volonté que cet étonnant professeur.
Votre définition de la voix de la diva est exacte autant qu'ingé-
nieuse; je crois cependant que votre pensée a été forcée par les
termes qui la rendent, lorsque vous écrivez que « sa vocalisation
est brusque, emportée, violente; elle n'a ni le fini, ni le poli, ni le
legato eportando la voce. » Passons donc condamnation une bonne
fois sur ces notes piquées, empruntées par elle à Mme de la Grange,
sa devancière : elle en abuse un peu, on le lui a assez reproché,
parce qu'on ne pouvait pas lui reprocher autre chose; mais le
public se pâme de joie à ces « cocottes, » et le public l'aime tant,
qu'il faut bien qu'elle fasse quelque chose pour lui. C'est vous-
même, mon cher confrère, qui vous nous racontez cette jolie petite
confidence. Effaçons donc bien vite les mots sévères de tout à
l'heure. Vous êtes bien plus dans le vrai en reconnaissant que la
favorite de Ventadour « soigne les andante et réussit à procurer le
plus vif plaisir aux amants du simple. »
« Son jeu est stéréotypé, vous écriez-vous plus loin; elle reste
toujours elle. « Elle est toujours elle-même et toujours la même,
en effet, parce qu'elle est vraiment artiste, parce qu'elle ne livre
rien au hasard, parce qu'elle n'a rien à changer à des rôles long-
temps médités et joués avec conviction, avec conscience. Quant à
son jeu, vous avez grandement raison; il est stéréotypé, parce qu'il
est sa propriété exclusive. Le rôle d'Amina de la Sonnambula, ne
l'a-t-elle pas refait selon son esprit, selon son âme? A son entrée,
au lieu de se montrer sérieuse et composée, suivant la tradition,
elle bondit avec la vivacité que donne la joie. Elle va se marier
avec un brave garçon qu'elle aime et dont elle est aimée : pour-
quoi donc aurait-elle cet air triste et dolent, présage inutile de son
malheur futur, et annonçant trop tôt qu'elle est somnambule?
Quand le comte s'approche d'elle et lui adresse ses compliments,
il faut voir comme la tendre Amina, qui connaît la jalousie de
son Elvino, se montre inquiète et avisée, modérant l'un, rassurant
l'autre de ses regards finement dérobés. Et dans le Don Giovanni,
où elle n'a ni assez d'espace ni assez de liberté pour donner plein
essor à sa voix hardie, comme elle a raison de ne pas nous mon-
trer une Zerlina plus fière, plus intraitable, plus à cheval sur des
principes qui n'attendent pas la fin d'un duo pour être battus à
plate couture; pourquoi donc les forger d'une trempe égale à
l'acier? Rien de plus fin que la physionomie de Mlle Patti lors-
qu'elle se livre à sa délibération intime. Céderai-je? ou ne céde-
rai-je pas? Comme elle dit doucement, tendrement ce vorrei, la
vérité vraie de son petit cœur, et comme elle articule avec vigueur
ce e non vorrei, qui en est le mensonge! — Dans le Faust de Gou-
Hod, — je l'y ai admirée à Londres. — elle sème des traits de naï-
veté enjouée, de coquetterie enfantine, au lieu d'être constamment
triste et rêveuse. Cela n'est-il pas plus naturel pour une jeune fille?
sss
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Du moment qu'une artiste grave aussi profondément son em-
preinte sur les rôles d'opéras populaires et les marque en quelque
sorte à l'effigie de son individualité, vous reconnaîtrez avec tous
les bons esprits, Monsieur, qu'elle a parfaitement le droit de s'en
tenir à ses créations et d'être toujours elle. Loin, bien loin de moi
la pensée de vous blâmer d'avoir songé, en voyageant dans le
pays de l'Idéal, à vos dieux absents, la Frezzolini, l'Alboni,
la Bosio , — c'est par elles qu'il eût fallu commencer — mais
d'autres ont peut-être trop cherclié, et sans avoir la même excuse
que vous à établir d'inopportunes comparaisons. Mlle Patti a
compté des adversaires qui n'admettaient pas qu'elle réussît plus
que ses devancières en s'y prenant autrement, et, pourtant, c'était
le vrai moyen. Ils ne comptaient pour rien sa nature, cette spon-
tanéité, celte bravoure qui lui fait tout pardonner, ce jeu primesau-
tier qui ne relève par de l'éducation spéciale. A qui la comparer?
Voilà ce qui embarrassait les critiques auxquels leurs profondes
lectures et leur vaste mémoire ne rappelaient rien d'analogue. Il
faut nous tenir en garde contre cette prédisposition endémique
d'un auh'e âge et ce léger travers de feuilletoniste.
Je n'ai pas beaucoup goûté, je vous l'avouerai. Monsieur, le
passage de votre étude où vous reprochez à Rosine de se faire
habiller par le « tailleur de la ihsltion « et de n'avoir dans ses cos-
tumes nul souci de la tradition. La tradition existe-t-elle pour la
couleur de la robe de la pupille de Baitholo? J'en doute; et que
voilà bien une grave question ! Mais ne trouvez-vous pas, par
exemple, que l'habit de paysanne d'Adelina Patti, dans la Gazza
ladra, l'année dernière, était simple, vrai, légèrement porté? Déjà,
en 1864, ses représentations de Marta n'accusaient-elles pas une
science, un goût indiscutable du costume? Avez-vous oublié com-
bien elle était belle, d'une noble et sévère beauté, sous les draperies
azurées à'I Puritani?
Je regrettais tout à l'heure, Monsieur, que vous ayez été cher-
cher dans Scudo des arguments contre votre Etoile : « Elle
ignore les nuances de sentiment, la différence des styles et des
genres; enchantée de son propre ramage, elle ne songe plus au
caractère du personnage qu'elle représente. » Comment se peut-il.
Monsieur, qu'un délicat, un raffiné, un homme de votre goût
épouse la querelle de ce lourd augure? Votre main s'est trompée.
Votre jugement ne saurait être complice de la nécessité d'avoir
des textes à l'appui de votre thèse. Il y a eu là chez vous un
entraînement — j'allais dire une glissade — trop imprévu pour
n'être pas excusable. Faites appel une fois encore à vos vrais
souvenirs, sans parti-pris, mon cher confrère, et vous reverrez
apparaître Adina avec son arsenal de séductions spirituelles et de
malices provocantes: Marta, dont le sentiment sérieux perce à
travers la plus folle des escapades; Linda, profitant, avec la faci-
lité, la sûreté d'instinct, la promptitude qui ne l'abandonnent
jamais, de cette transition naturelle pour ai-river au drame; Norina,
c'est-à-dire la coquetterie, la séduction, la ruse féminine dans son
expression la plus haute et la plus triomphante ; Zerlina, compre-
nant et sentant trop bien la musique de Mozart pour ne point
la suivre pas à pas avec l'adoration que l'on doit au maître des
maîtres ; Rosina, nous étonnant par une franchise d'allures à la-
quelle ne nous avaient certes pas habitués les calmes révoltes et les
emportements modérés des prime donne de l'un et de l'autre côté
des Alpes; Elvire, pouvant seule braver tous les souvenirs, seule
défier le passé; Giovanna d'Arco, même, faisant preuve, dans ce
rôle à laquelle sa nature se refusait, d'une sensibilité touchante.
Si ce n'est pas là « songer au caractère du personnage qu'on repré-
sente, î je vous serais obligé, mon cher confrère, et je vous sup-
plie de me commenter les beautés de Scudo, votre complice, pour
me donner un peu de judicieux et me rafraîchir l'intellect!
Après avoir salué avec enthousiasme, dans Adclina Patti, la su-
blime interprète des sentiments doux et joyeux, vous avancez, que
dis-je? vous déplorez qu'elle se soit brisée au choc des grandes
passions, et que toutes les qualités dramatiques, « ampleur, émo-
tion, largeur, noblesse, flamme, passion ()7 y en o-t-il encore?),
lui manquent absolument. » C'est court , mais catégorique. Mais
n'allez-vous pas trop loin, car, à cette accusation formelle, le dilet-
tantisme contemporain pourrait vous répondre :
Le rôle de la simple et imiocente Gilda convient parfaitement à
la physionomie, à la taille, à l'âge d'Adelina Patti. Elle en a pris
possession avec la plus grande autorité. Candide et naïve au
deuxième acte, au quatrième elle se livre admirablement aux élans
de la passion désespérée.
Sans effort aucun, comme elle sait reprendre dans Lucia sa
dignité, sa mélancolie, ses larmes de véritable prima donna. Dans
la scène de la folie, combien elle est dramatique, et avec quel
esprit et qu'elle finesse, sans dépasser la mesure ni d'un côté
ni de l'autre!
Elle prouve dans / Puritani que la douleur ne lui sied pas
moins que le sourire. Où trouver, enfin , une Violctta plus char-
mante, plus éblouissante, plus irrésistible? Et quelle tristesse sai-
sissante au second acte. Ce sont des larmes, de vraies larmes qui
coulent des yeux de la Traviata. Et que d'amour, que d'espoir
douloureux daus sa teriible agonie ! Ce sont de tous ces éléments
combinés et pressés que se compose à des degrés différents et va-
riés le charme exercé par Adelina Patti, et qui fait que chez elle
l'agrément du premier jour est aussi l'agrément qui ne périt pas.
Ce sont toutes ces qualités réunies qui arrachaient, en 1863, à
M. Edouard Monnais — un critique dont vous ne contesterez pas
la sage impartialité et la haute compétence — cette exclamation qui
résume mon opinion : « Jamais artiste n'a réuni au même degré le
sentiment dramatique et musical. » Vous verrez. Monsieur, que l'avenir
jouera à Scudo le mauvais tour de partager cet avis. Quant aux
autres parties de votre livre, j'estime, sans être grand prophète,
qu'il les ratifiera complètement.
On peut dire de la diva ce que don Pasquale répond à Mala-
testa dans la scène où ce dernier lui présente sa prétendue sœur:
— Che ne dite ? lui demande le docteur, et le bonhomme de ré-
pondre simplement : E un inconto! C'est un charmel Et quand le
charme y est, il défie tous les arguments, il bat en brèche toute
la science.
Vous terminez votre étude. Monsieur, par une chanson mari-
vaudante; je finirai ma lettre par un madrigal. Mlle Patti est au-
jourd'hui marquise dans le monde ; mais dans le royaume de l'Art
elle a toujours été, elle sera toujours reine, reine adorée de ses
sujets, reine d'un empire où, comme autrefois les Espagnes, le so-
leil ne se couche jamais. Je sais bien, Monsieur, que ce compli-
ment ne vaut pas le vôtre; mais on fait ce qu'on peut. Je n'ai
pas au surplus l'honneur de connaître, d'approcher comme vous
la célèbre artiste, et il était de mon devoir, en cette heureuse cir-
constance qui me permet de rendre hommage à votre talent et à
votre caractère, de vous laisser au moins le dernier.
Em. JL^thieu UE monter.
CORRESPONDANCE.
Vichy, 7 août.
La quinzaine qui vient de s'écouler aura été certainement la plus bril-
lante de la saison. A voir le nombre croissant des baigneurs, les toi-
lettes de plus en plus élégantes des baigneuses, mais surtout leur ardeur
à envahir les bals, les concerts, les spe. tacles que chaque jour amène et
qui ne leur laissent que l'embarras du choix, il serait dilïicile de se croire
au milieu de gens atteints d'une maladie dont le principal symptôme
est d'aigrir le caractère et de rendre les individu» maussades et insocia-
DE PARIS.
2S3
blés. Aussi tes habitués disunt-ils que Vichy se dérange et crient-ils à
l'abomination! Il est de fait que les séductions s'y succèdent sous toutes
les formes. Mardi c'était un bal somptueux offert dans les salons et le
jardin illuminé de l'hôtel des bains par Mme la marquise du Hallay-
Coëtquen, née princesse de Chimay et par Mme la marquise de Danvct,
avec une grâce et une affabilité rares, à la société de Vichy.— Le lende-
main et jours suivants c'étaient Dressant et Mlle Jouassin de lu Comédie-
Française remplissant la jolie salle du Casino avec le Jeune Mari, te
Barbier de Séville, etc. Puis sont venues des Conférences de Desbarolles
lisant votre passé et pronostiquant votre avenir dans les lignes mysté-
rieuses de la main — et encore Alberti, le prestidigitateur sans pareil,
dont les tours vous feraient vraiment croire à la sorcellerie. — Enfin le
salon des fêtes regorgeait hier d'une foule compacte qu'émotionnaient
singulièrement les expériences bio-magnétiques d'un apôire du mesme-
risme, M. Brunet de Ballans. Après avoir assisté à ces expériences et vu
les effets incompréhensibles obtenus par la seule volonté d'une jeune
fille endormie, quoique .saint Thomas que l'on soit, il faut bien se rendre
à l'évidence de faits auxquels vous participez pour ainsi dire et traiter
sérieusement un agent si proche parent de l'elec'ricité si peu connu en-
core et avec lequel il faudra bien compter dans l'avenir.
Si je me suis occupé d'abord des distractions qui n'avaient pas la mu-
sique pour objet, c'est que je réservais celle-ci pour la bonne bouche.
Je puis vous certifier qu'elle a tenu pendant celte quinzaine le haut du
pavé .
Sans parler des concerts du Kiosque, dirigés, ainsi que je vous l'ai dit,
avec une grande habileté, par Romeo Accursi, il y a eu trois beaux con-
certs donnés, dans le Salon des Fêtes, par son orchestre et avec le concours
de Mme Accursi, qui possède un talent de piani^te de premier ordre. Elle
y a fait entendre tour à tour de la musique classique et de la musique
moderne, des morceaux de Bach et de Chopin, une délicieuse tarentelle,
entre autres, de Stanzicri ; du Mozart et du Herz, puis, avec son mari,
le beau duo d'Osbornc et Bériot sur les motifs du Barbier de Séville. Dans
CfS morceaux de caractère si différent, on a pu apprécier et on a cha-
leureusement applaudi une étude approfondie des maîtres, un doigté
d'une délicatesse et d'une habileté singulièrement attra./antes, le style de
la bonne école et un grand sentiment des nuances. Mme Accursi a obtenu
dans ces concerts, très-courus d'ailleurs, un véritable succès.
Mlle Wertheimber, qui après la représentation de Urdathée était restée
encore quelques jours, nous a fait ses adieux dans une opérette d'Ofï'en-
bach, Daphnis et Chloë. Certes le maestro n'aurait pas regretté de voir le
rôle principal de son œuvre interprété avec la supériorité dont Mlle Wer-
theimber l'a marqué. Elle s'y est montrée aussi bonne comédienne
qu'excellente cantatrice et elle a été fortement applaudie.
L'apparition inopinée des enfants Fremeaux est venue aussi cette se-
maine apporter son contingent à la curiosité des dilettantes. On n'était
pas sans connaître l'accueil qu'ils avaient rencontré à Paris l'hiver der-
nier et leur récent triomphe à Bade. Au.ssi à peine leur arrivée avait-
elle été annoncée que l'élite de la société des baigneurs se réunissait
dans le magnifique salon de l'hôtel des Ambassadeurs pour les entendre.
Ce charmant trio de virtuoses a complètement justifié sa réputation. Ils
ont été applaudis après chacun des morceaux qu'ils ont exécutés; mais
on a surtout apprécié Albert, le violoniste, qui a joué avec une ampleur
de style, une sonorité et un sentiment surprenants pour son âge, la fan-
taisie de Vieuxtempssur ILomhardi et celle d'Alard sur la Traviata. 11 y a
dans cet enfant l'étoffe d'un véritable artiste. Le petit Paul a charmé
par l'aplomb avec lequel il manie un instrument plus grand que lui,
par sa gentillesse et la façon correcte dont il a rendu le Songe d'enfant
de Batta et une romance sans paroles de Rabaud. Un beau bouquet a
été jeté par une dame à l'intéressant trio qui, rappelé avec acclamation,
a reçu les félicitations de Pauditoire. A la suite de ce succès la société
de l'hôtel du Parc a voulu les avoir à son tour, et ils ont été obligés d'y
donner un second concert avant de partir pour les bains de njer de la
Manche, où ils sont appelés par divers engagements.
Il est encore un attrait de Vichy que je ne puis passer sous silence;
mais celui-là est réservé à un petit nombre de privilégiés. Je veux par-
ler des soirées intimes du Chalet, ce petit cénacle ouvert par le directeur
de la Compagnie fermière aux artistes et aux gens de lettres qui s'y
voient accueillis avec une hospitalité et une cordialité dont la franchise
met tout d'abord chacun à son aise. — Là vous auriez pu rencontrer
l'auteur de Pierre de Médicis, le prince Poniatowski, Louis Ulbacli,
Alexandre Weill, Malé?ieux, etc., etc., de même que leo artistes en
renom engagés par la direction. — La musique et la comédie défraient
ces soirées, fort enviées, et que le maître de la maison offre aux per-
sonnes de son intimité ou qui lui ont été présentées. A l'une des der-
nières, après la grande scène de Tartuffe, admirablement dite par Bres-
sant et Mlle Jouassin, Louis Ulbach a fait à M. Callou la surprise d'une
petite comédie de lui, inédite : l'IJabit fait le moine, très-amusante, se-
mée de mots spirituels qu'ont fait très-bien valoir Séveste et la charmante
Dica-Peiit. Cette pièce a fait grand plaisir. — Mme Accursi et son mari,
— excellent violoniste, comme vous savez, — Mlle Gonetti, Lcvassor, ce
Juif-Errant de la chansonnette, — Alberti, ont mis ensuite à l'envi leur
talent à la disposition des invités. Je vous laisse à penser si les moments
ont rapidem(!nt pn.ssé jusqu'à l'heure réglementaire do la retraite, dont
ran)phitryon, jaloux do la santé de ses liâtes, a donné lui-même Pim-
pitoyable signal.
S. D.
Deauville, s août 1868.
Mon cher Directeur,
Je suis encore tout enguirlandé, tout empanaché, tout enivré, tout
affolé des trois journées que je viens de passer. Chaque année, à pa-
reille époque, Deauville revêt ses habits de fêle et donne des courses de
chevaux classées, par le monde an sport, dans les plus intércsantes et
les plus sérieu.ses d'Angleterre, de France et de Navarre. C'est un magni-
fique hippodrome que celui de Deauville. Entouré de coteaux boisés et
fermé sur son quatrième côté par la mer, il offre aux yeux charmés le
plus beau point de vue qui se puisse imaginer quand il est couvert de
monde, de voitures, de cavaliers et de mais pavoises.
Le temps dn reste a contribué pour beaucoup à la splendeur de ce
spectacle. Pendant trois jours le soleil n'a pas cessé d'y développer son
plus vif éclat, mais aussi sa chaleur la plus intense. La nuit venue,
c'était le tour du Casino, et les plaisii's du soir répondaient à ceux de la
journée. Nous avons eu d'abord une représentation donnée par le théâtre
du Palais-Royal : les Forfaits de Pipermans, par Lugutt, Lacombe et la
gentille Mlle Worms; Après te Bal, charmante petite comédie jouée à
ravir par Céline Montaland et Geoffroy; enfin la Bonne aux Camélias,
dans laquelle Mraes Thierret et Honorine ont rivalisé de verve et de co-
mique, parfaitement secondées du reste par Priston, Lacombe et Luguet.
Le lendemain soir avait lieu le grand bal des courses. La jolie salle
du Casino, ornée de fleurs et de verdure, était remplie des plus délicieuses
toilettes, de ces toilettes, vous savez, que Pété comporte et que les bains
de mer autorisent, un peu excentriques peut-être, mais gracieuses et
piquantes. Ce bal des courses, à Deauville, par son animation, forme
un ravissant kaléidoscope pour le simple observateur. Il est juste d'ajouter
qu'Emile Desgranges conduit l'orchestre et qu'il est passé maître dans le
genre; à Paris, nous le connaissons tous. Ce qu'on sait moins, c'est la
valeur réelle de ce charmant garçon conmie artiste sérieux. Je ne l'avais
jamais vu à l'œuvre encore sous ce rapport et j'en ai été vraiment
étonné. Il a formé là un orchestre de vingt-cinq musiciens qui peut
aborder toutes les ouvertures et la plupart de nos grands morceaux
symphoniques; cela dans les meilleures traditions t;t avec les effets les
plus satisfaisants, quoique parfois, dans ces conditions restreintes, il soit
indispensable de modifier les timbres. Je leur ai entendu dire les œuvres
de Weber tont aussi bien que celles d'Auber et de Rossini; celles de
Beethoven, de Schuraann et de Wagner, aussi supérieurement que les
œuvres plus douces de Mozart et d'Haydn. Je viens de suivre avec
beaucoup d'intérêt ces concerts qui ont lieu régulièrement deux (ois par
jour, et je ne saurais vous énumérer tout ce qu'on y a joué. Toutefois,
je tiens à vous citer les ouvertures de la Muette, de Mariha, des Dia-
mants de la Couronnf., des Dragons de Villars.; Schiller -Marsch; les fan-
taisies sur V Africaine, les Huguenots, le Freyschiitz, et le Cujus animam
du Stabat Mater de Rossini. Je ne vous dirai rien du répertoire dansant;
Emile Desg.-anges interprète d'une façon charmante les œuvres de J.
Strauss, de Vienne, dont il s'est fait une spécialité. Rien ne peut donner
un<î idée de ces concerts presque toujours en plein air avec la mer pour
horizon et dans un paysage digne de Page d'or.
Maintenant que je vous ai parlé du général en chef de cette phalange
musicale, il me reste à vous en nommer les principaux officiers : c'est
Colblain, l'élégant violon; Mas, le classique alto; ^chidenhelm, parfait
violoncelliste que Paris envie à Strasbourg ; c'est Cantié, l'habile flûtiste;
Gobin, le brillant piston; Lalande, basson à l'Opéra-Comique; Eysseri,
clarinettiste en train de se faire un nom; Lavagne, hautbois d'un talent
réel. Il n'est pas extraordinaire qu'avec de pareils éléments l'orchestre
de Desgranges puisse mériter tous ces éloges. Je savais bien que la
plage de Deauville était charmante, que son Casino passait pour l'un
des mieux ordonnancés, que la vie y était douce H salutaire, mais je
ne comptais pas y rencontrer des jouissances artistiques d'un ordre aussi
élevé. Je me fais donc un devoir de vous en faire part et un plaisir,
cher directeur, de vous y convier.
Tout à vous,
Paul BERNARD.
Aux listes de la souscription Edouard Moniiais, que nous avons
précédemment publiées, nous sommes heureux de pouvoir ajouter
aujourd'hui encore les noms suivants :
Mlle A. de Courcelles, Ludovic Halévy, D. Pollonnais, A. Callou,
Mme veuve Halévy, GoufTé, G. Duprez, Hippolyte Rolle, Charles
254
lîEVlJE ET GAZI':TTE MUSICALE
des Etangs, Louis Diémer, Samson , Charles Blanc , Amédée Mé-
reaux, Victor Chéri, Mme Laborde, Stamaty, Marcilhacy, Mme
Adelina Palti, Strakosch, François Wartel, Mathieu de Monter.
NOUVELLES DES THËÀTBES LYRIQUES.
**;f Le Ihtuître impérial de l'Opéra a repris Hamlet cette semaine, et
l'œuvre d'Amb. Thomas a retrouvé son succès légitime. Le public a
confirmé par son empressement et ses bravos l'opportunité de cette re-
prise. Il a été heureux surtout de retrouver avec sa voix si pure, sa
grâce si chaste, son talent si original, Mlle Nilsson que Londres vient
d'acclamer pendant deux mois. Dès le deuxième acte, les bouquets pleu-
raient littéralement auiour de la grande et charmante artiste, et la soi-
rée prenait, pour les conserver jusqu'à la chute du rideau, les allures
d'un triomphe. Faure en a eu sa large et légiiime part. On sait avec
quel style, quel art, quelle passion, quelle voix magnifique il a composé
cette créalion d'Hamlet, qui restera l'un des plus be:iii\ titres do gloire
de sa carrière. L'exécution, au surplus, est de tous points parfaite dans
son ensemble. l\lme Gueymarrt, Belval, Colin y contribuent puissamment.
— Le Trouvère et la Muette ont complété les représentations de la se-
maine.
*% Les bruits qui ont couru celle semaine à propos des conditions pé-
cuniaires exagérées du rengagement de Mlle Nilsson à l'Opéra n'ont
aucun fondement. Nous ne croyons pas davantage que Mme Sass ait
l'intention de se vouer à la carrière italienne.
:j** M. Colin, ténor de l'Opéra, a épousé cette semaine Mlle Louise
Fiocre, ancienne artiste de la danse à ce théâtre.
*^ L'Ambassadrice a reparu sur l'affiche de l'Opéra-Comique, avec
les noms de Mme Cabel et de Capoul dans les deux principaux rôles.
La représentation de mercredi dernier a été très-brillante , et toutes les
loges étaient garnies des plus fraîches toilettes. Le public a clialeurouse-
ment accueilli Mme Cabel et Capoul, et a fait fêle aux mélodies populaires
dont est semé ce charmant ouvrage. L'Ambassadrice a été remontée avec
un soin qui fait le plus grand honneur à la direction ; elle sera, sans
aucun doute, jouée longtemps et avec succès. — Barré a repris cette se-
maine possession de son rôle de Belamy des Dragons de Vitlars, qui
attirent toujours un nombreux public. — M. Gailhard a continué avec
succès ses débuts dans le Toréador.
*•*;» Nous pouvons donner comme certaine la nomination de M. Pasde-
loup à la direction du théâtre Lyrique. Le Moniteur ne tardera pas à en
publier la nouvelle officielle.
»*^ Offenbach vient de remettre aux Variétés le manuscrit de la mu-
sique de sa nouvelle grande pièce en deux actes, dont les paroles sont
de MM. Meilhac et Ludovic Halévy. La lecture en sera faite cette se-
maine aux artistes. Mlle Schneider et Dupuis y rempliront les principaux
rôles. Cet ouvrage, dont le sujet est des plus piquants, a pour titre : la
Périchole.
^*:^ Les délais accordés aux compositeurs entrés en lice, dans le con-
cours d'opéra-comique {le Florentin) étant expirés depuis le 30 juillet
dernier, les concurrents ont, sans perdre de temps, procédé à l'élection
du jury chargé de l'examen de leurs compositions, lequel jury se trouve
ainsi composé: MM. Féhcien David, Maillart, Gevaert, Massé, Ambroise
Thomas, Gounod, Reber, Semet, Georges Hainl, Berlioz, Bazin, Auber,
Mermet, Tilmant, Duprato, Pasdeloup, le prince Poniatowski, Elwart.
Soixante-trois compositeurs ont pris part au concours. Le résultat des
travaux du jury ne tardera pas à être connu.
,1,*^ Une Femme tombée du ciel, amusante opérette de MM. Blondelet
et Baumaine, musique de Léon Roques, est représentée en ce moment,
avec beaucoup de succès, à l'Eldorado.
»*i Mme Meillet vient d'être engagée au Grand-Théâtre de Bordeaux,
pour la saison prochaine.
^% Une compagnie lyrique française vient de se former pour chanter
le répertoire d'Otfenbach — la Grande - Duchesse , naturellement — à
Turin, Florence, Milan, Naples et autres villes d'Italie.
»*<, Deux nouveaux opéras italiens viennent de voir le jour : à Lodi,
Faustina, du maestro Bernardi, el à Padoue, Don Pedro re di Portogallo,
du maestro Drigo; deux macsfrî" jusqu'à présent parfaitement inconnus.
Ces deux ouvrages ont eu du succès.
**» La nouvelle trotipe d'opéra bouffe français engagée par l'impré-
sario M. Bateman, à New-York, vient de débuter dans cette ville de la
façon la plus heureuse, au théâtre de Niblos-Garden, par Barbe - Bleue.
Mlle Irma Marié a, dans le rôle principal, obtenu un franc succès, par-
tagé par le ténor Aujac, Mlles Lambelé et Duclos. On répète activement
Fleur de Thé, avec Mlle Irma Marié dans le rôle de Césarine, qu'elle a
créé. La joyeuse opérette de Lecocq doit être suivie de la reprise de la
Grande-Duchesse, qui durant la. saison dernière a été portée aux nues à
New- York.— Un second théâtre d'opéra bouffi-' français sera inauguré au
mois de septembre sous la direction de M. Grau, qui a fait de brillants
engagements en France. Geneviève de Brabant et Fleur de Thé seront les
premiers ouvrages qu'on représentera.
NOUVELLES DIVERSES.
»■*, M. Ambroise Thomas vient d'être nommé commandeur de la Lé-
gion d'honneur. C'est pendant la distribution des prix du Conservatoire
qu'il a reçu publiquement, de la main de S. Exe. le maréchal Vaillant,
cette récompense, l'une des plus précieuses que puisse ambitionner un
artiste.
^*^ La distribution des prix du collège Chaptal, si supérieurement di-
rigé par M. Monjean, a eu mercredi dernier une solennité exceptionnelle.
Elle était présidée par !il. Victor Dillais, membre du conseil municipal,
délégué par M. le préfet de la Seine, assisté de M. Chaix-d'Est-Ange et
d'un grand nombre de notabilités scientifiques et littéraires. Cette fêle de
famille a été particulièrement brillante au point do vue musicnl. Pour
la première fois, un orchestre composé exclusivement des élèves du
collège, a exécuté d'une manière charmante, sous la direction d'Her-
man, l'éminent violoniste, l'ouverture du Philtre, d'Auber. Un chœur
de la Création d'Haydn, et des chœurs à'Allialie de Mendelssohn, ont élé
fort bien chantés par les élèves de la division supérieure de chant et
accompagnés par l'orchestre. C'est là une innovation dee plus heureuses,
qu'il importe de signaler et d'encourager. Nous félicitons très-sincèrement
M. Herman , ainsi que MM. Foulon et Bourdeau, professeurs de chant,
des bons résultats obtenus par leur enseignement en si peu de temps.
^*^ La distribution des prix aux élèves de Notre-Dame-des-.\rts a eu
lieu, mercredi dernier, au château de Neuillj, sous la pré.--idence de
l'archevêque d'Alby. Dans cet établissement destiné à donner une édu-
cation véritablement utile aux filles d'artistes, de littérateurs, de sa-
vants, etc., l'enseignement de la musique a une importance exception-
nelle. Aussi a-t-on accueilli avec la plus vive sympathie et salué d'ap-
plaudissements empressés les intéressants exercices musicaux des élèves.
Après l'/lHegret/o de la symphonie en (a, de Beethoven, arrangé pour piano,
orgue, violoncelle et violon, dix petites filles ont exécuté sur cinq pianos,
avec ensemble et goût, plusieurs morceaux concertants de C. Stamaty.
Le grand duo sur les Huguenots, d'Armingaud et Jacquard, pour piano
et violoncelle, a permis d'apprécier la remarquable virtuosité de
Mlles Yvonne Morel et Mathilde Galitzin : on ne saurait apporter plus
de charme, de sentiment et de fini dans l'exécution. La partie chorale
n'a pas été la moins intéressante de la fête : le chœur des prêtresses, de
Pharamonil (Boïeldieu), et un choeur avec soli, la Peinture et la Musique,
ont été parfaitement rendus et ont produit un excellent effet. L'honneur
de ces succès revient de droit aux professeurs de Notre-Dame-des-Arts
et à la supérieure-fondatrice de ce pensionnat, Mme d'.^nglar.
»*t Le concert annuel du pensionnat des Frères de Beauvais avait at-
tiré, dimanche dernier, près de trois mille personnes dans ce magnifi-
que établissement. Les élèves — chœurs et orchestre — secondés par
quelques artistes de Paris, ont exécuté le chœur des matelots à'Haydée,
l'ouverture du Jeune Henri et le Désert, de Félicien David, en entier
M. Mathieu de Monter, qui assistait à cette magnifique soirée, en a rendu
compte le lendemain dans le Journal de l'Oise. Nous extrayons de son
remarquable feuilleton les passages suivants : « Les applaudissements du
public, la vive et unanime satisfaction de tous ont sanctionné le mérite
général de l'exécution et la haute valeur artistique de celui qui la diri-
geait. Les élèves du pensionnat ont donné avec un ensemble, un élan
remarquables et un sentiment très-accusé de l'œuvre dont une partie de
l'interprétation leur avait été confiée. Leurs voix sont bien posées, ils
articulent et prononcent bien, et j'ai retrouvé avec plaisir dans leur ma-
nière d'émettre le son, l'habile méthode de leur professeur M. Auguste
Boudard. Beauvais doit beaucoup à cet artiste distingué, persévérant,
complètement dévoué à son art et qui sait communiquer aux autres son
ardeur, son goût sûr et délicat, et l'amour du beau qui l'anime. Hier
soir, il a prouvé qu'en de certaines circonstances, les Heures pouvaient
avec raison s'appeler aussi les Grâces. » Le pensionnat des Frères de
Beauvais est un des établissements d'instruction et d'éducation de France
dans lequel la musique est le plus en honneur; cet art fait partie inté-
grante de l'enseignement pratique de la maison.
^% Notre collaborateur A. Elwart, qui avait élé diriger à Rouen, le
31 mai dernier, le Salut Imjérial de sa composition devant LL. MM.
l'Empereur et l'Impératrice, vient de recevoir à cette occasion de M. le
baron Leroy, sénateur préfet, une lettre très-flaiteuse de remercîments
et une très-belle médaille d'argent au nom du déparlement de la Seine-
Inférieure.
DE PARIS
^** Les journaux hollandais sont remplis d'éloges cntliousiastes à
l'adresse de notre célèbre cornettiste Arban, qui a donné à Amsierdam,
dans le Parc, plusieurs concerts très-suivis et Irès-brillants. Sa rare habi-
leté commo virtuose n'a pas moins été appréciée que son talent de chef
d'orciicstre et de compositeur.
»*^, Les premières étapes de la tournée artistique Ullman-Patti , en
l'automne prochain, commenceront parle Danemark, la Suède, puis la
Belgique. Les artistes pngagi-s pour celte nouvelle expédition du célèbre
imprésario sont: Mlle Carlolta Patti, cela va siins le dire, M. et Mme
Alfred Jaëll, H. Vieuxtemps, Grulzmacher, violoncelliste du roi de Saxe,
Trenka et Jacquard, ce dernier pour la Belgique. La tournée à travers
la France commencera dans les premiers jour de décembre avec les ar-
tistes dont nous avons dé,à donné les noms.
^*^ Mlle Godefroy, cantatrice d'un mérite reconnu, a donné le H et
le 19 juillet dernier, à Vichy, deux concerts auxquels la sofiété de cette
station thermale s'est portée avec empressement. Entre autres morceaux
chantés par Mlle Godelroy, la romance de Mignon et l'air des Dragons
de Vitlars ont enlevé tous les suffrages et provoqué les applaudissemenis
les plus chaleureux.
„;*» La Société philharmonique Euterpe, d'Amsterdam, publie le titre
des chœurs pour voix d'homme couronnés dans le concours de com-
po.sition chorale ouvert par elle; ce sont: Valkers Nachtgesang (devise:
Ne quid nimis); Ergo bibamus (devise: Zum Bccherklang ein froher Sang);
Gœden Nacht (devise : De loonkunst stechts doorziet hct spoor). Ces com-
positions seront exécutées à l'occasion de la grande fête chorale des 8 et
9 août, après laquelle on fera connaître les noms des auteurs. Chacun
des trois prix consiste en une médaille et en une somme de "100 florins.
**, M. Chorley, renonçant à la critique musicale de YAtheneum , de
Londres, est remplacé dans ses fonctions à ce journal par M. Francis
Barnett, compositeur de talent.
*** A l'occasion des courses de Caen, MM. Kelterer, Jules Lefort, Si-
vori et Mlle Laura Harris ont donné dans cette ville un très-beau con-
cert. Le grand duo d'Erncmi, pour piano et violon, de MM. Kelterer et
Herman, a produit un grand effet et Mlle Harris a eu son succès accou-
tumé.
.** La Messe impériale d'Haydn sera exécutée à grand orchestre le
IS août, dans l'église Saint-Roch, sous la direction de M. Vervoitte. Le
lendemain, 16, fête patronale de Saint-Roch , la 4« messe d'Haydn sera
chantée dans la même église, ainsi qu'un Domine Salvum et plusieurs
motets de M. Vervoitte.
^% Vendredi de l'autre semaine, à Manchester, une grande soirée mu-
sicale qui avait réuni deux mille personnes dans une salle de concerts
populaires, a été marquée par un horrible accident. On a cru à un in-
cendie, et un tumulte indescriptible a été le résullat de cette panique.
Il y a eu trente morts et un grand nombre de blessés.
*% On annonce la mort : à Naples, de M. Carlo Conti, correspondant
de l'institut de France, compositeur dont les nombreux opéras ont eu
du succès en Italie et en Espagne, professeur depuis longues années au
collège royal de musique de cette ville, où il avait éié le condisciple
de Bellini; — à Bielefeld (Prusse), de la cantatrice Mlle Marie Cruvelli,
sœur de Mlle Sophie Cruvelli, qui avait eu des succès à l'étranger et qu'on
avait également pu apprécier à Paris; — à Paris, de M. Louis- François
Dauprat, cornisie distingué, longtemps attaché à l'orchestre de l'Opéra,
l'un des fondateurs de la Société des concerts du Conservatoire; — à
Lissa (province de Posen), du compositeur J.-F. Kittl, auteur de l'opéra
les Français à Nice, ancien directeur du Conservatoire de Prague.
ET R A NGER
if.* ji, Londres. — HerMajesty'sOpéraadonnésamediderniersa représentation
de clôture, au bénéfice de Mlle Tietjens. Le progranmie se composait de
Don Giovanni et du troisième acte de iVédée. — VOrchistral Union, jadis
dirigée par le regrettable Alfre.l Mellon, et qui depuis sa mort s'était
indéfiniment ajournée, va rentrer en a<:tivité sous la direction de
M. Kingsburg. La première série de concerts commencera le 17 août
dans la nouvelle salle de concerts de Brighton. — L'Eisteddfod, ou
congrès annuels des bardes gallois, se tiendra dans quelques jours à
Ruthin. La poésie et la musique font les frais de cette solennité, qui
tend trop aujourd'hui à se moderni.'-er pour durer longtemps encore;
d'ailleurs le nombre des bardes est devenu infiniment restreint.
^*^ Baden-Baden. — Au sixième concert de la saison, Mme Carvalho
a détaillé avec un charme merveilleux et un luxe de vocalises étonnant,
l'air du premier acte de \a. Somnambule. M. Barré, de l'Opéra-Comique, a
chanté délicieusement un air du Nouveau Seigneur du village. Le jeu de
Mlle Marie Pérez, jeune et jolie pianiste marsi-illaise, a fait le plus
grand plaisir. Quant à Batia, il a retrouvé dans cette belle soirée les
bravos et les rappels qui ne lui font jamais défaut.
j*, Ems. — Aux représentations dramatiques succèdent les concerts.
Dans l'un des derniers, au théâtre, Bntta a admirablement joué uu
morceau de sa composition sur dos motifs de l'Africaine, c[a[ a produit
un effet magique et enthousiasmé l'auditoire. Cette semaine a eu lieu
une représentation des Noces de Jeannette, avec Mme Carvalho; la
grande artiste a apporté un charme indéfinis.sabic à l'interprétation de
la jolie partition du Victor Massé. Bottesini, Antoine et Louis Rubinstein,
se sont fait entendre à la Conversation avec le prodigieux succès dont
leurs noms sont synonymes.
^*.f llombourg. — Le Kurhaus a donné, le 23 juillet, une magnifi-
que représentation du Domino noir, avec Mlle Désirée Artôt, dont le suc-
cès ne fait que grandir. C'est une Angèle inimitable : on a bissé plu-
sieurs morceaux, et de, nombreux rappels, au milieu de bravos inces-
.sants, ont prouvé à l'éminentc artiste combien on apprécie son talent si
souple et si complet. Elle a chanté, avec un succès non moins grand
l'Elisire d'Amore : chaque rôle est pour elle un nouveau triomphe ; plus
on l'entend et plus on l'applaudit. Mlle Artôt est, au surplus, parfaite-
ment secondée par MM. Corsi, Verger, Agnesi et Mlle Betlini qui par-
tagent avec elle la faveur et les applaudissements du public.
**ij Prague. — Au mois de septembre sera représenté un nouvel
opéra de F. de Flotow, les Deux Compositeurs.
^*^ Naples. — La municipalité jirend elle-même la direction du
théâtre San Carlo. Rien n'est encore décidé pour l'opéra A'obbligo, qui
doit éclore chaque saison.
Chez G. BItANDVS et S. DUFOUR, éditeurs, 103, rue de Richelieu.
EN VENTE :
D'OPÉRàS, D'OPÉRAS-COMIQUES ET D'OPÉRETTES
PARTITIONS CONFORMES AU THÉÂTRE
Contenant Paroles et Musique sans accompagnement.
Format de poche.
Ahrer Fra Diavolo net 3 »
Adam Le Postillon de Lonjumeau 3 »
Meyerbeea. Bobert-le-Diable 4 »
De Flotow. Martha 3 »
Maillart. . Les Dragons de Villars 3 »
Offenbach. La Grande-Duchesse de Gérolstein. . 3 »
(Sera continué.)
CES PARTITIONS SONT RECOMMANDÉES SPÉCIALEMENT :
Aux Artistes dramatiques, pour remplacer la copie des rôles.
Aux Sociétés chorales.
Aux Spectateurs, pour suivre la musique au théâtre.
CHEZ LES MÊMES ÉDITEURS :
Morceaux de Piano nouveaux
J. Baur. Transcription brillante du Chœur des Evêques
de r Africaine 4 »
Burgmuller. Valse de salon sur les Dragons de Villars,
arrangée à quatre mains par Rummel 9 »
I. Carreno. Fantaisie brillante sur l'Africaine 9 »
Cramer. Bouquet de mélodies sur les Dragons de Villars. 7 SO
— Bouquet de mélodies sur Fleur de Thé 7 SO
Duvernoy. Fantaisie de salon sur les Dragons de Villan 7 SO
E. Ketterer. Fantaisie brillante sur les Dragons de Villars 7 SO
— Galop de salon sur Fleur de Thé 7 SO
Ch. Lecocq. Gavotte 3 »
E. Magnus. Tzygane-Marclie, souvenir de Hongrie 7 SO
— La même, arrangée à quatre mains 10 »
Meyerbeer. Marche du Couronnement du Prophète, ar-
rangée pour deux pianos à huit mains 9 »
Mortier de Fontaines. Rêverie sur la romance :
(c Oh ! laisse-moi pleurer, » de Léon Leroy 4 SO
Hi:vuE ET gazi:tte musicale de pakis.
MUSIQUE D'ORGUE - HARMONIUM
Publiée par les éditeurs BRAIVDUS et DUFOUU, 103, rue de Blchelleu.
METHODES
BRISSON (Frédéric). Ecole d'orgue trai-
tant spécialement de soufflerie
et contenant 38 exercices , 50
exemples et 20 études sur des
motifs de compositeurs célè-
bres 2S »
FËSSy. Méthode complète pour l'har-
monium, suivie d'exsrcices et
d'airs 18 »
AIRS VARIÉS, FANTAISIES. ETC.
ADAM (A.). Vanimsie sur la Mîtette de Por-
tici, composée par S. Thalberg,
arrangée pour mélodium et
piano 9 »
AIDAT (F). Op. 15. Les Hugiienota, fan-
taisie brillante pour iKirnionium 7 50
— Fantaisie de salon sur l'Étoile du
i\ord 7 50
BADARZEWSKA (T.). La Prière d'une
vierge, pour harmonium 5 »
BRISSON. Adagio de Beethoven, transcrit
pour harmonium ou orgue et
piano 5 ■«
— Casta Diva, cavatine de Norma,
transcrite pour harmonium ou
orgue, piano et violon 6 »
— La Somnambule, trio pour har-
nionium ou orgue, piano et
violon 7 50
— La Charité, choeur de Rossini,
transcrit pour harmonium ou
orgue, piano et violon 7 50
— Op. 66. Maria, trio pour piano,
orgue et violon 12 »
— Op. 69. Robert le Diable, grand
duo caractéristique pour piano
et orgue 12 »
— Op. 70. Le Pardon de Ploërmel,
duo de concert pour piano et
orgue 7 50
— Op. 71. Méditation sur le chœur
religieux du Pardon de Ploër-
mel, transcription pour piano,
orgue et violon ou violoncelle. 7 50
— Marche religieuse et chœur des
évêquesde r Africaine, pour har-
monium seul S »
— Mélodies de l'Africaine, arrangées
pour harmonium seul, trois
suites chaque 7 50
— L'Africaine, trio pour violon ,
piano et orgue 12 »
— Trente mélodies de Schubert, trans-
crites pour piano seul par St.
Heller, arrangées pour harmo-
nium seul, en deux séries :
1" série. 2^ série.
1. Adieu. i. le Chassenr des Alptl.
2. La Jeune Hère. 2. Td es te repos.
3. Eloge des larmes. 3. L'IUnsion.
k. La Rose. L L'Eiilé.
!!. Sur le bord du lac. 5. A flignou.
6. La riainle du Pitre . 6. Impatience .
7. Les Larmes. 7. Dans le bosquet.
8. Les Astres. 8. les Plaintes de la jeune fille.
9. la Berceuse. 9. Le ïojageur.
10. la Jeune Fille et la Mort. 10. Bonjour.
H. Rosemonde. 11. le Pécheur.
12. La Sérénade. i2. Chanson des chasseuri.
13. At6 Maria. 13. la Truite.
M. La Cloche des agonisants. H. Le Joueur de rlelle.
iS. Iles Rites sont liaii. 15. Sois toujours mes seules amoars
Chaque morceau 4 50
BUISSON. Cantique du Domino noir en
trio, piano, violon ou violoncelle
et orgue 10 »
BRISSON. .\dagios de sonates de Beethoven
transcrits pour piano, violon
et orgue de salon :
N""l. Largo de la sonate op. 7 7 50
2. Adagio cantabile de la
sonate op. 13 7 50
DURAND, l" Romance sans paroles de
Mendelssohn en triopourviolon,
orgue et piano 6 »
— Op. iO. Grand duo sur les H'x-
guenots pour orgue et piano. . 10 »
— Ouverture de la Sirène pom har-
monium et piano 9 »
— et KETTERER. Duo brillant sur
l'Africain', pour harmonium et
piano 10 »
ENGEL (L.). Fantaisie pour harmonium
sur l'Étoile du Nord 5 »
— Grande fantaisie pour orgue-har-
monium sur le Pardon de Ploër-
mel 6 »
— Grand duo pour piano et harmo-
nium sur le Pardon de Plo'érmel. 9 »
FESST. Fantaisie sur le chœur du Do-
mino Noir 5 »
— Réminiscence du Stabat Mater de
Rossini 6 »
— Andante et boléro 7 50
— Cavatine de Torquato Tasso et
caprice 7 50
— Six morceaux sur des motifs de
Rossini , Auber et Donizelti.
2 suites , chaque 7 50
— et HERZ. Deux duos concertants,
pour harmonium et piano.
2 suites, chaque 7 50
N°' 1 . Cavatine de Yaccaj.
2. Thème de Beethoven.
FRELON. Trois marches pour orgue expres-
sif à percussion :
N"' 1. Marche du sacre du Pro-
phète 6 »
2. Marche de flo6er« ^rucc, 6 »
3. Marche de la Muette de
l'ortici 6 •
— La Part du Diable, fantaisie pour
orgue et piano 10 »
— .Le Prophète, fantaisie de concert
pour orgue avec accompagne-
ment de piano obligé 12 »
— • Romance sans paroles de Thal-
'berg pour orgue et piano 9 »
LEBEAU. Op. 42. L'Abandon, romance
sans paroles pour harmonium . 5 »
— Op. 43. Danse brelonne, vilia-
nelle pour harmonium 5 »
— Op. 44. io Rosée du matin, ca-
price potir harmonium 5 »
— Op. 45. Suivie, souvenir d'autre-
fois, pour harmonium 5 »
— Op. 46. En mer, chant mari-
time, pour harmonium b »
— Op. 47. Impromptu pour harmo-
nium 5 »
— Marche funèbre de Litolff, à la
mémoire de G. Meyerbeer, ar-
rangée pour harmonium seul. 6 >
— Op. 75. Souvenirs de l'Africaine,
pour harmonium 6 »
— Schiller - Marsch, Marche triom-
phale de G. Meyerbeer, trans-
cription pour harmonium seul 7 50
— Op. 79. Duo de salon sur il/arrto,
piano et orgue 9 »
LOUIS. Op. 271 . Entretiens familiers pour
orgue et piano. 3 suites . .chaque 6 »
MARIUS GUEIT. Op. 34. Cinquante mor-
ceaux de différents caractères,
classés ton par ton, et disposés
de manière à pouvoir servir
d'Antiennes ou de Versets aux
chants de l'office divin, pour
orgue ou harmonium. En 2
suites chaque 12 »
MEREAUX. Op. 63. Grand caprice sur
Robert le Diable, pour harmo-
uicorde, piano et violon 20 »
MEYERBEER. Dernière Pensée musicale,
prélude au .3° acte de l'Africaine,
pour orgue harmonium seul.. 2 50
— Le même, pour orgue - harmo-
nium et piano 4 »
— Le même, en trio, pour piano,
violon ou violoncelle et orgue. 6 »
MOREAUX. Ouverture de Giralda, pour
orgue et piano 9 »
— Ouverture des Diamants de la Cou-
ronne, pour orgue et piano ... 9 »
MIOLAN. Fantaisie sur Moïfe, composée
par S. Thalberg, arrangée pour
mélodium et piano 9 »
— Choix de romances sans paroles
de Mendelssohn, pour harmo-
nium et piano :
Op. 38. En 2 suites chaque 9 »
— Fantaisie sur l'Africaine, pour or-
gue-harmonium 7 50
— Fantaisie sur il/art/ia, pour orgue-
harmonium 7 50
RIBALLIER. Cavatine du sommeil de la
Muette de Portici, pour orgue,
piano et violon, ou violoncelle 9 »
ROMAND (Giuseppe). La Carila, chœur
religieux de Rossini, pour har-
monium seul 5 »
— Ave Maria, de Schubert, pour
harmonium .seul 5 »
— Prière de Strûdella (Pieta signor),
pour harmonium seul 5 •
BRISSON. Les délassements de l'étude,
quarante-huit mélodies et airs
favoris tirés des opéras d'Adam,
Auber, Flotow, Maillart, Meyer-
beer . Mozart, Rossini, Thomas
et Weber, pour harmonium
seul, en 4 suites chaque 7 50
1" suite. 3" suite.
1. Le Prophite. 25. lei Dragons d^ Villar».
2. le Pardon de Ploërmel. 26. Le Pardon de Ploërmel.
3. Siradella. 27. Le Roman d'Elvire.
i. la Hnttte de Portici. 28. Le Comte Orj.
5. Zerliiie. 29. La Fiancée.
6. Robert le Diable. 30. le Pardon de Ploërmel.
7. Cberon. 31. La Muette de Portici.
8. Le Po^illiin de Lonjumeau. 32. L'Etoile du Nord.
9. le Pro|ihi!le. 33. Nozze di Figaro.
10. La Muette de Portici. 3i. Ilajdée.
11. llaila. 35. le Pardon de Ploërmel.
12. la Sirène. 36. Le Roman d'Eliire.
2" suite. 4" suite.
13. le Phlire, 37. L'Ambassadrice.
U. Guillaume Tell. 38. les Hupenots.
15. Lesliicq. 39. Stradella.
16. L'Eoile du Nord. 10. Gnillaume Tell.
17. H.ijJce. U. la Fiancée.
18. Uarla. 42. le Pardon de Ploërmel.
19. La Fiancée. 43. Le Roman d'EInre,
20. le Postillon de lonjameau. 44. Robert le Diable.
21. Le Domino noir. 45. Fra Diatolo.
22. la Uurtte de Portici. 46. le Domino noir.
23 Les Huguenots. 47. Le Roman d'EInre.
24. Le Prophète. 48. Le Gheral de bronze.
BU1£R1£ CENTBALE DES CBEnmS DE FEU — A. CQAIX ET C% BUE BEBGÈBE, 20, A PABIS.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
3S' Année.
N' 33.
ON S'ABONNE :
Dans les Dûparttments ot û l'Élrongcr,
chez tous les Marchands de Ifusiquc, les Libraires,
et aux Bureaux der. Messageries et des Postes.
16 Août 18G8.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 'i^ r. pnr
Départements, DL-lgique ol Suisse.... 30 « id
Étranger 34 -» id
Le Journal paraît le Dîmoncho.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Songe de Charles-Marie de Weber, écrit par lui-mSme. — Les
droits des auteurs (deuxième partie, 13° article), par Thomas Sauvage.
— Les Tliéâtres lyriques secondaires à Paris depuis 1820 (5' article), par
Arthur Poug-in. — Bibliograpliie musicale. — Nouvelles des théâtres lyri-
ques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
SONGE DE CHÂBLES-IÂRIE DE WEBER,
Ecrit par Ini-même (1).
Endianlé d'une symphonie que j'avais heureusement terminée
dans la matinée, ainsi que d'un excellent dîner que je venais de
faire, je m'endormis doucement et me trouvai tout à coup trans-
porté en songe dans la salle ordinaire des concerts, où tous les
instruments tenaient une assemblée solennelle et animée , sous la
présidence du hautbois sentimental et à l'expression nasillarde. A
droite s'était formé un club composé d'une viole d'amour, d'un
cor de bassette , d'une viole di gamba et d'une flûte douce , qui
tous se répandaient en lamentations sur le bon vieux temps. A
gauche, le papa hautbois tenait cercle avec les clarinettes jeunes ou
vieilles , et les flûtes plus ou moins riches de clefs ; au milieu se
tenait le galant piano, entouré de quelques violons bien doux qui
s'étaient formés d'après Pleyel et Girowitz. Les trompettes et les
cors trinquaient dans un coin, et les petites flûtes ainsi que les
flageolets glapissaient dans la salle avec leurs accents naïfs et
enfantins qui, suivant le papa hautbois, sont la pure méthode de
Jean-Paul poussée par Pestalozzi au superlatif du naturel.
Tout allait pour le mieux , quand tout à coup la morose contre-
basse entra bruyamment, accompagnée d'un couple de violoncelles.
(1) Nous croyons être agréable à nos lecteurs en remettant en lumière,
pour la génération artistique actuelle, cette fantaisie, l'un des morceaux
les plus curieux de la littérature musicale. Si nous avons lieu de faire
quelques réserves sur l'authenticité rigoureuse de cette improvisation, de
cette vive boutade dont plus d'un trait pourrait s'appliquer à de certaines
tendances musicales actuelles, du moins ne pouvons-nous ei ne pourra-
t-on contester son esprit, sa fraîcheur et son originalité. Il nous a paru
au surplus intéressant et comme à propos de publier ce rêve du grand
maître dont nous étudions en ce moment la vie et les œuvres , d'après
les lettres de son fils.
ses proches parents , et se jeta sur la chaise du chef d'orchestre
avec tant de mauvaise humeur que les violons en résonnèrent de
frayeur. Oui , s'écria- t-elle, il n'y aurait plus qu'à se donner au
diable, s'il fallait tous les jours subir de pareilles compositions. Je
viens de répéter la symphonie d'un de nos compositeurs du jour;
et quoique, comme chacun sait, je sois douée d'une passable dose
de vigueur, il m'a pourtant été impossible d'y tenir plus long-
temps; pendant cinq minutes la voix m'a manqué sans retour, et
le sentiment de mon existence m'a entièrement abandonnée. Je ne
suis pas faite pour sauter et me démener comme un bouc; je ne
suis pas obligée de me transformer en violon , pour exécuter ce
qu'il plaît à M. le compositeur d'appeler ses idées; ma foi, j'irai
dans un orchestre de bal, et je gagnerai ma vie en jouant des con-
tre danses, des valses et des galops. — La chère maman a parfaite-
ment raison, dit le premier violoncelle en essuyant la sueur qui
l'inondait; je suis tellement fatigué que, depuis le dernier opéra
de Cherubiui , je ne me rappelle pas m'être échauffé à ce point.
— Voyons , voyons , contez-nous cela , s'écrièrent tous les instru-
ments. — Cela ne peut se raconter, et encore bien moins s'en-
tendre, interrompit le second violoncelle, car, suivant ce que mon
divin maître Romberg m'a glissé à l'oreille , la symphonie que
nous venons d'exécuter n'a été composée ni d'après la nature de
quelque instrument, ni pour développer une idée, ni enfin dans un
but quelconque, si ce n'est celui de paraître neuf et original. On
nous fait grimper comme des violons. ... — Eh bien! dit le pre-
mier violoncelle, pourquoi donc pas aussi bien qu'eux? — Un
second violon : Que chacun reste dans ses limites. — La quinte :
Oui, car ma place est entre vous tous, et si vous me quittez, que
deviendrai-je? — Le premier violon : Ah! pour vous, il n'en est
plus question. Vous chantez avec nous à l'unisson, ou bien l'on
vous emploie pour éveiller l'attention ou la terreur, comme on Fa
fait dans les Deux Journées! Mais quant à ce qui touche au beau
chant... — Le premier hautbois : A cet égard, personne ne peut
se flatter d'être en état de se mesurer avec moi. — La première
clarinette : Mon cher monsieur, vous nous permettrez bien , je
pense, de citer aussi notre talent. — La première flûte : Oui,
pour jouer des marches ou des airs de noces. — Le premier bas-
son :Eh! qui donc plus que \n">\ se rapprosho du divin téaor? —
Le premier cor : J'aime à croire que vous ne prétendez pas réu-
liEVUE ET GAZETTE MUSICALE
nir autant de vigueur et de suavité que moi. — Le piano : JMais
qu'est-ce que tout cela comparé à l'harmonie que je possède si
complètement? Vous n'êtes, vous autres, que des parties isolées
d'un tout; moi, je me suffis à moi-même. — Tous les insti-uments
à la fois : Taisez-vous donc ; il vous est impossible de liler le
moindre son. — Le premier hautbois : Aucun porlamenio. — Le
deuxième flageolet : Oui, papa a raison. — Le deuxième violoncelle :
Mais, en vérité, il est impossible de faire entendre un seul son
raisonnable dans un pareil tapage! — Les trompettes et les tim-
bales mugissant en fortissimo : Silence, donc! nous voulons par-
ler aussi. Que deviendrait toute une composition sans l'cflet que
nous produisons? Quand nous ne résonnons pas, personne n'ap-
plaudit. — La flûte : Il n'y a que les âmes vulgaires que le bruit
porte îk applaudir : un murmure flatteur est cent fois préférable.
— Le premier violon : Eh! si je ne vous conduisais pas, que
deviendriez-vous donc tous? — La conlre-banse faisant un bond :
Tu n'y penses pas; c'est moi qui soutiens tout, et sans moi il n'y
a plus rien. — Tous les instruments criant ensemble : C'est moi,
c'est moi qui suis l'âniL' de la musi(]ue; sans moi, plus de musique
possible!
Tout à coup le garçon d'orchestre entra dans la salle, et tous les
instruments effrayés se séparèrent au plus vite, car ils connais-
saient sa main puissante, qui était chargée de les porter à la répé-
tition. Quoi donc, s'écria-t-il, vous révoltez-vous encore une fois?
Attendez, on va mettre sur les pupitres la symphonie héroïque de
Beethoven; 3t celui qui, après l'avoir jouée, pourra encore remuer
un membre ou une clef, n'aura qu'à se présenter. — Non , pas
celle-là! s'écrièrent-ils tous. — l'Iulôt un opéra italien, rumina la
quinte ; au moins on peut de temps à autre y faire son petit somme.
— Ta! ta! ta! répondit le garçon d'orchestre, vous avez besoin
d'une leçon. Pensez-vous que dans notre siècle de lumière, où l'on
ne fait qu'effleurer toutes les idées, un œmposileur ira, pour l'amour
de vous, renoncer au puissant élan de ses idées divines et gigan-
tesques? Dieu me pardonne, il n'est plus question de clarté ni de
profondeur, à l'ancienne manière des Gliick.des Haendel ou des Mo-
zart. Peste! écoutez la recette que je viens de recevoir de Vienne, et
jugez ensuite. D'abord, dans un mouvement bien lent, rempli
d'idées courtes et décousues, vous faites entendre tous les quarts
d'heure trois ou quatre notes. Cela éveille l'attention; ensuite, un
roulement sourd de timbales et des traits mystérieux de quinte, le
tout assaisonné d'une quantité convenable de pauses et de temps
d'arrêt. Enfin, quand l'auditeur, à force d'attendre, a déjà renoncé
à l'allégro, un mouvement furieux, dans knpiel , avant tout, on a
bien soin qu'aucune idée principale ne domine; cai, il faut bien lais-
ser un aliment à l'imagination de l'auditeur. Il ne faut pas négliger
non plus de passer brusquement d'un ton dans un autre. Aacz vous
besoin d'une modulation? Vous n'avez besoin, comme Paër dans
Léonore, que d'employer une suite de demi-tons, et du moment que
vous arrivez à la note dont vous a\ez besoin conmie tonique , vous
vous y arrêtez, et votre modulation se trouve faite. Il faut éviter soi-
gneusement tout ce qui ressemble à une règle, car les règles ne ser-
vent qu'à entraver le génie...
Tout à coup une des cordes de la guitare qui était suspendue au-
dessus de ma tête vint à se rompre, et je m'éveillai suffoqué de ter-
reur, au moment où, par mon rêve, j'étais sur le point de dev3nir
un grand compositeur dans le goût moderne. Merci pour ton atten-
tion délicate, aimable instrument qui parfois accompagnes mes
chants ! Je courus promptement reliie le nioiceau que je venais
d'achever, je m'assurai qu'il n'était pas composé d'après la re-
cette du savant garçon d'orchestre, et j'allai en toute hâte, le
cœur rempli d'une divine espérance, assister à la représentation de
Don Juan.
LES DROITS DES AUTEURS.
{Deuxième partie.)
SOCIÉTÉ DES AUTEURS, C051P0SITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE.
(13« article) (1).
Quoique absorbés dans leur opération importante, les deux
Turcs jettent de temps en temps un coup d'œil sur les futures
odalisques, et d'un mouvement de la tête les animent et les en-
couragent. Tout à coup Bali-Aladin fait un bond sur le canapé,
jette sa pipe, frappe dans ses mains et crie :
— Cacaracamouchen !
— .Cacaracamouchen? répète Moq-Moq, en le regardant.
— Cacaracamouchen! redit le chef des Chiaoux, avec plus de
force.
— Cacaracamouchen... yoc (2), l'épond le drogman.
Lolotte et Fifine s'étaient approchées au premier cri et atten-
daient, immobiles, le résultat de cet entretien. Mysti Moq-Moq
s'avança vers elles.
— Le vénérable Bah-Aladin désire que, pour employer le temps
jusqu'à ce que le café soit prêt, vous lui donniez un échantillon
de votre talent pour la danse.
— C'est que, dit Lolotte, nous ne sommes pas dans la tenue.
— De cour?
— Non! de l'école : nos robes sont gênantes.
— Quittez-les.
— Mais. . ., fit Lolotte.
— Bah! dit Fifine en dénouant un cordon, h; costume de cour
sera bien autre chose !
En un instant les robes tombèrent et les deux pensionnaires de
l'Académie royale de musique, en jupon court, en blanc corset,
comme disait la chanson à la mode dans ce temps-là, commen-
cèrent un pas.
— Oh ! dit Fifine en s'arrêtant, ça ne peut pas aller comme ça;
on ne danse pas sans violon ! . . .
Au même moment et comme si quelque magicien n'eût attendu
que l'expression de son désir pour le satisfaire, se fit entendre la
cadence., avertissement ordinaire dont le maître à danser fait pré-
céder l'air du pas qu'on doit exécuter.
Les danseuses restèrent ébahies, et leur admiration redoubla
lorsque, s' étant retournées, elles aperçurent Moq-Moq qui jouait
avec amour sur une poche de maître à danser, la Monaco, air alors
fort en vogue.
— A la bonne heure donc! s'écria Fifine; ça va marcher main-
tenant.
En effet, Lolotte et Fifine se livrèrent avec enthousiasme à toutes
les fantaisies chorégraphiques qui leur vinrent à l'esprit et aux
jambes, saiis souci aucun de la disposition légère de leurs vête-
ments, animées d'ailleurs par l'archet de Moq-Moq qui pressait la
mesure et les entraînait presque malgré efles, comme un tour-
billon.
Musicien et danseuses s'arrêtèrent enfin épuisés.
— Belmen! cria Bah-Aladin, en étendant les bras vers les oda-
lisques.
La pantomime expliquait suffisamment le mot : Lolotte et Fifine
(1) Voir les n°= 33, -40, U, 43 et 49 de l'année 1867, et les n»^ 7, 9,
22, 26, 27, 28 et 29.
(2) Bien qu'ici Jlysti Moq-Mcq emploie le mot yoc affirmativement, en
turc il signitie : Non. C'est dans ce sens que iMolière l'emploie toujours
dans la Bourgeois gentilhomme.
DE PAKIS.
259
comprirent facilement ce turc-là et vinrent successivement recevoir
le baiser de satisfaction.
— Belmenl cria à son tour Moq-Moq, avec le même geste.
Et la même invitation fut suivie de la même obéissance.
— Passons à présent au café.
— 11 est prêt.
Les gentilles compagnes eurent en quelques secondes disposé
sur une table un cabaret en porcelaine, puis la cafetière, le pot à
crème, les petits pains : elles invitaient déjà du geste et du re-
gard leurs convives à se transporter auprès de cet attrayant dé-
jeuner.
— Acciam croc alla mouslapha corbulath, dit en tournant la
tête Bab-Aladin.
— Est-ce qu'il n'en veut plus? demanda Lolotte.
— Au contraire ' répondit l'interpi'ète ; mais il veut le prendre
à la turque, afin que vous appreniez, avec nous, le service de Sa
Hautesse.
— Diable ! grommela Fifme, ça commence à devenir peu amu-
sant le métier d'odalisque. — Et tout haut : En bien , qu'est-ce
qu'il faut faire?
— Nous mettre d'abord, à chacun, notre serviette de façon à
préserver nos vêtements de toute souillure.
— C'est ça qu'ils sont beaux! murmura encore Fifine.
On attacha une serviette sous le menton de chaque étranger.
— Maintenant, dit le drogman, la main de Sa Hautesse ne de-
vant toucher rien de ce qui doit se convertir en impureté, ses
odalisques présentent les aliments à sa bouche impériale. Voyons
comment vous vous acquitterez de ces augustes fonctions.
— C'est-à-dire qu'il faut vous faire manger ni plus ni moins
que des bambins au maillot. . . C'est drôle!
— C'est égal, dit Fifme, c'est pas difficile, et pour 44,000 francs
on peut se risquer.
Voici le tableau :
Bah-Aladin et Mysti Moq-Moq, la serviette au cou, sont assis à
la turque, l'un sur le canapé, l'autre sur des coussins de bergère;
les deux odahsques, dans le costume négligé que je vous ai in-
diqué, un peu dérangé même par l'exercice auquel elles viennent
de se livrer, tiennent d'une main une tasse de café, de l'autre un
fragment de petit pain taillé en mouillette. Lolotte s'est transpor-
tée auprès de Bah-Aladin, et debout derrière le canapé, la tête
penchée vers le petit homme, lui insinue dans la bouche la mouil-
lette imbibée de liquide, dont la tasse, placée sous son menton,
recueillera les débris; Fifine est agenouillée devant Mysti Moq-Moq:
son regard et ses bras, levés vers lui, attendent qu'il ait avalé la
bouchée qui occupe actuellement l'activité de sa mâchoire, pour
lui en administrer une autre.
Tout à coup un grand bruit éclate, si soudain et si énorme
qu'il frappe de stupeur chacun des personnages, qu'aucun ne
bouge et que ce tableau, tel que je viens de le décrire, peut être
contemplé à loisir dans tous ses détails par la brillante et bruyante
réunion de seigneurs, témoins, il y a trois mois, de l'humiliation
des deux célèbres mystificateurs, et qui fait irruption dans le bou-
doir!
— Bravo ! bravo ! cria-t-on après un moment donné à l'admira-
tion qu'inspirait un pareil aspect.
Fifine et Lolotte regardaient tout ce monde, écoutaient ces ap-
plaudissements et ne pouvaient comprendre. . .
— Bravo! reprit-on en chœur, à eux les tOO louis !
— Ils ont gagné la gageure !
— Une gageure?
— 100 louis?
— Qu'est-ce que cela veut dire? demandèrent effrayées et pres-
que suppliantes les danseuses.
— Salamalequil salamalequi! salamalequi! cria en se levant,
sautdiant, bredouillant autour d'elles le petit liomme au chapeau
pointu.
— Odalisques de Sa Hautesse, recevez nos hommages, dit à son
tour l'Arménien en leur envoyant des baisers.
— Mais qu'est-ce donc? qui sont ces gens-là? crient à la fois
Fifine et Lolotte, trépignant d'impatience , rouges de honte et de
colère.
— Vos très-humbles serviteurs, répondent, leur coiH'ure et leur
barbe à la main, les deux étrangers.
— Mysti Moq-Moq, le drogman.
— Musson !!!
— Et Bah-Aladin, le chef des Chlaoux.
— Dngazon!!!
— Qui avaient juré de tirer une vengeance éclatante de votre
impertinente fierté,
— Qui avaient parié qu'ils vous amèneraient à les embrasser, à
les divertir, à les servir. . .
— Et qui ont gagné la gageure; car vous les avez servis, di-
vertis et embrassés.
— Ma foi, c'est bien joué! dit Fifine la bonne fille, prenant
gaiement son parti.
— Et nous devons encore les remercier de n'avoir pas exigé le
costume de cour, dit Lolotte, tendant la main à ses anciens en-
nemis .
Thomas SAUVAGE.
(La suite prochainement.)
LES THÉÂTRES LTBIQUES SECONDAIRES Â PARIS
DEPUIS tSSO.
(5" article) (1).
Lorsqu'en 1815 la Compagnie italienne s'en alla occuper la salle
de Louvois, le coup fut rude pour les acteurs de l'Odéon, devenu
« un second théâtre français, « lesquels se soutinrent cependant
jusqu'au 20 mars 1818, jour oîi la salle devint de nouveau
la proie des flammes. Le théâtre, reconstruit rapidement pen-
dant que la troupe allait jouer à la salle Favart, rouvrit le 30 sep-
tembre 1819. A partir de ce moment, les vicissitudes de l'Odéon
recommencent, et la décadence s'annonce comme devant être ra-
pide et complète, malgré les talents réunis de Joanny, Eric-Ber-
nard, Chazel, Sarason, Armand, Duparay, de Mlle Georges, de
Mlle Anaïs, etc.
Bref, l'Odéon s'affaissait d'une façon évidente, et les directeurs,
fuyant ce théâtre infortuné, disparaissaient les uns après les autres.
Picard, qui avait tenu si longtemps les rênes du gouvernement, les
avait cédées à Gentil ; celui-ci les repassa à Girael, qui bientôt
ne demanda qu'à s'en débarrasser au profit d'un successeur quel-
conque. C'est alors que se produisit la combinaison que nous avons
vu apprécier plus haut, et qui était le fruit de l'imagination d'un
des meilleurs comédiens du théâtre : Eric-Bernard. On a vu que
cette combinaison consistait à joindre l'opéra, et même le vaude-
ville, aux deux genres en honneur au second théâtre français : la
tragédie et la comédie.
Eric-Bernard ayant fait approuver son projet par le ministère
et s'étant vu nommer directeur, se mit eu devoir do le mettre
à exécution. 11 s'occupa de choisir une troupe chantante, de l'as-
sembler des chœurs, de composer un orchestre, enfin de se former
un répertoire, toutes choses qui n'étaient pas absolument faciles.
(1) Voir les n»' 2o, 20, 29 et 31.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
En ce qui concerne la troupe, voici le détail de son personnel
à la date du 1" janvier 182S :
MJI. Mmes
Lecomte (l^ ténoi),. Montano(l''' chanteuse, contralto),
Campenant (id.), Valère Florigny (jeune l""" chan-
Bizot (baryton), teuse),
Valère (l" basse), Pouilley (2" chanteuse et l'" au
Camoin (i" basse comique), besoin),
Maire (2' basse), Letellicr (Dugazon),
Latapy(les «Colin selles Trial), Régnier (2° et 3° chanteuse),
Saint-Preux {Laruette), Cabinel {id.),
Aug. Lebrun (2'= Laruette). Camoin (duègne),
Milen (id.),
— Dorsan (utilité),
Saint-Amant {id.).
Tous ces artistes venaient de la province et formaient, paraît-il,
un ensemble très-satisfaisant, bien que de tout cela ne se détachât
aucune personnalité nette et vigoureuse. Les chœurs se composaient
de quatre « hautes-contre, » six « tailles, » six basses et douze
sopranos. Quant à l'orchestre, qui auparavant ne comptait que
quinze artistes, il comprenait huit premiers violons, neuf seconds,
quatre altos, cinq violoncelles, six contre-basses, et Tharmonie,
ainsi que les cuivres, au grand complet.
Dans cet orchestre, je rencontre des noms connus : M. Seghers
(premier violon), qui fut, il y a quinze ans, chef d"orchestro de la
Société Sainte-Cécile; Jupin (violou-solo), excellent violoniste, (jui
fut un compositeur de talent; M. Aiiressy (premier violon), (jui au-
jourd'hui, et depuis longtemps, est devenu chel-d'orchestre de ce
théâtre; Tolbecipie (alto), l'aîné des trois frères de ce nom,
qui se fit quelques années une si grande réputation comme com-
positeur de musique de danse et chef d'orchestre de bals; enfin,
Gallay, l'un des meilleurs cornistes que la France ait possédés, et
qui était encore, lorsqu'il est mort, il y a trois ans, professeur au
Conservatoire. Quant au chef de cet orchestre, c'était un des
meilleurs du temps, et do plus un compositeur habile : il s'appe-
lait Pierre Crémont, et était âgé de quarante ans environ. Ancien
élève du Conservatoire, où, dit M. Fétis, il s'était vu admettre en
l'an VIII, il avait ensuite dirigé en x\ilemagne l'orchestre d'une
troupe d'acteurs ambulants, après quoi il était allé se mettre à la
tête de celui du Théâtre-Français de Saint-Pétersbourg, et de celui
du Grand-Théâtre de Moscou, dont il avait même été directeur.
Revenu à Paris, on lui avait confié en 181 S le commandement de
l'orchestre de l'Odéon, qu'il avait quitté en 1821 pour devenir
deuxième chef à l'Opéra-Comique, oii ses supérieurs étaient Fré-
déric Kreubé et Habeneck (1). La nouvelle administration de
l'Odéon, fort bien avisée, n'eut rien de plus pressé que de rappe-
ler l'ancien chef d'orchestre de ce théâtre, celui-ci étant destiné à
aborder le genre lyrique. En quoi elle fut d'autant mieux inspirée
que, dès le début, cet orchestre et son chef se firent une brillante
réputation.
(1) Je lis dans la Biographie universelle des Musiciens : « Crémont re-
vint en France en 1817, et s'établit à Paris. En 1821 il fut nommé se-
cond soiis-chrf d'orchestre au théâtre de rOpéra-Comique, et il en reni-
pht les fonctions jusqu'en 1824, oij il passa à l'Odéon en qualité de pre-
mier chef ei de directeur de la musique. »
Ceci ferait supposer que Crémont ne serait entré à l'Odéon qu'en 1824,
ce qui est ui.e erreur. M. Fétis aura sans doute été trompé par de faux
renseignements, car, en consultant année par année VAnnuaire dramati-
que (rédigé par Ragueneau et publié par Mme Cavanagh), recueil très-
bien fait et surtout très-exactement informé, j'y trouve, comme cliel's
d'orchestre de l'Odéon : pour les années 1813, 1816, 1817, 1818, 1819 et
1820, Crémont ; pour 1821 (alors que celui-ci était passé à l'Opéra-Co-
mique), Lagny; pour 1822 et 1823 (renseignement puisé cette fois dans
VÂlmanach des Spectacles publié par Barba, l'Annuaire ayant cessé d'exis-
ter), Martin.
C'est avec les éléments qui viennent d'être énumérés que l'O-
déon s'apprêtait à livrer bataille, et c'est le 27 avril 1824 qu'eut
lieu le premier engagement, je veux dire la première représenta-
tion donnée par le nouveau directeur. Le spectacle n'était pas ab-
solument corse, comme on dit aujourd'hui, mais il vaudra la
peine que nous nous y arrêtions un instant, ne fût-ce que pour
signaler l'apparition d'un petit ouvrage musical de circonstance,
dû à la collaboration de deux de nos compositeurs les plus illus-
tres, et que cependant aucun biographe, à l'exception de M. Fétis
(2° édition de la Biographie universelle des Musiciens) n'a porté à
leur compte. Il s'agit d'un prologue de réouverture, intitulé les
Trois Genres, dont les paroles étaient l'œuvre collective de Dupaty,
Scribe et Pichald, et dont la musique avait été écrite par Boïeldieu
et M. Auber. — Nous aurons plus loin à nous occuper de ce petit
ouvrage que ni Gustave Héquet, dans son étude sur Bdj'eldieu, ni
M. Jouvin, dans sa biographie de M. Auber, n'ont porté ù la con-
naissance du public.
Nous avons vu que le théâtre de Madame avait été fondé, — en
apparence seulement, — dans le but d'être utile aux jeunes com-
positeurs, (le leur faciliter l'entrée dans la carrière II n'était point
question de cela à l'Odéon, bien au contraire, car ce théâtre ne
devait point donner d'œuvrcs nouvelles, et l'une des clauses de
son privilège portait que, dans le genre lyriiiue, il ne pourrait
jouer que des traductions ou des ouvrages tombés dans le domaine
public. Aussi fût-ce, pendant quelques années, un Aéritable débor-
dement d'adaptations, de traductions, de pastiches dr toutes sortes,
dus pour la plupart à la verve enragée de Castil-Rlaze, qui du
reste, il faut le reconnaître, profita de la facilité qui lui était
offerte pour implanter chez nous, avec plus ou moins d'à-propos
et d'intelligence, un certain nombre de chefs-d'œuvre que le pu-
blic français n'avait jamais été à môme d'admirer. Quelques-uns
de ces chefs-d'œuvre furent hciurcux et obtinrent de grands succès;
mais d'autres furent moins bien accueillis, et, en somme, malgré
de grands efforts, l'administration de l'Odéon ne parvenait que
bien difficilement à équilibrer les dépenses avec les recettes. Si
bien qu'en 1826 elle demanda une modification de son privilège
et l'autorisation de pouvoir jouer des œuvres tout à fait nouvelles.
Quelques écrivains comme il s'en trouve toujours, peu au cou-
rant de l'art musical, profitèrent de la circonstance pour affirmer
comme d'ordinaire la non-existence d'une école musicale française.
Parmi ceux-ci, je citerai M. Charles Maurice, journaliste expert
cependant en matières de théâtre, et qui publia sur cette question,
dans le Courrier des Théâtres, le singulier article que voici :
« Théâtre royal de V Odéon. — La représentation des opéras de
nos jeunes compositeurs sera-t-elle productive et contribuera-t-elle
aux progrès de l'art musical? Nous verrons bien. Mais pour rendre
la question facile à résoudre, posons-la. Deux théâtres sont spécia-
lement destinés à la représentation des opéras de l'école française.
Nous voulons parler de l'Académie royale de Musique et de l'Opéra-
Comique. Le premier se soutient aujourd'hui au moyen de ses
ballets. Sans doute, son répertoire musical est riche; mais à qui
devons-nous les chefs-d'œuvre qui ont fait longtemps sa prospé-
rité"? La réponse ne plaira sans doute pas aux personnes qui par-
lent de nationalité à propos de beaux-arts, mais il faut cependant
bien le dire, c'est à des compositeurs étrangers. La Vestale, Fer-
nand Cartes appartiennent à Spontini; Sacchini est l'auteur
A'OEdipe. Parlerons-nous àHAlceste, A'Armide, d'Orphée? Les ou-
vrages de Méhul, compositeur fi-ançais, ne sont plus représentés.
Quant à ceux de Grétry, on ne peut en parler que pour la forme.
Panurge et la Caravane ont beaucoup d'admirateurs, mais peu de
spectateurs. La lyre de Berton ne trouve pas tous les encourage-
ments qu'elle mérite; celle de Boïeldieu se repose; M. Catel est
mort pour le théâtre. On nous promet, depuis longtemps, un
DE PARIS.
261
Alexandre à Babylone, de M. Lcsueur, mais il vient encore de
céder le pas à l'œuvre de l'étranger, le Siège de Corinthe, de
M. Rossini. Parlerons-nous des compositeurs en herbe; de M. Daus-
soigne, par exemple? Hélas! quel est l'homme si mal organisé
pour la musique qui aurait le courage d'entendre deux fois
Aspasie et les Deux Salem?
» Reste rOpéra-Comique. Ce théâtre est le vrai représentant de
l'école française. Mais il vit en ce moment sur le passé, et les
jeunes compositeurs lui promettent peu. M. Auber a obtenu du
succès ; M. Hérold mérite d'en obtenir. Mais ces musiciens n'ont pas
assez de celte originalité qui décèle te génie. Us sacrifient à la mode,
et imitent presque constamment M. Rossini, méchant modèle dès
qu'il s'agit d'école et de classique. M. Carafa est encore un autre imi-
tateur du même signor; d'ailleurs il n'appartient point à la France.
Que dire de M. Dourlen, qui a cependant remporté le premier
prix, et de deux ou trois autres compositeurs ejusdem farinœ?
Les habitués de Feydeau sont bien heureux de ne jamais franchir
les limites de leur théâtre... Qui donc travaillera pour l'Odéon?... »
On voit que ce sont toujours les mêmes plaintes, les mêmes
doléances injustes, relativement à la prétendue impuissance de la
France à produire des compositeurs dramatiques. Quoi qu'il en
soit, Eric-Bernard, n'ayant pu obtenir du ministère les conces-
sions qu'il en espérait, résigna son privilège et se contenta de
conserver à l'Odéon son emploi de premier rôle dans la tragédie.
Il eut pour successeur Frédéric du Petit-Méré, qui prit possession
du théâtre dans le cours de l'année 1826. Mais la marche de
celui-ci resta à peu près la même : tandis que le premier direc-
teur avait monté les Folies amoureuses, la Pie voleuse, le Sacrifice
interrompu, Robin des Bois, les ISoces de Gamache, Othello, la Dame
du Lac, Prcciosa, la Forêt de Sénart, Marguerite d'Anjou, le Ma-
riage de Figaro, c'est-à-dire des traductions et des pastiches, le
second livra au public le Neveu de Monseigneur, Ivanhoé , le Tes-
tament, Emmeline ou la Famille suisse, Pourceaugnac, la Folle de
Claris, c'est-à-dire des pastiches et des traductions. Mais l'un ne
réussit pas plus que l'autre, et, le 2 juin 1827, M. du Petit-Méré
cédait les rênes du gouvernement d'outre-Seine à M. Th. Sauvage,
le spirituel auteur dramatique, l'excellent écrivain que les lecteurs
de la Gazette musicale connaissent trop bien pour que j'aie besoin
de leur en faire l'éloge. Mais M. Sauvage lui-môme ne conserva
pas longtemps le « sceptre directorial. » Il avait pris l'administra-
tion de l'Odéon dans des conditions désastreuses, et tous les efforts
de son intelligence ne pouvaient réussir à sauver une situation
impossible. Le 14 juillet 1828, à la suite d'une soirée des plus
orageuses , le théâtre dut être fermé par ordre , et il ne rouvrit
que le 5 octobre suivant, sous la direction de Lemétheyer. Mais
l'opéra avait fait son temps , et l'Odéon redevint ce qu'il avait été
par le passé, un théâtre uniquement consacré à la tragédie et à la
comédie, — « à Melpomène et à Thalie, » — comme on disait
alors. Son existence semi-musicale avait duré un peu plus de
quatre ans, du 27 avril 1824 au 14 juillet 1828, et nous allons
voir, en déroulant son répertoire lyrique, ce qu'il avait produit en
ce genre dans cette campagne, incomparablement laborieuse d'ail-
leurs.
Voici la nomenclature complète des œuvres musicales représen-
tées à l'Odéon pendant cette période difficile de sa vie tourmen-
tée. Nous nous contenterons d'une simple mention relativement
aux ouvrages que ce théâtre emprunta au répertoire de l'ancienne
Comédie-Italienne et de l'Opéra-Comique, mais, chemin faisant,
nous entrerons dans quelques détails en ce qui concerne les tra-
ductions nouvelles et les rares productions écrites expressément à
son intention.
Arthur POUGIN.
(La suite prochainement.)
BIBLIOGRAPHIE MUSICALE.
'»n!iKin« yi ki!i annx^ — '.£pioi||jKn-H>loswi.'>pn3||[ 'd
Composée pour la Méthode des méthodes de piano.
Une grande partie dos pianistes no connaissent que par réputation celte
merveilleuse Étude en fa mineur, de iWendelssohn-Bartliolciy, oii l'agilité
de l'accompagnement ne fait que mieux ressortir le charme et la sim-
plicité du thème confié à la main droite. C'est une page classique qui
n'est pas destinée à tomber de longtemps dans l'oubli.
Aussi pensons-nous que c'est une excellente idée de l'avoir tirée de la
Méthode des méthodes, de MM. Moschelès et P'élis, pour l'éditer à part.
Beaucoup d'amateurs qui hésitaient à l'aller chercher là, à cause du prix
relativement élevé de l'ouvrage, ne seront plus arrêtés par cet obstacle,
maintenant qu'elle est à la portée de tout le monde.
». Uagnns. — Tzigane - Marche, souvenir de Hongrie, pour le piano.
Voici bien certainement une œuvre qui ne sera pas des moins goûtées
parmi celles qu'a déjà produites l'infatigable pianiste compositeur
M. Magnus. C'est un souvenir de Hongrie, dont l'originalité dé-
cèle, à n'en pas douter, une tradition bohémienne. Le thème, franche-
ment accentué, sur im mouvement de marche, affecte des formes telles
que la science y est cachée sous les élégants caprices de l'inspiration, et
que les plus heureuses modulations en découlent comme d'une source
claire et limpide. Exécutée par M. Magnus, cette marche doit avoir une
séduction puissante; mais ses difficultés ne sont pas inabordables, bien
loin de là, et nous croyons que les artistes, et même les amateurs de
force secondaire y trouveront un excellent sujet d'étude, en même temps
qu'un morceau de bravoure d'un effet assuré.
Ciiarles liecocq. — Gavotte, pour piano.
Tel est l'immense avantage du théâtre, que le succès de Fleur de Thé
a certainement plus contribué à la réputation de M. Charles Lecocq que
ne l'eussent fait peut-être vingt morceaux d'études, quelque estimables
qu'ils eussent été. Mais M. Lecocq est, avant tout, un artiste conscien-
cieux qui ne renie pas ses premiers titres à l'attention des connaisseurs.
Pianiste distingué et auteur de plusieurs œuvres remarquables, il a
voulu prouver sans doute que la scène ne l'avait pas absorbé au point
de lui faire oublier ses anciennes aptitudes, et c'est à cette pensée que nous
sommes redevables de la jolie gavotte qu'il vient de publier. Le caractère
de ce morceau est franchement archaïque, comme son genre le com-
mande, et il est écrit avec un tel soin, avec une telle connaissance du cla-
vier, que l'exécution en devient à la fois brillante et facile.
Mortier de Fontaine. — Ida, rêverie pour le piano.
Le nom de M. Mortier de Fontaine se rattache à un très-beau concert
qui a été fort remarqué parmi les nombreuses auditions de l'hiver der-
nier. Cet artiste a fait ses preuves comme virtuose, et il vient aujourd'hui
ajouter un nouveau titre à ceux qu'il a déjà mérités comme compositeur.
Le principal motif de sa rêverie, qu'il a intitulée Ida, est emprunté à
la romance de M. Luc Leroy : 0 laisse-moi pleurer I C'est une mélodie em-
preinte d'un certain sentiment exalté, dont la vie et le mouvement vont
se perdre dans une accalmie pleine de charme, et formant contraste
avec l'introduction qui est d'un effet brillant. La rêverie de M. Mortier
de Fontaine a tous les droits possibles à un beau succès de salon.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
**# A l'occasion de la fête nationale du 15 août, des représentations
gratuites ont été données hier dans les principaux théâtres de Paris. Le
théâtre impérial de l'Opéra a joué Hamlet et exécuté l'Hymne de Rossini.
Le spectacle de l'Opéra-Comique se composait des Dragons de Villars, du
Docteur Mirobolan, et d'une cantate intitulée : ta Bonne Moisson, de M.
Chariot, chef du chant des concerts du Conservatoire. Les autres théâtres
ont donné leurs pièces en cours de représentation.
*^* Le théâtre impérial do l'Opéra a donné cette semaine Hamlet,
lundi et mercredi; et vendredi, te Trouvère, pour la continuation des
débuts de Mlle Hisson.
^**La reprise de Zampa a eu lieu la semaine passée à l'Opéra-Comique
avec beaucoup d'éclat. Achard abordait le rôle principal, et nous sommes
heureux de constater le succès légitime qu'il vient d'y obtenir. Il a le
262
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
brio, IVnergin et le charme. Sa voix fi-anclie, son style pur se déploient
à l'aisf! dans les ravissantes mélodies d'Hérold. Sainto-Foy est toujours
aimisant au possible et a égayé la salle entière. Mlle Cico s'acquitte con-
venablement lie t-nn rôle. La direnlioii a apporté un grand soin à la re-
préscnla'inn rie cet ouvrage qu'elle tient à lionneur de conserver à son
répertoire, ("elle ri^prise avait donc l'attrait d'nne nonveanio, et la belle
et bonne siiin'e ili^ saoK.'di dernier présage certainement à l'Opéra-Co-
n:iqiie une recruilescence de vogue.
,*» Les répétiiions de l'ouvrage de MM. Labiche, Delacour et Poise,
avec M. Lhéiie dans le rôle [principal, .sont conduites de manière à ce
que la prom ère représentation pui.sso avnir lieu le mois piochain. On
prépare également le Café du roi, de M. Dell'ès, qui fut joué avec suc-
cès à Ems et au théâlre Lyrique. Mlle Girard y reprendra le rôle de
Louis XV créé par elle à l'origine.
jt_*t, Après la pièce de M. Poise, ce théâtre mettra à l'étude un
nouvel ouvrage en trois actes d'Otienbacb , intitulé Vert-Vert, et dans
lequel Capoul remplira le rôle principal.
„.** Incessamment auront lieu à l'Opéra-Comique les débuts de M. Ni-
eot et de Mlles Moisset et Guillot, lauréats des derniers concours du
Conservatoire engagés à ce théâtre.
„■"» D'une lettre-circulaire adressée, en date du 5 août, aux membres
de la Société des auteurs et compositeur.s dramatiques par M. de Saint-
Georges, son président, lettre concernant les conventions nouvelles in-
tervenues d'un commun accord entre M. de Leuven, directeur de l'O-
péra-Comique, et la Société représentée par sa commission, il résulte :
— d" que la part proportionnelle des auteurs est fixée à douze pour cent,
sur lu recette brute, sans déduction du droit des pauvres, quelle que
.soit la composition du spectacle; — 2" que MM. les agents percevront
sur ladite recette brute, pour les ouvi'ages du domaine public, le même
droit que si ces ouvrages appartenaient à des auteurs vivants ou à leurs
ayants droits; — 3" que M. le directeur du théâtre impérial de l'Opéra-
Com que s'engage à jouer douze actes nouveaux par année; — i» qu'il
est convenu qu'an nombre des douze actes qui devront être joués an-
nuellement sur le théâtre de l'Opéra-Comique, M. le directeur fera fi-
gurer trois pièces en un acte ; — H» enfin, que ces conventions seront
exécutées à partir du i<"' août 1868.
jf*^ On s'occupe en ce moment de la rédaction du cahier des charges
du théâtre Lyrique, dont les destinées, -nous l'avons dit, ont été confiées
à M. Pasdoloup, qui conservera, néanmoins, la direction de.s concerts
populaires et ce le des écoles de chant de la ville de Paris (rive droite).
Notre confrère M. Jules Ruelle est maintenu par le nouveau directeur
dans ses fonctions de secrétaire général du théâtre. Au nombre des
principaux engagements déjà conclus par M. Pasd^loup, on cite celui
des deux sœurs de Vriès et du ténor Laurent, remarqué aux Fantaisies-
Parisiennes. La date de l'ouverture n'est pas encore fixée.
,(,*, Les recettes brutes des théâtres, concerts, etc., ont atteint, pen-
dant le mois de juillet le chiffre de 613,806 fr.
,(:*« D'après un avis du ministère de la maison de rLmpereur et des
Beaux-Arts, la représentation qui devait être donnée le 15 août au
théâtre Lyrique impérial ne pourra avoir lieu, par suite de difficultés
provenant de la situation actuelle du théâlre.
. *.*,j Nous avons vu le groupe colossal destiné à couronner le nouvel
Opéra représentant Apollon au milieu de la Musique et de la Poésie. Le
jeune dieu tient une lyre qu'il élève au-dessus de sa tête comme le
symbo'o du monument. M. Aimé Millet travaille depuis un an à ce
groupe, terminé en terre glaise et qui va être coulé en bronze, puis doré.
,.'*, On a découvert, celte semaine, la façade du nouveau théâtre du
Vaudeville. Cet'e rotonde, évidemment inspirée par le voisinage du pa-
villon de Hanovre, est ornée de plusieurs statues et bustes, celui de Scribe
notamment, dus au ciseau de MM. Hébert, Bloche, Evrard et de Mlle
Dubois d'Ave.-nes. La travée du milieu de la façade est surmontée d'un
jeune homme personnifiant le vaudeville, et recevant de la tradition
antique, représentée par de petits génies, les diflérenis emblèmes de la
comédie et do la musique; le tout a été sculpté par M. Chevalier. M.
iMagne, architecte décorateur de la ville de Paris, est l'auteur des plans
et dessins La nouvelle salie sera éclairée par le système du plafond lu-
mineux.
,i,*jf M. Albert Vizenlini a composé la mjsique de la cantate du
Vaudeville .
,*» Mme Gueymard , qui est, comme nous l'avons dit , engagée au
théâtre de l'Oriente de Madrid, y cliantera pour la première fois le rôle
de Sélika de l'Africaine; Mlle Krauss et le baryton Everardi ont égale-
ment signé avec M. Vclasco.
j,*^ La prochaine année théâirale, sous l'intelligente direction de M.
Husson, parait devoir, à Marseille, s'ouvrir sous les plus heureux aus-
pices. On parle déjà de plusieurs engagements qui sont des gages de
succès, et, entre autres, de celui de Mme Stellani, contrallo-Stoltz des
grandes .scènes de Londres, Vienne, Madrid et Bruxelles, qui par son
talent dramatique, son phrasé pur et correct, son style large et élevé, a
su se placer parmi les maîtres de l'art du chant.
^*„ ta Grande-Duchesse a été représentée cette semaine plusieurs fois
à Dieppe. Le public a beaucoup ri, beaucoup applaudi. Mlle Géraldine
a été rappelée à deux ou trois reprises. Mingal est désopilant en général
Boum. — Deux fois par jour l'orchestre du Placct exceute avec un en-
semble parfait des œuvres de grands maîtres. — La Compagnie lyrique
Ulmarui, composée de Carlotta Patti, Viouxtemps, Ritter et Géraldy a
donné le samedi 10 août un concert dans le salon des bains chauds.
La soirée a été magnifique sous tous les rapports. Du re.-te, avec des
éléments d'une attraction aussi puissante, il ne pouvait en être autre-
ment.
^\ Un très-joli petit opéra-comique vient d'être joué trois fois avec
un succès très-franc au Casino de Dunkerque; il est de M. V. Buot et
a pour titre : les \'oees bretonnes.
*% Les représentations de la Uraml'.- Duchesse au Gymnase de Marseille
sont Ion suivies. La voix, le talent, le jeu original et la beauté
de Mme Rose iJoll ont rencontré sur cette scène de nombreux admira-
teurs.
,(;% M. Bernard, directeur du théâtre de Nanle», ayant été forcé de
renoncer à sa gestion, la municipalité de celte ville vient de lappeler
M. Henry Commingo, directeur de Toulouse, et de lui concéder de nou-
veaux avantages.
j^*» D'après la Gazdle de Moscou, la saison de l'Opéra Italien s'ouvrira
dans cette ville le 9 du mois prochain, et se composera de trente-deux
représentations, divisées en deux abonnements. Les artistes engagés
sont : Mlle Ariôt, prima donna soprano; Mine Genati, prima donna lé-
gère; Mme Fercucci, prima donna dramatica; M. Stanio, tenore di forza;
M. Padilla, barilono; M. Possis basso; M. Dupont, chef d'orchestre. — Le
répertoire des œuvres qui seront jouées comprend : le Domino noir, Fra-
Diavolo, tes Huguenots, Faust, la Fille du Régiment, Othello, Don Juan,
les Noces de Figaro, un Ballo in Maschera, le Harbier de Séville, la Favo-
rite, ta Traoiala, le Trovatore, Guillaume Tell, Maria, liigoletto et la
Muette de l'ortici.
*'** La compagnie lyrique du théâtre San-Carlo, à Naples, est com-
plète aujourd'hui ; elle se compose de Mmes Lotli, Bousquet, Tati, Ru-
bini, Polonini, prime donne; de M.\l. Wazzoleni et Zacometti, ténors; Co-
letli et Quintili-Leoni, basse et baryton.
NOUVELLES DIVERSES.
^""^ On lit dans le Moniteur universel : « Dans un article sur l'Exposi-
tion de 1SI)7, inséré au Moniteur, M. Méreaux a regretté que la France
n'ait pas participe à la plus haute catégorie des récompenses, celle des
médailles d'or, pour l'industrie des pianos. Le regret de M. Méreaux ,
nous sommes heureux de le constater, n'était pas justifié, car une mé-
daille d'or, la seule qui ait été décernée à un fabricant français, a été
obtenu'1 par la maison Philippe IL Herz neveu et C, pour la perfection
de ses instruments. »
,1,*,^ Arditi, l'auteur populaire du Ilacio et de Kellog Valse, vient de
recevoir la croix d'ollicier du Medjidié. Le sultan, paraît-il, tient en
haute estime le talent de ce maestro et fait souvent exécuter de ses
œuvres par ses musiques militaires. — Kellog-Valse, l'une des dernières
productions d'.\rditi, a eu à Londres un succès que Paris ratifiera bien-
tôt sans aucun doute. Rien de plus gracieux et de plus entraînant que ce
morceau, dont plus de 50,000 exemplaires ont été vendus en Angleterre.
j^*i, Mlle Hauck, dont nous avons annoncé l'arrivée à Paris, a été en-
gagée par M. Sirakoscli , qui la fera débuter cet hiver sur l'une des
principales scènes italiennes. Cette étoile qui se lève, possède une voix
magnifique, servie par une intelligence remarquable. Les soins et les
con.seils de l'éminent artiste-professeur feront le reste, et assurent à
Mlle Hauck une prochaine c(>lébrité.
,p*,t Henri Panofka continue à propager avec succès, en Italie, les
bonnes traiitions du chant. Une de ses élèves, Linda Caracciolo, a donné
récemment, à Livourne, un brillant concert où elle s'est révélée comme
une artiste accomplie, parfaitement mûre pour les triomphes de la scène.
Une autre, Margheriia Daltona, vient de faire un très-heureux début
dans le rôle d'Azucena du Trovatore, à Pise. C'est une très-belle per-
sonne dont les journaux locaux sont unanimes à vanter la magnifique
voix de mezzo-soprano et l'excellente méthode.
^*,), La Société libre des Beaux-Arts, comité central , a donné diman-
che dernier sa grande séance publique annuelle avec le concours de
MM. Mendioroz, Tousé et Castégnier, de Mlles Marie Brunot, Hortense
Gaiidrau et Alice du Perluys. Celte dernière est une jeune cantatrice, à
peine âgée de dix-huit ans, blonde et élancée , dont la riche voix de
soprano ne peut manquer avec l'étude de fournir une artiste di primo
cartello à ime de nos grandes scènes italiennes. Mlles Marie Brunot et
Hortense Gaiidrau sont de fort sympathiques pianistes ; M. Mendioroz,
qui appartenait l'an dernier au théâtre San-Carlo de Lisbonne, est un
baryton à la voix vibrante et colorée; M- Castégnier, un hautbois soliste
de première force, et quant à M. Tousé, il n'y a pas de bonnes fêtes
artistiques sans ses chansonnettes aussi piquantes que distinguées. Ajou-
DE PARIS
2G3
tons, comme comprises dans la partie musicale de ci'ttc! séance, les bril-
lantes appréciations faites du talent do MM. Ambroise Thomas, Félicien
David et Emile Perrin (le directeur de l'Opéra), tous trois membres
honoraires de la Société, par le secrétaire-général, M. Ch. Lucas.
*** Dimanche dernier, on a exécuté le troisième trio en fa mineur
d'Adolphe Blanc, à la séance des Enfants d'Apollon ; l'interprétation a
été excellente, confiée qu'elle était à MM. de Ciivillon, Lebouc et l'au-
teur. L'andante en sourdine surtout a produit un grand effet : encore
un nouveau succès à enregistrer au compte de M. Blanc.
sf*if Les honneurs du premier concert de Boulogno-sur-Mer ont été
pour Jules Lasserre, violoncelliste, dont le jeu est d'une grande pureté.
La réunion de Stcller, Laura Harris, et de M. et Mme Alfred Jaéll, dans le
second concert, a réellement émerveillé le public nombreux attiré par
la réputation de ces quatre artistes. Les duos de Dan Giovanni et de Don
Pasqualc ont été dits le plus spirituellement du monde par Steller, qu:
est toujours un chanteur du plus haut mérite, et par la toute cbannanto
Mlle Harris. La fantaisie sur Home siorct home, de .laëll, a été bissée. Le
duo pour dcu\ pianos et la Marche liirque, exécutée à quatre mains par
M. et Mme Jaëll, ont produit un effet proliyieux.— Mlle Marie Schroeder,
Troy et Sivori sont engagés pour le troisième et dernier concert qui
aura lieu le 2 i de ce mois.
.** Le 28 juillet dernier, Bagncres-d-'-Bigorre a inauguré son nouveau
Casino qui peut rivaliser avec ceux des plus célèbres stations thermales.
Un concert a été donné dans la grande s.ille, où plus de mille person-
nes peuvent s'asseoir à l'aise. Là pnlka Coucou et Cricri et le Champa-
gne-Galop ont mis l'assistance en belle humeur et retrouvé là leur suc-
cès habituel.
*** Dans un trè.s-beau concert donné le 27 juillet dernier à Ems, on
a entendu Mlle Marimon, MM. Yieuxtemps, Balta, Géraldy et de 'Vroye.
Le roi de Prusse, qui assistait à cette soirée, a fréquemment donné le
signal des applaudissements et a félicité les artistes.
*** Le 12 septembre prochain aura lieu, h Wiesbadeu, un grand con-
cert pour lequel ont été engagés Mlle Xilsson, Faure, Wilhelmy et le flù-
tiîse de Yroye.
»*^ L'église paroissiale de Dreux vient d'être dotée d'un orgue cons-
truit par la maison Cavaillé-CoU de Paris. L'inauguration de l'instru-
ment a eu lieu mercredi dernier par M. Saint-Saëns, l'éminent orga-
niste de l'église de la Madeleine de Paris, dont les improvisations ont
charmé pendant plus de deux heures l'auditoire nombreux et choisi
qu'avait attiré cette belle cérémonie.
,*» Le jury nommé par le ministre de l'intérieur de Belgique pour le
concours international de musique religieuse se compose de MM. Fétis,
Soubrc, Benoît, de Yroye, de Burbure, Gevaërt, Ch. Yervoitte, Lefebvre-
îs'iedermeyer, Franz Lachner, Himmerlander et Kufferath. Il se réunira
le 17 de ce mois à Bruxelles, et cent cinquante partitions venues de
tous les points de l'Europe seront soumises à son examen.
**^ La Société des auteurs et compositeurs dramatiques allemands ,
dont le siège est à Yienne, est aujourd'hui constituée et a élaboré ses
statuts, qui sont en partie calqués sur ceux de la Société française. Les
droits garantis aux auteurs sont de dix, six, trois et deux pour cent,
suivant l'importance de l'ouvrage. Le compositeur est seul considéré
comme auteur d'un opéra, à moins qu'il ne déclare expressément vou-
loir associer le poëte à ses droits. Enfin , la survivance des honoran-es
d'un auteur mort n'est assurée à ses héritiers que pendant dix ans. —
Le Comité provisoire est compos; de MJL Laube, Mauthner, Mosenthal,
auteurs dramatiques; F. de Flotow, Suppé, compositeurs.
^*^ Le flûtiste de Yroye fera partie de la prochaine tournée artistique
Ullman-Patti.
,**. La ravissante Valse des Etincelles, de Jules Klein, vient de paraî-
tre chez MM. Gérard et C'", éditeurs de musique. La première édition a
été enlevée dans l'espace d'une quinzaine de jours. Rêves d'automne
(valse), du même auteur, sont sous presse, et paraîtront dans quelques
jours en édition originale, simplifiée, à quaire mains et pour orche^t^e.
,f*^ On annonce la mort à Paris : de M. Ernest Ber, le fondateur du
Pré-Caielan ; — - de Mme Lacour, pianiste distinguée; — à Santiago
(Chili), du maestro Luigi Deleurie, mari de la cantatrice Borsi-Deleurie.
*.*5(j Un grand Festival militaire sera donné aujourd'hui, à deux heures,
au Pré-Catelan, par toutes les musiques du premier corps d'armée et
les fanfares des chasseurs à pied, à l'occasion de la fête de l'Empereur.
ÉTRANGER
„*^ Baden-Baden. — Une Conférence poiHique et un Grand Concert
ont composé les plaisirs intelligents de la semaine. La première a été
faite par Mme Ernst, avec le talent saisissant et souple qui tient sous le
charme les auditoires d'élite. Dans le second, Mlle Marie Roze a
admirablement chanté la mélodie des Djinns, du Premier Jour de bon-
heur, et le grand air d'Alice, de Robert le Diable : le public lui a
fait une véritable ovation. Plusieurs morceaux, la romance de Martha
entre autres, ont été parfaitement dits par M. Monjauze. M. Ehrlich,
pianiste distingué, professeur au Conservatoire de Berlin, a exécuté d'une
manière remarquable le Concerto en mi bémol de Beethoven. Bolte-
sini, enfin , et sa contreha.sse merveilleuse ont excité l'enthousiasme et
provoqué des bravos sans fin. — Une heureu.se innovation a inauguré,
le 6 aoi'it, les Concerts classiques a grand orchestre, qui se continueront
tous les jeudis, dans l'après-midi , à la Conversation. Le programme de
la première séance était des mieux choisis : Beethoven , Mendelssohn ,
Wagner. M. Ou'lsdliorn a joué un Irmihetio de Mozart : h: sentiment,
l'cxprcs-sion , l'ampleur du jeu de cet artiste le font préférer à tous les
violoncellistes qui .se sont produits ici cette année.
,f** Uombourg. — Les représentations de la Compagnie italienne se
conlinuHnt avec un succès croissant, et devant une afïluence toujours
considérable. // Trovatorc vient d'être chanté par Désirée Artôt, r<orina
Grossi, Naudin, Yerger et Agnesi : magistral ensemble. Chaque morceau,
chaque scène a valu à Mlle A' tôt des ovations s;tns nombre; mais le
Miserere et le duo suivant avec Yerger ont .soulevé un enthousiasme
indescriptible, et les deux artistes ont été plusieurs fois rappelés au mi-
lieu des braves et des fleurs. NorJna Grossi est une admirable Azucena,
et Naudin est toujours le grand tîhantcur qu'on aime tant à entendre.
Yerger a fait, comme de coutume admirer sa voix .sympathique .si habi-
lement dirigée. Agnesi dit le racconto du premier acte d'une façon re-
marquable. Il Barbicre a été pour Désirée Artôt une suite d'ovations
des plus chaleureu.sos. Impossible de dire avec plus de finesse, plus de
charme la fameuse cavatine Vna voce puco fa. A la leçon de chant, .Mlle
Arlût a chanté une mazurka de Chopin : l'Oiselet et la Coquette; elle y a
déployé des trésors de vocalises qui ont soulevé un enthousiasme indes-
criptible. Comme rondo final, Mlle Artôt a chanté ta Clwrmeusc, valse
nouvelle écrite pour elle par M. Ehrlich, de Berlin : artiste et compo-
siteur ont été acclamés. — Mme Patti donnera ici, à partir du I.t août,
quinze représentations successives : elle chantera d'abord Lucia.
J^iç Spa. — Un grand concert a été donné^le 10 à la Redoute. M. et
Mme Léonard, le ténor Jourdan, Arban , M. de Bériot ont eu tout le
succès qu'ils méritaient et ont été applaudis jusqu'au rappel. Le public
a particulièremen fêlé AL et Mme Léonard, ainsi qu'Arban. D'autres so-
lennités musicales sont annoncées et attendues avec impatience.
,^% Munich. — Le Rmj-Blas de Max Zenger, donné récemment à
Manheim, vient d'obtenir ici le plus honorable succès. Les principaux
rôles étaient remplis par Mlles Stehle et Léonoff, et MM . Vogel et Kin-
dermann.
,*^ Oldenbourg. — Un grand festival des Sociétés chorales de l'Alle-
magne du Nord a eu lieu ici dei'nièrement. L'œuvre la plus importante
du programme, et celle aussi qui a eu le plus de succès, est la cantate
Salamis (chant de triomphe des Grecs), de Fr. Gernsheim, l'éminent
compositeur et professeur du Conservatoire de Cologne. Un nouveau
concerto de piano du même auteur, qu'on entendra cet hiver à Paris,
est appelé également au succès le plus flatteur.
^*^ Vienne — Une nouvelle Sélika vient de débuter dans l'.ifricaine,
Mlle Gindele, artiste d'un mérite réel et qui a rendu et rendra encore
de précieux services à l'Opéra. Sans faire oublier ses célèbres devancières,
elle a su marquer ce rôle difficile d'un cachet particulier et en rendre
avec un rare bonheur le côté sentimental. — Dans une représentation
donnée au Carltheater en l'honneur des tireurs allemands, on a beau-
coup applaudi une nouvelle opérette en un acte de Zaytz, Der Meister-
schuss von Poltenstein.
^*^ Milan. — Comme on s'y attendait, les destinées de la Scala sont
encore une fois remises entre les mains du ducemvirat Brunello et Bo-
nola. Les artistes engagés jusqu'à présent sont Teresina Stolz, Mongini,
Colonnese, Junca, et la danseuse Caterina Beretta. — Le théâtre Carcano
se rouvrira le 3 septembre avec Dinorah. — Le maestro Francesco Fac-
cio, chef d'orchestre de ce dernier théâtre, musicien éminent, vient d'être
nommé professeur de con'repoint et d'harmonie au Conservatoire.
**,,. Padoue. — Le Prophète a procuré à notre théâtre une magnifique
fin de saison. Seize représentations de ce chef-d'œuvre ont remis à flot
la direction; à la dernière notamment, 1,800 billets (chiffre inouï ici)
ont été pris. Les cantatrices Maria Destin (Fidès) et Ostawa Torriani
(Berthe) méritent les plus sincères éloges pour le talent et le zèle qu'elles
n'ont cessé de déployer dans tout le cours de cette brillante campagne.
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2. — Couplets de Robert le Diable, piano et chant 1 50
3. — Ballade de r/l/")7ca»ie, piano solo 1 50
4. — Romance du jPa?-rfow «ie P/ofr»ie/, piano et chant 1 50
5. Adam. Ronde du Postillon de Longjumeau
6. Schubert. Ave Maria, paroles françaises
7. — Adieu, paroles françaises, piano et chant. . . .
8. Mendelssobii. Chanson du Printemps, romance sans
paroles
9. Pattî (Adelina). Le Bal, musique de Strakosch, piano
et chant 2 »
10. — Di Gioja insolita, musique de Strakosch .... 2 »
11. mnie Sass. Air du Mancenillier de l'Africaine. ... 1 50
12. M. BîaudiM. Air : 0 paradis! de l'Africaine 1 50
13. M. Fanre. Ballade: Adamastor, de l'Africaine . ... d 50
14. Kelne Ifortense. Partant pour la Syrie, chant na-
tional 1 50
15. Patti (Cablotta). Par un sentier, chanson irlandaise 1 50
16. Offeubach. Lischen et Pritzchen : « Le rat de ville.» 1 50
n. — Les Deux Aveugles, bo'.éro : « La lune brille. » 1 50
18. Floto-w (de). Mariha, romance: « Lorsqu'à mes
yeux sa chère image.» 1 50
19. — Martha : « Seule ici, fraîche rose. » 1 50
20. Aubep. La Muette de Portici: « Du pauvre seul ami.» i 50
21. — Le Domino noir, couplets : « Ah ! quelle nuit. ». 1 50
22. Rossini. Moise, prière: « Des cieux où tu résides.» . 1 50
23. — Robert Bruce, barcarolle : « Calme et pensive.» 1 50
24. Klaillart. Les Dragons de Villars : « Il m'accuse. » 1 50
25. — Lqs Dragons de Villars: « Ne parle pas, Rose.» 1 50
26. Heller (Stéphen). Chanson de Mai, pour piano ... 1 50
Album cliorëgraphique de pocbe contenant :
27. 1. Marx. Quadrille sur J^/art^a, pour piano 2 »
28. 2. LuMBYE. Champagne-galop, pour piano 1 50
29. 3. Stutz. Polka- mazurka sur /'.k/Wcame 1 50
30 . 4. Arban. Polka sur la Ronde du Brésilien 1 50
31. 5. Strauss, ^alse sut Lischen et Fritzchen 2 »
32. Haydn. Menuet du bœuf, pour piano. . .
33. BaeU. Gavotte favorite, n" 1, pour piano. .
34. — Gavotte favorite, n° 2, pour piano. .
35. Beetboven. Le Désir, valse n°l, p. piano.
36. — 2" et 3'= valses, pour piano
37. — 4% 5' et 6*^ valses, pour piano . . .
38. — Bagatelle, n" 1, pour piano
39. Mozap*. Marche turque, pour piano.
40. - - .
41.
45.
■}"' valse favorite, pour piano
ÏVeber. Dernière Pinsée, pour piano
— Valse de Robin des bois, pour piano
Haendel. Gorf s<ïye </(e Çaeere, piano et chant
— Rule Britannia, piano et chant
— V'ariations sur le God saue the Queen, piano solo.
— Id. Rule Britannia, id
Field. 5'' nocturne, pour piano
48. CilucU. « J'ai perdu mon Eurydice, » grand air à! Or-
phée, chant et piano
49. Gréipy. « Une fièvre brillante, » chant et piano . .
50. — « Que le sultan Saladin, » chanson, id
51 . — « La danse n'est pas ce que j'aime, » couplets,
chant et piano
62. Chopin. 2" nocturne, pour piano
53. — 6= valse, pour piano
54. — Marche funèbre, pour piano
55. Koiiget de l'Isle. La Marseillaise, piano et chant.
56. Portrait de S. A. le Frince Impérial. Fior di
Primavera, valse composée par Adelina Patti
et dédiée à S. A. le Prince Impérial
57. Kossinl. Cavatine du Comte Ory : « Que les destins.»
58. Sehneider (Mlle). Couplets du sabre de la Grande-
Duchesse de Gérolslein
59 . — Déclaration : « Dites lui. »
60. — Légende du verre: « Il était un de mes aïeux.»
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REVUE
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litrunyer 34 " Id.
Le Journal parait le Dimanche.
ICALE
E PARI
SOMMAIRE. — Les Théâtres lyriques secondaires à Paris depuis 1820 (6' ar-
ticle), par Arthur Pou;;!]!. — Beethoven à Tœplitz. — Correspondances :
Grenoble, par Em. Matbicu de Uouter, et Bruxelles. — Revue des
théâtres, par U. A. H. !Sa>ii<-V»c8. — Nouvelles des tliéâtres lyriques.
— Nouvelles diverses. — annonces.
LES THË&TRES LYRIQUES SECONDAIRES Â PARIS
DEPUIS tSSO.
(6" article) (1).
J'ai annoncé le répertoire détaillé de l'Odéon, en ce qui se rap-
porte à la musique, pendant la période de son existence semi-
lyrique. Le voici :
1824. — 27 avril. — Les Trois Genres , prologue d'ouverture
de Scribe, Pichald et Dupaty, musique de Boïeldieu et Auber.
C'est le petit ouvrage que j'ai signalé plus hau(. Il fut très-
heureusement accueilli, et voici comment en parlait le Journal
des Débats, en rendant compte du spectacle d'inauguration de la
nouvelle direction de l'Odéon : « ... L'ouverture s'est faite, le
jeudi 29 avril, par un très -joli prologue de M. Scribe, intitulé
les Trois Genres. L'objet du prologue était de donner aux specta-
teurs accourus en foule à l'inauguration du temple une idée de
l'organisation de la société nouvelle et des divers travaux aux-
quels elle va se livrer. A l'aide d'un cadre ingénieux, on voit
paraître tour à tour des acteurs tragiques qui débitent un acte de
la tragédie de Turnus, par M. Piciiald, deux acteurs de comédie
qui, dans une scène un peu longue, mais élégamment versifiée,
de M. Dupaty, invitent par l'appât de la louange tous les mem-
bres des grands établissements de la rive gauche de la Seine à
visiter l'Odéon; et enfin, des acteurs - chantants qui exécutent un
petit opéra, dont la musique, par sa grâce et sa vivacité, est di-
gne des auteurs du Calife et d'Emma. Le directeur, M. Bernard,
figure dans cet opéra, et il y chante, avec plus de goût que
de force et d'éclat, un air de basse. Tout cela a été entendu et
accueilli favorablement; tout a été applaudi: vers tragiques, vers
(1) Voir les n« 25, 26, 29, 31 et 33.
comiques, dialogue en prose, dialogue chanté, exécution d'un or-
chestre ferme et vigoureux; il était impossible de commencer sous
des auspices plus brillants, plus complètement heureux. »
l" mai. — Le Tableau parlant, d'Anseaume et Grétry, créé à
la Comédie-Italienne le 20 septembre 1769. (Début d'Auguste Le-
brun.) — Le Barbier de Séville, de Rossini, traduit par Castil-
Blaze, joué par Lecomte, Valère, Léon, Camoin, Mme Montano.
Ouvrage et interprètes obtiennent un très-grand succès, à ce point
que Ml, â Montano est rappelée sur !a scène à la fin de îa pièce,
ce qui n'était pas alors aussi banal qu'aujourd'hui.
11 mai. — L'Epreuve villageoise, de Desforges et Grétry, re-
prise déjà peu de temps aupai avant, ainsi que nous l'avons vu, au
théâtre de Madame. (Débuts de Saint-Preux et de Mme Letellier.)
16 mai. — La Fausse Magie, de Marmontel et Grétry, créée à
la Comédie-Italienne le 1" février 1775.
27 mai. — Richard Cœur-de-Lion, de Sedaine et Grétry, créé
au même théâtre le 21 octobre 1784.
5 juin. — Les Folies amoureuses, arrangées par Castil-Blaze,
d'après Regnard pour les paroles, d'après Mozart, Cimarosa, Paër,
Pavesi et Steibelt pour la musique. On a vu, dans le chapitre
précédent, que cet ouvrage avait paru pour la première fois,
ainsi arrangé, au théâtre de Madame, mais en un acte seulement,
pour suivre les prescriptions absolues du privilège de ce théâtre.
Cette fois il était en trois, et l'arrangeur avait dû, par conséquent,
modifier et considérablement augmenter la partie musicale.
22 juin. — Sylvain, de Marmontel et Grétry, créé à la Comé-
die-Italienne le 19 février 1770.
29 juin. — On joue le second acte de Raoul, sire de Créqui, de
Monvel et Dalayrac, créé à la Comédie-Italienne le 31 octobre
1789.
12 juillet. — Biaise et Babel , de Monvel et Dezèdes, créé à la
Comédie-Italienne le 30 juin 1783. (Débuts de MM. Dulin et Ler-
minez.)
19 juillet. — Le Paria, tragédie de Casimir Delavigne, créée
peu d'années auparavant. On y avait ajouté des chœurs dont la
musique av?it été composée par Léopold Aimon , mais selon VAL-
manach des Spectacles, « la musique de ces chœurs n'ayant pas
produit l'effet qu'on en attendait, on l'a supprimée à la troisième
représentation. » Cette rédaction ambiguë ferait supposer qu'on
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
avait laissé subsister les paroles des chœurs susdits, et qu'on les
aurait ainsi chantés sans musique. Je n'en crois rien.
23 juillet. — Philippe et Georgette, de Monvel et Dalayrac, créé
à la Comédie-Italienne en 1792. (Début de Mme Pouilley.)
2 août. — La Pie voleuse, opéra en trois actes , paroles imitées
du drame de Caigniez et Daubigny; et ajustées par Castil-Blaze sur
la musique de la Gazza ladra, do Rosslni. — Grand succès, moins
productif cependant que celui du Barbier.
i" septembre. — L'Amant jaloux, de D'Hèle et Grétry , créé à
la Comédie-Italienne le 23 décembre 1778.
19 octobre. — La Rosière de Salency, de Pezay et Grétry, créée
à la Comédie-Italiemic le 28 février 1774. — Décidément l'Odéon
en tenait pour Grétry, cl tout le répertoire de celui-ci y passait
successivement. Le clioix eût pu être plus mauvais, du re^te.
21 octobre. — Le Sacrifice interrompu, opéra en trois actes,
paroles imitées de rAllemand par de Saur et Saint-Geniès, musi-
que de Wintcr, arrangée par Vogt et Crémont. Cet ouvrage avait
fait sa première apparition à Vienne, vers 179S; le succès qu'il
avait obtenu alors se renouvela à l'Odéon, bien qu'ici on le trou-
vât un peu long.
3 novembre. — Le Jîèijnc de Titus, cantate pour la fête du roi,
paroles de . . . , musique de Vergue, artistes de l'orchestre (chef
d'attaque des seconds violons).
7 décembre. — liobin des BAs, ou les Trois Halles, opéra-féerie
en trois actes, traduction très-libre du chcl-d'œuvre de Weber,
le Frejischiitz, par Caslil-Blazc et M. Sauvage. — Succès énorme,
bien que très-incertain ii la première représentation, le public
étant dérouté par le caractère de cette nmsirjue, si nouveau pour
lui. On sait, du reste, que Castil-Blaze en avait pris à son aise
avec la partition de Weber, qu'il avait complétée en y ajoutant
des morceaux de son crû. Néanmoins, liobin des Bois fournit à
l'Odéon une carrière si brillante, qu'on jugea i)lus tard h propos
de le reprendre à rOpéra-Comi(iue (1835), où il eut un beau re-
gain de succès (1).
1825. — 9 mai. — Les Noces de Gamnche, opiMM-bouffc, ])ai'o-
les françaises de MM. Sauvage et H. Dupin, musique de Merca-
danle, arrangée pai M. Guéiiée (première représentation donnée
au bénéliee de Joanny). — « La musique des Noces de Gamache,
disait /e Constitulionnel, arrangée avec beaucoup de goût par
M. Guénée, est, comme on sait, de Mercadante; elle a du charme,
de la variété, et elle brille surtout par une abondance de motits
heureux. On ne peut pas dire que ce soit de grande musique;
mais il est certain que c'est de la musique agréable à entendre, et
qu'on éprouve, en l'écoulant, l'envie de la chanter. » En somme,
l'ouvrage eut du succès. Parlant ensuite des débuts qui avaient eu
lieu récemment ù l'Odéon, et après avoir mentionné ceux
de la tragédie et de la comédie, le même journal ajoutait :
« . Enfin , dans l'opéra, arrive en tête Mlle Lemoule, douée
d'une très-belle voix, et qui a fait son second début par
Colombine du Tableau parlant; Mme Albert, qu'on voit et
qu'on entend avec plaisir ; Mmes Meyssin et Bultel, dont nous
avons déjà parlé; le ténor Cœuriot, qu'on a peu goûté dans le
Barbier, mais qui a été beaucoup mieux accueilli dans le rôle de
Pierrot ; et Margaiilan, qui a débuté dans cet ennuyeux Sylvain,
et qui, comme chanteur, a parfaitement réussi. »
7 juin. — Louis XII, ou la Route de Reims, opéra de eircoii-
(1) Deux anciens cm rages avaient encore été repris dans le cours de
cette année à l'Odéon, mais je n'ai pu que le constater, sans trouver la
date do leur représentation. Ce sont : i° Ambroise, ou Voilà ma journée,
de Monvel et Dalayrac, qui avait été créé au théâtre Favart le 12 jan-
vier 1793; — 2" /e Tonnelier, paroles it musique d'Audinot, créé à l'O-
péra-Comique de la foire Saint-Laurent en 17(55.
stance en trois actes, donné à l'occasion du sacre de Charles X,
paroles de MM. Lauréal et de Saint-Georges, musique tirée des
œuvres de Mozart, et arrangée par Crémont et Vergne. — C'était,
on le voit, encore un pastiche. « La musique est de Mozart, disait
le Constitutionnel; cela suffit à son éloge. On ira à l'Odéon voir
cette pièce de circonstance par curiosité; il est difficile de se faire
une idée de la richesse et de la pompe du spectacle dont elle est
entourée. »
28 juin. — Les Français au Sérail, opéra-comique en un acte,
réduction des Visitandines, de Picard et Devienne, créées à Fey-
deau le 7 juillet 1792. Il n'était pas permis alors — on était aux
beaux jours de la Restauration — de mettre des religieuses en
scène; trois hommes de lettres, qui prenaient les noms d'Hya-
cinthe, Albertin et Fleury, s'ingénièrent à changer le sujet de la
pièce de Picard, supprimèrent quelques morceaux de la partition
charmante de Devienne, réduisirent en un seul les deux actes
primitifs, servirent chaud, et. . . la morale fut sauve.
2S juillet. — Othello, opéra en trois actes, traduit de l'italien par
Castil-Blaze, sur la musique de VOlello de Rossini. Cette traduc-
tion avait été déjà donnée en province, et sa représentation à Paris
ne lit ([ue conlirinor le succès qu'elle y avait obtenu.
16 août. — La Comédie à la campagne, opéra-bouffe en deux
actes, imité de \' Imprésario in angustie , de Cimarosa, paroles de
M. Duvert, adaptées à la musique par Crémont. — Succès. « L'idée
de mettre sur la scène française V Imprésario in angustie de Cima-
rosa, pour n'être pas nouvelle, n'en est pas moins heureuse. La
manière dont M. Duvert l'a exécutée lui fait honneur. Les vers des
aria, des duo et des morceaux d'ensemble de l'Opéra à la cam-
pagne, ne décèlent point celte prétendue gêne imposée par le
rhythnie musical (pii fait dire tant de sottises à M. Castil-Blaze. C'est
de l'imitation, dit-on, oui; mais imiter ainsi vaut mieux que tra-
duire. Le succès de cet opéra a été complet, l'exécution pai'faite,
les applaudissements se sont fait entendre d'un bout ù l'autre : cet
ouvrage a pourtant un défaut dont tout le monde a été frappé, et
beaucoup trop rare pour n'en pas pnmdre note : il a paru court. »
{Constitutionnel.)
31 octobre. — La Dame du Lac, opéra en quatre actes, imité
de la Donna del Lago , de Rossini. Cette fois , les paroles sont de
d'Epagny et d'Auguste Rousseau, et l'adaptation est due à Lemière
de Corvey. — Très-grand succès.
17 novembre. — Preciosa, ou la Bohémienne, drame en trois
actes, imité de l'allemand, de Wolf, avec chœurs et intermèdes de
Weber. — (Jui avait fait cette traduction? Est-ce Castil-Blaze? Je
n'en sais rien et n'ai pu trouver à ce sujet aucun renseignement.
Toujours est-il que l'extravagance de cette traduction était telle que
l'ouvrage n'atteignit même pas la fin de sa première représenta-
tion et succomba sous les sifflets. On sait pourtant quel succès il
obtint au théâtre Lyrique, le 16 avril 18SS, avec la nouvelle adap-
tation de MM. Beauraonl et Nuitter (1).
Avant de terminer le répertoire musical de l'Odéon pour l'année
1826, il me faut mentionner un fait qui alors passa à peu près
inaperçu, mais qui depuis a acquis une valeur historique. Je veux
parler du début de notre grand ténor Duprez, du chanteur illusti'e
dont la renommée, depuis, est devenue universelle, dont la carrière
a été si brillante. M. Duprez débuta, à l'Odéon, par le rôle d'Al-
raaviva du Barbier de Séville, le 1" mars 1823, et il resta attaché
à ce théâtre jusque vers le milieu de 1827.
Arthur POUGIN.
(La suite prochainement.)
(1) Je trouve encore, pour l'année 1823, deux reprises dont il m'a été
impossible d'établir la date précise : 1° Raoul Barhe-Blcue, de Sedaine et
Grétry, créé à la Comédie Italienne le 2 mars 1789; — 2° Zémire et Azor,
de Marmontel et Grétry, créé au même théâtre le 16 décembre 1771.
DE PARIS.
<m
BEETHOVEN À TŒPLITZ.
La Siiddeutsche Musikzeitung publie une lettre, inédite jusqu'ici,
adressée en 1811 par Varnhagen 'a son ami le poëte Louis Uli-
land, et qu'on ne lira pas sans intérêt. Elle n'est point d'un ad-
mirateur banal, et elle est surtout précieuse en ce qu'elle mon-
tre le caractère de Beethoven par son côté affable et bon, que les
amateurs d'antithèses ont si souvent cherché à amoindrir.
«... J'ai t'ait à Tœplitz, dans les derniers jours de l'été, la
connaissance de Beethoven ; j'ai trouvé, dans l'homme qu'on re-
présente comme sauvage et insociable, un grand artiste au cœur
d'or, à l'esprit élevé et aux manières pleines de cordialité. 11 a
fait pour nous, dès la première entrevue, ce qu'il a refusé à des
princes: il s'est mis au piano. J'ai été bien vite à mon aise avec
lui ; et l'attrait qu'exerçaient sur moi ce noble caractère, ce souf-
fle divin dont je croyais sentir l'influence continuelle au milieu
du calme dont s'entourait ce grand homme, devinrent si puissants,
que je finis par ne plus m'apercevoir, pendant des journées en-
tières, de la difficulté que la faiblesse de son ouïe apportait né-
cessairement dans nos relations; j'ai môme passé tous ces der-
niers jours exclusivement dans sa société et dans celle de son
ami Oliva, un excellent homme que Kœrner a aussi connu.
» Si je ne savais déjà, comme tout le monde, que Beethoven
est le plus grand, le plus profond et le plus magnifiquement doué
des artistes allemands, sa manière d'être seule me l'aurait révélé,
à moi qui cependant suis un ignorant en musique. 11 n'a vécu
que pour son art; et son incroyable activité et sa fécondité sont
telles qu'aucune passion humaine n'a de prise sur lui.
» 11 lui faut l'espace libre et sans limites pour ses promenades.
Dans ses courses solitaires dans les montagnes et les bois, il
se repose par la contemplation des grandes scènes de la nature,
il médite des créations musicales, il goûte le bonheur dans le se-
cret de son cœur.
» Je te fais part de mes impressions pour que tu ne cherches
pas à le comparer à quelque autre; il faut absolument le mettre
à part, lui donner une place à lui seul dans le domaine de l'art.
Je voudrais pouvoir te dire combien il était beau, touchant, reli-
gieux et recueilli, cet homme de génie qui semblait avoir reçu le
baiser d'un dieu, alors qu'il nous jouait de sublimes variations,
véritable manifestation d'une puissance divine intérieure, écho que
l'artiste laissait expirer, impuissant qu'il était à le fixer sur le pa-
pier! J'ajouterai, mon cher ami, que je lui ai donné, sur sa de-
mande, toutes tes poésies, que je regrette de n'avoir pas eu le
temps de copier; tu peux espérer d'en voir bientôt plusieurs mises
en musique. J'en suis aussi heureux que si elles étaient de moi. »
CORRESPONDANCE.
Grenoble, 20 août 1868.
0 Les fêles que Grenoble vient de voir depuis trois jours, à l'occasion
du concours musical et de l'inauguration de la statue de Napoléon I",
ont été splendides et telles que le Dauphiné en gardera le souvenir pen-
dant plusieurs générations. Jamais une affluence aussi considérable de
populations, accourues de tous les points du sud-est de la France, ne
s'était pressée dans la capitale de noire ancienne province : c'est à plus
de 100,000 personnes qu'il faut évaluer cette foule enthousiaste. » J'em-
prunte au Courrier de l'hère, mon cher directeur, celte appréciation
significative de l'éclat des fêles musicales auxquelles j'ai assisté et dont
je crois devoir vous dire quelques mots, car elles ont été véritablement
des manifestations de l'art populaire par excellence, la plus haute, la
plus complète, la plus éloquente de l'année.
Trois jours durant, en effet, la musique, qui fut de tout temps la grâce
et l'honneur de la terre dauphinoise, qui commença de naître et d'y re-
tentir dès les âges de fer, au sortir des horreurs sauvages de l'Aliobrogie;
qui passa à côté des cloîtres et qu'on y accueillit quelquefois; qui fui
l'âme joyeuse des veillées et la fêle délicate des châteaux, la musique a
surpris encore une fois, réjoui et comme galvanisé ce généreux pays.
Du IS au 18 août, Grenoble a été tout vibrant de fanfares et de chœurs,
tout bruissant de symphonies et de cantates. Parmi ces sept mille chan-
teurs et instrumentistes, que de belles voix, que de beaux talents, que
de modestie aussi, de discipline et de bonne volonté!
Pour permettre à cette armée de concurrents d'entrer en lice, la ville
avait ouvert aux chanteurs populaires jusqu'aux prétoires de son Palais
de Justice. On distribuait des médailles et des couronnes, en ce pacifique
tournoi, là même où le ministère public requiert d'habitude le juste
châtiment des coupables. Les premiers prix, dans les différentes divisions
orphéoniques, ont été remportés par la Chorale forézienne de Saint-
Etienne, le Cercle choral de Vénissieux, la Société philharmonique de
Terre-Noire, l'Harmonie lyonnaise, la Chorale autunoise, la Lyre de Crest,
l'Aigle de Marseille, l'Orphéon d'Annonay, le Cercle choral de Cham-
béry, la Mandoline de Romans, la chorale d'Oullins et l'Ecole normale
de l'Isère. Les premiers prix de musiques d'harmonies sont revenus aux
Enfants de la Loire, à la Philharmonique de Vienne et à la Sainte-Cé-
cile de Draguignan. Quant aux fanfares innombrables, entre autres vic-
torieuses, je citerai celles de Valence, RumiUy, plusieurs de Lyon, de
la Côte-Saint-André, des Mineurs de la Ricamarie, d'Annonay, de Saint-
Gends-Laval, de Vourles, de Saint-Jean de Bournaye, de Vernaison, du
Péage -de-Roussillon et de Fure. Le premier prix d'excellence a été dé-
cerné à l'Union chorale de Lyon, et la municipalité grenobloise a offert une
couronne de vermeil à la célèbre fanfare lyonnaise, si habilement diri-
gée par M. J. Luigini. Cet artiste éminent à également reçu du mi-
nistre de l'instruction publique un diplôme spécial, en témoignage des
services rendus depuis longtemps par lui à la grande cause du progrès
par l'Art.
Les différents jurys se composaient de MM. François Bazin, Laurent
de Rillé, Besozzi,Boulanger,Monestier, Mathieu de Monter, Rolland, l'un
des premiers promoteurs de l'Orphéon en France, J. Simon, Delaporte,
Sangnier-Dubouret, Couder, Paulus, Thibaut, Klosé, Kokken, Dauverné,
Léon Chic, Aimé Gros, Sain-d'Arod, A. Elwart, Jonas, etc. Hector Ber-
lioz avait accepté la présidence d'honneur. Son apparition au banquet a
provoqué une émotion indicible et des app!audis.sements enthousiastes.
Une couronne d'or a été posée par le maire de Grenoble sur la tête du
maître, qui à l'heure présente n'a plus d'envieux et appartient déjà,
quoique vivant encore, à l'immortalité. Cet épisode, véritablement impo-
sant de la fête, et auquel un violent orage subitement déchaîné et s'en-
gouffrant parmi les fleurs et les lumières de la salle du banquet ajoutait
un caractère en quelque sorte fantastique, revient de droit à l'histoire
artistique contemporaine. Une réserve légitime ne me permet pas d'en
dire plus long. Ce soin a été, au surplus, surabondamment rempli d'au-
tre part par M. Laurent de Rillé, qui joint à beaucoup de
mérite personnel un talent oratoire remarquable, sinon naturel et spon-
tané, et qui a par trois fois, ce soir-là, déposé sur la célébrité de l'au-
teur de l'Enfance du Christ les fleurs symboliques d'une rhétorique à la
Massillon. Notre ami et illustre collaborateur H. Berlioz, quoique fort
souffrant, n'a pas é'.é peu surpris d'apprendre que son éloge funèbre avait
été prononcé fort à son insu.
Je n'insisterai pas davantage, mon cher directeur, sur les sérénades
données aux membres du jury, ni sur les ovations dont ils ont été
l'objet. L'hospitalité grenobloise a été, ces jours derniers, à la hauteur de
son antique répuiation. C'est vous dire que nous avons été reçus et
accueillis avec la courtoisie la plus généreuse et la mieux entendue.
Une visite faite au monastère de la Grande-Chartreuse dans des con-
ditions exceptionnelles et l'examen des antiphonaires de cette illustre
communauté, que je dois à la haute obligeance du R. P. Dom de Cerso,
général de l'ordre, feront l'objet d'une étude que les lecteurs de la Revue
et Gazette musicale ne liront pas, je l'espère, sans quelque intérêt. Je
l'écris au monastère même et vous l'adresserai prochainement.
La Bibliothèque de Grenoble, formée en 1771, possède plus de
90,000 volumes comprenant un grand nombre d'éditions rares et pré-
cieuses et de riches manuscrits : les ouvrages relatifs à la musique n'y
font pas défaut et sollicitent même l'attention des écrivains voués à la
littérature ou à l'histoire musicales. La musique est parfaitement ensei-
gnée à Grenoble par d'habiles professeurs, au premier rang desquels je
citerai M. Duprey. Des cours de musique vocale sont tenus dans les
deux écoles gratuites de garçons et de filles.
L'Académie delphinale, fondée en 1772, se compose de cinquante
membres tuulaires et de correspondants. Elle se réunit souvent pour
entendre la lecture de travaux concernant les diverses branches de la
littérature, des sciences et des arts. Elle publie chaque année un volume
qui contient le bulletin fort intéressant des travaux de ses membres.
Le théâtre actuel de Grenoble est trop défectueux et trop petit pour
pouvoir être conservé et restauré. La consiruction d'une salle plus
vaste, plus appropriée à sa destination ne saurait être ajournée plus long-
temps.
En résumé, mon cher directeur, les fêtes de Grenoble m'ont affirmé
une fois de plus et ont établi pour d'autres une vérité indiscutable, je
veux dire le caractère pacifique, consolant, aimant de l'Orphéon français.
Oui certes, cette institution exprime la joie, l'orgueil même et la douce
268
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
satisfaction de tous ceux qui tracent dans la terre, dans le fer, dans le
bois, le lude sillon du travail. Elle en accompagne et en soulage le la-
beur. Elle console souvent, elle apprend à voir et à sentir ce qui est
beau et bien . Ces chœurs sont grandement utiles : ils disent beaucoup
en peu de mots, il- vont parlout, ils restent où ils vont. C'est, la plu-
part du temps, de l.i morale qui entre dans l'esprit des artisans sans
qu'ils s'en aperçoivent. Il n'y a d'utile pour les ouvriers que ce qui est
clair, élégant et bien dit. Les systèmes moraux et philosophiques peu-
vent être bons, maisl'.irtisan ne les comprend pas. Us sont parfois défec-
tueux ; le chant populaire est complet. Quand on n'a pas tous les
moyens de tirer de peine son voisin, c'est beaucoup que de pouvoir la
lui faire prendre en patience. Un beau concours d'orphéons est une
œuvre excellente et noble.
La cantate composée par M. Sain-d'Arod, sur des paroles de M. Bel-
montet, pour l'inauguration du i< bronze impérial » a marché avec assez
d'ensemble et a produit l'effet habituel de ces œuvres de circonstance.
Em. MATurEu UE MONTER.
Bruxelles, 49 août.
Voici le résultat du grand concours international de musique sacrée,
donné sous le patronage du gouvernement belge, par la maison Schott,
de Bruxelles, et par MM. les membres du Congrès de musique religieuse
de Belgique.
Cent partitions ont été envoyées à ce concours; une messe portant la
devise : Gloria tibi Domine, est parvenue après l'expiration du délai lixé
par le programme et n'a pu, par conséquent, être admise.
Les pays d'origine des partitions adressées à M. Schott sont : la Bel-
gique, la France, l'Angleterre, la Hollande, l'Italie, l'Espagne, presque
tous les pays d'Allemagne et les Etats-Unis d'Amérique.
Le concours était partagé en deux catégories : la première consistait
dans la composition d'une messe pour trois voix d'hommes (deux ténors
et une basse) avec orgue, dans un style simple et facile, approprié aux
besoins des églises de campagne et des maîtrises de deuxième et de
troisième ordre dans les villes. Les compositeurs de tous les pays étaient
appelés à cette luttf.
La deuxième catégorie consistait dans lu composition de quatre motels
de salut également pour trois voix d hommes avec orgue. Mais celle
division était réservée exclusivement aux compositeurs belges.
Pour le concours international, le premier prix a été décerné, après
plusieurs tours de scrutin, à l'auteur de la me.-ise portant pour devise
ces paroles : Laudatc Dominum in lujmnis. L'ouverture de la lettre ca-
chetée et accompagnant la partition a fait connaître le nom de M. Ed-
mond KuETSCHMER, Organiste de la cour et de l'église catholique de
Dresde (Saxe) .
Le deuxième prix a été remporté, à la majorité des voix, par M. Joseph
LoEBMANN, directeur du chœur de l'église de Ostriz, près de Zittau, en
Saxe. Sa partition portait pour devise : Omnia ad majoren Dei gloriam.
Le troisième prix a été décerné, également à la majorité des voix, à
M. S. SuMMERS, compositeur à Paris. Sa partition avait pour devise :
Simplicitas jusiorum diriget cos.
81 compositeurs avaient pris part à ce concours. 38 ont été exclus de
la lutte, à cause des nombreuses fautes de latin, des suppressions et des
inversions de paroles constatées dans la paraphrase musicale du texte
liturgique. Le jury a été unanime à reconnaître que, quant aux 43 au-
tres manuscrits, une douzaine au moins méritaient les honneurs de
l'impression. Le concours, dans son ensemble, peut être considéré
comme le plus brillant qui ait encore été donné en Belgique, au point
de vue de la musique sacrée.
Pour la catégorie réservée aux compositeurs belges, le jury a accordé
un deuxième prix, sur dix-huit concurrents, à M. César Lust, orga-
niste de l'église du Jésu, à Bruxelles, auteur des quatre motets du Saint-
Sacrement portant pour devise : Cantate Domino canticum novum. Dans
cette catégorie, dix partitions ont été exclues de la lutte à cause des
suppressions ou d'inversions du texte latin.
La commission liturgique du jury se constituait de MM. De Vroye,
abbé Cras et X. Van Elewyck.
Nous ferons connaître ultérieurement l'époque de la distribution des
prix et de l'exécution publique et solennelle des œuvres couronnées.
— Les concours ont commencé au Conservatoire. De l'avis de tous,
larement ils ont été aussi brillants. Le premier prix de composition
(classe de M. Fétis) a été décerné à M. Félix Pardon, jeune homme de
dix-sept ans, en qui on pressent déjà un maître. Les résultats des con-
cours d'harmonie, de contrebasse, de violoncelle, de violon, de chant et
de déclamation lyrique ont été très-satisfaisants. Cette dernière classe,
qui n'est que depuis un an sous la direction de M. Warnots, l'excellent
ténor belge, s'est particulièrement distinguée.
REVDE DES THEATRES.
Réouverture du Théâtre-Français. — Gvmnase : Fanny Lear,
comédie en cinq actes, par MM. Henri Mellhac et Ludovic Ha-
lévy. — Variétés : les Chambres de bonnes, comédie en trois
actes, par MM. Hippolyte Rimbaul et Raymond Deslandcs ; (Ine
Eclipse de lune, comédie en un acte, par M. Gabriel Ferry;
la Vie privée, comédie en un acte, par MM. Eugène Grange et
Victor Bernard. — Théâtre impérial du Chatelet : Reprise des
Pirates de la Savane, drame de MM. Anicet Bourgeois et Fer-
dinand Dugué.
Après avoir constaté que le Théâtre-Français a repris le cours
de ses représentations le 15 août, à la suile d'un mois de ferme-
ture, hâtons-nous d'entrer au Gymnase, où nous attend une comédie
importante do MM. Henri Meilhac et Ludovic Halévy, sous le titre
de Fanny-Lear.
Nous sommes à la campagne, chez M. de Frondevillc qui, en
l'absence de sa leinme dont d est séparé à l'amiable, mène joyeuse
vie avec des amis devenus des commensaux. Parmi eux, il y a un
M. Brédif, dont il courtise la t'emmc, au mépris des lois de l'hos-
pitalité. Tout à coup survient, à minuit, par le chemin de fer,
Mme de Frondevillc qui invoque la protection de son mari, pour
échapper aux poursuites d'un adorateur vers lequel elle sent que
son pauvre cœur est sur le point de verser. Un compromis a lieu
entre les deux époux; Froiideville aidera de tout son pouvoir au
salut de sa femme, qui, de son côté, s'engage à désespérer son
soupirant, à condition qu'd ne sera plus question de Mme Brédif.
Les choses sont en cet état, lorsque apparaît sur l'horizon M. de
Cadières, l'amoureux de Mme de Frondevillc, et aussitôt l'action
s'engage.
Mais, au milieu de tout cela, où. est donc Fanny Lear? Et
qu'est-ce que Fanny Lear? Nous allons le .'avoir, un peu tard
peut-être, mais vous connaissez le proverbe : vaut mieux tard (jue
jamais.
Fanny Lear est une ancienne actrice de Drury-Lane, qui, après
quelques incartades sans conséquence, a pris dans ses filets lord
Elphinslone, l'a enterré et est devenue son héritière pour une
somme de plusieurs millions. La voilà riche, mais son ambition
n'est pas satisfaite. Elle veut un nom pour forcer les portes du
grand monde, qui lui sont fermées. Justement il y a dans les bas-
fonds de Londres un gentilhomme français que sou inconduite a
réduit à la plus extrême misère. Le marquis de Noriolis est à
vendre; Fanny Lear l'achète, mais, devenue marquise, elle n'en
reste pas moins à l'index, dans la haute société anglaise, et de
dépit elle passe avec son mari en France, oîi elle espère être plus
heureuse.
Or, le château de Noriolis est voisin de la villa de M. de Fron-
deville, et le marquis a une charmante petite fille qui a été pen-
dant quelque temps confiée aux soins de Mme de Frondeville,
mais que la nouvelle marquise a appelée auprès d'elle, dès les
premiers jours de son arrivée en France.
Ici commence en réalité le drame. Geneviève de Noriolis vient
se plaindre à Mme de Frondevdle de la triste vie qu'elle mène
entre une belle-mère, égoïste et sèche, et un grand-père tombé
en enlancc. Il faut absolument la tirer de cette situation, et, dans
ce but, M. et Mme de Frondeville imaginent de lui faire épouser
M. de Cadières. Celui-ci se prête sans trop de répugnance à cette
combinaison à deux fins, mais il est convenu qu'après le mariage
il emmènera sa jeune femme bien loin de Noriolis et de ses habi-
tants.
Hélas! on a compté sans Fanny Lear, qui consent bien à
donner Geneviève à M. de Cadières, mais à la condition expresse
que celui-ci restera avec elle, car elle a calculé que l'honorabilité
DE PAHIS.
269
notoire de son gendre la ferait enfin trioinplier des susceptibilités
du inonde.
Il y a là une impasse d'où il s'agit de sortir à tout prix, et,
pour obtenir ce résultat, M. de Frondeville, réunissant ses efforts à
ceux d'un ancien amant de Fanny Lear, devenu son ennemi mor-
tel, se transporte au château de Noriolis pour essayer do paralyser
l'influence de Fanny Lear par celle du vieux marquis.
Nous ne suivrons pas ces messieurs dans tous les d-5tails de leur
expédition, qui va se briser contre la folie du marquis e\ contre la
surveillance d'un médecin aux gages de Fanny Lear. Qu'il suffise
de savoir que le médecin est corrompu à Deaux deniers comptants,
et que le marquis, dans une lueur de boa sens, met délinitivement
Fanny Lear à la l'aison, et marie Geneviève à M. de Cadières.
Les auteurs de cette comédie y ont fait preuve, à beaucoup
d'égards, d'un talent véritable. Ils ont trouvé de très-belles scènes;
ils ont tracé des caractères curieux, mais ils n'ont pas tenu assez
compte, selon nous, de l'unité d'action. Fanny Lear, comme
Tartuffe, n'entre en scène qu'au troisième acte, mais à travers une
intrigue dont elle n'est pas l'unique pivot. Le vieux marquis ne
fait à son tour son apparition qu'au quatrième acte, et il en ré-
sulte que la marche de la pièce est trop souvent subordonnée à
des personnaares parasites. C'est là un défaut qui nuit à l'intérêt.
Fanny Lear n'en a pas moins obtenu un succès extrêmement
honorable, dont la durée ne fait pas un doute pour nous, surtout
si la température adoucie se décide à le favoriser.
Il y a d'ailleurs, dans ce succès, un motif réel d'attraction; c'est
la manière remarquable dont M"" Pasca a créé le rôle de Fanny
Lear, et ce n'est cerles pas un petit mérite d'avoir su triompher
des aspérités de ce personnage odieux, que l'on peut comparer à
VCbjmpe de M. Emile Augier, et qui rappelle cette marquise d'Or-
vault qu'un procès récent a rendu tristement célèbre. On doit
aussi savoir gré à M"" Pasca de la perfection avec laquelle elle a
rendu le léger accent de cette ancienne actrice de Drury-Lane qui
possède toutes les iinesses de la langue française, mais qui n'a pu
tout à fait effacer son cacliet britannique.
Les autres rôles sont bien joués par Nertann, Landrol, Pujol,
jjmes pierson, Angelo, Manvoy et Chaumont. Mais, en somme, la
palme appartient à M"" Pasca.
— Trois pièces nouvelles nous attirent maintenant au théâtre
des Variétés. Les Chambres de bonnes, étant en trois actes, doi-
vent avoir le pas sur les deux autres. Il s'agit, dans cette comé-
die de mœurs bourgeoises, de ce qui se passe dans les mansardes,
tandis que les maîtres dorment bien tranquillement au premier ou
au second étage. Voici d'abord Mlle Fanchette qui abrite en ca-
chette sous son toit un mari de contrebande, puis, sa voisine, la
Marseillaise Rosalie, qui se laisse poursuivre dans sa chambrette
par un chanteur comique de l'Alcazar, dont la manie est de cour-
tiser les bonnes. Mais Mlle Rosalie est toujours flanquée de sa jeune
maîtresse, Mlle Aline Quincampoix, qui l'accompagne au marché
et qui a fait de sa chambre un atelier de dessin. Aline, trompée
par les allures du chanteur Petitrat, s'imagine que c'est à elle
qu'il en veut, et de ce quiproquo surgissent naturellement des
situations non moins variées que cocasses. On danse chez M. Co-
queluchon, le maître de Fanchette, et Petitrat, qui s'y est intro-
duit, y retrouve dans un méli-mélo des plus grotesques, la famille
Quincampoix et toutes les bonnes qu'il a séduites. Les beaux
yeux de la dot de Mlle Aline lui donnent pourtant des éblouisse-
ments, mais ses victimes s'unissent pour le perdre, et il retourne
à son Alcazar, Gros-Jean comme devant.
Cette pièce est amusante et elle est joyeusement interprétée par
Grenier, Christian, Lecomte, Gobin, ainsi que par Mmes Honorine,
Carlin, Legrand, etc. Mlle Aline Duval, dans le rôle de Mme Quin-
campoix, a droit à une mention particulière.
C'est au figuré qu'il faut prendre le titre d'ilne Eclipse de lune.
Champfollet est dans sa lune de miel, quand on lui annonce la
visite inop|)ortunc de M. et Mme Bêchepont qui viennent s'instal-
ler chez lui pour un temps plus ou moins déterminé. Afin de se
débarrasser de ces fâcheux, Champfollet conçoit le projet, d'après
l'inspiration de son domesti(iuc, de faire la cour à Mme Bêchepont,
de manière à exciter la jalousie du mari, qui ne manquera pas de
l'emmener bien vite, pour la soustraire aux témérités de son
hôte. Le plan machiavélique de Champfollet marche d'abord à
souhait ; mais la mèche est éventée par une indiscrétion, et le
couple Bêchepont se venge du faux Lovelace avant de le rendre
aux douceurs de son novice ménage.
Quant à la Vie privée, elle a le tort d'arriver un peu tard, et
quand le Gymnase a déjà défloré ce sujet semi-politique. Un article
de journal, qui a remplacé par des initiales les noms véritables
que la loi nouvelle lui défend d'imprimer, met martel en tête à ce
brave Médusier, très-jaloux de sa femme, et soulève une tempête,
dont les conséquences pourraient devenir graves, si Mme Charail-
lard, une femme d'esprit, no révélait, en temps opportun, que c'est
elle qui a écrit ledit article, pour donner une leçon à son mari, un
peu trop porté à risquer des coups de canifs dans le contrat. Quel-
ques détails spirituels prêtent un certain relief à cette bluette re-
tardataire. Une remarque à faire, c'est qu'on s'y occupe beaucoup
d'une demoiselle Fleur-de-Thé, et que ce nom, emprunté à l'opéra-
bouife de M. Charles Lecocq, est un hommage rendu à sa très-
grande notoriété.
— Au thiâtre du Châtelet, on a repris, avec éclat , le fameux
di-ame des Pirates de la Savane, dans lequel cette pauvre Adah
Menken, si rapidement disparue, a fait courir tout Paris au théâ-
tre de la Gaîté. Elle y est remplacée par miss Sara Dowe, qui ac-
complit, aux bravos de toute la salle, la course périlleuse dite de
Mazeppa. La pièce est en outre fort habilement montée, et on y
applaudit des danses mexicaines, très-bien réglées par M. Honoré,
sur une charmante musique de M. Semet.
D. A, D. SAINT-YVES.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
**, Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et vendredi Hamkt
et mercredi la Juive avec Mme Âlarie Sass. '
*** L'hymne composé par Rossini pour l'Exposition universelle a
été exécuté le dS août à la représentation gratuite de l'Opéra. MM. Caron,
Castelmary, Ponsard et Gaspard l'ont chanté à l'unisson, accompagnés
par les chœurs, l'orchestre, la musique de la garde de Paris et les
cloches, — le canon n'était pas de la partie cette fois. L'iiymne a pro-
duit beaucoup d'effet sur le public très-mêlé, mais fort attentif, dont la
salie regorgeait, et qui a distribué d'intelligents bravos à Faure et à
Mlle Nilsson dans Hamkt.
**^ M. Perrin vient de conclure le traité qui lui donne le droit de
représenter Faust. Outre une mise en scène digne de l'Opéra, l'œuvre
de Gounod bénéficiera encore du développement que l'auteur doit don-
ner à la scène de la Walpurgisnacht, oh sera ajouté un ballet et des
récitatifs qui devront naturellement remplacer le dialogue parlé. Le rôle
de Marguerite est réservé à Mlle Nilsson, et celui de Méphistophélès à
Faure, qui en a déjà fait à Londres une de ses plus belles créations.
**„, On répète activement les Huguenots avec Mlle Julia Hisson et Vil-
laret. Dans un mois, nous aurons de cette grande œuvre une magnifi-
que reprise, qui sera entourée de soins tout particuliers ; ainsi, des rôles
remplis jusqu'ici par des coryphées, le seront par des artistes de premier
orcire.
*♦# La Cantate exécutée à l'Opéra-Comique le IS août, la Bonne Moisson,
mérite une mention spéciale, tant pour son mérite intrinsèque que pour
le succès très-vif qu'elle a obtenu. Son auteur, M. Chariot, ancien prix
de Rome, est chef du chant à l'Opéra-Comique et à la Société des Con-
certs du Conservatoire. Cette Cantate, pour avoir été presque improvisée,
comme tout ouvrage de circonstance, n'en décèle pas moins une main
ferme et habile ; la mélodie y est abondante et pleine de distinction. Le
solo a été fort bien dit par Gailhard. — Les Dragons de Villars et le Docteur
270
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Mirobolan, qui complétaient le spectacle, ont été aussi très-chaleureuse-
ment accueillis.
^*^ La liste que nous avons donnée, il y a un mois, des engagements
faits par M. Bagier pour le tliéâtre Italien , se complète par les détails
suivants : Adelina Patii chantera du l"' octobre à la fln de décembre ,
et du IS mars à la fin d'avril; entre temps elle remplira un engage-
ment de six semaines à Saint-Pétersbourg; Fraschini, qui ouvrira avec
elle la saison par Lucia, nous quittera exactement aux mêmes époques ;
Tamberlick ne restera que trois mois, au milieu de l'année. Les autres ar-
tistes feront toute la campagne — La salle Ventadour vient d'être décorée
à neuf; elle offre un coup d'œil magnifique.
.(;** Un des premiers ouvrages que M. Pasdeloup a l'intention de mon-
ter au théâtre Lyrique est le liicnzi de Richard Wiigner. Cet opéra, on
le sait, a été le début du compositeur au théâtre; il n'est point encore
conçu dans l'ordre d'idées qui a plus tard présidé ù la création du Vaisseau
Fantôme et de Lohengrin. — Les répétitions commenceront à ce théâtre
le !'"■ septembre.
<^*j) Deux lauréats des derniers concours de chant du Conservatoire,
MM. Aubéry, baryton, et Bacquié, basse chantante, sont engagés au
théâtre Lyrique.
**^ La Périchole , la pièce nouvelle de MIL Meilhac, Lud. Halévy et
Off'enbach, qui sera représentée au commencement d'octobre, vient d'en-
trer en répétitions aux Variétés. Les rôles sont distribués à MM. Dupuis,
Grenier, Leccmte, Christian, Baron, Mlles Schneider, C. Renault, Carlin
et Legrand. ''
,*» La pièce en deux actes d'Offenbach que les Bouffes-Parisiens de-
vaient donner à leur réouverture, ne sera jouée que dans un des .spec-
tacles suivants. Il est question, pour la remplacer, du Soldat magicien,
dont les baigneurs d'Ems ont eu la primeur, et qui obtint beaucoup de
succès.
»*, A l'Athénée, Daubray, transfuge du théâtre Déjazet, jouera le
rôle rempli jusqu'à présent par Désiré dans Fleur de Thé, dont la repi'ise
est prochaine.
^*,, Voici la distribution exacte du Petit Poucet , grand opéra bouffe
que donnera l'Athénée immédiatement après la reprise de Fleur de Thé :
l'Ogre, M. Daubray; Roulaboul, M. Léonce; Pierrot, M. Duval; l'Ogresse,
Mme Lasseny; Aventurine, Mme Bonelli; Tomate, Mme Ducrey.
if*^ M. Martinet , qui garde la direction des Fantaisios-Pari.siennes ,
les négociations avec le théâtre du Palais-Royal n'ayant pas abouti, s'oc-
cupe de recruter une troupe. Les représentations recommenceront, selon
toute probabililé, vers la fin de septembre.
»*4i Au rebours de la célèbre Wilhelmine Schrœder-Devrient, qui com-
mença par être danseuse, puis se fît comédienne, et devint enfin la
grande cantatrice que toute l'AUmagne a admirée, voici Roger, le ténor
Roger, qui abandonne la carrière lyrique pour se faire acteur, et acteur
de drame!... Ce serait à n'y pas croire s'il n'avait pas adressé lui-mê-
me à son ami Henri de Pêne la lettre suivante, où il lui annonce son
engagement à la Porte-Saint-Manin :
R Je débute par un drame de George Sand et je renouvelle par la
littérature une carrière consacrée aux œuvres musicales. Où est le mal?
Yen a-t-il? On en trouvera. Mais, si je vous disais que c'est un projet que
j'ai caressé toute ma vie... Alexandre Dumas et Scribe étaient fort de
cet avis... En Allemagne, Mlle Wagner, la grande chanteuse, et Formes,
célèbre basse, jouent Schiller et Shakespeare. Raphaël a l'inlention de
faire renaître à la Porte-Saint-Martin les grands jours du drame. Me
voyant jouer à Vienne, dernièrement, l'idée lui est venue de faire de
moi un tragédien. Ça le regarde; mais je tâcherai de lui donner rai-
son. Le théâtre est la passion de ma vie; et puis, je vais rester à Paris,
etpuis j'aurai des créations!... Et puis, si j'ai des amis, j'espère en eux
pour me soutenir; il y a si longtemps que j'en suis éloigné! Le chan-
teur pour cela n'est pas mort; les intimes s'en convaincront bien cet hi-
ver, en petit comité Cadio, de Mme Sand, sera lu le 2i. »
11 nous souvient d'une autre lettre, qui n'a que quelques mois de
date, et où Roger, alors en plein triomphe à Pesth, demandait qu'on
le laissât chez ses Huns et ses Sarmates...
^% Mme Ugalde et sa troupe continuent en province une brillante et
fructueuse tournée dont la Grande-Duchesse fait presque tous les frais.
A Caen, Cherbourg, Evreux, Mantes, Elbeuf, etc., l'œuvre d'Offenbach
et ses excellents interprètes ont trouvé un accueil enthousiaste. Henri
Beaucé, le frère de Mme Ugalde, obtient à côté de sa sœur un très-
grand succès, à ce point qu'il vient d'être engagé à Bade pour vingt joui-s.
— La seconde grande-duchesse n'est pas seulement une artiste d'un
immense talent, c'est aussi une femme d'esprit et de goût, comme on
peut en juger par la lettre suivante, qu'elle vient d'adresser au Figaro :
« Monsieur le rédacteur,
» Je termine ma tournée en province le 15 août, et je rentrerai sur-
le-champ à Paris.
» Il faut, en attendant, que vous me veniez en aide à propos de mon
âge, dont vous savez le chiffre aussi bien que moi.
» La presse de province m'a décerné les articles les plus élogieux,
mais le malheur est qu'ils commencent invariablement ainsi :
« Malgré son grand âge, Mme Ugalde possède une voix des plus irré-
» sistibles... — Qui dirait qu'à son âge Mme Ugalde possède autant de
» voix, autant de charme 'ï .. ^ Il faut entendre et voir Mme Ugalde
» pour se pénétrer du talent exceptionnel qui fait d'elle, malgré son âge,
» une de nos plus célèbres, etc , etc.. — Que de jeunesse, que de talent!
» 11 faut que Mme Ugalde ait retrouvé la fontaine de Jouvence! »
11 Jusqu'à un pompier :
« Comme elle est bien conservée, Mme Ugalde! On ne croirait jamais
» à la voir qu'elle a cinquante ans!... »
« Si c'est une scie, il est temps qu'elle finisse. Car enfin cela peut me
faire un tort considérable pour la carrière qui me reste à parcourir.
1) Je suis née le 5 décembre 1829, et comme ce mois est la cause qu'on
me vieillit d'un an, je préfère me rajeunir de vingt-sept jours, en disant
que je suis née le 1"'' janvier 1830. C'est peu de chose, et je suis sûre
que je suis la seule à me rajeunir si peu ; mais je le voudrais que je
ne le pourrais pas, car, en disant mon âge vrai, à moins de me con-
naître, on a bien de la peine à le croire. Que diable! je ne suis plus
une jeune femme, mais je suis encore une femme jeune, n'est-ce pas ?
» A vous et à bientôt, Delphine Ugalde.
**» Parmi les artistes engagés au Grand-Théâtre de Lyon, nous cite-
rons MM. Delabranche, ténor, à qui l'Opéra de Paris a accordé un
congé d'un an, Guillot, Gu.stave Barbol, Martliieu, Barielle ; Mmes de
Taisy, Singeléo, Cortoz. La saison s'ouvrira par les Hugucnols, avec une
mise en scène nouvelle et des chœurs renforcés.
»*» M. Husson a engagé pour la prochaine campagne théâtrale, à Mar-
seille, Mmes Wollani, Lafon, Balbi-Verdier, MM. Michot, Duwast, Ismacl,
Falchieri, Dcrmond-Michel, Devaux, Roudil.
*** Les Bouffes-Parisiens, en attendant leur résurrection à Paris, sous
la direction de M. Noriac, donnent au Kursaal d'Ems des représentations
qui sont fort suivies. Le programme du l.'i de ce mois comprenait l'Èlixir
de Cornélius, opéra-comique de MM. Meilhac et de Lavigne, musique de
M. Emile Durand; puis, Jeanne qui pleure et Jean qui rit, opérette de
M. Tréfeu , musique d'Offenbach. Mmes Lovatu, Decroix et Vanghèle,
chargées des rôles principaux, forment un joli trio de jeunes actrices.
NOUVELLES DIVERSES.
**» Au nombre des chevaliers de la Légion d'honneur créés à l'occasion
du 13 août, nous voyons figurer le chef d'orchestre de l'Opéra, M. Geor-
ge Hainl, décoré sur la demande expresse et personnelle de S. Exe.
M. le ministre des Beaux-Arts; M. Camille Saint-Saëns, compositeur,
organiste de la Madeleine; M. Eugène Gautier, compositeur, professeur
au Conservatoire, auquel on doit dix partitions applaudies à l'Opéra-Co-
mique et au théâtre Lyrique, et entre autres le Docteur Mirobolan et le
Trésor de Pierrot, ainsi que l'oratorio la Mort de Jésus, exécuté avec
succès dans la plupart des églises de Paris; M. Dauverné, professeur au
Conservatoire; MM. Michel Carré, Joseph Bouchardy, auteurs dramatiques;
Henri NicoUe, Octave Lacroix, hommes de lettres, Paul de Cassagnac,
Robert Milchell, Bouinais, Marc, Norbert Billiart, Ernest Daudet, journa-
listes. — M. Emile Augieraété nommé commandeur.
jf*^ Parmi les médailles distribuées parla Société libre des Beaux- Arts
dans sa séance annuelle du 9 août, nous devons citer celle qui a été
décernée, pour la musique, à Mme la baronne de Maistre, auteur de
compositions musicales empreintes d'un beau et vrai sentiment religieux
et de grandes richesses harmoniques.
^*^ Le procès pendant entre M. Blaze de Bury et les héritiers de
Meyerbeer, au sujet de la Jeunesse de Gœlhe, est revenu cette semaine
devant la première chambre du Tribunal civil et a été plaidé par M" Cré-
mieux et Le Berquier. Nous espérons pouvoir reproduire la plaidoirie de
M' Crémieux, remarquable à plus d'un titre, et surtout par une appré-
ciation tout à fait artistique de l'œuvre de Meyerbeer.
^\ M. Jules Benedict, l'éminent compositeur, est en ce moment à
Paris.
^*,f: Mlle Clara-Louise Kellogg, la célèbre cantatrice américaine, qui a
inspiré à Arditi sa Kellogg-valse, était à Paris cette semaine.
^*^ Nous avons été parmi les rares privilégiés qui ont pu entendre
Mlle Minnie Hauck , la nouvelle prima donna américaine dont M. Stra-
kosch achève l'éducation artistique, et qui est aujourd'hui engagée à
Covent-Garden pour la saison prochaine. C'est en réalité une merveille
du chant qui, si elle ne fait pas pâlir bien des étoiles haut placées dans
le firmament de l'art, y brillera certainement à côté d'elles d'un aussi
TÎf éclat. Voici ce que nous lisons dans un journal de New-York :
« Mlle Minnie Hauck est une jeune fille de dix-sept ans, d'une beauté
extraordinaire. Sa voix dépasse en étendue celle des cantatrices les plus
célèbres. Chaque fois qu'elle chante, c'est un triomphe tel que la salle
est ébranlée jusqu'en ses fondations. L'enthousiasme de l'assistance tient
de la folie, et la diva est obligé de céder la place à l'avalanche de
fleurs et de couronnes que le public jette sur la scène. »
DE PARIS
27<
^*^, Les tribunaux viennenl de prononcer la séparation de corps et
de biens entre M. et Mme Gueymard.
^\ M. A. Mey, qui dirige avec tant de talent la musique au Jardin
Mabille, a été nommé, la semaine passée, chef d'orchestre du Casino.
*** La distribution des prix a eu lieu dernièrement au Conservatoire
de Lille. Les concours ont été très-brillanls et ont accusé un niveau
d'études très-élevé. En effet, M. Victor Magnien, qui dirige cet établisse-
ment, n'a rien négligé pour le relever et en assurer la prospérité; au-
jourd'hui d'habiles maîtres y enseignent à peu près tous les instrumenis,
le solfège, l'harmonie; un pas de plus, et le Conservatoire de Lille se-
rait, non plus une succursale, mais le rival de celui de Paris.
t*:^ Hier samedi a eu lieu l'inauguration solennelle du grand orgue
de la nouvelle église paroissiale de Saint-Denis, construite i-uus la direc-
tion du célèbre architecte ViolIet-le-Duc. MM. Ad. Delahaye, organiste de
Saint-Denis, Edouard Batiste, Renaud de Vilbac et 'Vasseur, organiste de
Versailles, ont dû faire apprécier les qualités très-remarquables de ce
nouvel orgue construit dans les ateliers de la Société anonyme Merklin-
Schutze, à Paris; la Société chorale les Enfants de Saint-Denis, sinis la
direction de Victor Desmet, prêtait son concours à celte intéressante so-
lennité.
*** La cérémonie de la clôture de l'année scolaire du Gymnase de
Salzbourg s'est signalée par une particularité très-intéressante. Le pro-
fesseur de chant a fait exécuter une composition classique âgée de trois
siècles : des odes d'Horace pour quatre voix, de Paul Hochhaimer, un
organiste célèbre, que l'empereur Maximilien nomma chevalier à cause
de son mérite hors ligne. Les odes d'Horace en musique furent publiées
en 1339 à Nuremberg, dans un recueil intitulé : Harmoniœ pomicœ Vauli
Hochhaimeri. Pour les faire exécuter aujourd'hui, le professeur de Salz-
bourg a dû Ips transcrire avec les signes des notes de la musique mo-
derne. D'après les journaux allemands, cette musique a produit une
grande impression sur l'auditoire ; la manière de Hochhaimer ressemble-
rail beaucoup à celle de Palestrina
^*, M. Eusèbe Lucas, chef d'orchestre au Casino de Monaco, vient de
publier dans cette ville une brochure intitulée VOrchesIre et le public,
pleine d'idées fort justes et élégamment exprimées sur la musique ei; les
grands maîtres de toutes les écoles, et qui mérite de devenir le vado
mecum de l'amateur sérieux.
*** La maison d'édition Schott, établie déjà à Mayence, Bruxelles,
Londres et Paris, vient de fonder une nouvelle succursale à Francfort-
sur-le-Mein .
*** Une Marche impériale, composée en 1830, par la reine Hortense
au château d'Arenberg (Suisse), sur des paroles deM. Belmonlet, aujour-
d'hui député au Corps législatif, vient d'être arrangée par M. Bousquet
et publiée par l'éditeur Latte. S'il faut en croire une lettre adressée par
le poëte à l'éditeur et reproduite par VEpoque, cette Marche serait tout
simplement un chef-d'œuvre dont la popularité est destinée à effacer celle
de l'air fameux : Partant pour la Stjrie.
si,*^ Les festivals et les concerts-monstres ne datent pas d'hier. Le
prince électeur Jean-Georges de Saxe en organisa un à Dresde, le
13 juin 1613, pour l'exécution d'une espèce d'oratorio intitulé Holopherne,
dont les paroles étaient do Pflaumenkern et la musique de Grundmauer.
On réunit pour cette solennité 1,493 musiciens, — ou, comme on disait
alors, joueurs d'instruments, Spielleute, — Allemands, Italiens, Polonais
et Suisses. Le contrebassiste Rakotzky vint deCracovie avec un instrument
haut de plus de 7 pieds allemands. La partie principale fut chantée par
un étudiant de Wittenberg, nommé Runder. En guise de timbales, on
se servit d'un grand canon qu'on lirait aux endroit marqués.
**» On annonce la mort à Perpignan du violoniste-compositeur Joseph
Lomagne, fondateur du Conservatoire de cette ville.
ÉTRANGER
3^*^, Londres. — Ou construit dans le Strand, un théâtre qui prendra
le nom de théâtre de la Gaîié; le directeur, M. Holingshead, a l'inten-
tion d'y jouer l'opérelle, le drame et le vaudeville.
^*^ Amsterdam. — Ces jours derniers a eu lieu un concours internatio-
nal d'orphéons, auquel ont pris part deux sociétés lyriques hollandaises,
une prussienne et une française, celle des orphéonistes d'Arras Après
l'exécution de plusieurs chœurs, interprétés d'une façon remarquable par
les différentes sociétés admises au concours, le premier prix a été dé-
cerné, à l'unanimité, à ['Orphéon d'.irras, dirigé par M. Duhaupas.
^*^ Hombourg. — Pour sa première soirée, Adelina Patti, toujours
charmante et mieux en voix que jamais, a joué Lucia le 14. Le roi de
Prusse, arrivé la veille, assistait, ainsi que le prince Albert, à celte re-
présentation. La salle était comble, et l'acharnement qu'on avait mis à
se disputer les places n'a eu d'égal que le succès fait à la gracieuse diva.
Elle a dii répéter la cabalette S/Jorr/J d'amore pianlo. Fleurs et bravos lui
ont été prodigués; la loge royale donnait l'exemple. Mardi, Don Pa^qmle
a suivi Lucia; même enthousiasme traduit d'une façon aussi significa-
tive. Le roi de Prusse étail encore présent, et n'est piirti qu'à la fin.
Naudin, qui a chanté à ravir le nociurne du 3° acte; Verger, charmant
dans le rôle du docteur; et Ciampi, qui donne un grand relief à celui
de Don Pasquale, ont pris leur bonne part des applaudis.semenis. —
Samedi prochain, Semiramide, avec Adelina Patti, Eleonora Grossi et
Agnesi .
^% Bade. — L'administration commence à s'occuper des fêtes musi-
cales qui vont se succéder presque sans interruption. Le 22, concert au
bénéfice de M. Peruzzi, avec le concours de Mmes Viardol, Monbelli et
Damain, de MM. Cossmann, violoncelliste, Ecker et Saint-Germain. Le
29 ou le 30, grand concours-festival de toutes les musiques militaires
badoises ; en septembre, concerts, festivals et représentations allemandes
et italiennes, à l'occasion des courses d'iffelzheim : Lohençjrin, Don
Juan, Martha, h Postillon de Lonjumeaa, Korma et la facorite, fous la
direction de l'imprésario Pollini, et enfin trois grands concerts ; un au
bénéfice de Mlle de Murska,un autre auquel prendront part Mlle Nilsson,
Faure, Capoul, et un dernier pour célébrer l'anniver.saire de la naissance
de S. A. le grand-duc. Deux grands bals parés .sont en outre annoncés,
sous l'habile direction d'Arban. — Le dimanche 9 août, une fête musicale
réunissait une société d'élite à la villa Viardol. Mme Viardol s'y est
montrée grande cantatrice, comme à son ordinaire, et de plus organiste
de talent ; — elle a joué une fugue de Bach pour orgue; ses élèves lui
ont fait honneur, c'est tout dire ! Ambroise Thomas esl invité au festi-
val du 11 septembre, oii Faure et Mlle Nilsson doivent chanter des frag-
ments à'Hamtet.
*% Wiesbaden. — Léonard s'est fait entendre vendredi au concert or-
ganisé au Kursaal, en l'honneur du roi de Prusse; il a eu un succès
colossal et a été rappelé à plusieurs reprises. Mlle Artôt a été étouidis-
sante de brio et de verve, jamais sa voix n'a semblé plus splendide.
Naudin, malgré une fatigue apparente, a captivé l'auditoire parle char-
me de sa voix et de sa ravissante mezsa-voce. Les frères Thern ont dii
faire entendre une deuxième fois la fameuse Marcia alla Turca de
Beethoven, qu'ils enlèvent avec un ensemble et une verve incompa-
rables.
^% Berlin. — Les représentations de ballet ont recommencé, le 5, à
l'Opéra par Flick et Flock, suivi de la Sylphide. — Le théâtre de Frie-
drich-Wilhelmstadt a repris avec un très-grand succès Coscoletto, d'Of-
fenbach, donné il y a quelques années au Wallner-Theater. — Au théâtre
de Krull, qui continue à donner d'excellentes représentations d'opéraj
Mme Mayr-Olbrich s'est fait chaleureusement applaudir dans le FmscÂute,
pour sa soirée d'adieu ; elle n'avait pas moins bien réussi dans le
Trouvère.
»*» Dresde. — Trois opéras sont à l'étude au théâtre royal : Die Hai-
deschacht (le Puits de la Lande) de M. Holstein; Ondine de Lortzing, et
les Meistersinger de Richard Wagner.
^*.^ Darmsiadt. — Le sixième festival du Rhin central aura lieu ici ,
les 27 et 28 septembre, sous la direction de C. Mangold. On y exécutera
le Samson de Hsendel, la Symphonie en la de Beethoven, des Motets de
Séb. Bach et la 2° partie du Frithjof de Mangold.
^*t. Nuremberg. — Le 27 juillet a été donné un concert pour contri-
buer à élever un monument à Hans Sachs. Sans les Maîtres chanteurs,
on n'y etit sans doute pas pensé.
.n*^ Milan. — La saison, à la Scala, s'ouvrira avec les Huguenots. Il
est question ensuite du Don Carlos de Verdi, et d'un nouvel ouvrage de
Pelrella, Giovanna di Napoli.
»*^ Venise. — La direction de la Fenice est confiée à un nouvel im-
présario, le fabricant de pianos Malipiero, qui s'aidera de l'expérience et
des conseils de son prédécesseur Monari-Rocca. Il a engagé jusqu'ici les
piime donne Galletti-Gianoli et Blume, le ténor Villaui et le baryton Col-
lini. ,
.^*^, Barcelone. — La troupe française d'opéra-comique obtient dans la
capitale de la Catalogne une très-grande vogue. On a donné le Domino
noir, la Fille du Régiment, les Dragons de Villars et en dernier lieu le
Songe d'une Nuit d'été, d'Ambroi&e Thomas, dans lequel Mlle Mathilde
Dupuy, MM. Blum et Brion d'Orgeval ont été justement applaudis.
— Rectification. — Dans l'article de notre dernier numéro sur
les Théâtres lyriques secondaires de Paris, lisez {passim) « Pierre Ber-
nard, » au lieu de « Eric-Bernard. »
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SOMMAIRE. — La Jeunesse de Goœthe. — Revue des théâtres, par D. A.
D. Salnt-lfïe». — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses.
— énonces.
LÀ JEUNESSE DE GŒTHE.
Le Tribunal civil de la Seine (l^" chambre) a, dans son au-
dience du vendredi 28 août, prononcé son jugement dans le pro-
cès intenté par M. H. Blaze de Bury aux héritiers Meyerbeer, en
revendication de la musique composée par l'illustre maître pour le
drame intitulé la Jeunesse de Gœthe.
Voici la teneur de ce jugement :
« Le Tribunal,
» Attendu que le testament de Meyerbeer contient l'ordre formel de
sceller dans un coffre spécial, avec défense expresse de livrer à d'autres
qu'à ses petits-enfants, dans certaines conditions et sans exception, les
cahiers manuscrits contenant ses pensées, esquisses, morceaux inachevés
et compositions non publiées au moment de son décès ;
» Attendu que cette expression de dernière volonté porte l'empreinte
d'une préoccupation tellement respectable, qu'il faudrait que les preuves
d'une volonté contraire fussent bien évidentes, et que le droit à en mé-
connaître les conséquences fût bien établi pour qu'il pût être permis
d'y porter atteinte ;
» Attendu que la convention dont se prévaut le demandeur n'a jamais
eu un caractère suffisamment fermé et déiinilif pour servir de base à
une réclamation judiciaire ;
» Qu'il résulte de la correspondance de Meyerbeer avec Blaze de Bury
que ce dernier n'avait fourni que de vagues indications au sujet du
drame dont un acte seulement devait être accompagné de musique , et
qu'au moment où ladite correspondance s'est arrêtée, entre le poëte et le
compositeur, Meyerbeer hésitait encore sur certaines combinaisons mu-
sicales ou scéniques, et se réservait de les modifier;
» Attendu que Blaze de Bury ne peut pas davantage se prévaloir d'une
prétendue collaboration de fait qui aurait existé entre lui et Meyerbeer,
de laquelle pourrait résulter en sa faveur un droit de copropriété sur
une œuvre commune et indivisible ;
» Attendu que, s'il peut être juridiquement admis que le poëme et la
musique d'un opéra ne constituent pas deux propriétés distinctes et in-
dépendantes et ne forment qu'une seule et indivisible propriété, ce
principe n'est applicable que lorsque le travail du poëte et celui du mu-
sicien se composent d'un mutuel échange d'idées et d'inspirations, sans
lequel l'ensemble de l'œuvre ne pourrait avoir d'existence;
» Attendu qu'il n'en est pas ainsi dans l'espèce où le drame existe
indépendamment de tout accessoire musical, et où la partition elle-même
est tellement indépendante de l'œuvre dramatique, qu'il apparaît encore
de la correspondance que le texte de cette œuvre n'a jamais été connu
du compositeur;
» Attendu, enfin, qu'en laissant s'écouler plusieurs années avant d'in-
troduire sa demande, Blaze de Bury semble avoir compris combien, en
l'état de la cause, il était impossible de contraindre Meyerbeer vivant à
se dessaisir d'une œuvre destinée à rester sa propriété personnelle,
et combien, à plus forte raison, il est impossible aujourd'hui d'y con-
traindre ses héritiers dépositaires fidèles de ses dernières volontés;
» Par ces motifs,
» Déclare Blaze de Bury mal fondé en sa demande, l'en déboute et
le condamne aux dépens. »
L'avocat impérial, M. Chevrier, avait conclu au rejet de la de-
mande de M. Blaze de Bury par les motifs que voici :
Nous n'oserions donner notre avis sur une question aussi délicate,
si d'avance nous n'en avions fait le sujet de nos réflexions. Il serait
souhaitable qu'une œuvre nouvelle de Meyerbeer, son chef-d'œuvre peut-
être, parût sur la scène. Mais nous devons dire avant tout qu'il nous
semble bien difficile, pour ne pas dire impossible, d'accorder à M. Blaze
de Bury ce qu'il vous demande par ses conclusions.
La question délicate qui vous est soumise peut être envisagée à trois
points de vue : 1» Le testament de Meyerbeer, contenant sa volonté
expresse et formelle d'ôter de ses papiers et de renfermer dans un coffre
toutes ses parties musicales et ses compositions inédites, s'apphque-t il à
la musique qu'il a composée spécialement pour le drame de M. Blaze de
Bury, la Jeunesse de Gœthe? 2» Y at-il eu entre M. Blaze de Bury et
Meyerbeer une convention qui lie le grand compositeur à l'auteur du
drame, et après lui ses héritiers , et qui ait amené entre eux une véri-
table collaboration? 3° En l'absence d'une convention, existe-il un prin-
cipe de droit supérieur que puisse invoquer M. Blaze de Bury?
Vous connaissez le testament de Meyerbeer. On vous a lu l'article 18
de ce testament qu'on veut appliquer à la cause. Meyerbeer ordonne que
tous ses cahiers contenant ses pensées et ses compositions non publiées,
soient renfermés, cachetés et gardés dans un coffre spécial. Eh bien!
la Jeunesse de Gœthe, dont M. Blaze de Bury réclame la partition, a-t-elle
été publiée? Dans l'intention de Meyerbeer, cette partition, cette mu-
sique , comme on voudra l'appeler, devait-elle être renfermée dans le
coffre dont il a parlé?
Permettez-moi de vous citer un exemple tiré du testament même de
Meyerbeer et qui est de nature à éclaircir la difficulté, si c'est possible.
Meyerbeer, en faisant son testament, laissait une œuvre qui ne devait
274
UEVUE ET GAZETTE MUSICALE
ùlre représentée qu'après sa mort. Ce n'était pas, à vrai dire, une œuvre
nouvelle, puisqu'elle avait été le fruit de vingt années de sa vie : Je
veux parler de Vasco de Gama, qui a été représenté sous le titre de
VAfrknine. L'opéra de Vasco de Gama, au moment où Meyerbeer faisait
son testament, n'avait pas été publié; il foUait donc faire pour lui une
exception si Meyerbeer voulait qu'il fût représenté. Aussi a-t-il eu soin
d'excepter de la règle générale qui condamnait ses œuvres inédites à un
oubli momentané sa dernière compositiou achevée et prête pour la scène,
Vasco de Gama. Ainsi, le sens du testament ne peut être douteux, Meyer-
beer a voulu qu'aucune des œuvres non publiées de son vivant ne fut
publiée après sa mort, et la Jeu7Kssi! de Gœthe n'a pas été comprise dans
l'exception, qui s'applique seulement à Vasco de Gama.
Sur ce point, M. Blaze de Bury doit perdre son procès, à moins qu'il
ne puisse se prévaloir d'une convention expresse arrêtée entre lui et
Meyerbeer. Y a-t-il eu une convention? Oui, mais la difficulté est d'en
apprécier la portée. Meyerbeer s'est-il engagé à composer pour le drame
de Mf Blaze de Buiy une scène, ou un acte, ou bien encore à li\Ter à
M. Blaze de Bury la musique qu'il aurait composée, dit-on, pour la
Jeuvesse ée Gœthe?
Si Meyerbeer s'étaifengagé à livrer sa musiqrie, on pourrait se fonder
sur le retard dans la livraison pour demander, contre sa veuve et ses
héritiers, des dommages-intérêts : c'est là une conclusion juridique.
Je parle ici en organe sévère de la loi et non en artiste ou en di-
letlante.
Rappelez-vous la correspondance entre Meyerbeer et M. Blaze de Bury.
Meyerbeer hésite sans cesse et jusqu'au dernier .jour. Rappelez-vous ce
qu'il dit de la fameuse srènc de la cathédrale de Faust, où il voulait
atteindre au sublime de l'art, et Mt-yerbecr, tourmenté comme il l'était
de l'amour ardent de l'idéal, devait ôtre bien agité devant un pareil ta-
bleau, car je ne sache pas que le génie, pour s'exalter, ait jamais ren-
contré une scène plus dramatique et plus musicale.
Quelle scène aussi que celle du lioi des Aulnes! Rappelez-vous l'orage,
le père et le fils, et ces paroles qui s'échangent dans la tempête, au
milieu des nuages. La poésie du drame n'a jamais été ni plus haut ni
plus loin.
Meyerbeer, ce génie qui n'était jamais satisfait tant qu'il n'avait pas
cru alleindre la perfection. Meyerbeer savait-il s'il développerait celle
scène du lioi des Aulnes, ou s'il mettrait son génie à la suite de la mé-
lodie de Schubert, qui a fait sur ce sujet une page immortelle'? Savait-
il s'il mellrait seulement celle mélodie en relief et s'il signerait, lui
Mcverbeer, l'œuvre de Schubert? Meyerbeer, nous le croyons, n'avait
pas pris de parti définitif.
On a dit que Meyerbeer avait composé celle scène, qu'elle était dans
sa tête de musicien de génie, conmie s'il l'avait écrite et composée défi-
nitivement. On dit qu'il l'avait faite comme Virgile avait fait FEnéide
avant d'en écrire le premier vers.
Vous .savez que certains génies, en effet, sont des génies do premier
jet dont l'œuvre naît complète, comme Minerve, tout armée sortant du
cerveau de .lupiter. Vous savez aussi que ceriains autres génies poursui-
vent sans cesse l'Idéal , qu'ils désespèrent d'atteindre. Les uns sont des
génies pleins de simplicité et de grandeur, comme Phidias et Platon.
D'autres, au contraire, .sont le labeur même, et l'elïort toujours tendu
vers l'idéal. Ch génie armé de labeur, c'était Meyerbeer; tel aussi était
Beethoven. J'aime à rassembler ces deux génies. Mais les génies de pre-
mier jet produisent leurs œuvres comme la terre au printemps fait
éclore ses fleurs au soleil, et parmi ces génies de la musique je citerai
Mozart.
Pour nous, il est malheureusement certain que Meyerbeer, tel que
nous l'avons connu, n'a pas achevé la Jeunesse de Gœthe et qu'il ne s'est
jamais considéré comme obligé par une convention expresse à la livrer.
C'est ce qui résulte des termes de son testament.
Y a-t-il un principe supérieur sur lequel puisse s'appuyer la demande
de M. Blaze de Bury? Ce principe ne saurait être autre que celui de la
collaboration. Mais il est un principe qui domine ici. C'est que chacun
est maître de sa gloire, non-seulement jusqu'à son dernier soupir, mais
même au sein de la postérité. Ce procès en est un exemple. J'ai en-
tendu, dans ce procès, citer un exemple qu'il faut, ce me semble, reje-
ter du débat. Ruysdaël, disait-on, a fait un paysage, pour les fonds et
les terrains, et on ajoutait : « 11 ne savait pas faire autre chose. » Cela
n'est pas exact. Ruysdaël savait faire autre chose. Wouvermans avait
placé là ses chevaux et ses cavaliers, qu'il savait faire à merveille. On
demandait si Ruysdaël pouvait détruire le tableau ou le confisquer. Je
réponds qu'il y a dans un tableau ainsi fait une indivisibilité qui ne
permet pas d'admettre le droit exclusif de l'un et de l'autre artiste. Mais
il n'en saurait être de même dans une composition musicale, dans un
opéra, du droit du musicien et de celui de l'auteur du libretto; on peut
séparer les deux œuvres inlellectuellement et matériellement. Mais il ne
s'agit pas ici d'un libretto, il s'agit d'une scène, d'un acte; sur les pa-
roles de celle scène, de cet acte, le musicien a composé son œuvre. La
musique, dans la Jeunesse de Gœthe, n'est véritablement qu'un orne-
ment du drame, et l'indivisibilité dont je parlais tout à l'heure n'existe
pas ici. Dans ces circonstances, la collaboration ne constitue pas un prin-
cipe de droit qui puisse remplacer une convention expresse qu'on ne
peut représenter. M. Blaze de Bury n'a pas, suivant nous, le droit d'exi-
ger, de la part de Mme veuve Meyerbeer et des hérltier.s du grand
maestro, la remise de la parilllon de la Jeunesse de Gœthe, et alors nous
nous trouvons en présence du testament de Meyerbeer, qui a exprimé
sa volonté de la manière que vous savez.
Espérons que loutes ces pensées musicales, ces compositions inédites
qui dorment aujourd'hui dans le coffre où elles ont été placées par la
main pieuse de Mme veuve Meyerbeer, se réveilleront un jour, et qu'un
des petits-enfants du grand compositeur, appelé à son tour dans la car-
rière musicale par une vocation véritable, viendra couronner de ce lau-
rier posthume la statue de son immortel aïeul.
Si l'on quitte le terrain juridique, si l'on envisage au point de vue
légal le résultat de ce procès que doit perdre M. Blaze de Bury ; si nous
pouvons parler un moment en amateur de l'art, en admirateur éclairé
du génie de Meyerbeer, nous n'avons à exprimer que des regrets. L'a-
vocat de M. Blaze de Bury était le premier à vous dire que c'était un
deuil pour l'art de ne pas assurer à la mémoire de Meyerbeer un nou-
veau laurier. Nous nous associons à cette pensée. Mais, hélas! la fortune
est changeante et mobile, et-c'est prudence peut-être d'épargner â la
gloire de Meyerbeer le hasard d'une forlune nouvelle. Nous e.>tiraons
qu'il y a lieu de rejeter la demande de M. Blaze de Bury.
Quoique notre intention première eiàt éUS de reproduire seule-
ment la remarquable plaidoirie de JP Crémieux, l'intérêt qui
s'attache à tout ce qui concerne l'immortel auteur des Huguenots
et les faits curieux révélés par l'instance, nous ont paru imposer
à la Revue cl Gazelle musicale le devoir de consigner dans ses
colonnes tous les détails de cette cause qui marquera dans l'his-
toire de l'art musical. Nous donnons donc, dans ce numéro, la
plaidoirie de M" Le Berquier, avocat du demandeur, et nous don-
nerons dimanche celle de M" Crémieux pour les héritiers Meyerbeer.
M" Le Berquier a exposé la demande en ces termes :
Messieurs, il s'agit dans cette affaire de la dernière composition musi-
cale de Meyerbeer, d'un drame lyrique inédit, la Jeunesse de Gœthe.
Je viens au nom de M. Blaze de Bury, je serais tenté de dire au nom de
tous les admirateurs du grand musicien, demander à sa veuve et à
ses héritiers la restitution de cette œuvre qui n'était point exclusivement
la sienne, qui est le résultat d'une collaboration et que sa famille ne
saurait retenir. Quelle est celle œuvre? Comment se Irouve-t-elle en la
possession des hériliers de Meyerbeer? Pourquoi ceux-ci veulent-ils la
conserver? C'est ce que je vais immédiatement indiquer au Tribunal.
Meyerbeer avait connu Gœthe et était resié l'admirateur passionné de
ses œuvres. 11 y avait entre ces deux hommes de puissantes sympathies
et peut-être étalent-ils attirés l'un vers l'autre par la nature même
de leur génie. Selon Gœthe, il n'y avait que deux compositeurs qui fus-
sent à même de le bien comprendre, Mozart et Meyerbeer. Apres la mort
de Mozart, il avait, dit-on songé à Mej'crbeer pour un Faust, et la
préoccupation, on peut dire l'ambilicn de toute la vie de Meyerbeer fut
de traiter ce grand sujet.
Mais Spohr s'en était emparé en Allemagne; Gounod l'avait repris en
France au grand chagrin de Meyerbeer, qui avait dans son génie musical
idéalisé, pour ainsi dire à l'avance, tous les personnages du drame. Il
n'est personne ayant approché l'éminent maître qui ne l'ait vu s'enflam-
mer sur ce sujet. On affirme qu'un jour, devant le chevalet d'Ary
Scheffer où s'achevait la gracieuse figure de Mignon, il s'écria : « Quelle
dommage que je ne puisse mettre cette peinture en musique ! — Bah!
reprit le peintre, essayez donc, et je suis convaincu que vous n'y réus-
sirez pas trop mal. — Vous croyez? Eh bien, je tâcherai. » Mais les an-
nées s'écoulèrent, et peut-être Meyerbeer n'eût-il rien écrit sur les
conceptions de Gœthe sans l'incident qui nous conduit au procès
même.
Un de nos écrivains distingués, M. Blaze de Bury, dont je n'ai pointa
faire l'éloge, avait donné à l'Odéon une pièce ayant pour titre : La Jeu-
nesse de Gœthe. C'était un drame où se développait toute la vie du poêle.
Il y avait, au troisième acie, une scène de nuit ; M. de la Rounat, qui
n'est pas seulement un habile directeur, mais qui est aussi un artiste
consommé, exprima l'avis qu'il y avait là un puissant effet à tirer de la
musique. Selon lui, il fallait introduire dans cette partie de la pièce,
non cet accompagnement incolore et à l'unisson des mélodrames, mais
une véritable composition adaptée à la situation même. Evidemment,
cela dépassait la collaboration ordinaire des chefs d'orchestre. « Si j'en
parlais à Meyerbeer ! » dit M. Blaze de Bury. M. de la Rounat ne com-
prit pas, ou plutôt il crut à une plaisanterie; mais quand bientôt son
interlocuteur revint avec la promesse formelle du grand compositeur, il
fallut bien se rendre. Que s'était-il passé? Le voici :
M. Blaze de Bury, qui vivait dans l'intimité de Meyerbeer, savait sa
prédilection pour tout ce qui touchait à Gœthe. 11 s'était hâté d'écrire un
DE PARIS.
275
scénario, tout un acte qui pût être musicalement traité, et l'avait porté
à Meyerbeer, en lui expliquant la place qu'il lui destinait dans sa
pièce. « Mais c'est une partition que vous me demandez? lui dit celui-ci,
après avoir lu le travail. — Eh! sans doute, reprit M. Blaze de Bury ;
mais il s'agit de votre ami Gcethe! » Une semaine après, Meyerbeer dé-
clarait accepter la collaboration, et, plein de son sujet, à la grande sur-
prise de l'écrivain, il en esquissait l'ensemble à grands traits, et déjà
chaque personnage avait pris son rôle dans son imagination.
Il ne suivait point l'auteur dans la marche du drame : il laissait l'ac-
tion se développer jusqu'au troisième acte, et puis là, comme ill'a écrit,
il intervenait avec sa cataracte, c'est-à-dire avec son orchestre, ses chœurs,
ses orgues, et rendait, par la puissance de la musique, tous les déchi-
rements du jeune poëte, et le montrait invoquant dans son imagination
ce.s étranges personnifications que connaît aujourd'hui le monde entier :
Faust, Marguerite, le Roi des Aulnes ! Telle était la composition qui, du
premier coup, s'était fixée dans le cerveau du grand cliercheur d'effets.
Ceci se passait en 18o9. Le manuscrit de cet acte nouveau du drame,
car c'était un acte tout entier, fut remis à Meyerbeer, et le poète attendit
le musicien ; il attendit respectueusement comme il convient quand c'est
le génie qui se recueille, ne témoignant .ses impatiences qu'avec M. de
la Rounat, plus capable que personne de les comprendre. Il se trahit
toutefois dans une lettie du mois de mars 1860; mais Meyerbeer, un peu
piqué, lui répondit aussitôt en ces termes :
« Berlin, 10 mars 1860.
» Mon cher ami,
» C'est avec un double plaisir que j'ai reçu votre aimable lettre ;
d'abord vous m'y donnez de vos nouvelles et puis vous savez combien
j'aime tout ce qui sort de votre plume spirituelle et philosophique.
» Vous avez l'air, mon cher ami, de douter un peu que je tienne la
parole que je vous ai donnée de mettre en musique la scène du qua-
trième acte de votre drame de Gœthe, scène que vous m'avez remise à
mon départ de Paris et dont je vous ai promis d'achever la composition
pour cet automne, époque à laquelle m'avez-vous dit, votre drame doit
entrer en répétition. Je n'ai jamais failh à mes promesses envers qui que
ce soit, et ce ne sera pas vis-à-vis d'un ami tel que vous que j'y man-
querai pour la première fois.
» Vous ne me parlez pas de votre tragédie de Pétrarque, que vous
aviez l'intention de donner cet hiver à l'Odéon; l'ouvrage n'est-il pas
achevé , ou bien des difficultés de théâtre vous empêchent-elles de la
donner? Vous savez combien tout ce qui a trait à vous, mon cher ami,
et à vos poétiques productions, m'inspire d'intérêts
» Veuillez me rappeler au souvenir de Mme de Bury, de M. et Mme
Buloz, mais avant tout et surtout à celui-de mes charmantes protectrices,
de mes bon avocats, Mlle Marie Buloz et Mlle Zetta de Bury. Dites-leur
en même temps, s'il vous plait, qu'on publiera incessamment la marche
que j'ai composée pour la fête de saint Gilles à Paris, et que j'ai donné
ordre à mon éditeur d'en offrir un exemplaire à chacune d'elles.
» Adieu et mille compliments affectueux de votre tout dévoué,
» Meyerbeer. »
J'ai lu cette lettre jusqu'au bout, afin de montrer au Tribunal quelle
était la nature des rapports qui existaient entre les deux collaborateurs.
Cependant, plus de six mois s'étaient écoulés, et rien n'était encore
arrivé de Berlin. M. de la Rounat, à qui revenait la pièce, commençait
à s'impatienter. D'ailleurs, était-il bien sur que Meyerbeer écrirait cet
intermède? Ce doute, M. Blaze de Bury déclara qu'il ne pouvait l'accepter,
et il en fit part à Meyerbeer; celui-ci donna alors à sa promesse la forme
d'un véritable engagement. Comment en douter? Ils se voyaient tous les
jours à Paris, et c'est de Paris que Meyerbeer écrit à son collaborateur
et ami en ces termes :
« Paris, ce 2 septembre 1860.
» Mon cher Henri !
» Je me rends avec plaisir au désir que vous m'avez manifesté de
mettre en musique la grande scène qui forme le troisième acte de votre
drame, la Jeunesse de Gœthe, que vous destinez maintenant au Théâtre-
Français ou à rOdéon; et je vous promets de vous livrer ma musique
le 10 mai prochain pour que l'ouvrage soit représenté dans le courant
de la saison, mais sous la condition expresse que celui des deux théâtres
ci-dessus mentionnés qui jouera la Jeunesse de Gœthe engagera, pour les
représentations de cet ouvrage, tout l'orchestre et tous les chœurs du
Théâtre-Italien de Paris, et, en outre, deux chanteurs et deux chanteuses
à mon choix, pour chanter les rOles de Mignon, de Gretchen,duRoi des
Aulnes et du père.
» Si la pièce n'était pas jouée le lo de juin, je ne pourrais plus don-
ner ma musique que pour le 13 septembre. Je vous expliquerai de vive
voix, cher Henri, la raison de cette dernière condition. Il est convenu
aussi que \ous aurez la bonté de m'écrire le 10 mars, à Berlin, si le
théâtre a pris avec vous un engagement par écrit de représenter votre
ouvrage à l'époque et aux conditions mentionnées sur celte lettre (pour
ma gouverne).
• Votre tout dévoué, » Meyerbeer. »
Voilà donc un engagement formel. Maintenant, je veux, sans aller plus
loin, répondre à une préoccupation qui a pu s'emparer de vos esprits.
Vous vous demandez peut-être si cet ouvrage a été réellement composé,
et s'il a été composé, vous pouvez encore vous étonner qu'il n'ait point
été représenté. Grâce à Dieu, la correspondance va se charger de tout
expliquer, et dans la lettre que voici, vous allez voir que Meyerbeer an-
nonce que l'ouvrage est terminé, et désormais il ne parlera plus que de
sa partition :
» Berlin, le 28 janvier 1861.
» Mon cher ami,
» Depuis six semaines, j'ai complètement terminé la musique de
l'acte que vous m'avez chargé de faire. J'attendais pour vous l'annoncer
l'époque à laquelle vous m'aviez promis de me faire part si vous étiez
parvenu à vous arranger avec un théâtre. Je vois, par votre lettre, que
c'est l'Odéon.
» Si vous trouvez pour vous les éléments nécessaires dans la troupe,
ainsi que pour la mise en scène du quatrième acte, et que l'on puisse
garantir pour l'exécution musicale les moyens qu'il me faut et que j'ai
indiqués dans la lettre que vous possédez de moi, je crois que la localité
est bien choisie, surtout avec un directeur comme M. de la Rounat, qui
a la réputation de beaucoup d'intelligence et de courage. Mais vous me
dites qu'au mois d'avrO, oîi nous étions convenus que je vous donnerais
ma partition, M. de la Rounat a un engagement avec Mme Risturi ; que,
par conséquent, il nous propose de donner l'ouvrage au printemps 1862.
A cette époque, je serai certainement libre, musicalement parlant, car
l'opéra nouveau que je prépare devra être donné dans le courant de
l'hiver prochain. Je ne vois donc pas de difficulté quant à présent.
» Toutefois, mon cher ami, prendre un engagement définitif pour une
époque aussi éloignée que celle-là, qui n'écheoit que dans quatorze mois,
c'est ce que je n'oserais faire dans ma position : père de famille, n'habi-
tant pas la France. Dans les conjonctures où nous vivons, qui sait, dans
un avenir si lointîiin, ce qui pourrait me retenirchez moi. Si nous atten-
dons jusqu'au l""' octobre prochain pour préparer un traité pour avril
1862, époque que M de la Rounat propose, il sera sûr sept mois d'avance
d'avoir l'ouvrage, et de notre coté l'avenir ne sera pas enchaîné pour
un si long espace. Je pense, si, comme vous dites, il a envie de l'ou-
vrage, que ça ne sera pas un empêchement.
» Maintenant, mon cher ami, causons un peu de notre pièce. Le ta-
bleau que j'avais craint le plus, et que je vous avais proposé de changer
(celui de la cathédrale de Faust), est celui qui est venu le mieux de tous,
et j'espère que vous n'en serez pas mécontent. Je n'ai aucun changement
à vous demander non plus pour tous les autres tableaux et mélodrames
que j'ai pu faire tels que vous me les avez indiqués. Il n'y en a qu'un seul
qui m'inquiète musicalement, et sur lequel j'hésite encore maintenant ;
c'est celui du Roi des Aulnes. La musique de Schubert, de cette bal-
lade, est devenue si populaire dans tout le monde, qu'il me paraît im-
possible d'en faire adopter au public une nouvelle sur les paroles, et moi-
même j'en ai subi tellement l'influence que je n'ai pu parvenir à faire
une autre musique qui me satisfit. Je pense donc de garder le tissu des mé-
lodies de Schubert, en mettant dessous des chœurs pour les filles du Roi
des Aulnes, et départager les mélodies de Schubert entre les trois inter-
locuteurs, et en même temps, cela va sans dire, d'orchestrer les morceaux
que Schubert n'a fait que pour le piano.
T> Maintenant il y a deux façons de le faire : l'une est de faire parler
en mélodrame le père et le fils, et de donner pendant ce temps les
dessins de mélodie de Schubert à l'orchestre, et de ne faire chanter pro-
prement dit que le Roi des Aulnes et ses filles; l'autre de faire chanter
aussi les parties du père et du fils par des chanteurs. Ayez la bonté de
me dire laquelle de ces deux versions vous préférez. Au point de vue
musical tout pur, il serait préférable que tous les trois chantassent, mais
je me rendrai à votre décision. Veuille? aussi me faire savoir si, comme
vous en avez eu l'intention, vous avez ajouté un chœur d'étudiants au
premier acte, et, dans ce cas, envoyez-le moi de suite, car j'aimerais
mieux le faire maintenant, où l'impression du rôle de la musique est
encore chaude dans mon imagination, que plus tard, quand d'autres tra-
vaux m'en auront éloigné,
0 Votre tout dévoué, Meyerbeer. »
Ainsi, la partition est terminée. Il n'y a plus qu'à la mettre à l'étude.
On s'est entendu avec l'Odéon. Ce choix est accepté. C'est alors que la
prudence du compositeur, son esprit tout à la fois si élevé et si pratique
vont discuter pied à pied la question d'opportunité de la représentation
en vue du succès; Mme Ristori était engagée pour une série de représen-
tations. On toucherait à l'été, c'est-à-dire à la mauvaise saison. Il faut
donc attendre le printemps de 1862. Mais est-il prudent de traiter main-
tenant quatorze mois avant la mise en répétition de l'ouvrage? D'ici là
que se passera-t-il ? Meyerbeer connaissait à merveille le terrain fondant
des théâtres et de la politique, et pour lui traiter avec un directeur
quelques mois à l'avance, c'est-à-dire lui remettre sa partition, cela
devait lui suffire. Et puis, toutes ses préoccupations sont à l'Africaine, qui
doit être donnée dans l'hiver de 1862. Après cela, libre de tout souci, il
sera corps et âme à la Jeunesse de Gœthe.
276
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Mais l'Africaine reculait au lieu d'avancer ; il lui était réservé, comme
au Pré aux Clercs, de soulever à son apparition des applaudissements
que le compositeur ne devait plus entendre. Il fallait enfin traiter avec
le directeur de l'Odéon, qui pressait. Pour cela, il était bon que Meyer-
beer vînt à Paris. On lui écrit, mais il sait que le théâtre de l'Odéon
ferme au mois de mai. Il restera bien peu de temps pour la Jeunesse de
Gœlhe. Écoutez l'objection, écoutez surtout. Messieurs, ce qu'il va dire
de l'œuvre elle-même et de la part qu'il va faire à l'écrivain dans cette
œuvre.
« Ems, le 31 août 1861.
» Vous devez savoir, cher Henri, car je l'ai dit l'année passée et vous
le trouverez aussi dans la lettre que vous avez de moi en main sur ce
sujet, que je ne puis venir à Paris que dans le courant du mois d'avril.
Il nous faudra pour le moins six bonnes semaines de répétitions musi-
cales, car, quand la musique qui, déjà par elle-même, est assez compli-
quée (surtout dans la scène de l'église) sera apprise, il faudra encore la
faire concorder avec les détails scéniques des visions et avec les positions
tout exceptionnelles, dans cet ouvrage, des chanteurs qui ne se trouvent
jamais sur le devant de la rampe et, par conséquent, éloignés de l'or-
chestre. 11 faudra beaucoup d'essais et peut-être des changements partiels
avant que tout coïncide ensemble.
» Maintenant vous m'écrivez que le théâtre de l'Odéon ferme à la fin
de mai, vous ne pourriez donc avoir que huit ou dix représentations
tout au plus avant la fermeture. Réfléchissez bien , cher ami , si c'est
dans l'intérêt de votre ouvrage de l'interrompre après si peu de repré-
sentations, et s'il ne vaudrait pas mieux dans ces conditions, ou de don-
ner la pièce à un autre grand théâtre qui pourrait vous jouer sans inter-
ruption tout l'été, ou, ce qui me paraît encore plus avantageux, de ras-
ter à l'Odéon, mais de ne donner la pièce qu'à la réouverture, au mois
de septembre, où vous auriez tout l'automne et l'hiver pour une longue
série de représentations devant vous. Mais entendons-nous bien , cher
ami, ceci n'est qu'un avis que j'émets et pas une condition. Votre inté-
rêt est le plus important dans cet ouvrage, et il doit l'emporter comme
importance de collaboration, et comme quantité, car je n'ai fait que la
musique d'un acte sur trois de drame.
» Vous me demandez, cher Henri, si je ne viendrai pas maintenant
un peu à Paris; mon intention avait été en effet d'y faire une excur-
sion, après avoir fini ma cure ici, et mon but principal était de con-
naître enfin votre pièce de la Jeunesse de Gœlhe, dont je ne connais jus-
qu'à présent que ce que vous m'en avez raconté à l'état de plan projeté.
Maintenant il est de la plus haute importance pour moi de connaître la
pièce achevée , pour savoir de quelle façon les actes qui précèdent celui
que j'ai mis en musique préparent et justifient le caractère de ma mu-
sique, telle que je l'ai faite d'après la donnée générale de la pièce, que
vous m'avez seulement indiquée.
» Mais cette excursion à Paris devient maintenant impossible, car mon
roi vient de m'ordonner de composer la musique qui s'exécutera pen-
dant son couronnement à Kœnigsberg, et il m'ordonne en outre de venir
moi-même à Kœnigsberg pour diriger un grand concert qui fera partie
des fêles royales. Déjà j'ai dû composer sur ses ordres une cantate qui
sera exécutée à Berlin au château après le retour du roi de Kœnigsberg
également dans une fête que le roi donnera, et que je dois également
diriger. Vous voyez qu'il n'y a pas moyen pour moi de penser actuelle-
ment à un voyage.
j) Vous m'écrivez sur votre lettre, cher ami, que vous me ferez peut-
être une petite visite à Ems. Cela serait charmant. Seulement il ne fau-
drait par alors perdre du temps pour exécuter votre bonne intention,
cftr le 13 septembre finit ici ma cure, et le 14 je suis obligé de retour-
ner à Berlin. Si vous venez, n'oubliez pas surtout d'apporter la Jeunesse
de Gœthe pour me la lire.
» Veuillez me rappeler au souvenir de Mme de Bury et mille compli-
ments pour la charmante Mlle Jetta, qui, je l'espère bien, conserve sa
bienveillance à son vieil adorateur.
» Meyerbeer. »
Voilà donc un nouvel ajournement. Remarquez bien toutefois que le
compositeur n'entend pas imposer de conditions à l'écrivain; ce sont de
simples conseils qu'il lui donne. Mais, vous le comprenez aussi, des
conseils donnés par un tel homme, c'étaient des ordres. M. Blaze de
Burj courut à Ems, y emporta le manuscrit de son drame qu'il lut à
Meyerbeer, et là il put contempler la partition, car celui-ci, après avoir
constaté qu'elle entrait à merveille dans le développement du sujet, la
lui fit entendre.
C'est maintenant M. de la Rounat qui va perdre patience. Il écrivait
donc le 23 octobre 1861 :
« Paris, le 23 octobre 18Q1 .
» Mon cher monsieur Blaze,
I II me faut un engagement définitif, je suis au bout de mon attente
et il m'est impossible de marcher plus longtemps sans avoir assuré dé-
finitivement ma fin d'année. Sur la foi de votre parole, j'ai refusé toutes
les propositions qui m'ont été faites, me laissant aller en artiste passionné
aux rêves du triomphe éclatant que j'espère et au service duquel je
mettrai tous mes moyens d'action. Je vous en prie, do la façon la plus
instante, il y va pour moi d'un intérêt puissant et pressant, priez notre
illustre maestro de m'envoyer une certitude. Je voudrais pouvoir m'occu-
per de la grande œuvre dès le 13 février, afin d'être prêt complètement
au l'^'' avril. Si le succès est ce que j'espère, au lieu de fermer au 31 mai,
nous resterons ouverts indéfiniment.
« Songez que l'année dernière, à pareille époque, le traité de Mme Ris-
tori était signé depuis longtemps déjà et elle jouait le 23 mars.
» Il faut de toute nécessité que je sois fixé le plus promptement pos-
sible, afin de préparer mes moyens d'exécution, et surtout parce que si la
combinaison était rompue par le fait du grand maître, je me trouverais,
moi , dans le plus extrême embarras , ayant , comme je vous l'ai dit ,
compté aveuglément sur la parole que vous avez cru pouvoir m'en-
gager.
B Pardonnez-moi cette mise en demeure, mais je suis forcé de vous la
soumettre au nom des intérêts que je représente et qu'on m'accuserait
d'avoir aventurés.
» Votre bien affectueusement dévoué ;
» Ch. de la Rounat. »
Le 21 décembre 1861, nouvelle démarche du directeur de l'Odéon.
Une année s'écoule, et la correspondance continue. Mais l'Africaine n'ap-
paraît pas, et le tour de la Jeunesse de Gœthe ne viendra qu'après cette
vaste composition. Puis, Meyerbeer s'éteint subitement à l'hôtel des
Champs-Elysées qui porte aujourd'hui son nom et oîi, dans les derniers
temps, il se plaisait à descendre, il s'éteint avant que les deux dernières
œuvres auxquelles il ait attaché le sceau de son immortel génie fussent
livrées à la scène.
11 me semble que cette partie du débat est facile à résumer, et qu'elle
est de nature à jeter une assez vive lumière sur les questions à résoudre.
Oui, la partition existe; elle était achevée dès la fin de 1860, puisque,
le 28 janvier 1861, Meyerbeer disait : « Depuis six fciiKiines, j'ai com-
plètement terminé la musique de l'acte que vous m'avez cliargé de faire. »
Elle était disponible, M. Blaze de Bury ne l'a-t-il pas vue et entendue à
Ems? Quant à la représentation, ce n'était qu'une question d'opportu-
nité et, sur celte question même, le compositeur s'en remellait à l'écri-
vain, dont c'était bien plutôt l'œuvre , et l'expression est à retenir. De
telle sorte que si M. Blaze de Bury, ayant moins de déférence pour les
simples avis qui lui étaient donnés à cet égard, avait dit un seul mot,
la partition était mise à l'étude.
Vous comprenez ce qui va suivre.
M. Blaze de Bury a réclamé cette partition, il l'a réclamée sous la
contrainte de dommages-intérêts , à Mme veuve Meyerbeer, aux deux
filles de l'illustre compositeur, Mme Richter et Mme la baronne de Korff,
et à ses exécuteurs testamentaires. Mais on lui a répondu : Toutes les
compositions non publiées de Meyerbeer ont été, sur ses ordres, enfer-
mées dans un coffre spécial ; une seule exception avait été faite par lui
pour Vasco de Gama (l'Africaine). Nous ne pouvons toucher à ce dépôt,
à la garde duquel il a intéressé notre piété pour sa mémoire.
Or, il est bien vrai que Meyerbeer a prescrit certaines mesures pour
ses compositions inachevées, ses pensées détachées et ses essais. Il a
bien recommandé à sa veuve et à ses exécuteurs testamentaires de ren-
fermer ce qui était à lui dans un coffre. Si donc, ignorant l'histoire de
cette partition de la Jeunesse de Gœthe, ils l'ont aussi enfermé dans le
coffre, ce fait en lui-même ne saurait avoir une grande valeur. Voyons
les termes du testament ; nous rechercherons ensuite la pensée de celui
qui a écrit cet article 18 qu'on nous oppose, et qu'il faut lire en en-
tier, car c'est une page intéressante de la vie intime du grand compo-
siteur, où se traduisent ses habitudes, et où il exprime ses idées sur les
choses qui touchent à la renommée des artistes en général. Voici cet ar-
ticle 18 tel qu'il a été traduit de l'allemand :
« Art. 18. — Depuis fort longtemps j'ai l'habitude de noter sur un
cahier de musique, destiné à cet usage, toute pensée musicale qui me
traverse l'esprit et qui me plaît, soit pendant que je suis au piano, soit à
tout autre moment ■ je ne veux pas qu'après ma mort ces pensées
soient remises entre les mains d'un compositeur vivant pour fabriquer
une œuvre nouvelle, ou pour compléter mes compositions inachevées
afin de faire paraître ensuite celles-ci comme mes œuvres posthumes,
ainsi que cela n'est arrivé que trop souvent à d'autres artistes au détri-
ment de leur gloire. Ma famille n'a pas besoin de ces ressources.
» Cela me serait également douloureux si par mégarde ces cahiers
tombaient entre des mains infidèles, et que par là mes pensées fussent
utilisées par d'autres musiciens, sous leur nom. Ma volonté expresse et
formelle est donc que peu de jours après l'ouverture de ce testament,
les cahiers ci-nommés contenant mes pensées (lesquels consistent en
cinq gros cahiers de musique dont la reliure du premier est bleue, du
deuxième rougeàtre, du troisième multicolore, du quatrième verte, du
cinquième rouge, et sur les titres desquels se trouve écrit : Pensées dé-
tachées; esquisses et morceaux inachevés de Meyerbeer) soient ôtés de
mes papiers par ma femme et les exécuteurs testamentaires, cachetés
et gardés soigneusement dans un coffre spécial.
DE PARIS.
277
» Si un de mes petits-enfants devait un jour montrer une vocation
musicale, mes cahiers contenant mes pensées musicales devront lui être
remis. J'ordonne qu'il en soit de même à l'égard de mes compositions
non publiées au moment de mon décès, ainsi que du journal tenu par
moi depuis la fin de l'année 1846. Il ne doit être permis à personne,
sans exception, de prendre connaissance de ces cahiers, des composi-
tions inédites et de mon journal. Si, parmi mes petits-enfants, il ne s'en
trouve pas qui soit doué musicalement, ce dont mes exécuteurs testa-
mentaires seront seuls les juges, ces cahiers contenant les pensées mu-
sicales, compositions inédites et journal devront être brûlés. Ceci , bien
entendu, ne peut être exécuté que lorsque mes trois filles ne seront
plus et que mes petits-flls auront atteint un âge qui permet d'émettre un
jugement sûr concernant leurs dispositions musicales.
» Si, à l'époque de ma mort, mon ouvrage Vasco de Gama n'a pas
encore été représenté, j'ordonne que, tant la grande partition que la
partition réduite au piano soient publiées par la gravure, et que la re-
présentation théâtrale en ait lieu, mais tout d'abord à Paris, soit
au grand Opéra, soit au théâtre Lyrique. Cette représentation à Paris
ayant eu lieu, je permets que cet ouvrage soit joué sur tous les autres
théâtres. Comme le libretto de cet ouvrage est du défunt poëte Scribe,
mes exécuteurs testamentaires devront obtenir, tant pour la publica-
tion que pour la représentation, la permission de Mme veuve Scribe,
celle-ci pouvant, d'après les lois françaises, s'opposer à la publication
ainsi qu'à la représentation .
» Je n'inflige aucune pénalité en cas de non-accomplissement des
ordres indiqués ci-dessus concernant mes manuscrits de musique, jour-
nal, etc., mais je fais appel à la piété de ma bien -aimée épouse et
de mes enfants, ainsi qu'à celle de mes exécuteurs testamentaires, et
leur recommande avec instance l'accomplissement entier de mes vo-
lontés. »
Ainsi, notes courantes , pensées détachées, compositions non publiées,
tout a été placé dans le coffre par Mme Meyerbeer et les exécuteurs
testamentaires. Devaient-ils y renfermer également la Jeunesse de Gœ-
the? Je comprends qu'ils n'aient point distingué, ignorant les conven-
tions arrêtées à ce sujet. Mais, en présence d'une collaboration qui a
amené une œuvre commune, complètement achevée, à la représentation
de laquelle Meyerbeer n'a jamais fait que des objections tirées de l'op-
portunité, qu'on nous oppose le testament comme une fin de non-
recevoir insurmontable, voilà ce que je ne saurais admettre.
Ce qu'a voulu Meyerbeer, on le saisit sans effort. 11 y a pour les
musiciens comme pour les écrivains, pour les poètes et les peintres,
bien des tâtonnements. Avant de prendre son grand vol, la pensée a
besoin de rompre avec les attaches qui la rétiennent et l'embarrassent.
Meyerbeer, très-soigneux de sa renommée, ne voulait livrer au public
que sa pensée nette, épurée, dans son grand vol. 11 ne comptait pour
rien ses essais, ces ébauches et ces scories, ce fumier d'Ennius où un
grand poëte trouvait encore de si belles choses, par cela seul peut-être
qu'il était un grand poëte.
Tout cela, Meyerbeer le livre à ceux de ses petits-enfants qui seront
musicalement doués, comme un premier terrain à défricher et à culti-
ver, renfermant le trésor qu'il appartient au travail d'en fair sortir.
Mais si aucun d'eux n'a d'aptitudes, eh bien ! toutes ces choses seront
jetées au feu! Ah! qu'il en soit ainsi pour les œuvres qui étaient ex-
clusivement les siennes, le sacrifice peut se comprendre. Mais Ruysdael
a fait un paysage pour le fond et les terrains ; il ne faisait pas autre
chose, il est vrai qu'il le faisait assez bien. Wouwermans a placé là des
animaux et des figures. Le tableau est achevé, il a reçu les dernières
touches, et Ruysdael pourra le détruire ou le confisquer!
Mieux encore, Gluck a composé Orphée sur le livret de Molin, qui a
la première idée de l'opéra et en a donné le cadre. L'ouvrage est ter-
miné, le théâtre est choisi, et l'on attend pour la représentation l'heure
propice. Gluck meurt sur ces entrefaites, Orphée est renfermé dans un
coftre, et quand le poëte viendra dire que c'est là une œuvre commune,
on lui opposera le testament oà le compositeur a prescrit de jeter le
tout aux flammes!
Voilà cependant ce qu'on nous répond. Mais on oublie deux choses,
c'est de rechercher quelle a été, en réalité, la pensée de Meyerbeer, quel
était son droit comme collaborateur. Sa pensée ! elle n'est pas incertaine,
et un moment quelconque a-t-il voulu interdire la représentation de la
Jeunesse de Gœthe? Il faut interroger tout à la fois la correspondance et
le testament. Dans la correspondance, sa volonté est formelle et bien
arrêtée. Il ne demande qu'une chose, c'est que la pièce soit donnée dans
les meilleures conditions possibles, et encore s'en remet-il sur ce point à
l'écrivain.
Mais le testament lui-même porte-t-il la trace d'une interdiction
quelconque? Remarquez que la volonté certaine du compositeur ne pour-
rait résulter que d'une interdiction formelle. Tout ce qu'on peut dire,
c'est qu'il n'a point parlé de la Jeunesse de Gœthe. Est-ce là le résultat
d'une omission, d'un oubli? Nous n'en savons rien. Mais ce que nous
savons, c'est que le testament est du mois de mai 1863, et qu'à cette
date, il ne cessait de parler de sa dernière composition, il ne doutait
pas qu'elle ne passât incessamment, il en parlait, je ne dis pas seule-
I ment à M. Biaze de Bury, qui le voyait presque tous les jours à Paris,
qui l'a vu jusqu'à sa dernière heure.
11 en parlait d'ailleurs à tout venant. J'aperçois à cette barre notre
éminent confrère M" Crémieux, qui doit compter dans les bonheurs de
sa vie d'avoir été l'ami de Meyerbeer. Eh bien ! je serais tenté de lui
demander s'il ne l'a pas entendu, jusque dans les derniers jours de sa
vie, parler de cette œuvre avec amour et passion. Je vais plus loin : le
testament, je le suppose, est formel, l'interdiction absolue, mon client
n'a-t-il aucun droit? Un opéra, la Cour de Paris l'a ainsi jugé dans
l'affaire des Joyeuses Commères de Windsor, est une œuvre commune et
indivisible, résultat d'un mutuel échange d'idées el d'inspirations. Où
commence où finit la collaboration? La limite est délicate; mais il ne
peut dépendre du caprice d'un des auteurs de priver l'autre des bénéfices
légitimes qu'il attend de la divulgation de l'œuvre commune. Meyerbeer
serait vivant, que vous auriez, Messieurs, à cet égard une appréciation
souveraine. Vous savez pourquoi il n'a pas livré sa partition, il l'a dit :
c'est. une question d'opportunité; mais les conventions entre Meyerbeer
et Blaze de Bury étaient bien arrêtées.
Un mot encore. Messieurs, je dois m'arrêter à deux objections. Le
testament interdit, nous dit-on, de prendre connaissance des œuvres
non publiées. Cela n'est pas sérieux? Qu'il en soit ainsi pour ses œuvres
inédites, soit, mais cela ne peut aller jusqu'à empêcher les recherches
de la propriété d'autrui : mon client se plaint qu'on ait enfermé le
drame lyrique dans le coffre, en réunissant, sans examen et sans dis-
tinction, tous les papiers recueillis à Paris et à Berlin, les confondant
dans un séquestre où, cependant, les propriétés communes ne peuvent
être condamnées à Paris.
La seconde objection ne me paraît pas mieux fondée. 11 y a, dit-on,
entre l'œuvre achevée et celle représentée, des nuances parfois très-
marquées; jusqu'au dernier moment les compositeurs reviennent sur
leur pensée; Meyerbeer n'était jamais content de la sienne, et c'est aux
répétitions qu'il lui donnait la dernière forme. Ne peut-il pas arriver
que la Jeunesse de Gœthe ait besoin de retouches ; qui oserait se les per-
mettre? Il n'était pas là non plus cependant pour l'Africaine, et pourtant
elle a été donnée; mais, nous dit-on, il avait prévu le cas et chargé
M. Fétis de le remplacer.
Vous craignez pour la gloire de Meyerbeer, dites-vous, eh bien que ne
chargez- vous M. Fétis de donner les mêmes soins à la Jeunesse de Gœthe,
il ne pourrait qu'être flatté de cette mission ; en voulez-vous d'autres ;
vous pouvez en trouver : et si des hommes comme MM. Auber, Berlioz,
Ambroise Thomas, venaient vous dire que l'œuvre est achevée, parfaite,
pourquoi le Tribunal ne s'inclinerait-il pas devant cette épreuve. Dira t-on
qu'il n'y a ni chanteurs ni orchestre ; mais tout cela se trouvera dès
que la partition sera livrée, et soyez sûrs que dans un intérêt commun,
il sera fait droit à toutes les réclamations du maître, et que tous ses con-
seils seront religieusement suivis. D'ailleurs, ne dites pas que l'œuvre
est incomplète, car Meyerbeer avait donné la dernière main à tous les
personnages, et si, dans ses premières lettres, il demandait l'avis de son
collaborateur sur certaines dispositions qu'il n'avait point encore arrêtées,
dans les dernières il ne revient plus sur ces détails.
Que Mme Meyerbeer se rassure donc, il ne s'agit nullement d'aller
ici contre la volonté du grand compositeur ; il s'agit, au contraire, de la
respecter, car il avait foi dans cette œuvre, la dernière qu'il léguait à
ses admirateurs. Qu'elle soit donc représentée, et chacun y trouvera son
compte, le collaborateur et le public, et, quant à sa gloire, elle ne
saurait y perdre, croyez-le bien, car l'œuvre est magistrale et tout à fait
digne de lui.
M» Crémieux a pris ensuite la parole dans l'intérêt des héritiers
Meyerbeer.
REVUE DES THEATRES.
Variétés : Reprise du Joueur de Flûte, opérette d'Hervé. — Palais-
Royal : le Lys de la Vallée, comédie-vaudeville en trois actes,
de M.W. Eugène Grange et Victor Bernard ; Madame est couchée,
comédie-vaudeville en un acte, des mêmes auteurs.
Quand on a donné, pour la première fois, le Joueur de Flûte, il
y a quelques années , Hervé n'avait pas encore la réputation de
musicien excentrique, qu'il a définitivement conquise avec son Œil
crevé. Aussi, pensons-nous que l'occasion est devenue opportune
pour la reprise de cette bouffonnerie romaine , qui va bénéficier
du dernier succès de son auteur. Hervé a écrit pour Mlle Silly,
qui reprenait son rôle dans son œuvre, un air qui n'ajoutera
rien aux mérites de la partition. Du reste, la rentrée de cette ac-
278
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
trice a été une fête pour elle. Dupuis a conservé son rôle de Dia-
cliylum , qui n'est pas à la hauteur de ceux qu'on lui confie au-
jourd'hui. Les autres pei'sonnages sont tenus à nouveau et d'une
façon fort convenaole par Blondelet, Guyon et Mlle Garait.
— Au Palais-Royal, deux auteurs ont osé porter la main sur le
Lys de la Vallée, ce titre illustré par Balzac, et que le Théâtre-
Français a mis un jour sur son affiche, mais sans pouvoir l'y
maintenir, tant l'entreprise est difficile. Hâtons-nous de dire, pour
l'absolution de ces deux téméraires, que leurs héros n'ont rien de
commun avec le Félix de Vandenesse et la comtesse de Mortsauf
du romancier; tout au plus ont-ils un point de départ à peu près
semblable. Le côté piquant de l'emprunt consiste dans son appli-
cation au marché de Paris oîi se débite la volaille; le Lys de la
Vallée est une grosse marchande, placée dans un cadre populaire.
Elle a des écus, cette brave Mme Catherine, comme la boulangère
de la chanson, et les prétendants ne lui manquent pas. Mais, par
une fantaisie bizarre, elle les repousse en masse pour les beaux
yeux de son imbécile de garçon de boutique qui n'y voit que du
feu. Rebutée de ce côté, elle se rejette sur un gandin qu'elle a
rencontré dans un bal par souscriptions donné ti la Vallée, et qui
lui a dérobé un baiser sur l'épaule entre deux contredanses. L'in-
trigue roule tout entière sur la poursuite obstinée de Mme Cathe-
rine, et sur la résistance non moins désespérée du gandin Ludo-
vic, qui se sert d'un bouquet au chloroforme pour se délivrer
d'elle, et qui, en fin de compte, échappe au mariage par le retour
d'un premier mari qu'on croyait mort.
Cette pièce, rondement jouée par Mlle Alphonsine, par- Lhéri-
tier, Priston, Pelierin, Hyacinthe et Fitzelier, a été bien accueillie,
et tout nous fait croire qu'elle fournira une carrière honorable.
Mais un joli petit vaudeville des mêmes auteurs. Madame est
couchée, a été reçu avec une faveur bien autrement accentuée.
M. Chaponniu est parti pour Bruxelles; sa femme profite de son
absence pour aller voir en catimini un bal de l'Opéra, et la sou-
brette, Mlle Georgette, pour donner â souper à sou amoureux.
Mais voilà que M. Chaponniu revient à l'improviste. Georgette se
débarrasse tant bien que mal de son Joseph; mais elle aime sa
maîtresse, et elle se dit que si monsieur veut entrer dans la chambre
de madame, il peut en résulter de graves inconvénients. H s'agit
donc d'empêcher monsieur d'entrer chez madame. Elle est cou-
chée, elle a sa migraine; cela ne suffît pas, et, à bout de raisons,
Georgette fait accroire à Chaponnin que c'est par jalousie qu'elle
lui interdit l'entrée de la chambre conjugale. Ce vieux fat de Cha-
ponnin donne dans le panneau; il oubhe sa femme pour faire la
cour à sa servante, et Mme Chaponnin, de retour de l'Opéra, met
à profit cette circonstance pour se faufiler chez elle. Madame est
sauvée, et Georgette, plus tranquille, se moque des prétentions de
monsieur, à qui elle présente Joseph comme son futur époux.
Cette bluette est vive, spirituelle, amusante; elle est, en outre,
fort bien interprétée par l'excellent Geoffroy, par Lacombe et par
Mlle Reynold , une débutante qui joue aussi dans le Lys de la
Vallée, mais qui n'y est pas aussi bien partagée. Le rôle de Geor-
gette lui convient à merveille, et elle a su en tirer un très-bon
parti.
D. A. D. SAINT-YVES.
NODVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
**, Le théâtre impénal de l'Opéra a donné lundi le Trouvère et la Source, et
mercredi et vendredi Hamkt. — La reprise des Huguenots est l'objet de
toute la sollicitude de M. Perrin ; ainsi que nous l'avons dit, les artistes
les plus distingués de notre première scène lyrique ne dédaignent point de
se charger des rôles secondaires. — Tous les costumes se refont à neuf; le
décor du deuxième acte est entièrement repeint et celui du Pré-aux-
Clercs, au troisième acte, est confié à M. Cambon, qui l'exécutera d'après
les travaux historiques récemment publiés sur le Louvre et la ville de
Paris. — Ce ne sera guère que dans un mois que sera donné le nou-
^'eau ballet de Saint-Léon et Dolibes, qui doit clore les représentations
de Mlle Granzow.
**^ Les Draijons de Villars, Zampa et V Ambassadrice alternent chaque
soir au théâtre de l'Opéra-Comique. — La direction compte reprendre
dans le courant de septembre le Premier Jour de bonheur; il est question
de Mlle Guillot pour remplacer Mlle Marie Roze dans le rôle de Djelma.
— L'opéra de MM. Labiche, Delacour et Poise continue d'être répété;
toutefois le rôle du ténor n'est pas encore distribué.
*** Quoique, de par l'arrêté du 22 août pris par le Ministre de la
Maison de l'Empereur et des Beaux-Arts, M. Pasdeloup soit en posses-
sion du privilège du Théâtre-Lyrique, le nouveau directeur n'a pas en-
core signé le bail de la salle avec la Ville. Les syndics de la faillite
Carvalho auraient la prétention de lui imposer l'acquisition du matériel
et des décors estimés par les experts à plus de 300,000 francs. M. Pas-
deloup résiste avec d'autant plus de force à cette exigence que la majeure
partie des décors et des costumes actuels s'appliquent à des pièces qu'on
a enlevées au répertoire et qu'il ne pourrait plus jouer; il veut donc
prendre le local nu, sauf à acheter aux syndics, amiablement ou aux
enchères, la partie du matériel appropriée aux opéras qu'il conserverait
et qu'il lui conviendrait de monter. En attendant que la question soit
vidée, II. Pasdeloup s'occupe de ses engagements, et l'on cite déjà comme
ses pcn.-ionnairL's ; Monjauze, Bosquin, Wartel et Mlle Schneder. Il
a aussi traité, pour la Conduite de l'orchestre, avec le célèbre Karl
Eckert, compositeur allemand fort distingué, très-connu à Paris et qui
remplacera M. Deloff're. Enlin, Mlle Mai'ie Roze fera aussi partie de son
personnel.
*** Ainsi que nous l'avons annoncé, M. Martinet continuera l'exploi-
tation des Fantaisies-Parisiennes, dont la réouverture aura lieu le 20
septembre par le Soldat inal<jré lui, opéra-comique en deux actes de MM.
Chivot et Duru, musique de Fr. Barbier. Aux anciens artistes, MM. Ar-
sandaux, Barnolt, Gabriel, Bonnet et Mme Decroix, sont venus s'ajouter
M. Soto, basse-chantante de talent, et Mlle Palm, jeune suédoise, la
future Niisson de l'endroit. Pour ce qui est du répertoire, M. Frederico
Uicci, un des auteurs de CriSfdno e la Comare, a donné trois actes
sur un livret de M. Victor Walder; on parle aussi d'un ouvrage de
M. de Flotow, d'une pièce inédite de Cimarosa et de la reprise du Bar-
bier, de Paësiello.
sf*^ Le programme de réouverture du théâtre des Bouffes-Parisiens
se composera, comme nous l'avons dit , du Soldat magicien, pièce
d'Otfenbach, donnée avec succès à Ems. d'un acte du maestro , en
collaboration avec MM. Chivot et Duru, et de V Arche- Marion, d'Albéric
Second, musique d'Adolphe Nibelle.
,*^ C'est jeudi prochain, 3 septembre, que le théâtre de l'Athénée
compte faire sa réouverture par la 79° représentation de Fleur de Thé.
Pour accompagner cet opéra-bouffe on donnera un petit acte de
MM. Chivot et Duru, .'1 la Baguette, \aMà&i\\\e, représenté antérieurement
aux Boufl'es-Parisiens, et qui sera joué par Pelardy et Mlle Dertelli,
nouvellement engagés à ce théâtre. — Mlle Camille Parent, sœur de la
danseuse de l'Opéra, a aussi été engagée par M. W. Busnach.
^*if Le nouvel opéra-bouffe d'Oifenbach, la Périchole, est en pleine ré-
pétition aux Variétés. — La partition en a été acquise par les éditeurs
Brandus et Dufour.
»*:f On lit dans le Figaro : o L"Eldorado vient de représenter, avec une
verve et un succès dignes du théâtre, une bouffonnerie mythologique,
Ténus infidèle, paroles de M. A. Pouillon, musique de M. Léon Roques.
Cette farce, qui joint au mérite d'être gaie celui d'être courte, est crâne-
ment jouée et chantée par Mlle Chrétienne (Vénus), Valérie (Adonis) et
M. Victor (Mars). — Tous les soirs, à dix heures un quart, ce n'est
pendant vingt minutes que rires et bravos. On ne pouvait mieux inau-
gurer la saison d'hiver. »
,t*t On nous écrit de Bordeaux : « Jamais notre Grand-Théâtre n'avait
offert de féerie à ses habitués et, il fallait de la hardiesse à un directeur
pour risquer cette innovation. Mais le succès justifie tout, et M. Halanzier
n'a qu'à se féliciter d'une tentative par laquelle il aura brillamment pré-
ludé à sa saison d'hiver, qu'il prépare d'ailleurs avec ses soins et son
habileté ordinaire. 11 est vrai de dire que notre intelligent directeur
n'avait pas marchandé la dépense, et notre public a pu se dire qu'il
avait vu Feau-d'Ane dans toute sa splendeur et telle qu'elle a été repré-
sentée à Paris. Acteurs, décors, costumes, tout avait été importé, et plus
de soixante représentations consécutives de cet ouvrage n'auront pas
épuisé la curiosité de notre public, qui s'y porte encore en foule et dont
il faut chaque soir refuser une partie. — De son côté M. Lambert va,
le 1^'' septembre, rouvrir le théâtre Français avec Fleur de Thé, qu'il a
interrompue en plein succès. — Le même jour verra aussi l'inaugura-
tion du nouveau théâtre Louit, pour lequel il a été dépensé une somme
de 1,200,000 francs. Nous l'avons visité du haut en bas et il n'y a que
DE PARIS
279
des éloges à donner à l'architecte qui l'a construit. La coupe de la
salle est des plus heureuses, et elle peut contenir aisément 3,000 specta-
teurs. Toutes les améliorations réalisées dans ces derniers temps ont été
mises à profit pour le bien-être et la commodité du public. Les loges sont
spacieuses, l'acoustique excellente, et on voit et on entend de tous les
points de la salle: les rangs de fauteuils sont largement espacés et per-
mettent un pacsage facile; les sièges en sont élastiques, les banquettes con-
venablement rembouirécs, et ni le velours ni le cuir n'y ont été épar-
gnés. Les proportions et la splendeur du foyer ne laissent rien à désirer,
et au-dessous un fumoir, complément indispensable aujourd'hui, s'ou-
vrira pour les amateurs. — Mais ce n'est pas seulement des habitués des
grandes places que l'on s'est occupé, les spectateurs du paradis n'auront
dans aucun théâtre été si bien traités; la chaleur ne les étouffera plus,
grâce à une douzaine de fenêtres percées de distance en distance dans la
courbe et qui s'ouvriront à volonté; de plus, à cette hauteur, on a
trouvé le moyen de ménager une belle terrasse-foyer donnant sur la rue,
où ils pourront, dans les entr'actes, fumer la pipe et boire la chope à
leur aise. — Pour terminer ce qui concerne la salle, disons que l'orne-
mentation en est en même temps riche et dune simphcilé de bon goût;
l'or le plus fin a été employé pour les dorures; les peintures du plafond,
les arabesques de chacune des portes des loges sont trcs-snignées et l'en-
semble de la décoration offre le plus harmonieux coup d'œil. La scène
est disposée sur huit plans de profondeur et se prêtera facilement à
toutes les exigences du spectacle. — C'est sous la direction et sur les avis
de M. Robert Kemp, qui fut, il y a quelque trente ans, pensionnaire du
Théâlre-Français, que tous les travaux ont été exécuiés par des ouvriers
bordelais et avec des matériaux provenant tous du pays. Il s'est en-
tendu avec M. Louit pour exploiter dans le nouveau théâtre la comédie,
le drame, le vaudeville, l'opérette et l'opéra-comique. C'est par la comé-
die qu'il commencera ; sa troupe, composée des meilleurs sujets qu'il a
trouvé à recruter en province, est prête; son orchestre, composé de vingt
musiciens, l'est également;, il possède une grande expérience pratique
du théâtre, les prix d'entrée sont modestes ; M. Robert Kemp réunit
donc toutes les conditions qui assurent le succès. »
^'''-i: La célèbre cantatrice Désirée Artôt, après ses brillants succès à
Hombourg, vient de revenir à Paris. Elle prendra une semaine de repos
dans sa^■ilIa de Ville-d'Avray, avant de se mettre en route pour Moscou,
où l'on sait qu'elle est engagée pour plusieurs mois à de magnifiques
conditions.
**jSs Mme Ugalde est de retour à Paris de sa fructueuse tournée en
province, où elle a si brillamment exploité la Grande-Duchesse de Gé-
rdlstein .
if*^ Mlle Tietjens, prima donna de Her Majest'ys théâtre, est en ce
moment à Paris. Mlle Tietjens assistait mercredi à la représentation
à'Hamlet, et après le i° acte elle est allée complimenter Mlle Nilsson.
— Le célèbre baryton Santley est également à Paris.
if*ii, Une artiste qu'on a vue avec plaisir aux Fantaisies-Parisiennes et
à l'Athénée, Mme Bonnelli, vient d'être engagée à Milan,
^*ii; La troupe d'opérette recrutée à Paris par le représentant de
M. Grau, directeur du théâtre français de New- York, peut être considérée
comme complète. Voici les noms des principaux artistes qui y figurent :
Mmes Rose Bell (Lapommeraye), Desclauzas, Goby-Fontanel, Alard-Gue-
retti, Victoria Maurice; MM. Carrier et Beckers (de l'Opéra-Comique),
Gabel (des Menus-Plaisirs), Goby (des Fantaisies-Parisiennes), etc. Le chef
d'orchestre est M. Robert Stœpel. C'est Geneviève de brabanl et le char-
mant ouvrae de Charles Lecocq, Fleur de Thé, qui ouvriront la cam-
pagne.
,** Mlle Salvioni, dont Paris a applaudi la danse et la mimique, vient
de débuter au Grand-Théâtre de Vienne dans le Diable amoureux.
NOnVEUES DIVERSES.
^*sf En considération des services rendus par M. J. Pasdeloup à l'ins-
truction publique, au point de vue musical, M. Duruy, par arrêté du
15 de ce mois, l'a nommé officier d'académie.
^** Berthelier est de retour à Paris. Avant de rentrer au théâtre de
ses premiers succès, où il doit débuter dans une œuvre nouvelle d'Ofïen-
bach, il a bien employé ses dernières semaines de loisir. Nous lisons
dans le Siècle qu'après avoir donné au Casino du Tréport un premier
concert, auquel plus de deux cents personnes n'ont pu trouver place et
dont la recette a produit d,100 francs, il a du en donner successivement
deux autres non moins courus et dont le dernier était au profit des
pauvres. Une des chansonnettes dites par l'excellent comique et qui a
produit le plus d'effet est celle de Bourget et Lhuillier : C'est ma fille,
qu'il chante en costume avec une vérité de gestes et d'intonation à faire
pâmer de rire, et qu'il a dû répéter aux acclamations de la salle entière.
Après ce brillant exploit Berthelier est allé de nouveau se faire applaudir
à Saint-Malo en compagnie de Sivori et de Mlle Harris.
^"if A plusieurs reprises déjà divers compositeurs ont, sans les en pré-
venir, mis le nom de MM. Brandus et Dufour comme éditeurs sur de.s
publications dont le hasard seul leur a révélé l'existence. Sans vouloir pré-
ciser davantage, MM. Brandus et Dufour nous prient de faire savoir
qu'ils protestent contre cet abus fait de leur nom et qualité, et qu'ils en
déclinent toute conséquence.
t% On nous écrit de Saint-Gerniain-en-Laye : « A l'une des inté-
ressantes et trop rares matinées de musique de chambre que Mme Ma-
ckonzie offre à quelques amateurs de son intimité, on a entendu une
jeune pianiste étrangère, Mlle Flynn, élève du Conservatoire de Leipzig,
qui exécute spécialement la musique des grands maîtres. Cette jeune
artiste lajoue avecun aplomb, unesûretéet une fougue vraiment entraî-
nante et qui lui préparent le plus bel avenir. Elle a exécuté magistrale-
ment une sonate de Mendelssohn et une polonaise de Chopin avec l'inap-
préciable avantage d'être accompagnée par l'excellent violoncelliste
Norblin, chez lequel le talent est traditionnel de père en fils, et qui, dans
les loisirs que lui fait sa retraite de violoncelle-solo à l'orchestre de
l'opéra, habite avec sa famille au Vésinet. Un magnifique trio dellum-
mel,jouépar trois maîtres, Mme Mackenzie, pour lepiano, Norblin, pour la
basse, et Allard — qui transposait instantanément la partie de violon
pour la flûte, son instrument — a clos la séance de la façon la plus
étourdissante. »
»** L'église paroissiale de Saint-Denis vient de .s'enrichir d'un orgue
de tribune sorti des ateliers de la Société Merklin-Schiitze, à laquelle la
construction de ce bel in.strument fait le plus grand honneur. Plusieurs
artistes émi'nents avaient été appelés à la séance solennelle de réception
pour en faire valoir les qualités. C'était d'abord M. Ed. Batiste, l'émi-
nent organiste de Saint-Eustache, puis M. Renaud de Vilbac, dont tout
le monde connaît le talent gracieux et facile. M. l'abbé Ply, maître
de chapelle de la cathédrale de Soissons, a fait à son tour entendre un
grand chœur avec récit de voix humaine, dont l'inspiration religieuse
élevée a été remarquée de tous. M. Duval, organiste de la paroisse de
Saint-Jacques, à Reims, et enfin M. Delhaye, organiste de Saint-Denis,
ont dignement clos cette intéressante solennité, dans laquelle la Société
chorale de Saint-Denis a fait apprécier la justesse, l'ensemble et l'expres-
sion avec lesquels elle a dit les divers morceaux intercalés dans le pro-
gramme de l'habile, directeur M. Desmet.
^% Dimanche dernier a eu lieu, à Dunkerque, l'inauguration du Casino
de la Villa des Dunes. C'est un des plus beaux et des plus grands qui
existent en Europe. La situation en est des plus pittoresque. Un beau
concert et up bal ont signalé cette inauguration, qui avait attiré beau-
coup de monde.
^% Un grand bal, au bénéfice de M. Desgranges, le chef d'orchestre
et directeur du Casino, vient de clore brillamment les fêtes du lo août
organisées à Deauville. Toute la Société de Deauville, à laquelle s'était
jointe celle de Trouville, s'y trouvait, empressée de donner à M. Des-
granges une nouvelle preuve de son estime et de sa S3'mpathie. Son or-
chestre a fait merveille et le quadrille de Fleur de Thé a obtenu un grand
succès.
^'^ La Société philharmonique d'Arras a donné, le 2i, une brillante
soirée musicale à laquelle le violon d'Alard et les voix charmantes de
Mlles Laura Harris et Schrœder donnaient un attrait particulier. VAve
Maria de Gounod, chanté par cette dernière, a été bissé. On a aussi beau-
coup applaudi Steller, qui a chanté en maître un air de Lucrezia
Borgia .
*■*,;; La maison où naquit Beethoven , à Bonn, et qu'on a ornée il y a
quelque temps d'une plaque commémorative, est aujourd'hui à vendre.
*** Lundi est mort à Saint-Cheron le célèbre peintre de décors
Ciceri père; il était âgé de 86 ans. C'est la musique, dit M.ï. Feyrnet,
qui l'avait d'abord attiré . A quatorze ans, il était à l'orchestre de Séra-
phin et jouait du violon pour accompagner pohchinelle et les ombres
chinoises. Parent de Martin et d'Elleviou, il entra au Conservatoire, où
il resta douze ans. Sa voix était charmante, mais il fut un jour ren-
versé par une voiture et resta boiteux .- c'est alors qu'il se tourna vers
la peinture. 11 travailla sous la direction de Bellangé, architecte du roi,
et entra dans l'atelier de décoration de l'Opéra . Le clair de lune de la
Vestale fut son premier succès. Les décors qu'il fit ensuite pour Armide
et pour la Lampe merveilleuse accrurent sa réputation ; il était dès lors
le premier artiste du genre. Ciceri n'a pas peint moins de quatre
cents décors. Le roi Jérôme le fit appeler en 1810, et le chargea de res-
taurer le Grand-Théâtre de Cassel. En 1825, il fut le décorateur des
fêtes du sacre de Charles X. M. Ciceri avait épousé la fille d'isabey, le
célèbre miniaturiste. MM. Cambun, Despléchin et Séchan sont ses élèves.
^f"** Un ténor qui laisse une belle réputation en province, M. Péronnet,
et qui obtint, à l'Odéoa, un grand succès dans le rôle d'.llmaviva du
Barbier, vient de mourir à l'âge de 78 ans.
4*,,, Mme Victor Hugo a succombé jeudi à Bruxelles à une longue et
douloureuse maladie. Cette nouvelle a produit une grande sensation à
Paris.
280
UliVLE ET GAZETTE MUSICALE DE I>A11I6.
t*^ L'éminent pianiste compositeur Louis Laeombe vient d'être frappé
dans ses plus chères affections. Il a cette semaine perdu sa femme,
morte à la suite d'une longue et douloureuse maladie.
*% Notre collaborateur Arthur Pougin vient d'avoir la douleur de
perdre un de ses enfants.
ÉTRANGER
»*(^ Mannheim. — L'Africaine, de Meyerbeer, vient d'être reprise avec
un éclatant succès. Tous les artistes ont chanté et joué leurs rôles avec
talent; mais Betz, l'excellent baryton de Berlin, a surtout été bruyam-
ment applaudi et rappelé plusieurs fois. Le rôle de Nelusko paraît être
celui qui convient le mieux à la nature de son talent. Il le détaille avec
infiniment d'arl et le chante avec l'ampleur et l'énergie qui conviennent
si bien au personnage. Betz est un véritable tragédien lyrique. Les
choeurs ont chanté avec beaucoup d'ensemble, et l'orchestre est magnifi-
que. Lachncr le dirige avec cette supériorité qui lui a acquis une si grande
célébrité en Allemagne. — On va reprendre l'opéra de Ferdinand
Langer : le Voisinage dangereux.
,*,, Carlsruhe. — Stradella, de Flotow, a été repris et écouté avec le
plus grand plaisir. Cet ouvrage est très-apprécié en Allemagne, on le
considère comme le meilleur opéra de Flolow.— Betz. le baryton de Ber-
lin, a obtenu un véritable triomphe dans Guillaume Tell.
^,*^ Hombourg. — Semiramide a été donnée le 22 août. Adelina Patti
y a été ce qu'elle est toujours, une cantatrice admirable; de plus, elle y
a fait preuve d'une profondeur de sentiment et d'une ampleur drama-
tique qui semblent se développer chaque jour. Trois cadences nouvelles,
que Rossini a écrites exprès pour elle, ont émerveillé l'assistance. —
Agnesi a été magnifique dans le rôle d'Assur.
»*,f Wildbnd (Wiirtemberg) . — Seligmann, E. Stœger et Besekirsky
ont donné dans la grande salle du Kurhans un magnifique concert.
Stoeger a joué avec la marche de Tannhauser ses charmantes composi-
tions si appréciées en Allemagne comme en France. Seligmann a fait
entendre le Secret, Pibroch, Berceuse de l' Enfantelet, avec l'immense suc-
cès qui le suit partout. Besekirsky n'a pas été moins applaudi que ses
brillants partenaires en exécutant ses compositions et en faisant sa partie
dans le trio en ul mineur de Mendelssohn.
**, Leipzig. — Un nouvel opéra de Wesmeyer, Die Brandschatzung
(la Contribution de guerre), sera représenté au commencement de sep-
tembre. — Ant. Rubinstein est attendu ici au mois d'octobre.
:!,*, Berlin. — Les représentations d'opéra ont recommencé le il avec
Fidclio, suivi du Porteur d'eau {les Deux Journées), de Chcrubini, et du
Lac des Fées, d'Auber. — Pauline Lucca, attendue le 28, repartira dans
quelques jours pour aller donner des représentations à Leipzig, à l'occasion
de la foire. Un congé lui a été accordé, comme l'année dernière, pour
chanter à Saint-Pétersbourg,
*** Vienne. — L'inauguration du nouvel Opéra aura lieu dans les pre-
miers mois de 1869, et non pas avec Lohengrin, comme on l'avait dit,
mais avec un opéra de Mozart.
^*^, Madrid. — Mme Gueymard, dent l'engagement est maintenant
certain, débutera dans II Trovatore; elle chantera ensuite /( Profeta,
la Favorita, Gli Vgonotti et l'Africana. — La question de la réorganisa-
tion des musiques militaires est à l'ordre du jour : le maestro Bar-
bieri est parti pour Berlin et Vienne, chargé officiellement d'étudier,
avec le concours de MM. Wieprecht et A. Zimmermann, la composi-
tion des musiques allemandes.
^\ Bussclo. — Le Théâtre-Verdi, nouvellement construit, a été inau-
guré le lo aoiit avec Rigoletto. Verdi n'était pas prâsent; et les hommages
de ses concitoyens se sont adressés à son buste, qui a été couronné et
salué d'acclamations chaleureuses. On a aussi exécuté à cette occasion
une sorte de .symphonie historique, écrite par Verdi à l'âge de douze ans
et intitulée la Capricciosa. — Les robes des dames étaient vertes; vertes
aussi étaient les cravates des hommes.
,*^ Milan. — L'imprésario Herrmann , directeur de la troupe fran-
çaise d'opéra-bouffe qui va parcourir les principales villes d'Italie, vient
d'installer ses pénates au théâtre Carcano. Ses principaux artistes sont
MM. Lucien , Giraud , Lsevendal , Alvarez , Mmes Laurenc, Bonly, Fia-
chat. La Grande-Duchesse ouvrira la campagne; puis viendront le Pont
des Soupirs, la Belle Hélène, la Chanson de Fortunio, M. et Mme Denis,
d'Offenbach, et Fleur de Thé, de Lecocq. — L'opéra-comique est repré-
senté au programme par Galathée et les Noces de Jeannette, de Victor
Massé.
I.t Direclaur : S. DnFOUn.
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Gérolstein.
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Grande-Duchesse de Gérolstein.
8. Strauss. Valse du Pardon de Ploërmel.
9. — Valse de Lischen et Fritzchen.
10. Patll (Ad.). Valse: Fleur du Printemps.
H. Slusard. Valse des Bavards.
12. Arban. Quadrille sur iîodiiison Crusoë.
13. Strauss. Quadrille sur Martha.
14. Marx. Quadrille sur V Africaine .
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15. Strauss. Quadrille Echo des Bouffes-
Parisiens .
16. liamotte. Quadrille sur Fra Diavolo.
17. Arban. Polka du Brésilien.
18. Doppler. Grande Polka des Horloges de
la forêt Noire.
19. Boaues. Polka de Robinson Crusoë.
20. Arban. Polka-mazurka de F Africaine.
Chaque n", i fr., prix marqué.
inPBlaiEBIE CBNTBALE DES CHEHIKS DE FEE — A. CHAIZ ET C**, EVE BEEGEBB,
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS. 1.
W Année.
N' 36.
G Septembre 1868.
ON S'ABONNE :
Dons les Diipnricments ot û rKlrongtT,
chez tous les Marchands de Musique, Us Libraire»,
et aui Cureaux der Messageries et des Postes.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris -4 r.itnran
Déportenr-nts, Belgique et SuissL-.,.. :W •• id.
Étranger 34 •> i<L
Le Journal paraît ic Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — La Jeunesse de Gathe, — Études sur Charles-Marie de WebeJ'
(troisième partie, T article), par Edmond IVenkomm. — Nouvelles des
théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
LÀ JEUNESSE DE GŒTHE.
Nous avons publié dans notre numéro du 30 août la plaidoirie
de M" Leberquier pour M. Blaze de Bury, demandeur. M" Cré-
mieux, avocat des héritiers Meyerbeer, a répondu en ces termes :
Messieurs, si je pouvais demander au Tribunal un jugement favorable
à la réclamation de M. Blaze de Bury, j'en serais heureux : le théâtre
livrerait un autre chef-d'œuvre à nos applaudissements; autour de cette
illustre mémoire de Meyerbeer resplendirait un nouveau rayon. Mais que
pouvons-nous devant la désolante parole du grand-maitre, interdisant la
publication de ses compositions inédites? Que pouvons-nous devant cette
touchante parole de l'époux et du père : « Je m'adresse, pour que ma
volonté soit rigoureusement exécutée, à la piété de ma femme, à la piété
de mes enfants. » La piété pour ce glorieux époux , la piété pour ce
père immortel ! Si vous la connaissiez , si vous saviez quelle tendre et
touchante affection remplit l'âme de la veuve, quelle vive et respectueuse
vénération remplit le cœur de ses trois filles! C'est le touchant souvenir
de la vie intime dans les intervalles de tant de travaux, c'est l'adoration-
de cette gloire immense dont elles se sentent elles-mêmes enveloppées et
grandies. Meyerbeer a dit sa volonté, il a invoqué la piété de son épouse
et de ses enfants; elles se sont respectueusement inclinées. Dès le lende-
main du jour où le testament a été lu , les cahiers , le journal , le car-
net, les pensées musicales jetées sur des feuilles détachées, les composi-
tions inédites , toule cette précieuse musique a été religieusement ren-
fermée sous cachet et sous clef. Puisse un de ses petits-fils, animé de son
esprit, je voudrais pouvoir dire inspiré du soufBe de son génie, ouvrir,
dans quelques années, les coffres, dépositaires de ces trésors, livrer à
l'admiration publique les pages monumentales, et abandonner aux émo-
tions du cœur les délicieuses pensées qui s'échappent avec tant de charme
de cette imagination aussi suave dans ses œuvres légères que merveil-
leuse dans ses vastes compositions!
Messieurs, la demande de M. Blaze de Bury peut-elle réussir et faire
disparaître la barrière qu'entre lui et les héritiers de Meyerbeer élève le
testament que vous connaissez?
En d'autres termes , Meyerbeer a-t-il contracté envers Blaze de Bury
l'obligation de lui délivrer la partition qu'il réclame à sa veuve et à ses
enfants, qui le représentent comme ses héritiers? C'est la question que
vous avez à résoudre. Est-ce une question? Où donc M. Blaze prend-il
son droit? Les obligations civiles n'ont que deux origines : la loi, le
contrat. Assurément, on ne prétendra pas trouver dans une loi l'obli-
galion dont on veut l'accomplissement. Il faut donc la chercher dans un
contrat. Mon habile adversaire l'a compris ainsi, et, à défaut d'une con-
vention, il trouve flans la correspondance qu'il vous a fait connaître la
source du droit qu'il réclame. Nous allons la reprendre et remettre sous
vos yeux cette correspondance que l'on présente comme preuve d'un
contrat, et qui, à mon avis, est, entre nos mains, une arme qui repousse
toute attaque. Mais, avant tout, fixons bien la situation de Blaze de Bury
et de Meyerbeer; nous aurons enlevé la plus spécieuse des argumenta-
tions que vous avez entendues.
S'il faut admettre le récit de Blaze de Bury, il a composé une pièce en
collaboration avec Meyerbeer; tous deux réunis, ils ont coopéré à un
ensemble qui constitue l'œuvre commune, absolument comme si dans un
tableau Ruysdael avait tracé un vaste paysage et Wouwermans placé
des chevaux qui courent noblement dans la prairie. Dépendrait-il de
l'un des deux grands peintres de faire disparaître cet ouvrage, fruit du
génie de l'un et de l'autre?
Non , non ! celte propriété indivisible a ses lois que nous n'avons pas
besoin de rappeler, et, sans chercher hors de la cause même, nous voyons
Meyerbeer s'incliner dans le testament, devant le droit qui résulte de la
collaboration. Ecoutons-le autorisant la représentation de Vasco de Gama,
de V Africaine : « Comme le libretto de Vasco de Gama est du défunt
poëte Scribe , on devra obtenir, tant pour la publication que pour la
représentation, la permission de Mme Scribe sa veuve. »
Ainsi Scribe a fait le poëme, Meyerbeer la musique. Il a fallu l'accord
de tous deux pour la composition, il faudra l'accord de tous deux pour
la représentation. Comment donc l'homme qui connaissait si bien le
droit de Scribe, son collaborateur, aurait-il méconnu le droit de son
collaborateur Blaze de Bury? Cela ne tombe pas sous le sens. Mais c'est
que Blaze n'est pas le collaborateur de Meyerbeer; c'est que l'œuvre de
l'un est complètement indépendante de l'œuvre de l'autre. Etablissons de
suite cette vérité. Blaze de Bury avait composé une comédie, un drame :
la Jeunesse de Gœthe ; il était fort content de son ouvrage, devançant les
applaudissements du public dont il a si bien l'habitude ; Blaze était fort
lié avec Meyerbeer, plein de son sujet, il lui en parla : Vous devriez
bien, lui dit-il modestement, me relever ce drame par votre musique!
Le drame était fait, et ce n'était pas un libretto qu'il proposait au maes-
tro pour en composer la musique, c'est-à-dire pour mettre les notes sur
les paroles, des récitatifs sur les conversations, de suaves mélodies sur
les peintures dorées, des torrents d'harmonie sur des morceaux d'en-
semble, e' sur ce drame converti en opéra, une savante et merveilleuse
orchestra i, où se réfléchissent tous les prodiges de l'art. Non, non, ce
n'était il 'e tout cela.
Le dr me est en prose, si je ne me trompe; il a quatre actes, et, à
la dernière scène du troisième acte, Gœthe s'endort. Là seidement, dans
l'entracte qui précède le quatrième acte, Meyerbeer, comme je le dirai
tout à l'heure , avait eu la pensée d'un rêve , d'une vision , qui devait
former une scène à mettre en musique. Une scène, rien de plus. Blaze
de Bury n'a pas fait autre chose pour le musicien. Aussi comment
Meyerbeer s'exprime-t-il dans ses lettres ? « Vous avez l'air de douter un
peu de la parole que je vous ai donnée de mettre en musique la scène
du quatrième acte de votre drame de Gœthe, scène dont je vous ai promis
de faire la composition. » C'est une scène, comme vous voyez, et
Meyerbeer la croit placée au quatrième acte.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Une autre fois, il écrira : « Mon cher ami, je me rends avec plaisir
au désir que vous m'avez manifesté de mettre en musique la grande
scène qui forme le troisième acte de votre drame la Jeunesse de Gœthe. »
C'est toujours une scène ; cette fois, elle est grande et forme, non plus
le quatrième acte, mais le troisième. D'où proviennent donc ces singu-
lières différences. Le croiriez-vous, messieurs? c'est que Meyerbeer ne
connaissait pas la pièce; non, il ne la connaissait pas, même après sa
musique composée ! Laissez-moi vous rappeler ce qu'il écrit dans sa der-
nière lettre, le 31 janvier 1861 : « Mon intention avait été de faire une
excursion à Paris; mon but principal était de connaître enfin votre
pièce de Gœthe, dont je ne connais jusqu'à présent que ce que vous
m'en avez raconté à l'état de plan projeté. » Et plus bas : « Si vous
venez, n'oubliez pas surtout d'apporter la Jeunesse de Gœthe pour me la
lire. »
Comprenez-vous, messieurs, mon contradicteur se plaignant que Meyer-
beer ne veut pas remettre à Blaze do Bury la pièce qu'ils ont faite en
collaboration '?
Qu'a donc reçu Meyerbeer de notre adversaire? Il est temps de le
savoir. J'ai dit : au troisième acte, le jeune Gœthe s'endort; c'était en
attendant le quatrième acte. Je ne sais, messieurs, si entre Meyerbeer et
Goethe il exista des rapports d'intime amitié, comme on vous le disait
tout à l'heure : ces deux grands génies devaient s'entendre. Ce que je
sais bien, c'est que celte nature allemande du grand musicien était amou-
reuse du grand poète. Savez-vous quelle idée le saisit? Gœthe dort; sup-
posons un rêve, dans ce rêve une vision. Les personnages de ses œuvres
futures vont lui apparaître, ils défileront devant lui, chacun d'eux faisant
entendre les plus beaux vers dans ce magique spectacle. Vous entendrez
tout à l'heure l'illustre musicien rappelant surtout Faust et le Roi des
Aulnes. Cette merveilleuse pensée, éclose du cerveau du musicien, entr'acte
placé entre le troisième et le quatrième , l'écrivain en fera le scénario,
traduisant en vers les vers du poète incomparable , et c'est là ce que
Meyerbeer va décorer de sa musique. '
Voilà toute la collaboration. Blaze de Bury a fait le scénario du rêve de
Gœthe, formant un entr'acte de sa pièce et quatre actes restés sans
aucun changement, et pour le chant il a traduit en vers français les
beaux vers de Gœthe. C'est tout, pas autre chose. Et vous supposez
deux grands peintres composant ensemble un grand tableau! et vous
rappelez Molino et Gluck!... Ah! je sais bien que l'immortalité sera pour
Gluck, c'est en lui qu'est le génie; mais enfin Molineaécrit l'opéra que
Gœthe a si miraculeusement illustré ; vous, Blaze de Bury, vous avez,
dans une .scène conçue par le musicien, traduit en poète la belle poésie
de Gœthe. Et vous appelez cela la collaboration de Meyerbeer et de Blaze
de Bury à la Jeunesse de Gœthe!
La Jeunesse de Gœthe est toute de vous. Supprimez le rêve, dont vous
n'aviez pas eu l'idée; livrez vos quatre actes, votre œuvre complète;
aux applaudissements de la Ibule. mais laissez en paix la cendre à peine
refroidie de votre illustre ami, dont la modestie craint pour sa gloire la
nii.se au jour d'une composition qu'il n'a pas lui-même voulu livrer au
théâtre, quoiqu'il ait survécu près de sis ans à la dernière lettre que
vous invoquez.
Messieurs, nous allons voir le débat sous un autre aspect. La corres-
pondance établit-elle un contrat qui oblige Meyerbeer par un lien de
droit, qui oblige, par conséquent, ses héritiers? Le contrat n'est évidem-
ment pas dans la première lettre. Mon contradicteur a dit : « La se-
conde lettre est un véritable engagement; » lisons-la donc :
« Paris, ce 2 septembre 1860.
» Mon cher Henri,
» Je me rends avec plaisir au désir que vous m'avez manifesté de
mettre en musique la grande scène qui forme le troisième acte de votre
drame, la Jeunesse de Gœthe, que vous destinez maintenant au Théâtre-
Français ou à rOdéon ; je vous promets de vous livrer ma musique le
dO mai prochain pour que l'ouvrage ,soit représenté dans le courant
de la saison, mais sous la condition expresse que celui des deux théâtres
ci-dessus mentionnés qui jouera la Jeunesse de Gœthe engagera, pour les
représentations de cet ouvrage, tout l'orchestre et tous les chœurs du
Théâtre-Italien de Paris, et, en outre, deux chanteurs et deux chan-
teuses à mon choix pour chanter les rôles de Mignon, de Gretchen, du
Roi des Aulnes et du père.
» Il est convenu ainsi que vous aurez la bonté de m'écrire le 10 mars,
à Berlin, si le théâtre a pris avec vous un engagement par écrit de repré-
senter votre ouvrage à l'époque et aux conditions mentionnées sur cette
lettre (pour ma gouverne).
» Votre tout dévoué, MiiYERBEER. »
Voilà, s'écrie-t-on, un engagement formel. Supposons-le, mais à quelles
conditions? à la condition expresse qu'on « engagera pour la représenta-
tion de cet ouvrage tout l'orchestre et tous les chœurs du Théâtre-Italien
de Paris, et, en outre, deux chanteurs et deux chanteuses, à mon choix,
pour chanter les rôles de Mignon, de Gretchen, du Roi des Aulnes et
du père. »
Ce n'est pas tout : il donnera sa musique le 10 mai prochain, mais
il est convenu que vous aurez la bonté de m'écrire à Berlin, le 10 mars,
si le théâtre a pris avec vous un engagement par écrit de représenter
votre ouvrage à l'époque et aux conditions mentionné(is sur cette lettre.
Où donc est l'engagement écrit de repré.senter la pièce au 10 mai 1861?
Où donc est l'engagement écrit d'avoir tout l'orchestre et tous les
chœurs du Théâtre-Italien de Paris?
Où donc est l'engagement écrit d'avoir deux chanteurs et deux
chanteuses, au choix du mu.sicien, pour chanter les quatre rôles qu'il
désigne?
Pas de convention dans ces termes, pas d'engagement, et il n'y a pas
eu de convention.
Poursuivons.
Lettre du 28 janvier 1861 :
« Mon cher ami,
» Depuis six semaines, j'ai complètement terminé la musique de l'acte
que vous m'avez chargé de faire. J'attendais, pour vous l'annoncer,
l'époque à laquelle vous m'aviez promis de me faire part si vous étiez
parvenu à vous arranger avec un théâtre. Je vois, par votre lettre, que
c'est rOdéon. »
Blaze de Bury, sans attendre le mois de mars, lui a donc écrit dès le
mois de janvier qu'il s'est arrangé avec l'Odéon. Mais Meyerbeer tient à
l'exécution de ses conditions, on ne lui en parle pas et voici ce qu'il
ajoute :
« Si vous trouvez pour vous les éléments nécessaires dans la troupe,
ainsi que pour la mise en scène du quatrième acte, et que l'on puisse
garantir pour l'exécution musicale les moyens qu'il me faut et que j'ai
indiqués dans la lettre que vous possédez de moi, je crois que la localité
est bien choisie, surtout avec un directeur comme M. de la Rounat, qui
a la réputation de beaucoup d'intelligence et de courage. »
Ainsi, pour qu'il donne son œuvre, il faudra que l'on puisse garantir
pour l'exécution musicale les moyens qu'il lui faut et qu'il a indiqués
dans sa précédente lettre.
Et remarquez ce compliment à M, de la Rounat : « 11 a la réputation
d'un homme d'intelligence et de courage. »
Et voici bien un autre obstacle : au mois d'avril, Mme Ristori va
donner des représentations à l'Odéon, et, au lieu du mois de mai 1861,
il propose de donner l'ouvrage au printemps de 1862. Voilà qui ne lui
convient plus.
«. Prendre un engagement définitif pour une époque aussi éloignée
que celle-là, qui n'échoit que dans quatorze mois, c'est ce que je n'ose-
rais faire dans ma position : père de famille, n'habitant pas la France.
Dans les conjonctures où nous vivons, qui sait, dans un avenir si loin-
tain, ce qui pourrait me retenir chez moi? »
Et, alors, il propose d'attendre jusqu'au mois d'octobre 1861 pour pré-
parer un traité pour avril 1862.
Nous voici enfin au mois d'août 1861, huit mois se sont encore écou-
lés. Va-t-on traiter sous les conditions qu'il impose? Un autre obstacle
se présente. Il ne peut venir à Paris qu'en avril et le théâtre ferme avec
le mois de mai. Ne vaudrait-il pas mieux ne donner la pièce qu'à la
réouverture, au mois de septembre 1862? C'est un avis qu'il donne, non
une condition qu'il impose, mais c'est fini, la pièce ne se donnera plus.
11 vivra près de six ans depuis cette lettre, qui sera la dernière, et ja-
mais on ne reviendra sur la pensée du traité. Il n'en veut plus évi-
demment; dans un instant, je vous dirai pourquoi; mais qui donc a parlé?
Blaze de Bury? Quelle lettre peut-il nous montrer encore? Quel écrit?
Attendez. Nous voilà en octobre 1861, et M, Blaze se fait écrire par
M. de la Rounat; c'est le directeur qui demande un traité définitif, qui
promet de ne pas fermer le 31 mai. Vaine démarche! Dernière et inu-
tile tentative! Plus rien : 1862, 1863, 186i, 186S, 1866 s'écoulent, Meyer-
beer a passé une jiartie de ces cinq années à Paris, pas de traité, pas de
convention, pas de contrat et pas une sommation, pas une mise en de-
meure, et il sera mort, quand Blaze de Bury, sortant de cet incroyable
sommeil, se réveillera pour demander aux héritiers de son collaborateur
une musique dont un ordre sacré leur défend de disposer.
Que parlez-vous de votre amitié qui aurait arrêté votre demande pré-
cédente? Cette amitié, la mort la-t-elle brisée à ce point qu'elle reste
indifférente devant ces mots sacrés: « Que la piété de ma femme et de
mes enfants respecte ma dernière volonté; qu'elle se refuse à livrer à
la publicité mes compositions inédites ! »
Et voulez-vous savoir. Messieurs, pourquoi le contrat ne s'est pas
conclu, pourquoi la musique du Rêoe de Gœthe n'a pas été représentée
sur un théâtre, c'est qu'elle n'a pas été finie. Oui, vous avez raison,
mon honorable confrère, d'invoquer mes souvenirs ; oui, une des gran-
des jouissances de ma vie a été l'amitié de Meyerbeer; oui, il m'a dit
peu de jours avant sa mort : k Ce Songe de Gœthe sera représenté ; »
oui, il m'a dit : « La scène de l'église sera belle, je crois. »
Mais, quand il s'agissait de livrer sa musique, de conclure définitive-
ment avec le directeur, c'est-à-dire de paraître devant ce public qui l'a
tant acclamé, et qu'il redoutait avec tant et de si vives perplexités, c'é-
DE PARIS.
283
tait, devant sa gloire acquise, une terreur inouïe de la voir décroître;
il ne cédait que là où s'arrêlait l'inspiration. Nuu, vous n'avez pas ou de
contrat, et il ne le consentait, il y a sept ans, que sous des conditions
qui jamais n'ont été consignées dans un acte quelconque. En droit, vous
êtes à celte Ijarre les mains vides de titre.s. En fait, il n'était pas possi-
ble que ce titre vous fut donné. Toutes ces preuves, elles éclatent dans
sa lettre du 28 janvier, qui va vous dépeindre l'homme tout entier. Que
je vous dise d'abord qui lui avait inspiré la pensée d'ajouter un inter-
mède musical à la Jeunesse de Gœthe.
Il avait un frère, Michaël Béer, qui a laissé un nom illustre comme
poëte; il est l'auteur de la tragédie de Struensée.
Meyerbeer aimait tendrement ce frère, il le perdit et voulut donner à
sa mémoire un tribut d'affectueuse piété; il composa une œuvre musicale
pour Struensée: un chef-d'œuvre remarquable entre tous. Les concerts
du Conservatoire, les Concerts populaires vous diront cette merveille.
Gœthe, le poëte de tous les pays, mais la grande gloire de l'Allema-
gne, était son idéal. Blaze de Bury lui parla de la Jeunesse de Gœthe,
son imagination s'enflamma, il retrouva dans sa vaste mémoire toutes
les belles œuvres du poëte immortel, il voulut leur donner une vie nou-
velle. Ce que dut enfanter de grand cette riche imagination, chacun
peut le comprendre, ses lettres le font pressentir.
Vous avez vu dans l'une d'elles ce qu'il exige pour l'exécution : tout
l'orchestre et tous les chœurs des Italiens, et quatre voix choisies. Vous
avez vu, dans une autre, les difficultés qu'il énonce pour faire concorder
sa musique, qu'il dit assez compliquée , avec les détails scéniqucs des
visions et des chanteurs, qui ne se trouvent jamais sur le devant de la
rampe, éloignés toujours de l'orchestre. Comme la troi.Mëme lettre est à la
fois instructive et grandiose dans sa modestie et dans son admiration
pour Schubert! Reprenons-la, Messieurs; elle mérite qu'on vous la re-
lise dans sa partie principale :
« Le tableau que j'avais craint le plus, et que je vous avais proposé
de changer (celui de la cathédrale de Faust), est celui qui est venu le
mieux de tous, et j'espère que vous n'en serez pas mécontent. »
Il en était content, lui, il l'a dit, c'est donc un tableau sublime que
nous perdons. Suivons cette lettre :
« Il en est un sur lequel j'hésite encore maintenant : c'est celui du
Roi des Aulnes. La musique de Schubert, de cette ballade, est devenue
si populaire dans tout le monde, qu'il me paraît impossible d'en faire
adopter au public une nouvelle sur les paroles, et moi-même j'en ai
subi tellement l'influence que je n'ai pu parvenir à faire une autre
musique qui me satisfît. Je pense donc garder le tissu des mélodies
de Schubert, en mettant dessous des chœurs pour les filles du Roi des
Aulnes, et partager les mélodies de Schubert entre les trois interlo-
cuteurs, et en même temps, cela va sans dire, orchestrer les mor-
ceaux que Schubert n'a fait que pour le piano.
» Maintenant, il y a deux façons de le faire : l'une est de faire parler
en mélodrame le père et le fils, et de donner pendant ce temps les des-
sins de mélodie de Schubert à l'orchestre, et de ne faire chanter propre-
ment dit que le Roi des Aulnes et ses filles; l'autre de faire chanter
aussi les parties du père et du fils par des chanteurs.
» Musicalement parlant, il vaudrait mieux les faire chanter. »
Arrêtons-nous un instant sur cette lettre. Que de modestie dans ce
qui le touche, que d'admiration quand il parle de la musique de Schu-
bert!
« J'espère que vous ne serez pas mécontent de mon tableau de Faust,
c'est celui que je craignais le plus et qui vient le mieux. » Voilà pour
sa musique à lui. Mais pour Schubert, il semble n'avoir pas d'expres-
sions assez vives! Quel hommage! Quelle admiration! Ah! Messieurs,
c'est grand et beau de voir Meyerbeer s'incliner devant Schubert!
M'= Crémieux s'arrête un instant, puis il reprend :
Un souvenir me frappe, qui tient à notre cher Barreau et que je vous
demande la permission de rappeler en ce moment. Quand on est vieux,
on a beaucoup de souvenirs, on aime a les raconter. En 1831, dans un
dîner, dont j'ai gardé le pieux souvenir j'avais réuni chez moi plu-
sieurs de ces nobles proscrits que l'on appelait des régicides relaps, et
qui étaient rentrés en France après la chute du gouvernement de la
Restauration. Il y avait là, notamment, Merlin, Mailhe, Berlier, Locré.
La conversation tomba sur Cambacérès. Merlin dit : « Quel homme que
Cambacérès! c'était la loi et le droit incarnés. » Je pressai dans mes
mains la main amaigrie du grand jurisconsulte et je lui dis : « Quel
éloge dans votre bouche! » Merlin s'inclinant devant Cambacérès, ce
souvenir m'est revenu en parlant de Meyerbeer s'inclinant devant
Schubert.
Ce que je sais, d'ailleurs, sur cette mélodie de Schubert, c'est que
Meyerbeer l'a religieusement conservée, et que mêlant à cette merveil-
leuse rêverie sa musique harmonieuse et entraînante, il a mis un chef-
d'œuvre dans un chef-d'œuvre.
Messieurs, en vous ramenant à cette lettre, je vous rappelle celle qui
exige des conditions si nettement formulées et qui n'ont jamais été ac-
cordées par un contrat, je vous rappelle ces deux autres lettres, l'une
dans laquelle il propose de renvoyer au mois d'octobre la représenta-
tion, l'autre qui s'arrête sur la longueur du temps nécessaire aux ré-
pétitions, sur les difficultés qu'il prévoit, et toujours sur la garantie des
conditions auxquelles il laissera exécuter sa musique; encore une fois
dans quel traité avez-vous accepté ces conditions, où est donc l'arrange-
ment avec le directeur du théâtre Italien, où sont les pourparlers avec
les chanteurs? Quels chanteurs?
Comment, vous réclamez des héritiers de Meyerbeer l'exécution d'un
prétendu contrat écrit nulle part; et quand ils demandent: Où donc
avez-vous la preuve que ce contrat existe, renfermant rengagement du
directeur, les obligations qu'il s'impose, vous nous montrez une lettre
de M. de la Rounat qui promet de ne pas fermer son théiltre au mois de
mai. Et vous appelez cela un lien de droit! Attendez : Meyerbeer qui au-
rait livré sa musique, ne l'a pas achevée comme il la voulait. Comme
il la voulait ! Si vous pouviez, Messieurs, vous faire une idée de cet
homme d'un génie si vaste, d'une imagination si belle, et d'une si
étonnante, si incroyable irrésolution ; non, jamais il n'était bien décidé
à mettre ses compositions devant la rampe, devant l'assemblée d'élite
qui devait se presser pour lui prodiguer ses applaudissements.
S'il eût vécu, l'Africaine fut probablement restée des années encore
attendue et non représentée. La musique de votre scène, dédiée à Gœ-
the, il ne l'a pas achevée à sa pleine satisfaction; il n'a pas cessé de la
travailler, mais, entendez-moi bien, pour lui elle n'était pas encore
prête. II ne s'agissait pas, comme vous le supposez, d'une question d'op-
portunité, mais d'une question de perfection. Il voulait la perfection, et
comment la voulait-il? Jamais il ne croyait avoir atteint le but. Il ne
livrait qu'à son heure, à son moment, avec une fiévreuse inquiétude qui
ne l'abandonnait pas, jusqu'à ce qu'au milieu des cris et des applaudis-
sements le rideau vînt s'abaisser sur la scène. En attendant le jour où
il se décidait à se rendre plus immortel, il disait oui, mais il diffé-
rait sans cesse. Vous l'avez pressé en -1839, en 4860, en 1801, en 1862;
il accordait chaque fois, mais toujours avec des restrictions, avec des
délais.
Que de jours s'écoulaient avant la rédaction d'un contrat! Que de
jours avant la livraison de la partition ! Que de jours aux répétitions
avant la solennité! Que de recommandations jusqu'au moment même
du lever de la toile! Et pendant ces années, jamais de repos. Le jour,
la nuit, il composait, il retouchait sans cesse. Il vivait dans de constan-
tes préoccupations. Son existence se passait dans le domaine de l'art. A
la campagne, à la ville, il avait toujours un carnet sur lequel il écri-
vait toutes les pensées musicales qui se présentaient à lui, il les trans-
crivait le soir sur le cahier dont parle son testament. Un pareil homme
pouvait sans doute se lier par un contrat, mais il exigeait mille détails,
et si l'on manquait, le contrat ne se faisait pas. Pour vous, il vous a
promis de 1839 à 1861; depuis sa lettre du mois d'août 186i, plus rien.
M. de la Rounat comprend bien, lui, que sans engagement il n'y a
rien à faire. M. de la Rounat dit : « Je vous en prie, il y va pour moi
d'un intérêt puissant et pressant; priez notre illustre maestro de m'en-
voyer une certitude. . . » Et plus loin: «Si la combinaison était rompue
par le fait du grand maître, je me trouverais dans le plus extrême em-
barras. »
Dans une autre lettre du 21 décembre 1801, M. de la Rounat dit en-
core à M. Blaze de Bury : « Ne pensez-vous pas qu'il serait bon d'aviser
à renouer les flls rompus de nos projets? «
Les flls étaient donc rompus. Se sont-ils renoués? Non. Point d'écrit,
point d'engagement, point de traité, rien! Votre pièce vivra sans sa
musique: il ne s'en est dessaisi ni en 1862, ni en 1863, ni en ISOi, ni
en 186S, ni en 1866; il n'a pas contracté avec vous de son vivant, il
n'a pas reçu de vous un écrit constatant l'acceptation des conditions
expresses qu'il exigeait. Que voulez-vous donc après sa mort? Que dis-je?
11 n'a pas voulu pendant sa vie livrer sa musique inachevée; il était
libre de tout engagement légal. 11 est allé plus loin , il a défendu de la
livrer après sa mort. Voilà son testament, sa dernière volonté qui inter-
dit la publication de ses compositions inédites. La date de cet acte est
un argument terrible contre vous. C'est en 1863 qu'il l'a écrit. Depuis
un an au moins, il ne s'était plus occupé de faire représenter le rêve de
Gœthe, trois ans se sont écoulés depuis et ni représentation ni contrat
n'ont eu lieu. Cette composition est restée inédite, et le testament in-
terdit la publication de ses compositions inédites.
En vain prétendez-vous que cette interdiction ne frappe pas 'fa Jeu-
nesse de Gœthe; celle prétention tombe devant une réponse trop déci-
sive. S'il faut vous en croire, Meyerbeer avait un vif désir de faire
jouer cette composition ; vous m'accorderez bien qu'il avait alors deux
désirs : faire jouer la Jeunesse de Gœthe, faire jouer l'Africaine. Je vous
accorde la même ardeur chez lui pour les deux compositions inédites.
Eh bien ! dans son testament, il ordonne qu'on renferme ses composi-
tions inédites; il n'en excepte qu'une de cette proscription : l'Africaine.
De Gœthe, pas un mot. Vous dites : « C'est un oubli. » Mais quoi ! si
plein de la composition de Gœthe, si plein de la composition de l'Afri-
caine, il réserve l'Africaine à la publicité, et il oublie d'excepter de l'in-
terdiction absolue la Jeunesse de Gœthe'.
Le procès est plaidé : la question de_ droit ne supporte pas l'examen :
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
point de loi, point de contrat. Les faits et le testament condamnent vo-
tre prétention. Elle sera donc condamnée à mon immense regret, je le
dis encore. Mais quoi? Ce grand génie, tout préoccupé de sa gloire,
craignait qu'un souffle ne -vînt la ternir, elle si grande et si pure. Il a
ordonné, ne voulant pas qu'après sa mort on pût dire que son génie en
décroissance ne s'était pas tenu à la même hauteur. Ainsi, dans l'an-
cienne Rome, Virgile ordonna de brûler son VEnéidc, qu'il ne trouvait
pas complètement achevée. Auguste brisa ce testament, la postérité la
plus reculée [admirera Enéide. Messieurs, Auguste agissait en empereur
romain, à qui tout pouvoir appartenait, et il ordonnait au nom de la
gloire de la patrie dans un immense intérêt public.
Vous, Messieurs, dans ce débat d'intérêt privé, qui se réduit à une
triste question de dommages, vous déciderez avec la loi et vous respec-
terez la dernière volonté de Meyerbeer. Il a préservé sa gloire jusqu'au
bout. II a pu dire en contemplant son œuvre avant de mourir ce qu'Ho-
race avait écrit :
Excgi monumentum œre pcrennius.
Son œuvre ne périra pas. Il a placé sur son front une couronne im-
mortelle; il ne nous appartient pas de vouloir plus qu'il n'a voulu, d'at-
tacher à cette couronne un nouveau fleuron qu'il a défendu d'y joindre-
Messieurs, respecter la dernière volonté d'un illustre mort, c'est lui
rendre un hommage digne de lui. Vous vous féliciterez que la loi, d'ac-
cord avec vos sentiments élevés, vous prescrive de consacrer la dernière
volonté de Meyerbeer.
Nous avons donné les conclusions de l'avocat impérial, et nos
lecteurs connaissent le jugement rendu par le tribunal.
M. Blaze de Bury a interjeté appel de la sentence.
ETUDES SUR CHÂRLES-MÀRIE DE WEBER,
D'après la blograpbic écrite par «on HIm.
TROISIÈME PARTIE,
{"« article) (I).
Nous avons interrompu notre récit au moment où Weber rece-
vait de la bouche de son vieil ami, le comte Vitzthum, une nou-
velle qui mettait à néant toutes les espérances fondées sur la
réussite de son opéra. Il fut pris tout d'abord d'un imniensc dé-
couragement ; puis, sa nature prolondément artiste prit le dessus
et il se remit au travail ; à la vérité, il ne se sentit pas le cou-
rage d'écrire son oeuvre, mais du moins les motifs qu'elle lui avait
inspirés ne furent pas perdus pour le monde musical, car il s'en
servit pour plusieurs morceaux, de piano qui l'occupèrent pendant
l'été de 1819; c'est ainsi q\i' Alcindor se fondit dans les huit pièces
à quatre mains, si populaires en Allemagne, dans le rondo en mi
bémol, dans la Polonaise, dans d'autres morceaux encore, parmi
lesquels nous citerons le plus connu de tous, celui qui ouvrit de
nouveaux horizons à ce genre de compositions; nous avons
nommé YJtivitation à la valse. II préludait ainsi à ses grandes
œuvres lyriques par des fragments qui, bien que la menue mon-
naie de son génie, contiennent en germe et reflètent tout ce
qu'elles présentent de grand et de beau dans leur conception.
C'est ainsi que se termina l'été de 1819, durant lequel il eut
la joie d'offrir l'hospitalité au jeune Marschner, qui avait déjà tait
représenter à cette époque son Henri IV et d'Aubigné, ainsi qu'au
banquier Mendelssohn-Bartholdi, qu'accompagnait son fils Félix,
alors âgé de dix ans, A sa rentrée en ville, il reçut Spohr et sa
femme, qui venaient se faire entendre à la cour, Hummel, le
grand pianiste, Moschelès, Mozart le fils, qui n'avait qu'un tort,
celui d'être écrasé par le nom qu'il portait, enfin le jeune Béné-
dict, qu'il prit pour élève sur la recommandation de Hummel. La
maison de Weber était, comme on voit, le rendez-vous des
grands artistes de passage à Dresde; une société brillante, ins-
truite s'y réunissait, et c'était un grand honneur que d'y être
admis,
(1) Voir les n" 18, 21, 23, 25, 28 et 31.
Sur ces entrefaites, le comte de Briihl avait prié Weber de luj
envoyer le libretto de la Fiancée du Chasseur, par lequel il dési-
rait inaugurer la nouvelle salle; le comte s'en montra tellement
satisfait qu'étant venu , peu de temps après, passer quelques jours
dans une terre qu'il possédait aux environs de Dresde , il traita
définitivement avec le maître et lui recommanda de se tenir prêt
pour le mois de février suivant.
Ce fut une grande joie pour Weber, qui se remit avec ardeur
au travail si longtemps interrompu ; le premier acte, on se le rap-
pelle, était seul terminé. Le 17 septembre, il acheva le trio du
second acte entre Mas, Agathe et Annette, et le 14 novembre la
grande scène de la Gorge-aux-Loups , qui est la page capitale de
l'œuvre, le duo entre Agathe et Annette et l'ariette de cette der-
nière : Qu'un garçon jeune et candide, suivirent de près ; le grand
air d'Agathe et l'esquisse de la ronde favorite furent composés en
un jour.
Le 6 décembre , Weber était assez avancé dans son œuvre pour
écrire au comte de Briihl que sa partition serait terminée en
mars et qu'elle pourrait, grâce aux ressources dont le théâtre de
Berlin disposait, être étudiée et mise en scène dans l'espace de
deux ou trois semaines; Briihl lui répondit que l'ouverture du
théâtre était remise, mais que le premier opéra représenté serait
le sien.
Ainsi, cette mauvaise année de 1819 se terminait par une bonne
nouvelle; le Freischutz allait être représenté sur l'un des plus beaux
Qiéâtres du monde et dans une ville qui passait, à juste titre, pour
le foyer de la renaissance nationale; le premier jour de l'an se
passa donc gaîmeut au milieu d'amis, parmi lesquels était venu
prendre place Morlacchi ; il avait, en effet, écrit le matin même à
Weber une lettre par laquelle il lui demandait d'oublier le passé
et de lui accorder son amitié. Cette démarche, de la part du
maître de chapelle italien, était des plus louables, et c'est ainsi que
Weber l'avait considérée; malheureusement elle n'eut pas de longs
effets, car les luttes ne tardèrent pas à recommencer, plus vives et
plus acres que jamais, et cela dans des circonstances que nous ne
pouvons passer sous silence.
Dans les derniers jours de l'année qui venait de s'écouler,
Weber avait rais à l'étude Emma di Resburgo, le nouvel ouvrage
de Meyerbeer, qui faisait fureur dans la péninsule. Quoiqu'il blâ-
mât les tendances alors exclusivement italiennes de son ancien
condisciple, il avait tenu à ce que cet opéra fiît représenté dans
toute son intégrité, et dans ce but il le faisait exécuter en langue
italienne. Emma di Resburgo obtint un grand succès, tandis que
Abimelek, du même maître, représenté à peu de jours de distance,
tomba ou à peu près. Cet ouvrage, qui est antérieur au premier,
est conçu, comme on sait, dans la manière allemande, et Weber,
qui était Allemand dans l'âme, ne pouvait s'empêcher de déplorer
sa chute, en même temps qu'il ne savait s'il devait se réjouir ou
se lamenter du triomphe de l'ouvrage italien; il se laissa même
aller, à cette occasion, à écrire un article dans lequel il expliquait
ses idées sur les deux écoles rivales , reprochant , avec une cer-
taine aigreur, à Meyerbeer de « sacrifier immodérément à la
fièvre rossinienne, » Cet article, qui parut dans une feuille locale,
souleva des fureurs sans nombre dans le parti italien; Morlacchi
ne fut pas , comme on pense , le dernier à bondir sous ce coup
inattendu; il rédigea une pétition au ministre Einsiedel, dans la-
quelle les termes n'étaient pas ménagés à l'endroit de Weber ; il y
était dit en outre que tous les Italiens résidant à la cour de Saxe
se regardaient comme attaqués dans leur honneur et demandaient
satisfaction; la pétition se couvrit de signatures, et peu s'en fal-
lut que Weber ne s'attirât une méchante affaire. Par bonheur
Einsiedel, influencé par le comte de Koenneritz, qui avait succédé
au comte Vitzthum dans ses charges et dans sa prédilection pour
DE PARIS.
285
l'opéra allemand, mit tous ses soins à ce que l'affaire n'eût pas de
suites; bien plus, il donna raison à Weber, du moins en paroles,
ce qui n'empêcha pas Morlacchi de se vanter d'avoir fait « donner
sur les doigts » à son collègue.
Dans une autre circonstance, les Italiens prirent leur revanche.
On avait annoncé la visite du roi de Prusse à la cour de Saxe;
c'était la première rencontre des deux souverains depuis la confis-
cation d'une partie de la Saxe par la Prusse. Le roi de Prusse
arriva dans une petite voiture, accompagné d'un aide de camp ; il
portait une capote grise sur laquelle se dessinait seule la décora-
tion sévère de la Croix de 'fer; le roi de Saxe, au contraire,
portait perruque à catogan, habit à la française, souliers à
boucles, etc.; Weber, mêlé à la foule qui encombrait les abords du
château j ne put s'empêcher de laisser échapper cette pi'édiction :
« Voici l'avenir, voici le passé! » Le mot recueilli, colporté, am-
plifié, ne tarda pas à venir aux oreilles des ministres et du roi»;
Les Itahens en tirèrent parti , leurs journaux firent feu de toutes
pièces. Weber fut tancé vertement et subit de ce fait une sorte de
disgrâce. Morlacchi, au contraire, y gagna une véritable popula-
rité; il avait fait exécuter à l'entrée du roi de Prusse dans le pa-
lais l'ouverture de la Pie Voleuse , de Rossini , et cette allusion ,
qui n'avait échappé à personne, avait rempli de joie le cœur des
bons Saxons , si dévoués jusqu'en ces derniers temps à leurs rois
et si fiers de leur autonomie.
Quoi qu'il en soit, Weber travaillait sans relâche à son Freis-
chutz; c'était le nouveau titre de l'opéra destiné au théâtre de
Berlin. Le comte Briihl avait demandé l'envoi de la partition dans
le plus bref délai, aussi les morceaux se succédaient-ils avec ra-
pidité sous la plume du maître, et le 13 mai il terminait son
œuvre par la dernière note de l'ouverture; la réduction au piano
fut achevée en même temps ; puis Weber passa le mois de juin à
revoir sa partition, et sans doute il la trouva parfaite, car son
manuscrit, qui appartient à la bibliothèque de Berlin, est une
merveille de netteté ; on n'y découvre pas une rature, pas une
correction.
Pour donner à la direction du théâtre de Berlin la facilité de
commencer à temps l'étude des choeurs, qui sont, comme chacun
sait, d'une grande importance dans le Freischutz, Weber envoya dès
le 8 mai sa partition à M. de Brûhl, en le priant de la mettre à
l'étude sous la conduite du directeur de musique Seidel. Celui-ci
s'acquitta de cette tâche avec conscience ; aussi Weber n'eut-il
à s'inquiéter en aucune façon des chœurs, qui marchaient à mer-
veille, lorsqu'il vint à Berlin pour diriger les répétitions de son
œuvre. Il est vrai qu'une année entière sépare ces deux dates,
l'inauguration de la nouvelle salle ayant été ajournée au prin-
temps suivant.
Weber était en pleine inspiration du Freischutz quand il reçut
une lettre de M. de Brùhl, qui lui demandait s'il pouvait se char-
ger de la musique à intercaler dans une comédie de Wolff, tirée
d'une nouvelle de Cervantes intitulée Preciosa. Le maître de
chapelle de Weimar, Eberwein, avait entrepris ce travail, mais il
n'avait pas réussi, et la pièce, refusée par le prédécesseur de
Brulil, était restée dans les cartons du théâtre de Berlin. Ce fut,
comme nous venons de voir, le comte de Brûhl qui l'en tira.
Quoique Weber n'aimât pas ce genre de compositions , cependant ,
pour l'amour de son gracieux protecteur et de l'excellent auteur
et comédien Alexandre Wolfif, qu'il tenait en profonde estime, il
accepta cette tâche. Ce dernier se hâta de lui envoyer sa pièce,
et Weber se mit à la besogne. Il en entreprit d'abord le travail
comme un simple délassement; mais au bout de peu de temps il
se sentit entraîné vers Preciosa ; les contrastes qui existaient entre
les deux ouvrages lui plaisaient. L'amour était autre au pied de
la Sierra-Nevada que dans une forêt de Bohême, et la vie des
petits-fils des Egyptiens ne ressemblait en rien à celle des chas-
seurs allemands. Weber se plut aussi à se servir, dans Preciosa,
d'airs espagnols qu'il avait recueillis, en 1812, à Cotha, de la
bouche même de soldats espagnols qui tenaient garnison dans
cette ville. Mais quoi qu'il soit de ces différences dans les deux
ouvrages auxquels Weber travaillait simultanément, on sent cou-
rir un souffle freischutzien dans la musique de Preciosa. La mu-
sique de Preciosa prépare si bien à celle du Freischutz, qu'on
croit généralement qu'elle a été composée antérieurement. Il n'en
est rien ; car la première note de Preciosa fut écrite postérieure-
meiit à l'achèvement du Freyschutz. La composition de ce nouvel
ouvrage présente ce fait remarquable et fort rare, que Weber
commença par l'ouverture, dans laquelle néanmoins il se servit
des principaux motifs qu'on rencontre dans le reste de l'œuvre, fait
qui prouve surabondamment que, suivant sa coutume, il ne com-
mençait à écrire qu'après avoir en quelque sorte fini de composer
dans son esprit. Dès le 20 juillet, la partition, terminée, revue et
corrigée, partait pour Berlin. Preciosa devait entrer en scène im-
médiatement, mais des empêchements en retardèrent la représen-
tation jusqu'au mois de mars suivant.
Cette année de 1820 fut une des plus laborieusement remphes
parmi celles qui marquent l'époque où Weber, dans la plénitude
de son talent, composa la série de chefs-d'œuvre qui l'immortali-
sèrent. La perspective d'être applaudi par un public d'élite et bien
disposé en sa faveur avait doublé ses forces ; sa santé semblait
s'êti-e affermie, et son activité ne se ralentissait pas un moment.
A peine eut-il terminé Preciosa qu'il se mit à la recherche d'un
autre poëme, mais cette fois un poëme d'opéra -comique, qui le
reposât de ceux qu'il venait de traiter. Son ami, le poëte Théodore
Hell, lui en apporta un qui lui plut; c'était un sujet espagnol,
dont le titre était les Trois Pintos. Weber se hâta de l'acquérir,
puis il se proposa d'y mettre tout ce que son génie lui dicterait
de mieux. A partir de cette époque jusqu'à sa mort, ce poëme ne
le quitta plus ; malheureusement on n'en a retrouvé que des frag-
ments, mais nous reparlerons des Trois Pintos. Ce que nous de-
vons dire dès maintenant, c'est qu'à cette époque Weber ne vou-
lait entendre parler que de sujets espagnols, et que son attention,
après avoir erré sur Pizarre, Christophe Colomb, don Juan d'Au-
triche, s'était fixée sur le Cid, dont il voulait faire un opéra hé-
roïque. Kind qui était, comme on sait, actif en besogne, s'était
mis aussitôt à esquisser son libretto ; mais Weber ne donna pas
suite à son idée, un opéra portant le même titre ayant été joué
sur ces entrefaites à Munich. Il est permis de regretter cette abs-
tention, car assurément ce sujet lui eût mieux convenu que la
fable très-médiocre d'Euryanthe, sur laquelle s'exerça son génie
dans la suite.
Cependant l'ajournement de l'inauguration du nouveau théâtre
de Berlin à l'année suivante créait à Weber des loisirs qu'il mit à
profit pour exécuter un voyage qu'il projetait dans le nord de
l'Allemagne et en Danemark. Il y recueillit toutes sortes d'ovations
et revint par Dresde où, sur la prière de son vieil ami Baermann,
il organisa un concert dans lequel il fit entendre, pour la pre-
mière fois, l'ouverture du Freischutz. Le public parut étonné,
surpris, plutôt qu'enthousiasmé. Les amis de Weber, — Meyerbeer
était du nombrt-, — s'en alarmèrent, mais lui avait confiance
dans son œuvre, et dans sa fierté d'auteur il disait : « Laissez
faire; il y a dans le Freischutz une foule de choses qu'on ne con-
naît pas au théâtre; comment voulez -vous qu'on les saisisse de
prime abord? »
Le succès très-honorable de Preciosa, représenté à Berlin au
mois de mars suivant, le confirma dans ses espérances. A la vé-
rité, la critique s'était montrée froide à l'égard de cet ouvrage;
en outre, des réserves s'étaient élevées çà et là sur ce qu'il y
286
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
avait d'osé dans la musique. Néanmoins, Weber avait pu conclure,
de l'ensemble des nouvelles qui lui étaient parvenues, qu'il ob-
tiendrait un succès de bon aloi, et acquérir la certitude de l'im-
pression favorable que sa nouvelle œuvre avait produite sur les
habitants de Berlin. C'était là le point essentiel, car ce même pu-
blic devait juger, quelques mois plus tard, le Freisckutz- ; or,
nous l'avons dit, rien ne pouvait mieux disposer les esprits en fa-
veur de ce dernier ouvrage que la musique de Prcciosa ; car les
liarmonics pleines de hardiesse et de mélodies coulées dans un
nouveau moule que l'on remarque dans le Freiscliutz, devaient
paraître bizarres^ inadmissibles, pour le moins originales , aux
rhéteurs de la musique, qui fourmillent à Berlin comme partout.
Que n'eussent pas dit ces derniers, à quels excès de langage ne
se fussent-ils pas livrés, si, par bonheur, les scènes de la forêt et
la chanson des bois de Prcciosa n'avaient pas préludé aux mu-
gissements de la Gorge aux Loups, ii la chanson à boire et au
chœur du rire du Freischutz!
Edmond NEUKOiMM.
(La suite prochainement.)
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et vendredi Ilnmlet
et mercredi la Juive. — On annonce une reprise de Don Carlos pour le
mois d'octobre.
,** L'Opéra-Comique a pris possession cette semaine du Café du
Roi, ce vif et spirituel petit acte de MM. Meilhac et Deffès, que le
succès le plus franc a suivi d'Ems (oii il fut représenté pour la pre-
mière fois il y a huit ans) au théâtre Lyrique en ISG^, et maintenant
sur notre seconde scène musicale. Nous avons retrouvé Mlle Girard tou-
jours fine, toujours charmante et délurée dans ce rôle de Louis XV
qu'elle a créé avec tout le mordant et toute la malice de son esprit.
Dans la romance du Sommeil elle a de charmants effets de mezza voce.
Mlle Heilbron, un jeune talent plein d'avenir, forme avec Mlle Girard
le pins piquant duo qui se puisse imaginer. Bernard tient convenable-
ment le rôle du marquis. On a jeté deux bouquets à Mlle Heilbron. On
ne peut que savoir gré à la direction de l'Opéra-Comique d'avoir ou-
vert une place dans son répertoire à la perle musicale de M. Deffès;
c'est là un acte de goût et d'excellente gestion. — Le Café du roi ac-
compagne, à présent, les Dragons de IVHars, qui luttent avantageusement
contre la recrudescence de la chaleur. — La reprise du Premier Jour de
bonheur aura lieu du lo au 20 de ce mois. C'e.st Mlle Moisset, premier
prix au dernier concours du Conservatoire, qui remplacera Mlle Roze
dans le rôle de Djelma. — La direction a aussi engagé Laurent, le
ténor des Fantaisies-Parisiennes ; il débutera dans l'opéra de M. Poize,
qu'on répète en ce moment. —Jeudi, la reine de Mohély assistait à la
représentation de Zampa , dans une loge mise avec empressement par
les directeurs à sa disposition.
^*^ Le directeur du théâtre Italien vient de publier le programme de
sa prochaine saison, qui ouvrira le l^' Oi-tobre. La salle a été complète-
ment restaurée.- Le réperioire sera choisi parmi les meilleurs ouvrages
des maestri Rossini, Bellini, Donizetti, Mozart, Cimarosa, Verdi, Flo-
Tovv, Ricci, Paesiello, Poxiatowski , etc., et il sera donné au moins
deux opéras nouveaux pour le théâtre Italien de Paris dans le cours de la
saison théâtrale. Les artistes engagés jusqu'à ce jour sont : prime donne
soprani : Mmes Adelina Patii, Minnie Hauck, de Murska, Ricci; mezzo
soprjno et conirallo: Mnies Krauss, Grossi ; seconde donne: Mmes Rosello,
Vestri ;;3n'ma mima .-MUeUrban; primi tenori: MM. Fraschini, Tamberlick,
Nicolini, Palermi; secondi tenori : Ubaldi, Arnoldi; primi baritoni: Délie
Sedie, Steller, Verger; basso cantante: Agnesi; bassi et buffi: MM. Ciampi,
Zimelli, Wallenreiter, Mercuriali, Fallar; chef d'ordxestre: Skoczdopole;
directeur du citant: Alary.— Parmi les f-ri'me do?!ïie, on entenrira pour la
première fois à Paris Mlle Hauck, prima donna de l'Opéra italien de New-
York; Mlle de Murska, prima donna du théâtre impérial de Vienne, qui
a chanté deux saisons avec un très-grand succès le répertoire italien au
théâtre de Sa Majesté, à Londres; et Mlle Ricci, jeune prima donna ita-
lienne déjà célèbre en llalie, fille et nièce des frères Ricci, auteurs de
Criipino e la Comore. — Les pourparlers entamés avec Mme Alboni n'ont
maliieureusement pas abouti. — Comme on le voit, M. Bagier n'a rien
épargné pour rendre sa troupe très-complète, et les habitués du théâtre
Ventadour ont toutes raisons de compter sur une saison intéressante.
^*^ Divers journaux annoncent que la question du théâtre Lyrique serait
résolue par le consentement qu'aurait donné M. Pasdeloup à la reprise du
I matériel au prix d'estimation. On doit supposer que pour faire revenir
M. Pa,sdeloup sur sa résolution bien arrêtée de ne pas se charger d'un
pareil fardeau, des compensations lui auront été accordées. Quoi qu'il
en soit, il aurait d'ores et déjà ratifié définitivement les engagements
qu'il avait faits à titre provisoire.
^*^ M. Carvalho étant demeuré titulaire du bail de la salle Ventadour
pour les jours impairs de la semaine, n'a point perdu l'espérance d'y
continuer l'exploitation que ses embarras financiers sont venus inter-
lompre. Il fait des démarches actives dans ce but; mais il serait diffi-
cile de prévoir l'époque où il aura pu reformer une troupe convenable et
reconstituer un répertoire dont plusieurs œuvres importantes ont déjà
passé en d'autres mains. M. Carvalho possède toujours en sa femme une
prima donna hors ligne, et dans M. Deloffre un excellent chef d'orches-
tre; c'est quelque chose, et son courage uni à son activité pourront bien
faire le reste.
If** Jeudi dernier, l'Athénée a rouvert ses portes par la reprise de
Fleur de Thé, interrompu en plein succès. Cette reprise avait attiré un
nombreux public. M. Daubray, artiste remarqué l'an dernier au théâtre
Déjnzet, a remplacé Désiré sans désavantage dans le rôle du mandarin
Tien-Tien. Mme Lovato est toujours l'anmsante cantinière que l'on sait.
La charmante Lucie Cabel fait des progrès de chant et de jeu dont il
faut lui tenir compte. Luce tire un excellent parti du personnage de
Pinsonnel. Quant à Léonce, il est de plus en plus Léonce, et c'est tout
dire; il chante d'une manière ébouriffante une chanson nouvelle inter-
calée, pour lui, au troisième acte, et qu'on lui a redemandée avec accla-
mation. L'opéra-bouffe de Charles Lecocq va tenir avantageusement l'af-
fiche jusqu'à l'apparition du Petit Poucet, annoncé pour le 10 octobre.
i*ii La direction des Bouffes-PaHsiens a reçu, pour le jouer au mois
de novembre prochain, le Moulin ténébreux, opéra-comique en un acte
de MM. Charles Narrey et Albert Vizentini.
,f*^ Les trois actes que M. Frédéric Ricci donnera cet hiver aux Fan-
taisies-Parisiennes, et dont nous avons déjà parlé, auront pour titre
.Monsieur de la Palisse; M. Victor Walder est l'auteur du livret. —
M. Martinet s'est a'-suré par traité, dit-on, tout le répertoire des frères
Ricci ; c'est ainsi que le Docteur Crispin (Crispino e la Comare) sera éga-
lement chanté cet hiver au boulevard des Italiens. La Fête du village
voisin, de Boïeldieu, complétera la série des ouvrages que nous avons
désignés comme devant être représentés durant la saison prochaine des
Fantaisies- Parisiennes.
^** Le pupitre de chef d'orchestre de la Porte-Saint-Martin a été of-
fert par M. Raphaël Félix à M. Albert Vizentini. Choix excellent et dont
la nouvelle a été accueillie avec une faveur marquée.
»*,j Mardi dernier, ainsi que nous l'avions annoncé, le Grand-Théâtre
de Lyon a inauguré sa nouvelle campagne avec les Mousquetaires de la
Jieine, pour les débuts d'opéra-comique, et les Huguenots (décors nou-
veaux, chœurs renforcés), pour la rentrée de MM. Delabranche, Méric et
Marthieu dans le grand-opéra.
*** Si l'on en croit un entre-filets du Moniteur, M. Strakosch aurait
obtenu du prince Poniatowski la promesse de composer la musique d'un
opéra en trois actes sur un poënie italien de Rizelli.
*.** On lit dans la Gazette des étrangers : « Le directeur de la Scala
fait offrir à Mme Marie Sass de venir jouer, pendant deux mois, à
Milan, la Juive et l'Africaine, aux appointements de 23,000 francs par
mois. Quel que soit le sort de cette proposition, elle ne pourrait, dans
tous les cas, être réalisée immédiatement. »
,t*i La célèbre cantatrice Miss Kellog s'est embarquée hier à Liverpool
pour New-York, où elle va remplir le brillant engagement qui l'attend
en Amérique pour la saison d'hiver.
NOUVELLES DIVERSES.
j^*^ La saison a été fort brillante cette année à Dieppe. Une société
nombreuse et choisie n'a pas cessé d'assiéger la magnifique terrasse du
Casino, où l'orchestre de M. Placet se faisait entendre de 3 heures 1/2
à 3 heures 1/2. Le soir, dans la rotonde, nouveau concert, ou
un bal, ou une représentation théâtrale. Dans ces derniers temps, on
y a applaudi successivement la voix de Mme Enrichetta Corradi, celle
de M. Lédérac, le violoncelle de M. Lamoury, le violon magique de
Mlle CasteUan, et l'intéressant trio des enfants Frémeaux, qui arrivaient
triomphants de Vichy. Us ont donné deux concerts où l'on a chaleureu-
sement applaudi leur précoce et remarquable talent. — Le feu d'artifice de
dimanche dernier, sur les falaises du château, a obtenu un succès com-
plet. Enfin, par deux fois, Mlle Thérésa a chanté, au Théâtre, les meil-
leures chansonnettes de son répertoire, et la salle s'est trouvée trop pe-
tite pour conienir la multitude des admirateurs de son talent populaire.
DE PAIUS
287
;f** Une compagnie musicale, composée de virtuoses éminents et dont
le répertoire comprendra exclusivement les pages les plus Iirillanles de
l'art ancien et moderne, se forme en ce moment ù Paris, sous la direc-
tion de M. Thiijaut, l'un des capitaines de musique do la garde natio-
nale de Paris. Cette Société a pour Ijut d'entreprendre des tournées
artistiques en province et de foire pour la musique d'ensemble ce que
Ulmann a si complètement réalisé pour quelques célébrités vocales et
injtrumenlales. Nous applaudisfons sans réserves à cotte courageuse initia-
tive dont les résultats peuvent être également utiles à l'art et aux artistes,
et nous appelons sur celte fondation l'attention des localités désireuses
d'avoir des concerts formés d'éléments nouveaux pour elles.
a,** Hier soir, au concert du jardin des Tuilerie.^, on a beaucoup re-
marqué et chaleureusement applaudi l'exécution par la musique tle la
gendarmerie de la garde de l'originale et charmante mazurka, Alice, de
d'Autherive, un nom promis au succès. Ce morceau a été arrangé pour
musique d'harmonie par M. Fabre, l'excellent clarinettiste de cet or-
chestre militaire.
.■i;*:i; Le Conservatoire de Naples, où l'art musical a déjà son histoire
tout entière représentée par les monuments et les documents les plus
curieux, vient de s'enrichir encore d'une précieuse collection de portraits
de coiiiposiiours célèbres, qui lui a été donnée par le conservateur de
SCS archives, M. le, chevalier de Florimo, l'ami de Bellini, et composi-
teur distingué lui-même. Au nombre do ces portraits à l'iuiile authen-
tiques, la plupart d'excellents peintres et dont quelques-uns conservent
les cadres de l'époque, on admire ceux de Scarlatli, Haendel, Pergolèse,
Gluck,. Jomelli, Joseph Haydn, Sacchini, Cimarosa, Mozart, Bellini, etc.
Ce dernier, dû à Pélagie- Palagi, le maître de tous les peintres qui se
sont fait un nom dans l'école lombarde contemporaine, est particulière-
ment remarquable. Le génie tendre et mélancolique de l'auteur de
Norma se révèle dans chaque coup du pinceau de l'artiste philosophe.
La presse musicale italienne n'a pas ménagé ses éloges à M de Florimo
pour ce don plus que généreux fait par lui avec tant d'abnégation à un
établissement dont il maintient avec Mercadante le faste et la réputation.
„:'* La bibliothèque de Brunswick vient de s'enrichir d'une curieuse
collection de iO,00(> programmes de théâtre de tous les pays, dont une
quantité notable remonte au siècle dernier; il s'y trouve toute une série
de programmes de théâtre de foire , et ce ne sont pas les moins inté-
ressants. C'est le major Haeupler qui a mis vingt ans de sa vie à réu-
nir cette collection .
,s% Notre collaborateur A. Elwart vient de faire une découverte pré-
cieuse : celle du poi'trait original de Haendel, peint en 1743 par le célèbre
Hogarth. La toile était dans un état pitoyable. M. A. Elwart, aidé de
l'habile restaurateur de tableaux M. Forgeais, l'a fait rentoiler et, dans
quelques jours , on pourra contempler les traits sévères et si profondé-
ment accentués de l'auteur du Messie et de tant d'autres chefs-d'œuvre.
^*^, L'ordre très-distingué et fort recherché du Mérite, qui donne la
noblesse et ne s'accorde qu'aux illustrations civiles de premier ordre,
vient d'être conféré par le roi d'Italie au compositeur napolitain Merca-
dante.
**^ Le bpy de Tunis vient de décerrer à M. Capoul la décoration
d'officier de l'ordre du Nischam.
t*,f M. Albert Sowinski, auteur d'une remarquable Vie de Beethoven,
fera paraître incessamment une Histoire de la Vie et de IVEuvre de Mo-
zart, traduite de l'Allemand, de G. N. Nissen. On souscrit pour ce nou-
vel ouvrage chez l'auteur, rue de Grenelle-Saint-Germain , 39 , à Paris.
ij,*ii, Stœger, Seligmann et Besekirsky sont en ce moment à Mannheim;
ils annoncent pour le 12 septembre un concert qui promet d'être bril-
lant.—Le célèbre quatuor florentin, dirigé par Jean Becker, a été ramené
dans cette ville par ses pérégrinations à travers l'Allemagne. Paris, où
on ne l'a jamais entendu, est sur son itinéraire pour cet hiver.
.j;*^ Jeudi est mort à Paris M. Stephen de la Madelaine, professeur de
chant distingué, ancien chanteur récitant de la chapelle et de la mu-
sique particulière de Charles X, d'où il passa comme chef de bureau au
llinistère de l'intérieur, à la direction des beaux-arts; il a écrit beau-
coup d'ouvrages remarquables sur son art : la Physioloyie du Chant, les
Théories complètes du Chant, et, en dernier lieu , Etudes pratiques du Style
vocal; il avait participé à la rédaction de plusieurs journaux de mu-
sique. La Gazette Musicale le complaît au nombre de ses collaborateurs,
et il rédigea pendant quoique temps le feuilleton musical du Courrier
français. Il était âgé de soixante-sept ans. Ses funérailles ont eu lieu
hier à l'église Saiut-Louis-d'Anlin , devant une nombreuse assistance
d'amis, d'artistes et d'hommes de lettres, auxquels il fut toujours très-
sympathique. M. Elwart a prononcé quelques mots bien sentis sur sa
tombe.
s^*jf Nous avons le regret d'annoncer la mort, à Etretat, du pianiste-
compositeur René Favarger, qui jouissait en France, mais à l'étranger
surtout et notamment en Angleterre, d'une réputation légitimement ac-
quise. Il est l'auteur d'œuvres nombreuses qui ont beaucoup de succès.
^•,1; On annonce la mort : à Vienne (Autriche), de Louis Morelly, Ûgé
de cinquante-quatre ans, chef d'oreiicslrc et compositeur de musique de
danse; — à Prague, d(^ Sigi.smond Kole.sowsky, compositeur et directeur
de l'Académie Sopliie ; — ii Leipzig, de Mme Ueinecke, née Scharnke,
femme du directeur du Conservatoire et ancienne artiste lyrique; — à
Francfort, de M. Xavier Schnyder de Warten.sée , né à Luci'rne (Suisse),
et âgé de quatre-vingt-deux ans, compositeur el théoricien.
^*i^ Aujourd'hui dimanche, C septembre, grande Fête champêtre au
Pré Catelan; — Grand Bal d'Enfants, avec tombola à quatre heures; —
Représentations au Théâtre des Fleurs à cinq heures. De plus la remarquable
musique des zouaves admirablement conduite par M. Hcmmerlé.
ETRANGER
^*^ Bruxelles. — Le 1" septembre , le théâtre royal de la Monnaie a
fait sa réouverture avec le Maître de Chapelle et le Docteur Crispin. —
La troupe reste ce qu'elle était l'année dernière, sauf les exceptions sui-
vantes : MM. Massy (ténor), Giraudet (basse). Mlle Marty succèdent à
MM. Dulaurens, Vidal, Mme Erembert; Mlle Marimon, qui laissa ici
d'excellents souvenirs il y a deux ans, est de nouveau engagée. La sai-
son sera abrégée d'un mois et se terminera le 30 avril IS69.
^*-jf Anvers. — Un oratorio, ou plutôt un opéra idéal intitulé De Schelde
(l'Escaut), de Pierre Benoît, le directeur de notre Conservatoire , sera
exécuté au mois de novembre prochain. On en parle déjà comme d'une
œuvre d'une grande valeur.
^*^, Spa.—Aa concert du 21 aoîit ont pris part Mlle Schrœder, Mme Es-
cudier-Kastner et M. Dimkler. L'air des Bijoux, de Faust, celui de Sémi-
ramirie, ont fait valoir le talent gracieux et plein de charme de
Mlle Schrœder, Mme Escudier-Kastner, la pianiste au jeu puissant et
plein de feu, a exécuté la valse de Faust, le Feu follet et le Torrent;
Dunkler, enfin, l'habile violoncelliste, a rappelé la manière si expressive
et si noble de Servais, dont il semble devoir recueillir l'héritage.
,j*a. jBade. — Les représentations d'opéra allemand, qui vont avoir
lieu bientôt, seront dirigées par le chef d'orchestre Eckert (de Stuttgard),
qui prend la place de Reiss (de Cassel), éloigné de son poste par les
suites d'un accident.
**,j Wiesbaden. — Le célèbre Wachtel va se fixer ici, dans la belle
villa Blomberg, dont il vient de faire l'acquisiiion au prix de S0,000 flo-
rins.
,% Berlin. — Le théâtre de Kroll, dont le directeur Engel a déployé
pendant toute la saison une si louable activité, a clos le 31 la série de
ses représentations d'opéra par Don Juan .
:i:% Cologne. — Les examens publics du Conservatoire viennent d'avoir
lieu. Les classes de piano de MM. Gernsheim, Seiss et Rudorfî, celles
de violon de MM. Kœnigslœw et Japha, celles de chant de M. et
Mme Marchesi, celle de déclamation de Mme Ernst, se sont distinguées
entre toutes.
*** Prague.— Le Premier Jour de Bonheur, d'Auber, vient d'être donné
ici avec un très-grand succès.
,^*,j Saint-Pétersbourg. — Le violoniste L. Auer est engagé pour trois
ans comme professeur au Conservatoire et concertmeister ou violon solo
de la Société musicale russe. C'est M. Schradieck, qui lui succède daps
le poste de directeur des concerts philharmoniques de Hambourg.
**,(: Muscou.—XJn pianiste distingué de Londres, M. Charles KUndworth,
vient d'être nommé professeur de piano au Conservatoire.
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1. Chanson de la Cantinière : Vivandière, canti-
nière, parlez, que désirez-vous ? 3 75
2. Couplets : J'ai couru grossir la foule 3 »
3. Duo : A l'éviter j'ai réussi 7 50
4. Chinoiserie' : Je suis clairvoyant comme un sphinx. . 4 50
4 bis. La même, arrangée à une voix 3 »
5. Trio : La loi du Tsinn est fort claire 9 »
6. Confidence : Je suis né dans le Japon 3 »
7. Ariette : En tous pays l'homme est un être 3 75
8. Romance : Césarine à mes vœux docile 3 »
8 bis. La même, transposée pour baryton 3 »
9. Duo : Rappelle-toi, ma chère amie 9 »
9 b is. Couplets de l'Alcôve : Ensuite dans la nuit ... 3 »
10. Ronde du Clicquot: Ce n'est pas un vin de carême 2 50
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ARBAN . Quadrille pour le piano & 50
— Le même, arrangé à !i mains et orchestre . 4 50
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— La même, arrangée à 4 mains et orchestre. 6 »
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Grande-Duchesse de Gérohtein.
8. Straass. Valse du Pardon de Ploërmel.
9. — Valse de Lischen et Fritzchen.
10. Pattt fAd.). Valse: Fleur du Printemps.
H. Hasard. Valse des Bavards.
12. Arban. Quadrille sur /iobinson Crusoë.
13. Strauss. Quadrille sur Marlha.
14. Harx. Quadrille sur l'Africaine.
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Valse des Detix Aveugles.
Valse de Tromb-al-Casar .
Polka des Deux vieilles Gardes.
Polka Coucou et Cricri.
5. Arban. Quadrille de la Grande-Duchesse
de Gérolstein.
6. Stranss. Valse de la Grande-Duchesse de
Gérolstein.
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Parisiens .
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Le Journal paraît le Dimanche.
DE PARIS
SOMMAIRE. — La Critique musicale, par Em. Hathieu de Ilonter. — Les
Théâtres lyriques secondaires à Paris depuis 1820 (7' article) , par Arthnr
Pong^in. — Bibliographie musicale. — Revue des théâtres, par D. A. D.
Saint-Vies. — Correspondance: Bade. — Nouvelles des théâtres lyriques.
— Nouvelles diverses. — Annonces.
LA CRITIQUE nUSICÂLE.
Il n'y a pas de climat où l'on s'ennuie aussi vite que dans le
nôtre, d'aimer ou de ne point aimer. Il n'y a pas de peuple qui
soit plus prompt à s'enthousiasmer, ni plus prompt à s'en repen-
tir. Dites-moi ce que vous adoriez hier, et je vous dirai ce que
vous raillez aujourd'hui. Paris jette chaque jour ses vieux grands
artistes, ses vieux comédiens, et toutes ses défroques théâtrales
célèbres de l'an passé dans ce fleuve au rapide courant qui charrie
à travers le monde toutes nos gloires usées.
Ce caractère d'activité insatiable et tout de suite rassasiée im-
prime à la Critique musicale en particulier une mobilité, une
versatilité nuisibles plutôt qu'utiles aux intérêts de l'art. Devant ce
dire, ce redire et ce contredire perpétuel , l'opinion flotte, indécise,
et le jugement de la loule ne se fixe pas. Que demande, en effet,
le public, ce composé de gens de bons sens, mais prudents, hé-
sitants, dispersés? Qu'on le rallie, qu'on lui dégage à lui-même
son propre avis, qu'on lui indique nettement ce qu'il pense. Cela
est vrai de tous les publics, grands ou petits, même de ceux qui
sont déjà un choix.
11 y a pour la Critique musicale moderne deux lignées distinc-
tes : l'une, honnête, scrupuleuse, impartiale, née de Bayle; l'au-
tre, audacieuse, énergique, grossière même jusque dans le bon
sens, née de Fréron. Dans ces deux filiations, que de tribus di-
verses ! que de tempéraments diff'érents !
Ceux-ci ont le savoir, la plume, l'érudition, la fantaisie. Qu'une
œuvre nouvelle se produise, et ils vont discourir à merveille sur
le sujet ou à côté du sujet, développer leur esprit, se mettre en
scène, vous conter leur humeur ou vous débiter leur science ; ils
vous diront tout, excepté un jugement; ils ont tout du critique,
hormis le judicieux. Ceux-là, au contraire, nous poursuivent sans
cesse de leur ironie et nous atteignent au cœur; ils jettent lejn
regard froid sur notre enthousiasme et ils l'éteignent, et quand
ils nous voient faits à leur image, désenchantés, sans croyance,
et glacés comme eux, alors il nous classent parmi leurs élus et
nous disent avec orgueil : « Vous êtes des nôtres, allez ! »
De ces vaillants, uniquement occupés à détruire, qui mettent
toute leur gloire à troubler celle des autres , toute leur jouissance
à les affliger, toute leur adresse à les distraire, il n'y a qu'un
moyen de triompher, car toute autre victoire serait compromet-
tante, c'est de ne point engager le combat avec eux. Il en est de
sincères, sortes de chevaliers errants de la vérité, en même temps
maîtres d'invectives, qui insultent et injurient avec conviction, dès
qu'on n'est pas de leur avis, de l'opinion ou du système qu'ils
tiennent pour vrais dans le moment. Je ne parle ni des « on-
doyants et divers », ni de ceux qui fondent de petites feuilles, à
la seule fin de rouler maladroitement les ennemis de leur petite
chapelle. Qu'importe l'espèce? Aucune ne conclut. Le propre de
la Critique musicale contemporaine est d'être historique et éclec-
tique. Bienveillante, hostile ou neutre de parti-pris, elle expose
beaucoup, elle comprend tout, elle ne juge pas hautement. C'est
une voie lar^e et féconde, mais qui, à force d'être large, n'aboutit
pas.
Est-ce à cause des allures agressives ou des habitudes de déni-
grement de la Critique musicale, que je constate cette déperdition
dans ses forces vives? Loin de là. Je suis d'avis au contraire qu'il
est excellent d'entendre juger son œuvre par un ennemi. Les en-
nemis ont un flair particulier qui leur tient lieu de talent; ils
mettent le doiîTt sur les défauts avec l'ingéniosité de la haine.
S'ils pouvaient préjuger des services qu'ils nous rendent, ils se
tairaient, mai» la passion est plus forte que la logique, et c'est
ainsi qu'un artiste consciencieux, critiqué, bafoué même, arrive,
après des luttes souvent renouvelées, au degré de perfection que
la nature comporte.
Comme nous voilà loin des maîtres en l'art de rassembler toute
une œuvre d'art dans une suite de réflexions fortes et concentrées,
au moyen d'expressions figurées et profondes, et de la juger par
un ou plusieurs de ces traits qui percent à jour les hommes et les
choses, et qui les qualifient éternellement! Tous les hommes con-
sidérables auxquels s'est appliqué ce titré de Critique jugeaient
290
liEVUE ET GAZETTE MUSICALE
des choses de goût avec vivacité, avec exclusion, avec un senti-
ment net, décisif, irrésistible. Si nous remontons à Diderot, ce
créateur de la Critique émue, empi'esséc, éloquente, nous trouve-
rons en lui cette faculté de dcmi-métamorpliosc, qui est le jeu et
le triomphe de la Critique, et qui consiste à se mettre à la place
de l'auteur et au point de vue du sujet qu'on examine, à lire, h
écouter toute page musicale selon le sentiment qui l'a dicté, à s'en
échauffer la tête et le cœur, et à faire l'analyse féconde des beau-
tés avec la même éloquence que celle des défauts. De Feletzs,
Geolli'oy, Hoffmann, Deialot, les Berlin, Fiévée, Michaud, Gue-
neau do Mussy, Mlle de Meulan, Ginguené, etc., gens d'esprit et
de sens, judicieux, instruits, plus ou moins mordants, n'em-
ployèrent pas un autre procédé, au commencement du siècle,
pour remettre le bon ordre dans les choses de l'esprit et de l'ins-
piration et faire la police des arts et des lettres.
Je crois fermement et je serai heureux si l'on partageait ma
conviction, qu'en critique le salutaire et le profitable seraient de
retremper souvent sa raison, sa logique, sa volonté, dans des étu-
des d'un ordre sé\ère et même de s'aslremdre aux commencements
arides de l'art. Le bon jugement en musique, faculté très-lente et
difficile à acquérir, le goût, qui est la conscience artistique de
l'ûme, et la délicatesse, sans laquelle il n'est point de critique, ré-
sulteraient de ces travaux d'examen et d'assimilation.
« L'art de la critique musicale dans son sens le plus pratique
et le plusvulgaire, consiste à savoir lire ou écouter judicieusement
les œuvres, et à apprendre aux autres à les écouter, à les lire
de même, en leur épargnant les tâtonnements et en leur déga-
geant le chemin. » Telle est la doctrine des juges artistiques les
plus autorisés.
Le critique qui exerce une « influence » véritable n'est qu'un
homme qui exprime parfaitement ce que les autres pensent, et qui
réveille dans les esprits des idées ou des sentiments qui tendaient
à éclore. A lui seul, il ne fait rien ou ne peut rien. La bonne cri-
tique — je ne parle ni de l'exploitation, ni de la réclame — n'a
son action que de concert avec le public et presque en collaboration
avec lui. Le critique n'est que le secrétaire du public, mais un
secrétaire qui n'attend pas qu'on lui dicte, et qui devine, qui dé-
môle, rédige en la rectifiant au besoin, la pensée de tout le
monde.
En remplissant ce rôle, et je l'estime des plus nobles , la Criti-
que ne sera pas entraînée à mettre sans cesse aux prises avec
l'art des choses qui ne paraissent pas devoir lui être si constam-
ment opposées et confrontées. « Il faut surtout s'attacher, écrivait
Gœthe, le maître de la critique, à l'exécution dans les œuvres de
l'artiste, et voir s'il a fait et comment il a fait ce qu'il a voulu. »
D'après ce principe souverain, la notion du beau doit se rapporter
beaucoup plus à l'exécution qu'à la conception de l'œuvre d'art.
La vérité, dans son sens généra!, voilà donc ce qu'il faut entendre
par le Beau. Il est des idéals moins purs, moins élevés, moins
lumineux!
Le judicieux, ainsi retrempé à sa source, y reprendrait de la
vie et de la fraîcheur. Les vraiment belles choses paraissent de
plus en plus telles à proportion qu'on a plus comparé. Une atten-
tion, une connaissance plus étendues, plus vraies rapprocheraient
les jugements dissidents, remettraient d'accord bien souvent la
Critique et lui rendraient son action d'autrefois, sensiblement
compromise aujourd'hui.
Voilà la Critique telle que je la comprends; et telle est la doc-
trine de ceux qui l'ont exercée avec la plus grande autorité, de-
puis Diderot, Johnson, La Harpe, Fontanes, jusqu'à Sainte-Beuve,
qui les résume et les continue. Voilà comme on doit, comme on
devrait toujours étudier, analyser, discuter, critiquer, ce me semble
compositeurs, peintres, artistes et créateurs de tout ordre. Ces
hommes qui osent se mesurer avec l'immortalité, porter le défi au
temps, une partition à la main , chanter ou penser tout haut de-
vant leur siècle, me paraissent les plus intrépides de tous les
hommes. Si nous no pouvons toujours approuver leur talent, ap-
plaudir à ses manifestations, saluer leur génie, respectons au
moins leur courage, prenons leur labeur en considération, ayant
en haute estime leur honneur et leur dignité!
Em. Mathieu DE MONTER.
LES THÉÂTRES LYRIQUES SECOIDÂIRES À PARIS
BSPIJIS tsso.
(7-= article) (1).
i 826. — 14 janvier. — La Forêt de Sdwar^,pastiche en trois actes
arrangé par Castil-Blaze, d'après Collé {la Partie de chasse de
Henri IV), pour les paroles, d'après Webcr, Beethoven et Rossini
pour la musique. Cette nouvelle alla podrida obtient du succès.
2 mars. — La Jeune Aveugle, opéra en un acte, imité de l'alle-
mand, paroles françaises de Chalas et Eugène de Monglave, mu-
sique de Gyrovvetz, arrangée par Poisson. — Qu'était-ce que cet
arrangeur? Je l'ignore complètement. Quant à l'opéra en question,
je crois que c'était une réduction de l'ouvrage en deux actes de
Gyrowelz, créé en Allemagne sous le titre de l'Oculiste.
\ 1 mars. — Marguerite d'Anjou, opéra en trois actes, traduit de
l'italien par M. Sauvage, sur la musique de Meyerbeer. — Ici, il
n'est plus question d'arrangeur, et c'est Meyerbeer qui se chargea de
tous les remaniements. Margherita d'Angiii, dont le poëme italien,
écrit par Romani, était une imitation d'un drame de Guilbert de
Pixérécourt, représenté en 1810 à la GaiLé, avait vu le jour à la Scala
de Milan, le 14 novembre 1820. Meyerbeer, qui ne demandait qu'à
produire son nom en France, en attendant qu'il pût écrire des
ouvrages expressément pour nous, avait demandé lui-même à faire
faire une traduction de sa Marguente, qui obtint un véritable
succès.
IS juin. — La Fausse Agnès, pastiche en un acte, de Castil-
Blaze, représenté quelques années auparavant au Gymnase, ainsi
que nous l'avons vu précédemment.
22 juillet. — Le Mariage de Figaro, opéra en quatre actes,
arrangé par Castil-Blaze sur l'admirable musique de Mozart. Cet
arrangement obtint un très-grand succès, et la valeur du chef-
d'œuvre nous dispense ici de tout commentaire.
7 août. — Le Neveu de Monseigneur, pastiche en deux actes,
paroles anonymes, musique arrangée par Guénée, et tirée de di-
vers opéras de Morlacchi, Fioravanti et de Rossini. Bien accueilli
du public.
IS septembre. — Ivanhoê, opéra en trois actes, ou plutôt nou-
veau pastiche, paroles anonymes, musique tirée de divers ouvrages
de Rossini {Semiramide, Mosè, Tancredi, la Gazza ladra, etc.), et
arrangée par Pacini.
3 novembre. — L'Ecole de Borne, opéra-comique en un acte,
paroles de Vulpian, Lassagne et Rochefort, musique de Panseron
et RoUe. — On remarquera que ceci n'est point une traduction;
il s'agissait encore d'un petit ouvrage de circonstance destiné à
célébrer la fête du souverain, et on avait jugé à propos d'en faire
écrire la partition à deux jeunes musiciens français, sans doute
afin de pouvoir crier par-dessus les toits qu'on encourageait l'art
national.
1827. — 22 janvier. — Le Testament, pastiche en deux actes.
(1) Voir les n°' 2o, 26, 29, 31, 33 et 34.
UE l'AIUS.
291
paroles de de Saur et Saint-Gcniôs, musique tirée de divers opé-
ras de Hossini et arrangée par Lemière de Corvey, qui avait mis
à contribution quelques-unes des plus belles œuvres du maître.
Selon le Courrier des Théâtres, qui constatait le peu de succès
obtenu par cette macédoine musicale , voici la nomenclature des
morceaux qui y étaient compris : — & Nous avons constaté
que l'ensemble de cet ouvrage arrangé se compose de ce qui suit :
dans le premier acte : l'ouverture de la Cenerentola; l'introduction
tirée d'Elisabeth et de la Cenerentola; l'air de Mo'ise; l'air de Vln-
ganno fortunalo : « Una voce ni ha colpito; » le trio de la Zel-
mire : « Soave conforto di un padre; » le final composé d'un duo
de la Donna del lago; chœur et marche de Zelmire, cavaline :
« Ah! dove il cimento, » quatuor et chœur final de la Semira-
mide. Dans le second acte : la cavatine de la Semiramide : « Bel
raggio lusinghier; » le duo de l'Italienne à Alger : « Ai! capricci
délia forte ; » la cavatine de Bianca e Faliero ; le trio de l'Italienne
à Alger : « Papataci que mai sento ; » l'air de Tancrède : « Per-
ché turbar la calma ; et enfin le chœur de Mo'ise. »
6 février. — Emmeline ou la Famille suisse, opéra en trois actes,
paroles imitées de l'allemand par Charles S , musique de Weigl,
arrangée par Trémont. — On sait que la Famille suisse est l'un
des meilleurs ouvrages du compositeur Weigl , l'un de ceux qui
ont obtenu en Allemagne le succès le plus durable et le plus com-
plet. L'exécution en était très-fâcheuse, paraît-il, à l'Odéon, car
voici ce qu'en disait M. Fétis dans la Revue musicale : « Il
faut qu'il y ait un grand mérite dans la musique de Weigl, puis-
qu'elle résiste à l'exécution déplorable qu'on lui fait subir à l'Odéon.
Jamais, je crois, on n'a chanté plus faux que ne le font dans cet
ouvrage Adolphe, Lecler, Mme Meyssin, et même Mondonville.
Mme Mondonville, quoique bien faible, est la meilleure. L'orchestre
est satisfaisant. ...»
24 février. — Monsieur de Pourceaugnac, opéra en trois actes,
arrangé par Castil-Blaze, d'après Molière pour les paroles, d'après
Rossini et Weber pour la musique. — Ceci touchait un peu à la
démence, il faut eu convenir: raccourcir Molière pour le mettre
en opéra, réunir Rossini à Weber, c'est-à-dire deux génies abso-
lument dissemblables, et les accoler tous deux à notre grand co-
mique, il fallait vraiment une imagination effrénée pour se per-
mettre une pareille débauche. Au reste, cet essai malencontreux
ne parvint même pas à sa dixième représentation.
21 avril. — La Folle de Claris , opéra en deux actes , imité de
l'allemand, paroles de M. Sauvage, musique de Conradin Kreut-
zer et Payer (1). Voici ce que disait M. Fétis de cette imitation,
ou plutôt de cette amplification, qui, paraît-il, n'était guère meil-
leure que la précédente : « On connaît en Allemagne un mono-
drame intitulé Cordelia, dont la musique jouit d'une estime mé-
ritée. . . On ne sait quels motifs ont pu guider les auteurs qui ont
entrepris de l'arranger pour la scène française sous le nom de la
Folle de Claris, lorsqu'ils se sont décidés à le mettre en deux actes,
et à y introduire des personnages étrangers. Ces changements
n'ont pu se faire sans toucher à la musique, et conséquemment
sans lui ôter sa couleur individuelle. La manie de tous nos arran-
geurs est de croire qu'ils améliorent les ouvrages par l'amalgame
de leurs idées avec celles des auteurs primitifs. Ils ne s'aperçoi-
vent pas que leurs conventions vulgaires sont incompatibles avec
des créations originales, et que leurs prétendues améliorations ne
sont que des avortements ou des superfétations.
» La Folle de Claris prouve évidemment ce que j'avance ; en dé-
layant diius deux actes fort longs une situation fatigante, M.
(1) Payer, orf,'ani.ste distingué, compositeur d'un certain talent, né,
selon M. Fétis, à Meidliiig (près de Vienne), le 13 février 1787, mort à
Wiedburi,' en seplcnibre 18i.j.
Payer et son collaborateur ont rendu les défauts du sujet plus re-
marquables. En ajoutant des morceaux à la musique de M. Con-
rad Kreutzer, ils lui ont ôté son cachet d'originalité, et pour
ajouter à cette malheureuse idée, JL Payer n'a fait que de la
musique détestable, de la musique de piano mal faite, mal mo-
dulée, mal écrite, et qu'on ne peut chanter. C'est particulièrement
dans le second acte que ces additions ont eu lieu ; c'est celui qui
produit le moins d'elfei. Il y a surtout un trio qu'on ne peut com-
prendre. Quoique le public du théâtre de l'Odéon soit peu musi-
cien, son instinct l'a bien guidé dans cette circonstance, car il a
empêché d'applaudir ce morceau. Ce qui est de M. Kreutzer ne
brille pas par des chants heureux ; la couleur en est peut-être
trop uniforme; maison y trouve de l'originalité, une teinte locale
et de beaux chœurs : en un mot, c'est de la musique fort estima-
ble. » — La Folle de G/ar/s n'obtint que cinq représentations.
14 mai. — Adolphe el Clara, de Marsollier et Dalayrac, créé au
théâtre Favart, le 10 février 1799.
22 août. — Les Deux Figaro, opéra en trois actes, imité d'une
comédie de Richaud-Martelly, qui avait été représentée jadis au
tliéâire du Marais, musique de M. Carafa. Cet opéra avait été écrit
pour la Scala, de Milan, où on l'avait donné vers 1819 ou 1820.
La traduction en était faite par Tirpenne, l'arrangement musical
par Leborne. Laissons encore parler M. Fétis : « Il y a déjà en-
viron huit ans que M. Carafa a écrit les Deux Figaro pour le
théâtre de la Scala, à Milan. Si on nous en eût offert alors une
traduction, elle eût eu beaucoup de succès; mais la forme des
chants, celle de l'instrumentation, le système enfin de l'école ros-
sinienne sont maintenant si usés parmi nous que, quel que soit le
mérite qui brille dans une composition établie sur ce système,
l'auteur ne peut plus espérer d'intéresser vivement le public
Les Deux Figaro n'enrichiront pas beaucoup le caissier de l'Odéon ;
mais cet ouvrage variera agréablement le répertoire. »
7 septembre. — Tancrède, opéra en trois actes, paroles imitées
de l'italien (et un peu aussi de Voltaire), par Danglemont, musique
de Rossini, arrangée par Lemière de Corvey. — Succès.
9 septembre. — Les Deux petits Savoyards, de Marsollier et Da-
layrac, créés au théâtre Favart, le 14 janvier 1789.
13 octobre. — L'Eau de Jouvence, opéra-comique en un acte,
paroles de , musique de Conradin Kreutzer. — L'Odéon com-
mençait à être embarrassé : les traductions ne réussissaient pas
toujours et les pastiches, on l'a vu, faisaient souvent d'énormes
fiascos. L'administration du théâtre aurait bien voulu pouvoir don-
ner des ouvrages nouveaux, mais les termes de son privilège le
lui défendaient et lui interdisaient surtout (ô protection, voilà de
tes coups!) de mettre à profit les talents des compositeurs français.
Elle en était donc réduite, ses demandes à ce sujet n'aboutissant à
aucun résultat, à faire écrire des opéras expressément par des
musiciens étrangers et à les donner comme des traductions. C'est
du moins ce qu'elle fit pour l'Eau de Jouvence, ainsi que nous
l'apprend M. Fétis :
« Il devient chaque jour plus évident que les théâtres étrangers
n'olfrent pas un assez grand nombre de pièces susceptibles d'être
traduites en français pour alimenter un théâtre musical tel que
l'Odéon. Déjà l'administration de ce théâtre, convaincue de cette
vérité, cherche à démontrera l'autorité l'impossibilité où elle se trouve
d'exploiter sou privilège, et, dans l'attente des concessions qu'elle
demande, est réduite à faire venir de l'Allemagne et de l'Italie des
compositeurs dont la qualité d'étrangers sort de passeport aux
ouvrages nouveaux qu'elle fait faire. Singulière condition que les
musiciens français soient les seuls auxquels il n'est pas permis de
composer, en France, pour certains théâtres ! Je consentirais vo-
lontiers à me taire sur ce point si l'on pouvait alléguer quelque
avantage résultant d'un pareil ordre de choses. Ce qu'il y a de
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
plus singulier, c'est que lout le inonde est d'accord sur la justice
des réclamations à [ce sujet. L'autorité supérieure en reconnaît
même tout le poids ; mais les choses restent ainsi parce qu'elles
existent et par la difficulté qu'on éprouve à faire le bien, lors
même que rien ne s'y oppose. Quoi qu'il en soit, une innovation
vient d'avoir lieu à l'Odéon : un opéra français écrit en France et
une musique allemande composée à Paris ont apparu, pour la
première fois, sur ce théâtre, le 13 octobre dernier. Le succès n'a
pas répondu à l'attente de l'administration »
23 octobre. — Cainille ou le Souterrain, de Marsollier et Da-
layrac, créée au théâtre Favart le 18 mars 1791.
3 novembre. — Charles V et DwjuescUn, opéra-comique en un
acte, de Vial et M. Carmouche, nmsique de Gilbert et Guiraud. —
C'était une de ces pièces de circonstance comme on en était si
prodigue sous la Restauration, et qui avait été en quelque sorte
improvisée; peut-être est-ce pour cela que le ministère s'était
montré bénin, et avait permis enlin à deux compositeurs français
de s'essayer à l'Odéon. Malheureusement, le résultat ne fut pas
heureux, au point de vue du succès ; on commençait à être las
de ces hois-d'œuvre, absurdes pour la plupart, et si la prcuiière
représentation de celui-ci marcha sans encombre , il n'en fut pas
de môme de la seconde, où la chute, entremêlée de huées, de
sifflets, de brouhaha, fut complète et irrémédiable. Cela était d'au-
tant plus fâcheux que les auteurs de la musique avaient fait
preuve de talent et d'inspiration : — « Les jeunes musiciens sortis
de l'école royale, disait M. Fétis, semblent avoir voulu saisir l'oc-
casion de la fête du roi pour se faire connaître. MM. Guiraud et
Gilbert sont les auteurs de la musique de Charles V et Diigitesclin.
L'un a obtenu cette année le premier grand prix de composition
au concours de l'Jnstilut ; l'autre a partagé le second. Tous deux
méritent des éloges pour le petit opéra qu'ils viennent de pro-
duire. Leur musique est remplie de choses charmantes. Mal-
heureusement les poètes ne leur avaient pas fourni l'occasion de
faire le plus petit morceau d'ensemble. Des chœurs et des cou-
plets sont tout ce qu'ils ont eu à mettre en musique. L'instru-
mentation est de la nouvelles école, c'est-à-dire brillaute et légère.
Il est fâcheux que ce premier essai de la muse des jeunes lau-
réats n'ait pas été fait pour une meilleure pièce. » Du reste, il
paraît que l'exécution de ce petit ouvrage était horrible, et qu'elle
ne contribua pas peu à en accélérer la chute. Quant aux deux
jeunes musiciens qui en avaient écrit la partition, ou n'en enten-
dit plus jamais parler. Ayez donc du talent, et courez donc après
le prix de Rome.. .
24 décembre. — Don Juan, opéra en quatre actes arrangé par
(^stil-Blaze7 d'après Beaumarchais et Da Ponte pour les paroles,
d'aprèrMozart pour la^^musiquc. — Très-grand succès (1).
Arthur POUGIN.
(La suite prochainement.)
BIBLIOGRAPHIE MUSICALE.
Ernesit Slacli, — Abrégé du système d'acoustique musical
de Helmholtz.
Les vulgarisateurs ne pouvaient manquer à une théorie aussi sédui-
sante, présentée aussi rationnellement que celle de Helmholtz. Le nom
du physicien de Heidelberg est aujourd'hui populaire en Allemagne, et,
grâce à une traduction récente, ses découvertes acoustiques sont à la
(1) Ici encore, mais sans en pouvoir fixer la date, il me faut men-
tionner la reprise de la Maison isolée ou le Vieillard des Vosges, de Mar-
sollier et Dalayrac, créée au théâtre Favan en 1797.
portée des lecteurs français. Mais, même dans sa patrie, il n'est pas
accessible à tout le monde , vu les abstractions nombreuses dont ses
démonstrations ont dû être étayées pour avoir toute leur valeur aux yeux
des hommes de science; aussi a-t-on cherché à présenter la substance de
son livre sous une forme moins aride, à la populariser surtout parmi les
musiciens, grands ennemis des chiffres. L'un de ceux qui ont le mieux
réussi dans cette tâche est M. Ernest Mach, professeur à l'Université de
Gratz. Son ouvrage, intitulé Introduction à la Théorie musicale de Helm-
holtz, n'a que le tort, considérable en France, d'êlre écrit en alle-
mand : quelque musicologue bien avisé le traduira sans doute, à l'usage
de ceux qui trouvent Helmholtz lui-même trop savant et trop prolixe.
Voici en quels termes M. Mach expose l'objet de son livre :
« Helmholtz a fondé sa théorie musicale sur la phjsique et sur la
physiologie; ses travaux avaient été préparés de longue date par les re-
cherches de Rameau, Scheibler, Young, Schmith, Robert, Ohm, Seebeck
et autres. 11 lui a donné de telles bases qu'on ne saurait douter de sa
justesse dans les points principaux. Je me suis attaché à rendre pra-
ticable cette théorie aux musiciens, en éliminant toute la partie purement
physique et ce qui n'avait point d'importance immédiate, et en me ser-
vant autant que possible de la langue nuisicale. »
Des plancl;es explicatives et des exemples aident pui^^samment à
l'intelligence du texte. M. Mach ayant suivi pa^ à pas son auteur, il
faut mettre en garde le lecteur contre la conclusion du système qu'il a
naturellement reproduite, conclusion anti-musicale s'il en fut, et qui ne
pouvait éclore que dans le cerveau d'un physicien. Helmholtz voudrait
qu'on en revînt aux consonnances parfaites, aux quintes et tierces abso-
lument justes, comme aux beaux temps du plainchant et des orgues
unitonigucsl Plus de tempérament, et par conséquent plus de modula-
tion! On pourra, nous n'en doutons pas, lirer autre chose de ces ingé-
nieuses découvertes, dont la plus intéressante jusqu'ici est l'explication
du timbre musical; — car il faut absolument une base scientifique aux
lois d'agrégation et de succession des sons, ft les règles empiriques de
l'Harmonie, telles que nous les possédons, ne sauraient sitisfaire les es-
prits sérieux et justes. Honneur à qui t'i'ra cette magnilique trouvaille!
Charles BANNELIER.
Frédéric Brisson. — Adagios de Beethoven, transcrits pour piano,
violon et orgue.
M. Frédéric Brisson nous explique, lui-même, dans une note qui pré-
cède son œuvre nouvelle, qu'il ne l'a entreprise que pour répondre aux
regrets exprimés par nos premiers violonistes de ne pouvoir jouer, au
moyen d'un arrangement quelconque, les magnifiques largos, andanti et
adagios que Beethoven a écrits pour des sonates Ai- piano.
En se décidant à exaucer ce desideratum avec les soins intelligents
qu'il apporte à tous ses travaux, M. Brisson ne pouvait rien imagi-
ner de plus rationnel que de faire entrer, dans son arrangement, le piano
et surtout l'orgue, dont les sons expressifs et majestueux se prêtent si
bien à la traduction des pensées du sublime symphoniste.
Sur les conseils de quelques professeurs expérimentés, il a fait choix
de six sonates, pour lesquelles il a déjà obtenu d'un grand nombre d'ar-
tistes un suffrage honorable, qui sera bien certainement confirmé par le
public. C'est d'abord le Largo de la grande sonate, op. 7; puis le Largo
de la sonate, op. JO; l'Adagio-cantabile de la sonate pathétique, op. "13;
l'Andaute avec variations de la sonate, op. 26; l'Adagio sostenulo de la
Sonate Fantaisie, op. 27, et enfin l'Adagio graciozo de la sonate, op. 31.
Nous souhaitons d'autant plus le succès de ces premières transcriptions,
que M. Brisson nous promet, dans cette hypothèse plus que probable,
une collection des plus beaux adagios de Mozart et Haydn , transcrits
également pour piano, violon et orgue.
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre Français : Début de Mlle Karoly dans Cinna. — Odéon :
Jeanne de Ligneris, drame en cinq actes et en vers, par M. Marc
Bayeux. — Théâtre Déjazet : réouverture; les Chevaliers du
Pince-Nez.
Les théâtres sont revenus au calme plat en attendant que la
température veuille bien leur permettre de ne pas se consumer en
efforts inutiles. Il ne faut guère chercher du nouveau que dans ceux
qui ont fait récemment leur réouverture.
Mlle Karoly, qui a tenu pendant si longtemps le premier emploi
tragique à l'Odéon, vient de débuter au Théâtre Français dans
Cinna et n'y a été accueillie qu'avec un médiocre enthousiasme.
DE PARFS.
293
Est-ce la faute de l'artiste? Est-ce la faute de son entourage? Nous
pencherions assez volontiers vers ce dernier avis, en faisant toute-
fois nos réserves en faveur de Maubant, dont la diction magistrale
a sauvé l'honneur du pavillon.
— La rentrée annuelle n'a pas été heureuse à l'Odéon. On avait
beaucoup trop prôné à l'avance Jeanne de Ligneris, drame en vers
de M. Jlarc Bayeux, et nous croyons que ces indiscrétions préma-
turées ont exercé sur son sort une fâcheuse influence. Kien n'avait
été négligé cependant pour assurer le succès de cette œuvre pleine
de conscience, et non dépourvue , çà et là , d'un véritable talent.
Mais, dès le second acte, la pièce était condamnée, et il lui a été
impossible de lutter contre la bruyante désapprobation qui l'a
accompagnée jusqu'à la chute du rideau.
Le germe de Jeanne de Ligneris se trouve dans une nouvelle de
Cervantes où Scribe avait puisé l'idée première d'une petite comé-
die intitulée : le Gardien. C'était là, selon nous, tout ce qu'on en
pouvait tirer; aller au delà, en creusant une situation très-péril-
leuse par elle-même, c'était s'exposer à une catastrophe certaine.
On peut admettre, sans trop se faire prier, la confiance de ce
mari qui , sur le point d'aller à la guerre , place la vertu de sa
femme sous la surveillance d'un ami intime. Que cette femme de-
vienne éprise de son espion, et que celui-ci ne soit pas insensible
aux charmes de la dame, cela s'explique encore. Mais qu'au retour
du mari il survienne un troisième larron, au profit duquel le gar-
dien de l'honneur conjugal fasse bel et bien coffrer le revenant
malencontreux, et que l'action s'embrouille dans une conspiration
historique et aboutisse à un massacre universel, au milieu duquel
le mari reste seul debout, voilà plus qu'il n'en faut pour justifier
l'excessive sévérité du public.
Joignez à cela une trop grande inexpérience de la scène; car
cette pièce est le premier ouvrage dramatique de M. Marc Bayeux,
et le mérite de ses plus belles tirades, — on en compte plus d'une,
— est gâté par des naïvetés imprévues qu'un auteur, connaissant
son monde, eût soigneusement évitées.
C'est donc une bataille perdue pour M. de Chilly, qui a déployé
au service de Jeanne de Ligneris toutes les richesses d'une mise en
scène irréprochable, et pour les interprètes de ce drame, qui ont
fait tout ce qu'ils ont pu pour le mener à bon port; mais ni les
éclairs de Taillade, ni l'énergie de Mlle Jane Essler, ni l'autorité
de ftUle Agar n'ont eu cette heureuse chance. Nous devons dire
néanmoins, en finissant, que la pièce de M. Marc Bayeux, si
éprouvée le premier jour, a paru se relever un peu aux l'eprésen-
tations suivantes, et qu'elle occupe encore l'afBche de l'Odéon.
— La réouverture du Théâtre Déjazet s'est faite par un ancien
vaudeville de son répertoire, les Chevaliers du Pince-Nez, qui a
retrouvé son succès accoutumé, quoique Régnard ne fût plus là
pour jouer le rôle légendaire du bossu Chabannais. Dailly, qui le
remplace, a pris le parti de l'imiter, et ni lui ni le théâtre n'ont
eu à s'en plaindre.
D. A. D. SAINT-YVES.
CORRESPONDANCE.
Bade, le 10 septembre.
Le Lohengrin, de Richard Wagner, a ouvert, samedi dernier, la série
des représentations de l'opéra allemand. Ce n'était pas précisément
une nouveauté ici, où cet ouvrage avait été représenté il y a trois ans,
mais le bruit qui se fait, ou plutôt que l'on fait autour du nom de son
auteur, donnait à cette représentation un certain attrait de curiosité. Le
public nombreux et brillant, un vrai public d'élite comme il s'en peut
former à Bade, a paru plutôt surpris que charmé, plutôt indécis que fixé
sur sa propre opinion. L'impression dominante était l'étonnement, et sauf
quelques beaux et clairs passages chaleureusement applaudis, tant on
semblait heureux de les comprendre, l'ensemble de l'œuvre n'a pas laissé
dans IVsistance ces traces profondes, lumineuses et durables qui sont
comme le sillon creusé par le génie dans l'intelligence humaine. Les
admirateurs les plus fervents de Richard "Wagner avouaient même
que la représentation du Lahcnr/rin à Paris, tel qu'il est actuellement
écrit et agencé, leur paraissait lîien périlleuse; ce qui équivaut presque
à une condamnation, car on ne saurait admettre qu'une œuvre d'art,
c'est-à dire un tout complet, puisse se scinder, se monter et se démon-
ter suivant les goûts, le climat, les conditions spéciales des endroits où
elle veut se produire. Les partisans du wagnérisme ne pourront pas attri-
buer la non-compréhension de la musique de leur maître à l'interpré-
tation, qui a été excellente : Mlle Mallinger, le ténor Nachbaur, le bary-
ton Betz, sont sortis sans accident des défilés dangereux de la partition;
l'orchestre, dirigé avec une conviction rare par Cari Eckert, s'est montré
à la hauteur de sa tâche ardue. Convenons, toutefois, qu'un oratorio dra-
matique de cette dimension, écrit en vue d'une scène où les effets de force
peuvent se produire réellement, étouffe dans le mignon théâtre de M. Béna-
zet. En résumé, cette reprise badoisH du Lohengrin n'a eu qu'un Irès-faible
retentissement en Allemagne, et le voyage d'un groupe de journalistes
français, convoqués pour la circonstance, n'a pas suffi à lui donner l'im-
portance d'un événement artistique.
Au dernier concert organisé par Peruzzi, Mme Yiardot a chanté l'air
d'Agrippine du Britannicus de Graun, l'auteur de l'oratorio la Mort de
Jésus; un duo de la Gazza Ladra, dit à ravir par Mmes Viardot et Mon-
belli, a été fort applaudi. Le violoncelliste Cossmann a exécuté en
maître un concert inédit de Cari Eckert, auqm;! on s'accorde à reconnaî-
tre une grande valeur; auteur et virtuose ont obtenu un très-grand
succès. S,
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné celte semaine deux re-
présentations à'Hamlet — Vendredi, te Trouvère et la Source.
*** L'ouvrage nouveau eu trois actes de MM. Labiche, Delacour et
Poise, que rOpéra-Comique répète en ce moment, aura pour titre le
Corricolo.
*** Le nouvel opéra de MM. OfFenbach, Meilhac et Halévy, Vert-
Vert, sera lu cette semaine aux artistes de l'Opéra-Comique.
**,t Au nombre des artistes récemment engagés à ce théâtre on cite
Geraizer.
:j,% Les difficultés nombreuses qui avaient entravé jusqu'ici la réou-
verture, on pourrait dire la restauration du théâtre Lyrique, ont été en-
tièrement levées dans la journée de mercredi dernier. M. Pasdeloup a
pris possession du théâtre; les artistes ont été convoqués et l'administra-
tion fonctionne déjà. Aux termes du référé, le nouveau directeur est
autorisé à disposer du matériel dont il aura besoin, mais il en devra
déposer la valeur à la Caisse des consignations, au fur et à mesure de
l'emploi qu'il en fera. Une contre -expertise est également ordonnée par
le tribunal à l'effet de reviser l'estimation faite de 336,000 francs , qui
semble exagérée. II n'est guère présumable que, même en déployant la
plus grande activité, le théâtre Lyrique puisse ouvrir ses portes au public
avant le dS octobre prochain. Le Barbier, de Rossini, et le Val d'An-
dorre, avec M. Lutz dans le rôle du chevrier, composeront le spectacle
d'ouverture.
:^** Les Fantaisies-Parisiennes rouvriront le dimanche 26 de ce mois
avec le Barbier de Séville, de Paisiello, leur succès marquant de la
saison dernière.
t*^ Les répétitions de la Périchole se poursuivent aux Variétés avec la
plus grande activité. Déjà tout le premier acte est su ; le second ne tar-
dera pas à l'être également.
#** A la liste des ouvrages qui seront donnés dans le courant de
l'hiver aux Bouffes-Parisiens, on ajoute le Dilettante d'Avignon, d'Halévy
représenté pour la première fois, en \W,1, à l'Opéra-Comique.
*** Offenbach s'occupe d'un ouvrage promis à cette scène sous le
titre de l'Ile de Perlutipan.
^*» Fleur de Thé continue à lutter courageusement contre la chaleur
et marche vers sa centième représentation. Nous avons dit quelles étaient
les attractions de l'interprétation nouvelle de la désopilante opérette de
MM. Duru et Chivot, et de la musique si gracieuse en son esprit de
M. Ch. Lecocq.
^•,^ La province et l'étranger veulent à leur tour applaudir Fleur de
Thé. Cet ouvrage, on le sait, a été joué avec le plus grand succès à
Bordeaux et à Bruxelles. Les théâtres de Lyon, Lille, Nice, Montpellier,
Nancy, Marseille, Anvers, Berlin, Vienne, Lisbonne, Stockholm, Ne>v-
York, Buenos- Ayres le montent en ce moment.
,i:*^ Un nouveau théâtre lyrique, les Bouffes-Saint-Antoine, a ouvert
cette semaine par deux opérettes très-réussies. Nous souhaitons bonne
chance et bon vent à cette scène lilliputienne dirigée par M. Ernest Mar-
tin, ancien artiste du théâtre Lyrique, excellent musicien et comédien
habile.
294
KEVUE ET GAZETTE MUSICAM'
^*^ Les rei'.ottPs brutes des Ibéâlrps, concerts, etc., se sont élevées,
pour In mois d'.ioi'it, ;i la somme de 8i9,G3S fr. 8i c.
„*» L'opéra ilnlien on trois actes dem^mlé à M. le prince Ponialowski,
et à lui acheté en tonle propriété par M. Stral<os(h, est destiné à servir
de f.ébuts à Mlle Minnie Hauck, la future étoile, dont on annonce ren-
gagement, à de magnifii|ues conditions, aux concerts prochains de la
Société pliilharmoniquo rie Manchester.
»*a, Le Roland à Rcncevaux, de Mcrmet, vient d'étro joué avec un en-
semble satisfaisant à Boulognc-sur-Mer.
^'^ Vendredi de l'autre semaine, le Grand-ïbéfitre de Bordeaux a inau-
guré l'année tlK-iltrale par les Mousquetaires de la Reine. La soirée n'a été
qu'une ovation continuelle pour tous les artistes, Mlles Baretti et Nordet,
MM. Pescbard, Emmanuel et Bonnefoy. Une telle ouverture e'^t sans pré-
cédents à Bordeaux; il convient d'en féliciter le zèle et le dévouement
de M. Halanzicr. — Le nouveau théâtre Louit a ouvert ma-di avec un
succès très-accentué. Malgré quelques détails qui peuvent prêter à la
critique, cette salle immense et magnifique, construite par M. Lamarlo,
architecte, est un des plus beaux ornements de la ville de Bordeaux. La
foule a fiiJt bon accueil à la pièce d'inauguration, Bordeaux après dhirr,
saynète spirituelle de M. Minier.
*% Au Grand-Théâtre de Lyon, Robert le Diable a caractérisé le talent
des artistes composant la troupe du grand opéra. La voix étendue et dra-
matique de Mme de Taisy s'est trouvée à l'aise dans le rôle d'Alice.
Mlle Bléau (Isabelle) vocalise agréablement. MM. Barbot et Marthieu ont
été reçus avec des bravos unanimes. A l'issue d'une représentation du
Trouwre. Mlle Cortez. MM. Dolabranche et Méric ont été également admis
au bruit des bravos d'une salle enthousiasmée.
»% 'Virginie Déjazet va bientôt quitter le théâtre. Ses dernières repré-
sentations ont eu lieu, cette .semaine, aux Célestins, de Lyon. Enthou-
siasme, applaudissements et couronnes ont escorté ces adieux définitifs.
^*^ Mlle Zulma Bouffar donne en ce moment, au même théâtre lyon-
nais, des représentations de la Grande-Duchesse, où elle et la pièce sont
fort applaudies.
^*^ La Croix de ma Mère, tel est le titre d'un opéra-comique en un
acte, musique de M. Lafaye, que le public de Périgueux a applaudi
ces jours derniers.
^*^: C'est très-prochainement, vers le iri de ce mois, dit-on, que le
nouvel opéra de M. de Flotow, les Deux Compositeurs, sera représenté à
Prague.
^*^ Le théâtre à". Santa-Radegonda, de Milan, vient de représenter
avec beaucoup d'éclat et de succès la Grande-Duchesse de Gèrolstein.
^% Une partie de la troupe française de M. Bateman vient de quitter
New-York se i-endant à Montréal (Canada) pour y donner des représen-
tations de la Grande-Duchesse.
^•^ Un concours pour la place de premier violon solo aura lieu jeudi
prochain il courant, au théâtre Lyrique, à 10 heures du matin. Les
concurrents sont priés d'apporter leur musique.
NOUVELLES DIVERSES.
^*^ Dans sa dernière séance, le comité de l'AssDciation des artistes
musiciens a décidé à l'unanimité qu'une messe de .M. Ambroise Thomas
serait chantée à la fête de sainte Cécile prochaine.
»** Un concert d'un éclat exceptionnel et tel que la chronique musi-
cale ne peut qu'en enregistrer rarement, a été donné avant-hier à Bade,
à l'occasion de la fête de S. A. le grand-duc. Mlle Kilsson, Faure, Ca-
poul, Sivori, Rilter, Arban et Mlle Marie Dcsehamps défrayaient le pro-
gramme, composé du duo et d'une grande scène d'Hamlct, d'airs du
Premier Jour de bonheur, du Chalet, de Joseph, de la Traviaia, du trio
du Toréador, du Co;-;ccrto de violon de Mendelssohn, etc. Le télégramme
que nous avons reçu de noire corrcsfondant de Bade, quelques heures
après celle soirée qui clôture magnifiquement la saison, nous apprend
qu'un enthousiasme indescriptible a salué Mlle Nilsson à chacun de ses
morceaux, et ajoute que, par le talent et le succès, la grande artiste
est une seconde Jenny Lind. L'émotion du public a amplement sanc-
tionné ce jugement indiscutable.
^*^. MM. .'kmédée de Roubin, inspecteur des orphéons dans le dépar-
tement de l'Eure; Eigenschenck, professeur de musique à l'Ecole nor-
male de Versailles, et Spay, insiiluteur à la Chapelle de Guinchay, ont été
compris dans la récente promotion « d'officiers d'.\cadémie » faite par
le ministère de l'inslruciion publique et en tête de laquelle figurait M.
Pasdeloup.
^*» Un banquet a été offert par les artistes de l'orchestre de l'Opéra à
M. Georges Mainl, leur chef, pour fêter sa nomination, accueillie avec
une satisfaction si unanime, de chevalier dans l'ordre de la Légion
d'honneur.
,^'^ Mlle Désirée Artôt vient d'échapper à un grand danger. Se ren-
dant à Bruxelles, avec une partie de sa famille, elle se trouvait dans le
compartiment de première qui a été rencontré et brisé par un wagon
de manœuvre, il y a huit jours, près de la gare do Creil. Les voya-
geurs en ont été heureusement quittes pour quelques contusions de peu
de gravité. Mlle Artôt a été la moins atteinte, et ses amis espèrent
qu'elle pourra bientôt reprendre la route de Moscou, oij elle est attendue
pour l'inauguration de la prochaine campagne de la compagnie Me-
relli.
*** On annonce l'arrivée à Paris d'une artiste d'un rare talent et
d'une lieauté vraiment scénique, Mlle Elena Corrani, qui a remporté les
plus grands succès à Saint-Pétcrbourg, après avoir rempli l'emploi de pri-
ma-donna sur plusieurs scènes d'Europe et d'Amérique. Nous espérons
entendre Mile Elena Corrani cet hiver aux Italiens. Ce serait pour le
dilettantisme parisien une véritable bonne fortune.
**,(. Bottesini et Théodore Rilter viennent d'être engagés par l'impré-
sario Uiniann, le premier pour deux mois, le second pour trois ans.
4:**. M. S. Lée, violoncelliste et compositeur distingué, qui a formé de
nombreux et excellents élèves pendant trenle-deux ans de professorat à
Paris, quitte celte ville pour aller se fixer à Hambourg.
»*i. De haut en bas; impressions pijrém'ennes. — Sous ce titre, M. O.scar
Comeltant vient de faire paraître chez Degorce-Cadot un de ces livres
qu'il excelle à écrire : causerie facile, élégante, humoristique, traitant
de tout et de quelques autres choses encore, marchant au hasard du che-
min, de l'aventure ou de l'occasion, mais toujours simple, agréable et
intéressante. Notre confrère n'a garde d'oublier en ses ouvrages que chez
lui le littérateur, l'artiste et le causeur sont doublés d'un excellent mu-
sicien; aussi la musique a-t-elle toujours sa part et la meilleure dans
ses amusants et instructifs récits. Ce voyage aux Pyrénées, M. Co-
meltant l'a fait en partie avec Marmonlcl. On ne saurait avoir un
plus aimable compagnon de route, et il met en scène son ami avec un
tact et un esprit cliurmants. Il y a là surtout une Histoire pillorescjue,
aneedotique, comique, dramatique, quelque peu scientifique et même véri-
dique d'un allegro de sonate, composé par le célèbre professeur sur les
hauteurs de Gavarnie et du Viguemale, qui ferait à elle seule l'attrait et
le succès de ces impressions écrites à 3,000 pieds au-dessus du niveau
de la vulgarité. Nous avons, au surplus, l'intention de reparler de ce
Ilaul en bas, qui justifie si bien son titre par sa variété et ses constrastes
imprévus.
^,"',1, M. Ch. Lucas vient de publier chez A. Lévy, 29, rue de Seine,
sous le titre les Granls Architectes, une conférence faite par lui à l'As-
sociation polytechnique. Cet intéressant travail se recommande à l'atten-
tion des musiciens par des détails concernant les constructions théâtrales
anciennes et modernes. Il s'en dégage surtout un très-vif sentiment de
l'art, « ce prisme au travers duquel, dit M. Lucas, toute chose créée se
présente à nous avec plus de charme encore et comme portant en soi
un ressouvenir lumineux de l'intention grandiose du Créateur. »
t,*^. La librairie Didier vient de mettre en vente une intéressante et
consciencieuse étude de M. Lud. Cellier, sur les Origines de l'Opéra et le
Ballet de ta reine.
,*» Un comité s'est formé à Paris pour ériger par souscription un
monument au moine d'Arezzo qui inventa la gamme diatonique. Le pié-
destal portera les armoiries des nations et des souverains qui auront
accordé leur protectorat à cette œuvre de réparation, ainsi que les noms
des principaux coopérateurs. Les souscriptions seront reçues, à Paris, à
dater du l'"' octobre, dans les bureau.\ des journaux de musique, ainsi
que chez les principaux éditeurs. Les marchands de musique, chefs d'or-
chestre, professeurs, directeurs de sociétés musicales des départements,
désireux de s'associir à ce projet, peuvent s'adresser a M. P. Costa, 43,
rue Cler, à Paris, qui leur enverra des listes de souscription et les
instructions nécessaires.
ji,*^ Le Casino de Saint-Malo a eu une seconde partie de sai.son fort
brillante au point de vue musical. Après Sivori, Berthelier et Mlle Schrœ-
der, qui a été particulièrement goûtée, sont venus les concerts de 'Mme Car-
valho. Celui du samedi de 1 autre semaine, le dernier, s'est terminé par
les Aoces de Jeannette, que l'on n'a pas eu souvent la bonne fortune
d'entendre par Mme Carvalho, depuis l'époque où le rôle de Jeannette fut
créé par elle. Un baryton de talent, nommé Lafont, donnait la réplique
à l'éminentc artiste.
,^*ij, La station thermale de Contrexéville vient d'avoir, elle aussi, son
concert de bienfaisance, organisé principalement par M. Emile Ettling,
dont les œuvres jouissent d'une légitime popularité. Ce compositeur a
remarquablement exécuté sur le violon plusieurs morceaux auxquels
l'assistance, agréablement surprise, a répliqué par de chaleureux applau-
dissements. Mme Darteaux, engagée au Grand-Théâtre de Lyon, et Mlle
B . . , amateur distinguée de la -sille, prêtaient leur concours à cette in-
téressante soirée.
4*4-. L'excellence incontesiable des grandes orgues construites par la
Société Merklin-Schiitze et C'" (Paris et Bruxelles) désignait naturelle-
ment ses ateliers aux administrateurs de l'église Saint-Esprit, de Ba-
yonne, qui voulaient depuis longtemps remplacer l'antique instrument,
il la voix chevrotante et fêlée, de cette paroisse, par un autre à l'or-
gane plus puissant. M.M. Merklin-Schûize se sont parfaitement acquittés
DE PARIS
29o
du mandat qui leur avait ctc confié, et mercredi dernier avait lieu l'i-
naiiguralion de l'orgue sorti do leur manufacture. Agissant on fabri-
canls consciencieux et passionnes pour leur industrie, ces habiles fac-
teurs ont désiré donner à l'inauguration du nouvel instrument l'éclat
d'une solennité et ils avaient convié, à cet effet, deux organistes dont la
réputation est grande, M. Renaud de Vilbac, de Saint -Eugène à Paris,
et M. d'Etcheverry, de Saint-Paul à Bordeaux. Le jeu de ces excellents
artistes n'a fait que mieux apprécier le fini et la perfection do l'instru-
ment sorti de cette importante maison.
**« Lors de la cérémonie récente de la distribution des prix au col-
lège de Salzbourg (Autriche) on a exécuté les odes d'Horace, mises en
musique à quatre voix, par Paul Hoffmeister, organiste célèbre du xvi"
siècle. Elles furent publiées, sous ce nom, en 1339, à Nuremberg, dans
un recueil très-rare intitulé : Harmonies poétiques.
»** Le Conservatoire de Varsovie, l'un des meilleurs établissements
de l'Europe pour l'étude du chant et du piano, rouvrira le 13 de ce
mois.
*** Une société allemande, dont le but est l'étude de l'archéologie et
l'histoire moderne de la musique (GeseUschaft fur Musikforschung) vient
de se former à Berlin. Elle fera paraître chaque mois un journal oii
seront consignés les résultats les plus intéressants de ses recherches.
*** Ce n'est certainement pas en Angleterre que les in.stitutions mu-
sicales sont le plus généreusement patronnées. Ainsi , l'Académie royale
de musique, qui a", à Londres, la même importance que notre Conser-
vatoire impérial, après des instances sans fin, a obtenu, il y a deux
ans, une subvention de 12,800 francs. Cette subvention lui a été retirée
après une année, attendu, disait le vote du Parlement, que la Grande-
Bretagne est tenue à des dépenses plus sérieuses. Du reste, l'argent
afflue de toutes parts dans les caisses de l'Académie royale, depuis l'appel
adressé par M. Steriidale-Benett, directeur, aux dileltanti de la métropole.
Les concerts que donne chaque année cet institut musical ne permettent
pas de douter de la supériorité de son enseignement. Depuis 1822, époque
de sa fondation, il a formé plus de quinze cents élèves.
»** Un orchestre exclusivement composé de dames donne depuis quel-
que temps à Vienne des concerts symphoniques.
^*^ Nous extraj'ons les curieuses observations qui suivent d'un Rap-
port sur les Aérostats, lu à l'Académie des sciences par M. C. Flamma-
rion : « On entend le sifflet d'une locomotive à 3,000 mètres en l'air; le
bruit d'un convoi de chemin de fer à 2,S00 mètres; un coup de fusil,
l'aboiement d'un chien à 1,800 mètres; le cri d'un coq, le son d'une
cloche à 1,600 mètres; un orchestre, un roulement de tambour, à 1,400
mètres; la voix humaine porte à 1,000 mètres; le coassement des gre-
nouilles à 900 mètres; le chant des grillons à 800 mètres. La parole
distincte de bas en haut se perçoit clairement à 500 mètres ; du haut
en bas elle ne s'entend bien qu'à 100 mètres. Les autres phénomènes
observés ont moins de précision : on a seulement constaté que l'écho
n'est bien renvoyé que par la surface polie des lacs lorsque la voix
part des hauteurs. »
^*^ Mlle Blanchard, ancienne duègne de l'Opéra-Comique, est morte,
cette semaine, à l'âge de soixante-douze ans.
it:*^ Dimanche 13 septembre, grande fête champêtre, avec bal, au Pré-
Catelan, à l'occasion du tirage de la loterie de Toulouse.
ÉTRANGER
^*^ Londres. — Le seul événement musical de la semaine a été le fes-
tival de Gloucester, auquel prenaient part dans l'origine les trois choirs
ou sociétés chorales de Gloucester, Hereford et Worcester, et qui a réuni
en outre cette fois ceux d'Exeter Hall (Londres), Birmingham, Br'adford,
Norwich et Exeter. La direction de celte imposante solennité, qui a duré
du 8 au 11 septembre, revenait de droit, de par son titre, au docteur
Wesley, organiste de la cathédrale de Gloucester. On y a exécuté des
fragments du Freischiitz , de Faust, des A'ocrs de Figaro, YElic de Men-
delssohn, la Création de Haydn, Samson et le Messie de Hasndel, etc., dont
les parties principales ont été chantées par Mmes Tietjens, Sainlon-Dolby,
Edith Wynne, Liebhart, Rudersdorff, Dra.sdil, MM. Sims Reeves, Sant-
ley, Cummings, vocalists habituels de ces cérémonies. Le but du festival
de Gloucester était tout charitable; mais il n'aurait guère été rempli si
des dons volontaires ne suppléaient à l'insufifistince des recettes, qui cou-
vrent à peine les dépenses. — M. Mapleson a renoncé à sa tournée en
Amérique; il la remplacera par un voyage dans les provinces anglaises
avec les premiers sujets de son théâtre : Mmes Tietjens, Sinico, Trebelli-
Bettini, MM. Mongini, Santley, Crosti , Zoboli, etc. 11 commencera par
Liverpool et Dublin.
t,*^, Bruxelles. — Jeudi dernier, au théâtre de la Monnaie, Mlle Mari-
mon a mis en lumière, dans l'interprétation de la Somnambule, des qua-
lités de vigueur et de passion auxquelles son talent était un peu resté
étranger jusqu'à ce jour. Aussi a-telle été rappelée plusieurs fois par le
public, ravi de ce progrès. Jourdan , qui méritait une part dans cette
ovation, a eu le bon goût de la laisser tout entière à sa camarade.
^*,j Spa. — Le concert du 8 septembre, donné dans le grand salon
de la Redoute, a peut-être été le plus brillant de la saison. Mlle Brandt,
jeune pianiste de Bruxelles, a dit d'une manière exquise un aniante et
la Grande Polonaise de Chopin. Mlle Schepcrs, de Liège, à la voix bien
timbrée, a parfaitement rendu l'air de Norma. De bruyantes ovations ont
été faites à F. Godefroid, à Johann Ucuchsel, violoncelliste passionné, et
à M. Warnots, professeur au Conservatoire de Bruxelles, qui a chanté
d'une manière irréprochable la cavatinc de la Dame lilanchc et la Truite,
de Schubert.
,i;*,ii Ilombourg. — Le théâtre continue à être la grande attraction de
la saison. 11 n'en saurait être autrement av.ec une compagnie lyrique qui
réunit Mmes Patti, et Grossi, MM. Naudin, Ciampi, Agnesi, Verger,
Corsi , secondés par des cluours excellents et un orchestre hors ligne.
— Rigoletto, Semiramis, Marta, il Barbiere, Linda ont successivement
depuis deux semaines, fourni dos exécutions complètes et brillantes, et
se sont transformés pour Mme Patii en une longue suite de triomphes.
Rien ne peut rendre l'attendrissement qui envahit l'assistani'.e lors-
qu'elle chante la romance de la Rose de Maria ; l'émotion est à son
comble et ne cesse que pour faire place à l'enthousiasme le plus
sincère. Dans la Linda, la cavatine, les duos, la scène de folie, etc., sont
rendus par elle avec ce charme et cette élégance de style qui défient
toute critique comme toute analyse.— L'enthousiasme du public pour la
grande artiste, qui sait atteindre à un tel point l'idéal et la perfection,
est si unanime, que le directeur a supplié Mme Patti de vouloir bien
prolonger son séjour pour chanter encore quatre fois après les dix pour
lesquelles elle est engagée. Mme Pntti a consenti à donner deux repré-
sentations en plu.s, l'ouverture du Théâtre- Italien réclamant sa présence
à Paris pour le i" octobre.
„,** Leipzig. — Pauline Lucca est ici l'objet des démonstrations les
plus enthousiastes. Elle a commencé le 1" septembre, par Faunt, la
courte série de représentations qu'elle se propose de donner; cette soirée
a été pour elle un triomphe complet.
,^'^4. Vienne. — M. Richard Gênée, chef d'orchestr'e du théâtre alle-
mand à Prague, vient d'être attaché en cette même qualité au théâtre
An der Vien.
j^*^ Milan. — Lé Carcâno a ouvert ses portes avec Dinorah, chantée
par Mlle de Maesen, le ténor Minetti et le baryton Moriami. L'exécution
a été parfaite de tous points, la mise en scène splendide et le succès
très-brillant. Meyerbeer a depuis longtemps droit de cité chez les Mila-
nais. — Une action civile a été intentée au gouvernement, après la sup-
pression des subventions, par les propriétaires de loges (palchettisti) des
deux théâtres royaux de la Scala et de la Canobbiana; leurs privilèges,
et même leur propriété qui constiiuent une partie de la valeur du théâtre,
sont devenus à peu près illusoires par suite de ce coup d'Etat. Le tribu-
nal civil vient de rendre un arrêt qui maintient l'obligation du gouver-
nement de conserver à ces théâtres (il est surtout question du premier)
leur ancienne splendeur, en comblant les déficits éventuels de la ges-
tion des directeurs lorsque l'impossibilité de mieux faire pour ceux-ci
aura été suffisamment démontrée.
^*^ Florence. — Le Pagliano a fait son ouverture avec la Pietra del
Paragone de Rossini, qui n'a guère obtenu qu'un succès d'estime. —
Voici la liste des artistes engagés à la Pergola pour l'automne et l'hiver:
Marietta Biancolini, Camille de Maesen, Noëmi Rey, Luisa Ormeny,
Giuseppe Fancelli, V. Montanaro, Fr. Cresci, M. Ciapini, Paolo Gonnet^
Aless. Polonini.
,(.*» Rome. — Dinorah et i/ Matrimonio segreto seront donnés cet hiver
au théâtre Argentina.
jf*^ Lisbonne. — Mlle Enrichelta Corradi est engagée au théâtre San-
Carlos, où elle doit créer le rôle d'Inès dans l'Africaine. Les sœurs Mar-
chisio y sont également engagées pour trois mois.
: s. HUKOUII.
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303^
. L'AMBASSUBICE Il était
LESBAVAigS Sans ai
Par
..Adieu, mon doui riTage BOMANCE.
Dieu, que le monde révère PRtERE.
Sur mes genoux, flls du soleil. AIR DU SuMH.
Fille des rois à toi l'hommage.. AIR
Aàamastor, roi des yngues BALLADE.
O paradis, sorti de l'onde AIR.
L'avoir tant adorée CATATINE.
O ma SéliVa, tous régnez MELODIE.
Un cygne au doux ramage. ...ARIETTE.
T\=Kn,.. iiatelots, 1 équipage... CHOEUR.
I vieux bonhomme. ...COUPLETS.
>us a placés ROMANCE.
ïr, ahl peut.on vivre. ROMANCE.
1 chercherait en vain.C.deL'ALCADE
qui le rase COUPLETS.
C'est I
Ouf ! quel métier qu« d'être.
C'est fEspagne...'. CH. A BOIRE.
Le mari grogne COUPLETS,
CEHDBILIOI Je suis modeste et soumise
LE CHEVAL BE BBOHZEJ'ai pour guides en voyage COUPLETS,
ijeuneoge CAVATINE.
Ht. LE COMTE OBT.
LES DIAHAHTS DE LA CODBOHNE. Hon cousin qui... DUO.
. LEDIED ET LA BATASEBE. 0 bords heureux du Gange. NOCTURKE.
_... [emploi COUPLETS.
LE SOMIIO BOIB... .S'il
Nous allons atoi
L'heure, la nuit,
. LES BBAfiORS BE VILLABS. Pour sédui
', grâce à Dieu.
tout CAVATIKE.
ailettcCHANSON.
Chaque numéro : 23 c.
334 l'ETOUE SU IOBS....n sonne et résonne
335. Grenadiers, fiers Moscovites.
336. , Quel trouble affreux
■ "■'.lAFIAHCEE .Jour heureux que mon cœur
fameux régiment.
j. Elle n'a
L ■ 11 était un de n
i- Eh bien, altesse,
I.BATBEE Je t'aime, 0 mo_ _
ILES ED6IIEII0TS Seigneur, rempart
maître
de leurs torches.
A la 11
I.JEAimOT ET COLLIH. . .Je meu
I.LESTOCO 0 doux moment dont mon â
I.LISCEEMETFBITZCHEHMe chasser, me forcer....
i. P'tits balais, p'tits balais
tendre enfance.
tu résides
puissant, Dieututélaire.
I.MABTHA
I.HOISE D(
I.HDETTE BE POBTICI..Di
I.OBEBOH Enfant de l'Arabie.
i.OBPHEE.^ J'ai perdu mon Eurjdi
rdelB montag.
Ah ! que j'ai froid
Les blés sont bons
Format ln-8*
308. lA PABT on DIABLE..
371. LE PIFFEBABO..
C'est elle qui chaque jour. ...AIR.
Oui, devant jioi ROMAÎfCB.
O philosophe ou voyageur. ..COUPLETS.
LE PROPHETE 0 liberté, c'est ta victoire... SOLO ET CH.
Aus^inombreuxquelesétoiles.COUPLETS.
Uo jour danslesflols delaMeuse.ROMANCKi
BOBEBT LE DIABLE. ...Ils frappaient mon oreiUe... .PRIÈRE.
Je t'ai trompé, je fuscoupable.AIR.
. LE SEBHEHT En avant, cooscrit en avant..
. LA SIBEIE Quand vient l'ombre COUPLETS.
VEBT-Dn-SOIB Etre bon époux CHANSOIT.
. LE VIOLOIEDZ J'saisben que c'n'est point l'usage. COUPLETS.
. ZILBA Malgré les regardsd'unjaloui.
Pour punir pareille incartade .
Devant les charmes qu'il adore.ROMANCE.
Donnez, donnez un peu d'or.. CHANSOIT.
En amour je suis un larron .COUPLETS.
Que dit l'oiseau du Bengale ? .AIR.
. ADAM LA PETITE CHAHTEDSE Romance.
. DASSIER l'OMBEI Ballade.
- MEBE El PATBIE Romance.
. JONAS LE VIOLOH BBISE —
. MEYERBEER MINA BarcaroUe.
. OFFENBACH .. . JEAHHE-U-BOOSSE Chamon.
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35' Année.
N' 38.
20 Septembre 1868.
ON S'ABONNE :
Dans lc3 Déportements et à l'Étranger,
chez tous [es UarchoDds de Uusique, les Librairei,
et aux Sureaux dcf Ucssageries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris. 2^ r. pur un
Départements, Bclgiquo et Suisse.... 3b » id.
Étranger 34 n id.
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE . — Le Chant liturgique au monastère de la Grande-Chartreuse, par
Em. Uatbieu de Uonter. — Les Théâtres lyriques secondaires à Paris
depuis 1820 (8° article] , par Arthur Pong^in, — Bibliographie musicale.
— Correspondance : le Havre. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles
diverses. — Annonces.
LE CHANT UTURGIQUE
AV HOIVASTËBE DE VA «RAlWDE-CHARTBEdSE (1).
En quittant Grenoble dans la matinée, après avoir traversé tout
le jour la vallée merveilleuse du Grésivaudan et pris quelques ins-
tants de repos à Saint-Laurent-du-Pont , on arrive à la Grande-
Chartreuse, par le formidable et fantastique défilé de Fourvoirie,
à l'heure où la voie lactée s'allume , comme un volcan d'étincel-
les, au-dessus du Grand-Som. Le ciel mystérieux, plein de ru-
meurs insaisissables et de parfums alpestres, couvre de son éter-
nelle splendeur le calme du Désert. Les sapins et les chênes, éta-
ges comme de gigantesques buffets d'orgue, frissonnent et gémis-
sent ; la source de Saint-Bruno, devenue torrent , coule au fond
du ravin, avec un bruit et parfois des lueurs étranges. Par mo-
ments, comme une plainte, passe le cri de l'orfraie. Puis, plus
rien... Tout à coup, dans ce silence effrayant un chant s'élève,
grave, majestueux, surhumain presque. Intermittent d'abord, puis
bientôt continu comme la sonnerie alternative de deux cloches
lancées à grande volée, tantôt il semble mourir dans les profon-
deurs de la solitude, tantôt il éclate et grandit selon que le vent
traverse les larges baies de la chapelle. Minuit sonne et mêle ses
vibrations plaintives à la psalmodie.
Ce sont les Chartreux qui chantent matines !
On s'arrête, ému, troublé, avant de frapper à la porte hospita-
lière du couvent. Poëte, philosophe, musicien, on s'explique alors
que le chant religieux puisse seul complètement exprimer Vador-a-
{i) Extrait d'un ouvrage qui paraîtra prochainement sous le titre :
Excursion et séjour de quelques compositeurs de musique et artistes fran-
çais au monastère de la Granie-Chartreuse, en août 1868, par M. E.-M.
de Monter.
tion, cet état spécial de notre âme ; on comprend que la Musique,
tille de la prière et de l'étei-nel amour, a dû naître au pied des
autels et avoir pour berceau une hymne et un cantique.
. . . Cependant, chaque religieux a quitté sa cellule. Des lu-
mières traversent en ligne droite l'obscurité du chœur, s'abais-
sent un instant, puis s'éteignent. Les stalles s'emplissent une à
une , le parquet craque sous les sandales ; ou ouvre les antipho-
naires. Le silence revient : pas un bruit, pas un souffle. Du haut
de la tribune, on ne voit, à l'extrémité de la longue chapelle, que
des ombres blanches couchées, immobiles dans l'ombre. Les voya-
geurs et les romanciers, en décrivant cette scène, n'ont pas man-
qué de parler des « figures macérées » des « yeux ternis par les
larmes et les tempêtes du monde, » etc. Comment les auraient-ils
vus, dans la nuit, sous le capuchon? La vérité est que ce sont là
des hommes résignés, croyants, détachés de toute chose, et souf-
frant ensemble — car souffrir ensemble c'est encore aimer — qui
vont dire leurs heures monacales. Et, en effet , au bout de quel-
ques minutes, la communauté se relève et l'office de nuit com-
mence. Il durera quatre heures, au milieu d'alternatives combi-
nées d'obscurité et de lumière. Pendant quatre heures, sans repos
ni trêve, à pleine voix, sans la moindre altération de sonorité, à
respirations égales, comme emportés dans un élan inexorable, en
dépit des défaillances de l'esprit et des révoltes de la chair sous le
cilice, se poursuivront, monteront dans les ténèbres les psaumes
de David, les plaintes de Jérémie, les prières des morts : — orai-
son extatique qui emporte l'âme dans ses enroulements, aspiration
infatigable du cœur gémissant qui ne peut et ne veut se reposer
qu'en Dieu. Je ne connais rien de plus noble et de plus mélanco-
lique que ce plain-chant pur. Ce « sublime » palestrinien aurait-
il son atmosphère qui emparadise et rassérène l'âme , comme les
horizons du matin dans les beaux jours, où le vent ne secoue que
l'odeur saine et fortifiante des blés en fleurs et des chênes verts?
Je ne sais ; toujours est-il qu'en entendant ces chants, l'âme re-
vient réellement à elle-même ; sous cette calme influence, tout un
monde de choses jeunes et naïves, de sentiments vrais , profonds,
ingénus, de douces et consolantes croyances renaissent et gran-
dissent. . . Au point de vue musical, j'ajouterai que ces transfuges
liKVLK El HAZETTE -MUSICALE
de la soci(5té, que ces exilés voloiilaires dont la fatalité a renversé
les foyers et qui ont réclamé le droit d'asile sur les hauteurs, ser-
vent généreusement la cause de l'art religieux, en possédant sa
tradition tout entière, en la rattachant à ses monuments les plus
purs, en la maintenant et en la concentrant dans la pratique.
* *
Le rituel des Chartreux bannit la musique religieuse proprement
dite, qui repose sur la tonalité moderne et qui a subi tant et de
si diverses transformations depuis Palcstrina jusqu'à Mozartetjusqu'à
nous. Saint Bruno, fondateur de l'ordre cartusicn, connaissait le pouvoir
de la musique. Il voulut donc qu'au lieu de rouvrir les plaies et de
raviver les souffrances de ses compagnons en leur rappelant les
passions mondaines sous lesquelles ils avaient succombé, elle de-
vint pour eux un exercice rude, austère, mais fortifiant, dans
lequel ils trouveraient l'oubli du passé et l'espérance de « ce
quelque chose qui, un peu plus tôt, un peu plus tard, doit venir
à coup sur. » Pour donner à la méditation cette forme musicale
et l'isoler de toute arrière-pensée étrangère, la règle de saint
Bruno édicta l'usage exclusif du plain-chant, tel que saint
Grégoire le Grand et ses successeurs l'avaient constitué définitive-
ment du y" au ix" sièclfi sur les restes de l'ancienne musique
grecque et hébraïque. Palestrina survint : vers la fin du xv" siècle
le plain-chant était pur, émondé. Il devait subir peu à peu avec
le temps les influences et même les tournures musicales extérieures,
se moderniser, en arriver aux messes de Lulli et de Dmnont, qui
sont des plains-chants absolument modernes.
Privés de musique et d'instruments pour la célébration des
offices, les Charlreux voulurent au moins avoir un plain-chant
conforme à la tradition et à leurs cartulaires. Le chapitre général,
composé des prieurs de toutes les maisons d'Europe et des officiers
de la Grande-Chartreuse, décréta celte réforme.
L'ordre possédait non-seulement l'édition romaine de Palestrina,
autoritaire d'après la bulle du pape Marcel, mais encore les ma-
nuscrits de Saint-Gall, les travaux du père Subiger et d'autres éditions
incomplètes, mais antérieures ù Palestrina et que l'on avait découvertes
à Montpellier. Tout du x" à la fin du w siècle, tout fut étudié. On
remonta aux sources, aux continuateurs de Grégoire le Grand qui
avaient enrichi le plain-chant d'inspirations pures: au moine Huc-
bald, au chantre Théophraste, au pape Urbain IV, ancien élève
de la maîtrise de Troyes; aux documents de la psallette de Metz,
aux psaumes de Guy, évèque d'Auxerre; de Raynald, évêque de
Langres; de Fulbert, de Chartres; de Saint-Godefroy, d'Amiens;
d'Hervé, archevêquede Reims; de Guido d'Arezzo, auteur de la mélodie
de la prose Lauda Sion; de Pierre, de Corbeil, qui composa un office
de la Vierge, etc. On compara (pour le chant romain) les éditions
de Rennes, de Reims, de Cambrai, de Digne et d'Avignon, la plus
répandue dans le Midi, On s'entoura enfin de tous les renseignements
relatifs à la matière. Cette enquête terminée, les Chartreux arrêtèrent
l'official définitif de l'ordre, en y intercalant les chants particuliers
antérieurs à la réformation du xv» siècle, qu'ils avaient en propre
comme certains autres ordres monastiques. Les résultats de ces
recherches ont été consignés dans un ouvrage des plus intéres-
sants, récemment publié, à l'usage des maisons cartusiennes, par
le R. P. Marcel. Maintenant dans toutes les chapelles de l'ordre
résonnent les chants religieux du temps de Prudence, du pape
Innocent III et du roi de France Robert. Telle est l'œuvre colos-
sale qu'ont accomplie ces hommes de foi et de bonne foi. Au moins
eux croient-ils sincèrement à quelque chose.
Aussi, cette reconstitution minutieuse du plain-chant donne-
t-lle aux offices de la Grande-Chartreuse un caractère peu com-
mun de dignité : la mélodie apparente n'est pas étouffée, là ainsi
qu'ailleurs, sous une surcharge de notes redondantes; la prosodie
n'y est pas outragée; le rhythme est exactement suivi sans sacca-
des ; la netteté de l'articulation est telle qu'elle engendre pour l'o-
reille de singulières méprises de tonalité.
Le chant est à deux chœurs ; l'intonation du premier chœur est
imposée ou portée au second par l'anliphone, chantée par toutes
les voix réunies et redite après chaque verset du psaume. On
change le ton de l'antienne juxtaposée au psaume suivant. Si plu-
sieurs antiennes se trouvent être du même mode, en raison des
exigences du texte, la psalmodie est terminée différemment.
Chaque religieux remplit à tour de rôle l'office de lecteur et de
grand chantre. Ces voix ont un timbre particulier et qu'on n'ou-
blie plus après l'avoir entendu. On finit presque par reconnaître
dans l'inexorable spirale du psaume la disposition d'esprit de celui
qui chante. Aussi quelle discipline! Tous les jours de l'année
psalmodie, à pleine voix, de minuit à quatre heures du matin et
de sept heures à dix heures du matin. Les novices ont en outre
une heure de leçon. Et tous ces hommes vivent de légumes et de
laitage. Il en est de vieux. Calme ou assombrie, confiante ou en
proie au doute, on sent, lorsqu'ils chantent, que l'âme domine ici
la matière et la dompte sans merci. Quand le texte des psaumes
parle du repos dans la mort, la voix chez beaucoup s'imprègne
d'un accent impersonnel d'enthousiasme concentré. Il semble que
ces sages, siégeant comme les anciens d'Israël, trouvent dans la
mélopée sainte les accents qui acheminent leur esprit au monde à
venir.
Toute autre musique serait impossible à la Grande-Chartreuse.
Le milieu, le site, tout réclame impérieusement ce clair-obscur
sonore. La plus belle fanfare détonnerait dans cette cour d'hon-
neur où pleurent deux fontaines glaciales. Les plus grands artistes
attaquant sous ces voûtes les airs qui ont remué les foules s'arrê-
tent étonnés et surpris comme par un contre-sens. Je ne sais de
quel sentiment de dégoût on se sentirait envahi pour un plaisantin qui
fredonnerait là un inepte refrain enjolivé du calembour en vogue.
Dans ces murailles vibrera étrangement la trompette du jugement
dernier. On est là bien haut et bien loin.
« *
. . . Quatre heures sonnaient lorsque nous quittions la tribune
où nous avions assistés aux matines de la Grande-Chartreuse.
Nos lumières à la main, nous allions par les longues et som-
bres galeries. . . « N'importe ! dit l'un de nous, — un composi-
teur des plus populaires, — de longtemps je n'oublierai, quand mi-
nuit sonnera à l'horloge des foyers de théâtre ou des cafés du
boulevard, cet office de nuit. Cela impressionne aussi profondé-
ment que nos plus belles œuvres dramatiques. »
— Les impressions profondes que produit la musique, ses prodi-
ges psychologiques, si vous voulez, — reprit quelqu'un, — sont
de tous les temps et indépendants du mérite du compositeur ou
de la composition. Selon que l'esprit est monté à un certain ton,
l'oreille se laisse gagner par des airs légers ou graves, tendres ou
guerriers. Quelque corde à l'unisson avec ce que nous entendons
ou croyons entendre est touchée en nous et le cœur répond. La
musique commence son langage où la poésie finit le sien. Le
Dante n'a-t-il pas consacré le souvenir des émotions délicieuses
que le chant de son ami Casella lui avait causées? Le musicien
inconnu, peint par Raphaël avec tant de charme, avait sans doute,
à son tour, ravi celte âme angélique et la reconnaissance doit
avoir guidé la main du peintre. Mais une mélodie, un cantique,
un plain-chant même peut produire un effet de ce genre. La musi-
que reproduit constamment les mêmes effets ; elle ne cessera ja-
mais, elle n'a jamais cessé d'étendre son domaine et ses richesses.
— Grâce un peu aux monastères, répondit-on. Durant la triste nuit
du moyen âge, le dernier rayon de la pure vie intellectuelle éclaire
DE PARIS.
299
le front pâle du moine. Au milieu d'un monde barbare, la société
monastique conserve seule le sentiment et le f^oût des jouissances
de l'esprit et de l'art, ouvrant un refuge à toute intelligence qui
laissait voir, même sous le sayon de l'esclave, quelque étincelle de
génie. Combien d'artistes , de poëtes, de savants ont dû bénir,
pendant des siècles, ce droit d'asile respecté qui les avait arrachés
aux misères poignantes et à la vie bestiale de la glèbe! La musique
a bien quelque raison de vénérer, non pas ces moines pansus et
verts gaillards de la décadence, qui ont fait la joie de nos pères et
ne font pas la nôtre, mais ces travailleurs modestes, inconnus,
d'une abdication si résignée, d'un renoncement si paisible dans
son héz'Oïsme, qui nous apparaissent, qui nous apparais- aient tout
à l'heure encore dans la cellule du R. P. Marcel, creusant et per-
pétuant les chefs-d'œuvre de l'art musical religieux... »
Et nous regagnâmes, François Bazin, Besozzi, Jules Mones-
tier et moi, les cellules mises à notre disposition, — par une fa-
veur spéciale, — dans VAula pi-ovinciarium Italice.
Em. Mathieïï UE monter.
LES THÉÂTRES LTBIOUES SECONDAIRES Â PARIS
DEPUIS ISSO.
{%" article) (1).
1828. — 4 février. — Les Deux Aveugles de Tolède, de Mar-
sollier et Méhul, créés à l'Opéra-Comique le 28 janvier 1806.
18 février. — Les Brigands, opéra-pastiche en deux actes, pa-
roles de MM. Th. Sauvage et H. Dupin, musique tirée de divers
opéras de Dalayrac. « Les Brigands, non pas de Schiller, comme
le disait hier l'affiche, mais de MM. Sauvage et Dupin, sont vus
avec plaisir après les Éphémères. Cet ouvrage est d'une constitu-
tion un peu frêle. On voit qu'il n'était pas destiné primitivement
à une scène aussi élevée que celle du second théâtre ; sa forme est
celle du vaudeville; il n'y manque que les ponts-neufs obligés.
Les auteurs les ont remplacés, et ils ont bien fait, par des mor-
ceaux charmants empruntés aux différentes partitions de Dalayrac.
Ce choix a été fait avec goût. Cet opéra-vaudeville, comme l'appelle
l'afliche, nous a présenté les artistes de l'Odéon sous un jour
beaucoup plus favorable que les ouvrages à grand orchestre de
M. Rossini, qui exigent des poumons extraordinaires pour lutter
avec avantage contre les accompagnements obligés de timbales,
cymbales et instruments à vent. » {Courrier des Théâtres.)
10 avril. — Le Dernier jour de Missolonghi, drame héroïque en
trois actes et en vers libres, d'Ozaneaux, musique d'Hérold.
Ceci, on le pense bien, était un ouvrage de circonstance inspiré à un
poète par la vaillance du petit peuple qui venait de se soulever
en masse pour reconquérir héroïquement son indépendance. Hérold
avait consenti à écrire pour cet ouvrage une ouverture et la musique de
trois morceaux plus ou moins importants : au premier acte, une bal-
lade avec chœur; au second, une chanson, aussi avec chœur;
enfin, au troisième, un grand chœur coupé par deux strophes,
lesquelles étaient chantées, — le fait est bon à i appeler, — par
M. et Mme Duprez.
Quelle était la valeur des morceaux écrits ainsi par Hérold, à la
hâte sans doute, puisque, nous l'avons dit, il s'agissait d'un ou-
vrage de circonstance, monté par conséquent avec rapidité, peut-
être presque improvisé? 11 est bien difficile de le savoir, puisque
la partition n'a pas été publiée. Nous devons nous en rapporter
(1) Voir les n°= 25, 26, 29, 31, 33, 34 et 37.
aux jugements exprimés par les contemporains, et, comme il arrive
souvent, ces jugements sont contradictoires.
Voici celui d'un musicien, de M. Fétis, dans la Revue musicale :
— « Le Dernier Jour de Missolonghi n'est point un opéra, mais un
drame, dans lequel on a placé trois ou quatre morceaux de mu-
sique et une ouverture. M. Hérold, en composant cette musique,
semble s'être souvenu du peu de chances de succès qu'un auteur
trouve à l'Odéon, car ses morceaux offrent un air de négligence
qui ne lui est point ordinaire. Son ouverture, formée de quelques-
uns des motifs d'un air du deuxième acte et d'un chœur du troisième, est
cousue par des traits à la manière rossinienne, qui sont mainte-
nant si usés que l'auteur lui-même les dédaigne et les a abandonnés.
On trouve au premier acte une espèce de chant national qui, malheu-
reusement, manque de couleur locale et qui est trop modulé. Les
couplets que chante Léon, au second, sont plus piquants et l'ins-
trumentation en est élégante. Quant au chœur du troisième ,
que plusieurs journaux ont présenté comme le meilleur morceau,
il m'a semblé qu'il n'a rien de neuf et qu'il n'est que conve-
nable. Je suis persuadé que M. Hérold porte sur cette légère pro-
duction le même jugement que moi, et je n'insisterai pas sur sa
faiblesse. »
D'autres étaient moins sévères; témoin ces lignes, que j'extrais
du Courrier des Théâtres : « ... La musique, ou plutôt les qua-
tre ou cinq morceaux qui composent la partition de M. Hérold,
sont dignes de leur brillante origine, de cet aimable et fécond
inspiré. L'ouverture est un peu rossinisée; mais c'est plutôt une
cojicession qu'un défaut, car l'auteur sait être lui quand il le veut.
Le chœur du premier acte, dont le motif est un chant grec, est
magnifique. Le chœur qui accompagne l'air de Léon est charmant;
enfin, le morceau d'ensemble du troisième acte est de toute
beauté. Il ne lui manque que d'habiles exécutants sur le théâtre,
car ceux de l'orchestre s'en acquittent au mieux. »
Témoin encore ce jugement sommaire et favorable porté par
le Constitutionnel: « Les morceaux de musique ajoutés par M. Hé-
rold produiraient plus d'effet si les parties de chant étaient aussi
bien exécutées que les parties de l'orchestre. L'ouverture notam-
ment a réuni tous les suffrages, tant il est vrai qu'en musique
l'exécution décide le plus souvent du mérite du compositeur. »
Enfin, Théodore Muret a tracé ces lignes sur l'ouvrage qui nous
occupe : « La musique de cette ballade (celle du premier acte),
celle des autres chants et chœurs jetés dans la pièce, ainsi que
l'ouverture, ne démentaient pas le talent d'Hérold, et ne doivent
pas être oubliées parmi ses œuvres. Le principal rôle, celui du
chef Capsali, était rempli par Bocage, et Provost portait la barbe
et le turban de Tahir-Pacha, lieutenant d'Ibrahim. Un petit rôle
de jeune Grec n'était pas dédaigné par Mlle Anaïs , bientôt après
sociétaire au Théâtre- Français. Un chanteur encore obscur, dont
le nom devait retentir bien haut, se faisait entendre dans la par-
tie musicale sous le costume d'un guerrier: ce chanteur n'était
autre que Duprez, sujet secondaire dans la troupe lyrique de l'O-
déon. 11 alla ensuite débuter à l'Opéra-Comique sans y produire
un grand effet, partit pour l'Italie, et en revint armé de son fa-
meux ut de poitrine, l'instrument de sa célébrité. Mme Duprez
chantait auprès de son mari la partie d'une jeune Grecque. {L'His-
toire par le Théâtre, II, p. 283.)
Ce qui paraît certain pourtant, c'est que, sans être indignes de
lui, les quelques pages écrites par Hérold pour le Dernier Jour de
Missolonghi n'étaient point de nature à augmenter sa renommée.
Cette musique, composée précipitamment pour une œuvre de cir-
constance, avait dû être émise au courant de la plume, et n'avait
pu être échauffée par le génie brûlant de l'auteur de si beaux
chefs-d'œuvre. Je n'insisterai donc pas plus qu'il ne faut à ce sujet.
300
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
15 avril. — Marianne, opéra-comique en un acte, de MarsoUier
et Dalayrac, créé au théâtre Favart le 7 juillet 1796.
4 mai. — Deux Mots, ou une Nuit dans la forêt.
18 mai. — Gulnare, ou l'Enclave persane, opéra-comique on un
acte, de MarsoUier et Dalayrac , créé au tliéâtre Favart le 9 jan-
vier 1798,
27 mai. — Le Déserteur, de Sedainc et Monsigny, créé à la
Comédie-Italienne le 6 mars 1769.
On voit qu'à partir du commencement de l'année 1828 et de la
représentation des Brigands (car, malgré le grand nom d'Hérold,
le Dernier Jour de lUissolonghi ne peut être considéré comme une
œuvre musicale), la musique proprement dite cessa de faire par-
tie du répertoire de l'Odéon. On n'y représenta plus de ces grands
ouvrages, de ces traductions importantes qui, sous ce rapport,
avaient fait acquérir i\ ce théâtre une véritable notoriété, et l'on
se contenta de quelques reprises de pièces délaissées par l'Opéra-
Comiquc. Dès le mois de février ou de mars , le personnel chan-
tant se démembrait, et l'orchestre lui-même, ce magnifique or-
chestre qui avait conquis vaillamment une réputation si légitime,
se voyait disloqué. C'est ce qui résuite dos lignes suivantes, que
M. F'étis publiait dans un des numéros de la Revue musicale île
février 1828 : « L'Odéon est à peu près perdu pour la musi(|ue ;
le directeur de ce théâtre n'en veut pas. Mme Sdiutz est partie :
c'est une perte; car, malgré des défauts considérables, elle était
ce qu'on avait de mieux. On assure qu'à la tin de ce mois, une
partie de l'excellent orchestre, qui était à peu près tout ce qu'on
pouvait louer à l'OJéon, sera renvoyée. On ne conservera que ce
qui est nécessaire pour jouer Biaise et Babel, Ambroise et autres
ouvrages de même force.
» Je convions que la position de l'Odéon ot la nature de son
privilège étaient do grands obstacles ;i sa prospérité , mais je pense
qu'on pouvait mieux linir. «
Quelques semaines après, Crémont lui-même se retirait pour
aller à l'Opéra-Comiquc remplacer Kreubé comme premier chef
d'orchestre. C'est encore M. Fotis qui le constate en ces termes,
dans le même recueil : « M. Crémont, deveim chef d'orchestre en
remplacement de M. Frédéric Kreubé, a marqué sa prise de pos-
session par une exécution plus soignée qu'on n'avait coutume de
l'entendre à ce théâtre ...»
Bref, les choses allaient de mal on pis. L'Odéon n'avait plus ni
chanteurs, ni orchestre, ni choristes, les représentations deve-
naient languissantes et faibles, pour ne pas dire plus, et le public
désertait le théâtre. Enfin, un soir, le mécontentement des specta-
teurs fut si grand et se manifesta de telle sorte, qu'un lurrible
tapage s'ensuivit et que l'autorité dut faire évacuer la salle. Dès
le lendemain, le théâtre fut fermé, et l'on dut s'occuper de nom-
mer un nouveau directeur. Ce directeur fut Lemétheyer , qui,
déjà, trois mois auparavant, avait été sur le point de se charger
de l'administration de l'Odéon, ainsi qu'on peut le voir par celte
note publiée au mois de mars par un journal spécial : « Il y a
trois semaines, les arrangements relatifs à l'Odéon semblaient ter-
minés. M. Lemétheyer, régisseur actuel de l'Opéra-Comique, en
prenait la direction , se chargeait de l'acquittement des dettes
moyennant la concession d'y jouer tous les genres, et surtout l'o-
péra-comique nouveau, et le théâtre allait ouvrir ; mais lorsqu'il
a fallu régulariser l'acte définitif, des difficultés se sont élevées, et
M. Lemétheyer s'est retiré. On parle maintenant d'un entrepre-
neur qui bannirait la musique de l'Odéon, et qui en ferait, comme
autrefois, un théâtre destiné à la comédie et à la tragédie. »
Mais les visées de Lemétheyer avaient changé de but, et cet
administrateur ne consentit à se charger des destinées de l'Odéon
qu'à la condition de n'y exploiter que les deux genres jadis con-
sacrés à ce théâtre : la tragédie et la comédie.
En arrêtant ici cette période de l'histoire do l'Odéon, je puis
donc, avec on no peut plus d'opportunité, terminer par cette phrase
si connue et qui n'aura jamais été employée plus à propos : E
finita la musica.
ÂRTiiun POUGIN.
(La suite prochainement.)
BIBLIOGRAPHIE IHUSICÂIC.
PHÉNOMÈNES MUSICO - PHYSIOLOGIQUES,
Par Charles Meerens (de Bruxelles) (1).
Le dédain avec lequel la plupart des musiciens repoussent toute ten-
tative d'invasion dos sciences exactes dans leur domaine était jusqu'à un
certain point justifié. Le secours que les malliématiques avaient apporté
à la science musicale se réduisait toujours à fort peu de chose; à
peine avait-on indiqué quelques vagues analogies qui n'expliquaient
rien. On tournait dans un cercle vicieux; le plaisir de l'oreille était
érigé en principe et faisait la ba^o de tous les sysicmes.
On savait ceci : les accords consonnanls cor."espondent à des rapports
de nombres entiers. Les pythagoriciens tournaient et retournaient ce
thème sans en tirer autre chose que des aphorisnies sur l'harmonie du
monde et sur la puissance occulte des nombres. On a voulu retrouver
les sept notes do la gamme jusque dans le mouvement des astres et
dans les sept coulc^urs do l'arc-cn-ciel, ot le grand Kepler lui-môme s'a-
bandonnait volontiers à des spéculations mystiques sur cette matière.
Aujourd'hui que nos immenses rassources scienlifiques nous permet-
tent de mettre on évidence les plus délicates inductions, que les progrès
(le la science marchenl sur un terrain solide, la musique est, de toutes
les connaissances humaines, celle qui offri; le plus d'éléments phénomé-
naux exactement déterminés ; mais l'étude de ces faits élémentaires, au
lieu de s'être continuée exclusivement dans la direction tracée par un
sage esprit d'observation, a servi de prétexte à la création d'une foule
de théories gratuites, qui, fatalement, s'écartaient de la vérité; leurs in-
venteurs donnaient ces fausses doctrines comme vraies; cependant ils ne
pouvaient, en quelque sorte, les affirmer que sur leur parole d'honneur,
et les crédules abusas les défendaient avec fanatisme.
Mais voici un petit ouvrage que vient d'e publier M. Charles Meerens:
— Phénomènes musico-phtjsiologiques — et qui paraît vivement occuper
les théoriciens.
Dans cet ouvrage, point d'utopies, point de rêves creux; toute sa doc-
trine découle d'un phénomène physiologique dont l'existence est suf-
fisamment démontrée par l'observation d'un musicien expérimenté. Le
principe en est bien simple et a toutes les apparences de réaliié, car il
se confirme de plus en plus à mesure qu'on l'applique à la philosophie
de l'art, et il vient ainsi mettre en iumière les plus mystérieux phéno-
mcnps de la science harmonique.
M. Meerens est arrivé à découvrir que, dans la perception du son,
nous soumettons les vibrations à un système rhythmique, c'ist-à-dire
que nous percevons le son par groupes ou séries d'une ou plusieurs vi-
brations successives, et le nombre de vibrations dont ces groupes se com-
posent détermine la fonction tonale de l'intonation. Ainsi le rhythme
binaire des vibrations nous fait entendre une tonique, le rhythme ter-
naire une dominante et les rhythmes composés des rapports indirects
résolvent le problème mystérieux des attractions des sons.
M. Meerens explique aussi la cause des accents mélancoliques qui ca-
r.ictérisent le mode mineur. Bref, il donne la clef de tous les mystères
harmoniques et des mouvements du mécanisme intellectuel qui fait naî-
tre les sensations diverses que la musique nous fait éprouver. Nous
croyons que l'auteur a enfin deviné une énigme vieille de deux mille
ans.
Apprécier, par des raisonnements fondés sur des chifi"res, ce que l'ins-
tinct a découvert et ce que le génie a fécondé, quelle science attrayante,
quelles conquêtes de l'esprit d'investigation et d'observation !
Osons chaleureusement recommander la brochure de M. Charles
Meerens.
C. D. G.
(1) Nous empruntons au Guide musical cette appréciation de l'opuscule
de M. Meerens, qui s'est déjà fait connaître par des recherches curieuses
sur la musique, dont nous avons rendu compte dans la Gazette musicale.
DE PARIS.
301
CORRESPONDANCE.
Le Havre, 46 septembre.
La musique, mon cher Diiecteur, est largement représentée à l'Ex-
position du Havre, si intelligemment créée, dans un but philanthropi-
que et humanitaire, par M. NicoUe, homme de cœur et de progrès.
Les pianos et les orgues n'ont eu garde de manquer au rendez-vous ;
on n'en compte pas moins r.e soixante! Ils sont joués tous les jours de
3 à 6 heures, par des virtuoses spécialement engagés et par des artistes
de passage. Aussi a-t-on surnommé la salle où se trouvent les instru-
ments de musique l'aquarium des pianistes; il est inutile de vous dire
que les bacs les plus remarqués sont de Pleyel-Wolff et de Erard-Le-
bourg. (Pourquoi ce second nom?)
Passons aux virtuoses.
Ce sont d'abord MM. Vannier et Jacques Baur, qui déploient beaucoup
de talent, ce dernier surtout, à faire valoir les pianos Erard;
Puis Mlle Secrétain, qui charme autant les oreilles que les yeux en
jouant l'instrument de son maître Henri Herz;
M. Magnus, dont le double talent de pianiste et de compositeur attire
toujours un nombreux public près des pianos Pleyel-Wolff, ee qui ne
l'empêche pas quelquefois de céder sa part de succès à Mlle Valentine
Lefebvre, jeune artiste promise au succès de par les soins de son pro-
fesseur. Certain, et les leçons de son père, marchand de musique au
Havre et représentant de la maison Pleyel-Wolff. M. Lefebvre est pour
beaucoup dans le goût qui a présidé à l'arrangement de la salle des
pianos ;
Mlle Thouret, artiste consciencieuse et brillante ;
Ketterer, dont le caprice hongrois provoque inévitablement les bravos;
Lebeau, sans rival sur l'orgue - harmonium , et bien d'autres dont les
noms m'échappent.
Mais là ne se borne pas la partie musicale de l'Exposition. Dans le
jardin, oii, comme dans le parc du Champ-de-Mars, on rencontre des
kiosques ornés de toutes sortes de surprises, un orchestre de fanfare se
fait entendre deux fois par jour, à 3 heures et à 8 heures, sous la di-
rection de M. Jacijuin, habile chef de musique de la Douane à Rouen.
Il y a aus.si un Cercle international, dans lequel on donne des concerts,
mais il a été si mal inauguré que les séances en sont peu suivies; ce-
pendant Mme Ugalde et Berthelier s'y sont fait entendre.
Le concert de Mlles Jagoriska, chanteuses de la chapelle impériale, a
médiocrement réussi.
Une tentative de concerts populaires n'a pas été plus heureuse. La
salle est abandonnée maintenant aux conférences et aux banquets. On
banquette, même beaucoup au Havre. Que voulez-vous? L'air salin pro-
voque tant l'appétit et la marée est si fraîche!
Nous avons eu un très-brillant concours d'orphéons et de musique
d'harmonie; cent cinquante-cinq sociétés se sont présentées, en tout,
quatre mille cinq cents musiciens! Jamais le Havre n'avait reçu tant de
visiteurs harmonieux! Jamais au«si un public aussi nombreux pour
applaudir au triomphe de la musique municipale de Roubaix et de la
Société chorale des Xeuslriens de Caen. C'était de l'enthousiasme, du
délire, des couronnes, des médailles et des toasts à n'en plus finir! Le
jury était sur les dents, et plus d'un couronné a dû passer la nuit en
plein air, contemplant l'étoile polaire, ce guide du marin, qui se montrait
radieuse d'une aussi belle journée.
Frascati, l'hôtel aristocratique des baigneurs, est le rendez-vous fa-
vori du plus beau monde. — Tous les soirs son jardin est rempli
par les amateurs de musique qui viennent applaudir l'orchestre habile-
ment conduit par M. Kieffer, et ses jolies fantaisies sur les Huguenots, la
Poupée de Nuremberg et autres dans lesquelles la science s'unit au bon
goût et d la connaissance parfaite de l'orchestre.
Au théâtre, la Grande-Duchesse de Gérolstein a fait la conquête de
tous ses sujets, et ils étaient nombreux.
Vous le voyez, mon cher directeur, ainsi que je vous le disais au début
de cette lettre, la musique occupe une large part dans les plaisirs du Havre,
et le directeur de l'Exposition ne s'en lient pas au magnifique aquarium,
qui à lui seul vaut le voyage et suffirait à charmer les visiteurs.
FRÉDÉnic Brisson.
P. S. — Nous compléterons la lettre de notre correspondant par un
détail dont sa modestie l'aura empêché de nous faire part, à savoir qu'il
a touché plusieurs fois les pianos de Pleyel-Wolfif avec le succès que
provoquent partout où il se fait entendre la pureté de son style et la dis-
tinction de son jeu.
NOUVELLES DES THÉiTRES LYRIQUES.
,% Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et vendredi Hamlet
et mercredi Herculanum.
**» Mercredi a eu lieu la rentrée de Mlle Marie Battu dans Herculanum.
Nous avons émis sur le rare talent avec lequel Mlle Marie Battu a conçu
et rendu le rôle de Lilia, une opinion qui a été partagée par toute la
presse et largement sanctionnée par le public. Il vient de nouveau de la
confirmer hautement par l'ovation qu'a reçue de lui l'éminenle artiste à
laquelle il a prodigué les bravos, les rappels et les fleurs. — C'est
Mlle Bloch qui a chanté le rôle d'Olympia, Mme Gueymard étant indis-
posée.
*** L'Opéra va reprendre la série des repré.sentalions supplémentaires
qu'il est d'usage de donner pendant la saison d'hiver. Ces représenta-
tions auront lieu alternativement le dimanche et le samedi. Elles com-
menceront aujourd'hui dimanche 20 septembre par l'Africaine.— Pour ces
représentations, les loges de rez-de-chaussée et de premier étage, ordinai-
rement réservées à l'abonnement, sont mises à la disposition du public.
**t Mme Galli-Marié a trouvé, dans le rôle de Rose Friquet, un suc-
cès analogue à celui qu'elle avait obtenu dans Mignon. Ce succès s'af-
firme davantage à chaque représentation des Dragons de Viltars, et, à
l'une des dernières, un bouquet monstre jeté à l'éminente artiste lui a
prouvé à quel point elle était sympathique au public. — Hier a eu lieu
la l'eprise du Premier Jour de bonheur La direction a hésité longtemps
dans le choix de la cantatrice qui devait remplacer Mlle Marie Roze dans
le rôle de Djelma. La tâche était, en effet, difficile après le succès si vif
qui l'y avait accueillie. Le choix de M. de Leuven s'est fixé sur une
belle personne, Mlle Moisset, dont on a pu apprécier le talent et l'intel-
ligence aux derniers concours du Conservatoire, où elle a obtenu un
premier prix. Nous dirons dimanche si, comme tout le fait espérer,
elle aura apporté à l'œuvre d'Auber un concours aussi éclatant que
celui heureusement rencontré dans sa devancière par l'illustre com-
positeur.
^*t Mme Adelina Patti clora ses représentations à Hombourg
par la Sonnambula; elle sera à Paris le 2i et ouvrira, avec Fras-
chini la saison italienne de Yentadour par la Lucia. — Elle ne nous
restera que six semaines et partira vers la mi-novembre pour Saint-
Pétersbourg, en passant par Bruxelles, où elle s'est engagée à donner
quelques représentations. — On dit merveilles des restaurations et em-
belUssements effectués dans la salle du théâtre Italien. On attend, entre
autres, le plus bel effet des glaces dont les premières loges fermées ont
toutes été garnies, et qui feront admirablement valoir les toilettes et la
beauté des dames.
**;ic Depuis son retour de Bade , le nouveau directeur du théâtre Ly-
rique déploie la plus grande activité pour sa réorganisation. Bien des
choses sont déjà faites, le personnel est complet, les se^^^ces fonction-
nent et les travaux artistiques ont commencé. M. Pasdeloup est d'ailleurs
parfaitement secondé par son secrétaire général, M. Jules Ruelle- son
premier chef d'orchestre, M. Mangin ; et son chef de choeurs, M. Eun-ène
Vast, un second prix de Rome, organiste de Saint-Germain-l'Auxerrois
et ancien professeur de l'Orphéon municipal. C'est dans ces fonctions que
M. Pasdeloup a pu l'apprécier. Il a aussi fait une excellente acquisition
dans M. Benou, l'ancien associé de M. Dormeuil aux théâtres du Palais-
Royal et du Vaudeville, qu'il a choisi pour administrateur général.
Quoique non signés encore, on peut regarder comme conclus les enga-
gements de MM. Monjauze, Duwast et Massy, et de Mmes Daram De-
vriès sœur.'! — dont la seconde n'a point encore paru sur la scène et qui
est élève de Duprez— de Mlles Duval et Marie Léon, enfin de Mlle Gil-
bert, soprano, auquel un bel avenir paraît réservé. — Le répertoire doit
dès le début, être complètement renouvelé. Quant à l'ouverture, on es-
père qu'elle pourra avoir lieu le 13 octobre et probablement par le Val
d'Andorre et un nouvel ouvrage. Mais il serait encore bien difficile, au-
jourd'hui, d'assigner à cette réouverture une date certaine.
,*^ L'opéra de Frédéric Ricci, M. de la Palisse, est en quatre actes,
et M. Martinet, désirant donner tout l'éclat possible à son exécution, vient
d'engager pour le principal rôle de femme Mlle Mai'imon, qui obtient
en ce moment à Bruxelles un grand succès dans le Docteur Crispin. L'en-
gagement de Mlle Marimon au théâtre de la Monnaie expire au mois de
novembre; c'est donc pour cette époque qu'elle se mettra à la disposition
du directeur des Fantaisies-Parisiennes, qui lui donne i, 000 francs d'appoin-
tements par mois. — Elle y chantera également le rôle d'Annette dans
Crispino e la Comare.
jt*» Le 24 de ce mois-ci Fleur de Tl-.é atteindra sa centième représen-
tation à l'Athénée. — Indisposé pendant quelques jours, Léonce avait dû
céder .son rôle de Kaolin à un ancien acteur du théâtre du Prince-Eu-
gène, Pelardy, qui s'en est fort bien tiré. Léonce, rétabli, est rentré en
possession de son gracie de Général des Tigres, l'une de ses plus ébou-
riffantes créations, et M. Biisnacli a profité de l'occasion pour se l'atta-
302
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cher définitivement en renouvelant son engagement pour deux ans. Des
premiers créateurs de l'opéretle de Ch. Lecocq, il ne reste plus que
Léonce et Fleur de Thé, elle-niôme, la charmante Lucy-Cabel.
**, Fleur de Thé n'a pas moins de succès à Lille qu'à Paris. Depuis
huit jours le public des Variétés applaudit la charmantechinoiserie musicale
de M. Lecocq. L'exécution et la mise en scène ne donnent prise à aucune
critique: l'orchestre est bon, les chœurs chantent juste. Mlles Gentien
(Césurine) et Carretier (Fleur de Thé) recueillent chaque soir une ample
moisson de bravos. Edouard Georges et Coste sont excellents dans les
rôles de Désiré et de Léonce. Public, artistes et directeur, tout le monde
se montre content!
**^c Le père de la jeune violoniste Thérèse Liebe, M. Louis Liebe, fait
en ce moment répéter au théâtre de Carlsruhe un opéra de sa composi-
tion : la Fiancée d'Azola, qui doit être représenté à l'occasion de la fête
anniversaire de la naissance du grand-duc.
**, lîn vertu de la nouvelle loi sur la propriété littéraire, une somme
de 4,000 francs, perçue sur les ouvrages de Weber représentés au théâtre
Lyrique, a été payée aux héritiers du maître par la Société des auteurs
et compositeurs dramatiques. — M. Hérold lils, avocat à la Cour de cas-
sation, touchera de même, pendant vijigt ans encore, les droits des ou-
vrages de son père qui seront joués à l'Opéra-Comique.
*% 11 serait question de la construction, par une importante Société
formée ad lioc, d'une nouvelle salle de spectacle à l'angle de la rue Cau-
marlin et de la rue Basse-du-Rempart ; mais c'est surtout dans ces sortes
d'affaires qu'il y a loin... de la coupe aux lèvres
NOUVELLES DIVERSES.
*** Après ses triomphes à Ems et à Bade, où il a fait fureur, Arban
vient de rentrer à Paris, et il est tout entier à l'organisation de ses
concerts Valentino, auxquels il se propose de donner un éclat exception-
nel. — La transformation de la salle est presque accomplie , et grâce à
l'habile décorateur chargé des travaux, la musique et la dan.se auront
rarement eu un temple aussi élégant ut aussi comfortablc. Quant au ré-
pertoire et à son exécution, l'habile chef d'orchestre et ses solistes ont
fait leurs preuves; on doit donc s'attendre à les voir faire merveille.
jf*^: L'activité concertante, ou, si l'on veut, la virtuosité militante ne
paraît pas prête à se ralentir, à en juger par une statistique de laquelle
il ressort que, du l" janvier au 31 juillet de cette année, cinq cent dix-
huit concerts ont été donnés à Paris seulement, aux salles Erard, Pleyel,
Herz et autres.
^*^ Les chœurs suédois, publiés par les éditeurs Brandos et Dulbur, à
l'usage des sociétés chorales, ont été de suite adoptés et se propagent avec
rapidité. On sait que l'un d'eux, le Roi des Mers, n'est autre que l'ori-
ginale et gracieuse mélodie de la ballade chantée par Mlle Niisson au
quatrième acte A'Hamlct et qu'Ambroise Thomas a si heureusement en-
cadrée dans son œuvre.
^*^ En offrant à M. Emile Deschamps , son voisin à Versailles , un
exemplaire du livre qu'il vient de puWier sous le titre de Haut en Bas,
M. Oscar Comettanl a écrit sur le premier feuillet du volume les vers
suivants :
De gloire vous êtes héraut,
Vous planez et ne marchez pas;
En vous offrant de Haut en Bas
J'ai regardé de bas en haut.
**a, Sur l'initiative prise par M. Domergue, chef d'orchestre de la So-
ciété philharmonique de Laval, l'administration municipale de cette
ville a voté les fonds nécessaires à l'établissement d'un Conservatoire de
musique. L'instruction reçue dans cette école comprend le solfège, les
instruments à cordes et à vent. Cinq professeurs y sont attachés. C'est la
première institution de ce genre créée dans les villes de l'Ouest, et il
faut féliciter l'administration et le professeur distingué qui ont eu l'idée
de cette utile innovation et qui ont réussi à la mettre à exécution.
^*^ On nous écrit de Vichy que la saison, grâce à la prolongation
du beau temps, se terminera aussi brillamment qu'elle avait commencé.
L'excellent orchestre de M. Romeo Accursi et le talent de sa charmante
femme n'auront pas peu contribué aux plaisirs que la direction du
Casino n'a cessé d'offrir à ses visiteurs. — Mme Accursi leur a fait ses
adieux dans un dernier concert oti son talent, tout plein de distinction et de
délicatesse, et la grâce de sa personne ont valu à l'éminente artiste les
suffrages les plus flatteurs et les plus unanimes. — Dans quelques jours,
M. Accursi va revenir prendre à l'orchestre du théâtre Italien la place
qu'il y occupe si bien, et il est à désirer que Mme Accursi ne borne pas
aux salons aristocratiques la production d'un talent qui ferait sensation
dans les conceris de l'hiver prochain.
^■"^ Nous avons été des premiers à faire connaître l'éclatant succès de
Mlle Niisson et de MM. Faure et Capoul au splendide concert donné à
Bade à l'occasion de la fête du grand-duc. Nous apprenons qu'à la fin
de la soirée M. Dupressoir aoffert à Mlle Niisson une riche couronne d'or.
—A Wiesbaden, oij elle s'est rendue ensuite, la célèbre prima donna n'a
pas été moins royalement fêtée. Le concert dans lequel elle a chanté et
qui avait attiré une énorme affluence, était honoré de la présence du
prince, de Prusse.
„,% Nous avons rendu compte l'année dernière de plusieurs "concerts
de bienfaisance donnés par le célèbre quatuor J. Decker, à Strasbourg,
et auxquels s'était associée une de nos plus gracieuses pianistes pari-
siennes, Mlle Emilie Desmaisons. Nous annonçons aujourd'hui avec un
véritable plaisir la nouvelle édition d'une des meilleures compositions
de la jeune artiste, pour le piano. C'est un nocturne en fa qui se dis-
tingue autant par sa bonne facture qu'il séduit par le charme de sa mé-
lodie principale ; nous le recommandons chaudement à tous les amateurs
de bonne musique.
^*^, Une des bonnes élèves de Marmontel, Mme Rousselet, qui profes-
sait avec distinction le chant et le piano à Dijon, se fixe à Paris pour
y ouvrir des cours et donner des leçons. La nombreuse clientèle qu'elle
s'était formée en province .et les regrets qu'elle y laisse la recommandent
mieux que tous les éloges qu'on pourrait faire de son talent.
^*^ On annonce la mort de Michel Naum, fondateur du théâtre italien
de ce nom à Constantinople.
#.*> Aujourd'hui'dimanche, au Pré-Catelan , de midi à six heures,
Fête annuelle des Enfants , donnée sous le patronage des Mères de fa-
mille. Un grand bal d'enfants avec une riche tombola clôtureront cette
intéressante Fête.
ÉTRANGER
,"=» Bruxelles. — Le théâtre royal de la Monnaie a donné cette semaine
une représentation de la Juive, qui a mécontenté le public au plus haut
point. Le ténor Massy et la première chanteuse Mlle Marty, évidemment
insuffisants pour les rôles d'Eléazar et de Rachel, ont dû résilier leur
engagement à la suite de celte malencontreuse épreuve.
^*^ Londres. — M. Mapleson et sa troupe sont arrivés à Dublin. Les
représentations ont commencé par fl Trovatorc, suivi de Freischutz, Lucia,
Lucrezia Borçjia, Rigoletto et Faust. Le théâtre est plein chaque soir. —
Le prospectus des concerts du samedi au Palais de Cristal vient d'être
publié. Les œuvres suivantes seront exécutées pour la première
fois : The )]'oman of Samaria, de Stei'ndale Bennett; fragments de la
Lorclnj de Mendeissohn; 6« symphonie de Schubert; deux duos pour
clarinette et cor de bassette de Mendelssohn; marche des Maîtres chanteurs
de R. Wagner; ode à sainte Cécile de Haendel; Tu es Petrus, pour chœur
et orchestre, de Mendelssohn; la Guerre domestique de Schubert; Chant
de victoire de Miriam, du même; la Cloche, de Romberg ; le Christ au
mont des Oliviers et Prométhéc de Beethoven ; adagio et scherzo pour or-
chestre de Rubinstein ; 3» symphonie et ouverture d'Hermann et Dorothée
de Schumaun; concerto de violon de Max Bruçh; nouvelle symphonie
d'Arthur Sullivan. — Mmes Goddard, Clara Schumaun, MM. Joachim
et Ch. Halle se feront entendre. Le chef d'orchestre est loujours M. Manns.
,*,j Bade. — L'opéra italien a eu son tour lundi dernier. On a commencé
par Norma, qu'ont interprétée Mmes Fricci, Griin, Arnoldi, MM. Capel-
lio Tasca, Scaria et Arnoldi. Le public, qui semblait tout heureux d'être
revenu des pays inconnus oii il faut suivre Lohengrin , a salué le chef-
d'œuvre de Bellini comme une vieille et sympathique connaissance, et
n'a pas ménagé les applaudissements aux excellents artistes chargés de
le lui traduire.
j*, Ems. — Le concert que nous avons eu le 27 août aura été cer-
tainement l'un des plus remarquables qui ait été donné aux eaux ther-
males de l'Allemagne. — M. Rriguiboul y avait convié à la fois Sivori,
Piatti, Arban et Mlles Corinna Simoni et Marie Deschamps. Avec de pa-
reils noms l'effet était certain. Aussi a-t-il répondu à l'attente générale.
— Toutes les formules de l'éloge ont été épuisées à l'égard de Sivori.
11 a été lui dans les deux fantaisies qu'il a jouées et c'est tout dire.
— Grands applaudissements au célèbre violoncelliste Piatti. — Quant à
Arban, il a autant surpris que charmé son auditoire par la douceur des
sons qu'il tire de son instrument, sa prodigieuse agilité et l'expression
qu'il donne à la mélodie. — Mlle Simoni est douée d'un organe délicieux;
elle vocalise admirablement et les bravos les plus chaleureux l'ont saluée
après chacun des morceaux qu'elle a chantés , notamment après l'air
des Dragons de Villars. — Mlle Deschamps, excellente organiste, a eu sa
légitime part du succès. — On s'est retiré ravi, enchanté.
^:% Aix-la-Chapelle. — L'Africaine est une nouveauté pour nous. La
liE lUKIS
303
direction s'est enfin décidée à la représenter et n'a pas eu à s'en repen-
tir, car le chef-d'œuvre de Meyerbeer obtient un splendide succès.
Mlle Philippine d'Edelsberg remplit à son honneur le rôle de Sélika.
,*, Leipzig. — Mme Lucca a terminé sa campagne triomphale. Après
Faust, elle a chanté Don Juan, /«•• Joi/euses Commères de Windsor, les
Huguenots, où elle a été vraiment admirable, les Noces de Figaro et Fra
Diavolo. — Le premier concert du Gewandhaus est annoncé pour le
8 octobre.
**« Hambourg. — Le théâtre de la ville, qui s'est rouvert le J"'' sep-
tembre avec la Juive, promet à ses abonnés, pour le courant de la saison,
Mignon, Hamlel, Àm Runeinsiein, l'avant-dernier opéra-comique de
MM. de Flotow et Gênée, et enfin la Grande-Duchesse de Gérolstrin.
:^\ Berlin. — A l'Opéra, les principales représentations de la semaine
ont été celles de Don Juan, où l'on a revu avec plaisir Mme Harriers-
Wippern ; de Robert le Diable, où une artiste étrangère, Mlle Kropp, du
théâtre de Briinn, s'est fait justement applaudir dans le rôle d'Isabelle
et du Sirucnséc de Michel Béer et Meyerbeer. —Au théâlre de Friedrich-
Wilhclmstadt, la Grande- Duchesse en est à sa cinquantième représenta-
tion.
**, Vienne. — La Société chorale dirigée par Herbeck fêtera solen-
nellement, les M, 12 et 13 octobre, le 2o« anniversaire de sa fondation.
Des œuvres de Schubert, Mendelssohn , Liszt, Esser et Herbeck seront
exécutées.
»** Prague. — Mlle Yitali a obtenu dans le Pardon de Ploërmel le plus
brillant succès ; des applaudissements sans fin l'accueillaient après chaque
morceau, et elle a dû répéter l'air de l'Ombre. — Voici sommairement
le sujet de l'opéra-comique nouveau, les Deux Compositeurs, de F. de
Flotow, paroles du chef d'orchestre R. Gênée (qui , pour donner raison
au titre, a aussi travaillé à la musique) : un principicule allemand, ama-
teur de musique, entrelient un orchestre, une Kapelle, dont le chef, un
vieux routinier qui redoute toute innovation et toute influence étran-
gère, a fait interdire le séjour de la principauté à tous les compositeurs.
Mais il a compté sans l'amour, qui suggère à sa fille les moyens de
retenir et même de faire attacher à l'orchestre un jeune musicien, plein
de talent et d'avenir. Bien plus, on travaille si bien l'intraitable lîapell-
meister, qu'il en vient à accepter avec enthousiasme un opéra de son
jeune rival, auquel il donne, par représailles, la main de sa fille. — La
première représentation est très-prochaine.
,^*^ Naples. — Une troupe d'opérette-bouffe s'est installée au théâtre
Nuovo pour y jouer le répertoire d'Offenbach , etc. , traduit en dialecte
napolitain. La Belle Hélène, qu'on a donnée d'abord pour tâter le pouls à
notre public , n'a pas eu l'heur de lui plaire. Les calembours auront
été mal rendus par le poète Bidera!
**t Bergame. — Un nouvel opéra du maestro Pontoglio, la Schiava
greca, vient d'être donné ici avec un succès contesté.
if,*^ Lisbonne. — La troupe de San-Carlos est ainsi composée pour la
prochaine saison : Mnies Marchisio sœurs (octobre, novembre et décem-
bre); Rey-Balla, Enrichetta Corradi (toute la saison); Massini (de décem-
bre à mars); MM. Achille Corsi, Capellio-Tasca, Sinigaglia, ténors; L.
Merly, Bartoloni, Pacini, barytons; Galvani, Reduzzi, basses; Marina
Mora , première danseuse. L'administration est en pourparlers avec la
basse comique Boltero et la prima donna Pozzi pour les premiers mois
de la saison.
Chfiz BRANDVS et DUFOVR, éditeurs, 105, rue de lUchelieu.
Morceaux de Piano nouveaux
J. Baur. Transcription brillante du Chœur des Evûques
de l'Ajricaine 4 »
BurgmuUer. Valse de salon sur les Drayons de Villars,
arrangée à quatre mains par Rummel 9 »
I. Carreno. Fantaisie brillante sur l'Africaine 9 »
Cramer. Bouquet de mélodies sur les Dragons de Villars. 7 50
— Bouquet de mélodies sur Fleur de Thé 7 30
Duvernoy. Fantaisie de salon sur les Dragons de Villan 7 SO
E. Ketterer. Fantaisie brillante sur les Dragons de Villars 7 50
— Galop de salon sur Fleur de Thé 7 50
Ch.i^Lecocq. Gavotte 3 »
E. Magnus. Tzygane-Marche, souvenir de Hongrie 7 SO
— Lajmême, arrangée à quatre mains 10 n
Meyerbeer. Marche duî Couronnement du Prophète, ar-
rangée pour deux pianos à huit mains 9 »
Mortier de Fontaines. Rêverie sur la romance :
<( Oh ! laisse-moi pleurer, » de Léon Leroy 4 50
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les petites mains et soigneusement doigtés, par H. VAïiKIUET.
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Tarentelle S s La Fée du lac , mazurka. . . 5 »
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304
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAKIS.
Publié par BRANDUS et DUFOUR , Éditeurs des
ŒUVRES COMPLÈTES DE MEYERBEER.
Opéra
en cinq actes.
ÎU ^
€4ïlî
Paroles
de Scrtbe,
Grande partition d'orchestre.
MUSIQUE DE
G. MEYERBEER
Parties d'orchestre.
LA PARTITION :
Chant et Piano, grand format in-4° net. 40
— édition de luxe, grand in-S» — 30
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format in-8° — 20
LA PARTITION :
Chant et Piano, deuxième partie de la partition, con-
tenant 22 morceaux inédits et non exécutés à l'Opéra, net.
Piano solo, édition de luxe, grand in-S" —
— édition populaire, format in-8° —
Piano a 4 mains, format iii-4° —
12
20
12
25
Avec paroles françaises
46 N"
Liem Air.^ détachési de Clianl
Avec paroles italiennes
99 M"
Eitt Prière A saint Domlnlqoc, l Cbceur des Uatelots,
Arrangée à i voix d'hommes par Pasdeloup, net 50 c. ' Arrangé à i voix d'hommes par Laurent de Rillé, net 50 c.
PIANO.
li'OuTcrture, arrangée pour le piano, par
Vautlirot 5 »
Grande Slarclie indienne, édilion ori-
ginale 9 1)
La même, édition simplifiée 7 50
Uarche relieieusc, par Vauthrot 5 »
La même, édition simplifiée 5 n
Airs de ballet. 1. La Fleur de lotus, idylle
chorégraphique S »
2. Pas des jonj/eurs , finale 5 i
Dernière Pensée musicale de Meyerbeer
(prélude du 5* acte) :
I. Pour piano 3 »
3. Pour piano à quatre mains & »
3. Pour orgu3-harmonium 2 50
II. Pour orgue-harmoniumet piano.. 4 »
5. En trio pour piano, violon ou vio-
loncelle et orgue 6 »
Banr {}.). Chœur des Evoques, transcription ù »
Beyer (F.). Bouquet de mélodies 7 50
— Op. 26. Petite fantaisie instructive... G »
Burgmnller (F.). Valse de salon 6 »
Careno (F.). Grande fantaisie 9 »
Comboul. Op. 24. Fantaisie brillante 6 n
Cramer. Bouquet de mélodies, mosaïque... 9 i>
— Deuxième bouquet de mélodies 9 »
Croisez. — Morceaux de chant, transcrits
pour piano seul, revus et approuvés par
J.-F. Félis :
1. Romance chantée par Mlle Battu 4 50
2. Terzettino, chantée par Mlle Battu,
MM. Belval et Castelmary 4 50
3 . Chœur des évêques 4 50
4. Air du Sommeil, chanté par Mme Sass. 4 50
5. Air chanté par M. Faure 4 50
6. Duo chanté par Mme Sass et M. Kaudio. 6 »
7. Septuor, extrait du finale ft 50
8 . Chœur des femmes 4 50
9. Quatuor, chœur des matelots 4 50
10. Prière, double chœur 4 50
11. Ballade chantée par M. Faure 4 50
12. Duo chanté par MM. Naudin et Belval. 4 50
13 . Chœur des Indiens ft 50
14. Chœur des sacrificateurs 4 50
15. Grand air chanté par M. Naudin 6 a
16. Cavatine chantée par M. Faure 4 50
17. Grand duo chanté par Mme Sass et
M. Naudin 6 »
18. Chœur dansé 4 50
19. Arioso chanté par Mlle Battu 4 50
20. Grand duo chanté par Mme Sass et
Mlle Battu 6 »
21. Grande scène du Mancenillier, chantée
par Mme Sass, cavatine extraite 6 »
22 . Air extrait de la scène précédente .... 450
23. Chœur aérien 4 50
Les 23 numéros réunis eu un volume
broché net. 25 »
nolmetsch. Op. 70. Transcription de con-
cert sur l'air du Sommeil 7 50
DnTernoy (J.-B.). Op. 280. Fantaisie 6 m
Favar^er (R.). Fantaisie-caprice 7 50
eodefroid (F.). Op. 128. Air du Sommeil,
morceau de salon 9 ■>
— Op. 129. Second morceau de salon... 7 50
Herz (Henri). Op. 205. Grande fantaisie... 9 »
Hess (J.-Ch.) Op. 98. Rêverie 6 »
ARRANGEMENTS DIVERS.
•lai-ll (A.). Trois paraphrases :
1. Op. 126. Romance d'Inès 7 50
2. Op. 127. Chœur des évêques et
entrée des prêtresses 6 «
3. Op. 128. Grand air de Nélusko. . 7 50
— Op. 131. Illustration 9 -o
Ketterer (E.). Op. 170. Fantaisie de salon. 9 »
Krufter(W.). Op. 135. Fantaisie brillante
sur la scène du Mancenillieret le duo
du quatrième acte 9 »
Iieearpentier.201'et202'bagatelle, chaque. 5 »
Liiszt. O grand saint Dominique, prière.... 9 u
— Marche indienne 10 »
Kiysbergr (Ch. B.). Op. 105. Fantaisie 9 »
Mathias. Op. 49. Impromptu 6 »
Xeustedt. Op. 57. Fantaisie, transcription. 7 50
Polmartin (Mme). Op. 25. Transcription. 7 50
Rosellen (H,). Op. 182. Fantaisie brillante. 7 50
TalexT. Polka-mazurka de salon 6 •
Valiquet. Op. 05. Petite mosaïque 6 •
— Op. 66. Petite mosaïque (secondesuite). 6 »
Vincent (A). Op. 18. Fantaisie 7 50
Vos» (Ch.). Op. 299. Grande fantaisie dra-
matique de concert 9 »
Wolff (Ed.). 2 paraphrases fantaisies:
N° 1 . Chœur des évêques 7 50
2. Boléro 7 50
MUSIQUE DE DANSE.
Arban. Inès, polka-mazurka 4 50
Ettlin^. Suite de valses 6 »
Kart. Quadrille brillant 4 50
I^ecarpentler. Quadrille très-facile 4 50
Uarx (H.) 2' quadrille 4 50
Mey |A.). Polka brillante ft i>
— La même, très-facile 3 »
— Vasco de Gama, galop 4 »
Strauss. 1" quadrille 4 50
— Grande valse 6 »
— La même, très-facile 4 »
Statz (P.) Polka-mazurka 4 »
A QUATRE MAINS.
Bernard (P.). Beautés de l'Africaine, à qua-
tre mains, en quatre suites, chaque. . . 10 »
Bnrgmuller (F.). Valse de salon 9 »
Croisez (A). Duo enfantin 7 50
Rnmmel. Souvenir de l'Africaine, duo. ... 7 50
Wolff. Op. 273. Réminiscences de l'Afri-
caine , grand duo 10 •
— L'ouverture 9 »
— Marche indienne 12 »
— Marche religieuse 7 50
— Airs de ballet 1. 2., chaque 7 50
MUSIQUE DE DANSE A QUATRE MAINS.
Iiecarpentier. Quadrille très-facile 4 50
Mey (A.). Polka brillante 6 »
Stranss. Quadrille 4 50
— Valse 7 30
VIOLON.
Altés (Ernest) . Op. 17. Fantaisie pour vio-
lon avec accomp. de piano 9 »
Grégoire et Léonard. Duo ponr piano
et violon 9
Derman. Op. 76. Fantaisie gracieuse pour
violon, avec accompagnement de piano 9 »
— Op. 85. Fantaisie brillante pour violon,
avec accomp. de piano 10 »
Herman. Mélodies de l'.ifricaine, arrangées
pour violon seul, 2 suites, chaque.... 7 50
— Mélodies de l'Africaine, pour 2 violons,
2 suites, chaque 9 »
VIOLONCELLE.
liée (S.). Op. 97. Trois transcriptions pour
violancelIeavecaccomp.de piano, chaque 7 50
Blarx (A.). Souvenir de l'Africaine, fantaisie
pour violoncelle avec ace. de piano. ... 9 »
Poisot et Nathan. Duo pour piano et
violoncelle 10 »
ISelig-man. Op. 78. Réminiscences de l'Afri-
caine, pour violoncelle, avec accompa-
gnement de piano 9 ■
Servai» et Cirég^oire. Duo pour violoncelle
et piano 9 »
FLUTE, CLARINETTE, CORNET, HAUTBOIS.
Altés (Henri). Op. 29. Op. célèbres. 5* livr.
L'Africaine, flûte et piano :
N° 1. Réminiscence 6 »
2. Fantaisie 9 »
Berthélemy (F.). Op. 8. Fantaisie bril-
lante pour hautbois avec accompagne-
ment de piano 9 »
Coninx (L.). Op. 58. Fantaisie pour fiûte
avec accompagnement de piano 9 a
Corret. Souvenir de l'Africaine, fantaisie
pour clarinette ou hautbois avec ac-
compagnement de piano 9 >
Uebillemont. Mélodies de l'Africaine, pour
cornet seul, 2 suites, chaque 7 50
— Mélodies de l'Africaine arrangées pour
2 cornets, en 4 suites, chaque 7 50
dariboldi. Mélodies de l'Africaine, arran-
gées pour flûte seule, 2 suites, ch,. 6 u
— Mélodies de l'Africaine, arrangées pour
2 flûtes, en 4 suites, chaque 9 n
CireïTe (E.). Fantaisie pour cornet à pis-
tons, avec accompagnement de piano. 9 I
Parent (J.). Fantaisie pour flûte avec piano 9 t>
ORGUE-HARMONIUM.
Brisson (F.). Trio pour violon et violoncelle,
piano et orgue 12 »
— Marche religieuse et chœur des évêques 5 »
de rj^/ricaine, pour harmonivmi 5 »
— Mélodies de l'Africaine, pour harmo-
nium, 3 suites, chaque 9 i
Ketterer. Op. 175 et A. Durand. Op. 59.
duo brillant pour piano et orgue.... 10 >
Eiebean (A.). Op. 75. Souvenir de l'Afri-
caine, fantaisie pour harmonium. . . 6 »
Bliolan. Fantaisie pour orgue-harmonium. . 7 50
Biss (George). Op. 12. Fantaisie de concert
pour orgue expressif 7 50
MUSIQUE MILITAIRE.
Blancheteau. Fantaisie pour petite fanfare
et moyenne harmonie 9 s
Branet. Fantaisie pour grande harmonie. . 15 x
— Valse pour musique militaire 9 »
Fischer. Transcription du duo du quatrième
acte de l'Africaine pour petite fanfare. 9 ■
Cirard. Fantaisie pour moyenne harmonie. 12 x
Viallon. Fantaisie pour grande fanfare. ... 10 »
iSelIenik. Grande marche ind. de l'Africaine
pour musique militaire 9 >
— 1" fantaisie, id. id 12 »
UPBUIEBIE CEKTBALE DES CDEalNS DE FEB — A. CUAIX ET C'°, BDE BEBGEBE, 20, A rABIS.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, 1.
35' Année.
ON S'ABONNE :
Dans les Déportements et à t'Ktranger,
chez tous les Marchands de Musique, les Libraires,
et aux Sureaux dp; Messageries et des Postes.
N* 39.
REVUE
27 Septembre 1868.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paria 24 r. par an
DépartemoDts, Belgique et Suisse — 30 n id.
BtruD^er 34 " id.
Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
Nos abonnés reçoivent, av^ec le numéro d'aajoard'bnl,
liE CHOBUR DES ÉVÊQUES de FA/lricutne, nouvelle
transcription de alacqaes Baur, pour le piano.
SOMMAIRE. — Armide, première partie, par A, Thnrner. — Études sur
Charles-Marie de Weber (troisième partie, 8' article), par Edmond IVea-
komm. — Revue des tlii^âtres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles
des tliéâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
ârhide.
PRE!*IÊRE PARTIE (1).
Le xvii'' siècle qui nous apparaît quelquefois si lourd, si com-
passé, si correctement régulier, pour nous servir d'un néologisme
qui rend bien notre pensée, le xvii^ siècle qui appliqua si rigou-
reusement les unités d'Âristote à l'art dramatique et le compas de
Le Nôtre à la flore des jardins, a cependant des côtés vraiment
pittoresques.
L'Italie de la Renaissance y a laissé sa lumineuse traînée.
Un écho des élégances florentines se répercuta jusque chez nous;
l'esprit des Médicis nous envoya par delà les Alpes des peintres,
des chanteurs, des musiciens, des décorateurs, des danseurs, qui
partagèrent souvent avec un roi lui-même des divertissements et
des mascarades où la majesté changeait son rôle.
Mais si nous remontons plus haut encore qui ne se souvient du
goût prononcé qu'avait pour la musique Charles IX, goût auquel
Bail dut des lettres patentes l'autorisant à établir une académie
de musique « à la manière des Grecs, » du fameux Ballet de la
Reyne, par Beaujoyeulx, en 1581, où les plus grands seigneurs
du temps figurèrent comme acteurs, danseurs et chanteurs?
(i) L'intention annoncée par le directeur de notre première scène
lyrique de faire incessamment une reprise solennelle du chef-d'œuvre
de Gluck donne à cette étude de noire collaborateur, M. Thurner, d'au-
tant plus d'intérêt qu'il a recueilli pour l'écrire les données les plus cer-
taines, puisées aux archives impériales et à celles de l'Opéra même, qui
jui ont été, à celte occasion, gracieusement ouvertes par M. Nuitler.
Parlerons-nous de la passion musicale de Louis XIII, composant
des chansons à danser et des airs langoureux adressés à la blonde
Amaryllis ?
Et Louis XIV lui-même, le Roi-Soleil, paraissant dans des inter-
mèdes et des ballets, et, dans la Princesse d'Élide, exposant sa
personne et sa royale perruque à l'admiration confite des marquis
de l'OEil-de-Bœuf? — On sait que Louis XIV débuta dès l'âge de
treize ans, en 1651, dans le ballet Cassandre, de Benserade, et
qu'il ne cessa r«shibition de son talent chorégraphique qu'après
la mordante allusion qu'en fit Racine dans Britannicus :
Pour toute ambition, pour vertu singulière,
11 excelle à conduire un char dans la carrière,
A disputer des prix indignes de ses mains,
A se donner lui-même en spectacle aux Romains,
A venir prodiguer sa voix sur un théâtre,
A réciter des chants qu'il veut qu'on idolâtre!
Les tragi-comédies de Hardy, avec leurs incidents bizarres et
multipliés, la prodigieuse quantité de ballets où la fantaisie la plus
exubérante régnait, les premiers essais de Corneille et de Molière,
où le romanesque de certaines aventures est évidemment inspiré
par des œuvres italiennes, sans compter les noms impérissables
du Cid, de Don Sanche, de Don Juan ou le Festin de Pierre, il y
a là certes un mouvement des esprits qui accuse une influence
particulière.
La Fronde elle-même sembla donner aux femmes un reflet des
héroïnes du Tasse. Cette époque si curieusement troublée n'eut-
elle pas ses Hcrminies et ses Bradamantes ? Écoutez, s'il vous plaît,
la belle /ulie d'Angennes dans la chambre bleue de l'hôtel de
Rambouillet, s' extasiant au milieu de son cénacle de précieuses,
entre Voiture et Conrart, aux beautés de l'Arioste! Suivez Jean de
La Fontaine "sant à Mme de La Sablière l'une de ses imitations
de Boccace; entendez cette adorable « caillette, » cette chroni-
queuse de grâce et d'esprit, Mme de Sévigné, raconter ses lectures
de Pétrarque et du Tasse, dans sa retraite des Rochers.
En 1617, trois musiciens, Guédron, Boisset et Bataille, s'asso-
cièrent avec les paroliers Bordier, Durand et Porchères, pour la
confection d'un ballet intitulé : la Délivrance de Renaud. Le duc
de Luynes représentait Renaud et Louis XIII le démon du Feu.
306
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
Ce fut en France le premier sujet du Tasse traduit sur la scène.
On admira les décors de l'enfer et les jardins enchantés construits
par des « machinistes » italiens. La musique était composée de
soixante-quatre voix, vingt-huit violons et quatorze luths.
On connaît les tentatives de Mazarin en faveur de la musique.
Le cardinal voulut doter notre pays du genre de divertissement qui
s'était manifesté au delà des monts dès 1S80.
Vincenzo Galilée, Strozzi, Bardi di Vernio, Corsi, Mai, Péri,
Caccini, Rinuccini, Emilio del Cavalière, puis Monteverde et Ga-
valli, furent les premiers poëtes et musiciens dont la collaboration
produisit en germe notre opéra moderne. Ces premiers essais
furent d'abord entrepris dans l'idée d'une restauration des tragé-
dies antiques avec la musique grecque.
En 1594, nous voyons à Florence une Dafne due à Péri et Ri-
nuccini, puis, lors du mariage de Henri IV avec Marie de Médicis,
Caccini se joint aux deux auteurs ci-dessus et compose une Ewy-
dice jouée au palais Pitti.
Signalons Emilio del Cavalière (1600), qui essaya de donner aux
instruments (violes, luths, violas di Gamba, basses de violes,
théorbes, sacquebutes) autre chose que la simple doublure du
chant, et inventa le trille et les grupetti.
Puis arrive Monteverde, dont VOrfeo (1608), par l'audacieuse
innovation de l'accord de septième de dominante sans préparation,
posa les véritables bases de la musique dramatique et la sépara
de l'antique liturgie. Cavalli survient. Ce maître vénitien, directeur
de la chapelle du grand-duc de Toscane, s'empare des découvertes
de ses devanciers, et, doué d'une fécondité prodigieuse, écrit à
partir de 1637 jusqu'en 1676, époque de sa mort, une quantité
d'opéras. Mazarin l'avait fait venir on France en 1660, lors du
mariage du roi, et l'on joua au Louvre son Xercès.
Avant cela, en 164S, Mazarin avait appelé des Italiens qui re-
présentèrent au Petit-Bourbon (emplacement actuel de la colonnade
du Louvre et des parterres) la Festa tealrale de Strozzi ; enfin
voilà, en 16S9, un Français, l'abbé Perrin, avec le concours de
Lambert, qui imagine une œuvre chantée en français!
La Pastorale en musique fut jouée chez 31. de la Haye, à Issy,
et se trouva sensiblement calquée sur les productions italiennes.
Le succès fut inouï et décida de la création, par privilège royal,
de l'Académie de musique.
Torelli , Amandini , Vigaroni furent les principaux machinistes
qui contribuèrent à la naissance de l'opéra en France, Louis XIV
ordonna la construction d'une salle spéciale pour ce genre de spec-
tacle, et deux ans après son mariage, en 1662, on l'inaugura aux
Tuileries par VErcole Amante, de Cavalli, représenté à propos de
la paix des Pyrénées.
Entre 16S3 et 1672 apparaît le « surintendant de la musique du
roi , » composant gigues , courantes , chaconnes , sarabandes pour
toutes les fêtes et tous les divertissements, collaborant avec Ben-
serade, faisant danser Scaramouche et des Matassins, Polichinelle
et des apothicaires.
Nous avons nommé LuUi.
Nous ne redirons pas l'histoire si connue de ce marmiton floren-
tin, qui des cuisines de Mlle de Montpensier devint chef de la
bande des Petits Violons du roi, puis s'empara astucieusement, en
1672, du privilège de l'Opéra, concédé primitivement à Lambert,
Sourdéal et Perrin. On connaît cette figure où. se lisent à la fois
la bassesse , la ténacité et la ruse. Caractère antipathique , nature
servile et despotique; il faut néamoins savoir gré à Lulli de l'im-
pulsion qu'il donna à la musique, à une époque et dans un pays
qui en ignoraient les premiers rudiments.
Il forma le premier noyau d'un orchestre digne de ce nom , il
créa une troupe de chanteurs, assouplit, par sa volonté de fer, une
bande de musiciens ignares, leur fit comprendre ce que c'était que
l'intonation, la justesse, le rhythme, l'ensemble et la mesure. C'est
déjà beaucoup.
Les remarquables aptitudes musicales de Lulli n'avaient été
guère fécondées par des études antérieures aux productions qui il-
lustrèrent son nom.
L'instinct seul avait été son guide. Il est hors de doute que
YOrféo de Monteverde et le Xercès de Cavalli, auquel il adapta
des intermèdes, turent, avec d'autres œuvres italiennes, un pré-
cieux enseignement pour lui.
Il y a du vrai dans la mordante oraison funèbre que Sennecé
consacra à Lulli : Orlando Lassus lui reproche aussi l'usage im-
modéré de la septième, la dureté de certains accords. Vittorio de
Spoletto blâme la monotonie dégoûtante des récitatifs, Luigi
l'accuse de l'avoir pillé, et Carissimi lui fait grâce des accompagne-
ments qu'il lui a soustraits. [
Du reste, l'examen des partitions du fameux compositeur indique,
en effet, une grande faiblesse dans la trame harmonique. Cette
faiblesse fut rachetée par une qualité précieuse. La musique de
Lulli chantait et possédait surtout le cachet scénique. Il était d'une
rigueur extrême pour la disposition du poëme et la coupe des
morceaux.
Certes, eu égard aux ténèbres dont on sortait, cette musique
était une merveille; cette association des sons, du chant, de l'har-
monie, ou drame héroïque, avec le concours des divertissements
et des ballets encadrés dans des décors où tout n'était que
festons et astragales,
fait assez comprendre ce mot de Mme de Sévigné : a .(e ne crois
point qu'il y ait d'autre musique dans le ciel. »
Ce sentiment se manifesta d'abord, comme il a été dit plus haut,
dans ses ballets et intermèdes, en collaboration d'abord avec Ben-
serade, puis avec Molière. Avec le grand comique nous le voyons
associé dans la Princesse d'Elide, l'Amour médecin, le Mariage forcé,
Pourceaugnac, le Bourgeois gentilhomme, le Malade imaginaire .
Dans les Fâcheux, Molière indiquait ainsi l'ami qui devait le
spolier plus tard :
Baptiste, le très-cher,
N'a point vu ma couranîe et je vais le chercher.
Enfin, une fois maître de l'Opéra, Lulli s'attacha, au prix de
quatre mille livres par an, un collaborateur qui fut un vrai créa-
teur, un allié puissant dont la poésie devait revivre un siècle plus
tard sous les immortels accents de Gluck.
Quinault fut cet allié.
A. THURNER.
(La suite prochainement.)
ETUDES SUR CHARLES-MÂRIE DE WEBER.
D'après la biograplile écrite par son flis.
TROISIÈME PARTIE,
(8« article) (1).
Aucun événement important ne marqua les mois qui précé-
dèrent l'apparition du Freischutz sur la scène de Berlin.
Dans les premiers jours de mars, M. de Briihl avait écrit au
maître pour le consulter sur la distribution de la pièce ; Weber
lui ayant répondu que, ne connaissant aucun des artistes figurant
dans la nouvelle troupe, il s'en remettait entièrement à lui, ce
(1) Voir les n« 18, 21, 23, 25, 28, 31 et 36.
DE PAKIS.
307
furent Mme Seidler et Mlle Eunike, toutes deux aimées du public,
qu'il désigna pour les rôles d'Agathe et d'Annette ; l'excellent té-
nor Stiimer et la basse Blume furent chargés d'interpréter Max et
Gaspard. La suite prouva que ce choix était bon, car chacun se-
conda vaillamment le maître quand le jour du combat fut venu.
L'ouverture du nouveau théâtre fut fixée définitivement aux
derniers jours de mai. Le 2 de ce mois, Weber et sa femme quit-
tèrent Dresde ; ils arrivèrent à Berlin le 4, et descendirent clicz les
parents de Meyerbeer, pour lesquels leur séjour dans cette ville
fut une époque de fêtes. Durant ce temps, en effet, leur maison fut
le rendez-vous de toutes les notabilités artistiques de Berlin.
Les répétitions du Freischutz commencèrent aussitôt ; Weber
fut satisfait des artistes, notamment de la gracieuse et espiègle
Eunike, pour laquelle il écrivit la romance : Un soir, défunt ma
grand'lante, et l'air qui suit: La tristesse qui t'oppresse; les chœurs
étaient sus et marchaient bien ; d'autre part, les décors étaient
ébauchés et les costumes dessinés. Le premier soin de Weber fut
de se mettre en rapport avec le décorateur, dont les paysages, à
son point de vue, manquaient de vie ; il avait effectivement es-
quissé de belles montagnes bleues et de beaux sapins noirs; We-
ber, lui, voulait, pour la scène de la fonte des balles, toute l'hor-
reur d'un sabbat : « Je vous demande, disait-il au peintre, qui
comprendra ma musique au milieu de vos collines et de vos sa-
pins de salon? Faites-moi donc briller les yeux des hiboux, voler
des chauves-souris, et faites-moi surtout apparaître dans votre dé-
cor des spectres et des squelettes grimaçants ! » Quant aux cos-
tumes, ils le satisfaisaient moins encore; ils étaient, à son avis,
beaucoup trop élégants; mais il lui fut répondu qu'on ne pouvait
lui donner raison sur ce point. Par contre, Weber déclara que la
mise en scène, modifiée suivant ses indications, était la meilleure
qu'on pût désirer, et même il écrivit a M. de Kœnneritz, à Dresde,
le priant d'envoycir à Berlin le machiniste en chef et le régis-
seur de l'Opéra pour l'étudier.
On dut, au bout de peu de jours, interrompre l'étude du Freis-
chutz, tout le personnel du théâtre étant requis pour VOli/mpie de
Spontini, dont la représentation s'annonçait comme magnifique.
Spontini occupait depuis quelques années un poste élevé à Berlin,
celui de directeur de l'Opéra; il jouissait de la faveur toute spé-
ciale du roi et ses œuvres étaient tenues en haute estime à la
cour et dans les hautes sphères de la société. Un nouvel opéra de
lui, monté avec un luxe inusité, dans lequel devait chanter la
célèbre Mme Milder, et pour lequel on avait dépensé des sommes
considérables, était donc un grand événement, qui ne laissait pas
d'inspirer, hâtons-nous de le dire, des craintes sérieuses et légi-
times au parti allemand, qui comprenait les académies , l'Univer-
sité, la bourgeoisie, les sociétés de musique, mais qui ne pouvait
lutter avec avantage contre le camp opposé, dont chaque tenant
exerçait sur toutes choses une certaine influence. Olympie fut
donc représentée avec une pompe qu'on n'avait déployée jusqu'a-
lors pour aucun autre ouvrage; la valeur de la musique s'accrut
encore de ces splendeurs ; aussi le succès fut-il complet. Malheu-
reusement, il ne se soutint pas ; le mérite incontestable de l'œuvre
demeura reconnu comme il convenait, mais l'engouement qu'elle
avait provoqué à son apparition s'éteignit. Olympie , quoique re-
prise dans la suite avec éclat et demeurée au répertoire de toutes
les scènes allemandes, disparut toujours de l'affiche au bout de
peu de représentations.
On se remit aussitôt à l'étude du Freischutz. Les répétitions à
l'orchestre se succédèrent avec rapidité, au milieu d'un enthou-
siasme toujours croissant. Il n'y en eut pas moins de seize , dont
quatre générales, qui furent de véritables représentations. Pendant
le cours de ces études, Weber fit divers changements à sa parti-
tion; c'est ainsi que le dernier finale ne reçut sa forme actuelle
qu'après les premières répétitions; de même, il remania l'entr'acte
qui suit la scène de la fonte des balles. L'activité déployée par We-
ber durant cette période tient du prodige ; il trouva le temps, au
milieu des occupations et des préoccupations qui l'assaillaient de
toutes parts, de travailler à son Concertstuck. Ce célèbre morceau,
qui est l'un des beaux fleurons de sa couronne de maître, fut ter-
miné le matin même du jour oii le Freischutz fut représenté pour
la première fois ; Weber en apporta les feuillets encore humides
dans le salon où se trouvait son élève Bénédict ; il se mit au piano
et joua son Concertstuck, dont il traçait en même temps le pro-
gramme. Bénédict nota de souvenir ce programme , mais , quoi
qu'il fît, Weber ne voulut pas consentir à le laisser imprimer
en tête de l'œuvre. Il l'a été depuis, d'après Max de Weber,
auquel Bénédict le communiqua dans la suite; toutefois nous
croyons devoir le reproduire ici, en raison de la célébrité de cette
belle page : « La châtelaine est à son balcon. — Elle interroge
tristement l'horizon. — Son époux est parti depuis longtemps pour
la terre sainte. — Le reverra-t-elle jamais ? — De sanglants com-
bats ont eu lieu. — Et aucun message de lui! — En vain, elle
prie Dieu. — Soudain, un affreux tableau se présente à son esprit
halluciné: — son époux est étendu sur le champ de bataille,
abandonné des siens; — le sang coule à flots de sa blessure. —
Ah! que n'est-elle à ses côtés! — Mais la scène change, écoutez :
quel est ce bruit dans le lointain ? — Des armures brillent sur la
lisière de la forêt; — des bannières flottent au vent. — A leur
tête ; c'est lui ! — Elle vole au-devant de son bien-aimé ; — il se
précipite dans ses bras ; — quels élans d'amour ! — quelle joie !
— Comme tout frissonne dans les bois et dans les blés, et pro-
clame par mille voix l'éloge de l'amour fidèle. »
Enfin le 18 juin, jour fixé pour la première représentation du
Freischutz, était arrivé. Bien longtemps avant l'heure où de-
vait commencer le spectacle, la foule assiégeait les issues du théâ-
tre; quand on ouvrit les portes, la salle fut prise d'assaut, au point
qu'on eut à déplorer plusieurs accidents; la jeunesse, qui formait
le camp de l'opposition, remplissait le parterre ; les autorités des
cercles .littéraires et artistiques, ainsi que les gens de la haute
fashion occupaient les stalles et les loges. Peu de hauts fonction-
naires, peu d'uniformes prirent leurs places à l'orchestre. Les
musiciens commencèrent à s'accorder. Pendant ce temps, la foule
discutait, avec un bruit croissant, des chances de la bataille qui
allait se livrer. Soudain des bravos retentirent à l'orchestre;
Weber venait d'y faire son entrée parmi les musiciens. Aussitôt,
toute la salle éclata en applaudissements frénétiques. Trois fois
Weber dut poser son bâton de mesure pour saluer avant de don-
ner le signal de l'attaque. Puis, un silence religieux se fit dans
l'assemblée, et l'ouverture se déroula dans toute la majesté de son
irrésistible attraction. Elle produisit un effet immense; la foule
était sous le charme d'un sentiment indéfinissable; elle écoutait
recueillie; mais quand, après les coups de timbale sourds et ter-
rifiants, dont l'effet est si saisissant, vint le vigoureux accord qui
ouvre la péroraison ardente et joyeuse du morceau, un tel enthou-
siasme éclata dans la salle, un bis tellement unanime retentit, que
l'ouverture dut être répétée; la seconde fois, le succès fut plus
grand encore qu'à la première. Alors la toile se leva sur le décor
de l'auberge dans la forêt. La première scène , enlevée avec feu,
produisit un eft'et extraordinaire ; l'air de Kilian et le chœur du
Rire ne reçurent pas un accueil aussi enthousiaste; le trio qui suit
reconquit la faveur du public, surtout à la phrase : Ah ! renais à
l'espérance, déjà entendue dans l'ouverture. Puis vint le Sonnez,
cors joijeux, dans la plaine, puis la valse. Mais la scène s'obscur-
cit : l'air de Max :
Ah ! trop longtemps de mes souffrances
J'ai dû subir l'horrible loi !
308
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
absorba tellement l'attention de l'auditoire que l'allégro suivant :
Frais vallons, bois, forêts sombres,
passa presque inaperçu. Le reste de l'acte s'en ressentit; la chan-
son à boire de Gaspard, qui était écrite en dehors de toutes les
formes adoptées, ne fut pas comprise. Bref, la toile tomba silen-
cieusement sur le premier acte, et pendant l'entr'acte, qui l'ut long,
des discussions s'élevèrent de tous côtés. Dans la salle dominaient
encore nombre de voix querelleuses, lorsque le maître reparut à sa
place. Le rideau se leva sur le second acte. Une salve d'applaudis-
sements salua l'apparition d'Agathe et d'Annette. Le duo et sur-
tout l'ariette si fraîche d'Annette : Qu'un garçon jeune et candide,
furent applaudis. Ce fut durant la grande scène d'Agathe, Sans
le revoir encor, faut-il fermer les yeux, que le public se sentit
enlevé, enthousiasmé. A ce moment, toute opposition disparut.
Surpris, charmés, les plus implacables antagonistes de Weber
subissaient l'entraînement général. Ils applaudissaient. Dès lors,
la réussite de l'ouvrage était assurée. Le trio qui suit fut écouté
religieusement, et la scène de la Gorge-aux-Loups, avec ses appari-
tions et son décor sauvage, termina triomphalement le second
acte. Si le tumulte avait été grand après le premier, il fut plus
grand encore à ce moment. Mais quel autre caractère avaient re-
vêtu les cris. « C'est admirable! c'est délicieux! c'est parfait! »
s'écriait-on de toutes parts. Pendant ce temps, Weber s'était
glissé dans sa loge, et tenait pressée sur ses lèvres la main de
Caroline; tous deux pleuraient...
On commença le troisième acte. La prière et ensuite la ro-
mance d'Annette furent applaudies; la ronde fut redemandée; le
chœur des chasseurs obtint un moindre succès; le public ne s'i-
dentifia complètement avec ce morceau que vers la dixième re-
présentation. Mais le prince Ottokar a donné le signal du tir, et
le délicieux finale se déroulant, quoiqu'un peu froidement en com-
paraison de l'elfervescence qui avait accueilli les autres morceaux,
couronna glorieusement cette mémorable soirée.
Le maître, acclama, parut donnant la main à Mmes Seidler et
Eunike. Des couronnes, des bouquets tombèrent à ses pieds. Quant
aux applaudissements, ils ne paraissaient pas devoir prendre de
fin.
En rentrant chez lui, Weber nota dans son agenda : « Ce soir
première représentation du Freischutz — accueilli avec un enthou-
siasme incroyable. L'ouverture et la chanson populaire redeman-
dées ; sur dix-sept morceaux, quatorze applaudis à outrance. Tout
pour le mieux; rappelé, je vins saluer en compagnie de Mme
Seidler et de Mlle Eunike, attendu que je ne pouvais trouver les
autres. Des vers et des couronnes sont tombés à mes pieds. Soli
Deo gloria. »
Edmond NEUKOMM.
{La suite prochainement.)
REVUE DES THEATRES.
Théâtre-Français : A deux de jeu, comédie en un acte, par
M. El iiest Legouvé. — Variétés : io Permission de minuit,
tableau militaire, par MM. Jules Moineaux et Charles Dupeuty.
— Pai, us-RoYAL : Paris ventre à terre, pièce fantaisiste en trois
actes, par MM. Théodore Barrière et Léopold Stapleaux. —
Gaité : Nos Enfants, drame en cinq actes et dix tableaux, par
M. Ernest Rasetti.
La petite pièce que le Théâtre-Français a donnée récemment
sous le titre de : A deux de jeu est moins une comédie qu'un
proverbe. Tout, jusqu'à son titre, la classe dans la catégorie de
ces esquisses légères qui , bâties sur la pointe d'une aiguille, ne
sont maintenues en équilibre que par l'adresse de leurs inter-
prètes.
Une grande dame, une marquise, s'est laissée séduire, comme
une simple mortelle, par les dehors charmants d'un jeune roturier
qui tient tout vulgairement la caisse d'une maison de banque. Il
est résulté de cette intrigue clandestine un échange de lettres fort
compromettantes pour la marquise. Or, un soir que notre grande
dame se prépare à aller au bal, un monsieur se présente avec un
petit paquet et lui apprend que le jeune caissier, entraîné par
sa passion pour elle, a fait des emprunts forcés à son banquier,
et qu'obligé de s'enfuir il a songé à lui renvoyer sa périlleuse
correspondance. Mais le monsieur, offusqué des airs délibérés de
la marquise, refuse d'accomplir sa mission, et menace de divulguer
ces lettres d'amour. Alors commence une lutte entre la grande
dame et l'inconnu qui finit par se laisser convaincre et par jeter
les lettres au feu. C'est là que la marquise l'attendait ; elle relève
la tête avec insolence et l'accable de sarcasmes. Mais le monsieur
prend immédiatement sa revanche, en faisant savoir à la grande
dame qu'il est le frère du caissier, que toute cette histoire de
détournement d'espèces est de pure invention, que le jeune fou
refusait un riche mariage pour rester fidèle à sa belle maîtresse,
et que, désormais édifié sur son compte, par la petite scène dans
laquelle elle vient de jouer un si triste riMe, il ne peut manquer
de redevenir raisonnable et d'accepter l'union qu'on lui propose.
Cette bluette est signée d'un académicien dont Irs lauriers n'en
seront pas reverdis. Le succès en est dû tout entier à Mme Arnoult-
Plessy et à Febvre, qui y font preuve tous les deux d'un talent
incontestable.
— Les Variétés sont dans une bonne veine et peuvent attendre
la renti'ée d'Oflenbach, dont la Périchole est en pleines répétitions
et promet au maestro un nouveau et brillant triomphe. Aux
Chambres de Bonnes qui sont le principal atirait du spectacle quo-
tidien, on vient d'adjoindre un petit acte sans prétention, intitulé
la Permission de minuit. C'est un tableau militaire oîi le rire est
produit par le contraste d'un long tanibour-inajor qui est sur le
point de s'unir à une toute petite repasseuse, frêle et délicate,
tandis qu'un embryon de trombone de cavalerie a pour prétendue
une gaillarde solidement découplée et d'allures masculines. A la
faveur d'une Permission de minuit, nos deux troupiers s'aperçoivent
qu'ils ont fait fausse route et ils troquent gaiement leurs amou-
reuses. Baron et Aurèle ont tout à fait les qualités spéciales de
leurs rôles ; Mlle Julia est très-gentille, et Mlle Silly n'a recours
cette fois à aucune excentricité d'un goût douteux pour dérider
le public.
— Le théâtre du Palais-Royal nous a déjà montré la Vie pari-
sienne dans ce qu'elle a de plus amusant et de plus original.
L'odyssée de ce baron suédois à travers le monde des cocottes et
des petits crevés ne visait pas d'ailleurs à l'enseignement philoso-
phique, et les refrains d'Offenbach n'avaient d'autre prétention que
celle de devenir populaires. C'est ce qui a sans doute décidé ce
théâtre à reprendre en sous-œuvre la donnée de MM. Meilhac et
Ludovic Halévy sous un aspect nouveau, dont l'idée première est
à coup sûr fort ingénieuse et fort piquante. Paris ventre à terre,
c'est l'existence fiévreuse que l'on mène aujourd'hui dans cette
capitale de l'univers civilisé, où le tourbillon des affaires et des
plaisirs vous emporte sans vous laisser le temps de vous recon-
naître. Par ce temps de chemins de fer, c'est ce qu'on peut appe-
ler vivre à la vapeur, dans le vertige d'un train-express. Il y a là
un bon point de départ; reste à savoir où il nous conduit.
Un jeune cocodès, riche à millions, arrive de Carpentras avec
son vieil oncle pour goûter des plaisirs de Paris, absolument
comme le baron suédois de la Vie parisienne. Au débotté, nos
deux provinciaux tombent entre les mains d'un Mentor, moins
DE PAIUS.
309
plein d'années que d'expérience pratique, et les voilà lancés dans
le mouvement. En quelques heures, le petit comte de Verasoy,
grâce à la tutelle de son nouvel ami Follebraise, se trouve à la
tête d'une maison montée et d'une maîtresse admirable, qui ne met
pas plus de quelques minutes à le trahir. Il s'en console bien vite
en ébauchant un mariage avec une jolie veuve qu'il a rencontrée
dans un magasin quelconque. Mais Follebraise l'entraîne au bal,
et il y fait la connaissance de Mlle Cléopâtre, jeune ingénue, dont
la famille est aussi dans le mouvement jusqu'au cou. Affolé des
charmes naïfs de Mlle Cléopâtre, il charge son oncle, le chevalier
de Pontcassé, de défaire son mariage avec la veuve pour lui per-
mettre d'aspirer à l'alliance des Beaucornet. Tout se décide entre
dpux contredanses et l'on cherche dans le bal un notaire pour
dresser le contrat. Seulement, comme le père Beaucornet, un sa-
vant assez distrait de sa nature, a promis la main de sa hlle à
trois personnes à la fois, il faut que le comte de Verasoy se résigne
à prendre son tour, ce qui, du reste, ne peut pas le retarder
beaucoup. En effet, les deux premiers prétendants se retirent l'un
après l'autre et laissent le champ libre au comte de Verasoy, pen-
dant que l'innocente fiancée se fait enlever par son maître de piano .
En fin de compte, elle est ramenée à temps pour signer son con-
trat, qui la rend millionnaire et comtesse.
Cette comédie fantaisiste, comme dit l'afTiche, commence bien,
mais finit mal. Le troisième acte est complètement manqué; le
premier soir, il s'est terminé au bruit des sifflets. Et ce n'est certes
pas la faute des acteurs , qui ont tenté l'impossible pour conjurer
l'orage. Or, il faut qu'une pièce soit bien malade pour ne pas être
sauvée par une réunion d'artistes tels que Geoffroy, Gil Pérès, Lhé-
ritier, Priston, Lassouche, Mlles Alphonsine et Worms.
— La Gaîté vient d'inaugurer sa saison d'hiver par un drame
intitulé Nos Enfants. Ce n'est pas, comme on pourrait le croire,
une étude de mœurs dans le genre de A' os Intimes; c'est, au con-
traire, une exception, qui a le tort d être présentée comme une
généralité. Tous nos garçons, par bonheur, ne volent pas notre
coffre-fort, et toutes nos filles ne se laissent pas séduire par un
beau vicomte.
Dégagé de ses prétentions dogmatiques, le drame de M. Rasetti
n'est pas absolument sans intérêt, mais il est un peu vulgaire. Le
fils du comte des Haumes, après avoir rendu mère la fille d'un
vieillard attaché à la maison, s'est jeté dans la débauche et, pour
subvenir aux dépenses de ses maîtresses, il dérobe les bijoux de
sa mère, de complicité avec le fils de son portier. Certains indices
incriminent Marguerite, la fille séduite; aussi, lorsque son brave
homme de père vient demander une réparation à la famille des
Haumes : « On n'épouse pas une voleuse, » lui est-il répondu. Cepen-
dant, le complice du vicomte Lucien est peu à peu amené à faire
des aveux. Alors, la situation change de face; le comte des Hau-
mes, transformé par la honte et par le malheur, se présente hum-
blement devant le père Giraud et lui demande, pour son fils, la
main de Marguerite. Celle- ci a réfléchi ; indignée, d'une part, de
la conduite de son séducteur, et touchée, d'autre part, de l'Bmour
discret d'un. jeune artisan, qui consent à l'épouser malgré sa faute,
elle refuse l'alliance de la noble famille, et devient la femme de
l'ouA rier.
Cette analyse succincte ne nous a pas permis de faire ressortir
le rôle du père Giraud, non plus que celui d'un enfant terrible
appartenant au comte des Haumes; ce sont néanmoins les deux
principaux sujets d'atlraction ,de ce drame , si le public se décide
à l'adopter. Le père Giraud est joué par Lesueur, comédien fort
inégal, dont la mémoire est trop souvent rebelle , mais qui , en
somme, est de bonne race. H a des éclairs de talent qu'il serait
injuste de méconnaître, notamment dans la scène où il plaide en
faveur de sa fille. Quant au petit Toto, c'est Fanfan Benoiton qui
le joue et qui s'en acquitte avec l'intelligence (]u'on lui connaît et
que le Vaudeville a mise en relief. Les autres personnages sont
très-convenablement interprétés par Lacressonnière , Charles Le-
maître, Alexandre, Lacroix, Mlle Raucourt et Mme Juliette Cla-
rence.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
:^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a joué lundi et mercredi Hamlet,
et vendredi l'Africaine. — Aujourd'hui, représentation extraordinaire :
la Juive.
*** La représentation de l'Africaine donnée dimanche dernier par
extraordinaire a fait salle comble. Aussi la direction de l'Opéra s'est-
elle empressée de la jouer de aussi vendredi et le public y
est de nouveau accouru en foule. Depuis quelque temps on
n'avait pas entendu ces admirables mélodies de Meyerbeer, qui ont le
privilège de passionner à la centième comme à la première audition.
Aussi il fallait voir l'attention avec laquelle ce public du dimanche
les écoutait, avec quel enthousiasme il les applaudissait ! Ce n'était pas là
pourtant une reprise annoncée avec grand fracas, c'était pour ainsi dire
une représentation improvisée; mais quelle glorification nouvelle elle a
offerte du génie du maître! Il est vrai de dire que la créatrice sans pa-
reille du rôle de Sélika s'est surpassée; d'un bout à l'autre elle a été
admirable. On aurait pu désirer auprès d'elle un plus grand nombre des
interprètes qui la secondaient à l'origine, mais seule elle suffirait encore
à porter le poids de cette œuvre gigantesque. La berceuse, l'immortel
duo du quatrième acte et l'air du Manceniîlier ont été pour Marie Sass
l'objet des bravos et des rappels les plus enthousiastes. Inutile d'ajouter
que la célèbre ritournelle du cinquième acte a été redemandée avec accla-
mation.
**4 La distribution définitive des rôles aux artistes qui doivent inter-
préter la reprise des Huguenots a été arrêtée comme suit : Villaret (Raoul),
Faure (Nevers), Belval (Marcel), David (Saint-Bris), Caron (Thoré), Grisy
(Tavannes), Kœnig (Cessé), Mlle Hisson (Valentine), Marie Battu (Margue-
rite), Levielli (le page Urbain). — Cette reprise à laquelle la direction
apporte les soins les plus méticuleux ne pourra guère, précisément par
cette raison, avoir lieu avant la fm d'octobre.
**^ La reprise du Premier jour de bonheur avait samedi rempli la
salle de l'Opéra-Comique ; malgré le service fait à la presse, la recette
a presque atteint 6,000 francs. — On attendait le comte et la comtesse
Girgenti ; mais la loge impériale disposée pour les recevoir n'a pas été
occupée. — La distribu*.ion de l'opéra d'Auber n'avait subi de modifica-
tion que dans le remplacement de Mlle Roze, qui a quitté le théâtre de
la rue Favart pour continuer plus sérieusement encore ses études du
chaut sous la direction de M. Wartel. — Les artistes ont lutté de zèle et
de talent pour donner à la réapparition de l'œuvre du grand compositeur
lout l'éclat qu'elle comportait, et ils n'ont pas failli à cette tâche. —
Capoul s'est voué corps et âme à une création qui comptera dans sa vie
d'artiste; il a fanatisé l'auditoire, qui l'a applaudi, rappelé avec enthou-
siasme, et lui a fait répéter la romance du premier acte et le brindisi
du second. — Quoique souffrante, Mme Cabel n'a jamais mieux chanté,
et, après son air du second acte, plusieurs bouquets sont tombés à ses
pieds. — L'intérêt de la soirée se concentrait surtout sur la débutante, à
laquelle échéait la tâche difficile de remplacer Mlle Marie Roze. Disons
de suite que la direction a eu la main heureuse en arrêtant son choix
sur Mlle Gabrielle Moisset qui, après de consciencieuses études, a obtenu
un premier prix aux derniers concours du Conservatoire. Si Mlle Roze
était une charmante blonde, Mlle Moisset est une fort jolie brune, dont
l'entrée a tout d'abord impressionné favorablement le public. Sans doute
elle n'a pas les dehors chastes et candides qui étaient une des grandes
séductions de sa devancière, mais elle a plus qu'elle le type oriental de
la prêtresse d'Indra. Quant à son talent de cantatrice, il faut tenir compte
de l'émotion qui la serrait en paraissant pour la première fois sur la
scène, émotion malgré laquelle on a pu apprécier un timbre de voix
des plus agréables, une diction intelligente, de l'art et du sentiment; ses
gestes, sa démarche, ont été naturels, et il a été facile de reconnaître dans
ces qualités les soins de son excellent professeur, M. Mocker. — La
célèbre chanson des Djinns, empreinte d'une si douce langueur, a été un
grand succès pour Mlle Moisset, qui a dû la répéter aux acclamations
de la salle entière ; elle n'a pas moins bien dit sa partie dans le nocturne
à deux voix qu'elle chante au troisième acte avec Mme Cabel; l'union
de leurs deux voix a causé une vive impression. — Mlle Moisset est donc
désormais adoptée, et du Premier Jour de bonheur datera pour elle un
premier jour de triomphe.
,*„ Les trois représentations du Premier Jour de bonheur données cette
semaine n'avaient pas attiré moins de monde que celle de samedi ; la
310
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
recette s'e.=t tenue à 7,000 francs. — Elles ont confirmé pleinement le
succès obtenu par Mlle Moisset.
:«•« C'est jeudi prochain qu'a lieu la réouverlure du théâtre italien,
dans les excellentes conditions que nous avons signalées. La Lucia, inter-
prétée par Mme Adelina Patti, Fraschini, Verger et Agnesi, inaugurera
dignement la saison.
t*^ C'est aujourd'hui même que Mme Adelina Patti revient à Paris.
Elle a terminé ses représentations à Hombourg, mardi dernier 22, par la
Sonnambula. C'était sa treizième représentation, et le treizième opéra
qu'elle jouait à ce théâtre en cinq semaines. — Avant de quitter Hom-
bourg, Mme Adelina Patti a contracté un nouvel engagement avec la
direction du théâtre italien de cette ville pour une série de quatorze
représentations, du 7 août au 21 septembre 1869.
,*^ Aux engagements déjà faits par M. Pasdeloup pour le théâtre Ly-
rique, et que nous avons mentionnés dans notre dernier numéro, il nous faut
ajouter ceux de MM. Bosquin, Coëlho, Verdellet, Berti , ténors ; Lutz, Meillet,
Caillot, A ubéry, Geraizer, Labat, Wartelet Gabriel, barytons et basses, etc.
M. Pasdeloup s'est attaché comme accompagnateur M. Hector Salomon, qui
remplissait les mêmes fonctions sous la direction précédente. — Les chœurs
sont renforcés. — De nouveaux engagements sont encore projetés.— MM. Man-
gin etVandenheuvel alterneront au pupitrcduchef d'orchestre.— L'organi-
sation administrative est complète. — Les répétitions du Fa( d'Andorre,
du JBarbinr et de Don Juan vont se poursuivre activement sous la haute
direction musicale et scénique de MM. Pasdeloup et Vizentini, régisseur
général. Tant et de si intelligents elïorts méritent d'être couronnés de
succès. Nul doute que la réouverture du théâtre Lyrique (sa date n'est
pas encore fixée) ne soit des plus brillantes.
^\ Ainsi qu'il l'avait annoncé, le théâtre des Fantaisies-Parisiennes a
fait exactement sa réouverture, hier soir, par le Barbier de Sèvillc, de
Paësiello, son succès de l'an passé. Nous reparlerons de cette soirée, qui
a servi de début à plusieurs artistes.
»% MM. H. Lefebvre, Bouvier et Frédéric Barbier viennent de lire aux
Fantaisies-Parisiennes un opéra-comique en un acte ayant pour titre :
Gervaise. Les rôles de cet ouvrage ont été distribués à MM. Barnolt, Da-
voust, Mmes Decroix et Auclaire.
„,% Les nouveaux Bouffes-Parisiens doivent inaugurer leur campagne
d'hiver mercredi prochain. En même temps que la salle a subi une res-
tauration complète de bon goût, des améliorations notables ont été appor-
tées dans le service de la scène. La troupe se compose de plus de qua-
rante artistes, à la tête desquels on compte Mmes Schneider, Thierret,
Mlle Deneux, MM. Désiré, Berthelier, Bonnet, Nathan, Aurèle, Gil-
bert, Petit, etc. — L'orchestre, de 32 musiciens, est dirigé par M. Jacobi,
et 30 choristes sont placés sous la conduite de M. Emmelin. — Le spectacle
d'ouverture se composera de deux pièces d'Offenbach, très-heureux, dit-
on, du réveil de son ancien théâtre : le Soldai magicien, livret de AIM. iNuit-
ter et Tréfeu, et une nouvelle pièce de M.M. Chirot et Duru,qui attend en-
core son titre définitif. L'Arche Marion, de MM. Albéric Second et Nibelle,
et les Deux Vieilles Gardes, de Léo Delibes, compléteront le programme
de cette intéressante soirée.
^•^ Le théâtre de l'Athénée a donné jeudi la 100" représentation de
Fleur de Thé. — Vers la fin de la semaine le Petit Poucet, de MM. Van-
loo et Leterrier, musique de Laurent de Rillé, sur lequel la direction
compte beaucoup, fera son apparition accompagné d'un acte de M. Darcy :
les Bons Principes, dans lequel débutera M. Duchesne, ex-arliste des
Bouffes.
j,% Les répétitions, à l'orchestre, 'de la Perichole ont commencé au
théâtre des Variétés. Voici la distribution définitive des rôles: MM. Du-
puis (Piquillo), Grenier (don Andrès), Christian (Panatellas), Lecomte
(don Pedro), Blondelet (Tarapote), Burdier et Horton (deux notaires). —
Mmes Schneider (la Perichole), Julia H. (Manuélita), Legrand (Guada-
léna). Carlin (Berginella), C. Renault (Mastrilla), A. Latour (Frasquita),
Gravier (Bambilla), Bénard (Nineita). — Les décors et les costumes sont
terminés et l'œuvre nouvelle d'Offenbach fera son apparition du 12 au
13 octobre.
,j*^ On nous écrit de Bordeaux : « Les'débuts se poursuivent au grand
théâtre. Dans Robert le Diable, Dulaurens, notre premier ténor, Mme Meil-
let (Alice), Mlle Nau (Isabelle) ont conquis pleinement la faveur du pu-
blic. La voix puissante de Dulaurens a produit un grand effet ; Mme Meil-
let est supérieure dans le rôle d'Alice, et elle s'est élevée à une grande
hauteur dans le trio, final. Mlle Nau s'est fort distinguée dans son air
d'entrée et dans l'air de Grâce; fort jeune encore dans la cairière théâ-
trale, elle nous paraît réservée à un brillant avenir. M. Pons (Beriram)
a une voix magnifique, mais il ne sait pas s'en servir. Inutile d'ajouter
que les décors, les costumes et la mise en scène ne laissent rien à dési-
rer. En somme , la direction de M. Halanzier s'annonce sous les plus
heureux auspices.
:i,*:^ Le théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, s'étant trouvé brus-
quement privé de premier ténor et de première chanteuse, par suite de
la résiliation imposée par le mécontentement du public à M. Massy et à
Mlle Marty, le directeur, M. Letellier, s'est empressé de se rendre à Paris
pour solliciter de M. Perrin la cession pour quelque temps de Warot et
de Mlle Godefroy. Un congé leur ayant été gracieusement accordé à cet
effet, les deux ' artistes sont partis pour Bruxelles, et M. Warot doit y
chanter successivement la Muette, les Huguenots et VAfricaine. Il est
juste de constater en faveur de M. Massy que, dès qu'il s'est senti libre
par sa résiliation, il a chanté dans la Favorite et le Trouvère de façon
à faire regretter au public la précipitation de son jugement et la sévérité
qu'il lui a montrée. .
»*» L'opéra de Louis Liebé, la Fiancée d'Azola, dont ni)us avions
annoncé la mise en répétition à Carlsruhe, a été donné pour la première
fois, le 9 de ce mois, à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du
grand-duc. La presse allemande n'a qu'une voix pour rendre hommage
au mérite très-réel et très-solide de cet ouvrage, qui, avant le jugement
du public, a eu déjà l'honneur bien envié de fixer, pour cette solennité,
le choix de la commission très-sévère qui règle à Carlsruhe la compo-
.«ition du répertoire lyrique. Louis LIebé, bien connu comme compositeur
de lieder et de chœurs, fait, avec la Fiancée d'Azola, ses premières armes
dans la musique dramatique ; c'est une victoire complète qu'il a rem-
portée. Distinction et richesse d'harmonie, coloris varié et fin d'instru-
mentation, abondance et très-souvent bonheur d'inspiration mélodique,
entente de l'effet scénique, tout cela se trouve dans son œuvre. Disons
d'ailleurs que le compositeur n'a point été mal servi par ses collabora-
teurs, MM. Lindcn, un Français, auquel appartiennent l'idée et l'exposition
du sujet, et Adolphe Kalsch, Allemand, qui a versifié le libretto dans sa
langue. — Il s'agit d'une jeune meunière qui devient la femme de son
soigneur, le marquis d'Aïola, qu'elle aimait, le croyant simple jardinier.
De cette simple donnée sont sorties plusieurs situations fort heureuses,
et que le musicien a su habilement traiter. — Citons, comme morceaux
principaux de la partition, au premier acte, le premier chœur, très-
réussi, un air à boire, l'ariette Fin guter Ehemann, le grand air de
Jeanne (la meunière), le duo d'amour, l'ariette du maître de poste ; au
second acte, le grand air de Jeanne, la charmante cavatine avec accom-
pagnement de cor anglais, la valse chantée, le finale ; au troisième acte,
le ballet et le chœur arrangés sur l'air de la Romanesca, le duo sur le
motif de valse, et enfin le refrain de Jeanne. — Le compositeur, après
la représentation, s'est rendu après de longues hésitations au désir du
public qui l'appelait sur la scène, avec ses principaux interprètes ;
Mlles Formancck, Hauser, MM. Stoizemberg, Kœrner, Oberhofer. —
On peut, après cela, prédire à la Fiancée d'Azola, sans crainte de se
tromper, un succès aussi durable qu'il a été honorable.
,*« Mlle Minnie Hauck vient d'être engagée à de brillantes conditions
par M. Mapleson pour une série de représentations qu'elle donnera sous
sa direction au théâtre royal de Covent-Garden, du 26 octobre au 30
novembre prochain ; M. Strakosch, bien entendu, accompagnera en
Angleterre sa nouvelle étoile. — Mlle Hauck nous reviendra pour rentrer
au théâtre italien, le 20 décembre. Son engagement avec M. Bagier
commence à cette époque.
f*t Toujours de nouveaux théâtres ! On parle d'en édifier un au
boulevard Haussmann.
NODVELLES DIVERSES.
^*t Les examens d'admission aux classes de déclamation du Conser-
vatoire impérial de musique auront lieu dans dans les premiers jours
d'octobre. Les aspirants peuvent dès à présent se faire inscrire au Con-
servatoire, rue du Faubourg-Poissonnière, 13.
*** La réouverture des Concerts populaires de musique classique aura
lieu le dimanche 18 octobre , sous la direction de M. Pasdeloup. Les
abonnés qui désirent conserver leurs places sont priés d'en faire retirer
les coupons dans les bureaux de location avant le 12 octobre; passé
cette époque, l'administration en disposera.
»% La réouverture du Casino-Cadet, qui lui aussi fait peau neuve,
avait attiré vendredi soir une foule immense. La salle complètement
restaurée était étincelante. L'orchestre , sous la direction d'Aug. Mey,
chef-d'orchestre de Mabile, qui succédait à Arban , '.a. joué avec un en-
semble parfait et un grand entrain les ouvertures de la Sirène, de Si
j'étais roi, et les quadrilles en vogue sur la Grande Duchesse, Fleur de
Thé, ks Pompiers, etc., etc. Plusieurs ont été bissés et couverts d'applau-
dissements. La soirée a été des plus brillantes et d'un heureux augure
pour celles qui suivront.
,j% La transformation du théâtre du Prince-Impérial en Alhambra
londonnien revient de nouveau sur le tapis des nouvellistes et de la
spéculation. Ce ne serait pas, à vrai dire, une mince entreprise! L'Al-
hambra, dont on voudrait importer le fac-similé à Paris, ne représente
pas, en effet, un capital moindre de 2,500,000 francs. Ce célèbre et ma-
gnifique établissement ouvert depuis trois ans dans Leicester-Square,
sous la direction de M. Sirange (aidé d'un personnel de cinq cents em-
ploj'és dont quatorze constables particuliers), attire chaque soir plus de
cinq mille visiteurs. L'entrée est de 1 shilling (1 f. 25); total moyen des re-
cettes journahères : 6,230 fr., sans compter le bénéfice des consommations
et des représentations de jour. L'administration solde par mois 30,000
francs d'appointements. L'orchestre se compose de soixante musiciens.
UE PAUIS
3U
Cent cinquante danseuses forment le corps de ballet et l'on compte vingt-
cinq chanteurs. L'aménagement et la décoration de l'Alliambra sont
d'un comfort et d'un Iuxh particulièrement remarquables. Le dimanche
— détail bien anglais — ce magnifique établissement de plaisir s'emplit
de fidèles qui viennent entendre des sermons. Une chaire remplace sur
la scène les danses et les harmonies légères de la semaine.
^*, Sivori vient de partir pour Gênes; il assistera à l'inauguration de
la salle des concerts, qui doit porter son nom. Le célèbre violoniste se
propose de pasfer quelques mois en Italie et de se faire entendre dans
les principal(!s villes.
»*» On annonce l'arrivée à Paris: de M. Carlo Pedrotti, directeur du
Lycée musical et chef d'orchestre du théâtre Regio, de Turin , auteur
d'ouvrages dramatiques qui ont eu un grand retentissement en Italie;—
de M. Filippo Filippi, critique musical de la Peneveranza; — de M.
Muzio, chef d'orchestre et professeur de chant des plus distingués.
»** Carlo Pedrotti a écrit un nouvel opéra dramatique en quatre actes,
intitulé Olema, poëme de Piave, qui sera représenté l'hiver prochain au
théâtre de la Fenice à Venise.
^*^ Aimé Maillart, après avoir passé à Trouville un mois qui a influé
très-favorablement sur sa santé, est de retour à Paris. L'auteur des Dra-
gons de Yillars va pouvoir se remettre au travail du nouvel ouvrage
qu'il compose pour le théâtre de l'Opéra-Comique, sur un poëme de
Maquet.
*% En annonçant cette semaine la mort d'un homme qui inventait
des cris de rues pour les marchands ambulants, le Figaro rappelait à
ses lecteurs « que de nombreux ouvrages existent depuis des siècles sur
les cris du monde entier,r> et pour préciser davantage il ajoutait : «Kastner
possède quatre volumes de notes complètes sur cette partie inconnue des
chants populaires. » Nous ne savons combien noire célèbre^ et regretté
collaborateur possédait — car l'cnnée dernière la mort Fa ravi à ses
études favorites — de cahiers de noies sur cette partie des chants popu-
laires, mais ce que nous pouvons affirmer sciemment, c'est qu'en 1837
il publiait, sous le titre des Voix de Paris, un remarquable ouvrage,
fort consulté depuis lors, et qui traite de l'importance philosophique de
l'étude du cri ; du cri individuel et du cri de labeur; des cris de Paris
depuis le moyen âge jusqu'à nous; des applications musicales des cris
populaires, etc.
*** La partition pour chant et piano de l'Amour et son carquois, mu-
sique de M. Cil. Lecocq, paraît aujourd'hui chez l'éditeur Gérard. On se
rappelle avec quel charme Mmes Irma-Marié et Lovato ont créé les rôles
de l'Amour et de Thisbé dans cette pièce qui a précédé Fleur de Thé
au théâtre de l'Athénée. Bien que le succès de Fleur de Thé ait été beau-
coup plus retentissant que celui de sa devancière, la musique Ael'Amour
et son carquois ne lui est cependant inférieure en rien. Ne voulant pas
entrer dans l'analyse de cette partition, nous nous bornons à citer ce
qu'un critique éminent, M. B. Jouvin, a dit à ce sujet : « M. Charles
Lecocq a résolu le problème, difficile à trouver dans le petit théâtre pour
lequel il travaillait, d'écrire de la vraie musique en restant dans les con-
ditions amusantes de l'opérette. Il y a de la distinction toujours, de l'ori-
ginalité quelquefois dans son chant, qui conserve les franches et vives
allures de l'improvisation. Le duo chanté par l'Amour et Thisbé, duo
qui contraste avec le reste par la note tendre et voilée, est un morceau
tout bonnement exquis. N'eùt-il écrit que ce duo, M. Charles Lecocq
serait déjà un artiste de talent, d'un talent tout formé; mais il y a en
outre de bien jolies choses dans les pages légèrement touchées de sa
partition. »
**, D'après une statistique publiée cette semaine par l'Opinion natio-
nale et reproduite dans d'autres feuilles, la durée moyenne de l'exis-
tence des musiciens serait de 38 ans. Or, Mozart a vécu 33 ans; Bee-
thoven, 35; Gluck, 73; Hacndel, 74; Haydn, 77; Grétry, 72; Weber, 40;
Boïeldieu, 30; Halévy, 63; Meyerbeer, 72. M. Auber à 88 ans. Sur
quelles bases l'auteur de la statistique en question appuie-t-il donc son
élucubration fantaisiste?
,*, L'excellente musique des zouaves de la garde, que nous avons eu
souvent l'occasion d'applaudir au Pré-Catelan, a exécuté avant-hier, au
jardin des Tuileries, une charmante fantaisie intitulée l'Orientale, com-
posée par son habile chef M. Hemmerlé. On a aussi vivement applaudi
la polka Zerline, d'E. Ettling, pour piston, exécutée avec une grande
perfection par M. Yosse, digne émule de Forestier, Lévy, Arban, etc.
)i,*jif Le bruit ayant couru dernièrement qu'une association avait été
conclue entre les administrations du Jardin Mabile et du Casino-Cadet,
nous sommes priés de démentir celte nouvelle qui n'a rien d'exact.
,*, Ces jours derniers, M. Humbert Ferrand, l'auteur du libretto des
Troyens, de Berlioz, est mort du chagrin de n'avoir pu obtenir une com-
mutation de peine pour l'assassin de sa femme, Blanc-Gonnet condamné
à mort et exécuté.
ÉTRANGER
„*^ Bruxelles. — La première représentation, impatiemment attendue,
des Géorgiennes d'OIfenbach, vient d'avoir lieu au théâtre des Galeries
Saint-Hubert, avec un succès complet. Mme Delvil comptera le rôle de
Féroza parmi ses meilleures créations. Une débutante, Mlle Gauthier, a
été très-bien accueillie. Duplan, Calvin et Hittemans sont fort amusants
dans leurs rôles burlesques.
*** Bade. — La F'avorita a succédé à Norma. Les honneurs de la soirée
ont été pour Steller et Mme Fricci; ces deux artistes éminenis sont restés
à la hauteur de leur grande réputation. Lucia a terminé la courte série
des opéras italiens, qui ont cédé, mardi dernier, la place ' au joyeux
répertoire d'Offenbach, et en première ligne à la Chanson de Forlunio,
dont les rôles avaient été distribués à Désiré, Jean -Paul, Mmes Zulma-
Bouflfar, H. Loyé, Lévy, Leniz, Jouvcn, Domergue.— Désiré et Mlle Bouffar
ont joué Lisohen et Fritzchen. — Après les concerts, et opéras de la
saison, il était à craindre que la soirée musicale de M. Besekirsky n'attirât
pas une grande affluence. Le célèbre virtuose a du néanmoins être
content de l'accueil si chaleureusement sympathique qui lui a été fait
par une société d'élite. — Il a inttrpréBJ des morceaux de Vicuxtemps et
de Wieniavski avec une grande habileté; nous le préférons toutefois
dans ses propres œuvres, sa Polonaise de concert, entre autres, et sa
Mazurka, qu'on a voulu entendre deux fois. Mme Fricci Baraldi,
MM. Neri Baraldi et Steller apportaient un grand attrait à la partie vo-
cale de ce concert.— Besekirsky est engagé pour cet hiver par les sociétés
musicales de Cologne, d'Aix-la-Chapelle et de Dusseldorff, ainsi que pour
un concert du Gewandhaus de Leipsick.
,^*:i: Carlsruhe. — Mlle Aglaé Orgéni a donné, au théâtre grand-ducal,
quelques représentations fort suivies. Dans Lucie et la Somnambule, no-
tamment, elle a conquis tous les suffrages par la beauté de sa voix, la
maestria de son chant et le charme de son jeu.
.** Weimar. — Le titre de « maître de chapelle » a été accordé à
Ed. Lassen. Ces fonctions n'avaient été remplies par personne depuis le
départ de Liszt.
*** iJarmstorft.— Le séjour de la cour de Russie a stimulé l'activité
de la direction du théâtre ; l'Africaine, le Postillon, Roméo, les Noces de
Figaro, le Trouvère (pour la fête de l'Empereur), ont été donnés coup sur
coup. On annonce comme nouveautés : la Belle Hélène, le Premier Jour
de bonheur et la reprise de la Reine de Saba, qui a été fort goûtée ici à
sa première apparition. — Le grand festival du Rhin central doit avoir
lieu les 27 et 28 septembre, à l'Arsenal.
*** Leipzig. — La tragédie Phœdra, du prince Georges, musique de
Taubert, vient d'être donnée ici avec un brillant succès. — Henri Laube,
l'auteur dramatique, prend la direction du théâtre à partir du 29 jan-
vier prochain.
,j*^ Hambourg. — Le directeur des musiques des gardes du corps
prussiens, M. Wieprecht, cédant à des invitations réitérées, est venu
donner ici quelques concerts avec les musiques des deux régiments qui
ont remporté le premier prix au concours de l'Exposition universelle de
Paris. Le dernier a eu lieu le 3, jour anniversaire de la naissance de
Meyerbeer; on l'avait entouré, en raison de cette circonstance, d'un éclat
inaccoutumé, et toutes les musiques de cavalerie prussienne y ont pris
part. Des fragments de V Africaine et des Huguenots, très-habilement
arrangés et admirablement exécutés, ont excité dans le public de véri-
tables transports d'enthousiasme.
*''„, Prague. — Le titre du dernier opéra en trois actes de MM. de
Flotow et Gênée est maintenant : les Musiciens, « die Musikanten. i> La
représentation en est ajournée à l'année prochaine, M. de Flotow devant
se rendre incessamment à Paris, où sera monté cet hiver au théâtre de
l'Opéra-Comique son opéra l'Ombre, dont M. de Saint- Georges a écrit le
poëme.
:^*t Milan. — Le succès de Dinorah grandit chaque soir au théâtre
Carcano. Mlle de Maësen et le ténor Minetti sont l'objet des plus flat-
teuses ovations. L'air de l'Ombre est, comme toujours, bissé à toutes les
représentations ; Mlle de Maësen le dit, du reste, avec un charme indes-
criptible. — A Santa Radegonda, la Grande Duchesse fait son chemin de
la manière la plus brillante. Mme J. Borghè.se, qui est depuis le 12 en
possession du principal_rôle, en tire un excellent parti et ne fait point
regretter sa devancière. Les autres rôles sont remplis à souhait. Les
Noces de Jeannette et la Chanson de Fortunio ont été données cette se-
maine. — Les instances les plus flatteuses sont faites auprès de Henri
Panofka, pour qu'il se fixe d'une manière définitive à Milan. Les succès
obtenus par l'éminent professeur dans l'enseignement du chant ont mo-
tivé ces démarches qui n'ont point encore eu de résultats. « II est à
désirer, dit le Trovatore à ce propos, qu'enfin nous puissions entendre
des chanteurs qui chantent! »
:f*^ Saint-Pétersbourg. — Le Conservatoire a pu, et il faut l'en félici-
ter, reconquérir pour sa classe de chant Mme Nissen-Saloman, qui avait
quitté depuis peu la po.sition qu'elle occupait avec tant d'éclat dans cet
établissement. Le violoniste Aucr, nommé professeur de violon est déjà
entré en fonctions. — Les représentations de l'opéra italien commence-
ront le 4/16 novembre, avec Lucia, et dureront quatre mois pleins, jus-
qu'au 2/14 mars. — Mlle Henriette Dor, première danseuse de l'Opéra
de Paris, a débuté avec succès dans le Corsaire.
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VINfiT-QUATRE PRELUDES DANS TOUS LES TONS
DE
i . Dédicace.
2. L'Obstinée.
3. Humour.
4. Récitatif.
5. Méditation.
6. Résolution.
7 . Sérénade.
8. Affirmation.
9. Monologue.
10. Arabesque.
11. Reproche.
12. Scabieuse.
En Tente
13.
14.
IS.
\6.
17.
18.
Souvenir.
Emportement.
Berceuse.
Regrets.
Chansonnette .
19.
20.
21.
22.
23.
24.
Songerie.
Volage.
Paysage .
Sonnet.
Op. 24. Scherzo, dédié à Liszt . .
Op. 28. Caprice symphonique . . .
Op. 29. La Chaxse, étude cai-aclé-
ristique
Op. 41. Caprice sur le Dissecteur .
Op. 42. Valse élégante
Op. 43. Valse sentimentale ....
Op. 44. Valse villageoise
Op. 49. Quatre arabesques, en trois
suites, ciiaque
Op. 50. Scènes pastorales, en deux
suites, chaque
Op. 52. Vénitienne
Op. 53. Tarentelle
Op. 54. Fantaisie
Op. 55. La Fontaine, mélodie de
Schubert, caprice ....
Op. 56. Sérénade
Op. 57. Scherzo fantastique. . . .
Op. 58. Rêveries
Op. 59. Valse brillante
Op. 60. Canzonetta
Op. 61. Deuxième tarentelle. . . .
Op. 62. Deux vakes, deux suites,
chaque
Op. 63. Capriccio
Op. 64. Presto cappriccio (Humo-
reske)
7 50
9 "
6 V
6 ..
6 ..
6 ..
6 »
6 «
9 »
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7 50
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9 »
6 »
6 i.
7 50
9 .
5 »
6 ■'
Op. 65. Deuxième sonate 15 ^
Op. 67. La Vallée d'amour, mélodie
de Meiideissohn 5 »
Op. 08. L'.Uuuctle, mélodie de
Schubert, cnpi'ice brillant. 5 »
Op. 69. Chant national, de Men-
delssohn-Bartlioldy , fan-
taisie en Ibrme de sonate. 9 u
Op. 70. Caprice brillant sur le Pro-
phète 7 50
Up. 71. Aux mânes de Chopin, élé-
gie et marche funèbre . . 7 oO
Op. 72. 1. Le Chant du matin . . 4 50
2. i« Chant du troubadour 4 50
3. Le Chant du dimanche. 4 50
Op. 73. 1. Le Chant du chasseur . 4 50
2. L'Adieu du soldat. . . 4 30
3. Le Chant du berceau . 3 •
Op. 94. Tableau de genre 9 »
Op. 98. Improvisation sur une mé-
lodie de R. Schumann . . 7 50
Op. 101. Réverit d'un promeneur
solitaire {i.-J. Rousseau) . 9 »
Op. 102. Morceau de chasse. ... 9 »
Op. 109. Feuille d'automne .... 9 »
Douze pensées fugitives , op. 30 ,
pour piano et violon, par
S. Heller et H. Ernst, ch. 6 »
Trente mélodies de F. Schubert ,
transcrites pour le piano,
chaque
4 50
Adieu .
Les Astres.
La Berceuse.
Jeune Fille et la Mort.
La jeune Mère.
Rosemonde.
La Sérénade.
Ave Maria.
La Barcarolle.
Tu es le repos.
Dans le bosquet.
Les Plaintes de la jeune
fille.
Impatience.
Bonjour.
Le Départ.
Le Voyageur.
La Truite.
Cloche des agonisants. Sois toujours mes seules
amours.
Le Pêcheur.
Chansou des chasseurs.
L'Echo.
Désir de voyager.
Mes rêves sont finis.
Eloges des larmes.
La jeune Religieuse.
Marguerite .
La Poste.
Le Roi des Aulnes.
Chasseur des Alpes.
Pensée 2 50
Préludes pour le piano (tirés de
lop. 81):
1. Feu follet. Sérénade .... S »
2. Arabesque, Rêverie 5 »
3. Berceuse, Deuil ; Chansondemai 5 »
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5. Appassionato, Elégie .... 5 »
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,1 , —Tyt^t^f'Kr
REVUE
4 Octobre 1868.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris "^ r. par ui
Départements, Belgiqui; et Suisse.... :V) » i(L
ÉlroDger 3i ., IJ.
Le Journal paraît le Dlmanctie.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre impérial Italien: réouverture; la Lucia di Lammer-
moor. — Théâtre des Bouffes-Parisiens : réouverture; l'Arche-Marion, le Fifre
enchanté et l'Ile de Tulipatan, par £lias de Stauze. — Théâtre des Menus-
Plaisirs : les Croqueuses de pommes. — Théâtre des Fantaisies-Parisiennes:
réouverture; le Sorbier de Sévllle, par IHaurîee Ctray. — Wachlel et le
Postillon de Lonjumeau. — Armide (première partie, 2° article), par A.
Tlinrner. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. —
Annonces.
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN.
(Réouverture le 1" octobre 1868.)
lia liucla dt liammermoor.
La salle Ventadour offrait jeudi soir l'aspect d'un salon princier
ouvert pour une fête. Moulures blanc et or se détachant vivement
sur le velours et les tentures rouges des loges ; tout le balcon de-
venu un hémicycle de balustres dorés ; la lumière se jouant avec
bonheur sur ces brillantes facettes et sur des glaces nombreuses;
c'est vraiment élégant, gai, étincelant! — Mais aussi l'on fêtait la
rentrée de Mile... pardon! de Mme Patti et de Fraschini. La salle
était comble, et bien que la plupart des abonnés des premières
loges fussent encore à la campagne ou aux villes d'eaux, elle
était on ne peut mieux occupée. Ces deux noms : Patti et Fras-
chini sur l'affiche avaient suffi pour enlever la location.
Il est superflu de parler de l'exécution de cet ouvrage si vieux
et éternellement jeune. L'attrait de la soirée était la rentrée des
deux grands artistes. Une curiosité toute naturelle s'y joignait,
pour la ravissante cantatrice qui vient de changer la couronne de
fleurs d'oranger contre la couronne de marquise aux feuilles et
perles alternées.
Dès qu'elle a paru, la salle a fait éclater une triple salve d'ap-
plaudissements: c'était le well corne donné à l'artiste et à la patri-
cienne.
Puis les applaudissements ont accompagné tous ses morceaux.
Après l'air de la Folie, qu'elle a dit comme elle sait seule le dire,
les bouquets se sont ajoutés aux marques d'enthousiasme. Et on
ne cessait jamais de rappeler la gracieuse diva, delà saluer des cris
de brava!
Il faut dire aussi que le talent de l'artiste dramatique s'est bien
plus développé chez la cantatrice. Dans la scène de la malédiction
et dans celle de la folie, elle a joué en véritable tragédienne. Quant
à la voix, elle est aussi fraîche et aussi pure, et elle a paru en-
core plus puissante.
Fraschini suit le sort heureux de cet heureux opéra. Il a été
un des premiers en Italie à chanter Lucia; il la chante encore: la
voix est toujours belle, mais combien le talent a grandi! Fraschini
est vraiment le type du ténor italien. Quel style et quelle mé-
thode! Et comme sa voix se marie bien dans le duo d'amour avec
celle de Mme Patti! Comme elle éclate dans le grand finale du
deuxième acte, à la scène de l'imprécation !
MM. Verger et Agnesi ont eu leur part de succès, et bien méritée.
Le quatuor, ce morceau qui suffirait à la gloire d'un compositeur,
dit par ces quatre artistes, a transporté l'auditoire.
Et en sortant de la salle on lisait l'affiche qui promettait pour
samedi (iiier) Rigoletto, avec Mme Patti, Fraschini., Délie Sedie et
Mlle Grossi !
E. R.
THÉÂTRE DES BOUFFES -PARISIENS.
(Réouverture le 30 septembre 1868.)
L'Arche-Marion, opérette en un acte de M. Albéric Second,
musique de M. Adolphe Nibelle. — Le Fifre enchanté,
opérette en un acte de MM. Nuitter et Trefeu, musique de M. J.
Offencacii. — L'Ile de Tulipatan, paroles de MM. Chivot
et DuRU, musique de M. J. Offenbagh.
Lui aussi, le théâtre des Bouffes, a voulu faire peau neuve, et
directeur, ornemaniste et doreur n'y ont ménagé ni leur bourse ni
leur habileté. Si le mot « bonbonnière » n'avait déjà trop servi,
nous l'emploierions pour désigner la salle des Bouffes. C'est frais,
coquet, charmant! En en prenant la direction, M. Noriac a paru
montrer qu'il tenait à conserver à cet amusant théâtre sa double
physionomie : la gaieté folle, la farce bouffonne, le franc éclat de
rire, — et un certain cachet littéraire, le caractère et l'esprit de
l'opéra-comique français. Aussi nous a-t-il donné, dès le premier
314
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
soir, un heureux échantillon des deux genres : l'opéra-comique
en miniature d'abord, et tel que l'aurait pu jouer la salle Favart;
ensuite, la bonne et grosse farce désopilan Le, rappelant les premières
années du petit théâtre qui depuis... mais alors il n'était pas si
ambitieux et n'avait pas encore touché aux dieux et déesses de
l'Olympe, il n'avait pas encore parodié Homère et Gluck.
L'Arche-Marion est une petite comédie à rôles jumeaux, si l'on
peut employer cetfe locution. Deux individus ayant fait chacun
une sottise, et n'en osant pas affronter les conséquences, veulentse
jeter à l'eau. Une jeune fdle accorte et pimpante passe, et la fable
des deux coqs et de la poule reste ù peu pi'ès la même, mais dans
un autre genre. Ils étaient d'accord pour se tuer ; voilà que cha-
cun des deux voudrait que l'autre sejelâl dans la rivière, pour que
le survivant épousât la belle enfant. Celle-ci, qui n'est pas béie,
cherche uu expédient, elle veut gagner du temps: Buvons, dit-
elle. L'un d'eux se grise et s'endort ; l'autre, plus avisé, trouve |
le moyen de faire la cour à la jeune lillc et de se faire accepter.
Un écrivain public du nom de Saturne complète le quatuor ; c'est
un rôle fort comique qui traverse toute la pièce et l'égaie. Comédie
et vers sont d'un homme de lettres et d'un homme d'esprit, de
noire cher confrère Albéric Second.
La musique, de M. Adolphe Nibelle,a la saveur de l'ancien opéra-
comique, qui n'est certes pas à dédaigner; on devine que le com-
positeur a étudié les beaux modèles : légère, agréable, facile, bien
orchestrée, elle gagnera à être mieux exécutée.
— Le Fifre enchanté est un bijou, c'est de l'Offenbach de salon;
on y reconnaît les aspirations mélodiques de l'auteur du Mariage
aux Lanternes et de la Chanson de Fortunio. 11 y a là l'air du
Fifre qui va devenir populaire, et surtout un morceau d'ensemble
sur ces mots : Ça sent la truffe ! qui est un modèle du genre. Ces
deux suffisent au succès d'une opérette, et ils ne sont pas les seuls
qu'on ait applaudis. Ems avait eu la primeur de cette ravissante
opérette, Paris en a ratifié le succès.
— Après le sourire, le rire aux éclats. La pièce de MM. Chivot et
Duru ne s'analyse pas. Elle roule sur une donnée des plus amu-
santes. Le grand-duc Cacatois XXII a une fdle qui passe pour un
garçon. Son sénéchal, en revanche, a un lils qui passe pour une
demoiselle. Faites qu'ils s'aiment; mettez la mère du jeune homme
dans le secret, — et partez de li. Je vous laisse imaginer les
scènes comiques qui s'ensuivent. On riait déjà à se tordre; mais
lorsque Berthelier (Cacatois XXII), ahuri par tout ce qu'on vient de
lui dire au sujet du sexe des deux amoureux, commence un
calcul arithmétique, un fou rire s'empare de la salle tout entière,
et quand la toile tombe il n'a pas encore cessé.
Je vous laisse à penser si Offenbach a profité de l'occasion
pour faire rire aussi ses mélodies et ses instruments. L'entrée de
Cacatois XXII avec une mélopée de mare aux canards est une
trouvaille. Il est vrai qu'il n'y a que Berthelier qui puisse
remplir ce rôle. Mme Thierrct était comme en famille; son appa-
rition a égayé tout l'auditoire. Victor est un orchestre à lui seul.
Quand il a imité avec ses lèvres le son du violoncelle, Seligmann,
qui était dans la salle, en a pâli.
On a tant ri, on s'est tant amusé à l'Ile de Tulipatan, qu'après
la pièce presque tout le monde est parti. Nous ne savons pas de-
vant qui on a joué les Deux vieilles Gardes de M. Delibes, un bon
appoint aux trois pièces nouvelles et que M. .\oriac a donné peut-
être pour prouver qu'il conservait l'ancien l'épertoire des Boudes.
Un mot encore : la direction de l'orchestre est confiée à M. Ja-
cobi, et il s'en acquitte à merveille.
Elias de RAUZE.
THEâTBE des niENUS-FLÂISIRS.
liES CROQUEUSES DE POUUEJS,
Opérette en cinq actes, paroles de MM. Eugène Grange et
Emile Adraham, musique de M. Louis Deffês.
(Première représentation le 28 septembre 18G8.)
. . . Cai' enfin, si un ouvrage musical en cinq actes, contenant
une trentaine! de morceaux plus ou moins développés, bourré d'airs,
de couplets, de duos, de morceaux d'ensemble, de chœurs, de
finales, si un tel ouvrage ne constitue qu'une opérette, je me de-
mande comment on devra appeler des productions vraiment légères
et peu développées, telles que les Noces de Jeannette, le Concert à
la cour, les Sabots de la Marquise, les Trovatelles, etc., et de
quelle façon un compositeur devra s'y prendre à l'avenir pour
écrire un véritable opéra ? En effet, vous remarquerez avec moi...
Et mon interlocuteur, dont la loquacité semblait ne point con-
naître d'obstacles, aurait continué ainsi pendant une heure ou deux
peut-être, si, profitant d'une ondulation de la foule à la sortie du
théâtre, je n'avais réussi de cette façon à échapper à la persistance
d'un raisonnement d'ailleurs lort sensé.
Il est de fait que la partition écrite par M. Dclfès sur le livret(?)
des Croqueuses de pommes est abondamment fournie, et constitue
un opéra, dans toute la force du terme. L'affiche est donc dans
son tort en la ([ualifiant de simple opérette. Il est vrai que si
M. Deffès a écrit tant de musique, c'est que ses collaborateurs lui
avaient tracé de nombreux morceaux; si ces morceaux étaient
nombreux, c'est que les épisodes ne l'étaient pas inoins, c'est que
les scènes se multipliaient, et et voilà ce qui faitque, à mon
sens du moins, la nouvelle pièce des Menus-Plaisirs, tout agréable
qu'elle soit, est trop longue d'un bon quart, et réclame d'énergi-
ques amputations.
Les Croqueuses de pommes, eu effet, ne sont qu'une répétition
amusante, mais un peu délayée, de ces divers tableaux de la vie
factice de Paris, de ces pièces à cocottes et à petits crevés q'je l'on
présente si fréquemment au public depuis une dizaine d'années,
et dont les Chevaliers du Pince-IS'ez sont restés le type d'autant plus
réussi qu'il était le plus court, le plus rapide et le plus vivement
mené. Je ne mets pas en doute le succès de la nouvelle pièce,
mais cinq actes sont de trop pour cela, et je crois que pour attein-
dre ce succès les auteurs devront consentir à de nombreux sacri-
fices, et jeter bravement par-dessus le bord tout ce qui est inutile
à l'action et peut entraver sa marche.
Ceci établi, j'en arrive à la musique de M. Deffès, dont on peut
dire, ainsi que de la Philiberte de M. Augier :
Elle est charmante, elle est charmante, elle est charmante!
Pleine de grâce, d'élégance et de finesse, la partition des Cro-
queuses de pommes est charmante, en effet, d'un bout à l'autre,
écrite simplement, comme il convenait au théâtre, sans prétention,
sans ambition, sans hautes visées, avec une distinction de formes
et un art du bien dire des plus remarquables.
Il me serait impossible, on le conçoit, de faire une analyse dé-
taillée des morceaux qui la composent ; les colonnes de ce journal
n'y suffiraient pas, et j'encourrais le reproche d'accaparement.
Pourtant, je veux citer au moins quelques morceaux de cette œuvre
fine, délicate, qui se fait remarquer surtout par une rare et
louable sobriété.
Je mentionnerai d'abord une chanson rustique en si bémol,
franche et bien venue : Oio cours-tu , ma brunette ? dont le refrain
à deux voix est d'un effet charmant, et qui commence très-bien le
premier acte, lequel se termine par un excellent finale. Au second.
DE PAHIS.
315
il faut distinguer une fort jolie romance de soprano : En poussant
mon aiguille, dont l'accompagnement d'alto est très-réussi, puis un
air bouffe excellent : Je suis le coiffeur des dames, vif, gai, mélo-
dique et parfaitement en scène, et un finale égal au précédent. Le
grand morceau d'ensemble du troisième acte est plein d'entrain ,
d'une forme originale, et la chanson des croqueuses de pommes,
qui y est intercalée, est un vrai bijou. Mais je suis obligé d'arrê-
ter mon énumération, tout en constatant que le quatrième acte ne
le cède en rien aux précédents, et que l'inspiration de l'auteur s'est
soutenue du commencement à la fin avec un rare bonheur.
Il est fâcheux pour lui qu'il n'ait pas eu de véritables chanteurs
à sa disposition; mais, et c'est ici qu'il faut le louer particulière-
ment, il a écrit sa partition de façon que l'exécution en fût aussi
facile que possible.
D'ailleurs, la pièce est montée avec un soin véritable, et les
interprètes sont généralement dignes d'éloges. M. Gourdon a fait
une création excellente — excellente — d'un rôle à tiroir comme
on en écrivait tant jadis , et où il a établi un type parfait ; celui
du garçon de café bègue et bossu. Mlle Marchand, une débutante,
a montré do la grâce, une physionomie intelligente et d'heureuses
qualités. Mlle Marcus n'a peut-être pas toutes les facultés vocales
nécessaires pour le rôle qui lui est confié, mais elle est jolie comme
un cœur, et elle a du mordant, de l'esprit et de l'entrain. Enfin
MM. Daniel Bac, Paul Ginet, Branciard, Destroges, complètent un
ensemble très-satisfaisant.
Quant à l'orchestre , il marche très-bien et est très-habilement
conduit par M. Marius Boullard.
Maurice GRAY.
THEATRE DES FANTAISIES-PARISIEKSES.
Béoavertare. — MJe SSafhier <(e Sévitte.
C'est Figaro qui avait fermé les portes des Fantaisies-Parisiennes,
c'est Figaro qui les rouvre; et avec lui ses compagnons habituels,
Rosine et Lindor, Basile et Bartliolo, la Jeunesse et l'Eveillé. Et le
public, sans leur tenir rigueur de leur absence, n'a songé qu'à
leur retour, car il est revenu cette fois, pour les entendre, aussi
fidèle, aussi nombreux, aussi bien disposé qu'il l'était naguère.
C'est qu'ils chantent tous de si jolis airs, et qu'ils les chantent
avec tant d'entrain, de verve, de bonne humeur!
La physionomie de quelques-uns pourtant a changé, mais non
point l'aspect général du tableau, qui est toujours aussi aimable,
aussi attrayant. Rosine, aujourd'hui, c'est 3111e Cazat, une jeune
chanteuse qui nous arrive de province après avoir passé par le
Conservatoire, et qui n'en est certes pas plus mauvaise pour cela ;
sa voix est bonne, flexible, solide, et elle la conduit avec beau-
coup de goût. Lindor, je veux dire Almaviva, a pris les traits
de M. Brisson, un transfuge des Italiens; M. Brisson paraît possé-
der de véritables qualités, pourtant je voudrais l'entendre de nou-
veau. Enfin Bartholo s'appelle de son vrai nom, Soto, — car Bar-
Iholo n'est qu'un pseudonyme, vous le savez bien, — et ce M. Solo,
qui a chargé sa jeune tête des cheveux blancs du vieux tuteur,
est déjà presque comédien et se trouve en possession d'une
excellente voix, avec laquelle il a fait merveille dans l'air du se-
cond acte. Quant à Figaro, c'est toujours Arsandaux, un Figaro
charmant, meilleur encore peut-être que par le passé, qui va, vient,
entre, sort, avance, recule, se trémousse en tous sens avec une
jeunesse et un aplomb superbes, qui brûle enfin les planches, et
chante avec le style aimable et la finesse que vous savez.
Mais je m'aperçois que je n'ai pas dit un mot de Paisiello. Bah !
je crois qu'à l'heure qu'il est il ne s'en soucie mie! J'aime mieux
terminer par un franc compliment à l'orchestre et à M. Constantin.
M. G. .
ÂRISIDE.
PREMIÈKE PARTIE.
(2« article) (1).
Quinault était réellement la meilleure âme du monde.
Doux, candide, sincère, obligeant, il se soumettait avec une angé-
lique patience aux exigences et aux rebuffades du musicien. Que
de fois ne dut-il pas remettre l'ouvrage sur le métier, coupant une
scène, allongeant une strophe selon le caprice de Lulli I Ce n'était
pas tout; suivez cette filière et dites s'il ne fallait pas avoir l'âme
bien trempée pour laisser subir à son œuvre une gestation aussi
tyrannique : 1° présentation de plusieurs sujets ou poëmes au roi ;
2° canevas choisi sur lequel Lulli écrivait d'abord l'ouverture et
les airs de danse ; 3° achèvement de la pièce , des dialogues et
récitatifs soumis au jugement de l'Académie française; 4° examen
spécial par Perrault et Boileau , le détracteur acharné de Quinault,
qualifiant la poésie de celui-ci de
... Lieux communs de morale lubrique.
Que Lulli réchauffa des sons de sa musique.
Plus tard, Voltaire a singulièrement modifié l'injuste arrêt du
législateur du Parnasse. Voilà ce que nous lisons dans son Dic-
tionnaire philosophique : « Lulli composait d'abord les airs de tous
ces divertissements , le poëte y assujettissait les paroles , Lulli for-
çait Quinault d'être insipide; mais les morceaux vraiment poéti-
ques de Quinault n'étaient certainement pas des lieux communs
de morale lubrique Le sévère auteur de l'Art poétique, si
supérieur dans son seul i^enre, aurait dû être plus juste envers un
homme supérieur aussi dans le sien; homme d'ailleurs aimable
dans la société, homme qui n'offensa jamais personne et qui hu-
milia Boileau en ne lui répondant point. »
De son côté, La Harpe venge également notre premier libret-
tiste des attaques dont il fut l'objet. « Une élégance aisée,
noble et gracieuse , de l'esprit et du sentiment , du goût et du
nombre, ce .sont là certainement des attributs très-distingués et ce
sont ceux de Quinault, » dit-il, et^il place justement comme un
modèle le plan, les situations, la versification de YArmide.
C'est dans le seizième chant de la Jérusalem délivrée que se
trouve l'épisode de l'enchanteresse Armide et de l'invincible Re-
naud. Le sujet prêtait merveilleusement à la magnificence de la
mise en scène, aux machines et aux danses.
Ce fut la dernière œuvre et en même temps le chef-d'œuvre de
Quinault.
Les scènes sont habilement graduées; la tristesse puis le dépi*
de la magicienne de n'avoir pu vaincre Renaud, sont exposés sans
emphase et bien nuancés.
Sourde aux sollicitations d'Hidraot, son père, qui l'exhorte à
conclure un hyménée, Armide sent naître sa colère lorsqu'on
lui apprend l'arrivée victorieuse du guerrier. Pour le vaincre, elle
fait appel à ses enchantements. L'aspect des jardins féeriques
captive le héros ; il se dépouille de son armure. Des sensations
inconnues et indéfinissables s'emparent de son âme; il cède enfin
à un sommeil plein de charme et de volupté, dans une atmo-
sphère pleine de murmures harmonieux.
(1) Voir le n" 39.
316
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
C'est ici qrr- se noue l'action et qu'Armide espère tenir Renaud
en sa puissance. Quinault s'est surpassé dans ces scènes ou éclate
l'amour de la magicienne. Les luttes de Renaud, la fureur d'Ar-
mide quand elle craint que sa proie ne lui échappe, son évoca-
tion et l'apparition de la Haine, son terrible isolement qui termine
le poënie, sont des pages où respire un vrai souffle lyrique.
Sur un plan inférieur se meuvent des personnages secondaires,
Ubalde et le chevalier Danois, auxquels Quinault a iinement
donné des rôles qui par leur vérité côtoient sensiblement la co-
médie. Tour ii tour enlacés et séduits par les grâces de deux
démons translormés en nymphes, Mélisse et Lucinde, leurs actions
démentent aussitôt, tant qu'ils sont sous la puissance des char-
meresses, les austères objurgations qu'ils adressent à Renaud.
La première représentation de YArmide de Quinault et Lulli
eut lieu le 15 février 168C.
C'est à cette représentation que l'on ratache ce mot du com-
positeur, lorsqu'on lui dit : « Le roi attend. — Le roi est le
maître, s'il veut attendre personne ne peut l'en empêcher. » La
répartie circula de bouche en bouche; la platitude courtisanesque
n'osa applaudir l'œuvre de crainte de déplaire au maître. Armide
n'eut d'abord qu'un succès médiocre. Le rusé musicien imagina
de se faire représenter pour lui seul son opéra; le fait fut rap-
porté k Louis XIV, qui se ravisa en disant : « Si Lulli, qui s'y
connaît, entend Armide, je peux aussi l'aller voir. »
Le chef-d'œuvre du librettiste porta bonheur au compositeur;
ce fut le seul de ses opéras qui balança plus tard les œuvres de
Rameau; il ne succomba que sous les coups de génie de Gluck.
L' Armide de Lulli se maintint au répertoire jusqu'en 1764; au-
jourd'hui, cette partition n'est plus qu'un souvenir, une étude ar-
chéologique.
Passons sm- une ouverture de forme étriquée et d'une harmonie
incolore, passons même sur toute cette mélopée qui tâtonne dans
le vide et qui forme le premier acte, et arrêtons-nous à ces mots
du deuxième : « Fuyons les lieux où règne Armide, » sur lesquels
se dessine une ariette très-heureuse. Le duo : « Esprits de haine
et rage, >i commencé par Hidraot, est traité scolastiquement en
canon. Dans l'air du Sommeil, il y a une lueur d'accompagne-
ment descriptif dans les coulés des violons et des basses. Voici en-
fin le morceau capital de la partition de Lulli, le monologue
d' Armide : i Enfin il est en ma puissance, » auquel Rameau
consacra une corapendieuse analyse.
Ici se révèle le sens particulier de Lulli pour la déclamation
lyTique. — La phrase pressent déjà le sentiment poétique, la note
accentue souvent le mot avec une profonde justesse. Quand Armide
s'écrie : « Frappons, je veux percer son invincible cœur, » l'excla-
mation lancée sur le mot « frappons » se traduit presque de la
même manière par Gluck que par Lulli.
Le début de la première phrase de ce morceau a une certaine
A'éhémencc, et les franches modulations de mi mineur en sol majeur,
l'allure rliythmique alternant la mesure de binaire en ternaire,
classent cette page comme un jalon dans l'histoire de l'art lyrique.
L'accompagnement se fait, il est vrai, par de longues tenues, mais,
songeons-y, nous sommes en 1686 ! Laissons le reste de la partition
dormir dans une « noble poussière : » un récitatif somnolent pèse
lourdement sur toutes les syllabes; çà et là quelques lueurs
d'accentuation, et c'est tout. En 1686 on trouva cela sublime.
L'opéra à'Armide était à cette époque précédé d'un prologue,
fastidieux et insipide, comme le sont tous ceux qui ne se lient pas
à l'action.
On était au lendemain de la victoire de Denain. Le maréchal
de Villars, assistant à l'une des représentations, reçut une couronne
de lauriers des mains de la Gloire, représentée par Mlle Antier.
Le succès d'Armide devint décisif.
Jouée avec perruques à massues, queues à la conseillère, tonne-
lets de satin brodé, canons et rhingraves enrubannés, avec Renaud
aux boucles de jarretières incrustées dans les mollets et ayant son
épée garnie de pierreries, '
La famosa spada
AU' oui valore ogni villoria è certa...
Armide, avec un orchestre de trente-trois musiciens, produisit
grâce au jeu de Mlle Le Rochois un effet extraordinaire. — Cette
célèbre actrice, malgré sa petite taille, sa laideur, son teint forte-
ment bruni; pour laquelle on avait inventé les manches à la
persane afin de mieux dissimuler les angles de ses bras, possédait
un admirable sentiment dramatique. Des yeux noirs, pleins de
feu, une voix étendue et remplie de passion, la rendaient l'idole
du public.
Lorsque Marthe Le Rochois paraissait en scène, entre les deux
plus belles actrices de l'époque, Slllés Moreau et Desmâtins, et
qu'au premier acte, à ces mots :
Je ne triomphe pas du plus vaillant de tous,
L'indomptable Renaud échappe à mon courroux,
elle étendait les bras comme pour saisir le héros chrétien; sa
physionomie prenait une telle expression qu'elle éclipsait ses
confidentes.
Au dernier acte, quand elle s'avançait pour poignarder Renaud,
« tout le monde était saisi de terreur, dit un contemporain, l'âme
tout entière dans les oreilles et les yeux, jusqu'à ce que l'air de
violon qui finit la scène donnât permission de respirer ; puis les
spectateurs, reprenant haleine avec un frémissement de joie et
d'admiration, se sentaient transportés par ce mouvement unanime
qui marquait assez la beauté de la scène et leur ravissement. »
Franchissons maintenant un espace de quatre-vingt-onze ans,
presque un siècle, et voyons ce que le même poème est devenu
entre les mains de Gluck.
A. THURNER.
{La suite prochainement.)
WÀCHTEL ET LE POSTILLON DE LONJUMEÀU.
On ne voit que trop souvent, par le temps qui court, un infor-
tuné directeur de théâtre passer tout le temps de son exploitation
à chercher un ténor et y user ses forces et son activité. Tel n'est
point le sort du directeur de l'Opéra-royal de Berlin ; plongé dans
une douce quiétude, il peut, à son aise, plaindre ses confrères et
leur dire avec un certain orgueil : « Vous n'avez pas de ténor,
vous? eh bien, moi, j'en ai deux, et qui font la besogne de quatre,
car nous jouons tous les jours, ou à peu près. » Et ces ténors
s'appellent Wachtel et Niemann ! De ces deux célébrités, une seule
est bien connue à Paris, c'est Niemann qui fut engagé par notre
première scène lyrique pour le Tanhœitser, d'orageuse mémoire.
Quant à Wachtel, s'il a été entendu du public parisien, ce n'a été
que par les auditeurs d'un concert auquel il prêta son concours
et c'est au retentissement de ses succès à l'étranger qu'il doit sa
notoriété en France . Plusieurs journaux s'étant récemment occu-
pés de lui, à propos du Postillon de Lonjumeau et de la supério-
rité avec laquelle il joue le rôle principal de l'opéra d'Adam, il
nous a paru que quelques détails sur sa personne et ses débuts
dans la carrière artistique ne seraient pas dépourvus d'opportunité.
Wachtel naquit à Hambourg en 1827. Il reçut ses premières
leçons de chant de Mlle Grandjean, professeur alors en re-
nom dans cette ville, et qui sut découvrir le trésor qu'il possédait
sans s'en douter, cette voix splendide et souple qu'on admire en-
DE PARIS.
317
core dans toute sa beauté première. WaGhtel clianta d'abord dans
quelques concerts; ses débuts au théâtre de Scliwerin et de
Dresde furent peu remarqués. Mais il ne tarda pas, en abordant
des rôles à sa taille, à faire sensation dans le public, qui l'adopta
définitivement et le proclama le roi des ténors allemands. L'étendue
de sa voix est de deux octaves pleines, d'uf en ut, dans le registre
de poitrine; il monte jusqu'au mi en voix mixte.
Le répertoire de Wachtel se chiffre par le nombre fantastique
de soixante opéras. Celui où il s'est produit le plus souvent dans
le cours d'une carri^-re courte, mais encore bien remplie, c'est le
Postillon de Lonjumeau d'Adolphe Adam : il le jouait, il y a quel-
ques mois, pour la millième fois. Cet ouvrage, fort populaire en
Allemagne, lui vaut chaque fois une ovation, et,, comme en dehors
de son service à Berlin, il est toujours par moiïts et par vaux, en
Gastspiel (lisez : en représentations), à droite et à gauche, toutes
les villes un peu importantes d'outre-Rhin ont pu admirer la
verve et la crânerie avec lesquelles il s'incarne en Chapelou. Aussi
ce rôle a-t-il toutes ses tendresses.
On a beaucoup parlé d'un grand élément de succès qu'il devrait
à la façon magistrale dont il fait claquer son fouet. Alors que,
dans tous les théâtres, la ritournelle de la fameuse Ronde est ac-
compagnée par des claquements exécutés à l'orchestre au moyen de
deux lanières de cuir, lui joue du fouet, en mesure, avec une pré-
cision, une égalité, une beauté de son que ne peut posséder qu'un
postillon artiste... Aussi bien, n'est-ce qu'une réminiscence des
premières arjnes de Wachtel, faites sur le siège des voitures de
louage dont son père avait l'entreprise à Hambourg, et qui lui
valurent jadis le titre de « roi des cochers hambourgeois; » titre
auquel il tient encore à faire honneur, car il a conservé le goût
des beaux équipages, et il emploie une partie de sa fortune à en-
tretenir des attelages superbes.
Si l'on en croît la chronique, le précieux fouet serait, après chaque
représentation du Postillon, serré avec soin dans une boîte spé-
ciale, presque un écrin, dont Mme Wachtel seule a la garde. Il
paraît que tous les fouets ne sont pas bons : celui-là a sans doute
des qualités particulières de sonorité, d'élasticité, de mordant, il
se prête aux nuances, il obéit mieux que tout autre à l'inspira-
tion du... bras de l'artiste; c'est un fouet sans pareil, enfin, et
Wachtel s'y connaît.
Il y a quelque temps, un journal allemand nous apprenait
qu'un chanteur dont les lauriers de son illustre rival troublaient
le sommeil, a voulu enchérir sur lui, et qu'il a accompagné la
ritournelle en question avec le cornet de postillon. C'est tout aussi
couleur locale; mais, quoi qu'on puisse en penser, c'est peut-
être moins difficile. D'ailleurs, le cornet de postillon — bien qu'il
ait été ennobli par Sébastien Bach, à qui il a inspiré une fugue,
— semble n'avoir pas fait son chemin, pas plus au théâtre que sur
les grandes routes. Le fouet mélodieux de Wachtel l'aura réduit
au silence.
Wachtel a un fils, ténor comme lui, qui a débuté l'année der-
nière à Leipzig, et qui depuis a chanté à Vienne. Mais il n'a
guère d'autre recommandation que le nom de son père.
Toutes les gazettes allemandes annonçaient ces jours derniers
que Wachtel venait d'acheter la magnifique villa Blomberg, à
Wiesbaden. Raison de plus pour qu'après les mille représentations
du Postillon, le fouet en question ait passé à l'état de fétiche !
XX.
lOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^** Le Théâtre-Impérial de l'Opéra a donné lundi et mercredi Hamlet;
vendredi le Trouvère avec le premier acte de Giselle. — Aujourd'hui
dimanche, représentation extraordinaire de l'Africaine.
*** Mme Adelina Patti et Fraschini devant chanter ensemble le plus
grand nombre possible d'opéras différents, avant leur départ pour Saint-
Pétersbourg et l'arrivée do Mlles Minnic Hauck, lima de Murska et
Tamberlick, il no sera donné aveo eux qu'une ou deux représentations
de chaiiue opéra de leur répertoire. — On a donc joué hier JHgolelto qu'ils
interprétaient avec Délie Sedie. — Mardi aura lieu dans Crispino c la
Comarc le début de Mlle Ricci, fille de l'un des auteurs de cet opéra-
bouffe et nièce de Frédéric qui est en ce moment à Paris. Mlle Ricci a
déjà chanté en Italie. Elle doit faire son second début dans le rôle de
la Contessina du prince Poniatowski, lequel l'ut créé par Mme Tiberini.
*% M. Bagicr n'a qu'à se féliciter des soins qu'il a apportés à l'or-
ganisation de sa saison d'hiver. Les abonnés s'inscrivent avec empresse-
ment et l'on comptait à la soirée d'ouverture toutes les notabilités pré-
sentes à Paris.
**ij; Le chef d'orchestre du théâtre de l'Opéra-Comique, M. Tilmant,
a été frappé hier d'une congestion, à la suite de laquelle il est menacé
de paralysie. — Plusieurs concurrents sont déjà sur les rangs pour lui
succéder au pupitre de chef d'orchestre. On cite MM. Maton , Deloffre ,
Bazile et Merle.
^5*» On annonce les nouveaux engagements de Mlle Orgeni, de Mlle
Sarolta et de Mlle Formi, faits par M . Pasdeloup pour le théâtre Lyri-
que. Mlle Formi est élève de Wartel.
*'*.j5 On a donné hier aux Fantaisies-Parisiennes un petit acte, Ger-
vaise, de MM. Lefebvre et Bouvier, musique de M. F. Barbier, en at-
tendant une pièce plus importante de ce dernier, le Soldat malgré lui,
dont MM. Chivot et Duru ont écrit le poëme et qui se répète avec acti-
vité. Une jeune chanteuse qui a obtenu des succès en province,
Mlle Flachat doit y débuter. — M. Fr. Ricci assistait à la soirée de
réouverture. Son opéra, M. de la Palisse, ne sera représenté qu'à la fin
de l'année; il sera interprété par Mlle Marimon, Mmes Cazat, Decroix,
MM. Soto, Arsandaux et Brisson. — On répète avec activité la Fête du
Village voisin, de Boïeldieu.
^*^ Fleur de Thé ne s'est point arrêtée à la centième représentation;
elle continue à occuper l'affiche en attendant la première du Petit Pou-
cet, annoncée comme très-prochaine et qui passera immédiatement
après la première de la Périchole.
,*^ Vendredi et hier ont eu lieu les répétitions générales de la Péri-
chole avec costumes et décors. — Demain première représentation.
,f*^ On nous écrit de Marseille que la réouverture du Grand-Théâtre
s'est faite le 26 septembre, devant une salle comble, par le Trouvère.
Michot, Roudil et Mme Lafont ont obtenu un véritable triomphe dans
cette belle soirée qui fait on ne peut mieux augurer de la saison.
s^*^ On lit dans les journaux anglais qu'au dernier acte des Huguenots,
joués à DuWin, le ténor Mongini a été atteint d'un coup de sabre à
l'oreille. Cet accident, qui pouvait avoir des suites fâcheuses pour le
célèbre ténor, a causé une certaine émotion dans la salle. Un médecin
qui s'y trouvait et bientôt deux de ses confrères appelés en toute hâte,
ont constaté que la blessure, quoique saignant beaucoup, n'était pas dan-
gereuse, et ils ont pu rassurer le public, qui n'avaii pas voulu quitter la
salle avant de connaître par eux l'état du blessé.
,** Après avoir échappé miraculeusement à un accident qui pouvait
lui coûter la vie, Mlle Désirée Artôt est arrivée à Moscou, où la saison
du théâtre italien s'est ouverte le 21 par Otdlo. Nous avons dit l'enthou-
siasme provoqué l'hiver dernier par la célèbre cantatrice, les ovations
qui lui furent fuites par les dilettantes moscovites, le magnifique engage-
ment qui en fut le résultat et l'abonnement formidable qu'obtint l'im-
présario Merelli sur Pannonce seule de cet engagement. Le rôle de Des-
demona est un de ceux dans lesquels brillent les grandes qualités drama-
tique de Mlle Artôt ; elle y a donc, à tous ces titres, été reçue, dès son
entrée, par des acclamations qui ont duré plusieurs minutes; après quoi
chacun de ses morceaux dans le chef-d'œuvre de Rossini a été Pocca-
sion de bravos et de rappels sans fin. Un splendide bouquet, envoi du
gouverneur général, et de riches boucles d'oreilles, présent d'un admira-
teur de son talent, ont signalé cette première soirée. — Otello a dû être
donné de nouveau le lendemain, et sera suivi de la Figlia del regimento.
— Le ténor Stanio, qui rappelle par moments Tamberlick, possède une
voix mâle et bien timbrée, il chante fort bien et joue d'une façon rare
pour un Italien; il a reçu un excellent accueil. — On attend mainte-
nant dans il/ose le début des autres artistes. — La saison se prolongera
de quinze jours au delà du terme fixé. La direction des théâtres impé-
riaux offre à Merelli un contrat de deux ans; s'il l'accepte, il engagerait
immédiatement Mlle Artôt pour tout le temps que durerait son entre-
prise.
318
liEVIE KT GAZETTE MUSICALE
NOUVELLES DIVERSES.
*** La réouverture dos Concerts populaires rte musique classique aura
lieu le rtimanclie 18 octobre , sous la directiou de M. Pasdeloup. Les
abonnés qui désirent conserver leurs places sont priés d'en faire retirer
les coupons dans les bureaux de location avant le 12 octobre; passé
celle époque, l'administration en disposera.
*■*, C'est vendredi, 9 de ce mois, qu'ouvrira le Concert Valentino sous
la direction d'Arban. L'éminent chef d'orchestre a voulu donner à cette
inauguration toute la solennité possible; c'est donc par un très-beau con-
cert qu'elle aura lieu, et entre autres compositions de grande musique
on y entendra sa remarquable fantaisie sur les Iliifjuenoh, pour orchestre
avec chieurs.
*•» Paris compte en ce moment vingt-huit cafés-concerts, disséminés
sur tous les points de la capitale.
^% Les différents corps de musique militaire qui jouaient quotidien-
nement dans les jardins des Tuileries, du Palais-Royal et à la place Yen-
dôme, ont cessé ces concerts. A celui du 20 septembre de la gai'de de
Paris, que dirige avec tant de talent M. Paulus, a été exécutée devant
3 ou -i,Ol)0 auditeurs la grande fantaisie composée par M. Maury sur
des motifs de l'Africaine. On ne saurait se faire une idée de l'enthou-
siasme qu'elle a excitée; toutes les mains battaient à l'cnvi devant cette
belle composition admirablement rendue. — La pollia d'EtIling, 2cr-
line, jouée en solo par Ligner sur le cornet avec un grand talent, a élé
ensuite un des morceaux les plus applaudis. Au surplus, cette œuvre
très-jolie a été jouée très-souvent cet été, dans les concerts militaires et
par les orchestres des eaux thermales et des bains de mer.
»*« Mme Ugalde compte passer l'hiver à Paris et y reprendre ses
cours de chant. Elle compose en ce moment la musique d'une grande
féerie en cinq actes destinée à un de nos grands théâtres.
,*, Notre collaborateur, Paul Bernard, l'éminent pianiste-compositeur,
vient de rentrer à Paris, où il va reprendre ses k^'ons et ses cours de
piano. On sait de quelle réputation ils jouissent et à quel point ils .sont
suivis. — C'est donc une bonne nouvelle pour .ses nombreuses élèves.
^*^, Le compositeur anglais Alfred Holmes est de retour à Paris, où
il a fixé sa résidence. Il vient de terminer une symphonie pour grand
orchedre dont le titre est : la Jeunesse de Shakespeare, et il travaille en
ce moment à un grand opéra dont les paroles sont de MM. Louis Ul-
bach et Labat. 11 fera certainement entendre cet hiver sa belle sym-
phonie héroïque Jeanne Darc, pour orchestre, chœurs et solis, qui a eu
l'an dernier un si beau succès au théâtre du Grand-Opéra, à Saint-Pé-
tersbourg .
*» Sivori vient de recevoir du roi Victor-Emmanuel l'ordre de la
Couronne d'Italie.
^*» M. Cabel a rouvert ses cours le 1°' septembre. Son enseignement
comprend l'étude du chant, de la déclanintion lyrique, de l'analyse des
rôles (musique et poëme), de la musique d'ensemble, de la mise en
scène, enfin de tout ce qui constitue l'éducation complète du chanieur-
comédien.
»% Mlle Anna Bockholtz-Falconi, cantatrice de la cour ducale de Saxe-
Cobourg-Gotha, ei professeur de cliant au Conservatoire de Vienne, est
en ce moment à Paris. Les nombreux élèves de celte artiste distinguée
ont à peu près tous conquis une place honorable sur les scènes alle-
mandes : tout récemment encore, un journal d'outre-Rhin nous appor-
tait la nouvelle d'un succès aux proportions inusitées remporlé par l'une
d'elles, Mlle Minna Ritter, de l'Opéra de Munich, à un grand concert
donné à Salzbourg en l'honneur de l'anniversaire de la naissance de
l'empereur François-Joseph.
^*jt Des savants anglais ont calculé la somme d'intensité qu'acquerrait
la voix humaine si le son émis par elle était en proportion du volume
du corps, comparativement à celui de la sauterelle. Cet insecte se fait
entendre à une distance de un seizième de mille. Un homme pèse en
moyenne autant que 26,000 saulerelli's: si son appareil vocal était aussi
puissant que celui de la sauterelle, l'iiomme pourrait se faire entendre à
une di.staiice de 1,000 milles, c'est-à-dire que de Londres, par exemple,
sa voix irait au delà de Constanlin'iple jusque dans l'Asie- Miueure,
et qu'elle dépasserait Moscou de 100 milles.
,*^ M. Auguste Dès vient de commencer le quatrième volume de sa
Biouraphie des musiciens anciens et modernes, avec te calalojiie complet de
leurs œuvres. Trois volumes ont déjà paru de ce curieux et indispensa-
ble recueil qui e^t en que'que sorte le manuel du liiiraire et de l'édi-
teur de musique. C'était là, au surplus, une lacune que M. Dès, armé
d'une patience à toute épreuve, a entrepris de combler. S'il mène à
bien celte entreprise, s'il arrive à dre.sser le catalogue raisonné des œu-
vres publiées et inédites de tous les compositeurs, l'auteur aura bien
mérité le titre de Bruuct de la Bibliographie musi<"ale. Chaque volume
contient plus de cent noms et est illustré de portraits fort intéressants.
aj*. Dans quelques jours paraîtra une nouvelle composition pour le
piano de M. Hubert Rolling, pianiste émiiient de la Nouvelle-Orléans.
Sous le titre pittoresque d'Harmonie de la nature, l'auteur applaudi de
l'Appel à Dieu a écrit un véritable poëme musical dont nous rendrons
compte incessamment.
^*^ Mme Rosina Stoltz (1), aujourd'hui baronne de Stolzenau de
Ketschendorf, vient de recevoir la décoration de l'ordre du Mérite, fondé
par Ernest l" et affilié à l'ordre ducal de la Maison Ernestine de Saxe.
**4 Le laryngoscope pénètre peu à peu dans la pratique médicale pa-
risienne. Cette nouvelle intéresse le monde de la musique et du théfitre,
en ce sens que cet appareil, de l'invention du physicien anglais Drum-
mond, permet au médecin de diagnostiquer et d'opérer en toute certi-
tude dans les affections du larynx. Un miroir éclairé par un courant
d'oxygène et d'Iiydrogène carburé, en contact avec un morceau de craie,
réfléchit cette lumière d'une intensité extraordinaire sur les parois du
larynx, dont il reproduit l'image si fidèlement qu'aucune altération ne
peut échapper au praticien. Ce dernier peut observer facilement ainsi la
structure et la couleur des cordes vocales, qui diffèrent essenliellement
dans chaque individu : voir, par exemple, si elles sont longues et larges
chez la basse-taille, courtes et étroites chez le ténor; d'une proportion
rationnelle pour les voix intermédiaires. L'examen laryngosnopique in-
telligent ne pourrait-il pas permettre aux professeurs de cla.sser leurs
élèves débutants suivant le registre véritablement en rapport avec leur
appareil phonique? Que de voix ménagées, épargnées de cette manière !
S'il était permis de mettre en doute le zèle et la bonne volonté constante
des artistes lyriques, nous ajouterions que les impresarii rencontreraie.nt
dans le laryngoscope un puissant auxiliaire pour combattre le fléau des
extinctions de voix factices. En effe', dès qu'il n'y a pas rougeur des
cordes vocales, tant qu'elles gardent leur coloration nacrée, la voix est
vigoureuse et l'instrument ne fera pas défaut; c'est là un fait avéré.
Ceux qui chantent ou qui parlent en public ne pourront dans tous les
cas qu'.ipidaudir à une découverte qui permet de reconnaître de visu toute
maladie di; la gorge, d'en suivre la marche, d'en arrêter les progrès et
d'en amener par conséquent la guérison.
*'*'^f Les matinées de la villa Makenzio, à Saint-Germain en-Laye, con-
tinuent à exciter l'intérêt du monde artiste. La dernière avait même
emprunté un vif éclat à la présence, chez Mme Makenzie, de Mlle Fal-
coni, la brillante cantatrice italienne que Paris a trop peu entendue,
mais que l'Allemagne garde avec un soin jaloux et que le Conservatoire
de Vienne a chargée d'une classe de perfectionnement de l'art du chant,
qui ne pourrait se trouver en meilleures mains. On a donc fait d'exi-el-
lentc nmsique mardi dernier chez Mme Makenzie, et nous devons citer
tout particulièrement l'exécution du 'grand septuor de Hummel, réduit
en quintette et interprété par MVL Norblin, Lefaucheux, le violoni.ste
Lecoinle et Mme Makenzie. Ces deux derniers artistes ont joué avec une
grande maestria et une entente incomparable des nuances la sonate à
Kreutzer, et, dans deux airs de Mercadante et de Pergolèse, Mlle Ealconi
a fait admirer sa belle voix et sa méthode sans rivale. Ajoutons qu'une
toute jeune et ravi.ssante élève de Mme Makenzie s'est fait entendre dans
cette matinée et a joué, avec quelque timidité, mais aussi avec une grande
jus'ese et une certaine vigueur, une sonate de Beethoven et une grande
fantaisie sur Don Juan. C'est là un début qui promettrait beaucoup si la
jeune artiste, comme la plupart des élèves de Mme Makenzie, n'était des-
tinée à un brillant avenir et cultivait le piano autrement qu'à l'état
d'art d'agrément.
^*^ Vendredi 23 septembre, la Société chorale des Enfants de Saint-
Denis, dirigée par M. Victor Desmet, et la Société d'étude musicile, mu-
sique municipale de cette ville dont le chef est M. Alexandre Artus, ont
donné à leurs membres honoraires une soirée musicale fort intéressante.
Dans l'interprétation de plusieurs chcèurs, le Duquesnc, de François Ba-
zin, et YAdieu, de Camille de Vos, entre autres, les Orphéonistes de
Saint-Denis ont mis en évidence les qualités artistiques qui les ont éle-
vés et les maintiennent au rang des meilleures sociétés chorales de la
région. Les progrès de la musique municipale affirment le zèle et l'ha-
bileté de son chef. Des fragments du Désert, des fantaisies, la polka des
Oiseaux, d'Arban, ont été exécutés avec beaucoup do soin, de goût et
d'cutrain. L'union de ces deux sociétés musicales d'une même ville est
du meilleur exemple : elle fait honneur à l'esprit de conciliation qui
anime Inurs membres et que développent leurs honorables présidents,
MM. H. Guillaume et Gérard.
^*^ Au concours d'orphéons qui a eu lieu dimanche dernier à Arca-
clion, le jury, présidé par M. Ch. Vervoitte, a décerné le premier prix
de la première diusion à la Girondiue, de Bordeaux, société chorale de
fondation récente.
s,*4 Dimanche dernier, !a ville de Biarritz ouvrait un concours musi-
(!) Vii-.toire Noeb. dite Rosine Stoltz, née à Paris, le 13 février 1S13,
de parents allemands, épousa à Bruxelles, le 2 mars 1837, M. Alphonse-
4u"iiste Lescuyer, lU Rouen, dont elle est devenue veuve sans dnute
puisque l'ancienne prima donna du théâtre de la Monnaie de Bruxelles,
puis de l'Opéra de Paris, où elle brilla longtemps sous la direction de
Léon PiUet, porte aujourd'hui un autre nom avec le titre de baronne.
(Note du Guide musical belge.)
UE PAKIS
319
cal qui avait attiré un grand nombre de sociétés chorales et instrumen-
tales,—un millier d'exécutants environ, — ainsi que toutes les populations
basques voisines de cette ville et de Bayonne. L'iîmpereur, l'Impéralrice
et le Prince-Impérial ont assisté au concours qui a éti' dos plus brillants.
Les honneurs de la journée sont restés à la Fanfare Rollet, de Bordeaux,
à laquelle l'Empereur a daigné témoigner la satisfaction que lui avait
causés l'interprétation d'une fantaisie délicieuse sur ta Part du Diable.
Après une promenade aux flambeaux, un punch a été servi par les
ordres de l'Empereur aux sociétés chorales et instrumentales, réunies
dans l'établissement des bains, sous la présidence de M. d'Auribeau,
préfet des Basses-Pyrénées.
^*f. On lit dans le Guide musical behje : « A l'occasion du Congres des
savants à La Haye, il a été donné un grand concert national au théâtre.
Denx cents chanteurs et un orchestre complet ont fort bien fonctionné
sous la direction de iMM. W. F. G. Nicolaï, Hol et Verhulst. Los solistes
étaient Mme Offermans van Hove, soprano; une dilettante d'Utrecht (con-
tral(o) ; M. Warnols, de Bruxelles (ténor) ; M. Schelfouth (baryton), et un
dilettante de La Haye (basse). Le programme se composait d'une ouver-
ture de Bocrs et de Hciligcrlce, cantate de circonstance composée par
Hal, comprenant dix numéros pour solo et chœur. A la deuxième partie,
on a entendu Haasken van Gelder, de Nicolaï, œuvre nationale s'il en fut
jamais, et à travers laquelle le fameux Wilhelmusvan Nassauioen revient
toujours et finit par faire explosion vers la fin. Toute la salle, y com-
pris la Cour, s'est lovée et a entonné Fair patriotique au milieu d'un
enthousiasme indescriptible. Une œuvre d'un jeune auteur belge, Het
T'Fowd, de Van Gheluwe, a obtenu un fort beau succès. Puis est venu Lo-
verkcn.f, suite de lieders de Nicolai, chantés par Mme Offermans; Vondel,
introduction et chant de fête, de Verhulst, et, pour terminer, VOuverlure
(estivale de Verhulst. »
*** Une triste nouvelle a affligé Paris cette semaine. M. le comte
Walewski a succombé à Strasbourg à une attaque d'apoplexie fou-
droyante. M. le comte Walewski n'était pas seulement un homme d'Etat,
il appartenait aussi au monde des lettres et des arts, et l'on se rappelle
qu'il avait succédé à noire regretté Georges Kastner comme membre de
l'Institut. -- Les obsèques de M. Walewsky ont eu lieu hier en grande
pompe à l'église de la Madeleine. Les artistes (hommes) de l'Opéra,
MM. Faure, Villaret, Belval, David, Grisy, Morère et les chœurs, égale-
ment d'hommes, s'étaient offerts spontanément pour chanter dans la céré-
monie religieuse. — La commission des auteurs dramatiques s'y était fait
représenter par son président M. de Saint-Georges, et MiM. Maquet, Ado-
nis, Brisebarre, Gondinet et Emile Jonas. — M. Emile Perrin avait adre.-sé
en son nom et au nom de tous ^s artistes de l'Opéra, une lettre de con-
doléances à Mme la comtesse Walewska qui, par dépêche, s'est empressée
de lui en transmetlre tous ses remerciments.
„;% Au service de bout de l'an de M. le docteur L. Véron, chanté
cette semaine à Saint-Roch, la maîtrise de cette paroisse a exécuté, sous
la direction de M. Ch. Vervoitte, Vlnlroit de Jomelli , VExavdi nos de
Mozart, YOfferloire de Sallandry, un Pie Jcsu de Niedermeyer et un
Agnus Dei du maître de chapelle.
ÉTRANGER
,,,*;,. Londres. — Les nouveaux concerts- promenades du Fairy Palace,
dans l'Agriculiural Hall, avant-coureurs de la saison d'automne, ont
commencé. Le premier a été donné devant un public de dix mille per-
sonnes. Le programme se composait d'œuvres classiques et modernes,
sérieuses et gaies: Beethoven y coudoyait Auber, des fragments de la
Grande- Duchesse alternaient avec un intermède de Gounod, des soli de
piano et de cornet à pistons et des morceaux de chant. Ces concerts ont
de l'avenir!
»*.!; Bruxelles. — Adelina Patti e.'t engagée pour trois représentations
au théâtre de la Monnaie, à partir du 20 décembre. — A la dernière re-
présentation de la Juive, la basse chantante Giraudet a été tellement
maltraitée par le ptiblic qu'on a dit, séance tenante, annoncer la rési-
liation de son engagement. — Le 23 septembre, l'Académie royale de
Belgique a tenu sa séance publique sous la présidence de M. Fétis.
Après l'ouverture A'Oberon, exécutée par l'orchestre du Conservatoire,
sous la direction de M. Bosselet, et un discours très-applaudi de
l'illustre président, on a proclamé le résultat du concours académique.
La séance s'est terminée par l'exécution de la cantate Het Woui (la
Forêt) qui a valu le second prix l'année dernière à M. Van Gheluwe,
et dans laquelle on a apprécié beaucoup de savoir-faire et une grande
distinction d'idées.
**^ Francfort. — Naudin, engagé pour quelques représentations, vient
de chanter avec un très-grand succès la Favorite et lUgoletto.
„,*, Scinvcrin.—Le cinquième festival mecklembourgeois a eu lieu du
20 au 22 septembre, ai'ec beaucoup d'éclat. M.M.Joachim (ténor, de Dresde),
Bill (basse, de Schwerin), Krause (basse, do Berlin); Mmes llarriers-Wip-
pern (soprano, de Berlin), Joachim (contralto), y ont pris part comme
solistes. Des œuvres de Beethoven, Bach, Hœndel, Mozart, Schubert,
Schumann, Kucken et Taubert ont été exécutées.
^.*^ Berlin. — Le répertoire de l'Opéra royal, qui a toujours été hos-
pitalier à toutes les écoles, va s'enrichir en décembre de ftoméo et Ju-
liette, de Gounod, en janvier de Micjnon, d'Ambroise Thomas, plus tard
des Meistersinger, de Rich. Wagner, et du Frithjof, de B. Hopfer. Serions-
nous près de voir se réaliser la proposition de Meyeibeer, sanctionnée
par le roi Frédéric-Guillaume IV, de monter régulièrement chaque an-
née trois opéras nouveaux de compositeurs allemands ? Avec l'activité
que dépense la direction, jouant en moyenne cinq fois par semaine, et
disposant en outre d'un nombreux et excellent personnel, il ne faut pas
en désespérer.
.j,*.^ Stellin. — Un Conservatoire de musique vient d'être fondé. 11 est
ouvert à partir du l" octobre.
i:*^ Bonn. — Notre collaborateur M. Ch. Lucas, architecte, délégué
au congrès inlernational archéologique qui s'est tenu la semaine der-
nière dans cette ville, patrie de Beethoven, nous écrit qu'il a surtout été
émerveillé de l'exécution incomparable de la symphonie en ut mineur et
de l'ouverture A'Egmont dans un festival offert par la ville de Bonn à ses
invités. Il ajoute que « Jllle Radecke, du théâtre de Cologne, a obtenu
à cette belle soirée un fort grand succès Irès-mérité p.ir son interpréta-
tion du grand air et des lieder d'Egmonl, et que le violoniste Ludwig
Straus, de Londres, s'est fait chaleureusement applaudir dans le con-
certo de Beethoven. Somme toute, remarquable concert auquel semblait
présider le maître immortel qui est la gloire de Bonn , et dont cette
ville offrait les plus belles œuvres à la respectueuse admiration d'un
grand nombre de savants allemands et élrangers, parmi lesquels on
comptait quelques Français de distinction. »
^*^ Copenhague. — Trois concerts ont été donnés par la Compagnie
Ulmann avec un brillant succès.
^*^ Vienne. — Il est question du retour de Mme Gompertz-Bettelheim
a. la scène. On assure qu'elle a signé un engagement de trois ans avec
l'Opéra. De tous cotés on désire la confirmation de cette nouvelle. — Par-
mi les papiers laissés par le compositeur Anselme Hilttenbrenner, mort
récemment, on a trouvé diverses compositions inconnues, de peu d'impor-
tance, de Mozart, Beethoven et Schubert. — Mignon, d'Ambroise 'Tho-
mas, sera représenté dans le courant de ce mois. En voici la distribu-
tion : Mignon, Mlle Ehnn (qui alternera probablement avec Mlle Gin-
dele): Wilhelm Meister, M. Walter ; Philine, Mlle Rabatiusky; Lothario,
M. Beck. — Cet opéra et un ballet sont les seules nouveautés qui se-
ront désormais données dans la salle actuelle de l'Opéra. On espère
pouvoir inaugurer la nouvelle au commencement d'avril prochain. —
La faveur dont jouit l'opérette auprès du public tient en éveil l'activité
des maîtres du genre. Le théâtre An der Wien en monte une de Hopp,
intitulée Morilla; le Carltheater en a promis, pour cette semaine, une
autre de Suppé, les Tourments de Tantale, et il prépare pour le mois de
décembre l'Enlèvement des Sabines (en trois actes), de Zaytz. — La pre-
mière pierre du monument de Schubert sera posée le 12 octobre.
^*^ Milan. — Après bien des hésitations et des intrigues pour le choix
de l'opéra à'obbligo, ou opéra nouveau qui doit être donné au commen-
cement de la saison prochaine, on s'est décidé pour le Ruy-lilas de
F. Marchetti, l'auteur d'un Romeo e Giuletla donné avec succès l'année
dernière au théâtre Carcano. L'ouverture aura lieu, comme c'est l'habi-
tude pour les théâtres d'Italie, le jour de Saint-Etienne, 26 décembre.
Il sera donné quatre-vingts représentations. — La troupe est ainsi com-
posée : Tercsina Stolz, N. Bianchini, Lucia Baratti, Pietro Mongini, Enrico
Harvin, Enrico Barbaccini, Luigi Colonnese, Giacomo Rota, Giuseppe
Vecchi.
^*^ Mantoue. — Il Profeta n'a pas eu moins de succès ici qu'à Padoue.
La dernière représentation a eu lieu le 20 septembre. Maria Destin et
le ténor Villani, dignes interprèles du chef-d'œuvre, ont été jusqu'au bout
à la hauteur de leur tâche.
J|.*^, Kaplcs. — La direction du théâtre San Carlo a publié son pro-
gramme pour la saison, qui durera six mois, de la dernière quinzaine
d'octobie à la dernière quinzaine d'avril. Deux opéras écrits expressément
pour celle scène seront donnés pendant cette période : Giovanna II di
Napoli, do Peirella, et Alba d'Oro, de Vincenzo Battisla. — Les princi-
paux artistes engagés sont . Marcellina Lotti, Leonilda Boschetli, Giusep-
pina Tati, Francesco Mazzoleni, Giovanni Zaccometti, Filippo Coletti, Vin-
cenzo Quintili-Leoni, Errico Rossi-Galli.
„,•« Madrid. — Bien que les événements actuels laissent planer une
grande incertitude sur l'ouverture de la campagne lyrique, plusieurs ar-
tistes sont cependant partis pour se rendre à leur poste : on cite entre
autres Tamberlick. L'époque du départ de Mme Gueymard sera peut-être
reculée, d'un commun accord, entre les directeurs de Paris et de Madrid.
,^% Moscou. — Les représentations de l'Opéra russe ont recommencé
le 2/Li septembre. On a exécuté des fragments de Faust et la Vie pour
k Czar, de Glinka. Le i/IG, on a donné liusslan et Ludmiln, du même
compositeur.
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11. Reproche.
12. Élégie.
13. Rêverie.
14. Emportement.
15. Berceuse.
16. Regrets.
17. Chanson de Mai.
18. V
19.
20.
21.
22.
23.
24.
Songerie.
Volage.
*
Paysage .
Sonnet.
PRIX ACCORDÉ A l'dnanimité \ l'EXPOStTioN MAISON FONDÉE EN 1803. médaille d'argent deI" classe
UNIVERSELLE DE LONDRES 1851. INSTRUMENTS DE M U S i 0 U E EN CUIVRE * l'exposition universelle de paris ISSS.
. ~ . . Exposition Universelle de Londres 1862 ~"
Vonrnlssenr des ministères de lu
Cluerre et de la Marine de France.
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Itâ , New Bond Street.
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ANTOINE COURTOIS
POUR L'EXCELLENCE DE SES COMETS A PISTOXS, COBS, ALTOS, BASSES,
ET POUR TODIE SA COLLECTION d'iNSTRIIMENTS EN GÉNÉRAL.
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Ci-devant rue du Caire, 21.
IFacteur dn Conservatoire et de
l'Académie Impériale de Parts.
Agent à Saint-Pétersbourg:
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REVUE
Il Octobre 1868.
PRIX DE L'ABONNEMENT :
Paris •-'« r. parai
Dtîpartemeilts, niMg[quc et Suisse.... 30 -i ji.
Étrunser 34» icL
Le Journal parait le Dimanche,
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
mon abonnés reçoivent, avec le numéro d'aqjoard'Iinl,
la lettre de la PÉRICHOLE à Pl«l}ll,l4>.
SOSlMAIPiK. — Théâtre impérial italien: Rigotetto et Crispino e la Coiiiare,
par Elias ile Bauze. — Théâtre des Variétés : la Périchole, opéra-bouffe en
deux actes, paroles de MM. H. MeilhacetL. Halévy, musique de J. Offenbach.
— Théâtre de l'Athénée : le Petit-Poucet, opéra-bouffe eu trois actes et quatre
tableaux, paroles de MM E. Deterrier et A. Vanloo, musique de M, L. de Rillé ,
par D.-A.-D. — Correspondance: Bruxelles, par Fétis, — Nouvelles des théâ-
tres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
THEATRE IfflPÉRIAL ITALIEN.
Blgoletto. — Crispino e la con>are.
L'atfiche ne reste pas stationnaire au théâtre Italien. La saison
vient à peine de commencer, et déjà nous y avons vu paraître
successivement Lucia, Rigolelto, Crispino e la Comare, la Traviata,
et la Conlessina. Il a élé parlé de Luda, à propos de la réou-
verture de la salle. On donne la Traviata au moment même où le
journal va être mis sous presse. L'ouvrage du prince Poniatowski
n'est annoncé que pour mardi. Il ne nous reste donc à vous en-
tretenir que de Rigoletto et de Crispino.
L'opéra de Verdi ne pouvait être donné en de meilleures condi-
tions. Imaginez-vous le fameux, quatuor chanté par Mme Patti,
Fraschini, Delle-SedieetMUe Grossi. Quel ensemble partait! On sait
quelle grâce poétique donne Adelina Patti à ce beau rôle de
Gilda , moitié rôle de vocaliste , moitié rôle de cantatrice
dramatique, — ourles trilles, les staccati, où toutes les difficul-
tés du point d'orgue le plus étourdissant se mêlent aux gémis-
sements, aux plaintes déchirantes du désespoir. Ce rôle est, sans
contredit, un des plus beaux et des plus riches du répertoire de
Verdi ; il commence par un sourire et se termine par des sanglots ;
il y a tant d'amour et d'abandon au commencement, dans l'air
et dans le duo avec le ténor ; tant de pudeur cruellement frois-
sée, tant de tristesse dans les aveux, au duo avec le baryton ; il
y a enfin tant de douleur navrante, à la lin, dans le quatuor,
qu'il faut le double talent de l'actrice et de la cantatrice pour
l'aborder.
Fraschini s'était déjà fait applaudir dans le rôle de l'insouciant
libertin. 11 le chante, en effet, avec le talent hors ligne que vous
lui connaissez.
La rentrée de M. Delle-Sedie a été chaleureusement accueillie par
les habitués de la salle Ventadour, qui ne s'étaient résignés qu'à-
demi à le voir quitter la scène pour se vouera l'enseignement. Certes
il est utile et méritoire de faire des élèves , d'autant que les maî-
tres de l'art ne sont immortels que moralement ; mais on peut re-
mettre cette tâche au moment où la voix ne répond plus au talent
de l'artiste. RI. Delle-Sedie n'en est pas encore là. Quel que soit
le volume de sa voix, il sait la moduler avec tant d'art qu'on la
préfère à des organes autrement plus vigoureux ; et on a parfaite-
ment raison.
Mlle Grossi n'a que le petit rôle de Madeleine dans R'goletlo.
Ce n'est pas assez pour son talent, mais c'est assez pour qu'on ait
pu saluer sa rentrée. Nous l'attendons dans le Trovatore. Madeleine
n'est qu'un à-compte sur la dette que paiera Azucena.
C'est bien dommage que l'on ne puisse donner un plus grand
nombre de représentations de Rigoletto pareilles à celle de samedi;
mais Fraschini s'en va, et Mme Patti elle-même ne doit pas rester
longtemps; heureusement qu'elle nous reviendra après la saison
de Saint-Pétersbourg.
Deux débuts étaient annoncés pour jeudi dans Crispino e la
Comare des frèr. ■• Ricci : celui de la nièce et fille des deux com-
positeurs, de M 'c Lella Ricci, qui remplissait le rôle d'Annetta, et
celui d'un jeun» *énor, M. Palermi, dont le rôle, dans Crispino,
n'est pas des me urs.
Le ténor (nons commençons par lui, car c'est lui qui ouvre cet
opéra) a complètement réussi. Il tremblait un peu, à son premier
air; mais le public qui a pu apprécier sa jolie voix et sa bonne
méthode l'a encouragé: sa frayeur s'est vite dissipée, et le jeune
artiste était déjà maître de tous ses moyens au duo avec la basse
Agnesi, duo qu'on a vivement applaudi, et qui a valu môme un
rappel aux artistes. M. Palermi est un bon ténor léger, et il sera
très-utile au théâtre Italien, surtout dans le répertoire rossinien.
Mlle Ricci a été différemment appréciée. Elle est si jeune ! Sa
322
KEVUE El' GAZEITE MUSICALE
voix est assez agile, et, n'était le souvenir de sa brillante devan-
cière, elle aurait plu davantage. Elle chante bien, ne paraît pas
trop émue, mais elle force un peu son organe, surtout dans les
notes hautes, ce qui donne à sa voix je ne sais quoi de nasillard
qui pourrait lui nuire, si ce léger déiaut n'était racheté par de
nombreuses cL brillantes qualités. Somme toute, elle a été vive-
ment applaudie.
M. Ciampi, qui succède à Zucchini dans le rôle tle Crispino, ne
fait pas rtgretlter son prédécesseur, ce qui est déjà un fort bel éloge.
Il est amusant, comique sans bouffonnerie, et, surtout, il chante.
Or il est assez rare de rencontrer un bouffe qui sache et puisse
chantcS".
Le ftmcux trio des honnnes, Èaiti, pesta ! a été bissé comme
toujouï^! Mcrcuriali y est à la hàtiteur inespérée de Ciampi et
d'A^ncSi. Son sQccès date viè ce trro. îtfais pourquoi, quand an
l'applaudit, a-t-il l'air de demander pardon au public d'avoir si
bien chanté?
Ce sont Mlle Ricci et Ciampi qui remplaceront Mme ïiberini et
Scalèse dans la Coniessina du prince Poniatowski.
Nous rendrons compte dimanche prochain de cette reprise, ainsi
que de celle de la Traviala.
Elias de RALZE.
THÉÂTRE DES VÂRIËTËS.
liA PEKBCIIOIiE,
Opéra-bouffe en deux actes, paroles de MM. HeiNiu Meiluac et
Ludovic Halévv, musique de M. .Iacques Offenbacii.
(Première rcpr«scntalion le 0 octobre 1808.)
C'est M. Prosper Mérimée qui, le premier, nous a fait connaître
cette Péricholc , une comédienne dm Pérou, très-célèbre au sièch;
dernier dans la ville de Lima, alors que les Espagnols étaient en-
core les maîtres de l'ancien empire des Incas. Une charmante say-
nète du théâtre de Clara Gazul, intitulée le Carrosse du Saint-
Sacrement, nous représente la Périchole comme la maîtresse toute
puissante du vice-roi. Les carrosses sont rares à Lima , on en
compte cinq en tout. Or, par un caprice de jolie femme, la Péri-
chole ne veut pas se montrer à pied dans une cérémonie religieuse
qui met toute la ville en émoi. Elle décide le vice-roi à lui octroyer
son carrosse, dont il ne peut user, parce qu'il est retenu au palais
par un violent accès de goutte. Quel scandale pour la cité, et sur-
tout pour les membres du clergé! Mais la Périchole, après avoir
traversé la foule ébahie dans son brillant véhicule, a rencontré le
Viatique que l'on portait pédestrement au chevet d'un moribond ,
et, touchée de la grâce, elle a immédiatement renoncé à son car-
rosse en faveur du Saint-Sacrement, qui , à Lima , depuis cette
époque, ne sort plus qu'en voiture. N'était la modestie de la Péi-i-
chole, le clergé, converti, lui élèverait des statues.
Il faut lire dans Clara Gazul cette spirituelle ébauche, dont notre
insuffisaîite analyse ne peut donner qu'une bien faible idée. Peu
connu aujourd'hui, malgré son incontestable mérite, le livre de
M. Mérimée a été très en vogue dans les premières années qui ont
suivi la Révolution de 1830, et son succès a laissé des traces
dans le répertoii-e du Palais-Royal, où l'on trouve une Périchole,
jouée tout naturellement par Virginie Déjazet.
Si nous avons rappelé ces précédents, comme c'était notre de-
voir, ce n'est pas pour les opposer à la pièce de MM. Henri Meilhac
et Ludovic Halévy, qui se sont tenus sagement en dehors de tout
prétexte de comparaison, et qui n'ont pris à M. Mérimée qu'un
nom de femme et un lieu de scène essentiellement pittoresques.
Tout le reste est de leur invention.
La Périchole de ces messieurs est une chanteuse des rues; elle
a pour associé et pour amant un chanteur nommé Piquillo, et
n'en est pas plus heureuse. Les mara^édis sont rebelles à la quête
de nos artistes en plein vent. Même le jour de la fête du vice-roi,
quand toute la ville est en liesse, les pauvres diables sont bien près
d'aller se coucher sans un morceau de pain sous la dent. Vers le
soir, Piquillo, plein d'obstination, veut encore tenter la fortune;
mais la Périchole refuse de l'accompagner, et, en vertu du pro-
verbe : <c Qui dort dîne, » elle fait son lit sur la voie publique.
Un autre proverbe dit : « La Fortune vient en dormant. » Pen-
dant que Piquillo court après elle, la fantasque déesse se présente
à la Périchole sous la ligure d'un vieux docteur, qui pourrait bien
ne pas être ce qu'on pense ; car en ce jour de réjouissance publique,
Lima a pris un singulier aspect. Tous cos promenenrs, tous ces
joueurs, tous ces buveurs attablés au cabaret Aes Trois Cousines,
vous croyez que ce sont de vulgaires citadins, de paisibles bour-
geois? Pas du tout, ce sont des gens aux gages du gouverneur de
la ville, et voici pourquoi. A l'instar du kalife Haroun-al-Raschid,
te vice-'TOi dn ï'érou , don Andrès de Ribeira , a la manie de se
déguiser en médecin pour tâter le pouls de l'opinion de ses sujets.
Il a même sur la rambla une petite maison où il va goûter les
douceurs de l'incognito avec les petites dames complaisantes qu'il
rencontre.
Mais ces promenades mystérieuses ne sont pas du goût du pre-
mier gentilhomme de la Chambre, ni du gouverneur de la ville,
qui, pour parer aux indiscrétions du hasard, appostent sur les pas
du vice-roi un(! foule stylée d'avance aux réponses les moins com-
promettantes pour les abus de leur administration. Eux-mêmes
montrent l'exemple en endossant un costume populaire.
C'est donc au milieu de cette mascarade universelle que le doc-
teur, ou — pourquoi ne pas le dire tout de suite? — le vice-roi,
qui a soif de la vérité, avise la Périchole endormie, la réveille, et,
charmé de sa conversation non moins que de ses attraits , en de-
vient subitement amoureux. Il lui révèle, son rang et lui propose
de l'emmener au palais.
La Périchole fait bien quelques façons, mais sa misère est si
profonde et elle a si grand faim' Cependant le premier genlil-
homm6.et le gouverneur se mettent en travers des velléités de leur
maître, et font observer que l'article 9 de la Constitution jurée
par lui défend l'entrée du palais à toute femme qui n'est pas ma-
riée. « Eh bien! que l'on cherche bien vite un mari à la Péri-
chole, et qu'on aille quérir un notaire. » En attendant, le vice-roi
lui offre, dans sa petite maison, un fin dîner qui la restaurera,
La Périchole ne résiste plus, seulement elle demande à écrire
une lettre d'adieu à son amant :
Ces paroles-là sont cruelles ;
Je le sais bien, mais que veux-tu?
Pour les choses essentielles
Tu peux compter sur ma vertu.
,1e '.'adore ; si je suis folle,
C'est de toi ... , compte là-dessus,
Et je signe : La Périchole,
Qui t'aime, mais qui n'en peut plus.
Le premier gentilhomme et le gouverneur, menacés dans leurs
plans et dans leurs émoluments, se font un devoir d'obéir aux
ordres de leur souverain.
Celui-ci entre chez un notaire où se trouve précisément un de
ses collègues qui l'assistera. Celui-là, dans sa précipitation, fait
choir un escabeau sur lequel était monté un pauvre diable en
train de se pendre et qu'il décroche par ce mouvement. C'est ce
qu'il lui tant. Est-il marié? Sur sa réponse négative, il lui pro-
pose une forte somme pour se laisser marier. Mais, ô surprise!
DE PARIS.
323
tous les deux éprouvent des résistances inattendues : les notaires
ne veulent pas instrumenter un jour de fête; le pendu a un
amour enraciné dans le cœur, et l'on n'en sera pas surpris quand
on saura que c'est Piquillo qui n'a pas voulu survivre à la tralii-
son de la Périchole.
Que taire alors? avoir recours à la cave' des Trois-Cousines et
faire perdre la raison aux deux notaires, à Piquillo et même à la Pé-
richole, dont les scrupules se sont réveillés au dessert. L'expédient
réussit à merveille, seulement les griseurs se grisent en versant
l'oubli à leurs victimes, et c'est à la faveur d'une ébriété générale
que s'accomplit le mariage.
Au deuxième acte, les nouveaux époux sont installés au palais,
mais séparément. Piquillo s'est réveillé sans rien comprendre à sa
situation, et sans savoir qui on lui a donné pour femme. Ici se
place une excellente parodie de la fameuse scène de la Favorite,
où les courtisans repoussent la main de Fernand déshonoré.
« Comment ai-je souillé mon nom"? répondez-moi.
— En épousant là maîtresse du roi. »
Piquillo veut s'en aller sans demander son reste ; mais on lui
apprend qu'il ne touchera la récompense promise qu'après avoir
pi'ésen té solennellement sa femme au vice-roi, et cette considération
l'arrête, parce que, avec l'argent qu'on lui comptera, il pourra
plus facilement courir à la recherche de la Périchole.
La présentation a donc lieu; Piquillo reconnaît sa compagne,
et la maudit en présence de toute la cour. Mais elle ne se trouble
pas pour si peu de chose, et à la suite d'une scène d'explica-
tions, elle fait la paix avec son amoureux, à qui, en dépit des
apparences, elle n'a pas cessé de rester fidèle.
Pendant ce temps, un complot s'ourdit contre le vice-roi qui a
introduit au palais une saltimbanque, et tous ses courtisans lui
rendent la vie si dure qu'il n'ose plus toucher à un mets, à un
vin, de peur d'empoisonnement. Aussi, quand la Périchole, suivie
de Piquillo, vient lui annoncer qu'elle préfère son existence aven-
tureuse de chanteuse des rues à toutes les splendeurs qu'on veut lui
imposer, le vice-roi fait-il peu d'efforts pour la retenir, et lui
laisse-t-il généreusement tous les joyaux qu'elle a reçus en don
pendant sa courte faveur et qu'elle vient lui restituer.
MM. Meilhac et Halévy, les collaborateurs habituels d'Oiîenbach,
possèdent le rare mérite de savoir varier leurs sujets et de ne se
ressembler jamais. Non-seulement la Périchole a une allure tout
autre que celle de leurs précédents opéras, mais il y a, dans la
donnée de cet ouvrage un fonds d'intérêt, une pointe de sentiment
qui sont du fruit nouveau pour nous. Et qu'on n'aille pas
croire que l'élément bouffon en soit diminué ; bien au contraire,
il n'en ressort que davantage par le contraste. La pièce abonde
en scènes piquantes, en mots à effet, et l'action se meut dans un
cadre plein d'originalité.
La partition d'Offenbach a remporté une victoire exceptionnelle,
qui s'est traduite par cinq morceaux redemandés avec acclamations.
Il y a peu d'exemples d'un pareil enthousiasme !
L'ouverture est fort courte et ne se compose que de deux motifs
principaux choisis parmi les meilleurs de la pièce. Quand la toile
se lève, le théâtre présente un tableau des plus animés, et dans
lequel on applaudit un chœur brillant, coupé par la chanson des
Trois-Cousines, sur un très-joli mouvement de valse. On ne peut
mieux entrer en matière.
L'arrivée du vice-roi est signalée par des couplets bouffes sur
les bénéfices de l'incognito, qui ont eu, les premiers, les honneurs
du bis, quoique dits par Grenier, qui n'a pas la prétention d'être
un chanteur. Quel plus bel éloge peut-on en faire?
Dès leur apparition, Piquillo et la Périchole, c'est-à-dire Dupuis
et Mlle Schneider, font entendre coup sur coup deux chansons po-
pulaires, également réussies, chacune dans son genre : d'abord
une complainte, l'Espagnol et la Jeune Indienne, qui fournit à ses
interprètes l'occasion d'imiter les chanteurs des rues; puis une
séguedille pour soirées, comme dit la Périchole, et qui a pour titre:
le Muletier et la Jeune personne. La complainte a été bissée et
son refrain : Il grandira, car il est Espagnol, est destiné à une am-
mense notoriété. Comptez que d'ici à huit jours cette p'nrase sera
dans la bouche de tous les liabitués du boulevard Montmartre.
Quant à la séguedille, elle est aussi d'un brio entraînant.
Un bijou, une perle, c'est la lettre de la Périchole, lue par elle
sur un accompagnement en sourdine. Offenbach avait déjà donné
la mesure de ce qu'il pouvait faire dans ce genre; la lettre de la
Périchole n'aura pas moins de retentissement que la déclaration
de la Grande-Duchesse.
Le premier acte se termine par un très-remarquable final, qui
prendra place à côté de celui à' Orphée aux Enfers. C'est la grande
scène du mariage. Merveilleusement agencée par le compositeur,
elle marche par gradations jusqu'à l'explosion la plus fougueuse
qu'il soit possible d'imaginer. Encore un motif qui fera les délices
du bal de l'Opéra. Chemin faisant, Mlle Schneider détaille, avec
un talent hors ligne, deux couplets qui, au mérite de l'interpréta-
tion, joignent celui de l'inspiration musicale. Il est impossible de
mieux rendre les effets de l'ivresse chez une femme, ce qui, à la
scène, est toujours périlleux. Toute la salle a rendu justice au tact
exquis de Mlle Schneider, en lui faisant répéter le second couplet
de Cette ariette :
Je suis un peu grise,
Mais! Chut!... faut pas qu'on le dise...
Chut!
Citons encore dans ce finale l'entrée de Dupuis et son duetto avec
la Périchole : Je dois vous prévenir. Madame.
Le deuxième acte n'est pas moins bien partagé que le premier.
On rencontre au début des couplets ironiques adressés à Piquillo
par les demoiselles d'honneur du vice-roi, et qui ont un refrain
à l'unisson : Eh 1 bonjour, monsieur le mari, qu'avez-voics fait de
votre femme? dont on a réclamé universellement une nouvelle
audition. Et de quatre.
Même fortune a été réservée aux couplets suivants : Les femmes,
il n'y a qu' ça, chantés avec beaucoup de finesse par Dupuis, et
terminés par un gai refrain en trio. Et de cinq!
Nous en avons fini avec les morceaux bissés, mais il nous en
reste encore à mentionner, qui eussent peut-être obtenu un suc-
cès de nature analogue, si l'heure avancée de la représentation
n'y eût mis obstacle. De ce nombre sont les couplets de la Périchole:
Ah ! que les hommes sont bêtes ! toute la grande scène de la Pré-
sentation, d'où se détache cet air des Maris ré-cal-ci-trants , un
modèle de bonne bouffonnerie, chanté par le vice-roi et
répété par les chœurs, sur un piquant motif avec pizzicati des
violons, que l'orchestre a fait entendre dans l'entr'acte, et enfin la
légende des amoureux : Cest au Pérou, qui n'est certes pas une
des moins bonnes pages de la partition, mais qui a le tort d'arri-
ver en dernier. Nous nous proposons d'ailleurs de revenir sur la
musique lorsque paraîtra la partition, une des meilleures bien cer-
tainement d'Offenbach.
Nous avons distribué, en passant, quelques éloges insuffisants à
l'adresse des principaux interprètes de la Périchole; nous n'en fi-
nirions pas si nous prenions à tâche de payer à chacun le juste
tribut qui lui est dû. Mlle Schneider est, pour tout dire, ravissante :
on n'a pas plus d'esprit; on ne chante pas avec plus de goût. Du-
puis est son digne partenaire ; le rôle de Piquillo lui fera beaucoup
d'honneur. Grenier est un vice-roi des plus amusants et des plus
excentriques. Christian et Lecomte tirent un très-bon parti des
personnages grotesques du premier gentilhomme et du gouverneur
de Lima. Blondelet a lait une ébouriffante caricature du cham-
324
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
bellan Tarapotc. Les trois cousines sont i'epr(^'scntées par trois jo-
lies l'eiumes, Mlles Lcgrand, Carlin et Céline Renaud; il n'y a pas
jusqu'aux demoiselles d'iionneur, Mlles Julia H., Latour, Gravier et
Bénard, qui ne remplissent leurs pctils rôles, bien eifacés, avec zèle
et convenance.
Nos compliments à la partie chorale, à l'orcheslre de M. Lind-
lieim, au costumier, au décorateur, par conséquent à la direction
qui K's a mis à même d'accomplir des prodiges. Les Variétés vi-
vront tout l'hiver sur la Pcricitole, et si le premier soir le succès
en a été grand , c'est le cas de dire : Il grandira, car il est Espa-
gnol.
D.-A.-D.
THEATRE DE L'ATHÉNÉE.
I^E PKTIT-POVCKT,
Opéra- bouffe en trois actes et quatre tableaux, paroles de
MM. Eugène I^eterrier et Albert Vanloo, musique de
M. Laurent de Rillé.
(Première représenlation lo 8 octobre 1808.)
Le Pelil- Pouce t! Que de souvenirs, que de tressaillements en-
fantins ce nom niagi([Uf réveille en nous! Comme on se rappelle
avec bonheur l'époqui^ heureuse où l'on frémissait au récit naïf de
Perrault, oii l'on tremblait à la voix de cet ogre insatiable :
Ca sent la chaire fraîche icil où l'on sympathisait de tout cœur
avec les transes, avec les périls des sept (ils du bûcheron , et
comme on se sentait lier d'avoir le même âge que ce petit bon-
homme qui, à force d'adresse, triomphait de son cruel ennemi
aux bottes de sept lieues!
Le théâtre a, plus d'une fois, reproduit ce rêve de notre enfance,
et jusqu'à ce jour il s'est bien gardé d'en altérer la tradition.
Aussi, n'avons-nous pas été médiocrement surpris de voir ce que
l'Athénée a fait de notre cher Petit-Poucet. Si la poétique con-
temporaine exige de semblables travestissements, qu'on jette bien
vite au feu les Contes illustrés par Gustave Doré, et qu'on ne nous
parle plus de feu Perrault.
Oublions donc les billevesées de ce vieux radoteur. Où a-t-il
pris que le Petit-Poucet était un enfant de sept ans, pas plus grand
que le poucel Allez à l'Athénée, et l'on vous y apprendra de la
bonne manière que le Petit-Poucet était eu réalité un joli jeune
homme, très-amoureux de Mlle Aventurine, la fille aînée de l'ogre
Krock-Mach-Cru, mais que Mme l'ogresse Aglaé, femme légère,
repoussait l'amour du faux ogre Raslaboul, pour disputer à sa
fille le cœur de ce séduisant garçon.
Eh bien, soit ! Acceptons ce thème nouveau, puisqu'il paraît que
( 'vst le bon, et entrons, sans plus de façon, dans la maison de
I'c,;re, d'autant plus qu'il n'y est pas, et qu'en son absence on y
r;iit sauter des bouchons de Champagne. Un festin plantureux de
{ lurcuterie réunit à la même table Mme l'ogresse et ses cinq
fi'.Ics (car elle n'en a que cinq toutes jumelles), le faux ogre Ras-
t ijoul, le Petit-Poucet et ses quatre frères (eux aussi ont subi
une soustraction).
Mais le vrai ogre Krock-Mach-Uru est un rusé compère, bour-
geoisement jaloux de son Aglaé, et qui a feint un voyage de plu-
sieurs mois pour revenir la surprendre le soir même avec son
amant, qu'il se propose d'accommoder à la sauce Robert. Quelle
aubaine! Au lieu d'un, il en trouve six, en comptant les frères
du Petit-Poucet, qui sont d'âge à inquiéter un mari.
Alors, a lieu la scène légendaire des couronnes et des bonnets
de coton. Pendant ce temps, Rastaboul décide Aglaé à fuir avec
lui en vélocipède, et comme les filles de Krock-Mach-Cru ont
échappé au couperet paternel, tous nos personnages se retrouvent
dans une même forêt et se cachent dans une même caverne.
L'ogre arrive à son tour avec ses bottes de sept lieues, mais au
lieu de se les laisser dérober, pendant son sommeil, par le Petit-
Poucet, il est entraîné dans un piégc par son taux confrère Rasta-
boul, et il en sort débotté et muselé. Ah ! pour la muselière , à
la bonne heure, voilà une cocasserie de bon aloi, bien que le bon-
homme Perrault n'y ait pas songé.
Eu somme, la pièce de l'Athénée a des côtés plaisants, des mois
à effet, et elle a réussi sans la moindre opposition. Une fois qu'on
a pris son parti des innovations dont elle a fait un si large usa-
ge, on s'y amuse franchement et on la suit avec plaisir dans sa
marche rapide, car c'est là sa principale qualité.
La nmsique de M. Laurent de Rillé est aussi fort alerte, et
dénote une expérience de la scène qui ne doit pas nous étonner.
Ce compositeur, aujourd'hui inféodé à l'Orphéon, a débuté par le
théâtre, et il est un des créateurs de l'opérette mythologique, dont
on a tant abusé depuis. Les Folies-Nouvelles et les Bouffes ont
compté dans leur répertoire plus d'un succès signé de son nom.
Après un assez long silence, M. Laurent de Rillé reparaît sur la
brèche, plein de verve et d'ardeur ; nous ne pouvons que l'encou-
rager à persévérer dans cette voie. A en juger par les nombreux
morceaux du Petit-Poucet, que l'on a applaudis avec justice, il y
trouvera la récompense de ses elforts.
Il est assez difficile de nous rappeler tous ces morceaux, dont la
liste est longue, et il faudra bien qu'on se contente de notre im-
pression sommaire. L'ouverture, par exemple, nous a semblé fort
bien traitée, et il nous a paru que l'immixtion du vieil air : Ti, ti,
Cariibi, y faisait un très-bon eifet.
Dans le premier acte, nous avons remarqué un gracieux air
chanté par Aventurine, sur un motii' de valse, l'aird'entrée du Petit-
Poucet, et les couplets comiques de Rastaboul ; dans le deuxième,
une joyeuse chanson de table, avec accompagnement de Champagne ;
un joli duetto d'amour entre le Petit-Poucet et la fille de l'ogresse;
une tyrolienne, faite sans doute pour Mlle Lassény, qui excelle
dans celte spécialité, et un galop final dont l'entrain ne laisse rien
à désirer.
Au troisième acte, nous citerons l'air des filles de l'ogre qui
vont se coucher: Bonsoir papa, bonsoir maman, le trio bouffe à la
faveur duquel l'ogre, sa femme et iîaslaboul préparent les ingré-
dients du repas, dont les enfants du bûcheron doivent être les pièces
de résistance; puis le retour de la chanson du Compère Guilleri
qu'on a déjà entendue dans l'ouverture, et qui revient cette fois
en variations chantées par le Petit-Poucet sur la tenue de l'air
primitif par ses quatre frères. Ou a fait répéter ce morceau.
Le quatrième tableau se recommande par une délicieuse ro-
mance de l'Étoile du matin, que chante le Petit-Poucet, et qu'il lui
a fallu redire; par un petit duo de Rastaboul et d' Aglaé sur leurs
vélocipèdes, et par deux couplets d' Aventurine, qui ont de l'expres-
sion, et qui ont été très-applaudis.
Le rôle du Petit-Poucet est joué par Mlle Van Ghel , une débu-
tante, dont les formes se prêtent merveilleusement au costume
masculin. On reconnaît tout d'abord que cette nouvelle venue
n'est pas novice à la scène; elle a de la grâce, de l'aisance, et,
non contente d'être une agréable comédienne, elle chante avec
goût et vocalise avec dextérité. C'est une excellente acquisition
pour le théâtre de M. Busnach.
Daubray, qui joue le rôle de l'ogre Krock-Mach-Cru, sort du
théâtre Déjazet, où il s'est distingué en plus d'une circonstance. Il
est à regretter que son organe, aphone, ne soit pas en harmonie
avec le personnage qu'il représente. Nous l'attendons à une autre
création.
DE PARIS.
32S
Léonce, dans le faux ogre Rastaboul , a, coninic toujours, des
élans d'une fantaisie irrésistible. Mlle Lassény prête à l'ogresse
Aglaé une physionomie suffisamment excentrique, et Mlle Lovato
est fort gentille sous les traits de la petite Aventurine.
Selon son habitude, M. Busnach n'a rien négligé pour rendre
aussi splendide que possible la mise en scène du Petit-Poucet, et,
de son côté, M. Bernardin ne s'est pas épargné dans ses délicates
fonctions de chef d'orchestre.
D.
CORRESPONDANCE.
A M. le Directeur de la Revue et Gazette musicale.
Mon clier collaborateur,
Depuis longtemps je garde le silence envers les lecteurs de la
Revue et Gazette musicale; ce n'est pas que j'aie été saisi par la
paresse ni que l'art ait rien perdu de son intérêt pour moi; mais
vous savez de quels grands travaux je suis occupé et quelle est la
multiplicité de mes occupations journalières. En dépit de ma
bonne volonté, j'ai vu le temps s'écouler sans vous rien envoyer.
Je saisis aujourd'hui l'occasion d'une solennité musicale qui vient
d'avoir lieu à Bruxelles et le moment de repos que me procure
une indisposition légère, pour me rappeler à votre souvenir.
Le 29 septembre dernier un nouvel orgue a été inauguré dans
l'église Saint-Boniface, à Ixelles, commune limitrophe de Bruxel-
les. On savait que plusieui'S organistes de talent devaient se faii'e
entendre sur cet instrument, et longtemps avant le moment lise
l'église était littéralement remplie.
Après un scherzo symphouique de Lemraens, exécuté par M.
Ceuppens, maître de chapelle et or.i^aniste de l'église Saint-Boni-
face, suivi d'un motet de Palestrina, chanté par les artistes de la
chapelle de cette église, M. Renaud de Vilbac, organiste de l'église
de Saint-Eugène de Paris, a joué une fugue admirable de J.-S.
Bach, en mi mineur, et un thème varié de Lemmens, morceau
d'une grande distinction. Artiste d'un rare mérite, M. Renaud est
un des organistes français de la jeune école qui ont entrepris la
régénération de l'art de jouer de l'orgue en s'engageant dans la
voie si brillamment ouverte par M. Lemmens, et en abordant fran-
chement cette musique de Bach, l'idéal de la grandeur et de la
puissance, sans toutefois négliger les ressources de la variété des
timbres et de leurs combinaisons pour les choses de fantaisie,
dont la facture moderne a doté les instruments. Large et puissant
de style dans la fugue de Bach, M. Renaud de Vilbac a eu des
délicatesses charmantes et de très-heureux effets de sonorité dans
le thème varié de Lemmens, ainsi que dans la fantaisie et impro-
visation par lesquelles il a clôturé la séance.
•J'ai aussi à signaler un artiste qui , dans l'improvisation sur
l'orgue, mérite d'être placé au premier rang : cet artiste est M.
Dubois, aveugle depuis son enfance, mais dont il est impossible
de supposer l'infirmité lorsqu'il est au clavier. Doué d'une riche
imagination, il saisit à chaque instant son auditoire par des traits
inattendus et par des modulations aussi hardies que bien attachées.
Avec une prestesse que pourrait à peine égaler l'homme le plus
clairvoyant et l'organiste le plus expérimenté, il découvre immé-
diatement, en dépit de sa cécité, les ressources d'un orgue qu'il
joue pour la première fois, et ses mains se portent avec une ra-
pidité merveilleuse sur les registres , dont il devine les places et
qu'il combine avec l'intuition secrète et sûre de leurs effets. Chez
cet artiste privé de la vue, il y a.., sans aucun doute , une révéla-
tion spontanée de tout ce qui, dans un instrument nouveau, peut
être en harmonie avec les inspirations de son sentiment. Dans une
fantaisie très-développée sur un tlièine origina', M. Dubois a vi-
vement impressionné l'auditoire réuni dans l'église de Saint-Boni-
face par la variété d'idées et d'effets de son improvisation.
Dans la même séance, M. Sannen, organiste de l'église des
Saints Jlichel et Gudule, a exécuté un andante, un récit et une
fugue de sa composition.
L'orgue de Saint-Boniface, construit dans les ateliers de la So-
ciété anonyme pour la fabrication de grandes orgues (établisse-
ments Merklin-Schutze), à Bruxelles, est un instrument composé
de trois claviers manuels, clavier de pédales séparées , vingt-sept
jeux, et dix pédales d'accouplements et de combinaisons. La cons-
truction en est des plus remarquables, par la précision et le fini
des détails. La puissance^ et l'ampleur des jeux de fonds et du
grand chœur de cet instrument sont telles, que les connaisseurs
ont cru entendre un orgue de cinquante jeux. J'ajouterai que la
j variété des timbres est si bien caractérisée et offre de si grandes
I ressources de combinaisons que, sous les mains de MM. Renaud
I de Vilbac et Dubois, ces ressources paraissaient inépuisables. La
, séance d'inauguration de ce bel instrument a offert un vif intérêt,
pendant près de deux heures, aux artistes et amateurs qui s'y
étaient rendus en foule.
Considérez-moi toujours, mon cher collaborateur, comme votre
tout dévoué.
FÉTIS.
Bruxelles, le 7 octobre 1868.
NOUVELLES DES THfiTRES LYRIQUES.
:j.*j. Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et vendredi Hanilet
et mercredi la Juive. — Une douzaine de jeunes Suédois qui ont fait le
voyage de Stockholm exprès pour entendre leur célèbre compatriote,
assistaient à la représentation à'Hamlet, donnée mercredi de la semaine
dernière et ils ont applaudi avec enthousiasme Mlles Nilsson et Faure.
— Aujourd'hui représeotation extraordinaire de la Juive.
^*^ La représentation extraordinaire de l'Africaine, donnée dimanche,
n'a pas été moins brillante que la précédente. Bravos enthousiastes et
rappels à Marie Sass, l'admirable Séliks et à ses partenaires. — Vers la
lin du mois reprise solennelle des Huguenots.
^% Une indisposition de Capoul avait interrompu cette semaine les
représentations d'un Premier Jour de bonheur ; elles ont été reprises hier,
^*» M. de Floto^v est depuis quelques jours à Paris, oit il passera
l'hiver. L'auteur de Martha y termine son nouvel opéra l'Ombre, dont
M. de Saint-Georges a écrit le poëme et qui va entrer en répétitions au
théâtre de l'Opéra-Comique pour être joué en décembre prochain. C'est
un opéra à quatre personnages, sans chœurs.
:^*» La recette de la deuxième représentation de la Lucia, au théâtre
Italien, a atteint 11,800 francs. — Hier on a donné la Traviata pour la
première fois de la saison , et mardi sera jouée la Contessina, opéra du
prince Poniatowski.
.15*4 La plus grande activité règne au théâtre Lyrique impérial et l'on peut
affirmer maintenant que la réouverture en aura lieu au plus tard vers
le 2b de ce mois. — C'est par li reprise du Val d'Andorre qu'elle
se fera ; il y a de plus à Pétude : Ipliigénie en Tauride, Don Juan et Ylrato.
La nouvelle direction compte au reste puiser largement dans le répertoire
ancien et faire entendre à la génération actuelle d'excellents ouvrages qui
seront nouveaux pour elle. — Le personnel engagé par M. Pasdeloup est
considérable, en voici la liste : Soprani et mezzo-Soprani : Mmes Orgeni,
Schrœder, Daram, Gilbert, Jeanne Devriès, Fidès Devriès, Formi, Ducasse,
Duval, Willème, Guérin, Denizet. — Ténors : MM. Monjauze, Massy,
Bosquin, Coëlhot, Raoul Delaspre, Berty, Legrand, Verdellet. — Barytons
et basses : MM. Lutz, Meillet, Caillot, Aubéry, Géraizer, Labat, Girardet,
Wartel, Gabriel, Grignon. Enfin la nouvelle direction, s'inspirant de la
pensée qui a si puissamment contribué au succès des Concerts po-
pulaires, a revisé le tarif du prix des places et lésa notablement abaissés.
— Désormais, les fauteuils d'orchestre ne coûteront plus le soir au
théâtre Lyrique, que 5 fr.; les balcons, 6 fr. ; les secondes loges, i fr.;
et le parquet, 2 fr.— Enfin des succursales de location sont étabhes au bou-
levard Saint-Denis, chez Grus, au boulevard desltahens, chez. Brandus, et
à la Madeleine, chez Flaxland, éditeurs de musique.
*** C'est dans les premiers jours de janvier que l'opéra de Ricci, Af. de
la Palisse, composé exprès pour le théâtre des Fantaisies-Parisiennes fera
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
son apparition à ce théâtre. — Mlle Marimon, qui y chantera le rôle prin-
cipal, était à Paris ces jours-ci et l'auteur le lui a lu en lui donnant ses
instructions. La cliannanle cantatrice l'a emporté à Bruxelles, où elle va
l'étudier pendant le temps qui lui reste encore à jouer au théâtre de la
Monnaie.
^*if: La recette de la troisième représentation de la Périchole, au théâtre
des Variétés, malgré le service fait encore ce jour-là aux auteurs et à la
presse, a atteint -i,300 francs. Celle de la quatriijme a dépassé 5,000 fr.,
et le bureau de location ne désemplit pas. — De même que cela a eu lieu
après la première représentation de la Grande- Duchesse, la Périchole a
subi à la deuxième de très-heureux remaniements : les scènes qui fai-
saient longueur au second acte ont été raccourcies, divers morceaux de
musique ajoutés, d'autres déplacés ; les acteurs sûrs maintenant de leurs
effets, qu'ils ont modifiés en certaines parties, se livrent avec confiance
et entrain à leurs rôles. Il y a donc aujourd'hui homogénéité parfaite
dans la pièce, gaieté étourdissante d'un bout à l'autre, et quant à la nou-
velle partition d'Offenbach , pas n'est besoin do rappeler qu'il n'y a eu
qu'une voix pour l'acclamer.
^*j^ Le succès des Croqueuses de poinmes s'est amplement confirmé
cette semaine. Débarrassée de quelques longueurs, la pièce marche bien
et constitue pour le théâtre des Menus-PJaisirs un spectacle amusant,
auquel la musique de M. Deffès ajoute sa mélodie et son originalité.
Mlle Marcus {noire compte rendu de la semaine dernière lui rendait au
surplus pleinement justice) joue et chante de mieux en mieux son riMe
et se fait remarquer parmi les meilleurs interprètes de l'ouvrage.
**^ Après les Croqueuses de Pommes, le même théâtre donnera un
opéra-bouffe en trois actes de MM. Nuitter et Tref'eu : la Princesse
KelchcUa. — La musique est d'Emile .louas.
5t*« Une combinaison nouvelle paraît surgir pour l'exploitation du
théâtre du Prince-Impérial, dont M. Lemaire, ancien directeur du théâtre
de la Porte-Saint-Martin, deviendrait cessionnaire; modifiée intérieu-
rement selon les règles de l'acoustique, la salle serait utilisée pour un
Opéra populaire, dont les places seraient accessibles aux bourses les plus
modestes.
^*^ La réouverture de l'Alcazar d'hii^er a eu lieu cette semaine. Une
bonne troupe, des chœurs bien dressés, un répertoire varié, une ad-
ministration excellente, tels sont les éléments de succès qui maintien-
nent à cet établissement lyrique et chorégraphique la vogue dont il jouit
depuis longtemps.
^*^, La direction Halanzier déploie au Grand-Théâtre de Bordeaux la
plus louable activité. Après Faust, magnifiquement interprété par
Mlles Baretti et Nordet, MM. Peschard et Bonncfoy, le public a l'evu
avec beaucoup de plaisir le Bouffe et le Tailleur, ouvrage par lequel
M. Halanzier a commencé la réalisation de son intelligent projet de
ressusciter à Bordeaux les meilleurs opéras-comiques de l'ancien réper-
toire.— Au Théâtre-Français, le Violoiteiur, d'Offenbach, a des représen-
tations fort suivies. Ce théâtre vient de reprendre avec Mmes Toudouze
et M. Etienne, remplaçant Rose Bell et Carrier, Fleur-de-Thc , inter-
rompu en plein succès par la clôture annuelle de l'été. Malgré le chan-
gement des deu.'c principaux interprètes, cette reprise a fait le plus grand
plaisir, et le directeur, M. Lambert, n'a eu qu'à s'en féliciter.
,** Au théâtre des Célestins de Lyon, Fleur de Thé fait florès. A la
première représentation, qui avait attiré un public nombreux et choisi,
la charmante chinoiserie musicale de Ch. Lecocq a été enlevée dans un
éclat de rire général et au milieu d'applaudissements continuels. —
Luco a joué tout son rôle du mandarin avec un entrain étourdissant.
La charmante Clarisse (Fleur de Thé) et la piquante cantinière Jeanne
ont obtenu un succès légitime, ainsi que MM. Belliard et Singlet, leurs
partenaires. La direction a bien fait les choses : costumes et décors sont
frais et jolis.
,,*^ La Grande-Duchesse vient d'être reprise au théâtre de Nice et elle
exerce, suivant son habitude, une attraction irrésistible et des plus fruc-
tueuses pour la direction . Mlle Géraldine a toutes les traditions de l'école
fantaisiste. Sa physionomie piquante, son jeu verveux et spirituel, sa
voix flexible, ses costumes ont conquis le public et ont valu à la char-
mante artiste une édition nouvelle de l'ovation qui l'accueille d'ordinaire
dans le rôle de la souveraine de Gerolstein.
**;j: L'Agence dramatique dirigée avec tant d'honorabilité et d'intelli-
gence par M. Formelle vient de recevoir, dans la con.stitution de son
personnel, une modification qui ne peut qu'ajouter aux garanties si jus-
tement réputées de ses opérations. — M. Formelle s'est adjoint comme
associé M. Ambroselli , qui s'est fait une excellente réputation, à Paris,
comme artiste et professeur de chant. — M. Ambroselli est un musicien
accompli; il possède à fond le répertoire français et l'italien. — Son
savoir, son expérience et ses connaissances spéciales, en ce qui concerne
l'art lyrique et l'art dramatique , rendront son concours très-précieux
à l'Agence-Formelle.
NOUVELLES DIVERSES.
**« C'est dimanche, 18, à 2 heures, au Cirque Napoléon, que doivent
se rouvrir les Concerts populaires de musique classique sous la direc-
tion de M. Pasdeloup. — Voici le programme du premier Concert :
1" Ouverture de Ruy-Blas , de Mendelssohn ; ■ — 2" Symphonie en la de
Beethoven ; — 15° Andante et menuet de Haydn ; — 4° Fragments des
Maîtres chanteurs de Wagner (entr'acte du 3" acte, — valse, — marche
des Maîtres chanteurs).
t** Mercredi, li courant, à 1 heures du soir, aura lieu dans la nou-
velle et magnifique chapelle des Pères Maristes, 132, rue de Vaugirard,
l'inauguration de l'orgue sortant des ateliers de la Société anonyme Mer-
klin-Sdiiitze. — MM. VA. Batiste et Renaud de Vilbac, organistes de
Paris, et L. Vasseur, organiste de Versailles, feront entendre l'instru-
ment. — Les motets seront cliantés par M. Leibnitz.
^*, La biographie de Meyerbeer par M. Hermann Mendel, qui vient
de paraître en allemand à Berlin, ne tardera pas à être traduite en an-
glais à New-York, par Miss Alice Asbury, de Quincy (Illinois).
^*„ L'éditeur Gérard vient de mettre en vente la valse des Rêves d^ Au-
tomne de Jules Klein. C'est une de ces compositions qui se recomman-
dent d'elles-mêmes au public dilettante par le charme de leurs mélo-
dies, et dont il serait oiseux de faire l'éloge.
^*^ C'est par erreur que, dans notre dernier numéro, nous avons an-
noncé, comme ayant déjà paru, les trois premiers volumes de la Biogra-
phie des Musiciens, de M. A. Bès. Ces volumes sont encore en manuscrit.
^,*^ Mme Rossi-Gallieno , qui vient de Milan, où ses compositions ont
rencontré le plus chaleureux accueil, est de retour à Paris. Elle va y
reprendre ses cours de piano. Deux de ses nouvelles compositions : les
Chants du Soir (tarentelle) et la Pileuse, valse sentimentale , sont desti-
nées à un grand succès cet hiver.
^•^ L'abbé Franz Liszt est retourné à sa résidence de Groitaraare,
qu'il a habitée tout l'été, déilinant les offres du grand-duc de Saxe-
Weimar, qui, pour l'attirer en Allemagne, avait mis à sa disposition un
de ses châteaux de plai.sance.
*.% Il n'est bruit, à Spa et aux alentours, que de la découverte d'un té-
nor doué d'une voix merveilleuse, découverte qu'un dilettante italien,
M. J. de L..., doit au hasard. Le futur artiste est un jeune pâtre de
Winaniplanclie, âgé de seize ans, nommé Chalsèche. M. de L..., qui l'a
fait entendre devant un auditoire d'arti.stes, s'est chargé de son éduca-
tion musicale.
^*j I <?< orphéonistes d'Arras ont dignement représenté la France au
concour.s iiitcrnalional d'Amsterdam.
^*, 11 y a huit jours, les Sociétés chorales du Jylland, province occi-
dentale du Danemark, réunies aux Sociétés de Copenhague (1300 chan-
teurs), ont donné, au jardin royal de Rosenbord, un Festival de trois
journées, durant lequel ont été chanté&s des œuvres des compositeurs
les plus populaires de la Scandinavie, A.-J. Gade, Lindblad, Hartmann,
Asger Hammerick. La famille royale et plus de vingt mille personnes
assistaient à cette solennité,
^:*;^ Le chant choral populaire français compte un organe de plus dans
le Moniteur de VOrphéon, journal hebdomadaire, dont le premier nu-
méro a paru cette semaine. Cette nouvelle feuille se présente aux socié-
tés orphéoniques entourée de leurs meilleurs amis et protecteurs; elle
s'annonce comme indépendante et pratique; elle s'est assuré la partici-
pation active d'Eugène Delaporte, qui a voué, comme on sait , sa vie et
son intelligence à la propagation de l'art musical dans le peuple.
^*t La direction du Conservatoire de Perpignan vient d'être confiée à
M. Gabriel Baille, musicien distingué, auteur d'un recueil (h Prœludium)
de morceaux pour l'orgue.
»''^ Roméo Accursi, qui vient de diriger si brillamment les concerts
du Casino de Vichy, est de retour à Paris. Il a repris ses fonctions de
premier violon solo à l'orchestre du théâtre Italien.
^*,t Un hymne national espagnol a été spécialement composé pour
être chanté, dans toutes les églises de la capitale, le jour de l'entrée du
général Prim à Madrid.
n,\ Le Musical World du 10 octobre contient une étude très-remar-
quable sur la sixième symphonie de Schubert, en ut, récemment décou-
verte à Vienne par M. Grove, et qui figure sur le programme des con-
certs du samedi au Crystal Palace pour cet hiver. Schubert a composé
neuf symphonies (deux sont incomplètes); la cinquième, la sixième et
la septième n'ont jamais été exécutées.
,j*^ On annonce l'incendie du Théâtre sociale de Tréviso (Vénétie),
qui a été complètement détruit dans la journée du 1" de ce mois. —
Heureusement ce sinistre n'a point fait de victimes. La salle était élégante
et assez spacieuse. — On devait inaugurer sous peu de jours la saison
d'automne. — C'était une troupe lyrique et les répétitions étaient déjà
commencées.
,f% Un homme qui fut un dilettante passionné, un amateur éclairé et
un protecteur des arts, M. le baron Nicolaï, ofiScier général russe, parent
DE PARIS
327
de M. le prince de Broglie, vient d'entrer comme novice au monastère
de la Grande-Chartreuse.
»*^ L'excellent professeur de chant Bonoldi vient de rentrer à Paris
après deux mois de séjour en Italie.
-^*^, Au service de M. le comte Walewsky, la marche funèbre com-
posée par Litolff en l'honneur de Meyerbeer a été exécutée par le petit
orchestre de Sax et a produit une protonde sensation.
*** Encore une perte bien regrettable pour la Revue et Gazette musi-
calel L'un de nos plus anciens collaborateurs, Léon Kreutzer, est mort
mardi dernier à Vichy. La cérémonie funèbre a eu lieu dans cette ville,
et le corps a été ramené à Paris, vendredi, par les soins de la femme
du défunt. Nous consacrerons une notice biographique à ce grand ar-
tiste, compositeur, critique, écrivain, que nos lecteurs ont pu apprécier
et qui laisse le souvenir durable d'un poëte, d'un érudit, d'un esprit
élevé et d'une âme d'élite.
*** Une feuille artistique de New-York a apporté cette semaine une
bien triite nouvelle, reproduite par la presse parisienne : Mlle de la Pom-
meraye (Rose Bell) aurait succombé à un mal foudroyant, la veille de
ses débuts sur un théâtre d'opéra-bouffe de cette ville. Nous espérons
que le prochain courrier de New- York démentira cet événement, d'au-
tant plus douloureux que Mlle de la Pommeraye ne s'est embarquée
pour l'Amérique qu'après bien des hésitations, et comme à contre-cœur,
sous l'influence des tristes pressentiments de son père.
^** La Scandinavie vient de perdre l'un de ses compositeurs les plus
populaires, l'auteur norwégien de Brudefaerden i Hardanger (le Cortège
de noce), et d'autres chœurs favoris des étudiants d'Upsal et de Copen-
hague, publiés en français par la maison Brandus et Dufour, et qui
sont du répertoire de l'Orphéon de la ville de Paris.
ET RANGER
^*f, Londres. — Les concerts du Palais de Cristal ont commencé samedi,
sous la direction de M. Manns. L'ouverture d'Oberon, la symphonie en la
de Mendelssohn, la Fest-Ouverture de Robert Volkmann, étaient les
morceaux les plus importants du programme. Le ténor anglais Vernon
Rigby et la jeune cantatrice belge Mlle Sternberg, chargés de la partie
vocale, s'en sont tirés à leur honneur. M. Pauer a été trôs-applaudi dans
plusieurs soli de piano.
,1;*:^ Bruxelles. — Warot a débuté au théâtre de la Monnaie dans
la Muette. Le sympathique ténor, mieux en voix que jamais, a joué
et chanté son rôle de manière à satisfaire les plus difficiles ; l'air
du Sommeil lui a valu une ovation bien méritée. Lui et Dumestre
ont été magnifiques dans le duo : Amour sacré de la patrie. — Parmi
les artistes qui doivent remplacer ceux qui ont résilié, on a remar-
qué avec plaisir le nom de la basse Cazaux, de l'Opéra de Paris,
cédée par M. Perrin avec Warot et Mlle Godefroid; de M.M. Carman
et Guffroy ; de Mlle Peyret, contralto. ~ Mlle Marimon a ob-
tenu un très-beau succès dans le Toréador, succès qu'ont par-
tagé MM. Jamet et Barbet. — La Société chorale de l'Orphéon, une
des plus nouvellement formées de la capitale et non la moins vail-
lante, a donné une brillante sérénade à M. Fétis à l'occasion de sa
fête. Elle a exécuté avec une verve, un ensemble et un fini remar-
quables, la Priéreavant la bataille de Soubre, les Chants lyriques de Saûl de
Gevaert et les Buveurs de Kiicken. Apres la sérénade, le comité de
l'Orphéon s'est rendu auprès de M. Fétis, et par l'organe de son pré-
sident, M. Richald, a offert au savant directeur du Conservatoire
la présidence d'honneur de la Société, que celui-oi a acceptée avec
empressement.
^** Bade. — Le règne de l'opérette dure encore, et jusqu'au 12 octobre
Bade appartient à Offenbach. L'opérette emportera bien des regrets! C'est
que Lischen et Fritzchen, Jeanne qui pleure et Jean qui rit, Monsieur
Choulleurij, traduits par Mlle Zulma Bouffar, Désiré, Jean-Paul Beaucé,
aident merveilleusement à passer le temps. Les dernières représentations
annoncées comprendront les Pantins de Violette, la Demoiselle en loterie,
la Chatte métamorphosée en Femme et Monsieur Choufleury.
,*„, Darmstet/i.— Les 27 et 28 septembre, a été célébré le sixième festival
du Rhin central, auquel ont pris part sept cent cinquante exécutants,
sous la direction de C. Mangold. Les oratorios Samson, de Hœndel, et
la Création, de Haydn, la symphonie en la de Beethoven et le Frithjof
figuraient en première ligne au programme cl ont été supérieurement
rendus. Parmi les chanteurs solistes, on remarquait Mme Peschka-
Leutner.
»*„ Stutlgard. — Southeim nous est revenu. Le célèbre ténor a reparu
dans son opéra de prédilection, la Juive. Eléazar a électrisé son
public d'un bout à l'autre delà représentation; à la fin du quatrième acte,
on l'a rappelé trois fois, chose inouïe à Stutlgard! Ce chanteur éminent
est désormais une des gloires de l'Allemagne artistique.
„*^ Berlin. —On vient de reprendre à l'Opéra le Templier et la Juive,
de Marschner, avec Mmes Voggonhuber et Horina, MM. Bet7, Woworsky,
Salomon, Fricke et Kruger. Une cantatrice allemande appartenant au
théâtre de la Scala de Milan, Mlle Giovannina Stella, engagée à Berlin
pour quelques repré.sentations, a débuté avec succès dans la Somnambule.
Son talent n'est cependant pas unanimement reconnu. L'OEdipe, do So-
phocle, mis en musique sur le texte grec, par M. Bellermann, profcs.scur
de chant au Gymnase du Cloître-Gris, sera représenté prochainement par
les meilleurs élèves de cette institution. Les costumes ont été prêtés par
l'intendance royale des théâtres. (On sait que Mendelssohn, le premier, a
composé la musique cVOEdipe et d'Antigone). — Un concert a été donné
par les musiques militaires du 9." régiment de la garde et du régiment
de l'empereur François, sous la direction de M. Wieprecht, au profit de
la caisse de pensions pour les veuves et les orphelins des musiciens de
l'armée, fondée par l'éditeur Bock. On y a surtout applaudi la belle fan-
taisie de Wieprecht sur le Prophète.
^*;j Munich. — Le Premier Jour de bonheur vient d'être donné avec non
moins de succès qu'à Prague. Deux artistes d'un très-grand mérite,
Nachbaur et Mlle Stehle, remplissaient les principaux rôles et ont puis-
samment aidé à la réussite de l'œuvre d'Auber.
^*,j Vienne. — L'orchestre de l'Opéra donnera cet hiver huit concerts
philharmoniques, du 8 novembre au 28 février. La Fée Mab de Berlioz,
l'ouverture de Sakountala de Goldmark, la symphonie en si mineur
d'Esser, celle en ré mineur de R. Volkmann y seront exécutées.
^** Rome. — L'ouverture du théâtre Argentina s'est faite par Lucrezia
Borgia, avec Elvira Demi et Orsini et le ballet de Pratesi, Xelly. — On
répète Dinorah, dont le principal rôle aura la Mongini pour interprète.
^',1, Lisbonne. — Fleur de Thé (Flôr de chà), n'a fait qu'un saut de
Paris à la capitale du Portugal: la charmante opérette de Charles Lecocq,
pour sa première tentative auprès d'un public étranger, l'a séduit bel et
bien. Bravos et rappels ont été prodigués aux artistes : Anna Pereira, la
sympathique actrice portugaise, au bénéfice de qui cette première repré-
sentation était donnée, Rosa Damasceno, et, pour la partie masculine,
Taborda, Queirez et Auguste. La direction, de son côté, a fait des mer-
veilles pour la mise en scène. Elle peut légitimement compter sur un
succès durable et fructueux, qui sera le bienvenu au petit théâtre de
la Trindade.
**.;t- Stockholm. — 11 vient de s'ouvrir un nouveau théâtre qui fera
concurrence à l'Opéra royal, avec le répertoire lyrique italien et français.
MM . Josephson et Ahlgrenson sont à la tête de cette nouvelle entreprise.
,f% Odessa. -- Nous sommes sous le charme de Marta, que notre
théâtre joue chaque soir devant une salle comble. Mme Isturitz, l'idole
de notre public, est délicieuse dans l'héroïne de l'opéra de M. de Flotow.
^*^ Moscou. — La Figlia del Begimento a mis encore une fois en relief
les brillantes qualités de Mlle Artôt: la sûreté, la hardiesse de sa voca-
lisation dans un rôle très-ardu sous ce rapport, n'ont d'égales que son ad-
mirable entente de l'effet scénique, la verve et la grâce de son jeu. Le
jeune ténor Piazza n'a point trop souffert de ce voisinage : c'est un To-
nio fort convenable. — Outre le succès très-mérite du ténor Stagno et de
Mlle Artôt dans Otello, succès que nous avons déjà signalé, nous de-
vons aussi une mention au baryton Padilla et à la basse Bossi, deux ar-
tistes de mérite, deux excellentes connaissances que le public a revus avec
plaisir.
^*,j New-York. — Miss Clara Kellog vient d'être engagée par M. Max
Strakosch pour une tournée artistique aux Etats-Unis. C'est cet engage-
ment, parait-il, qui a fait renoncer M. Maplcson, l'imprésario de Londres,
à son voyage en Amérique, voyage pour lequel il comptait beaucoup sur
Mlle Kellogg.
i^*,^ Boston. — Le ténor Brignoli, qui ne se contente pas d'être un
excellent chanteur, et qui est aussi à ses heures un compositeur de
quelque mérite, a fait exécuter à ses derniers concerts une marche mili-
taire dont il est l'auteur et qui a eu beaucoup de succès.
Cn veBle
Chez Mme MAEYENS-COUVREUR, rue du Bac, 40.
L'ANGE GARDIEN DES ENFANTS
Mélodie nouvelle d' ADOLPHE BOTTE , transcrite pour le piano
Par GEORGES PFEIFFER
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Sous presse :
CHEZ BRANDUS ET OUFOUR, ÉDITEURS, 103, RUE DE RICHELIEU.
OPÉRA-BOUFFE EN DEUX ACTES,
Paroles de MM. Henri Meilhac et Ludovic Halévy,
Musique de
J. OFFEPfBACH
L'OnVERTORE. ÂRBÀR6ËE FODR II PIANO
Les Airs de Chant dé lâchés avec accompagnement de Piano
ACTE ^^
1 . Chanson des trois cousines, chantoc par iWhf Le-
graiid, Carlin et Renault : Promptes à sercir la
pratique ... îi ••
2. Couplets DE l'incognito, cliaiilrs par M. Grenier: Sans
en rien souffler à personne 3 »
3. L'Espagnol et la jeune Lndienne, complainte, eluin-
tée par J\llle Schneider et M. Dupais : Le conqué-
rant dit à la jeune Indienne 4 SO
3 bis. La même , à une voix et transposée un ton et demi
au-dessous 4 »
4. Le Muletier et la jeune person.ne, séguedille pour
soirées, chantée par Mlle Schneider et M. L)u-
puis : Vous a-t-on dit nouvent : Ecoulez-moi, la fille 3 »
5. La Lettre ue la Périchole, chantée par Mlle Schnei-
der : 0 mon cher amant, je te jure 3 7o
5 bis La même, transposée un ton au-dessus 3 73
6. Griserie-Ariette, chantée par Mlle Schneider : Ah!
quel diner je viens de faille 3 >■
6 bis. La même, transposée un ton au-dessus 3 »
1 . Duetto DU mariage , chanté par Mlle Schneider et
M. Dupuis : Je dois vous prévenir, Madame .... G »
acte II.
8. Cancans Couplets, chantés par Mlles .Iulia, Bcnard,
Gravier et Latour : On vante partout son sourire . 4 30
!>. Les fejuies, il n'y a qu'ça! couplets, chantés par
M. Dupuis : Et Ui, maintenant que nous sommes
seuls 3 »
!» bis. Les mêmes, traiKsposés un ton et demi au-dessous . 3 »
10. Que les hommes sont uêtes ! couplets, chantés par
Mlle Schneider : Que veulent dire ces colères ? . 3 »
10 bis. Les mêmes, transposés un ton au-dessus 3 »
11. La présentation, rondo de bravoure, chanté par
M. Du|)uis : Ecoule, ô roi, je te présente 3 75
1:2 Ronde des maris ré..., chantée par M. Grenier. Con-
duisrz-U, bon courtisan 3 »
13. Duo DES BIJOUX, chanté par Mlle Schneider et M. Gre-
nier : Monneur le marchand, qu'avez-vous . ... 7 30
13 bis. Extase, chantée par Mlle Schneider: Ah\ que
j'aime les diamants 3 »
14. Final-Séguedille, chantée par Mlle Schneider et M.
Dupuis : Un roi, se promenant, trouva certaine
femme .... 4 »
Les Airs de Chant sans accompagnement, format in-8°
Fantaisie brillante pour le Piano par E. Ketterer
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QUADRILLE PAR ARBAN. — =— GRANDE VALSE PAR STRAUSS
Polka par Roques et Strauss. — Polka-Mazurka par Lindheim
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Célèbre valse chantée, composée par
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Avec paroles italiennes et françaises.
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N" 42.
18 Octobre 1868.
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le Journal parait le Dimaochc.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOM.MAIIîK. — Etudes biographiques et critiques, par Em. Slathien de
Hontcr. — Théâtre impérial italien : la Trauiata, par Elias de Raazc.
— La Péricholc. — Correspondance : Bruxelles. — Ministère de la maison de
l'Empereur et des beaux-arts, direction générale des théâtres. — Revue des
tliéàtref, par II. A. B*. S«îiit-V»e». — Nouvelles des théâtres lyriques.
— Nouvelles diverses. — Annonces,
ËTUDES BIOGRAPHIQUES ET CRITIQUES.
De même que l'on place au plus bel endroit de sa demeure et
dans le «neilleur jour les portraits de ceux qui vous sont chers, je
me plais à inscrire en tête de ces Etudes le nom d'un des maîtres
de l'école moderne que j'admire et que j'aime le plus. Le choix
de cette individualité artistique véritablement originale me donne,
au surplus, la bonne fortune d'une originalité : louer, presque
sans restrictions, en un temps où l'on dénigre sans réserve. De
ce poiite, je n'ose dire que je me propose de parler en poëte,
mais du moins décrirai-je, à mon tour, son œuvre et sa vie,
avec cette conviction sincère qu'aujourd'hui l'essentiel pour la cri-
tique, active, pratique, est bien moins encore d'avoir une science
profonde des choses que de les ressentir vivement, d'en inspirer
le goût et de le retrouver autour de soi.
I.
Stcphen Ueller.
Je me représente volontiers Stephen Heller — et ceux qui con-
naissent bien en lui l'homme et l'artiste le retrouveront ainsi —
assis devant un piano d'Erard, au milieu d'un salon de style élé-
gant, tendre et sobre, prenant jour sur un parc aux arbres touf-
fus et voisins de hautes fenêtres. Dans ce lieu propice au recueil-
lement, se trouvent réunies quelques personnes délicates par
l'esprit et par l'oreille, de celles qui savent écouter, tout com-
prendre, ne laisser rien perdre, ne pas demander davantage ni
surtout trop au compositeur, au virtuose qui ne dit que ce qu'il
faut. Heller joue, et que de souvenirs doux et touchants, que
d'impressions diverses s'élèvent du lointain des souvenirs! Que
de tableaux se succèdent dans le mirage de l'imagination !
Voici le printemps, sa chanson d'espérance, la sève de la jeu-
nesse bouillonnant dans le brin d'herbe verte, dans la Heur qui
livre son calice à la brise, dans lëcume du torrent, dans les fré-
missements harmonieux des roseaux. Voici l'automne et la plainte
aérienne du vent de mer dans les fibres des pins de Sicile. Telle
de ces pièces fugitives fait songer à l'amour léger, plein do ca-
prices et d'insouciance ; telle autre à l'amour profond, passionné;
plusieurs, à la tendresse calme, source de la famille, à la fois
mérite et réco.ni»ie'i«)f' , idijal tissaupi qui est le charme et l'hon-
neur du lakisme anglais. Cette mélodie prête à la mort précoce
l'allégresse et le sourire d'un joyeux départ matinal; celle-ci en-
dort ce jeune enfant rayonnant dans son berceau comme un petit
Messie; celle-là semble traversée par ces apparitions que Dante
vit flottant dans une aube froide et pâle, aux limites du Ciel et
de l'Enfer. De l'heure mystérieuse du crépuscule nous arrivons à
la nuit, à la nuit charmante avec le rossignol, les bocages, les
amants et les sérénades, ou sinistre avec le hibou, la tempête, les
vieilles forêts et les ténèbres. Un rayon de l'Espagne de l'auteur de
RoUa, un souffle de l'Italie de Chateaubriand, éclaire ce boléro,
traverse ce cantique. J'entends résonner dans la lande le refrain
des paysans de la Pustza qui viennent de fêter le vin brillant de
Somlyo et la ronde des jeunes filles hongroises aussi ardentes que
leurs vins. La poésie pittoresque et bigarrée de la vie nomade a,
sans aucun doute, inspiré ce scherzo. Je ne saurais dire pourquoi
cette étude rappelle à mon esprit la statuaire exquise et monu-
mentale de la Renaissance, conçue pour les sens mais ne les trou-
blant pas, la Dinne de Jean Goujon, par exemple, mouvementée
comme la vigueur physique, calme comme la puissance intellec-
tuelle. M'expliquerez-vous par quelle magie de couleur et de style
cette improvisation, forçant le domaine de l'abstraction pure, arri-
vera kpeind-e l'oubli, la résolution, l'aflirmation, l'incertitude, et
jusqu'au sentiment d'idéal de l'amitié et de la vie d'intérieur?
Telles sont, cependant, entre mille, les sensations que la musique
d'Heller peut éveiller, les effets qu'elle excelle à produire, lorsque
ce « pianiste, compositeur pour son instrument, » comme le qua-
lifient ingénieusement les dictionnaires biographiques, l'exécute
lui même, ou lorsqu'elle est exécutée par ceux qui en possèdent
la tradition
330
lŒVUE ET GAZETTE MUSICALE
De la vie calme et studieuse de Stephen Heller, plusieurs fois
écrite, je ne veux retenir que ce qui explique ses œuvres. Il est
né à une époque des plus violemment tourmentées de notre siècle
— 1814 — en Hongrie, dans la patrie des Sandor Potofî , des
Worosmarty, des Alleardo Allcardi, de tous ces poètes qui unis-
sent, de par le génie national, à une concentration et à une profon-
deur de pensée toutes germaniques l'éclat vigoureux de la forme
des méridionaux. Il a été tour à tour virtuose, professeur, compo-
siteur; il possède donc tous les moyens de traduire brillamment
et logiquement sa pensée.
Ami de Mendelssohn , de Robert Scliumann, de Scliubert, de
Ernst, il n'a jamais cessé de croire, avec eux et comme eux, que
l'œuvre d'art ne doit exprimer que Oc qui élève l'âme, la réjouit
noblement et l'ien de plus : son sentiment a porté exclusivement
sur ce point; tout le reste est faux pour lui. Il a fait seul son
éducation musicale, ù peine dirigé par quelques conseils, voulant
apprendre l'art d'écrire en écrivant. Qualité ou mérite rare chez
un musicien, Stephen Heller est littéraire; pendant de longues an-
nées, à son gré trop courtes, il a vécu dans l'intimité des poëtcs
et des prosateurs illustres. La poésie a cela de le transporter et
transpercer; en elle il a trouvé des sources fécondes d'inspiration
et de renouvellement; grâce îi elle il a conservé une fraîcheur
séduisante à travers d'incessants travaux. Longtemps méconnu, il
a poursuivi sa i-oute, armé du courage et de la ])ersé\érance des
forts, arrivant par la méditation, par le cœur à la plénitude de
son talent, ne réagissant pas contre sa mélancolie native, se com-
plaisant niCme h cette âpre saveur de la tristesse qui nous épure,
nous élève au-dessus des régions vulgaires et trempe les intelli-
gences fières et croyantes.
Il vit seul, dans le calme et l'étude, sans misanthropie toutefois,
sans morgue et sans rudesse. Tout Heller est dans cot amour de
la solitude, de la lecture et du travail ; dans ce dédain de la ba- |
nalité et des succès faciles; dans cette faculté extraordinaire de ,
concentration hitime qui décuple chez lui l'étendue, la pénétra- I
tion de la psnsée ; dans ce respect de l'Art et de ceux qui le cul- ,
tivent; dans cette foi en lui, dans cette élévation de caractère et
cette simplicité d'existence. |
Ajouterai-je que cette élégante et fine nature de poëte devait
plaire aux femmes distinguées, et se trouver à l'aise dans leur
commerce délicat? Parlant de la noble et première protectrice de
Stephen Heller, M. Fétis, dans un élan d'enthousiasme trop rare
chez lui pour n'être pas sincère, s'écrie : « Heureux le jeune ar-
tiste qui rencontre une telle femme à l'aurore de sa carrière ! »
Ehl sans doute; mais l'attention d'une femme supérieure pour un
homme est une distinction presque toujours juste.
*
* *
Raffiné, difficile, sentant son idée supérieure à la réalisation,
son sentiment plus complet encore que la traduction, le maître
que j'essaie d'étudier en quelques traits rapides, écrit à des ins-
tants choisis, par fragments et comme il pense, sans sortir de
lui. N'est-ce pas déjà se mettre en demeure de penser vrai et de
sentir profondément? Il concilie, dans une rare mesure, le pitto-
resque et l'alticisme. Son style a l'air grand, la ligne ouverte, le
dessin tourmenté parfois, mais toujours large. Il est tout varié de
nuances imprévues, de rencontres voulues et neuves, et d'effets
qui lui sont propres. Inquiet et parfois incertain, il devient grave
et beau dès qu'il entre dans le sujet.
Le travail harmonique d'Heller a le souci et la curiosité des
timbres nouveaux, des formes étrangères aux formules de l'école.
Son talent est un grand recommenceur : ce qu'il a manqué une
fois, il le ressaisit une autre ; il n'est jamais à bout de lui-même
et ricidi\e souvent. Peut-être Heller quintessencie-t-il trop; si le
cerveau, néanmoins, prend chez lui, à de certains moments, la
place du cœur, du moins s'y mêle-t-il toujours de la verve et du
feu de poésie.
On l'a classé au rang des fantaisistes et des originaux : — nous
aimons tant aujourd'hui â faire des collections! Sa fantaisie n'est
autre qu'une conception spontanée du dessin, de la couleur et du
rhythme. Heller, en tant que poëte, a été plus d'une fois à portée
de reconnaître par elle-même l'insuffisance de la fantaisie pure à
guider vers le beau, et comment la fantaisie succombe et dévie
lorsqu'elle ne s'appuie pas sur des guides, invisibles peut-être, mais
certains. De là, pour lui, l'absolue nécessité des règles, auxiliaires
puissants, qui contiennent, dirigent entre les impulsions diverses,
assemblent sous la même loi les contraires. « On ne montre pas
sa grandeur pour être en une extrémité, mais bien en touchant
les deux à la fois et remplissant tout l'entre-deux. » Ce précepte
de Pascal, l'auteur de tantd'œuvres d'essence si diverse n'aurait eu
garde de le méconnaître. Emporté dans un essor gigantesque, il
s'élancera et planera bien haut, pour de là redescendre à la terre
sans efforts, sans secousses apparentes, avec une grâce virile.
Quant à l'originalité dont on fait à juste titre honneur à Ste-
phen Heller, elle n'est ni de l'extravagance, comme certains l'ont
cru , ni le résultat de tendances excentriques, comme d'autres le
voudraient faire croire, mais une façon toute personnelle et très-
vive de sentir et d'exprimer. A vrai dire, une telle originalité est
de nature à surprendre , à frapper même singulièrement à une
époque où fleurit le pastiche, l'imitation entre-croisée, confuse, de
toutes les manières antérieures. Être soi, sans uniformité, avec des
rayonnements do prisme dans tous les courants de son œuvre,
cela, après tout, n'est-il pas beau et digne de remarque? Oui,
mais « mélancolique » toujours, m'objctera-t-on. Et comment ne
pas accepter ces prédispositions do tempérament qui, dans la
sphère de la sensibilité, dominent toute une carrière, tout un œuvre
artistiques?
La science musicale s'est donné bien de la peine pour faire des
Traités de l'Expérience et du Beau, parce que la nature fait toute
seule les traités de l'Inspiration et de la Poésie. Stephen Heller ne
relève que de ces derniers. L'analyse ne donnerait qu'une idée
bien imparfaite de ses procédés rhytlimiques et harmoniques. La
forme, voilà où il est bien lui, où il est intéressant, séduisant à
lire. Comme coupe, comme étendue, on peut comparer la plupart
de ses morceaux à la courbe de l'arc-en-ciel, dont les commence-
ments sont vagues et indécis, le milieu élevé et radieux; puis les
vives couleurs s'affaiblissent à mesure que le demi-cercle s'abaisse,
les nuances lumineuses s'éteignent, les teintes sombres prennent
leur place et tout s'enfonce dans l'obscurité. En quelques mesures,
Heller vous i-avit dans son idéal, si élevé, si éloigné qu'il soit de
votre disposition morale ou intellectuelle. La brève symphonie ter-
minée, — c'en est bien une et vous en avez subi le charme, — il
vous faut un certain répit pour triompher de votre émotion et
revenir à la réalité.
Il me reste à étudier l'œuvre de Stephen Heller.
Em. Mathieu DE MONTER.
(La suite prochainement.)
THÉÂTRE IMPERIAL ITALIEN.
lia Traviata.
Nous croyions pouvoir parler et de la Traviata et de la Contes-
sina, mais nous avions compté sans les taquineries du temps.
Mlle Grossi, s'étant trouvée tout à coup indisposée, l'affiche qui
annonçait l'ouvrage du prince Poniatowski fut remplacée jeudi par
DE PARIS.
331
celle de Crispino e la Comare, qui, le soir même, dut être changée
à son tour. La Contessina est de nouveau annoncée pour ce soir,
dimanche.
Il ne nous reste donc à parler que de la reprise de la Traviata.
L'interprétation de la délicate et poétique partition de Verdi était
confiée, samedi soir, à Mme Patti, à MM. Nicolini et Steller.
On sait ce que Mme Adelina Patti fait du beau rôle de Violctta ,
du moins on savait comment elle le chantait; on a vu samedi avec
quelle vérité dramatique elle le joue. Ceux-là même parmi ses
amis qui ne lui accordaient qu'un talent hors ligne de cantatrice
légère, de brillante vocaliste, ceux-là même qui ne l'admettaient
que dans la comédie, dans l'idylle ou dans l'élégie, qui l'applau-
dissaient comme Rosine, comme Amina et comme Lucia, mais qui
lui refusaient les poignantes émotions du drame, les élans de la
passion, les larmes et les sanglots, ont dû constater qu'un nou-
veau talent se révélait en elle, que la cantatrice se doublait d'une
artiste dramatique , que ce que la jeune fille n'osait pas la femme
l'ose.
En effet, le rôle de Violetta, la pécheresse (la Traviata), est à
ce point scabreux pour l'interprète, qu'elle ne peut le jouer avec
vérité sans donner à penser qu'elle en comprend trop toutes les
nuances. Cette crainte serait exagérée aujourd'hui. Mme Patti a
pu la dissiper sans danger. Il en est résulté un jeu plus vif, plus
serré, plus vrai. Combien montre-t-elle aujourd'hui plus de coquet-
terie dans les premières scènes du drame, plus d'abandon, plus
de passion brillante dans la seconde moitié!
Quant à la voix, inutile de le répéter, elle semble faite pour les
ravissantes mélodies de cet ouvrage, qu'elles soient souriantes,
comme dans le brindisi, passionnées comme dans le duo d'amour,
navrantes comme dans l'agonie.
Steller a donné un beau coloris au rôle de père; il a dit avec
beaucoup de grâce la romance Di Provenza il mare e il sol; — ce
qui est déjà un assez bel éloge pour un baryton qui excelle plutôt
dans le chant de slancio et dans les morceaux véhéments.
La rentrée de Nicolini a été sincèrement fêtée par les habitués
du théâtre Italien. Le sympathique artiste gagne chaque année
comme talent et comme succès; et le public qui pour ainsi dire
l'a formé, le public qui le croit presque son œuvre, semble s'ap-
plaudir lui-même en applaudissant le jeune ténor.
Elias de RAUZE.
LÀ PÉRICHOLE.
Voici l'opinion de quelques-uns des principaux oi'ganes de la
presse sur l'œuvre nouvelle d'Offenbacli :
Que l'apparition de la Périchole aux Variétés ait soulevé, le premier
jour, des vagues dont, la colère et la hauteur ont été si bien décrites
par Virgile; que l'esquif de Jacques Offenbach ait été tantôt soulevé jus-
qu'à la crête du flot, puis replongé dans le gouffre ; qu'importe !
Que le succès— et l'on ne sait pourquoi— n'ait pas été au second acte
une affaire de bonne humeur entre l'auteur et le public, qu'importe !
Qu'importe encore que cette vicioire soit un viol !
N'est-ce pas à chaque fois et invariablement le même bulletin?
Quelques blessés, quelques morts çà ei là, des pertes sensibles, comme
on dit dans le langage atténuatif des batailles.
Mais le triomphe! Il est sûr... Ce n'est pas en vain que nous aurons
comparé Offenbach à Alexandre le Grand. 11 se promène à travers tous
les théâtres comme faisait le Macédonien à travers l'Asie.
Il annexe et garde ses annexions.
(Constitutionnel.) Nestor Roqueplan.
La partition écrite par M. Offenbach sur ce canevas d'une plaisanterie
folle a les vives allures du style de ce compositeur heureux et popu-
laire. On y a applaudi de très-jolis couplets, un finale, un choeur de
femmes et la lettre de la Périchole, la page attendrie de cette nmsique
enragée que Mlle Schneider dit avec beaucoup de charme et de sensi-
bilité.
(La Presse.) B. Jouvm.
... La Périchole, c'cot Hortcnse Schneider.
Hortense Schneider, c'est une vraie artiste et la plus profondément
parisienne des artistes qui régnent sur Paris.
Evidemment, Jupiter, un jour qu'il daignait songer à nos plaisirs,
créa pour se compléter les uns les autres Uleilhac et Halévy, Offenbach
et Mlle Schneider, sans oublier Uupiiis.
Ce que produit la conjonction de toutes ces étoiles de même famille
est d'autant plus charmant à nos yeux que le charme intime en échappe
à beaucoup de gens : Meilhac a mis de la littérature dans la cascade et
du bon sens dans l'insenséisme; Offenbach, de la mélodie, de la grâce
et du sentiment dans la caricature, et Mlle Schneider, une séduction
toute parisienne, — distinguée et triviale tour à tour, — dans les aven-
tures les plus risquées, de même que Dupuis a beaucoup de correction
dans sa bouffonnerie.
On a bissé quatre, cinq, six morceaux. Le trio chanté pour voix
d'hommes à l'éloge des petites femmes a fait fureur, au second acte,
ainsi que le chœur comique des demoiselles d'honneur demandant au
seigneur Piquillo des nouvelles de sa femme, qui est si peu à lui.
On critiquera d'un côté; on louera de l'autre, et tout sera pour le
mieux dans l'intérêt du théâtre et des auteurs.
(Gazette des Etrangers.) H. de Pène.
Je veux dire immédiatement que je ne m'associe aucunement aux
sévérités que le public a manifestées le premier soir. On peut m'en
croire, je ne suis pas suspect de partialité à l'égard du genre et des au-
teurs. Je trouve que, dans cette circonstance, MM. Meilhac, Halévy, Of-
fenbach ont fait des efforts pour relever leur manière: pièce et musique
sont incontestablement plus délicates que les précédentes. Est-ce à cause
de cela que le public s'est gendarmé? Est-il à ce point ancré dans ses
mauvaises moeurs qu'un léger retour vers le bon goût contrarie ses
plus chères habitudes ?
Le compliment que j'adresse à la pièce, j'en reporte une bonne part
à Mlle Schneider: elle s'est contenue, elle a mis une sourdine à ses tri-
vialités, et comme elle a gardé son esprit, sa voix charmante, sa grâce
originale, elle a été, à mon avis, plus séduisante que jamais. Encore
une fois, — j'ose le répéter, — qu'on veuille m'en croire, car, en vé-
rité, sur tous ces points je ne suis pas suspect.
(Le Pays.) G. de Saint-Valery.
. . . Avec cette donnée fort simple, exempte de toute péripétie, les au-
teurs ont composé deux actes très-amusants et très-spirituels. Ils se sont
fort habilement tirés d'une situation scabreuse au second acte, et ils ont
prouvé une fois de plus que s'ils côtoyaient souv'ent les écueils, ils sa-
vaient, en pilotes habiles, ne point faire sombrer le bon goût.
Quant à la musique de M. Offenbach, elle est charmante d'un bout à
l'autre. Tous les morceaux ont eu un grand succès, et plusieurs ont été
bissés. Cet hiver, dans tous les salons, on valsera et on polkera sur les
airs de la Périchole. 11 serait impossible de rêver un compositeur plus
Parisien que ne l'est M. Offenbach. Sa verve intarissable est comme un
écho spirituel et railleur des bruits de ce Paris frivole et léger qui
depuis quelqups années semble demander ses éclats de rire à ce talent à
la mode. Il importe de signaler l'air sur lequel la Périchole apprend à
son amant qu'elle va le tromper. Il y a dans ce morceau une tendresse
exquise qui en fait le digne pendant de la Chanson de Fortunio.
{Moniteur universel.) Gustave Claudin.
Ce qui m'a frappé, dès le premier acte de la Périchole, c'est que le
sujet, s'il était traité avec moins de réalisme et de travestissements,
prêterait parfaitement à un opéra-comique. Un instant l'action tourne
même au sérieux; la lecture de la lettre, dont la mélodie est très-jolie,
pleine de sentiment, et très-bien dite par Mlle Schneider, laisse à l'auditoire
une impression qui persiste jusqu'à la fin de l'acte, malgré le galop de
la scène du mariage. En général, la musique, écrite avec un très grand
soin, pourrait, en majeure partie, s'appliquer à un opéra-comique. Les
auditeurs qui s'attendent à des mélodies égrillardes comme dans la Belle
Hélène, n'en trouveront guère. Les morceaux de chant ne .sont pas bien
nombreux ; mais le compositeur était évidemment limité par les moyens
des auteurs, surtout des hommes. Mlle Schneider et les choristes lui
offraient le plus de ressources; aussi les chœurs, tantôt comiques, tan-
tôt bouffes, produisent-ils presque tous très-bon effet. Par exception, la
citation d'un passage de la Favorite : « Quel marché de bassesse, etc., »
est plaisante, parce que M. Offenbach n'avait rien à changer à la musi-
que pour la rendre burlesque. Plus Paclion avance, plus le côté bouffe
332
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tend il ilominer ; et cependant, à y regarder de près, les deux person-
nages principaux ont peine à paraître bouffes, car leur situation reste
au fond très-sérieuse, et l'on est peu porté à rire du pauvre Piquillo. . .
Pour rtre moins volumineuse que la partition de la Grande-Duchesse,
celle f.e la Périchole n'en mérite pas moins de prendre rang à côté d'elle.
(Le Temps.) J. Weber.
iVI. Francisque Sarcey analyse avec beaucoup de soin le genre qui a
fait la foi'tune et la célébrité d'Offenbach et de ses deux collaborateurs
habituels.
Il croit, du reste, que, dans la Périchole, Oftenbacli est en progrès.
La partition de la Périchole, dit M. Monselet, est du bon Offenbach,
joli, brillant, alerte.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 15 octobre 1868.
Les connuenccmenls de notre année théâtrale ont été fort agités. Le
public a tout d'abord signifié au directeur qu'il ne voulait d'aucun des
nouveaux chanteurs qu'il avait engagés. Le cas était grave. Le directeur
assurait, comme d'habitude, qu'il avait choisi ce qu'il y avait de mieux
dans le personnel des s[icçtaclos lyriques provinciaux de la France, et
qu'il ne savait comment s'y prendre pour former une nouvelle troupe.
Le public ne se laissa pas fléchir, comptant sur la nécessité pour fi^ire
trouver la solution du problème. M. Lclellier, qui ne savait à quel saint
se vouer, partit pour Paris, et s'adressa à M. Perrin, auquel il exposa son
embarras, en le priant de lui céder pour la saison ceux de ses chanteurs
qui ne lui seraient pas nécessaires en ce moment. La négociation réus-
sit, et M. Letellier reprit la route de Bruxelles emmenant MiM. Warot
et Cazeaux, ainsi que Mlle Godefroid, et laissant le public plus décidé
que jamais à ne pas accepter des chanteurs médiocres sous prétexte
qu'on ne peut pas s'en procurer de meilleurs. Le directeur avait fourni
des armes contre lui à ses ad\ersaires, lesquels ne demandent pas mieux
d'ailleurs que de lui voir faire ses affaires, dont la prospérité est la
conséquence naturelle d'un spectacle lyrique bien monté.
M. Warot u débuté le premier dans la Muette de Portici, et a reçu le
plus brillant accueil. On a été charmé d'entendre un ténor qui chante,
lorsqu'il y en a tant qui ne savent que crier. Une représentation des
Huguenots a confirmé tout le bien qu'on avait, de prime abord, pensé
du talent de M. Warot. Le rôle de Raoul a eu en lui un interprèle des
plus intelligents et des plus distingués. M. Cazeaux, qui paraissait pour
la première fois, a chanté le rôle de Marcel de la belle voix que vous
connaissez. Les habitués du théâtre de la Monnaie ont été un peu plus
avares de leurs applaudissements pour lui que pour M. Warot; mais
il se conciliera leurs suffrages, cela n'est pas douteux. On n'en peut pas
dire autant de Mlle Godefroid, qui a débuté dans Valentine. Si, comme
on l'assure, cette jeune artiste ne s'était essayée, à l'Opéra, que dans les
petits rôles d'Inès de la Favorite al du page de Don Carlos, c'était pour
elle une entreprise très-hardie et fort périlleuse. Elle n'en est pas sortie
victorieusement. On lui a trouvé une assez jolie voix, quand elle ne la
force pas ; mais son inexpérience de cantatrice et de comédienne s'est
trahie dans les scènes importantes, et, bien que le public ne l'ait pas
traitée avec rigueur, les dispositions qu'il a témoignées à son égard lui
ont fait prendre la résolution de résilier son engagement sans tenter
une nouvelle épreuve. Nous \oici donc une seconde fois sans chanteuse
di grand opéra. Du reste, Mlle Godefroid doit rester jusqu'à ce qu'on
ait remplacée.
Tandis que le grand opéra ne marchait qu'en boitant, l'opéra-comique
s'avançait d'un pas léger. II y a eu peu de modifications dans le person-
nel qui est resté presque le même que l'année dernière. Le changement
11! plus considérable et le meilleur a été l'engagement de Mlle Marimon.
Seulement on croyait que cette charmante artiste remplirait pendant
toute la saison l'emploi qu'on était heureux de lui voir confié, tandis
qu'elle restera jusqu'au l" janvier seulement , époque à laquelle elle
retourne à Paris chanter le nouvel opéra de M. Ricci au théâtre de M.
Martinet. La laisser partir est une grande faute, car elle jouit de toute
la faveur du public de Bruxelles, et il sera bien difficile à une autre
cantatrice de se faire agréer à sa place.
On vient de représenter Maître Wolfram. La jolie partition de M. Reyer
a été très-appréciée des personnes qui en musique font cas des choses
délicates et distinguées.
On annonce comme très-prochaine la première représentation d'un
Premier Jour de bonheur.
F.
MINISTÈRE DE LA SAISON DE L'EOPEREUB
ET DES BEAUX-ARTS.
DIRECTION GÉNÉRALE DES THÉÂTRES.
Concours institués au théâtre de l' Opéra-Comique et au théâtre
Lyrique.
Le jury élu par les compositeurs de musique qui ont pris part
au concours ouvert à l'Opéra-Comique est aujourd'hui définitive-
ment constitué et se compose de MM. de Leuven, directeur de
rOpéra-Gomique; Maillart, Félicien David, Gevaërt, Georges Hainl,
Reber, Semet, Bazin et Elwart.
L'examen des partitions, retardé jusqu'à présent par l'absence
d'un grand nombre de membres du jury, a commencé le IS de
ce mois, et, quand une décision aura été prise, les concurrents en
seront officiellement informés.
Le concours institué au théâtre Lyrique pour la composition
d'une œuvre musicale sera clos dclinitivemeiit le 30 octobre cou-
rant.
Les concurrents sont invités à déposer, avant ce jour, leurs
manuscrits (poèmes et partitions) à la direction générale des
théâtres.
REVUE DES THEiTRES.
Odéon : Reprise de la Conscience. — Gymnase : Reprise du Monsieur
qui suit les femmes. — Porte-Sai.m-Martin : Réouverture, Cadio,
drame en cinq actes et huit tableaux, par George Sand et
Paul Meurice. — Théâtre Lmpérial du Chatelet : l'Armurier
de Santiago, drame en six actes, par M. Joseph Bouchardy. —
Gaîté : Reprise de Léonard, drame en sept actes, par MM. Brise-
barre et Eugène Nus. — Théâtre du Prince-Impérial : l'Ile
Saint-Louis, drame en six actes et neuf lableaux, par les mêmes
auteurs.
On se plaint de ne plus voir surgir de bons comédiens nouveaux
et l'on attribue cet état de choses au système actuel qui consiste,
dans la plupart des théâtres, à ne jouer qu'une seule pièce dont
le succès se prolonge parfois pendant une moitié de l'année et
réduit à l'inaction les deux tiers des artistes. C'est un mal sans doute;
mais comment l'éviter? Les directeurs y trouvent leur compte, et
ils n'y chercheront pas de remède tant qu'ils auront la facilité de
s'emprunter les uns aux autres les vieux acteurs en renom qui ont
encore un reste de crédit sur le public. Mais après, qu'adviendra-t-il?
Ces réflexions, dont nous abandonnons les conséquences à la saga-
cité des lecteurs, nous ont été suggérées par la rentrée de
Laferrière à l'Odéon, dans la Cons&ience, d'Alexandre Dumas; par
le retour de Ravel, l'ancien comique du Palais-Royal, qui vient de
reparaître au Gymnase dans le Motuieur qui suit les femmes, et
enfin par la distribution tant soit peu archaïque du drame de
la Porte-Saint-Martin.
Mais avant de nous occuper des interprètes de George Sand,
disons quelques mots de sa pièce, tirée, comme on sait, d'un
roman dialogué qui est connu sous le titre de Cadio. C'est M. Paul
Meurice qui a accompli la transformation de ce livre en vue de la
scène, et il est peut-être à regretter que son respect pour le talent
de sa célèbre collaboratrice ue lui ait pas permis d'opérer une
adaptation plus radicale. Un roman vit de nuances et de détails,
dont la curiosité fiévreuse des spectateurs s'accommode difficilement
au théâtre. Pour avoir manqué à cette loi, nous craignons que
M. Paul Meurice n'obtienne pas un résultat digne de son expérience
DE PARIS.
333
et du nom de George Sand. La réussite do Cadio n'est pourtant
pas douteuse, mais l' enthousiasme lui a l'ait défaut.
Le cadre de ce drame est la guerre terrible des bleus et des
blancs, à l'époque où l'abominable Carrier régnait en proconsul
à Nantes. Le marquis de Sauvières, vieux gentilhomme, penchant
assez vers les idées nouvelles, liésite à prendre partie dans la lutte
qui ensanglante la Vendée. Mais il a une fille dont la beauté a fait im-
pression sur un certain Saint-Gildas. héros équivoque, très-considéré
parmi les royalistes, et qui voudrait l'attirer, auprès de lui, dans
les hasards de la guerre civile. Par ses soins, une quenouille est
apportée au marquis de Sauvières, et cette insulte décide du sort
du père et de la fille. La mort tragique du marquis est-elle dans
les prévisions de Saint-Gildas? Toujours est-il que, par suite de cet
événement, il devient forcément le protecteur de Mlle Jacqueline
de Sauvières. Mais il n'est pas le seul qui veille sur le sort de
l'orpheline. Il y a d'abord Cadio, un joueur de biniou, qui, par
reconnaissance, s'est dévoué corps et âme au salut de Jacqueline,
sans s'apercevoir que ce qu'il éprouve pour elle est un amour
intense et profond. Puis il y a la Korigane, une paysanne bretonne,
qui est guidée par un tout autre motif; elle aime Saint-Gildas, et, si
elle exerce une surveillance active sur Jacqueline, c'est uniquement
par jalousie.
Mlle de Sauvières finit par tomber entre les mains des bleus;
le délégué de Nantes, qu'on ne nomme pas, mais qui a toutes les
allures de Carrier, lui déclare qu'elle n'a qu'un moyen d'échapper
à la mort, c'est d'épouser Cadio, attaché à ses pas conmie un
chien dévoué. Elle se résigne à cttte extrémité; mais, presque
aussitôt, elle s'enfuit avec Saint-Gildas, sans s'inquiéter du désespoir
dans lequel elle laisse le pauyre joueur de biniou. Peu enclin,
jusque-là, aux séductions de la gloire militaire, Cadio trouve dans
sa douleur le courage qui lui manque et s'engage dans l'armée
républicaine, où il arrive rapidement au grade de capitaine. Alors,
Jacqueline, désabusée sur le compte de Saint-Gildas, commence à
apprécier le dévouement et le mérite de son mari de rencontre;
et, tandis qu'elle lui fait amende honorable, Saint-Gildas, régénéré
par les conseils non moins que par l'exemple de la Korigane, va
chercher dans la mort du soldat l'expiation de ses fautes .
C'est donc par ce drame de Cadio que le théâtre de la Porte-
Saint-Martin a fait sa réouverture, sous la direction nouvelle de
M. Raphaël-Félix. Animé des meilleures intentions, le frère de
Rachel a droit aux égards, à l'appui de la presse. Mais tout en
applaudissant son retour aux traditions littéraires qui ont jeté un
si vif éclat sur cette scène dont les destinées lui sont aujourd'hui
confiées, il faut bien l'avertir que le public a soif de nouveautés,
non-seulement dans le fond, mais aussi dans la forme. I^'opinion
générale est que l'interprétation de Cadio manque de sève et de jeu-
nesse. Mélingue a sans doute encore d'excellentes qualités, mais
elles ne ressortent guère que dans la seconde partie de son rôle, où
il porte virilement l'uniforme de la République; il n'est plus assez
jeune pour la première partie. Le personnage de Saint-Gildas n'est
pas, non plus, dans les moyens actuels de Roger. L' ex-ténor de
l'Opéra et de l'Opéra-Comique, le charmant chanteur, l'habile comé-
dien, qui était naguère le prototype du séduci-eur, vient de faire
une école dont il a dit lui-même son meâ culpâ dans pluieurs
journaux. Mais Mlle Thuillier, mais Rrésil, Tisserant, Lau-
rent, etc., sont-ils bien certains, eux aussi, de n'avoir rien à se re-
procher? Nous n'insistons pas, parce que nous avons affaire à des
artistes consciencieux, mais nous ne saurions trop répéter qu'il est
regrettable de ne pas voir un élément nouveau se mêler à l'ancien
pour le rajeunir. Nous devons mentionner la musique faite par
M. Albert Visentini pour cette pièce ; elle est de tout point digne
d'être écoutée.
— Passons sous silence l'Armurier de Santiago, de M, fiou-
chardy, puisqu'il a déjà disparu de l'afliche du Cliâtelet, pour ar-
river à la (iaité, qui a repris un diamc, populaire il y a six ans au
boulevard du Temple, sous le tiire de Léonard. Remonté avec soin et
joué par Dumaine, Lacressonnière, Alexandre, Vizentini et Mlle
Léonide Leblanc, il a trouvé — quoiqu'il ait un peu vieilli —
un regain de son ancien succès.
— Les auteurs de Léonard viennent de faire représenter au
théâtre du Prince-Impérial un autre drame populaire, intitulé
l'Ile Saint-Louis; il paraît que c'est leur spécialité. Une pauvre
fille a été trompée par le fils d'un banquier; le père delà victime
contraint son séducteur à l'épouser. Mais elle esl malheureuse en
ménage, tellement malheureuse qu'elle s'empoisonne. Son père,
au désespoir, jure de la venger, et avant d'aller la rejoindre, il
tue le banquier et son fils. Cette sombre histoire est égayée par
des détails qui sont vraiment du domaine de la bonne comédie.
Nous citerons, entre autres choses , l'épisode de ce millionnaire
qui veut en finir avec la vie parce qu'il souffre d'une gastrite. Il
se jette à l'eau, après avoir pris la précaution de placer toute sa
fortune dans un chapeau, afin que le premier passant venu en
profite. Son suicide re.te inachevé, et il se reprend à l'existence,
allégé de tous ses millions et en même temps de sa gastrite. Le
rôle de ce fantaisiste est très-bien joué par un acteur du nom de
Rrelet. Les autres personnages sont convenablement interprétés
par Gravier, Edmond Galland, Scipion et Mlle Fleury. La mise en
scène est très-soignée.
D. A. D. SAINT-YVES.
Avec le prochain numéro, non abonnés recevront
la Kiéltre de ta Périchaîe (poar cbant et piano),
dite par Mlle Scbnelfler dans le nouvel opéra
d'Offenbacb, et annoncée par erreur pour notre der-
nier naméro.
NOUVELLES DES THEATRES LYRIQUES.
^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Trouvère et Gi-
seHe. — Mercredi et vendredi, Hamlet.—Les fils du vice-roi d'Egypte as-
sistaient à la représentation de mercredi avec leur service d'honneur ;
ils occupaient la loge de service.
j*^ Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, représentation de l'A-
fricaine .
^*^ Le rengagement de Marie Sass étant encore incertain, les études
A'Armide, dont elle doit chanter le principal rôle, ont été momentané-
ment interrompues. Mais si Mme Sass se décidait à quitter l'Opéra, ces
études seraient reprises avec une autre cantatrice, M. Emile Perrin
n'ayant pas renoncé à remonter le clief-d'œuvre de Gluck.
^*^ Le départ prochain de Mlle Granzow et de Saint-Léon pour Saint-
Pétersbourg, où les rappellent leurs engagements, ajourne, jusqu'à leur
retour, c'est-à-dire à cinq ou six mois, l'apparition du ballet nouveau
du célèbre maître de ballets et de Léo Delibes. Un seul tableau sur
trois est généralement su ; les études des deux autres continueront au-
tant que le permettra l'éloignement des principales parties prenantes.
^** Le théâtre Italien donne aujourd'hui, par extraordinaire, une re-
présentation qui sera composée de la reprise de la Contessina, opéra du
prince Poniatowski, interprété par Fraschini, Verger, Ciampi; Mlles
Ricci, Grossi et Urban.
^*^ La réouverture du théâtre Lyrique aura lieu le 26 par le Val
d'Andoire, interprété par MM. Monjauze, Meillet, Verdellel, Lutz, Mmes
Fidès-Devriès, Darani, Villème. — Pour cette fois, M. Pasdeloup con-
duira l'orchestre.
t*^ Une brillante reprise de Martha se prépare au même théâtre, à
l'occasion de la présence à Paris du célèbre compositeur auquel on doit
cet ouvrage.
if*t Le théâtre des Fantaisies-Parisiennes a donné , hier soir, la pre-
mière représentation. du Soldat malgré lui, opéra-comique en deux actes
de MM. Chivot et Duru, musique de M. F. Barbier.— A dimanche le
compte rendu.
■334
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
jf% A l'Athénée, Liice a remplacé Daubray dans le rôle de l'Ogre du
Petit-Poucet dont le succès s'affirme chaque jour davantage.
^*» Los dix premières recettes de la Péricholc ont produit 43,190 fr.,
soit une moyenne de plus de 4,300 francs par soirée.
»'^ Les recettes brutes faites pendant le mois de septembre ISCS,
dans les établissements soumis à la perception du droit des indigents se
sont élevées, pour les théâtres impériaux subventionnés, à 329,753 07
Pour les théâtres secondaires, vaudevilles, petits spectacles, à 379,982 20
Pour les concerts, cafés -concerts, bals, curiosités diverses, à 14S,S94 »
Total. . . . 1,053,329 27
^*^ La réouverture du théâtre de Nancy s'est récemment effectuée
avec les Dragons de Viltars. Le séduisant opéra de Maillart, parfaitement
interprété par la nouvelle troupe , et notamment par Mlle Enaux et
M. Boudias, a marché avec ensemble et a été accueilli avec la faveur
marquée que le public aristocratique de cette ville réserve aux œuvres
frappées à l'empreinte d'un sentiment délicat et d'un talent incontes-
table.
,f*^ On écrit de Bade : o Le théâtre a clôturé ses représentations d'o-
péretles. S. M. la rein^ de Prusse a assisté à plusieurs d'entre elles et a
paru y prendre grand plaisir. »
NOUVELLES DIVERSES.
,^% Les cours du Conservatoire impérial de musique se sont rouverts
le 1" octobre. On y a déjà procédé aux examens d'admission des clas-
ses de déclamation. Prochainement auront lieu les examens d'admission
pour les classes de chant.
,.— -^''^jrC'est aujourd'hui à 2 heures qu'a lieu, au cirque Napoléon, le
prélnier concert populaire de musique classique de la saison, sous la
direction de M. Pasdeloup. Nous on avons donné le programme, que
nous répétons : 1° ouverture do liuij-Iilas, de Mendelssohn ; — 2" sym-
phonie en la, de Beethoven; — 3° audante canlabile et menuet,
d'Haydn ; — 4° fragments des Maitres Chanteurs (première audition) ,
de Richard Wagner : (entr'acte du troisième acte — valse — entrée des
Maîtres Chanteurs, niarclie).
ji*^, Le beau jour à la salle Valentino est le vendredi.— Ce jour-là
Arban compose son programme d'éléments exceptionnels; aussi attire-t-il
un auditoire des plus distingués. Le premier vendredi a fait fureur et
celui d'avant-hier ne lui a cédé en rien. — On y a applaudi une jeune
personne qui a une très-belle voix et qui chante fort bien, Mlle de Ban-
nay, 1""' prix de chant du Conservatoire. — Le célèbre clief d'orchestre
se propose de consacrer successivement et par leur à Auber, Halévy,
Meyerbeer, Hossini, un de ces vendredis, et de n'y faire exécuter que les
plus beaux fragments de leur leuvre respective. Ainsi le plus prochain
s'appellerait le concert Auber, le second le concert Meyerbeer et ainsi de
suiie. — On y entendrait, non-seulement des fantaisies avec chœurs sur
leurs meilleurs opéras, mais aussi des morceaux d'ensemble tout entiers
pour l'exécution desquels Arban réunit tous les éléments néces.^aires.
^*^Un nouvel orgue, sorti des ateliers de la Société Merklin et Schutze,
vient d'être inauguré dans l'église Saint-Ambroise, récemment consiruite
et l'un des plus beaux monuments de ce genre que possède la ville de
Paris. Dans cette vaste église, dont la voûte est très-élevée, l'instrument
déploie une puissance de sonorité si majestueuse, si harmonieuse et si
nourrie de jeux de fonds et d'anches, que plusieurs artistes distingués,
qui assistaient à la séance, n'ont pu croire qu'après examen que cet
orgue est composé seulement de trente jeux. La variété des effets de
sonorité et la rich^se des combinaisons a également frappé ces artistes
et le public. Les connaisseurs ont particulièrement admiré la simplicité
des dispositions de toutes les parties du mécanisme du nouvel instru-
ment, qu'ils considèrent comme un chef-d'œuvre en son genre.
MM. Batiste et Renaud de Vilbac en ont fait valoir les belles qualités,
le premier dans un prélude et une fugue de Bach , le second dans des
improvisations charmantes, qui ont mis en relief les trésors d'effets
heureux que renferme ce nouveau produit du talent des facteurs.
^*^ Notre vénérable et savant collaborateur M. Fétis père, directeur
du Conservatoire de Bruxelles, est en ce moment à Paris. Le but de son
voyage est de s'entendre avec MM. Didot frères, ses éditeurs, pour la
mise en vente du premier volume de son Histoire générale de la Musique,
dont le deuxième volume est déjà à moitié imprimé.
,% L'éminent organiste Louis Engel est aussi à Paris; il a passé
quelques jours à Bruxelles, et il s'est fait entendre dans quelques réunions
intimes, notamment chez M. Meerens, le représentant des maisons Henri
Herz et Alexandre père et fils. M. Engel a laissé au public d'élite convié
à cette soirée un souvenir qui ne s'effacera pas de sitôt. Sous les doigts du
célèbre virtuose, l'orgue Alexandre devient véritablement un instrument
du plus merveilleux effet; aussi des instances ont-elles été faites à M.
Engel pour obtenir de lui la promesse de revenir dans le courant de
l'hiver, ce qu'il a gracieusement promis.
»*» Le célèbre ténor Naudin, après ses grands succès en Allemagne,
est arrivé à Paris. Il compte y rester jusqu'en décembre. A cette époque
il se rendra au théâtre de l'Oriente, à Madrid, où il remplacera Tamber-
lick, qui à son tour viendra prendre la place de Fraschini au théâtre
Italien. ,.
,''* Nous annoncions dernièrement l'arrivée à P^ris d'un artiste d'élite,
M. Muzio, le seul élève qu'ait formé Verdi. Outre son talent de compo-
siteur, M. Muzio est un chef d'orchestre remarquable, qui a fait ses
preuvessur les théâtres de New- York, Havane, de la Fenice, Barcelone, etc.,
etc.. Mais c'est surtout comme professeur de chant que M. Muzio s'est
distingué ; c'est lui qui a dirigé les premiers pas d'Adelina et de Carlotta
Patti dans la carrière artistique ; c'est également lui qui a formé miss
Kellogg et bien d'autres grandes cantatrices américaines. M. Muzio paraît
décidé à se fixer à Paris. Ce serait un excellent professeur de plus parmi
nous, une bonne fortune artistique dont on ne pourrait que se féliciter.
**H= L'excellent pianiste compositeur Magnus, après un séjour de trois
mois au Havre, oîi il jouait à l'Exposition les pianos de Pleyel, et où il
a donné plusieurs brillants concerts, est de retour à Paris. Il y va re-
prendre ses cours de piano, attendus avec impatience par ses nombreux
élèves.
,*» A propos du bruit qui a couru récemment de la mise au concours
d'un nouveau chant national français, le Gaulois dit tenir d'une per-
sonne bien informée qu'il n'en est point question, et que, s'il se faisait
quelque chose dans cet ordre d'idées, S. M. l'Empereur ne serait pas
éloigné de faire mettre à l'ordre du jour le chant illustre de Rouget de
l'Isle, qui cessant d'être un cri de discorde entre les partis , deviendrait
désormais le chant de ralliement de la nation.
*** L'oratorio Eli, du célèbre chef d'orchestre Michel Costa , exécuté
en 1833 et 1838 au festival de Birmingham, et en 1836 en présence de
S. A. R. le prince Albert, par la Sacred Harmonie Society de Londres,
sera donné le 3 novembre prochain au conc(;rt de l'orchestre royal de
Stuttgart. M. Costa a accepté la flatteuse invitation qui lui a été adres-
sée, de venir dans la capitale du Wurtemberg diriger lui-même son ou-
vrage. Le texte de cet oratorio est dû à Mlle Ida Grïineisen , et à
M. Griinei.sen, critique musical accrédité à Londres.
^''^ Henri Panofka a fini par céder aux sollicitations des amis de l'art
qui désiraient ardemment le voir fixer sa résidence à Milan. Sa grande
expérience et la sûreté de son goût vont certainement profiter aux scènes
italiennes dont les élèves formés par lui ne peuvent que relever l'éclat.
„;% La partition du l'etit-I'oucet vient d'être achetée par M. Colombier
à de très-brillantes conditions pour son auteur M. Laurent de Rillé.
»'*,f Nous recommandons à toute l'attention qu'il mérite le cours de
perfectionnement pour l'étude du piano et le cours d'harmonie pratique
qu'ouvrira le l'^'' novembre l'excellent professeur Michel Bergson, précé-
demment professeur au Conservatoire de Genève.
jf*^ M. et Mme Lcbouc annoncent pour la première semaine de no-
vembre la rentrée des cours complets de musique à l'usage des jeunes
personnes, qu'ils ont fondés il y a quatre ans, rue Vivienne , 2. Ces
cours ont pour professeurs M. Marmontel pour le cours de piano supé-
rieur, Mme Réty pour le piano (1'='' et 2° degré), Mme Damoreau pour
le chant, M. A. Durand pour l'orgue expressif. M. Batiste fera le cours
de solfège et celui d'harmonie appliquée au piano, enfin M. Lebouc celui
de musique d'ensemble.
<.*> M. Camille Stamaty est de retour à Paris.
^*, Mme Pierson-Bodin reprendra, le 2 novembre prochain, chez elle
rue de Louvoi.s, 10, ses cours de chant, de solfège et de piano. Mme
Pierson-Bodin donnera comme à l'ordinaire, cet hiver, quelques réunions
pour exercer ses élèves à se faire entendre en public et à exécuter de la
musique d'ensemble.
„*^, L'éditeur Richault vient de metti'e en vente l'Andantc du 7" con-
certo, de Rode, transcrit pour le violoncelle par Séligmann. Ce mor-
ceau, empreint d'une simplicité touchante, d'une grâce exquise, est une
étude d'expression d'une grande élévation de pensée. — Le même éditeur
vient de faire regraver un des premiers morceaux de Séligmann; c'est
une scène romantique, intitulée : Il silenzio délia notte, que l'éminent
violoncelliste fit entendre à la Société des concerts du Conservatoire,
alors qu'il commençait à se faire la grande réputation qu'il a acquise
depuis.
^''^ M. Testud de Beauregard, rédacteur du Moniteur de l'Orphéon , a
découvert dans la production du gaz hydrogène une propriété singulière,
et susceptible de s'appliquer à l'art musical. Voici en quoi elle consiste:
L'hydrogène, en se combustionnant dans un tuyau ouvert par les deux
bouts, possède la propriété de faire vibrer cet air et de produire un son
répondant à la vitesse de ces vibrations, selon la longueur et la largeur
des tubes, comme cela a lieu dans les buffets d'orgue. « Frappé de l'effet
de ces sons et regrettant que l'art n'en ait pas tiré parti, j'eus, dit-il, la
pensée d'en essayer publiquement l'effet, et en collaboration d'un de mes
amis, M. Stéphane Gaurion, nous composâmes un petit opéra-comique
dans lequel une jeune fille priait pour sa mère, et l'Eternel, exauçant sa
prière, manifestait cette volonté à l'aide des accords éoliens dont nous
venons de parler. Je regrette de n'avoir pu faire représenter cette pièce
DE PARIS
333
sur une scène où les éléments mis à notre disposition eussent Hé assez
complets pour permettre d'enrichir l'art de ce phénomène de la science.
Il y a là des effets mystiques; il y a dans ces sons un sentiment reli-
gieux que nul instrument ne saurait rendre. C'est la prière des anges;
c'est le chant des séraphins. On ne saurait se rendre compte de l'effet
inouï que peut produire une série d'accords donnée par ces vibrations si
légères, si suaves et tout à la fois si pleines. L'effet de ces accords est
tel que ce ne sont plus seulement les tuyaux qui vibrent, c'est la salle
tout entière, c'est l'édifice lui-même! »
*** La dernière matimée de Mme Mackenzie, à Saint-Germain, a été
des plus intéressantes; sa fille, une toute jeune personne, presque encore
un enfan', de seize ans, Mlle Nina Mackenzie, a joué en véritable ar-
tiste—digne héritière du talent maternel— à elle seule, un brillant mor-
ceau moderne de piano, et ensuite un magnifique duo de Beethoven,
dans lequel elle a fait le plus grand honneur à son professeur actuel,
M. Norblin, et qui a vériïablement électrisé l'assemblée.
^*^ Nous n'avons pas eu depuis longtemps l'occasion de citer le nom
d'un artiste distingué qui a longtemps habité Paris, Joseph Wieniawski ;
il l'avait quitté pour remplir les fonctions de directeur de l'école de piano
à Moscou. Une maladie grave, occasionnée par la rigueur du climat, l'a
forcé d'habiter temporairement Varsovie, où il se trouve en ce moment.
#*^ C'est dans le numéro du i décembre IBM de la Revue et Gazette
musicale que fut donnée la gamme:
I 3.3 5 3.9 3 3.9 3.5 q»
qui résume en quelques chiffres les belles découvertes exposées dans la
récente brochure : Phénomènes musico- physiologiques de M. Charles Mee-
rens. A cette époque déjà, l'auteur était en possession des principes qui
font sortir aujourd'hui le calcul appliqué à la théorie musicale du chaos
où cette science se trouvait cachée depuis les temps les plus reculés.
,** Un nouveau journal de musique, Der Freischuts, vient de se fon-
der à Stuttgard.
*''» Un de nos artistes les plus distingués, Eugène Ketterer, le pianiste
compositeur, vient d'être frappé dans ses plus chères affections ; il a
perdu sa mère cette semaine.
,t%Le célèbre Salvator Taglioni, compositeur émérite de ballets, vient
de mourir à Naples à l'âge de soixante-dix-huit ans. — Frère de Mlle Ta-
glioni et beau-père du maître de ballets Fuchs, il laisse plus de deux
cents ouvrages, parmi lesquels les plus remarquables sont Esmeralda et
Faust.
^% On annonce aussi la mort de M. J. A. van Eyken, compositeur
estimé, connu spécialement par son oratorio de Lucifer; il était né à
Amerafoort, mais il est mort à Elberfeld, où il était organiste de la
communauté évangélique; il n'était âgé que de quarante-cinq ans.
ET R A N G E R
^",1. Londres. — Les représentations d'opéra italien que M. Mapleson
doit donner au théâtre de Covent-Garden, loué par lui pour la saison
d'autonme, commenceront le 2i octobre. Mlle Minnie Hauck y fera son
début, impatiemment attendu, dans la Sonnambula. — On annonce
comme prochaine l'arrivée du célèbre pianiste de Leipzig, Cari Tausig,
l'élève et l'émule de Liszt. — La troupe d'opérette formée par M. Russell,
et qui parcourt avec tant de succès le Royaume-Uni, s'est décorée de ce
titre significatif ; The Grand-Duchess's Company !
^*^ Dublin. — Les artistes de i/eri)/a;cs<i/'s, avec M. Mapleson à leur tête,
continuent à attirer la foule au théâtre. La représentation au bénéfice de
Mlle Tietjens a été très-brillante. L'éminente cantatrice a été reconduite
à son domicile par les étudiants , qui ont dételé les chevaux de sa voi-
ture et se sont mis à leur place. On peut se croire encore aux beaux
jours de Jenny Lind.
,s*t Maycnce. — La Société philharmonique a organisé le 2 octobre un
grand concert, où s'est fait entendre la jeune et intéressante violoniste
Thérèse Liébé, fille de l'auteur applaudi de la Fiancée d'Azola. Cette char-
mante enfant a enthousiasmé son public avec une Pastorale de Léonard,
VÉlégie de Ernst et VAragoncsa d'Alard.
i^*^ Cobourg. — Mignon, d'Anib. Thomas, a été représenté pour la
première tbis le 27 septembre, avec un succès complet.
^,*^ Hanovre. — On a donné ici aussi Mignon, le 30 septembre;
mais l'œuvre du maître français n'a pas aussi bien réussi qu'à Cobourg.
»** Berlin. — L'Africaine est toujours sur la brèche. On l'a jouée deux
fois cette semaine avec Niemann , rentré au bercail , et Mme Lucca. —
Le 10, Jean de Paris, avec Mme Harriers-Wippern, Mlle Grun, MM. Wo-
wor.sky et Betz; le 11, le Prophète, avec Niemann. — Les soirées sym-
phoniques de l'orchestre royal ont commencé, le 7, à l'Opéra, sous la
direction de Taubert.— La reprise d'un attrayant ballet de Paul Taglioni,
les Joyeux Momquelaires, a été pour une jeune danseuse françai.se,
Mlle Judith David, l'occa-sion d'un Iriomplic complot.— Mlle Stella a ter-
miné ses débuts, mais sans succès; le public récalciltrant n'a pas voulu
donner raison à son nom, qui a tout l'air d'un ambitieux pseudonyme.
^*:f Leipzig. — Le 8 octobre a eu lieu le premier concert du Gewan-
dhaus. Le concertmeister Ferd. David a joué avec sa maestria habituelle
deux nouveaux concertos de violon de Max Bruch et de Camille Saint-
Saëns, qui n'ont obtenu qu'un demi-succès. On a beaucoup applaudi
l'excellente cantatrice Mme Peschka-Leutncr, qui a chanté deux airs du
Faust de Spohr et de la Sylvana de Weber. — M. Saint-Saëns est invité
à jouer lui-même au second concert, le IS octobre, un concerto de piano
de sa composition. Joachim se fera entendre au troisième.
»*» Vienne. — Le théâtre An derWien prépare l'opéra-comiqueylmjïuncris-
tein (Près de la pierre runique) , de Fr. de Flotow. — Une entreprise
que le succès, un succès de curiosité au moins, pourrait bien favoriser,
vient de se former : la grande salle du Bain de Diane a été convertie en
un théâtre, dont tout le personnel appartiendra au sexe faible. L'or-
chestre même sera composé d'artistes femmes; les rôles d'hommes seront
joués par des actrices. L'ouverture est annoncée pour le 17 octobre. —
On annonce aussi la représentation prochaine, à l'Opéra, d'un nouveau
ballet de Saint-Léon : Flamme d'amour.
,*^ Venise. — On signale, parmi les engagements faits à la Fenice,
ceux de la prima-donna Galletti-Gianoli, du ténor Villani, du baryton
CoUini, et, pour le ballet, de la Cucchi et de Rossi-Brighenti .
^*^ Milan. — Le Carcano, forcé par les engagements pris par les artistes
d'arrêter en plein succès les représentations de Dinorah, vient de don-
ner Zampa. Le chef-d'œuvre d'Hérold a pris une glorieuse revanche de
la chute qu'il subit à la Scala lors de sa première apparition , il y a
trente-trois atjs. — La direction de la Scala annonce quelques représen-
tations extraordinaires, avant l'ouverture de la saison, dans le double
but de fêter la présence de S. M. l'Impératrice de Russie et de venir en
aide aux inondés.
^** Turin. — La saison a commencé brillamment le 6 octobre au
théâtre Carignano avec Dinorah, qui fournit déjà, il y a quelques mois,
au théâtre Royal une si belle carrière. Mlle de Maesen et Minetti sont encore
chargés des principaux rôles : c'est dire que l'œuvre de Meyerbeer ne
saurait être mieux rendue. Le baryton Moriani s'acquitte aussi fort bien
de sa tâche.
,*,j Bologne. — Le Théâtre Communale s'est rouvert le 3 avec l'Ebrea
(la Juive).
,k*^ Gênes. — La troupe engagée au théâtre Doria compte parmi ses
principaux artistes : Luisa Kapp-Young, Urania Ferardi, Giulio Perotti,
Gaetano Giotti, Luigi Vecci. Fausto et Roberto il Diavolo seront représen-
tés au commencement des saisons d'automne et de carnaval.
j*^ Florence. — Le 30 septembre a eu lieu au Pagliano la première
représentation de la Schiava Greca, de Pontoglio. Cet ouvrage, qui, pa-
raît-il, n'est point absolument sans mérile, mais qui accuse une grande
inexpérience et dont le sujet manque d'intérêt, est tombé devant l'ennui
général .
a,'*:js Madrid. — Tiberini, Scalese, Medini, Selva, Mines Tiberini et Mo-
rensi sont arrivés et se sont mis à la disposition de M. Velasco, l'impré-
sario de l'Opéra. L'ouverture aura lieu prochainement par Mathilda de
Schabran. — Une représentation extraordinaire de la Muette, avec Tam-
berlick et Selva, a été donnée au bénéfice des blessés du combat d'Alcolea.
— Le duo Amour sacré de la patrie a soulevé des tempêtes d'applaudis-
sements, qui ont redoublé après des stances espagnoles de circonstance
adaptées à la musique du grand air du second acte par le poëte Manoel
Palacio, et chantées avec beaucoup d'enthousiasme par Tamberlick.
^% New-York. — Miss Kellogg est arrivée et se prépare à entreprendre
sa tournée artistique avec M. Max Strakosch. — Barbe-Bleue fait salle
comble à Niblo's Garden ; on ne se lasse pas d'applaudir Irma Marié,
en attendant le retour de Mlle Testée, en ce moment en représentations
à Cincinnati, et qui doit reparaître le 14 dans la Grande- Duchesse. — La
troupe de Grau donne depuis le 4 ce même ouvrage au théâtre Français :
il faut aller en Amérique pour voir une même pièce jouée en même
temps sur deux scènes rivales et amenant chaque soir une pluie d'or dans
la caisse de chacune! — Voilà pour la Grande-Duchesse, « sérieuse, »
mais il paraît que les excentriques minstrels nègres, ou noircis, en pré-
parent pour le mois prochain une « parodie! » On se demande à quoi peut
bien aboutir une parodie des joyeusetés de fa Grande- Duchesse? — Une
Université de musique va se fonder avec Mme Gazzaniga, MM. Albertes et
Ronconi pour directeurs.
s. ULFOUR.
336
KliVUE ET GAZETTE MUSICALE DE FAKIS.
POUR PARAITRE INCESSAMMENT
Chez BRANDUS et DUFOUR, éditeurs, 103, rue de Richelieu.
OPÉRA-BOUFFE EN DEUX ACTES,
Paroles de MM. Henri Meilhac et Ludovic Halévy,
Musique de
J. OFFENBAGH
l'OUVERTDRE. ARBAFGfE PODR EE PIANO
Les Airs de Chant dé lâchés avec accompagnement de Piano :
50
1. Chanson des mois cousines, chantée [lar JHles- Le-
grand, Carlin et Renault : l'romptos h servir lu
pratique S
2. Couplets DE l'i.m:ogmïo, chantés par M. Grenier: Sans
en rien sott/Jler à personne 3
3. L'Espagnol et la jeune Indienne, complainte, chan-
tée par Mlle Schneider et M Dupuis : Le conqué-
rant dit il la jeune Indienne 4
3 his. La niônie, à une voix et transiwsée un ton et demi
au-dessous 4 »
4. Le MuLETiEn et la jeuine personne, séguedille pour
SOIRÉES, cliantéc par Mlle Sclnieider et M. Du-
puis : Vous a-t-on dit xouve/it : Ecoulez-moi., la [l'ie o »
5. La Lettre de la Périciiole, chantée par Mlle Schnei-
der : O mon cher amant, je te jure 3 "5
5 bis La même, transposée un ton an-dessus 3 "S
6. Griserie- Ariette, chantée par Mlle Schneider : .1/).'
quel dîner je viem di faire 'à »
6 bis. La même, transposée un ton au-dessus 3 >■
7. Duetto DU mariage, chanté par Mile Schni'ider et
M. Dupuis : Je dois vous prévenir. Madame ... 0 »
acte ji.
8. Cancans Couplets, chantés par Mlles Julia, Benard,
Gi'avier et Lalour : On vante partout son sourire . 4
y. Les fem.ues, il n'y a qu'ça! couplets, chantés par
M. Dupuis : Et là, maintenant que nous sommes
seuls 3
!1 bis. Les mêmes, transposés un ton et demi au-dessous . 3
10. Que les hommes sont cétes ! couplets, chantés par
Mlle Schneider : Que veulent dire ces colères? . 3
■10 liif. Les mêmes, transposés un ton au-dessus 3
11. La piiÉsENTATiOiN, rondo de bravoure, chanté par
M. Dupuis: Ecoule, ô roi! je te présente
1:2 Ronde des maris ré..., chantée par M. Grenier: Con
duisez-lf, bon courtisan
13. Duo des uijoux, chanté par Mlle Schneider et M. Gre-
nier : Monsieur le marchand, qu'avez-vous. . . .
13 bis. Extase, chantée par Mlle Schneider: Ah[ que
j'aime les diamants 3
14. Final-Séguedille, chantée par Mlle Schneider et M.
Dupuis : Un roi. se promenant, trouva certaine
femme 4
50
3 75
3 »
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Les Airs de Chanl sans accompagncrnenl, formai in-8°, chaque net, 50 c,
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PRIX DE L'ABONNEMENT:
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Le Journal parait le Dlmirncbe.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
Non abonnés reçoivent, avec te numéro d'aujoard'hnl,
la Méèttre de liA PÉRICHOL.B (pour cbant et piano),
dite par nile Scbnelder dans lo nouvel opéra
d'Of fenbacb .
SOMAIAIRE. — Etudes biographiques et critiques (2e article), par Km.
Mathieu de Uonter. — Tliéâtre impérial italien : la Contessina, Maria,
Don Pasqiiale, par Elias de Ranze. — Théâtre des Fantaisies-Parisiennes:
le Soldat malijré lui, opéra-comique en deux actes, paroles de MM. Duru et
Chivot, musique de F. Barbier. — Concerts populaires de musique classique au
cirque Napoléon, réouverture , par Cliarles Bannelier. — Entrefilets : la
Périchole. — L'Hymne de Riego, par Arthur Peui^in. — Nouvelles des
théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
ETUDES BIOGRAPHIQUES ET CRITIQUES.
I.
Stepben Heller.
(2« article) (1).
L'œuvre d'Heller renferme tous les genres. 11 a coulé le métal
pur et sonore de son inspiration dans les moules les plus con-
trastés de la composition musicale, en les frappant, toutefois, à
son effigie.
Dans ses Sonates, ses Scherzo, ses Nocturnes, par l'élévation et
la distinction de la pensée méTodique, il se rapproche des plus
beaux modèles classiques. Le maître en l'art difficile d'écrire pour
le piano se révèle dans ses Etudes, son Caprice caractéristique sur
deux thèmes de Mendelssohn, son Allégro -pastorale, Saltarello, sa
transcription si remarquable des mélodies de Schubert. Le virtuose
« s'affirme » avec un éclat incontestable dans ses grandes Etudes
de concert.
Tandis que le fantastique s'approprie la lutte de démons et
(i) Voir le n° i2.
d'anges dédiée à M. L. "Wertheim, ainsi que la Ballade, le Conte
et la Rêverie du Gondolier, écrits pour Vincent Adier, la fantaisie
revendique ces Impromptus, ces Feuillets d'Album, ces Arabesques,
ces Préludes, délicieux tableaux de genre peints avec un soin ex-
quis, niellures florentines, ciselures du plus délicieux effet. Cin-
quante mesures tout au plus : une ombre qui passe, une vapeur
azurée qui s'élève, un feu follet qui danse, s'éteint et ricane plus
loin. Ah! quel art exquis et pénétrant! Quelle jouissance intime
on éprouve à se délecter ainsi de pensées originales traduites avec
une élégance discrète el lumineuse. Comme Heller rompt alors en
visière au solennel et devient élégant, éloquent et simple!
Dans les Nuits Blanches (quatre livres contenant dix-huit sui-
tes chacun) Heller laisse vagabonder son imagination et courir
sa plume. C'est bien là, n'est-ce pas, l'improvisation dans son
allure la plus naturelle ? A quelque page que vous ouvriez le recueil,
vous êtes assuré d'y trouver un sentiment original qui se gravera
d'autant mieux en votre souvenir qu'il semble inconscient de lui-
même, sans apprêts artistiques? Ne vous y fiez pas toutefois. L'art
ici se dissimule au point de laisser croire que le naturel parle
seul.
La Sérénade (op. §6), la Berceuse, — deux merveilles, — nous
montrent Heller sous son jour le plus poétique et le plus roma-
nesque. Il y a là de quoi transporter l'auditoire le plus indifférent,
vaincre l'opposition la plus systématique. L'émouvante mélodie de
ses Valses semble faite de larmes et de sourires ; la note joyeuse
y succède à l'accent mélancolique ; les soupirs interrompent le
rhythme à la fois languissant et brusque. Est-ce la plainte de
la douleur ou l'appel du plaisir? Bercé par elles, on se prend
à penser à des amours brisés. Je ne sais rien de plus vrai d'ex-
pression et de couleur que ses Lieder, et parmi eux surtout le
Chant du Chasseur, l'Adieu du Soldat, Prés d'un berceau, etc. La
mélodie de ces petites pièces se perd un peu, toutefois, dans la
somptuosité du tissu harmonique. Pour des chants populaires, c'est
parfois trop de chamarrures. Et ce Sonnet (op. 81, Préludes), ce
tendre et douloureux petit sonnet, dont on retrouve comme l'écho
affaibli dans la suite 3 du 1" livre des ISuits Bla7iches,qvie ne don-
nerais-je pas pour lui, d'insipides arrangements et de variations
prétentieuses ! J'en dirais tout autant des Scènes italiennes, de la Ta-
rentelle, de la Vénitienne, des Cansonettes, des quatre Phantaisie-
338
ItËVUE ET (iAZETTE MUSICALE
Slu'xke, compositions musicales littéraires, en ce sens qu'elles ont
une couleur, une date, une scène histonques nettement déterminées,
qu'elles ont été évidemment conçues et écrites sous l'impicssiondc
lectures qu'il serait facile de préciser.
Je touche raainleuant au côté véritablement caractéristique du
talent ciéateur d'fleller, à cequi lui appartient bien en proprect ne
saurait disi)araître : ses Promenades d'un- Solitaire et ses Révries
dans 1rs Bois. Oui, il s'est laissé pénétrer à la nature, il s'est iden-
tifié avec elle et la vertu bienfaisante des forêts, des champs, des
flots, a tourné si's méditations eu transports mélodiques. Celte
fusion des impressions calmes <Ju monde agreste avec certaines
aspirations orageuses de son cœur a engendré chez lui une dis-
position d'âme qu'il s'est efforcé de retenir longtemps et qu'il a
voulu Utef ensuite d'une manière durable. Au lever du soleil, ou
quand la nuit s'éclaire mollement An feu doux, de ses grandes
étoiles, longtenips il a marché devant lui, regardant le ciel, admi-
rant les lignes vaporeuses de l'horizon, respirant les parfums
sylvestres des clairières, dans cet état de somnambulisme mental
où l'on songe que l'on est quelque chose dans l'immensité, tout
en oubliant que l'on n'est qu'un atome dans l'inlini.
De ces « promenades» dans les bois, ce « solitaire» a rapporté
sept livies de Souvenirs et de Rêveries qui condensent bien réelle-
ment son individualité arlisticjue. S'il m'était loisible d'en décrire
([uelques fragments, je recomuianderais aux artistes le n" 3 du 2"'°
livre, (lui débute par un choral imposant : chant des druides cueil-
lant le gui sacré; la 4'' rêverie du même livre, chevauchée guer-
rière et chevaleresque, évoquant sous les seules ombreuses châte-
laines et pages, sires et varlets, hommes d'armes et fauconniers; —
la suite n'S, livre Ilf, est une plainte amoureuse, toute vibrante d'ar-
deur contenue, qui s'exhale dans un |)aysage matinal de printemps;
— mais le poète attardé a vu passer la chasse infernale (suite G) :
les trompes sonnent un furieux, hallali, le galop démoniaque des
chevaux se ande des abois stridents , un vent d'orage tord les
arbres de la foiêt; on reste, le morceau tei'miné, sous nue impression
étrange d'anxiété ; — le linale est un hymne de reconnaissance ù
l'Eternel, tiaduisant merveilleusement l'admiration religieuse qu'ins-
pire riioireur sacrée des bois; une fanfare bruissant à travers les
branches interrompt la prière, ([ui reprend avec une majesté plus
grande encore. L'empreinte du génie est là, indiscutable, saisis-
sante.
Sur les aspects changeants de la nature, que de pages délicieuses
écrites par Heller! On ne peut les lire quelque temps sans en
avoir l'âme toute remplie et comme tapissée, ou pour mieux dire
armée et revêtue. De même que Méry a deviné et décrit l'Inde
sans y avoir jamais été, Stephen Heller a le sentiment inné des
steppes et des solitudes vierges. Il est sorti vainqueur de cette tra-
duction musicale des impressions que peut faire naître, dans une ima-
gination ardente et réiléchie, le paysage, cette partie de l'art réservée
entre toutes et qui ne'révèle ses charmes qu'aux initiés. Oui ! pour
sentir, pour célébrer ainsi le charme de l'aube ou du crépuscuLe
dans les grau Js bois, le frémissement du ruisseau qui coule sous
les saules, pour percevoir les harmonies à la fois secrètes et pré-
sentes de la nature, il faut être plus qu'un homme, il faut être un
poète !
«
* *
Pourquoi sommes-nous ainsi faits, en France et ailleurs, que
lorsqu'un homme distingué et de valeur n'est pas entré à un cei-
tiin jour dans le courant de la vogue et dans le train habituel
de l'admir.iiion publique, nous devenions si sujet à le négliger et
à le méconnaître? Au contraire, ceux qui sont une fois connus,
adoptés par l'opinion et par la renommée, nous les avons sans
cesse à la bouche et nous les accablons de couronnes.
Stephen Heller n'est pas entré et ne pouvaitpas entrer, en raison
de son habitude, de son tempérament, de son sentiment même,
dans ce courant de la vogue. Sa réputation artistique est considé-
rable, mais il ne jouit pas de la popularité et l'avenir seul le
rendra célèbre. Dieu ne paie pas ses ouvriers de génie tous les
soirs, mais chacun finit bien par recevoir le prix de ses œuvres.
Heller est de ceux, et ils sont rares, qui ont eu, ([ui ont le cou-
rage de retirer,— qu'on mepasse l'expression, — de la circulation artis-
tique l'idée et la forme conventionnelles de la Beauté abstraite, une
idole ! forme et idée auxquelles se rattachent indissolublement tant
de fausses conceptions, pour mettre à leur place, comme le voulait
Gœthe, la Vérité dans son sens général, mais idéalisé. A ce compte,
et à remonter de tels courants, on ne devient pas aisément po-
pulaire.
Par l'ondoyai.'te et diverse poésie de sa nature, par l'activité et
renlhousiasme de son sentiment qui excelle à placer le grand et le
beau dans l'exiguïté de la dimension, par ses aptitudes si com-
])lexes do composition, avec cet ensemble de qualités rares et aussi
de légers défauls qui ont Uni par les assaisonner, Heller demeure
hors ligne, et il se présente dans l'histoire musicale contemporaine
à titre de personnalité unique, en la compagnie de Chopin, de
Scliumann et de Berlioz.
Posséder la faculté de création et non pas seulement l'outrecui-
dant décal([ue du génie des autres; avoir du talent et non pas seu-
lement des muscles; de la puissance, mais aussi de la délicatesse;
la verve qui remue, mais aussi l'inspiration qui émeut; porter
du charme même dans ce que l'on approfondit et de la grâce
dans ce que l'on rêve, c'est être véritablement novateur, cela, c'es'
mériter, ù tous les titres, en attendant l'enthousiasme de la pos-
térité, les honneurs souverains de la Biographie et de la Critique.
Em. Mathieu DE MONTER.
THÉÂTRE IMPERIAL ITALIEN.
liii ContcBsina. — Ilarta. — Don Pasqaale.
L'opéra du prince Poniatowski n'est pas de ceux qui réunissent
e mérite h ce qu'on est convenu d'appeler « la chance. » Ce ne
sont certes pas les ([ualilés qui lui manquent : il est bien conçu,
bien écrit, bien orchestré, gai et spirituel sans tomber dans le
bouffon; riche en mélodies, élégant, distingué; il a un finale ma-
gistralement agencé, un quatuor sans accompagnement, de toute
beauté ; une chanson pour contralto avec le chœur, qui est une
trouvaille, et surtout des pages simplement instrumentales que
le meilleur harmoniste serait fier de signer, — et cependant,
malgré le succès, on ne le voit pas souvent sur l'affiche. Comme
la Contessina dont elle porte le nom, elle ne parvient pas à en
obtenir le titre. Le diadème aux boules perlées semble s'éloigner
de son front ; pourquoi? Mystère.
La Contessina eut le tort, la première fois, de paraître tout à
la fin de la saison; on ne put la jouer que deux fois avant la
clôture. Encore dût-on ajouter deux ou trois jours à la durée ha-
bituelle de la saison théâtrale pour pouvoir donner la deuxième
représentation.
Cette fois on la repi'end, et la reprise a lieu un dimanche,
c'est-à-dire en représentation extraordinaire. Eu outre, le rôle le
plus important, celui de la jeune fille, de la Contessina, est rempli
par une débutante, qu'on a pu applaudir dans Crispino e la Co-
mare, mais qui ne saui'ait soutenir le poids d'un rôle pour lequel
le talent expérimenté de Mme Tiberini était à peine suffisant, et
que seule Mme Patti aborderait avec succès.
DE PAIUS.
339
Certes ce n'est pas pour Être sévère envers la jeune artiste, dont
nous avons ici même encouragé les débuts dans Crispino, mais on
ne saurait se dissimuler que si l'exécution a boîte un peu, ça été du
côté de la cantatrice. En vain Fraschini, qui s'est réelleniout sur-
passé dimanche dernier, a-t-il déployé son admirable talent, il n'a
pu entièrement sauver les morceaux où il chante avec le soprano.
Ajoutons, à ce sujet, qu'on a entendu dimanche un air de lénor
que M. Tiberini avait retranché aux deux représentations de la
saison dernière, et qui a valu à M. Fraschini des applaudissements
unanimes et des rappels.
Un air bouffe avait été, de même, enlevé par M. Scalese ; cette
fois M. Ciampi, qui est excellent sous le costume de Ser Abbondio,
l'a rétabli ; l'air a été, cette fois aussi, enlevé, mais dans un autre
sens. C'est en effet un modèle de musique bouffe et l'artiste l'a dit
avec le brio et la verve que vous lui connaissez.
M. Verger et Mlle Grossi ont gardé leurs rôles, et tous les deux
ont recueilli les plus vifs applaudissements. On a redemandé à
Mlle Grossi la chanson de Rita la blonde au troisième acte.
Enfin, Mlle Urban, qui mime avec tant de goût, de grâce, d'in-
telligence et d'expression le rôle muet de Stella, a vu se confir-
mer le succès qu'elle avait obtenu à la saison dernière. Cette jeune
artiste a pour elle la beauté, le talent, la distinction, le sentiment
dramatique; — elle a maintenant les sympathies du public. Nous
espérons qu'elle ne s'en tiendra pas au seul rôle de Stella.
—Mardi, Mme Patti, qui ne se repose que le dimanche, selon le
précepte, a reparu dans Marta. La salle était comble, comme vous
le pensez bien I Les autres rôles étaient remplis par Mme Grossi ,
Fraschini, Ciampi et Agnesi; aussi l'exécution a-t-elle été parfaite.
La ravissante romance de la Rose, ce joyau mélodique, et le beau
quatuor du rouet ont été redemandés. Mme Patti allume, dans ce
dernier morceau , un petit feu d'artifice de notes, qui vous éblouit
comme le bouquet de la fin. Il n'y a qu'elle pour ces tours de
force-là !
Chacun a eu sa part de succès, chacun a été applaudi ou rap-
pelé. La basse Agnesi a dit d'une façon remarquable sa chanson
à boire.
M. de Flotovv était dans la salle. Il a dû être très-satisfait de la
manière dont les artistes du théâtre Italien ont interprété sa belle
partition. Celle-ci réunit un grand mérite à une chance heureuse :
au théâtre Lyrique Martha était Mlle Niisson, au théâtre Italien
Marta est Mme Patti. La beauté du rôle et le talent des canta-
trices y marchent de pair.
Jeudi, Don Pasquale , avec Mme Patti... toujours! (heureuse-
ment) et avec Verger, Ciampi et le jeune ténor Palermi. Ce dernier,
qui s'était révélé dans Crispino, qui avait un peu faibli dans
il Barbiere, s'est raffermi dans Don Pasquale. Décidément c'est une
bonne acquisition que M. Bagier a faite en lui.
Verger a chanté tout son rôle en véritable artiste, surtout la
fameuse romance:
Bella siccome un angelo,
qu'il a soupirée â ilevr de lèvres et avec toute la grâce qu'elle
exige.
Le rôle de Don Pasquale est un grand écueil pour les basses
comiques. On leur oppose toujours le souvenir écrasant (je sou-
ligne à dessein) de Lablache. Zucchini, cependant, s'en tirait assez
bien. Ciampi, même dépourvu de Vampleur physique, y met tant
de bonhomie, tant de talent comique, qu'il en fait un de ses plus
beaux rôles. N'oublions pas, surtout, qu'il chante, ce qui est assez
rare chez les basses comiques.
Et Mme Patti? Eh, mon Dieu! que voulez-vous que j'en dise?
Quel que soit l'opéra dans lequel elle paraisse, on dit : C'est
celui là qu'elle devrait chanter de préférence. — Toujours le rôle
dans lequel on l'entend est son meilleur rôle!
Nous ne lui trouvons qu'un tort : elle nous force à nous répéter.
C'est très-peu aimable de sa part!
Elias de RAUZE.
THEATRE DES FANTAISIES-PARISIENNES.
liE SiOI.iDA'r HIALGnÉ I.VI,
Opéra-comiqve en deux actes, paroles de MM. Duru et Chivot,
musique de M. Fhédébic Barbier.
(Première représentation le 17 octobre 1808.)
Les auteurs de Fleur de Thé viennent d'ajouter un titre nouveau
à la liste des succès qu'ils obtiennent depuis quelque temps sur
les nombreuses scènes où fleurit l'opérette. Leur dernière pièce
n'est pourtant pas une bouffonnerie à la hauteur de l'Ile de Tuli-
patan. C'est un opéra-comique taillé sur le patron de ceux qui
se jouent ù la salle Favart, et où l'on rencontre une certaine dose
de gaieté, mêlée à une dose égale d'intérêt doux et calme.
Nous sommes dans un duché allemand, dont le souverain n'est
pas sans quelque point de ressemblance avec le roi de Prusse
Frédéric-Guillaume, qui avait la manie d'enlever à leurs champs,
et même à ceux de ses voisins, tous les beaux hommes qu'il
jugeait propres à orner les cadres de son i" régiment des gardes.
Or, le prince eu question, voyageant incognito, s'arrête dans une
ferme, et y avise un garçon de bonne mine, sur lequel il jette
immédiatement son dévolu. Mais Christophe n'a aucun goût pour
l'état militaire ; il préfère les joies paisibles du ménage, et il serait
l'homme le plus heureux du globe, si la fermière, Mme Edwige,
consentait à le prendre pour mari. Précisément, Mme Edwige, de
son côté, se dit qu'elle ne pourrait faire un meilleur choix que
son garçon de ferme. 11 ne s'agit que de s'entendre, et la chose
est bientôt faite. Tout irait pour le mieux, si le grand-duc ne
venait se mettre à la traverse de ces amoureux projets. Ne pou-
vant décider Christophe à entrer dans ses gardes, il le fait arrêter
par un vieux major, esclave de la consigne, et lui donne pour
prison une caserne du voisinage.
Là, ce pauvre Christophe est bien forcé de faire l'apprentissage
du métier de soldat ; mais il ne s'y prête qu'à contre-cœur, et il
se promet bien de lasser la patience du grand-duc, en faisant
preuve d'une inaptitude et d'un mauvais vouloir exemplaires; il
va même jusqu'à se sauver de la caserne pour rejoindre Mlle Ed-
wige. Mais, par une chance bizarre, et, il faut le dire, très-ori-
ginale, chacune de ses escapades, au lieu d'atteindre le but qu'il
se propose, est prise en si bonne part, qu'elle lui procure de
l'avancement et rive par conséquent sa chaîne d'une manière plus
solide.
Le grand- duc se garde bien de lui rendre sa liberté, et même,
pour adoucir ses regrets, il prend la résolution de l'unir à celle
qu'il aime. Dans cette intention, il va trouver la fermière, qui ne
le connaît pas, et il la prie de porter au major une lettre cachetée
dont il ne lui révèle pas le contenu. Mme Edwige consent par
politesse, mais, le grand-duc parti, elle a des scrupules, et, ne
voulant pas se risquer dans une caserne, elle charge une grosse
servante de la commission qu'elle a acceptée. Avons-nous besoin
d'ajouter que ladite lettre, adressée au major, contient l'ordre
formel de marier sur-le-champ la femme qui la lui apportera au
soldat Christophe? L'anecdote est bien connue; elle ligure aussi
à l'actif du roi Frédéric-Guillaume, et elle a fourni le prétexte de
plus d'un vaudeville. Dans la tradition, le mariage a lieu entre le
340
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sol'l.'t aux gardes et une vieille femme, bien laide et bien ridée.
Aux Fantaisies-Parisiennes, comme il faut que tout finisse bien,
le grand-duc arrive à temps pour empêcher la méprise, et Chris-
loplie, rendu à sa première existence, épouse la fermière Edwige.
Sur cet amusant canevas, M. Frédéric Barbier a brodé une par-
tition qui n'est certes pas sans mérite. Ce jeune compositeur a des
qualités recolles d'harmoniste ; il manie très-bien l'orchestre ; il
entend la scène; son dessin est correct et son style agréable.
Nous ne lui ferons qu'un reproclie, c'est de trop sacrifier à l'effet,
quand cet effet n'est pas en proportion avec la scène modeste sur
laquelle il se produit. Ainsi les chœurs et le finale du premier acte
gagneraient beaucoup à être exécutés dans un local plus vaste. A
cela près, nous devons constater que plusieurs morceaux ont été
parfaitement accueillis et méritaient de l'être. Nous citerons d'abord
l'ouverture qui repose presque entièrement sur un fort joli motif
exécuté par le cor d'harmonie; un air d'entrée pour basse chan-
tante, écrit avec beaucoup de verve ; une tyrolienne chantée par la
fermière et les couplets bouffes du vieux major, qui ont été rede-
mandés ; enfin, une jolie romance pour ténor.
Le rôle d'Edwige est bien joué et bien chanté par Mlle Flachat,
une nouvelle recrue de M. Martinet, qui s'est placée tout d'abord
au premier rang. Mme Decroix est excellente dans le rôle de
Catherine. Quant au personnage du soldat malgré lui, il est fort
convenablement interprété par Gabriel Bonnet. Nous avons eu déjà
occasion de remarquer Soto dans le Bartholo du Barbier de Sé-
viUe; il a droit à une mention nouvelle pour la manière dont il
joue le vieux major. Enfin, Davoust, qui vient de l'Opéra-Comiciue,
représente dignement le grand-duc.
D.-A.-D.
CONCERTS POPULAIRES DE HDSIQUE CLASSIQUE
AU CIRQUE NAPOLÉON.
BéonTerture.
(8' année.)
Le mot vogue porte en lui l'idée d'instabilité et d'inconstance ;
nous voudrions pouvoir lui ôter ce caractère pour l'appliquer à la
grande et salutaire entreprise des Concerts populaires, qui a tou-
jours rencontré plus que ce qu'on est convenu d'appeler le succès,
et dont l'existence, grâce à l'infatigable activité et au grand sens
artistique du fondateur, est aujourd'hui plus solide que jamais.
M. Pasdeloup a édifié sur le roc, et dès le premier jour, avec une
hardiesse et un bonheur incomparables ; viennent maintenant les
orages! Il est aventureux, mais les grains ne l'elfi-aient pas; nous
ne voudrions môme pas affirmer qu'ils lui fussent absolument dé-
sagréables.
Dimanche dernier, par exemple, il savait parfaitement qu'il
s'exposait à une vraie tempête en mettant sur son programme des
fragments des Maîtres Chanteurs de Richard Wagner; aussi ces
fragments terminaient-ils le concert, pour laisser toute latitude
aux enthousiastes (juand même et aux opposants systématiques,
qui s'en sont donné à cœur joie cinq minutes dm-ant, tandis qu'on
évacuait la salle.
Les trois morceaux des Maîtres Chanteurs sont empruntés au
troisième acte: c'est le prélude ou entracte, la valse et la mar-
che des Mailres. Le prélude, qui vise à l'élévation, est fort ambi-
tieux, et rien de plus; il débute par une phrase de sept mesures
sans caractère, confiée aux violoncelles seuls. Ce thème, qui n'est
pas un thème, puisque ce qui suit n'en est pas le développement,
on en cherche vainement la signification et la raison. Plus loin,
on écoute de toutes ses forces, mais sans comprendre. Çà et là un
éclair perce la nue et répand dans ces ténèbres une vive lueur,
aussitôt évanouie. Il nous a toujours paru fort difficile de s'iden-
tifier avec la pensée d'un homme qui n'a pas été claire pour lui :
cest trop souvept, croyons-nous, le cas pour Wagner. — La valse
consiste proprement en une phrase de sept mesures, originale et
bien trouvée quoique boiteuse, et promenée successivement dans
divers tons. Elle débute par un trait en triolets rapides des se-
conds violons seuls, une dégringolade fortissimo à partir du sol sur-
aigu pendant "sept mesures. Il ne faut rien moins que le charme
du motif qui suit pour détruire l'effet vraiment grotesque de celte
entrée en matière. — Quant à la marche, qui accompagne l'en-
trée des Maîtres-chanteurs et qui sert de premier thème à l'ou-
verture, c'est un des morceaux auxquels Wagner a donné le plus
d'importance dans sa partition, mais c'est un morceau manqué;
le début seul a de la grandeur et de l'éclat, le reste est défiguré
par d'affreuses duretés d'harmonie, et par des progressions mal-
habiles. Wagner, évidemment, ne sait pas son Sébastien Bach. —
Le tout est savamment orchestré; il s'y trouve d'heureux contras-
tes de sonorités et de nuances. Nous avons dit l'accueil final que
ces fragments avaient reçu du public : le prélude a été écouté
sans protestation, la valse avec un sentiment de plaisir marqué,
et la marche a provocjué l'explosion de l'ouragan. Du reste, dans
ce dernier morceau, qui est fort difficile, l'orchestre n'a pas été
parfaitement sur de lui. Le prélude, annoncé de nouveau au pro-
gramme du second concert (avec la par.i phrase méditât ion que ne
porte point la partition), gagnera sans doute sous ce rappoi't à
une seconde exécution.
La belle ouverture de Ituy-Blas de Mendelssohn, qui ouvrait le
concert, la symphonie en la de Beethoven, un andante (bissé) et
un menuet de Haydn, qui venaient ensuite, ont été salués, comme
d'habitude, des plus cbaleureux ;i|)[)laudissements. Le public des
Concerts populaires est désormais formé, et nous ne savons si le
chef d'orchestre le troquerait contre celui du Conservatoire, mieux
élevé pourtant et dilettante jusqu'au bout des ongles.
Une ovation bien méritée a été faite à M. Pasdeloup à son ar-
rivée au pupitre, et elle s'est répétée à la fin du concert.
Charles BANNELIER.
Aux appréciations des principeux organes de la pi'csie sur la
Périchole, que nous donnions dans notre dernier numéro , nous
ne pouvons nous empêcher d'ajouter celle de M. Paul de Saint-
Victor, le brillant courriériste de la Liberté:
u Tout ce premier acte est d'une turbulence réjouissante, et l'esprit
de M. Meilhac jette de fines note.s dans son brouhaha. — N'est-ce pas
une fantaisie voltairienne, dans Is goût des épisodes de Candide, que ce
Pérou de carton au milieu duquel se prélasse un vice-roi mystifié? Of-
fenbach l'a rempli d'airs, de chœurs et de rondes à faire damner tous
les alcades des Etpagnes et à défrayer toutes les sérénades de Paris.
Cette fois, ce n'est plus de la caricature musicale, mais un tableau de
genre plein de couleur et d'esprit. Le musicien reste léger dans la
charge, élégant dans la bouffonnerie: se» coq-à-I'âne même ont des
ailes. — Quelle excellente parodie des romances de carrefour que Pair
de l'Espagnole et la jeune Indienne ! C'est l'orgue de Barbarie tourné par
un musicien qui s'amuse. Imaginez encore un artiste en gaieté retou-
chant d'un pinceau moqueur une image sentimentale à 2 sous de la
rue Saint-Jacques, avec sa légende moitié castillane et moitié française.
— L'ariette : Ah ! quel dîner je viens de faire', fer-ait mousser le vm dans
les verres. Jlais le joyau de ce premier acte est une lar-me. Ce n'est pas
la Périchole, c'est Manon elle-même qui devrait chanter ces charmants
couplets de la Lettre, mêlés de tristesse et de malice , où circule un
sourire perfide et attendri tour à tour.
» Si au 2" acte, l'esprit des auteurs s'endort, la verve du musicien reste
éveillée jusqu'au bon t. — Je n'aime guèr'e les couplets de Piquillo: Les femmes,
il n'y a que ça ! un gros refrain de café-concert, fait pour être rbytlimé
par le bruit des chopes. Kn revanche, rien de plus drôle et de plus pi-
DE PARIS.
341
quant que l'ariette cliantée par la Périchole : Mon Dieu, que les hommes
sont bêlesl Citons encore l'aubade railleuse des dames de la cour: Eh\
bonjour. Monsieur le mari, qui ferait un charmant pondant au Bonsoir,
Monsieur Pantalon, de Grisar.
» La PiVichole, c'est Mlle Schneider, qui n'a jamais clé plus char-
mante. , . Son originalité est surtout dans la finesse qu'elle sait donner
au couplet risqué et au mot grivois. Elle gaze, quand elle veut, avec
des doigts do fée. La réticence qui glisse, le sous-entendu qui effleure,
le trait retenu qui chatouille malicieusement les coins du sourire, ce
sont là ses grâces et ses enchantements. Il y a de la chatte métamor-
phosée en femme dans la coquetterie souple et leste qu'elle met à tra-
verser certains passages scabreux de ses rôles. Cette scène d'ivresse du
premier acte, qui rase la borne, qui frise l'ivrognerie, elle la joue avec
une mesure, une réserve, une adres.se exquises. On dirait une jolie bo-
hème faisant tourner au bout d'une baguelle un verre rempli, sans
qu'une goutte en tombe. — 11 faut l'entendre encore chanter sa lettre à
Piquillo, et en souligner tous les fins passages, avec un accent de ten-
dresse moqueuse et d'enjouement triste. C'est à la fois touchant et comi-
que : le persiflage y borde le sanglot. En ce momeni, la Périchole a la
voix et le cœur de Manon Lescaut.
« Dupuis est toujours comique dans ce personnage de bellâtre adoré,
niais, épanoui, qui est l'uniforme de son talent. Grenier fait plaisam-
ment ressortir la bonhomie tyrannique et la paillardise hébétée du vieux
vice-roi: c'est Schahabaham amoureux. Christian est drôle en homme
sauvage ; mais il devrait bien mettre une sourdine à .son organe formi-
dable. La cascade avec lui tourne à la canonnade : on croirait entendre
le tonnerre lâchant des lazzis. »
L'HYMNE DE BEGO
Il y a quelques mois à peine, Carjat, notre excellent photogra-
phe, organisait chez lui une petite fête dont le produit était des-
tiné à soulager un pauvre artiste, un homme d'honneur et de ta-
lent, qui, après avoir connu des jours heureux, était tombé dans
un état voisin du dénùment. La vie de cet homme, à son au-
rore, promettait d'être brillante : entré comme cadet, à dix-sept
ans, dans l'armée espagnole, doué d'intelligence et pourvu d'une
bonne instruction, l'avenir semblait lui sourire. Le sort en décida
autrement, et proscrit, chassé de son pays, il se lit musicien pour
vivre. Quoique à force de travail il eut acquis un certain talent,
il fut loin, comme on vient de le voir, de parvenir à la fortune.
*
* *
C'était dans les premiers jours de septembre 1820. L"Espagne,
cette terre classique des révolutions, venait de se soulever contre
Ferdinand Vn, et deux des généraux insurgés, Riego et Quiroga,
entraient en vainqueurs à Madrid, obligeant le roi à octroyer une
constitution à son peuple.
L'effervescence était dans tous les esprits, l'émotion populaire
était à son comble, toute l'Espagne enfin était dans une sorte d'eni-
vrement facile à concevoir. C'est à ce moment que deux hommes
se rencontrèrent dans une môme pensée, celle de doter leur pays
d'un hymne de résurrection, d'un chant patriotique et national.
L'un d'eux, le colonel Evariste San-Miguel, ancien officier de l'ar-
mée de Cadix lors du soulèvement de 1812, ancien rédacteur du
journal VEspeclador, « tribun et poëte en même temps que sol-
dat, » était chef d'état-major de Riego; l'autre, jeune cadet dans
l'armée, était un adolescent de dix-sept ans, ayant un peu étudié
la musique, et s'appelait Huerta.
Tous deux associèrent leur inspiration, et dans une nuit de
fièvre ils enfant(>rent un chant auquel il donnèrent le nom du li-
bérateur, et qu'ils appelèrent V Hymne de Riego (ce qui n'est pas
de tout point conforme à l'assertion du dictionnaire Bouilkl, qui
prétend que cet hymne est l'œuvre du général Riego). L'Espagne
avait trouvé sa Marseillaise, et huit jours après, ce chaut, devenu
rapidement célèbre, retentissait dans les airs d'un bout à l'autre
du pays.
Mais on sait quels turent les résultats de la révolution espa-
gnole. En 1823, grâce à l'appui de la France, elle était vaincue
par Ferdinand VII, et celui-ci se vengeait, Dieu sait comment,
des humiliations qu'on lui avait fait subir. Riego était pendu
comme un malfaiteur, Quiroga se réfugiait en Angleterre, Evariste
San-Miguel s'en allait servir sous les ordres de Mina, et son col-
laborateur, le jeune Huerta, devait s'estimer heureux de pouvoir
franchir la frontière française. C'est ce dernir .seul qui nous inté-
resse.
Parvenu en France, il y fallait vivre. Huerta |)0ssédait une jolie
voix, une certaine pratique musicale; il vint à Paris, se fit chan-
teur et y obtint de grands succès, même auprès de l'aristocratie,
curieuse de voir, d'entendre et de connaître le jeune auteur du
chant national de l'Espagne. Huerta se rendit ensuite en Améri-
que, mais là, atteint d'une affection du larynx, il perdit complè-
tement la voix et fut obligé de se rejeter sur un instrument. Il
choisit la guitare, cet instrument démodé, et acquit un talent tel
qu'il la remit presque en honneur , et se fit comme guitariste une
énorme réputation. Huerta est, en effet, le seul guitariste du
monde, et plus d'une fois les colonnes de ce journal ont enregis-
tré ses succès.
Et cependant, après nombre d'aventures, Huerta, malgré ces
succès, est tombé, on l'a vu, dans une pauvreté lamentable. Son
pays, il faut l'espérer, ne le laissera pas dans cet état fâcheux. La
Révolution espagnole, dont nous n'avons pas à parler ici, a ra-
vivé sa popularité. Un demi-siècle après son éclosion, et après
avoir été interdit pendant tant d'années, l'Hymne de Riego vient
de reprendre son essor. L'Espagne ne peut moins faire pour son
chantre national, pour le pauvre Huerta, devenu vieux et mi-
sérable, que la France no fit, sous Louis-Philippe, pour Rouget
de Lisle.
-*
* *
« Dans l'Hymne de Riego, dit une notice que j'ai sous les yeux,
l'honneur est pour le musicien plus que pour le poëte. M. Jacques
Foule, dans son Recueil des chants nationaux des deux mondes, a
publié une traduction en vers français des vers espagnols. Cette
traduction est insuffisante à donner une idée du mouvement des
stances espagnoles. En voici, d'ailleurs, le premier couplet ;
Qu'une noble allégresse
Sur nos fronts apparaisse;
Chantons avec ivresse
Notre hymne audacieux.
Que, dans sa sympathie,
Le monde entier nous crie :
Le Cid, race aguerrie,
Est bien de vos aïeux.
» Cette traduction est assurément fort médiocre. La traduction
en prose de ce même couplet, telle que l'a donnée M. Audebrand
dans une bonne étude publiée, il y a quelques années, sur Huerta,
rend plus exactement la pensée du poëte espagnol :
» Joyeux, allègres, pleins d'audace, chantons, soldats, l'hymne
de la guerre ! Que la terre s'émeuve à nos accents; que le monde
admire en nous les fils du Cid. »
Nous citerons encore le couplet suivant d'après le même tra-
ducteur ;
i( Soldats, la patrie nous appelle au combat. Jurons pour elle
de vaincre ou de mourir. Jamais le inonde ne vit plus noble au-
dace; jamais n'a lui un jour plus grand en courage que celui où
nous fûmes embrasés du feu qui excitait en Riego l'amour de la
patrie. »
Le refrain est très-énergique :
(( Qu'il tremble, qu'il tremble, le méchant (Que tiembel que
342
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tiembe! que tiembcl el malvolo...), lorsqu'il verra briller la lance
du soldat. »
L'exemplaire de l'Hymne de liiego que j'ai sous les yeux n'est
qu'une simple transcription au piano, sans paroles. Il est fort
difficile de porter, dans de telles conditions, un jugement sur une
œuvre de ce genre. L'hymne est écrit en six-huit ; le refrain a de
l'accent, une certaine fierté d'allure, et ne manque pas de vigueur.
Des deux phrases qui forment sans doute la mélodie du couplet,
la première est assez vulgaire, la seconde a de l'élan, de la vi-
gueur, de la sonorité.
Le dessin général du morceau se meut dans l'espace d'une neuvième ;
il est très-simple et facile à chanter, qualité indispensable à une
production destinée à devenir populaire. L'originalité est ce qui
me semble faire le plus défaut à ce chant, qui d'ailleurs est bien
rhylhmé et dont le caractère n'est pas sans puissance.
JVIais c'est dans le forum, c'est sur la place publique qu'il faut
entendre un hymne national pour en pouvoir juger et en détermi-
ner le vrai caractère. Il faut qu'il soit entonné par des milliers de
voix, et soutenu par une instrumentation puissante et vigoureuse.
Faute de ce, je me garderai déporter ici un jugement quelconque
sur l'Hymne de Riego, et me bornerai aux courtes observations (pic
je viens de présenter à son sujet.
Arthur POUGIN.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
,*» La représentation extraordinaire de iAfrkaine donnée dimanche à
l'Opéra avait, comme toujours, attiré une grande affluencc, et le chef-
d'œuvre, parfaitement interprété par l'élite des artistes, a produit son
effet accoutumé. — Lundi, on a joué Hcrculanum. œuvre dans laquelle
Muies Marie Battu et Gueymard chantent en perfection les rôles de Lilia
et d'Olympia. — Mercredi HamUl et vendredi la Juive. — Deniaui, De-
voyod chantera pour la première fois le rôle de Giiil-laume dans Guil-
laume Tell.
:),% La réouverture du théâtre Lyrique a Vwu |>ar le Val d'Andorre, au
moment où nous mettons sous pretse.— Mlle Villrnic, chargée du rôle de
Thérésa, étant subitement tombée malade, la représentation courait le
risqui! d'être encore retardée si M. Pasdeloup n'avait eu l'heureuse idée
de s'adresser aux directeurs du théâtre de l'Opéra-Comique pour le tirer
d'embarras; MM. de Lenven et Ritt, faisant acte d'excellente confrater-
nité, se sont empressés de mettre ii sa disposition, jusqu'au rétablisse-
ment de sa pensionnaire, Mlle Révilly, pour chanter ce rôle de Thérésa
dont elle a été la créatrice. — Nous rendrons compte dimanche de cette
solennité. — Le Val (lAmlorrc sera d'ailleurs joué aujourd'hui comme
les jours de semaine. — Nous rappelons qu'on peut se procurer des billets
peur toutes les représentations du théâtre Lyrique chez les éditeurs de
musique Brandus, 103, rue de Richelieu, Flaxland et Crus. — On
annonce pour demain la reprise de Martha avec Mlle Devrics.
^"•^ On a repris au théâtre des Bouifes-Parisiens les Dâux Aveugles, ce
premier et populaire succès d'Oftenbach. Benhelier y reparaissait dans
le rôle de Giraffler, si heureusement créé par lui, et qui fut le point de
départ de sa réputation. — On prépare au même théâtre une éclatante
reprise des fîarorrfs, qui précéderaient un acte d'E. Jouas et une opérette
bouffe de Léo Delibes. — Désiré va faire sa rentrée dans Jean qui pleure
et Jean qui rit. — Enfin on a lu aux artistes une pièce en deux actes de
M. de Najac, musique de Dcffès. On voit que ce n'est pas l'activité qui
manque k la nouvelle direction, et elle en est d'ailleurs récompensée par-
l'affluence du public.
.. *^ Le théâtre des Variétés encaisse tous les soirs i,800 à 5,000 francs
avec la Périchote. Le beau monde en a promptement pris la route, et
nombreux sont les équipages de luxe qui stationnent à onze heures de-
vant le passage des Panoramas. — Les fils du vice-roi d'Egypte, avec
leur service d'honneur, assistaient à l'une des représentations de celte
semaine, et l'on y remarquait le maréchal Canrobert, M. Auber, M. de
Narischkin, etc. — Atin de prévenir un empêchement, tous les rôles ont
été étudiés en double et sont sus par les suppléants.
^*» Nous sommes heureux de pouvoir complètement démentir aujour-
d'hui le bruit qui avait couru de la mort de Mme Rose Bell, en Amé-
rique, bruit auquel nous n'avions ajouté qu'une foi médiocre. — A la date
du 30 septembre dernier, l'excellente artiste écrivait de New-York qu'elle
était en parfaite santé et qu'elle devait débuter le 5 octobre, cl en effet
son début a eu lieu ce jour-là dans la Grjnde-Duchesse, par laquelle
M. Grau a ouvert le nouveau théâtre français. La salle réunit tous le s
éléments de comfort pour l'espace réservé à chaque spectateur, et de sé-
curité pour l'écoulement rapide du public en cas d'incendie.
»% La Crnndc-Diichessc a conquis, dès le premier soir de ses repré-
sentations au théâtre de Brest, les sympathies dii public. M. Dupin et
Mlle Sézanne, dans les deux principaux rôles, ont droit à tous les éloges
pour le spirituel entrain de leur jeu, la fraîcheur de leur voix et l'exac-
titude de leurs costumes.
,** Comme à Nancy récemment, comme partout, du reste, les Dra-
gons de Villars viennent d'être revus à Strasbourg en provoquant les ap-
plaudissements unanimes du public. La pièce est parfaitement montée
et l'ensemble, sur lequel se détachent Mme Dupuy, MM. Rougé et -Ge-
nevois, est excellent.
**:,: L'activité déployée à Bordeaux par la direction Halanzier ne se
dément pas, et la physionomie du Grand-Théâtre présente avec celle de
l'année dernière un contraste saisissant. Bonne troupe, études suivies,
répertoire intéressant et varié, exactitude, toutes les branches des services
régulièrement a&surées, voilà ce dont il y a lieu de féliciter l'habile ira-
pre^sario. Aussi le public fréquente-t-il assidûment le théâtre, et l'ère des
scènes orageuses et des désastres financiers paraît-elle défînitivemeni
conjurée.
»*,^ Avant de partir pour Saint-Pétersbourg, le maestro Ricci a lu
avec les artistes et le chef d'orchestre Constantin, sa partition de Mon-
sieur Lapalisse. Cette lecture a produit un grand effet. — La pièce
pourra être représentée au mois de janvier.
»** Le poète Ivvan Turguenieff écrit en ce moment un nouveau livret
d'opéra pour Mme Viardot. Le sujet est emprunté aux cycles légen-
daires du Nord.
»*,» Fleur de Thé va être jouée au théâtre Michel, à Saint-Pétersbourg.
— L'opérette bouffe fait son chemin en Russie ; les journaux de ce pays
annoncent qu'on y traduit en langue russe Orphée aux Enfers et la Belle
Hélène, pour être représentés sur le théâtre de Kieff.
REVUE DES THÉÂTRES.
,*,j Le premier tirage des airs détachés de la Périchole a été enlevé le
jour même de la mise en vente. — La partition pour piano et chant
paraîtra cette semaine.
»*at Voici le programme du deuxième concert populaire de musique
classique qui sera donné aujourd'hui à 2 heures au cirque Napoléon,
sous la direction de J. Pasdeloup : 1» .^«rucnsee, tragédie de Michel Béer,
musique de Meyerbeer (Ouverture. — L'auberge du village. — Le Rêve
de Struensée . — Marche funèbre.— La Bénédiction.— Dernier moment.);
— 2° fragment de la symphonie Wallenstein (1" audition), de M. Jos.
Rhi'inberger ("Scherzo. Le camp. — Chanson des Orangistes du temps de
la réformation. — Sermon du capucin.); —3° symphonie en sol mineur
de Mozart (allegro. — Andaiite. — Menuet. — Finale.); — 4° entr'acte
des .Matins Chanteurs (méditation) de Richard Vi'agner; — 5° fragments
du septuor de Beethoven (Thème et variations. — Scherzo, finale), exécu-
tés par MM. Grisez (clarinette), Espeignei (basson), Mohr (cor) et tous
les instruments à cordes.
^*:i, Le concert donné vendredi à la salle Valentino, et qu'Arban avait-
appelé Festival Meyerbeer, a pleinement justifié cette qualification par
l'intérêt exceptionnel du programme, par l'habileté qui a présidé à l'ar-
rangement des morceaux el par l'excellence de l'exécution. Aussi, malgré
un bien mauvais temps, un public nombreux, un public d'amateurs — à
en juger par sa religieuse attention, — se pressait dans la splendide salle
de la rue Saint-Honoré, et couvrait de ses applaudissements la 3° Marche
aux flambeaux, les airs de ballet de Ilobert le Diable, la marche et les
airs de ballet du Prophète, mais particulièrement les belles fantaisies
d'Arban avec chœurs sur les Huguenots et VÀfrieaine, l'ouverture de
l' Étoile du Xord, la Polonaise de Struensée, etc. En fait de solistes, Arban,
sur un air varié du Crociato pour cornet à pistons, a soulevé un véritable
enthousiasme, et l'on a fort bien accueilli Mlle de Bannay, qui a chanté
avec beaucoup de sentiment et une belle voix l'air de «Grâce» de Robert
et très-dramatiquement le grand air du Prophète. --Le buste de Meyerbeer,
placé au pied de l'astrade, présidait à cette solennité. — Arban nous pro-
met pour vendredi le Festival Auber. — Il nous étonnerait bien que la
salle Valentino ne devînt pas, cet hiver, le rendez-vous à la mode de
tous les amateurs de bonne musique.
^*^ Les concerts Ullmann ont à peu près fait le tour de l'Europe. En
dernier lieu, Hambourg, Copenhague, Gothembourg, Stockholm ont ap-
plaudi la pléiade d'artistes réunis par l'habile imprésario: Carlotta
Patti, Vieuxtemps, Griitzmacher et Alf. Jaëll. Ce dernier, en particulier,
a récolté de nombreuses ovations; des bis fréquents lui étaient adressés,
et il a su constanmient tenir son auditoire sous le charme par sa bril-
lante et puissante exécution. Les œuvres de Mendeissohn ont été parti-
culièrement goûtées dans le nord de l'Europe. — Après un repos de
DE PARIS
dis.
quelques jours à Paris, la vaillante petite troupe ira visiter la Belgique.
— Carlotta Patti est aussi de retour.
*** L'éditeur Heu vient de mettre en vente les airs détaches, la par-
tition pour piano et chant, la partition pour piano seul et les parties
d'orchestre de l'Ile de Tulipatrin, d'Offenbach, qui obtient un grand suc-
cès au théâtre des Bouffes-Parisiens.
^*.j. Un nouveau journal artistique vient de paraître à Barcelone avec
ce titre original: Corre, vé y di le (Cours, va et dis-lui...). L'éditeur-
propriétaire est M. Eduardo de Canals, littérateur musical bien connu
dan.s cette ville.
:(,*, Un ouvrage posthume de Moritz Haiiptmann, l'auteur célèbre de
Natur der Harmonik und der Melrik, vient de paraître à Leipzig, chez
Breitkopf et Hœrtel; il est intitulé : Die Lehre von der Harmonik.
*** Depuis longtemps l'Orphéon de la ville de Paris et les Sociétés
chorales libres de la capitale espèrent, sur la foi d'un projet de la pré-
fecture de la Seine, avoir une salle spéciale pour leurs fêtes et leurs
réunions d'ensemble. Si les renseignements recueillis par le Moniteur de
l'Orphéon sont exacts, il pourrait bien se faire que les travaux de cet
édifice, dont les proportions .seront réellement monumentales, fussent
commencés dans un avenir très-prochain sur la place du Château-d'Eau,
à l'angle du boulevard Magenta.
.j,** Les Sociétés musicales de Grenoble viennent d'élire comme prési-
dent d'honneur M. Jules Monestier, compositeur dont les œuvres nom-
breuses et brillantes sont aujourd'hui populaires dans l'Orphéon français.
Un charmant bronze d'art a été, en outre, envoyé avec une dédicace
des plus flatteuses, à l'auteur de la Gaule romaine et de la Séparation
des Apôtres.
»% Dans la première semainede novembre s'ouvriront rue de Méuars, 8, les
cours d'instruction et de musique dirigés depuis quatre ans par les demoi-
selles Couchonnal. Cours de piano par M. Delioux ; de solfège par M. Emile
Durand; d'accompagnement par BI. Hamraer; de chant par Mme Ra-
baud-Dorus; d'orgue par M. Franck.— La partie scientifique est toujours
dirigée par Mlle» Couchonnal, avec le concours de M. Dupaigne, pour
les sciences, et de M. Thiodon pour l'anglais.
*% M. Adolphe de Groot ouvrira, le mardi 3 novembre, son Cours
d'harmonie à la succursale Pleyel, Wolf et C'°, 95, rue de Richelieu.
Le professeur y fera l'explication de la Théorie des Accords, de leur
enchaînement, etc., de telle façon qu'au bout de quelques mois ceux
qui suivront cet enseignement pourront, non-seulement se livrer à des
essais écrits, mais encore à des préludes improvisés, exempts de ces
fautes qui attestent une connaissance insuffisante des lois constitutives
de l'Harmonie.
^% L'excellent pianiste compositeur W. Kriiger est de retour à Paris,
et il s'est remis à la disposition de ses nombreux élèves.
i*,^ La réouverture des cours de chant et de solfège de M. Kœnig,
artiste de l'Opéra, aura lieu, à partir des 3 et S novembre , en son do-
micile, 13, rue Neuve-Coq uenard.
;j;** Un violoniste et compositeur distingué, M. Antoine-Auguste Bes-
sems, est décédé lundi, à l'âge de 62 ans. Ses obsèques ont eu lieu
mercredi au milieu d'un grand concours d'artistes et de gens du monde.
sf*^ Les grandes fêtes champêtres du Pré-Catelan seront clôturées cette
année par un magnifique Festival militaire, qui promet merveilles. Pour
la première fois, les SI" et 62" régiment de ligne joueront la Pamola et
le Cocoyer, airs mexicains de l'effet le plus pittoresque. Deux retraites
nouvelles : la retraite Espagnole, et la retraite des Chasseurs exécutées
avec 300 tambours , fifres et clairons couronneront le Festival d'au-
jourd'hui, qui marquera comme le plus brillant dans les plaisirs de
l'été 1868.
ET R A N G E R
.^*,jii Londres. — Le concert du 10 octobre, au Crystal Palace, offrait
l'intérêt de plusieurs nouveautés; mais on leur a fait un accueil peu
encourageant, sauf au fragment de l'opéra de Reinecke, le Roi Manfred,
qui a été très-goùté. La marche des Maîtres Chanteurs, de Wagner, et
une scène intitulée Concert-.iria, de Hager, ont rencontré de l'indifl'é-
rence, et même de l'hostilité. Le violoniste Carrodus a été très-applaudi
dans un solo de Ernst. — La reconstruction du théâtre de Sa Majesté
marche rapidement; on compte pouvoir en faire l'inauguration au mois
d'avril prochain. — Une utile précaution vient d'être prise par M. Ma-
pleson pour le corps de ballet de son théâtre : les robes des danseuses
seront désormais imprégnées de iungslate, solution C(iii aura la propriété
de les préserver du feu et de leur conserver longtemps leur éclat et leur
fraîcheur.
,*^ Bade. — Sur le désir exprès de S. M. le roi de Prusse, on a
donné, le li, les Huguenots, avec Mlle Orgéni. Cette jeune artiste, qui
s'est vite conquis une honorable place en Allemagne à côté des Lucca
et des Mur.ska, a joué et chanté le rôle de Valentine de façon à trans-
porter son public, un vrai public de connaisseurs. L'art du chant n'a
plus de secrets pour elle, et elle est devenue en peu de temps une ac-
trice consommée; l'expérience des planches a achevé ce qu'avait com- '
mencé l'admirable enseignement de Mme Pauline Viardot. Son aristocra-
tique auditoire lui a prodigué les applaudissements, les rappels et les
fleurs.
^*^ Cologne. — Le premier concert du Giirzenich est fixé au 20 octobre.
— MM. Bcsekirsky, le violoniste russe, Camille Saint-Saëns, et le pia-
niste Cari Tausig sont engagés pour la première .série, qui se termine
à Noël.
«** Leipzig. — Le second concert du Gewandhaus a eu lieu le IS.
M. Camille Saint-Saons, qui y a exécuté son concerto de piano en sol
mineur, a été mieux accueilli qu'au précédent, où Perd. David avait
joué son concertsitick pour violon. On a surtout applaudi le second mor-
ceau, un charmant allegro scherzando. Après une barcarolle de Chopin
et la polonaise op. 89 de Beethoven, rôminent virtuose, répondant à- un
rappel du public, a ajouté au programme une bourrée de S. Bach. —
Mlle Wilhelmine Rilter, de Munich, a fort bien chanté des fragments du
rôle de Titus de Mozart et du Mitrane de Russi.
*% Berlin. — On a repris avec succès le 18, à l'Opéra, VÉtoile de
Touran, de Richard Wiierst, avec Pauline Lucca et Nieniann. — Le
théâtre de Friedrich-Wilhelmstadt a donné, au bénéfice de Mlle Clara
Ungar, la première représentation d'une opérette-boufle de Rossenberger,
Ariane à Maxos. Tout le talent des acteurs n'a pas réussi à sauver cette
nouvelle liurleske d'un naufrage complet. — Ant. Rubinstein commencera
cette année par Berhn ses voyages artistiques; il annonce un concert à
la Singacademie dans les premiers jours de novembre.
,:** Vienne. — L'Orphéon viennois (Mîennergesangverein), dirigé par
Herbeck, vient de fêter avec beaucoup d'éclat son premier jufcjte, ou le
vingt-cinquième anniversaire de sa fondation. L'intérêt artistique de cette
solennité se concentrait sur le festival du 11 octobre, qui a été vraiment
splendide. Celte admirable Société a exécuté awc un ensemble, une
justesse et une entente des nuances peu communes, même en Alle-
magne, des œuvres de Liszt (18= psaume); Schubert (quintette de l'opéra
le Comte de Gleichen); Mendelssohn, Schumann, Fr. Lachner (qui a di-
rigé lui-même son chœur Abendfriede) , Herbeck, Weiawurm, etc. L'em-
pereur, deux archiducs, les ministres, plusieurs généraux, le corps mu-
nicipal viennois étaient présents. Les Sociétés chorales allemandes de
New-York avaient envoyé des députés. — La cérémonie de l'inauguration
du monument à la mémoire de Schubert a eu lieu le lendemain 12 oc-
tobre; la Société a clianté le chœur de ce maître inunortel, la Nuit.
Les autorités municipales présidaient la fête. Des discours ont été pro-
noncés, et le tout s'est terminé par un grand concert vocal auquel ont
assisté trois mille personnes.
^% Prague. — Au théâtre tchèque, on a donné la première représen-
tation d'un opéra en cinq actes du second chef d'orchestre Schebor, inti-
tulé la Fiancée hussite. Cet ouvrage, où l'auteur a fait preuve d'un véri-
table talent, a beaucoup plu au public.
^% Milan. — La direction de la Scala n'a donné qu'une des six re-
présentations qu'elle se proposait d'offrir à S. M. l'impératrice de Rus-
sie; Mme Ferni, malade, n'a pu aller plus loin, et c'est à peine si elle
a trouvé la force de chanter une fois Norma, où cependant elle a été
chaleureusement applaudie, ainsi que Pancani.
^*^ Florence. — On répète à la Pergola le Prophète, qui sera prêt à
être représenté à la fin du mois. — Au théâtre Niccolini, l'imprésario
Meynadier monte la Grande-Duchesse; le principal rôle est réservé à
Mlle Borghèse, dont Milan se souvient avec plaisir.
^''^ Bologne, -r Le nouveau Barbiere de Dali' Agine sera exécuté
par la Contarini, le ténor Marin, le baryton Sparapani, la basse Mare
et le buffo Mattioli Alessandrini.
^*^ Madrid. — On a dû reprendre, le 20, l'Africaine avec Mlle Reboux,
Tamberlick et Boccolini. Nous en reparlerons.
^*^ Borcetone.— Voici les éléments de la troupe italienne du Liceo :
Mmes Giovannoni-Zacchi, Federici, Antonioli, Alemani, soprani; Rossi-
Lana, contralto; MM. Steger, Garibay, Bicchielli, ténors; Squarcia, Mauro-
Zacchi, barytons; Derivis, Marchetti, "Vives, Cancellotti, basses. — La
saison a été inaugurée le 15 avec Guillaume-Tell, chanté par Steger,
Squarcia et Mme Ruggero-Antonioli.
s. UUFOUR.
Maestro E. IMCUZZO,
Maestro di bel canto.
S'adresser pour les leçons : rue de Luxembourg, 5, au i"
344
RKVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAKIS.
EN VENTE
Chez BRANDUS et DUFOUR, éditeurs, 103, rue de Richelieu.
OPÉRA-BOUFFE EN DEUX ACTES,
Paroles de MM. Henri Meilhac et Ludovic Halévy,
Musique de
J. OFFENBAGH
rODVERTORE. ARRANGÉE POUR EE PIANO
Les Airs de Chant délachés avec accompagnement de Piano
ACTE l".
1 . Chanson des trois cousines, chantée par Mlles Le-
P'aiid, Carlin et Renault : Promptes à serrir la
pratique S «
2. Couplets DE l'incognito, ctiaiités par M. Grenier: Sans
en rien soxifjler à personne 3 »
3. L'Espagnol et la jeune Indienne, complainte, chan-
tée par Mlle Schneider et M. Dupuis : Le conqué-
rant dit à la jeune Indienne 4 50
3 bis. La même, à une voix et transposée un ton et demi
au-dessous 4 «
4. Le Muletier et la jeune personne, séguedille pour
SOIRÉES, chantée par Mlle Schneider et M. Du-
puis : Vous a-t-on dit souvent : Ecoulez-moi, la pile o »
5. La Lettre de la Périchole, chantée par Mlle Schnei-
der : O mon cher amant, je te jure 3 "S
5 his La même, transposée un ton au-dessus 3 "5
6. Griserie-Ariette, chantée par Mlle Schneider : Ah!
quel diner je viens de faire 3 »
6 his. La même, transposée un ton au-dessus 3 »
7. Duetto DU mariage, chanté par Mlle Schneider et
M. Dupuis : Je dois vous prévenir. Madame ... 6 »
50
3
acte II.
8. Cancans-Couplets, chantés par Mlles Julia, Benard,
GiM\ ier et Lalour : On vante partout son sourire .
9. Les femmes, il n'y a qu'ça! couplets, chantés par
M. Dupuis : Et là, maintenant que nous sommes
seuls
9 his. Les mêmes, transposés un ton et demi au-dessous .
10. Que les hommes sont bêtes! couplets, chantés par
Mlle Schneider : Que veulent dire ces colères ? .
10 bis. Les mêmes, transposés un ton au-dessus 3 »
11. La présentation, rondo de bravoure , chanté par
M. Dupuis: Ecoule, 6 roi! je te présente 3 75
l'a. Ronde des maris ré..., chantée par M. Grenier: Con-
duisez-le, bon courtisan 3 »
13. Duo DES BIJOUX, chanté par Mlle Schneider et M. Gre-
nier : Monniciir le marchand, qu'avez-vous. ... 7 50
13 his. Extase, chantée par Mlle Schneider: Ah\ que
j'nime (es diamants 3 »
14. Final-Séguedille, chantée par Mlle Schneider et M.
Dupuis : Un roi, se promenant, trouva certaine
femme 4 »
Les Airs de Chant sans accompagnement, format in-8°, chaque net, 50 c,
Fantaisie brillante pour le Piano par E. Ketterer
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REVUE
l'' Novembre 1868.
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Départements, Belgique et Suisso 30 m il.
Étranger 34» idl.
Le Journal parait le Dimanche .
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Théâtre Lyrique iiDpérial: Réouverture, par Armand Croa-
zleu . — Théâtre des Folies-Dramatiques : Chilpéric, opéra-bouffe en trois actes
paroles et musique de M. Heré. — Léon Kreutzer (1" article), par Ai-thur
Paulin. — Ministère de la maison de l'Empereur et des beaux-arts, diiec-
tion générale des théâtres, avis. — Revue de» théâtres, par O. A. II.
Nniiii-VieN. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. —
Annonces.
THEATRE LYRIQUE IMPERIAL.
Rëoiiverture.
Le théâtre Lyrique a enfin rouvert ses portes. Ce n'a pas été
sans secousses, on le sait, et c'est une épopée aussi compliquée
qu'instructive que celle « de la mort et de la résurrection d'un
théâtre sérieux en l'an d'opérette 1868. » Aujourd'hui que cette
épopée, dont les journaux ont publié des fragments plus ou moins
authentiques, — en prenant des airs plus ou moins renseignés,
— est à peu près oubliée , quelques-uns en attaquent le dénoû-
ment et le trouvent insuffisant et banal. Tant de bruit, disent-ils,
pour en arriver au Val d'Andorre et à Martha, une pâle reprise
d'une pâle partition et un opéra usé par la précédente direction.
Il faudrait, ce nous semble, être moins sévère et plus juste, et ne
point regarder comme définitif un résultat que nous trouvons fort
extraordinaire, pour avoir été presque improvisé.
Tout était à refaire, en effet, dans ce théâtre que semblait ha-
biter la mauvaise chance ; il fallait infuser un sang artistique
nouveau dans les veines de cette malheureuse scène moribonde,
et, en quelques mois, y ramener la vie. Eh bien ! la vie est re-
venue, mais (pour continuer cette vieille comparaison) il serait
injuste d'exiger des prodiges de force d'un convalescent.
Que les impatients se rassurent, le nouveau directeur connaît
et pratique l'éternel précepte du sage :((le temps n'épargne pas ce
qui se fait sans lui. »M. Pasdeloup marche prudemment et prépare
.sûrement l'avenir décisif de sa difficile entreprise. Nous ne nous
défendons pas d'une très-vive sympathie pour le fondateur des
concerts populaires, qui n'a pas voulu abandonner l'œuvre com-
mencée, et qui trouve dans son exubérante activité le moyen de
mener de front ses concerts classiques, sa direction d'une divi-
sion de l'Orphéon de la ville, et de guider vers un but longue-
ment médité son entreprise théâtrale, ouvrant à la fois au public
les trois portes du temple : la symphonie, l'opéra et le chant
choral populaire.
Ce qu'il a obtenu jusqu'ici au théâtre Lyrique est bien fait
pour justifier les sympathies acquises à son labeur; en quelques
mois, il a créé une de ces troupes d'ensemble qui n'existent plus
depuis que le système des étoiles a ruiné les directeurs et détruit
l'homogénéité d'exécution. Il a fait ce qui a consolidé le succès
dans un de nos théâtres de comédie : il a créé un Gymnase lyrique.
De même que la main expérimentée de M. Montigny touche à tout
et remet chaque artiste à son plan, au profit d'une interprétation
d'ensemble, celle de M. Pasdeloup s'est tantôt posée sur le clavier
durépétiteur, tantôt elle a pris l'archetdu chef d'orchestre, en mettant
ensuite à sa place normale chaque chanteur pour arriver aune fusion
complète. Cela se sent jusque dans les plus minces détails d'exé-
cution, et c'est là un de ces tours de force dont il faut bien tenir
compte à un directeur qui a eu tant de difficultés à surmonter.
Deux soeurs, dont l'une avait fait une apparition du temps de
M. Carvalho, au théâtre Lyrique, toutes deux élèves de Duprez,
Mlles Devriès, se sont fait apprécier du public dans les rôles de
Martha et de Rose de Mai, par des qualités différentes.
L'une d'elles, l'aînée, croyons-nous, a fort convenablement chanté
le rôle de Martha, qui fut, sur cette même scène, une des bonnes
créations de Mlle Nilsson ; ce qui lui manque, c'est une voix égale
ne se brisant pas à chaque changement d'octave ; ce qui lui nuit,
c'est une certaine insuffisance de la respiration qui donne à sa
voix quelque chose de haletant, surtout dans les andante. Ainsi,
dans la «romance de la Rose)> oîi il est de tradition de lier la fin de
la première phrase à la reprise du début, on s'apercevait de cette
difficulté à la première note mal assurée de la reprise ; ce que cette
artiste possède, c'est un sentiment très-délicat et très-distingué,
qui saura se montrer avec plus d'avantages encore, lorque la fai-
blesse d'une nature à peine développée aura été vaincue.
Mlle Fidès Devriès a débuté dans un rôle qu'elle a appris , dit-
on, avec une extrême rapidité et une facilité qui fait l'éloge de ses
qualités de musicienne, et ce rôle n'est pas précisément celui de
l'emploi qu'elle est appelée à tenir, quand l'autorité du talent l'aura
346
REVUE ET GAZEITE MUSICALE
classcie à son véritable rang. Ce rôle, qui fut écrit pour Mlle Darcier,
est plutôt un rôle de comédienne qu'un rôle de chanteuse, et la
jeune artiste y a fait preuve de beaucoup d'intelligence; un peu
trop de zèle parfois donne ;\ son jeu une exagération qui n'est pas
favorable à sa beauté régulière, et à ses gestes saccadés une gau-
cherie que fait encore ressortir la distinction naturelle de l'attitude.
Ce sont L\ défauts de débutante encore intimidée et qui essaie,
par ces mouvements un peu déréglés, de détourner son émotion;
l'assurance viendra , et M. Pasdeloup pourra , croyons-nous , tirer
un excellent parti de sa nouvelle pensionnaire.
M. Monjauze s'est acquitté de son rôle avec son talent ordi-
naire.
Lutz avait déjà fait ses preuves devant le publie du théâtre Ly-
rique; mais le rôle de Jacques Sincère, — l'un des plus beaux fleu-
rons de la couronne de Baltaille, — était une lourde t-âche. Sous le
rapport de la voix, il s'en est tiré à son honneur, mais il laisse à
désirer comme comédien. — M. Bosquin joue et chante avec cons-
cience, et la main dirigeante dont nous parlions l'a placé
à son vrai plan. Mlle Daram fait des progrès, elle rendra de
grands services; c'est une artiste sur laquelle on peut compter.
— Dans les rôles où il faut un peu de chant et d'habitude scénique ,
Mlle Ducasse sera fort utile. — Qui ne se rappelle Jourdan dans le
rôle de Saturnin? M. Verdellet s'y montre bien insuffisant et ne
fait pas oublier son devancier.
Enfin nous avors retrouvé la bonne et joyeuse figure du compère
Meillet, un précieux et sympathique chanteur, qui est aussi un
fort amusant comédien plein de rondeur et de bonhomie. — A pas
mal d'années de distance, malheureusement, 3Ime Révilly, gra-
cieusement prêtée par l'Opéra-Comique , a repris ce rôle de Thé-
résa, l'une de ses bonnes créations, et s'y est montrée l'excellente
artiste que nous connaissons.
Ce n'est pas pour diminuer d'autant le mérite du nouveau chef
d'orchestre, mais on sent que « l'entraîneur, » si l'on peut em-
ployer ce mot spécial, a été celui des concerts populaires; il est le
commandant en chef qui a tracé le plan de la bataille. M. Mangin
est le général qui a gagné la victoire.
En un mot, il y a beaucoup à attendre de cette troupe et de cet
orchestre d'ensenible, et nous croyons les beaux temps du théâtre
Lyrique enfin revenus. L'art en profitera.
Armand GOUZIEN.
ÏHÉÀTBE DES FOUES-DBÂIÂTIQDES.
CHULPÉRIC,
Opéra-bouffe en trois actes, paroles et mmiquc de M. Hervé.
(Première représentation le 2i octobre 1868.)
S'il est des circonstances où il soit vrai que la critique perd ses
droits, c'est à coup sûr lorsqu'il s'agit de ces pièces qui sont en
dehors de toutes les règles reçues , comme l'Œil crevé ou Chil-
péric. Il faut les accepter les yeux fermés, et attendre tranquille-
ment l'arrêt du public, sans essayer de le lui dicter. Les spectateurs
lettrés des premières représentations sont en cette matière des
juges d'une incompétence reconnue, et il se passera encore du
temps avant qu'ils puissent faire ployer leur raison sous le joug
de ces capricieuses fantaisies, ennemies-nées de la logique et du
sens commun. Le monde des oisifs est moins susceptible ; pourvu
qu'on lui arrache, n'importe à quel prix, un bon gros éclat de
rire, il est satisfait, et comme, en définitive, c'est pour ce monde
là surtout qu'on fait les pièces, s'il est content, le but est atteint.
On nous permettra néanmoins d'avoir notre opinion personnelle
sur la dernière œuvre d'Hervé, et de trouver qu'elle n'a, à cer-
tains égards, ni l'imprévu excentrique, ni l'insanité originale de
l'Œil crevé: Cela vient peut-être de ce que, selon nous, les faits
de l'Histoire de France se prêtent difficilement à une parodie irré-
vérencieuse qui n'a aucune portée avec des personnages de con-
vention. Est-ce que Voltaire lui-même n'a pas échoué dans son
indigne travestissement de la vierge de Domrémy? On a beau
faire, il n'est pas aisé d'exploiter, sous forme de facéties, les som-
bres aventures de ce Mérovingien continuellement en échange de
trahisons avec ses frères, et de sa maîtresse Frédégonde montant
au trône sur le cadavre de la reine, sa rivale. Cela manque de
gaieté, et nous ne comprenons pas le choix d'un pareil sujet quand
on n'a qu'à se baisser pcTnr en prendre un autre.
C'est ce qui explique, toujours selon nous, l'embarras de l'au-
teur dans la première partie de sa pièce, dont le début rappelle
celui de Norma_, et n'a pas l'air d'être la préface d'un opéra
bouffon. Après tout, c'est peut-être un calcul pour faire ressoitir,
par l'effet du contraste, la suite de l'action. Quelques détails co-
miques égaient cependant cette exposition , et nous remarquerons
en passant qu'ils sont empruntés au règne animal. Chilpéric fait
son entrée et chante sa première cavatine sur un superbe cheval
blanc ; le médecin de la cour chevauche à sa suite sur une bour-
rique noire,, et de la carnassière d'un grand officier s'échappe un
cliat roux. A travers cette oUa podrida de quadrupèdes, Chilpéric
rencontre Frédégonde dans une forêt consacrée au culte des
druides: il en tombe amoureux et l'emmène au palais.
Au deuxième acte, Galsuinthe arrive d'Espagne pour épouser
Chilpéric, et ce monarque volage met à la porte Frédégonde, qui
opère son déménagement dans une voiture à bras poussée par le
docteur Ricin. Pour le coup, nous revoilà en pleine fantaisie, et
le bénéfice de l'acte des druides se fait sentir, comme nous l'avions
prévu, par opposition.
Se charge ensuite qui voudra d'éclaircir les impénétrables mys-
tères de la chambre nuptiale. Qu'on n'attende pas de nous ce tour
de force. Nous sommes comme le docteur Ricin qui, métamorphosé
tout à coup en guerrier, ne veut pas même qu'on lui demande
comment il se fait que, dans l'espace de cinq minutes, il ait pu se
passer tant de choses. Si on les comprenait, elles ne seraient plus
drôles.
Faisons maintenant à Hervé la part du musicien ; elle est claire,
celle-là, et nous ne craignons pas de nous y tromper. On retrouve
dans cette nouvelle partition les qualités principales qui le distin-
guent. Seulement, ainsi que nous le disions au début, soit qu'il
ait voulu montrer qu'au besoin il écrirait de la musique sérieuse,
soit qu'il ait voulu mettre en relief les morceaux du genre bouffe,
on y rencontre des contrastes remarquables, entre autres le chœur
des Druides, au premier acte, qui doit être bien étonné de se
trouver-là.
Dans le genre mixte, nous signalerons la Légende de Chilpéric,
chantée par Frédégonde sur un joli motif de valse qu'on a rede-
mandé.
Nous aimons moins la chanson du Jambon de Pharamond, que
Chilpéric chante sur son cheval blanc. Il faut encore mentionner
dans ce premier acte le duo entre Chilpéric et Frédégonde et un
finale que nous désignerons sous le nom de finale des parapluies,
parce que tous les personnages, exposés aux cataractes du ciel, le
chantent à l'abri de parapluies de toutes couleurs.
Comme paroles et comme musique le deuxième acte est le
meilleur des trois. Il s'ouvre sur un chœur de pages, gracieux,
avec strophes pour chacun des chanteurs ou plutôt des chanteuses.
DE PARIS.
347
car, selon l'usage invariable, les pages sont représentés par de
jeunes et gentilles femmes. On a applaudi, et avec justice, la chan-
son du Papillon bleu, et des couplets bouffes que le docteur Ricin
fait bien valoir et qui ont eu les honneurs du bis; il en a été de
même du duo des Adieux entre Chilpéric et Frédégonde. Enfin,
l'ensemble du dénoûment de cet acte, dans lequel est placé l'air
chanté par Galsuinthe , avec accompagnement de castagnettes, se
termine heureusement.
Le troisième acte est long, au point de vue musical ; le grand
air de Frédégonde y est de trop, et il serait encore suffisamment
corsé avec le chœur bachique, un autre chœur que l'on chante
dans la coulisse, un agréable boléro, et, enfin, le chœur guerrier
du dernier tableau.
On sait que l'artiste chargé du rôle de Chilpéric ayant été atteint
d'une indisposition subite à la fin des répétitions, c'est Hervé lui-
même, déjà auteur et compositeur, qui l'a remplacé comme acteur;
on n'a pas trouvé, il faut bien le dire, que l'exécution eût gagné
à cette substitution.
Mlle Blanche d'Antigny, que le Palais-Royal a prêtée généreuse-
ment aux Folies- Dramatiques, est une fort belle personne qui
est bien plus éblouissante par ses diamants que par sa voix.
A cela près, elle s'acquitte convenablement du rôle de Frédégonde.
— Milher, le gendarme de rOE (7 crevé, est amusant sous les traits
du docteur Ricin. — A un moindre degré d'importance, Chaudesai-
gues, Béret, Mendasti, Mlles Berthull, Jullien, Cuinet, Massue, con-
tribuent au bon ensemble de la représentation. N'oublions pas un
rôle de majo Espagnol qui est joué par Monroy.
M. Moreau-Sainti, le directeur des Folies-Dramatiques, a fait
pour Chilpéric des frais énormes de mise en scène ; costumes,
décors, accessoires, tout est d'une richesse fabuleuse
D.
lÉON KREDTZER.
(Premier article.)
La Revue et Gazette musicale ne faillira pas à la promesse qu'elle
a faite à ses lecteurs, qu'elle s'est faite à elle-même, d'apprécier ici
la vie et de retracer les travaux d'un de ses plus anciens et de ses
plus précieux collaborateurs. A partir de l'année 1842, Léon
Kreutzer fut en etfet l'un des rédacteurs les plus assidus de ce
journal, et si, dans ces derniers temps, il avait fait trêve à ses
travaux de critique pour se livrer d'une façon plus complète à la
composition (il n'avait conservé que le feuilleton musical de l'U-
nion, qu'il partageait même avec un collaborateur), on n'a pas
oublié les solides études qu'il a publiées dans ces colonnes sur la
Damnation de Faust de Berlioz, et sur l'Élie de Mendelssohn, non
plus que son excellente série d'articles sur l'Opéra t?! Europe, et
ses comptes rendus si sincères et si remarquables des séances de
la Société des concerts du Conservatoire.
Léon Kreutzer était doué d'une 'intelligence vaste et diverse,
rehaussée par une instruction solide, pratique et variée. Musicien
profond et très-expérimenté, né et élevé dans un milieu extra-ar-
tistique, ses connaissances théoriques étaient relevées encore par
un rare savoir littéraire et par la possession de plusieurs langues,
avantage inappréciable pour qui veut s'occuper d'études critiques
et historiques concernant un art ou une science quelconque. Très-
versé dans les littératures étrangères, l'esprit étendu par le fait
des voyages fréquents que sa position de fortune lui permettait
d'effectuer, il possédait toutes les qualités nécessaires pour faire
un critique excellent et respecté. Sa mort, on l'a déjà dit, laissera
un vide difficile à combler parmi les juges les plus autorisés en
matière musicale, d'autant que, plein de respect pour son art, il
éprouvait une haine profonde pour les vulgarités qui semblent
passionner le public bien plus que les grandes œuvres et les no-
bles conceptions. Mais n'anticipons point sur la marche des choses,
et commençons le récit de la vie, d'ailleurs peu accidentée, de
cet artiste distingué.
« Bon chien chasse de race, » dit la sagesse des nations. A ce
compte, Léon Kreutzer ne pouvait faire autrement que d'être un
excellent musicien. Son oncle, Rodolphe Kreutzer, qui fut chef
d'orchestre à l'Opéra et directeur de la musique de ce théâtre, qui
se fit connaître par la musique de plus de trente opéras parmi
lesquels plusieurs obtinrent un très-grand succès, Astyanax, Aris-
tippe, la Mort d'Abel, Paul et Virginie, Lodoiska, Charlotte et
Werther, le Petit Page, l'Homme sans façons, etc., fut aussi un
virtuose des plus remarquables et l'un des plus grands violonistes
dont la France puisse s'enorgueillir; professeur au Conservatoire
dès la fondation de cet établissement, il y forma un grand nombre
d'élèves dont la plupart reproduisirent les qualités de son jeu élé-
gant et chevaleresque. Quant à son père, Auguste Kreutzer (1),
c'était aussi un violoniste habile, qui s'essaya dans la composition
instrumentale, et qui succéda à son frère comme professeur au
Conservatoire. On conçoit que Léon Kreutzer, élevô dans un tel
milieu, suça en quelque sorte l'amour de l'art par le seul fait de
ses attaches et de ses fréquentations. Ce n'est pourtant point le
violon qui l'attira, et c'est comme pianiste qu'il se fit une réputa-
tion de virtuose, d'ailleurs renfermée, depuis longues années, dans
un cercle d'intimes amis.
Léon-Charles-François Kreutzer naquit à Paris, le 23 septem-
bre 1817. Après avoir étudié, sans doute avec son père, les prin-
cipes du solfège, il fut placé sous la direction d'un artiste nommé
Flèche, qui remporta un premier prix de piano au Conservatoire
en 1830, et travailla avec lui cet instrument. Il reçut ensuite des
leçons de composition de M. Benoist, l'excellent professeur d'or-
gue. « A vrai dire la plus solide instruction musicale de Léon
Kreutzer, dit M. Fétis, fut puisée dans ses lectures de partitions et
de livres relatifs à l'art, dans la comparaison des productions d'épo-
ques différentes et du style des maîtres. Ces études, faites dans
l'isolement, ont donné pour résultats à l'artiste des théories esthé-
tiques et des vues sur l'art toutes personnelles, indépendantes et
peut-être un peu trop exclusives. Epris d'un amour passionné
pour l'art pur, il n'a point transigé avec le fait des succès de vo-
gue et des entraînements de la mode. Poussant môme à l'excès
son penchant pour le sérieux et sa haine du frivole en musique,
il n'a pu éviter, comme critique, une certaine roideur d'opinions
qui, parfois, a faussé ses jugements. » Cette dernière réflexion est
exacte, — à mon sens, du moins , car je ne prétends imposer
mes opinions à personne, — et la haine du banal a poussé par-
fois Léon Kreutzer à l'expression de théories étranges, qui ne
s'arrêtaient qu'aux dernières limites de ce qu'on est convenu
d'appeler la « musique de l'avenir. »
Dès sa première jeunesse, il s'appliqua à la composition, et pro-
duisit une quantité considérable d'œuvres diverses, soit vocales,
soit instrumentales , qui se faisaient déjà remarquer par une
grande pureté de forme et de facture, une fantaisie aimable et
une rare élégance. Il commença aussi à se faire connaître comme
(1) Pressé par l'heure, n'ayant point de documents sous la main, et
obligé d'écrire un article à l'aide de mes seuls souvenirs, .j'ai fait moi-
même une confusion et dit dans un autre journal, lors de la mort de
Léon Kreutzer, que cet artiste était fils de Rodolphe et neveu d'Auguste,
tandis que c'est le contraire qui est la vérité. La notice de M. Félis est
fort exacte sous ce rapport.
348
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
virluose, et obtint des succès très-mérités sous ce rapport. Enfin,
à pc ne âgé de vingt-trois ans, il se lança dans la critique et fut
chargé du feuilleton musical, non, comme on l'a dit à tort, de
l'Union, qui n'existait pas encore, mais de la Quotidienne (1).
Presque aussitôt, et comme nous l'avons dit, il devint l'un des
collaborateurs assidus et remarqut^s de la Revue el Gazette musi-
cale, où ses premiers travaux le mirent immédiatement hors de
page.
Ces Études de critique n'occupèrent pourtant point tellement son
esprit qu'elles lui fissent délaisser la composition. Mais le genre
de son talent el la nature de son caractère, naturellement fier et
un peu poussé à la misanthropie, empêchèrent la vive expansion
de ses oeuvres musicales. « Pourquoi ces œuvres, s'écriait der-
nièrement M. Delphin Balleyguior dans les lignes qu'il a consa-
crées à Léon Kreutzer, si elles sont originales, inspirées, bien écri-
tes, n'ont-elles pas été jusqu'au public? Parce que d'abord M. Léon
Kreutzer a débuté dans un moment où la musique classique était
loin de jouir de la faveur générale, ce qui fa sans doute décou-
ragé, et qu'ensuite il eût fallu trop de pas et de démarches pour
décider ceux qui tiennent les orchestres sous leur domination à
essayer ses ouvrages, et que solliciter était contraire à sa na-
ture. Nous avons cependant entendu, il n'y a pas longtemps, son
introduction de la Tempête de Shakspeare, et nous sommes quel-
que peu surpris que ce morceau, qui ne le cède en rien aux
plus belles œuvres de Mendelssohn, et qui est gravé, ne fasse pas
partie du répertoire des Concerts populaires de musique classi-
que. »
Il est vrai que la forme très-classi(iue des premières composi-
tions de Léon Kreutzer était loin d'être une recommandation aux
yeux du public français d'il y a vingt-cinq ans. A cette époque,
on le sait, les œuvres sérieuses n'étaient point l'atiaire du grand
nombre, et les programmes des concerts parisiens étaient exclusi-
vement composés de « fantaisies » ou de « transcriptions » ins-
trumentales, d'un ou deux airs légers d'opéra, et d'une véritable
cargaison de romances et même de « scènes comiques, » ainsi
qu'on appelait alors les chansonnettes dialoguées, apanage de
MM. Levassor, Achard, Chaudesaigues et Malézieux.
Venu au monde vingt ans plus tard, Léon Kreutzer, protitant
de la réaction qui s'est opérée depuis quelques années, grâce à des
efforts intelligents et réitérés, eût atteint sans nul doute le suc-
cès, et se lut acquis une grande et légitime réputation. Mais, dans
ces derniers temps, il semblait déjà las et fatigué, et s'il pro-
duisit en public, il y a un ou deux hivers, quelques-unes de ses
œuvres, le bon accueil qu'elles reçurent ne l'encouragea pas à de
nouveaux efforts.
Arthur POUGIN.
{La suite prochainement.)
OIinSTÈRE DE L& IBÀISON DE L'EHPEREUB
ET DES BEAUX-ARTS-
BJRECTION GÉNÉRALE DES THÉÂTRES.
ATIS.
Le concours institué au théâtre Lyrique impérial pour la com-
(t) L'Union naquit vers 1846, si je ne me trompe, de la fusion de
trois journaux légitimistes : la France, la Quotidienne et l'Echo français.
Dès la création de la nouvelle feuille, Léon Kreutzer y prit place comme
critique musical, conservant ainsi les fonctions qu'il remplissait à la
Quotidienne.
position d'une œuvre musicale, a été clos définitivement avant-
hier yo octobre.
Les compositeurs qui y auront pris part sont invités à se réunir
le mardi 3 novembre prochain, à une heure, au ministère de la
Maison de l'Empereur et des Beaux-Arts, dans le cabinet du di-
recteur général des théâtres, pour élire eux-mêmes le jury chargé
de juger les partitions et les poëmes envoyés au concours.
[Is seront admis sur la présentation du titre de leur poëine et
de l'épigraphe annexée à leurs manuscrits.
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : reprise de Mcrcadcl, de Balzac— Odéon : le Comité de
lecture, comédie en un acte et en vers de M. Léon Bertrand.— Gym-
nase : Thérèse Ilumhert, comédie en trois acies, par M. Armand Du-
rantin; Suzanne et les deux Vicillifds, comédie de M. Henri Meilhac.
Vaudeville : Où l'on va, comédie on trois actes, par Mme Charlotte
Dupuis; les Affaires avant tout, comédie de MM. Hugot et de Bruges;
reprise des Erreurs de Jean et des Femmes d'emprunt. — Palais-Royal :
A qui le singe? comédie de MM. H. Crémicux, et Jaime fils; un Ma-
lade au mois, folie-vaudeville, avec écurie et remise, par MM. Cham et
A. de Lasalle; le Bouquet, comédie de MM. H. Meilhac et Ludovic Ha-
lévy. — Ambigu : te Satrilétje, drame en cinq actes et huit tableaux,
par MM. Th. Barrière et L. Bcauvallet. — Théâtre ou Chatelet :
reprise du Naufrage de la Méduse. — Théatre-Déjazet : Céphale et Pru-
cris, opérette en un acte, paroles et musique de M. Moniot.
Balzac a écrit le Faiseur, eu 1839, a\ec la plume do Beaumar-
chais, et parfois même avec celle de La Bruyère. C'était, à l'époque
où il a paru, le portrait fort ressemblant d'une race d'hommes
d'affaires qui a bien changé depuis. Aujourd'hui le héros de
Balzac n'est plus dans le mouvement; il a été dépassé de cent
coudées par les mains audacieuses de nos spéculateurs. Comme
ils doivent le trouver naïf! Conuiie ils doivent se moquer de ses
timides capitulations de conscience ' Ah! nous avons bien marché!
Mais il en est de Mercadet comme du Turcaret de Lesage. S'ils
ne sont plus dans nos mœurs, ils n'en restent pas moins les pro-
totypes très-vivants et très-curieux du temps où ils sont venus au
monde. A ce titre, Mercadet avait tous les droits possibles à l'ho-
norable reprise que la Comédie-Française vient de lui décerner
Nous disons reprise parce que si le Faiseur n'a jamais été joué
sous sa forme primitive, personne n'ignore qu'après avoir subi
une amputation de deux actes el quelques menus arrangements
pratiqués avec une rare intelligence par M. d'Ennery, il a été re-
présenté en 18ol, au Gymnase, sous le nom de Mercadet.
Il était interprété alors d'une manière vraiment remarquable par
Geoffroy ; Dupuis, celui qui nous a été enlevé par la Russie, jouait
le rôle de M. de la Brive, et le petit père Violette était le point de
départ de la réputation de Lesueur. Au Théâtre-Français, il y a
peut-être plus de perfection savante dans le jeu des artistes ; mais
on y chercherait vainement cette verve prime-sautière et hardie
des anciens interprètes de Balzac. Malgré tout son talent, Got ne
fait pas oublier Geoffroy, et ne l'égale que dans le troisième acte,
où il semble entraîné par la situation. Febvre se rapproche davan-
tage de Dupuis, dans son personnage de dandy. Lesueur n'est pas
distancé par Kime. Les autres rôles sont tenus convenablement
par Barré, Séveste, Eugène Provost, Mme Guyon, Mlle Roger et
Mme Pauline Granger. En somme, c'est une reprise heureuse que
celle de l'œuvre du grand romancier.
— Le parterre de l'Odéon a fait le plus gracieux accueil au Comité
de Lecture, comédie en un acte et en vers de M. Léon Beitrand.
Étant donné, d'une part, un jeune auteur qui ne sait trop com-
ment faire accepter sa pièce, et de l'autre deux auteurs moins
novices, dont l'un fournit les sujets que l'autre élabore, il advient
que le premier prend la place de ses deux concurrents devant le
DE PARIS.
349
comité, et qu.; son œuvre est reçue par acclamation. En vain l'ac-
cuse-t-on de plagiat; il est reconnu que le fournisseur de sujets a
ramassé dans les Tuileries le brouillon de Tout ou rien et qu'il l'a
porté à son collaborateur. Les vers de M. Léon Bertrand sont de
la bonne fabrique et les jeunes comédiens de l'Odéon les font
très-bien valoir.
— Dans les théâtres de genre, c'est un déluge de nouveautés.
Nous allons les passer rapidement en revue, ce qui n'est pas une
besogne facile, eu égard aux limites qui nous sont assignées. Au
Gymnase, une comédie en trois actes ouvre la marche. Elle s'appelle
Thérèse Humbert, et elle est bâtie sur la pointe d'un article du
Code civil. Un mariage contracté à l'étranger par un mineur est-il
valable lorsqu'il n'a pas été confirmé en France et qu'il n'a pas
eu le consentement de la mère du mari? Cette pauvre Thérèse
Humbert apprend à ses dépens que la loi n'a pas été observée ;
heureusement elle a un enfant qui finit par gagner son procès
en seconde instance auprès d'une belle-mère beaucoup moins in-
traitable qu'elle ne veut le paraître. Cette leçon de procédure, un
peu sèche, un peu aride, est mitigée par l'interprétation qui en est
confiée à Berton, à Pradeau, à Mme Fromentin et à Mme Bamelli.
A la suite de Thérèse Humbert, le même théâtre joue une char-
mante comédie, Suzanne et les deux Vieillards, oîi il n'est pas du
tout question d'articles du Code. Cette Suzanne, qui sort du cou-
vent, est une fine mouche, singulièrement avancée pour son âge
et sa position. Placée entre deux vieillards qui menacent ses
amours avec un jeune musicien, elle se garde bien de leur tenir
tête, mais elle s'arrange de façon à les forcer de se désister eux-
mêmes de leurs prétentions surannées et elle épouse le musicien
de ses rêves. Mlle Massin est une adorable Suzanne ; Pradeau,
Dorval, Berton la secondent à merveille.
— Une ancienne actrice du Palais-Royal^ qui a laissé quelques
traces de son passage, Mme Charlotte Dupuis, vient de faire repré-
senter au Vaudeville une pièce en trois actes, intitulée Om l'on va.
C'est bien vague, car cela dépend d'où l'on part. Un homme qui a
débauché une jeune fille, sans pouvoir l'épouser, parce qu'il est
en puissance de femme, a-t-il bien le droit, lorsqu'il devient libre,
de décliner ses promesses, sous prétexte qu'il a des enfants et
qu'il ne peut introduire sous leur toit une belle-mère dont ils aient
à rougir? C'est l'avis de M. Devrin, mais ce n'est pas celui de sa
maîtresse, Antoinette. Aussi songe-t-elle à le punir de sa déloyauté,
en le frappant dans la personue de son fils dont elle est aimée,
et dans celle de sa fille que le frère d'Antoinette peut aisément sé-
duire. Cette vengeance reçoit un commencement d'exécution, mais
elle n'aboutit pas, grâce à M. Devrin qui, un peu tard, se décide
à réparer ses torts. Un rôle de médecin philosophe sert de lien
entre tous les personnages de cette pièce et s'efforce de l'égayer.
C'est à Delannoy que revient cette tâche malaisée. Mme Doche est
fort bien sous les traits d'Antoinette. Munie et Délessart contribuent
à l'effet de la comédie de Mme Dupuis, qui n'fîst pas sans influence
sur les recettes.
Un lever de rideau, les Affaires avant tout, nous montre deux
négociants qui négligent leurs commandes pour s'amuser avec des
petites dames, et qui sont sauvés de la ruine par leurs ménagères
assidues au travail. Mlles Louise Leroux et Lovely prêtent infini-
ment de charme à cette bluettc légère.
Le Vaudeville a fait en outre deux reprises, les Erreurs de Jean
et les Femmes d'emprunt, la première pour Saint-Germain, et la
seconde pour Arnal qui remplit dans cette vieille pièce , non le
rôle qu'il y a créé en 1833, mais celui qui était joué alors par
Bernard-Léon.
— Inscrivons trois nouveautés au bilan du Palais-Royal :
A qui le singe? bouffonnerie d'une prodigieuse excentricité, où
l'on voit Lassouche sortant d'un bal masqué dans la peau d'un
singe vert et tombant en plein drame de reconnaissance filiale.
De qui est-il le fils? De Mme de Verluisant, de Baldaquin ou de
son ami Cliabourel? Décidément il est le fruit des amours de ce
dernier avec une jardinière. Figurez-vous, à côté de Lassouche,
ces joyeux compères qui répondent aux noms de Geoffroy et
d'Hyacinthe, et je vous défie bien de ne pas rire à ventre débou-
tonné.
Un malade au mois, c'est un cocher que Gll- Pérès a pris à
l'heure sans pouvoir le payer et qu'il héberge chez lui, après lui
avoir persuadé qu'il est malade. Le cocher, qui a balafré la fi-
gure d'un passant et qui se croit en danger d'être arrêté, ne de-
mande pas mieux que de se laisser soigner avec de bonnes côte-
lettes et de bon vin de Bordeaux. Or, le dévouement de Gil-Pérès
a ému l'Académie qui lui envoie le prix de vertu. Le savant
qu'on a investi de cette mission est précisément le passant bala-
fré par le cocher; mais comme son coup de fouet lui a valu
l'honneur d'être décoré de l'ordre de l'Artichaut par un souverain
invraisemblable, tout s'arrange pour le mieux sur la scène comme
dans la salle.
Le Bouquet est une comédie moins folle que les deux précé-
dentes, mais de beaucoup supérieure. Gaillardin est encore un de
ces maris qui courent la prétentaine ; il a promis à sa femme un
bouquet de lilas blanc, et pour s'acquitter, il souffle un bouquet
adressé à la cocotte qu'il courtise ; mais, parmi ces fleurs, il de-
vait se trouver 10,000 francs en billets, et comme Mme Gaillardin
a jeté le bouquet par la fenêtre, il faut que le mari désintéresse
Mlle Antonia. Vous voyez d'ici les transes de Gaillardin, les co-
lères de sa femme, jusqu'au moment où l'on rapporte le bouquet
qui ne contenait aucun billet de banque. Cet imbroglio est très-
gaillardement enlevé par Geoffroy, Gil-Pérès et Mlle Hortense
Neveux. Il faut entendre chanter par Gil-Pérès « le Sergent et le
Conscrit du 21^ de ligne, » c'est à pouffer de rire.
— L'Ambigu a mis la main sur un drame très-bien fait et très-
émouvant. Il a pour titre le Sacrilège, mais pendant les quatre
cinquièmes de la pièce, on se demande pourquoi ce titre; ce n'est
qu'au dénoûment que la réponse arrive. Peu importe d'ailleurs,
puisque les autres ont réussi à faire prendre jusque - là patience
au public. Et avec quelle habileté ! Dès les premières scènes, sept
ou huit cohéritiers sont en présence pour assister à l'ouverture
d'un testament. Chacun d'eux suppute avec complaisance la part
qui doit lui revenir. Mais, ô désappointement ! le testateur laisse
tous ses biens à une jeune orpheline qu'il a adoptée. Les choses
étant ainsi nettement posées, leur déduction se fait toute seule.
Les collatéraux, ligués contre Angèle, l'héritièi-e, ont pour chef
de file une coquine du demi-monde qui ne recule devant aucun
forfait. Nous ne la suivrons pas dans cette voie détestable ; cela
nous mènerait ti-op loin. Disons seulement qu'un jeune homme,
séduit par ses charmes, finit par la maudire et va mettre son
cœur aux pieds d'Angèle, qui l'a sauvé d'un grand péril. Angèle
n'est pas insensible à l'amour de Jacques Bernard; mais, atteinte
d'un anévrisme, elle succombe à son émotion, et les scélérats de
collatéraux se dépêchent de la faire descendre dans le caveau de
famille, où on lui élève un beau tombeau. A l'imitation de Ro-
méo, Jacques veut la revoir une dernière fois, et il viole sa sépul-
ture; c'est là le Sacrilège tant annoncé. 0 bonheur! Angèle n'est
pas morte, elle est rappelée à la vie par les baisers de Jacques,
et, pendant ce temps, l'affreuse femme qui la poursuivait est as-
sassinée par des bandits. Tout est bien qui finit bien.
Ce drame, parfaitement monté sous le rapport matériel, est
aussi très-bien interprété par Guichard, de la Comédie-Française,
par Castellano, Orner, Régnier, et par Mlle Saint-Marc et Dica
Petit.
— Nous ne finirons pas sans mentionner le grand succès que
3S0
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
le théâtre du Cliâtelet vient d'obtcnii- avec la reprise du Naufrage
de la Méduse, et la réussite plus modeste de Céphale et Procris,
opérette du théâtre Déjazet, dont M. Moniot a fait h la lois les
paroles et la musique, comme l'auteur de CJnlpéric. Cette petite
pièce, dont on a fort apprécié la musique est jouée avec entrain
par Dailly, Legrenay et Mlle Pauline.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
**» Le théâtre impérial de l'Opéra a donné, lundi et vendredi, deux
représentations à^IIamlct, et mercredi une de Guillaume Tell. Mme Gncy-
mard étant partie pour Madrid, oii elle e.»;! engagée pendant les mois de
novembre et décembre à l'Oriente, c'est i\Illo Mauduit qui a pris le rôle
de la Reine dans Hamlct, et elle s'en acquitte fort bien ; on ne peut lui
reprocher que de paraître trop jeune pour avoir un fils de l'encolure du
prince de Danemark.— Devoyod chantait pour la première Ibis le r(Me de
Guillaume dans le chef-d'œuvre de Rossini. Malgré les belles qualitcs
dont il a fait preuve jusqu'à ce jour, ce n'était pas une mince respon-
sabilité qu'assumait le jeune artiste. Certes, il n'a pas fait oublier Faure,
qu'on peut lui reprocher d'imiter un peu trop sorvilemcnt, mais il s'y
est montré plein d'intelligence, de verve et d'énergie. Sa voix, quoique
péchant un peu dans les notes graves, est belle et tris-bien timbrée ; des
applaudissements légitimes ont à maintes reprises encouragé cette len-
tative, qui fait de mieux en mieux augurer de l'avenir de M. Devoyod.
Du reste, la représentation était des plus brillantes; Villaret, David et
Mlle Battu se smt surpassés; on a particulii^remcnt remarqué le grand
style avec lequel la belle cantaU'ice a dit la cavatine de Sombres forêts.
Mlle Bloch a très-bien tenu le rôle d'Edwige.
**» Aujourd'hui, représentation extraordinaire de l'Africaine.
**« Le théâtre de l'Opéra-Comique vit sur le Premier Jour do bonheur
auquel les pièces du rJ^pertoire servent de lendemain. — La reprise de
Jl/ijno» aura lieu demain, et bientôt le Corricolo de Poise, retardé par les
modifications apportées au troisième acte, viendra apporter un nouvel
élément à la variété des spectacles. —Mlle Jeanne GuiUot, premier prix
d'opéra-comique au concours du Conservatoire, débute aujourd'hui dans
le Chalet.
,** Le théâtre Italien a donné hier la dernière représentation dcLucia
avec Fraschini. — Mardi la Coiitcssina sera jouée avec Mlle Krauss dans
le principal rôle. — Cette cantatrice, qui n'ira pas à Madrid, chantera
également celui de la Serva Padrona qu'on répète activement. — Picco-
lino, de Sardou, musique de Mme la comtesse de Grandval, chanté par
la même Mlle Krauss, Mme Grossi, MM. Nicoliui, Verger, Agnesi et Zi-
melli suivra de près, en attendant Otello, Mosc et Poliuto qu'on prépare
pour les représentations de ïamberlick.
»*, Fraschini paraît décidé à ne pas aller à Saint-Péterbourg, dont il
redoute le climat. Il se rendrait à Nice pour y passer deux mois, et re-
viendrait ensuite terminer son engagement à Paris.
*** Le théâtre Lyrique joue alternativement le Val d'Andorre et
Martha.—\l reprendra celte semaine le Barbier de •MJciV/c, dans lequel dé-
butera par le rôle de Figaro M. Aubéry, premier prix de chant du Con-
servatoire, — Iphigcnie en Aulide., avec Mme Gaston Lacaze dans le rôle
d'Iphigénie et MM. Bosquin et Aubéry dans ceux de Pylade, suivra de
près l'opéra de Rossini. —i)o« Juan sera joué par Caillot," Labat, Giraudet,
Bosquin et Legrand, Mmes Daram, Gilbert et Schroeder.
^*^ Le théâtre des Variétés continue à faire le maximum des recettes
avec ta Périchok. — Le Pont des Soupirs va être repris pour les repré-
sentations du dimanche. — M. Cogniard aurait jeté lesjeux, pour rem-
placer Mlle Schneider lorsqu'elle le quittera, sur uneartistequi a obtenu
de très-grands succès au Brésil et qui aurait toutes les quilités de l'em-
ploi. Elle s'appelle Mlle Aimée; c'est un nom d'heureux augure.
:t*» La partition pour piano et chant de la Périchole sera mise en vente
mercredi.
**, Malgré le succès du Petit-Poucet au théâtre de l'Athénée, l'activité
de M. Busnach ne se ralentit pas. On répète les Jumeaux de Bergame,
opéra-comique en un acte imité de Florian, musique de Lecocq ; le
Vengeur, opéra-bouffe en un acte de Nuitter et Beaumont, musique d'Isi-
dore Legùuix. L'Ours et l'Aynateur des jardins, bouffonnerie musicale de
M. Marquet, musique de Lecocq. — Ces trois pièces succéderont à l'opérette
de M . Laurent de Rillé. Mlle Van-Ghell jouera dans les deux premières.
**« Li Périchole aura bientôt les honneurs de la parodie. Sous le titre
de la Péri-Colle, elle se prépare à l'Eldorado avec Mlle Chrétienne,
MM. Perrin et Adolphe. On compte sur un grand .succès.
»*, Offenbach est de retour de Vienne depuis quelques jours, et il y a
reçu maintes ovations. Pendant les quelques jours qu'il a également passés
à Berlin, il s'est entendu avec l'éditeur Bock pour diverses modifications
apportées au livret de Itobinson, traduit en Allemand, et qui doit être re-
présenté à Darmstadt d'abord. Ces modifications, qui sont fort importantes
et qui donnent au poëme mi intérêt nouveau, comportent entre autres
le spectacle du naufrage du vaisseau qui portait Edwige. Le célèbre
machiniste Brandt fait pour cet acte une merveilleuse décoration.
^*^ M. Montaubry vient de se rendre acquéreur du théâtre des Folies-
Marigny, administré par M. Monrouge, avec une grande habileté et un
rare bonheur. Le nouveau directeur possède le talent, les qualités et l'ex-
périence spéciale qui continueront sans aucun doute la prospérité de la
jolie petite .scène, dont le genre d'exploitation paraît devoir rester le
même. M. Montaubry s'est assuré, pour les premiers six mois de son
entreprise, le concours de M. Monrouge.
»** D'après les derniers journaux américains, le grand succès de Mme
Rose Bell, au Théâtre-Français de New-York, dans la Graiidc- Duchesse,
aurait engagé Mme Marie Desclauzas, qui devait également débuter dans ce
rôle, h prier son imprésario Grau d'ajourner ses débuts à une autre époque,
ne voulant pas interrompre le .succès de sa camarade. C'est un acte —
peu commun — de bon goût et de confraternité artistique à mentionner-
*'„ Plusieurs journaux de théâtre répètent à l'envie la nouvelle de la
découverte qu'aurait faite le directeur du théâtre de Prague de l'opéra
de Gluck, l'Arbre magique joué à l'occasion du mariage de Marie-An-
toinette et du Dauphin ; ils n'oublient qu'une chose, c'est que l'année
dernière cet opéra arrangé par M. Wilder a été représmté par M. Mar-
tinet au théâtre des Fantaisies-Parisiennes.
»*» On nous écrit de Bnrd(vaux que Mlle Daniele vient d'obtenir un
beau succès dans Faust. M. Halanzier l'avait choisie pour remplacer une
de SCS meilleures pensionnaires, Mlle Baretti, que l'état de sa santé a
forcée de revenir à Paris.
,^*,i, On lit dans le Siècle : « 11 n'y a encore que les Orientaux pour
savoir allier la fantaisie à la générosité. Le vice-roi s'ennuie au Caire,
qu'on lui bâtisse vite un théâtre! Sept mille ouvriers sont assemblés qui
travaillent jour et nuit. Eu même temps un télégramme mande nu
Caire l'imprésario du théâtre de Péra. 11 arrive, et il apprend qu'on l'a
fait venir pour monter la Grande- Duchesse, la Belle-Hélifnc cl Barbe-Bleue,
qui ont tant diverti îi Paris Ismaïl-Pacha et que Son Altesse veut revoir.
On met à la disposition dudit imprésario une frégate de l'Etat, il part
pour Marseille, et il est en ce moment à Paris recrutant une troupe. On
dit qu'il offre )00,OÛO francs à Mlle Schneider pour trois représentations
au Caire. Heureux Ism.aïl ! »
NOUVELLES DIVERSES.
^*^: Au second Concert populaire, dimanche dernier, des fragments de
Struensée (l'ouverture, l'auberge du village, le rêve, marche funèbre,
dernier moment) figuraient en tète du programme. Cette admirable et
dramatique conception , qui serait le chef-d'œuvre de Meyerbeer s'il
n'avait pas écrit les Huguenots et Robert, fait maintenant partie du réper-
toire courant des Concerts populaires; le public l'a eu bientôt comprise,
et il en a donné la preuve dimanche. — Le fragment de la symphonie
Waltcnstcin, de M. Joseph Rheinberger (scherzo, chanson orangisle, ser-
mon du capucin), a été accueilli avec une certaine ré-serve. C'est de la jolie
musique, presque de la musique de ballet, qui n'a pu être écrite que
par une plume très-exercée, mais qui n'est point symphonique. Le genre
descriptif est un terrible écueil pour qui n'a que du talent! — Le troi-
sième entr'acte des Maîtres chanteurs, redonné avec le titre de c Médita-
tion, » ne nous a pas semblé gagner à une nouvelle audition. On a beau
chercher, avec la meilleure volonté du monde, à se mettre au point de vue
de l'auteur, faire abstraction de tout système préconçu, ce malheureux
morceau reste une énigme, surtout dans le cadre de l'opéra-comique, aussi
relevé qu'on puisse se le figurer. A-t-il d'ailleurs, dans la pensée de Wag-
ner, autant d'importance que veut lui en donner M. Pasdeloup? Des
applaudissements obstinés , des sifflets interminables l'ont accueilli. —
La symphonie en sol mineur de Mozart, et des fragments du septuor de
Beethoven, complétaient le programme et ont produit leur effet accou-
tunié.
•^^f^Aujourd'hui à 2 heures, au cirque Napoléon, troisième concert
populaire de musique classique, .sous la direction de J. Pasdeloup. On y
entendra : 1° ouverture de Lorelei de V. Wallace (ballade allemande) ;
— 2° suite d'orchestre (op. lOI), première audition, de Joachim RafF
(introduction et fugue, menuet, adagietlo, scherzo, marche); — - 3» alle-
gretto un })oco agitato de Mendelssohn ; — i" hymne de Haydn , par tous
les instruments à cordes; — 5° symphonie en ut mineur de Beethoven
(allegretto, andante, scherzo, finale).
^''t Les concerts de l'hiver prochain verront probablement apparaître
une jeune et gracieuse cantatrice du talent le plus distingué, Mlle Anna
Reiss. Comme Mlle Schrœder, comme Mlle Orgeni, Mlle Reiss est Alle-
mande. Un bon accueil lui est certainement réservé et elle le mérite à
tous égards, si nous en jugeons par le récit de ses plus récents succès
à Vienne, Weimar, Kissingen, etc., que nous fournissent les journaux
DE PARIS
331
allemands célébrant à l'envie la voix fraîche, pleine et sonore de la
jeune artiste; qualités qu'on a pu apprécier dans les grands airs de nos
plus célèbres opéras. Bienvenue donc par avance à la jeune étrangère.
*** La visite du célèbre pianiste Ant. Rubinstcin nous est encore pro-
mise pour cet hiver. Sa tournée artistique comprendra Berlin et le Nord
de l'Allemagne, puis la Belgique et lu France.
**;^ Mme Norman-Neruda, Féminente violoniste, se propose aussi de
donner des concerts cet hiver en Allemagne et en France. — Deux
bonnes nouvelles à enregistrer.
*** M. Henri Vieuxtemps est de retour à Paris pour quelques jours
seulement. Le i novembre, le célèbre compositeur-virtuose reprendra,
avec la compagnie Uhiiann-Patti , une nouvelle tournée de concerts qui
doit comprendre Bruxelles, Gand, Anvers, Liège, Bruges et les princi-
pales villes de la Belgique. MM. Botlesini, F. Godefroid, Jaëll, Hermann-
Léon et De Yroye font partie de cette expédition.
^*» Dimanche prochain, 8 novembre, à l'occasion de la fête patronale,
M. Hurand, maître de chapelle à Saint-Eustacho, fera exécuter en cette
église une messe à grand orchestre, composée par M. François Benoist,
professeur au Con servatoire impérial de musique. Les soli seront chantés
par MM. Perrié et Guyot. — M. Ed. Batiste, organiste de la paroisse,
touchera le grand orgue.
i*^. Rossini a composé dernièrement et envoyé au ministre de l'ins-
truction publique d'Italie, M. Broglio, une fanfare pour musique militaire,
intitulée la Corona d'Italia. Elle sera exécutée au palais Pilti, à Florence,
en présence du roi, par toutes les musiques de la garnison.
^** Par décret impérial, en date du 24 octobre courant, M. Théophile
Gautier a été nommé bibliothécaire de S. A. I. Madame la Princesse
Mathilde.
/^ Mme Oscar Comettant annonce la réouverture, pour le S novembre,
dans son domicile, 29, rue d'Angivillier, à Versailles, de ses cours de
chant, qui auront heu, comme par le passé, les samedis de 2 à 4 heures.
,% Nos lecteurs et abonnés apprendront avec plaisir que les excellents
cours de piano, chant, accompagnement et orgue, dirigés par Mme A.
Fabre, avec le concours de MM. Ketterer, Lebrun et Durand, reprendront
le 3 novembre dans son domicile, rue d'Hauteville, 23. — Un cours de
piano et solfège élémentaires, pour les jeunes filles, sera adjoint cette
année à ces cours qui auront lieu, comme l'année dernière, deux fois par
semaine .
*% Mme de Sievers, 30, rue de Bruxelles, va ouvrir un cours de
chant, orgue, piano et accompagnement, qui aura lieu tous les jeudis et
dimanches, de 1 heure à -4 heures, à partir du jeudi 3 décembre jusqu'à
la fin d'avril 18C9.
»% Nousavions hésité à répéter dimanchela nouvelled'une grave indisposi-
tion qui empêchait l'illustre maestro Rossini de quitter Passy pour repren-
dre à Paris sa résidence d'hiver. Celte indisposition s'étant aggravée au point
d'inquiéter sérieusement ses amis, nous nous sommes tenus exactement
renseignés sur les phases qu'elle a subies, et sur la situation actuelle de
l'intéressant malade. Voici jusqu'à ce jour le résultat de nos informations.
Depuis quelques années Rossini , à l'entrée de l'hiver, était sujet pen-
dant quelques semaines à de violents accès de toux. Cette année, l'in-
vasion de ce catarrhe chronique a redoublé de gravité et a déterminé
une fluxion de poitrine, qui s'est compliquée d'une fistule, au fonde-
ment. La fluxion de poitrine a été combattue avec succès, mais il
s'en est suivi une prostration notable des forces, et il faudrait qu'elles
revinssent pour permettre une opération de la fistule devenue indispen-
sable. Tel est aujourd'hui l'état de Rossini, sur lequel il faut ajouter que
les médecins ne se monlrent pas rassurés, et qui préoccupe à bon droit
tout le monde artistique. Le Ministre de la Maison de l'Empereur envoie
chaque jour prendre de ses nouvelles.
^,** Un ancien éditeur de musique, M. Challiot, est mort le 27 de ce
mois. Il était dans sa 62« année.
ET R A N G E R
j,*^ Londres. — Samedi dernier a commencé au théâtre de Covent-
Garden, cédé par M. Gye à M. Mapleson, la saison d'automne avec la
troupe de Her Majesty's Opéra. Jamais Londres n'avait eu de représen-
tations lyriques d'aussi bonne heure : c'est une innovation un peu hardie
peut-être ici, mais que le succès semble devoir sanctionner. On a donné
Lucrezia Borgia, qui a été supérieurement interprétée par Mmes Tietjens,
Trebelli, MM. Mongini etSantley. Il Trovatore eut venu ensuite; et enfin
jeudi, on a pu juger la nouvelle prima donna américaine, Mlle Minnie
Hauck, dans la Sonnambula. Très-jeune, comme Adelina Patti à ses dé-
buts, produite par le même professeur, abordant le même opéra pour son
coup d'essai, elle ne pouvait esquiver une comparaison qu'elle semblait
plutôt chercher. On peut dire qu'elle n'en a point souffert, et que, mal-
gré une inévitable émotion, des qualités précieuses se sont révélées en
elle dès le premier .soir, telles que la pureté, le charme, la souplesse
de la voix et beaucoup d'expression dans la manière de phrascr aussi
bien que dans le jeu. Mlle Hauck n'a pas tardé à captiver .son public,
et les applaudissements sont allés en croissant jusqu'à la lin. Mongini,
qui jouait Elvino, en a pris sa bonne part.
^"^ Francfort- sur-Mein. — Le Premier Jour de bonlieur a éti; donné le
22 et les jours suivants et a obtenu un succès très-vif.
,f% Cologne. — Mignon, d'Amb. Thoma.s, représenté pour la première
fois le 22 octobre, a généralement plu. On a beaucoup applaudi les deux
cantatrices, Mlles Radecke et Deichmann.
,j% Leipzig. — Au troisième concert du Gewandhaus, on a exécuté une
nouvelle .symphonie de Max Bruch (on mi bémol et œuvre 28), sur le
mérite de laquelle la critique est à pou près unanime et qui a obtenu
un très-brillant succès. Le grand violoniste Joachim a joué, comme il
sait le faire, le G" concerto de Spohr et la fugue du 3" de J.-S. Bach.
^*,i, Berlin. — La Vie Parisienne vient de doubler le cap d(! la deux
centième représentation au théâtre de Friedrich-Wilhelmstadt.
^,*^ Breslau. — Le quatuor des frères Millier a maintenant à sa tête
M. Schiever, un élève de Joachim. Il a déjà donné avec succès plusieurs
soirées de quatuors.
**,c Dresde.— L'opéra de M. de Holstein, Dcr Jlaidcschacht, a reçu à sa
première représentation, le 22 octobre, un très-sympathique accueil. —
L'auteur a été rappelé plusieurs fois.
j^*^, Vienne. — La première représentation de Mignon a eu lieu le 24.
— Le monument funèbre de Mozart, profané déjà il y a quelques mois
l'a encore été tout récemment : une main sacrilège a brisé et enlevé le
médaillon qui représentait les traits du grand homme, un candélabre et
une inscription, le tout en bronze.
*** Milan. — Mlle Ida Benza, du théâtre de la Porte-de-Carinthie à
Vienne, vient d'être engagée pour la Scala par l'imprésario Bonola, qui
a dii payer un dédit de 6,000 florins pour faire annuler son premier
contrat. —Aune soirée donnée à la villa d'Esté, résidence de S. M.
l'Impératrice de Russie, l'éminente cantatrice Mlle Rosa Csillag s'est fait
entendre dans plusieurs lieder de Schubert, Mendelssohn, Schumann,
etc., et avec un tel talent, que l'impératrice a voulu la complimenter
elle-même. Le même soir, le prince Bariatinsky lui a remis, de la part
de Sa Majesté, une magnifique montre enrichie de pierres précieuses.
^*„ Florence. — La Società del Quartctlo a eu la bonne fortune de
pouvoir s'assurer le concours de Sivori pour quelques concerts.
*** Àrezzo. — On a commencé les travaux pour l'érection du monu-
ment au moine Guido. Le municipe a voté dans ce but 330,000 lire.
^:*^ Madrid. — La reprise de l'Africaine a été magnifique. La débutante,
Mlle Reboux, a dépassé tout ce qu'on attendait d'elle; elle est parfaite-
ment à l'aise dans ce rôle écrasant de Sélika, et elle a conquis son public
du premier coup. Tamberlick est toujours un Vasco modèle. Boccolini,
qui succédait à Bonnehée dans le rôle de Nélusko, héritage lourd à porter,
n'a pas eu à se plaindre de l'accueil du public. Mlle Riïa Sonieri, qui
joue Inès avec une grande distinction, a été rappelée après le septuor du
second acte. La salle, comme chaque fois qu'on donne l'Africaine, était
comble. — On prépare la Juive, qu'interpréteront les mêmes artistes,
moins Boccolini.
Le Directeur S. DDFOCR.
Maestro E. IKEUZIO,
Maestro di bel canto.
S'adresser pour les leçons : rue de Luxembourg, 5, au 1'
Ches Mme MAEYENS-COUVREUR, rue du Bac, 40.
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Paroles de MM. Henri Meilhac et Ludovic Halévy,
Musique de
J. OFFENBAGH
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Les Airs de Chant détachés avec accompagnement de Piano :
1 . Chanson des trois cousines, chantée par Mlles Le-
grand, Carlin et Renault : Promptes o servir la
■pratique 5 »
2. Couplets DE l'incognito, chantés par M. Grenier: Sans
en rien souffler à personne 3 »
3. L'Espagnol et la jeune Indienne, complainte, chan-
tée par Mlle Schneider et M. Dupuis : Le conqué-
rant dit à la jeune Indienne 4 SO
3 bis. La même, à une voix et transposée un ton et demi
au-dessous 4 »
4. Le Muletier et la jeune personne, séguedille pour
SOIRÉES, chantée par Mlle Schneider et M. Du-
puis : Vous a-t-on dit .auvent : Ecoulez-moi, la fille S »
5. La Lettre de la Périchole, chantée par Mlle Schnei-
der : 0 mon cher amant, je te jure 3 75
5 bis La même, transposée un ton au-dessus ...... 3 75
6. Griserie-Ariette, chantée par Mlle Schneider: Ah!
quel diner je inetis de faire 3 »
6 bis. La même, transposée un ton au-dessus 3 »
7 . Duetto DU MARIAGE , chanté par Mlle Schneider et
M. Dupuis : Je dois vous prévenir, Madame ... 6 »
4 50
ACTE II.
8. Cancans Couplets, cliantés par Mlles Julia, Renard,
Gravier et Latour : On vante partout son sourire .
9. Les femmes, il n'y a qu'ça! couplets, chantés par
M. Dupuis : Et là, maintenant que nous sommes
seuls 3 »
9 bis. Les mômes, transposés un ton et demi au-dessous . 3 »
10. Que les hommes sont bêtes! couplets, chantés par
Mlle Schneider : Que veulent dire ces colères ? . 3 »
10 bis. Les mêmes, transposés un ton au-dessus 3 »
11 . La présentation, rondo de bravoure, chanté par
M. Dupuis: Ecoule, ô roi! je te présente 3 75
12. Ronde des maris ré..., chantée par M. Grenier: Con-
duisez-le, bon courtisan 3 »
13. Duo DES bijoux, chanté par Mlle Schneider et M. Gre-
nier : Monsieur le marchand, qu'avez-vous. ... 7 50
13 bis. Extase, chantée par Mlle Schneider: Ah\ que
j'aime les diamants 3 »
14. Final-Séguedille, chantée par Mlle Schneider et M.
Dupuis : Un roi, se promenant, trouva certaine
femme 4 »
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N' 45.
8 Novembre 1868.
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REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paria. 24 r.pacaa
Départements, Belgique et Siiitae.... 2b » Jd.
Étranger • 34 » 11.
Le Journal paraît le DlnumohQ*
GAZETTE MUSICAL
DE PARIS
SOMMAIRE. — Études sur Cli;iili's-Marie de Weber (troisième partie, 8= arti-
cle), par Edmond IVcukomiii. — Théâtre impérial Italien: Lucresia
Borgia, par Elias de Bauze. — Bibliograpliie musicale. — Entrefllets. —
Nouvelles des tliéàtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces,
ÉTUDES SUR CHÂRLES-fflÂRIE DE WEEER.
D'après la blograplile écrite par soa fliM.
TROISIÈME PARTIE,
(9= article) (1).
Dans notre Histoire du Freischulz (2), parue lors de la dernière
reprise de cet opéra à Paris, nous nous sommes étendu lon-
guement sur les événements que nous avons résumés, le cadre
du journal ne nous ayant pas permis de procéder autrement.
D'autre part, l'époque du Preischute et de Préciosa, qui marque
entre toutes dans la vie du maître, est aussi la plus connue.
Nous nous bornerons donc à constater le succès éclatant et qui
grandissait à chaque représentation, du Freischutz à Berlin, et
abandonnant cet ouvrage à ses brillantes destinées, nous allons
reprendre la biographie de l'homme illustre qui nous occupe.
Aussi bien, nous sommes entré dans la phase glorieuse qui mar-
que les dernières années de sa yie. Au Freischulz vont succéder
Eurianthe et Ohéron, puis au lendemain même de cette dernière
création, la mort implacable viendra briser ce génie musical,
alors qu'il s'élevait, en dépit de la souffrance, au-dessus de tous,
et que déjà mourant il projetait ses rayons vivifiants sur le monde
entier. Gloire et douleur, tel est le triste bilan des années qui
nous séparent de sa dernière heure !
Peu de jours après la première représentation ài\.' Freischuiz,
Weber revint à Dresde; la réouverture du théâtre, remis à neuf
pendant son absence, était annoncée, et c'était par Don Juan,
chanté pour la première fois en allemand dans la capitale du
(1) Voir les n»» 18, 21, 23, 2S, 28, 31, 36 et 39.
(2) Chez Liepmanssohn et Dufour, 11, rue des Saints-Pères.
royaume de Saxe, qu'il avait formé le projet d'inaugurer la nou-
velle saison. Son intention ne put, à la vérité, se réaliser; car
ordre fut donné d'ouvrir par la Donna del Lago, de Rossini, et
de faire représenter Don Juan sur le petit théâtre des Bains de
Linke. Il est à remarquer cependant que ce fut Weber qui fut
chargé de diriger l'œuvre du maître italien, en l'absence de son
c'oUègue Morlacchi. Ses soins se portèrent ensuite sur le théâtre
allemand, où plusieurs ouvrages nouveaux succédèrent rapide-
ment k Don Juan; parmi eux nous citerons Adolphe et Clara, Gu-
lislan, de Dalayrac, et le Nouveau Seigneur du village; Weber
avait monté ce dernier ouvrage a\'ec la religion qu'il professait
pour notre Boïeldieu ; le seul changement qu'on se fut permis
était la substitution du Hochheimer des bords du Rhin au Cham-
be,-tin classique.
A ee moment là même, il reçut de la cour de Hesse l'offre de
prendre la direction du théâtre de Cassel ; les avantages qui res-
sortaient de cette ouverture étaient bien faits pour le tenter : un
engagement à vie, une pension et un traitement de 2,S00 thalers,
tandis qu'à Dresde il n'avait que 1,500 thalers; mais tel était
l'attachement de Weber pour les murs de cette ville, — attachement
incompréhensible si l'on veut bien passer en revue tous les maux
qu'il y endura, — qu'il refusa, après en avoir référé au surinten-
dant, M. de Kœnneritz. Celui-ci lui fit avoir, comme dédomma-
gement, une augmentation de... 300 thalers; il faut dire que,
pour ne pas faire de jaloux, on accorda la môme faveur à Mor-
lacchi. Sur la demande qui lui fut faite de désigner un rempla-
çant pour le poste de Cassel, Weber recommanda chaudement
Spohr, dont il tenait le talent en haute estime; c'est cette place
que Spohr remplit avec tant d'honneur jusqu'à la fin de sa car-
rière.
Pour se consoler d'un sacrifice qui ne laissait pas que de lui
laisser dvis regrets, en présence surtout de l'indifférence qu'il avait
rencontrée chez ses chefs en cette dernière occasion, et aussi pour
chasser un autre chagrin que lui causait une brouille survenue
entre lui et son ami Kind, son unique collaborateur des dernières
années, lequel, dans sa yanité d'auteur et de poète, affectait de
ne regarder la musique du Freischuiz que comme une consé-
quence toute naturelle de sa poésie, et accusait Weber de le sa-
crifier complètement , le maître résolut de se remettre au travail.
3S4
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Il composa deux numéros de ses Trois Pintos, un duo et un trio,
un chœur pour voix d'hommes, Hussarenlied , et une longue can-
tate à l'occasion de la fête d'une sœur du roi, la princesse des
Deux-Ponts : il est à noter que le finale de cette cantate est de-
venu, presque sans changements, le premier finale d'Euryant/ie.
Tandis qu'il s'occupait de ces travaux, le Freischutz, dont le
succès grandissait chaque jour; était à l'étude sur toutes les scènes
de l'Allemagne. Représenté dès le 6 septembre à Vienne, il l'était
peu de temps après à Prague, à Leipzig, à Breslau, ù Carlsruhe,
à Kœnigsljerg, etc., et franchissait la frontière, en commençant
par Copenhague, où le roi de Danemark l'avait demandé pour la
célébration de son jour de naissance. En présence de cet enthou-
siasme universel pour son œuvre, Weber pensa à la produire de-
vant le public de Dresde; mais il était dit que Dresde, qu'il ai-
mait tant, serait toujours pour lui la ville maudite; quel qu'eût
été le succès qui accueillit le Freischutz lorsqu'il y fut représenté,
on ne saurait imaginer les tribulations de toute nature qui ac-
compagnèrent la période de sa mise à l'étude. La santé , déjà si
chancelante, du maître n'y résista pas ; les symptômes de plus en
plus alarmants d'une maladie qui ne pardonne pas, ne laissèrent
bientôt plus aucun doute à ses amis. Un jour qu'il venait de por-
ter son mouchoir ii ses lèvres, il le relira taché de sang ; il pâlit
et murmura : « A la grâce de Dieu! »
Dès ce moment, fort de la puissance de son génie dont il avait
conscience, son unique but fut de consigner dans une œuvre im-
périssable, tout ce qu'il sentait en lui de grand et de sublime. Une
occasion inespérée servit à souhait sa résolution : le directeur du
théâtre de Vienne lui écrivit pour lui demander un opéra. Weber
ne pouvait en croire ses yeux, et Spohr, qui était présent lorsque
la lettre lui parvint, dut la relire après lui et en constater l'au-
thenticité. La joie fut si grande qu'en un moment le passé et le
présent furent oubliés pour ne penser qu'à l'avenir, à la gloire
future; Spohr, levant son verre, but au nouveau chef-d'œuvre.
Après renseignements pris, Weber s'empressa d'accepter; toute-
fois, par un sentiment d'exquise délicatesse, il crut devoir, avant de
s'engager, prévenir le ministre Einsiedel , et lui déclarer qu'il ne
signerait avec Vienne qu'autant que son gracieux souverain ne
tiendrait pas à avoir pour sa capitale la primeur de son opéra.
Le gracieux souverain fit répondre qu'il n'y avait pas lieu de
commander un ouvrage nouveau à W^eber puisqu'on répétait le
Freischutz, qu'il fallait avant tout voir comment le public ac-
cueillerait cet opéra.
Weber était donc libre. Il se mit tout d'abord en quête d'un
bon poëme. Ne pouvant plus compter sur Kind, dont le mécon-
tentement croissait avec le succès du Freischutz, il lui fallut cher-
cher un nouveau collaborateur. Les poètes ne manquaient pas à
Dresde, et il n'avait qu'à étendre la main pour trouver un homme
de talent qui lui confectionnât un libretto sortable. La fatalité vou-
lut qu'il tombât sur un bas-bleu, alors fort à la mode, qui tenait
dans cette ville académie de petits vers doux, tendres et langou-
reux. Un soir de thé savant, comme la dame en donnait toutes les se-
maines dans son salon devenu, en dépit de la saleté, du désordre et
du peu de comfort qui y régnaient, le rendez-vous des beaux
esprits de la capitale, Weber lui ayant entendu lire ime nouvelle
de son cru, lui proposa de devenir sa collaboratrice. On pense si
elle se hâta d'accepter. Restait le choix d'un sujet. Hehnine de
Chezy, — c'était le nom de cette dixième muse, — mit sa biblio-
thèque idtra-romantique à la disposition de Weber; aprôf. maintes
recherches, on s'en tint au Recueil de légendes du Moyen-Age, de
Frédéric Schlegel, et parmi les fragments qui le composaient,
ce fut au moins dramatique de tous qu'on s'arrêta; un conte
traduit du français, portant ce titre : Histoire de Gérard de ISevers
et de la belle et vertueuse Euryanlhe, sa mie. Weber avait une
trop grande habitude du théâtre pour ne pas sentir les faibles
ressources que présentait ce sujet au point de vue dramatique;
cependant il partagea l'enthousiasme d'Helmine de Chezy, et la
pressa de se mettre à la besogne : « Faites-moi la vie aussi dure
que vous pourrez, avec des coupes métriques bien difficiles et des
rhythmcs bien imprévus, hii avait- il dit; cela fait sortir les idées
de l'ornière pour les conduire dans de nouvelles voies. » Mlle de
Chezy n'eut garde de manquer dans la suite à cette recommanda-
tion ; pour le moment, elle esquissa un scénario, dans lequel elle
apporta diverses modifications à l'intrigue première ; il plut mé-
diocrement à Weber, qui le refit; Helmine le changea à nouveau;
puis encore une fois Weber à son tour, de sorte que le dernier
projet s'éloignait de plus en plus du conte de Schlegel ; enfin ,
Weber le renvoya en disant qu'il ne se mêlerait plus de le re-
faire, et qu'il en laissait dorénavant tout le soin à sa collabora-
trice.
Pendant ce temps, les répétitions du Freischutz avançaient à
l'Opéra de Dresde. Weber n'en fit pas faire moins de dix, sans
compter six ou sept répétitions générales, dont les deux dernières
furent de véritables représentations. Malgré toutes ces précautions,
il redoutait la partie qu'il allait jouer; c'est que le public de
Dresde, pour lequel il s'était pourtant sacrifié , était moins bien
disposé en sa faveur que celui de Berlin ; le parti italien con-
tinuait d'y être tout- puissant, le parti allemand humble et ti-
moré ; c'est aussi qu'il sentait régner autour de sa personne une
hostilité toujours prête à se manifester au grand jour ou dans
l'ombre, et ce qui revenait à ses oreilles des bruits de la ville
n'était pas fait, dans cette circonstance, pour le rassurer. Enfin,
des symptômes alarmants s'étaient produits peu de temps aupa-
ravant; ainsi, l'ouverture du Freischutz, exécutée dans un concert,
avait été accueillie très-froidement, et le parti opposé à Weber ne
s'était pas fait faute de profiter de cet avantage. Quoi qu'il en soit,
le maître, qui avait conscience de la valeur de son œuvre, atten-
dait avec courage, sinon avec confiance, le jour de son appari-
tion, et grande fut la compensation des ennuis qui l'avaient précé-
dée, car ce jour venu (22 janvier 1822) , le Freischutz alla aux
nues, contre toute attente. Le public voulut même entendre deux
fois le chœur des chasseurs, ce qui était tout à fait inusité à
Dresde; à la fin de la soirée, l'enthousiasme était tellement à son
comble, que Weber dut paraître sur la scène.
Fidèle à son habitude, il nota le soir sur son agenda :
« Tout a marché dans la perfection. Rien à dire; rien à repren-
dre. Le public m'a rappelé et je suis venu saluer en compagnie de
Mmes Funk et Haase. J'ai regretté de ne pouvoir pas amener à
ma suite l'orchestre, les chœurs, les machinistes, car tous avaient
mérité cet honneur! »
Peu de jours après l'exécution du Freischutz, à Dresde, Weber,
sur l'invitation du directeur Barbaja, se mit en route pour Vienne.
Il y arriva le 17 février, après un court séjour à Prague, où il
entendit une jeune cantatrice qui donnait des espérances; elle
s'appelait Henriette Sontag; Weber nota sur son agenda : « La
Sontag chante assez gentiment; elle est jolie; mais c'est une débu-
tante qui a l'air d'une grue. »
Le lendemain de son arrivée dans la capitale de l'empire d'Au-
triche, il assista à une représentation du Freischutz, mais quelle
représentation! D'une part, la censure avait mutilé l'œuvre d'un
bout à l'autre ; elle avait supprimé les rôles de l'ermite et de
Samiel; de l'autre, pour plaire à l'empereur, qui n'aimait pas les
coups de fusil, on avait remplacé la carabine de Max par une
arbalète, de sorte que la scène si fantastique de la fonte des balles
s'était changée en une insipide recherche de flèches enchantées.
Weber ne put dissimuler son mécontentement; il songea à repar-
tir aussitôt, et peu s'en fallut qu'il ne composât son Euryanthe. . .
DE PARIS.
355
pour Paris! En effet, il venait de recevoir une lettre de l'éditeur
Maurice Schlesinger, dans laquelle celui-ci lui proposait d'être son
intermédiaire pour un ouvrage composé spécialement pour le Grand-
Opéra de Paris. Schlesinger ajoutait qu'il ne doutait pas du succès.
Cotte offre était tentante, et il menaça Barbaja de l'accepter. Par
Lonlieur. . . pour les Viennois, Mme Schrœder, qui était l'idole du
public, eut l'idée de le supplier de diriger le Freischulz le jour de
son bénélice. Après beaucoup d'hésitations Weber, qui tenait et ^
bon droit Mme Schrœder en grande estime, y consentit; mais il
y mit pour condition que son opéra serait exécuté dans toute son
intégrité , et il fit tant et si bien qu'on lui rendit ses balles , son
ermite et son Samiel. Cette représentation ne fut qu'un long
triomphe pour Weber, qui, dès lors, rompit ses négociations avec
Schlesinger et ne songea plus qu'à étudier les ressources que lui
présentait Vienne pour Euryanthe. . . Satisfait de son examen, il
retourna, après un mois de séjour dans celle ville, à Dresde, où,
peu de jours après son arrivée , sa femme lui donna un fils , qui
reçut, en l'honneur du héros du Freischutz, le prénom de Max.
Ce fils n'est autre que le pieux biographe auquel nous emprun-
tons le récit de la vie du grand homme qui nous occupe.
Edmond NEUKOMM.
(La suite prochainement.)
THÉÂTRE IMPERIAL ITALIEN.
liucrexta Borgia.
Décidément, la Contessina joue de malheur! On favait annoncée
pour mardi dernier, et c'était Mlle Krauss qui devait remplir le
rôle créé par Mme Tiberini, pris ensuite par Mlle Ricci; ce beau
rôle d'Herminie, moitié d'artiste dramatique, moitié de cantatrice
légère, et que le musicien a caressé le plus amoureusement. Mais
une indisposition de M. Fraschini a forcé la direction à chan-
ger brusquement l'affiche. C'est dommage, car les représentations
du célèbre ténor sont comptées ; le temps qu'il doit rester à Paris
lui est mesuré d'une main avare. A moins donc que M. Nicolini
ne lui succède dans le rôle de Conrad, — qui doit lui aller à mer-
veille, — on pourrait craindre que la nouvelle série des représen-
tations de l'ouvrage du prince Poniatowski ne fût courte. La pre-
mière l'a été déjà trop.
C'est par Lucrezia Borgia qu'on a remplacé l'œuvre de l'artiste
patricien .
Mais, là aussi, il devait y avoir un accroc : cette fois c'était Nico-
lini qui était enrhumé. Il y a, paraît-il, une épidémie parmi les
ténors. Nicolini devait chanter à la place de Fraschini. C'est Pa-
lermi qui a chanté à la place de Nicolini. Palermi n'est pas pré-
cisément le ténor des opéras dramatiques. Il excelle dans le genre
léger; bon vocaliste, il a tout à gagner en s'enfermant dans le
répertoire rossinien, ou en ne choisissant que les partitions des
autres compositeurs dans lesquelles le chant l'emporte sur
l'élément dramatique. Lucrezia Borgia, malgré les ravissantes mé-
lodies qui composent la plus grande partie du rôle de Gennaro,
n'est pas de ce nombre. Toutefois, il faut savoir gré au jeune teno-
rino du zèle qu'il a déployé et surtout de la complaisance dont il
a fait preuve en chantant cet opéra au pied levé, comme l'on dit.
Par bonheur, les autres rôles étaient distribués avec intelligence
et parfaitement appropriés aux moyens des divers interprètes :
Mlle Krauss, Mlle Gi-ossi, M. Steller.
Steller, on le sait, a débuté par cet opéra. Sa belle prestance,
son organe mâle et robuste, une certaine noblesse dans le jeu, je
ne sais quoi de saccadé et de véiiément dans les passages drama-
tiques, en font un don Alphonse excellent. A notre avis, ce rôle,
qui paraissait effacé, a été relevé par le nouveau baryton de la
place Ventadour. La strelta de son air, sur des paroles qui res-
semblent un peu trop à un entrefilet de journal polili<iue, cotte
stretla plutôt diplomatique que musicale, a été enlevée par M. Sti;!-
1er d'une façon très-heureuse. Jamais on ne l'avait tant applaudie;
il l'a fait ressortir admirablement. On oublie la question de droits
des gens dont elle traite pour ne s'occu[)er que du talent de
l'artiste, que de la vigueur avec laquelle il l'attaque. 1! a surtout
des effets de colère concentrée trouvés avec une intolligonce peu
commune. — Dans le trio aussi, ce modèle do déclamation lyri-
que, M. Steller s'est montré aussi excellent acteur que chanteur
distingué.
Le rôle d'Orsini est le bonheur des contralti. Il a la délicieuse
romance : Nella fatal di Rimini ; il a le fameux brindisi :
Il segreto pcr esser felici. Ces deux morceaux, d'un effet cer-
tain, suffisent à l'artiste, si bornés que soient ses moyens, pour la
faire applaudir. C'est le compositeur qu'on applaudit dans la can-
tatrice ; mais, quand on est assez heureux pour posséder un con-
tralto de la force et du talent de Mlle Grossi, ou applaudit tout à
la fois et la musique et l'exécution, et l'on nidemande le brindisi.
Nous avons gardé Mlle Krauss pour la fin, peut-être pour nous
conformer aux paroles de l'Écriture : « Les derniers seront les
premiers. »
Mlle Krauss est musicienne et cantatrice hors ligne. Elle a la
voix, elle a la physionomie, elle a le jeu; elle sent ce qu'elle dit,
et le dit à ravir. Quand elle apparaît masquée, au premier acte,
pour contempler son fils Gennaro assoupi, on la dirait descendue
du cadre de quelque tableau de l'école vénitienne. On s'étonne de
l'entendre chanter, d'un voix si douce, ces tendres paroles :
Com' è bello ! quale incanto ;
ce sont les baisers maternels de la tigresse ! Mais, plus tard, lors-
qu'Orsini lui arrache ce masque au travers duquel on voyait ses
yôux lancer des éclairs, la femme se révèle, le sang des Borgia
bouillonne dans ses veines; ces hommes, qui l'ont insultée en fris-
sonnent : ils devinent qu'ils paieront cher leur outrage.
Dans le trio, lorsque tremblante, éperdue, folle de crainte et de
terreur, elle implore d'un regard don Âlfouso, qui la courbe sous
sa cruelle et froide ironie, Mlle Krauss est vraiment remarquable
de sentiment dramatique. Et notez qu'il en faut beaucoup, car
chacun des morceaux qu'elle chante dans cet opéra est d'une cou-
leur et d'un caractère différents : il y a la mère, la femme tantôt
révoltée, tantôt soumise, la vengeresse; tendresses, prières, me-
naces, défis, désespoir, il y a de tout dans ce rôle multiple et chan-
geant.
Mlle Krauss , répétons-le, l'a chanté et joué avec un talent égal
au succès; et ce succès a été immense, légitime, mérité.
Nous l'attendons avec impatience dans le rôle de la Contesiina.
Comment la sombre et terrifiante Lucrèce deviendra-l-elle la co-
quette et vaniteuse Herminie? Nous verrons.
Elias de RAUZE.
BIBU06RÂPHIE MSICÂLE.
•Jacques Daur. Chœur des Éréques , de l'Africaine , transcrit pour
piano. — Térésa Carreno. Fantaisie sur l'Africaine, pour piano.
La transcription du Chœur des Évêques de l'Africaine a fourni à
M. Jacques Baur l'occasion d'écrire quelques pages d'un haut intérêt et
d'une maestria saisissante. Ce magnifique morceau, l'une des plus splen-
dides inspirations de Mcyerbeer, ne pouvait manquer d'exercer son in-
fluence sur le talent du transcripteur, qui s'est maintenu constamment,
dans cette œuvre courte et substantielle, à une grande élévation, bien
digne de son sujet. On peut prédire avec assurance que ses efforts n'au-
ront pas été stériles.
3S6
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
L;i Fantaisie de Térésa Carreno a plus d'étendue, el ne se borne pas
à i 11 seul morceau de l'opéra posthume de l'auteur des Huguenots. C'est
en quelque sorte la quintessence des beautés de cette partition grandiose.
L'arrangeuse, pianiste d'un mérite reconnu, a fait preuve, dans sa Fan-
taisie, d'un goût parfait, uni à la science la plus pure et à la mise en
œuvii; la plus complète des ressources de son instrument.
Ernest Ktocgcr. — Trois morceaux de concert : 1° Impromptl-scheuzo;
2° PnÉLUDE ; 3° Novelletta, pour le piano.
Nous ne saurions trop appeler l'attention sur ces œuvres nouvelles de
M. Ernest Stoeger, un jeune et brillant artiste , qui n'est pas moins
digne d'intérêt comme compositeur que comme virtuose. Nous avons vu
et entendu l'effet produit par ces trois morceaux de concert, et nous
pouvons attester qu'il est considérable. 11 est vrai que les doigts d'acier
de l'niiteur leur donnent un cachet d'autorité et de puissance auquel il
n'est pas fort aisé d'atteindre. 11 n'y a pas là pourtant d'obstacle infran-
chissable, et l'on peut encore, après lui, arriver à un résultat satisfai-
sant.
VImpromptu-Scherzo, tout plein de détails piquants et divers, est une
étude attachante pour l'agihié de la main et pour la mesure à contre-
temps. Les développements de ce morceau ont permis à M. Stoeger d'y
affirmer la réalité de son savoir harmonique, qui est incontestable. Le
PréluJr a moins d'ampleur, mais, en peu de pages, il offre un rare
exemple de style et d'expression. Enfin, la NnvcUclta est une délicieuse
fantaisie, dont le thème principal s'impose forcément à la mémoire, en
raison de son originalité, et dont le passage par octaves rapides pré-
sente un sujet de difficultés à vaincre pour la justesse du doigté. Chez
M. Stoeger, les procédés de l'exécution marchent toujours de pair avec
ceux de l'inspiration musicale.
S b. A. Palmer. — Mukmures, nocturne, élude pour le piano ; Si vous
n'avez rien a me dire, poésie de Victor Hugo, pour Is chant.
Sous le titre de Murmures , M. Palmer, pianiste distingue, vient de
faire paraître un nocturne-étude, qui se recommande par des qualité:*
essentielles. Après un largo d'une quinzaine de mesures plaquées en
accords graves, le compositeur entre immétiiatement en matière par
l'exposition d'un chant calme et soutenu, dont la clarté est exemplaire,
et dont le charme égale la simplicité. Repris en sous-œuvre, ce chant
est agrémenté de délicates broderies, murmurées pour ainsi dire par la
main droite et se fondant dans un pianissimo final. C'est ainsi que le
titre est justifié.
Les jolis couplets de Victor Hugo : S» vous n'avez rien à me dire, ont
été mis déjà plusieurs fois en musique, et non sans succès. Ces précé-
dents n'ont pas effrayé M. Palmer, qui a eu parfaitement raison de ne
pas reculer devant la concurrence, car l'inspiration que lui a suggérée
la poésie de l'illustre auteur diHemani est neuve et piquante. Nous croyons
que, comme ses aînées, elle obtiendra la faveur des salons, qu'elle mé-
rite à tous égards.
jr.-P. Ooldlierg;. — Le Message (die Potschaft),
mélodie caractéristique.
On a fait bien des mélodies sur les hirondelles, ces messagères com-
plaisantes qui emportent tour à tour avec elles un souvenir d'amour ou
une plainte d'exilé. C'est presque un lieu commun, qui n'aurait plus sa
raison d'être s'il n'était rajeuni par une poésie nouvelle et charmante
comme celle de M. Ph. Théolier. Le plus grand éloge qu'on puisse faire
de ses vers, c'est qu'ils ont inspiré à M. Goldberg un chant caractéris-
tique, qui remue et caresse les fibres les plus intimes du cœur. La cou-
leur germanique de cette mélodie lui prête une certaine ressemblance
avec les Lieders d'outre-Rhin. Il n'est pas inutile d'ajouter, pour com-
pléter ce rapprochement, qu'une version allemande est jointe, dans le
texte, aux paroles françaises de M. Théolier.
J.-B. Duvernoy. Fantaisie brillante sur les Dragons de Villars,
pour le piano. — E. Kcttcrer. Fantaisie brillante sur le même
opéra.
11 semble que MM. Duvernoy et Ketterer, en venant, à leur tour, com-
menter l'opéra de M. Aimé Maillart, si longtemps après son apparition,
ne soient que des retardataires qui ont laissé passer l'heure de la mois-
son et qui arrivent quand les blés sont rentrés. Mais il est bon de con-
sidérer que rOpéra-Comique, en prenant à son répertoire les Dragons de
Villars, vient de leur donner une seconde existence qui, à tous les points
de vue, recommence et même dépasse la première. Les commentateurs
peuvent donc de nouveau se mettre à l'œuvre, sans craindre de prêcher
dans le désert.
Nous n'avons pas à énumér«r les morceaux saillants de ce remar-
quable ouvrage; ils sont nombreux, et les compositeurs n'ont que l'em-
barras du choix pour en faire le sujet de leurs arrangements. M. Duver-
noy, dans une Fantaisie brillante et très-habilement agencée, a jeté son
dévolu sur les thèmes : Espoir charmant! et : Oui, c'est moi qu'il a
choisie, du grand air de Rose Friquet. Ces deux principaux motifs sont
liés par de légers fragments qui complètent un ensemble des plus agréa-
bles et des plus gracieux. — Quant à M. Ketterer, il s'est emparé aussi
de la romance ; Espoir charmant ! qu'il a ornée de ces étincelanies bro-
deries dont il a le secret, et, par une ingénieuse transition, il y a joint
les couplets devenus populaires de la Clochette de l'Ermite. On retrouve
dans cette Fantaisie toutes les qualités de composition et de style qui
distinguent les œuvres de l'éminent pianiste.
La Cour impériale vient de l'aire une application très- impor-
tante de la loi rendue en 4866 sur la propriété littéraire et artis-
tique.
Divers sculpteurs et fabricants de bronze avaient Intenté à d'au-
tres fabricants un procès en contrefaçon de statuettes et d'animaux
dont il sont les auteurs ou les cessionnaircs. Un jugement du
Tribunal de première instance leur avait donné gain de cause.
Deux des prévenus avaient inteijeté app.'l. Mais la Cour, dans un
arrêt rendu le 19 mars dernier et fortement motivé, a mis cet
appel au néant, et les a condamnés coiiiine contrefacteurs.
Il ressort de ce jugement que :
« Les lois du 8 avril 18oi et du 14 juillet 186(i, qui ont prolongé la
durée des droits des veuves et des héritiers des auteurs et artistes, s'ap-
pliquent indistinctement à toutes les œuvres non tombées dans le do-
maine public.
V En conséquence, bien qu'en principe les droits résultant d'une suc-
cession se trouvent déterminés par la législation en vigueur, au mo-
ment du décès, les veuves et héritici-s des auteurs et artistes décèdes an-
térieurement aux lois de 185i et 186(i ont profité des diverses prolon-
gations de droit accordées par ces lois.
» Vainement soutiendrait-on que l'' terme fixé par la législation an-
térieure constituait un droit acquis pour le public, et que ce serait don-
ner aux lois nouvelles un effet rétroactif. Tant qu'une œuvre littéraire
ou artistique n'est pas tombée dans le domaine public, il ne peut y
avoir qu'une expectative et non un droit acquis.
• En admettant que les lois de 1853 et 1866 doivent, pour les œu-
vres des jiuteurs el artistes décédés avant leur promulgation, profiter
aux veuves et héritiers de préférence aux cessionnaires, la déclaration
des ayants cause de l'auteur ou de l'artiste qu'ils entendent continuer
aux cessionnaires le bénéfice de la cession , suffit pour légitimer les
poursuites en contrefaçon intentées par ces derniers. »
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
»*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné, lundi et mercredi, Hamlet,
et vendredi Herculanum. On répète aujourd'hui et on répétera mardi géné-
ralement les Huguenots, dont h reprise aura lieu mercredi ou vendredi.
— Par suite d'une indisposition prolongée de M. Petilpa, la direction
a chargé M. Justament de s'occuper de la chorégraphie. C'est à tort
qu'on a dit qu'il y serait fait des additions de musique; il n'en existe
pas d'autre que celle qui a été entendue dès l'origine; mais le diver-
tissement a reçu une nouvelle disposition très-heureuse et qui produira
sans aucun doute beaucoup d'effet.
^*:,; Dimanche dernier le théâtre de l'Opéra-Comique donnait le Cha-
let pour le début de Mlle Guillot, prix du Conservatoire. Un accueil des
plus encourageants a été fait à cette jeune artiste, qui compte à peine
dix-sept ans ; elle possède un physique gracieux et sympathique, joue
avec intelligence et chante fort agréablement. Elle doit continuer ses dé-
buts par le rôle d'Irma du Ma^on.
jf*^ Mercredi a reparu Mignon, qu'une indisposition de Mme Galli-
Marié ajournait depuis un quinzaine. L'opéra d'Amb. Thomas n'a pas
reçu un accueil moins chaleureux que s'il ne comptait pas déjà 160 re-
présentations. Tous les interprètes y ont été fêtés, particulièrement
Mme Galli-Marié à laquelle on a prodigué les'bis, les rappels et les bou-
quets, et l'excellent Couderc qui reprenait son rôle de Laerte, l'une de
1>E PAlilS.
357
ses meilleures créations. Mme Adelina Patti assistait à la représentation
et donnait le signal des applaudissements.
*** La Fontaine de Bcrny, tel est est le titre d'un opéra-comique en
un acte, paroles de MM. Michel Carré et Albéric Second, musique de
M. Ad. Nibelle, qu'on va mettre prochainement en répétition au même
théâtre.
*** Onze représentations de Mme A. Patti, données pendant le mois
d'octobre, ont produit à la direction du théâtre Italien la somme de
H7,0.12 francs, soit une moyenne de 13,449 francs par représentation,
et cela malgré huit services de première faits à la presse.
»*:^ Mlle Hauck, dont nous avons annoncé le grand succès à Lon-
dres, sera de retour à Paris à la lin de ce mois, où elle doit commen-
cer ses représentations au théâtre Italien.
**« Au théâtre Lyrique, mardi dernier, au lendemain de Martha et du
Val (TAndorre, le Barbier de SévUle s'est produit. Le public n'a pas
manqué et ne manquera pas d'aller se délecter à ce chef-d'œuvre qui,
depuis bien longtemps, n'avait pas été chanté en français. La partition
rossinienne servait de début, dans le rôle de Figaro, à M. Aubéry, pren)ier
prix de chant et d'opéra-comique aux derniers concours du Conservatoire,
et élève de Vauthrot. Ce jeune artiste, originaire de Toulouse, s'est
heureusement tiré de cette épreuve difficile. Sa voix manque de puis-
sance dans le médium et le timbre pourrait en être plus agréable, mais
il chante habilement et il a dit avec esprit et un excellent sentiment
musical les parties les plus périlleuses de son rôle. C'est, en résumé, un
bon début et qui permet de bien augurer de l'avenir de cet intelligent
chanteur et comédien. — Le rôle difficile d'Almaviva incombait à
M. Blum, qui s'est fait entendre, il y a quelques années, ce nous semble,
dans Rigoktto. Voix sympathique et pure, vocalisation facile, méthode
excellente, M. Blum a tout ce qu'il faut pour réussir, à la condition
d'introduire un peu de chaleur dans son jeu et de surmonter l'effroi qui
paralyse ses moyens. — Mlle Jeanne Devriès, sous les traits de Rosine,
a plutôt conquis que véritablement séduit le public. Sa voix étendue et
exercée, son exécution brillante, sa virtuosité qui vise aux difficultés pour
les surmonter avec un rare bonheur, manquent un peu de charme et
de sentiment. — MM. Wartel et Labat ont fort bien tenu les rôles des
deux basses. — L'orchestre, sous la direction de M. Mangin, s'est ac-
quitté de sa tâche avec un ensemble, une finesse et une précision remar-
quables. — La seconde représentation du Barbier a été très-belle et a
valu à Mlle Devriès d'unanimes applaudissements. Ce succès et celui du
Val d'Andorre, joué déjà sept fois devant une salle comble, a décidé la
direction à ne donner que dans quelques jours la reprise d'Ipliigénie en
Tauride, de Gluck, auquel elle travaille depuis son entrée en possession
et qui est toute prête.
,*» Le théâtre des Bouffes-Parisiens, dont le public élégant a réappris
le chemin , a modifié son spectacle la semaine dernière. La Chanson de
Fortunio et Jeanne qui pleure et Jean qui rit ont été repris, cette der-
nière pièce pour la rentrée de Désiré. Mlle Périer, le nouveau Yalentin
de la Chanson, n'a pas tout à fait tenu ce qu'elle promettait dans le Fifre
enchanté. L'interprétation générale n'était pas d'ailleurs irréprochable —
Le retour de Désiré a été fêté par de chaleureux applaudissements. —
Mlle Fonli, dans le double rôle de Jean et de Jeanne, s'est fait surtout re-
marquer comme chanteuse.
^*« Par suite d'une indisposition d'Arsandaux, le théâtre des Fantai-
sies-Parisiennes ne donnera que demain la reprise de la Fête du, village
voisin, opéra de Boïeldieu. 11 sera interprété par Thierry, Mortier, Ar-
sandaux, Davoust, Mmes Cazal, Flachat, Decroix, Persini.
^*^ Au nombre des ouvrages mis à l'étude par ce théâtre, nous de-
vons mentionner le charmant opéra-comique d'Adolphe Adam, la Poupée
de Nuremberg, qui obtint dans le temps un si grand succès au théâtre
Lyrique.
*** La nouvelle direction des Folies-Marigny vient de s'annoncer par
deux succès : celui d'un charmant vaudeville, A qui le faux-col? et d'une
opérette, Jean qui pleure et Jean qui rit, dont la musique fait honneur à
M. Marc Chautagne. Il y a là une chanson du Vieillard très-réussie. Les
deux ouvrages sont fort bien interprétés. — Aux soins que prend M. Mon-
taubry, on peut s'attendre à voir la petite scène des Champs-Elysées ac-
quérir une véritable importance.
^.** Le théâtre du Palais-Royal vient de reprendre une des meilleures*
bouffonneries de son répertoire, le Brésilien. On se rappelle la vogue im-
mense qu'obtint la Chanson du Brésilien, d'Offenbach, intercalée dans la
pièce, et que chantaient d'une façon si plaisante Brasseur et Gil-Pérez.
,*, Les principales scènes de France et de l'étranger s'apprêtent à
monter la Périckole, qui continue à remplir tous les soirs la salle des
Variétés. On la répète au théâtre des Galeries, à Bruxelles, qui sera le
premier à la représenter.
^*^ A Lorient, la première représentation de la Grande-Duchesse a été
un succès complet et définitivement consacré sur cette scène par les re-
présentations qui ont suivi. Ensemble excellent; mise en scène luxueuse;
costumes et décors d'une fraîcheur printanière. Mme Libert est une sou-
veraine des plus excentriques, M. Gilbert un Fritz étourdissant de naïveté.
Cela a été une belle partie pour la direction et bien gagnée.
.^,*t Pendant le règne de la reine Isabelle II, la censure avait interdit
la représentation, en Espagne, de la Grande-Duchesse de Gcrolstein. A
peine l'ordre de choses a-t-il été changé, que le directeur du théâtre des
Btifos s'est empressé de faire traduire l'opéra d'Odenbach en espagnol, et
la première représentation a dû en avoir lieu hier.
*'** On nous écrit de Saint-Pétersbourg : « Le ballet le Roi Candaulc,
qui vient d'être donné au bénéfice de notre première danseuse Mlle Dor,
a obtenu le plus éclatant succès. Le scénario est de M. de Saint-Georges,
la chorégraphie de Marius Petipa, et la musique de Pugny. Les décors
sont merveilleux et l'on a particulièrement applaudi les 3», 4" et dernier
tableaux, qui représentent une forêt, le camp des Lydiens, l'entrée triom-
phale à Sardes, la salle des bains de la reine, la chambre ii coucher de
Candaule, le fnstin du deuxième mariage. Les costumes, faits à Paris,
sont d'une richesse inouïe, et on compte sur une vogue analogue à celle
qu'obtint, il y a quelques années, la Fille de Pharaon. La salle était
comble et toute la Cour assistait ;i cette représentation, qui a valu à la
bénéficiaire des cadeaux d'une grande valeur. — Au théâtre Michel ,
on a représenté Fleur de Thé, malheureusement sans la Schneider de notre
théâtre, Mme Deveria; l'accueil fait à la charmante opérette de Ch. Lecocq
s'en est un peu ressenti , mais on n'en a pas moins apprécié le mérite
de l'œuvre.» — De Moscou, les nouvelles ne sont pas moins brillantes :
« les représentations du Théâtre Italien font fureur et les chefs-d'œuvre
s'y succèdent avec une rapidité qui fait le plus grand honneur à l'acti-
vité et au goût de la Direction. Les deux étoiles de la troupe sont
Désirée Artôt et le ténor Stagne ; notre prima donna a retrouvé les ova-
tions enthousiastes, les triomphes qui ont signalé son apparition sur la
scène de Moscou la sa son dernière. Elle passionne littéralement notre
public qui n'a d'yeux et d'oreilles que pour sa cantatrice favorite. La ville
de Moscou est inondée des produits les plus variés qui ont tous pour
estampille le nom de votre célèbre compatriote; on ne voit que : gâteaux
Artôt, gants Artôt, cigarettes Artôt, etc., etc. » Le rôle de Valentine
des Huguenots a été l'occasion d'un nouveau triomphe pour la grande
artiste, admirablement secondée par Stagno, qui possède une magnifique
voix de ténor, à laquelle il joint un talent de comédien et de chanteur
de premier ordre. — Deux cantatrices de mérite ont aussi débuté : l'une,
Mme Benali, dans II Barbiere; l'autre, Mme Ferucci, — superbe personne
possédant une admirable et puissante voix de mezzo-soprano qu'elle con-
duit avec beaucoup d'art, — dans la Muta di Portici, donnée au béné-
fice du chef d'orchestre Joseph Dupont. Le chef-d'œuvre d'Auber avait été
monté avec un soin extrême et un grand luxe de mise en scène. Le
tableau final est d'un effet magique, la scène immense du Théâtre Impé-
rial (la plus grande de l'Europe) convenant admirablement à ces spec-
tacles grandioses. — Antoine Rubinstein vient d'arriver et a annoncé
plusieurs séances de musique classique, lesquelles promettent d'être extrê-
mement intéressantes.— Les concerts du Conservatoire, sous la direction de
Nicolas Rubinstein, auront lieu seulement en janvier après la saison ita-
lienne, qui finira vers cette époque.
^** Quatre capitalistes anglais viennent de faire construire à Londres,
dans le Strand, un théâtre qui a coûté deux millions, et dont l'inaugu-
ration aura lieu le 24 décembre prochain. Son nom est Gaiety ; son di-
recteur, M. Hollingshead, ancien administrateur de l'Alhambra. Tout le
service intérieur sera fait par des femmes qui, au lieu de payer la direc-
tion seront rétribuées par elles. Des lorgnettes seront mises gratuitement
à la disposition du public. Des jets d'eau de Cologne jailliront dans les
endroits indispensables. Un service télégraphique partant de la direction
communiquera avec tous les dépositaires de billets de Londres. Toutes les
places seront numérotées ; la location ne se paiera pas en sus du prix
du bureau. Deux grands cafés-restaurants, communiquant avec le théâtre,
resteront ouverts jusqu'à une heure du matin et donneront la facilité de
souper sans sortir. Les genres exploités seront le drame, l'opérette, le
ballet et les clowns. Le spectacle d'ouverture se compose de : les Deux
Arlequins, opérette ; On the Cards (l'escamoteur), drame en trois actes ;
et une parodie de Robert le Diable.
**:^ Un agent théâtral très-accrédité à Milan, M. le docteur Giuseppe
Lamperti, vient de faire paraître, dans cette ville, une brochure très-
remarquable sur la question, vitale pour Milan, de la dotation du grand
théâtre de la Scala. Ses réflexions viennent à l'appui de la sentence
prononcée en première instance, il y a quelques mois, et qui impose au
gouvernement l'obligation de ne point laisser péricliter une institution
d'une aussi grande importance artistique. M. Lamperti demande le réta-
blissement de la subvention de 300,000 lire italiennes, quelques sacrifices
de la part du municipe, propose une réorganisation complète de l'admi-
nistration intérieure, et indique plusieurs mesures à prendre pour réaliser
des économies, bien nécessaires dans une entreprise devenue ruineuse.
— La Canobbiana, le seul théâtre royal de Milan avec la Scala, serait,
dans son projet, réservée aux jeunes compositeurs, sous le nom de
Theatro Lirico.
,t** Un procès qui soulève une question intéressante, relative aux
droits réciproques des collaborateurs d'une œuvre dramatique lyrique,
surgit en ce moment entre M. J. Oifenbach d'une part, et M. Martinet,
directeur des Fantaisies-Parisiennes, de l'autre, à l'occasion des représen
talions de l'opérette « ie 66 , » sur le théâtre de ce dernier. C'est avec
l'autorisation de l'auteur des paroles que M. Martinet a joué cette pièce,
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
et aujourd'hui le compositeur, dont les intérêts se trouveraient lésés par
le peu de produit qu'il tire de son œuvre, prétend avoir le droit de la
retirer pour la porter à un autre théâtre. 11 en appelle aux tribunaux
et compte épuiser tous les degrés de juridiction nécessaires pour faire
fixer un point d'une si grande importance pour son nombreux réper-
toire.
3^*» Demain représentation à l'Eldorado de la parodie la Pericollc,
jouée par Mlle Chrétienne, MM. Perrin et Adolphe. Cette excentricité est
due à la plume de MM. Blondelct et Baumaine.
NOUVELLES DIVERSES.
^*^ Les examens annuels du Conservatoire pour l'admission aux places
vacantes dans les classes de chant ont eu lieu jeudi et vendredi de la
semaine dernière. — Le jury se composait de MM. Auber, président;
Arabroise Thomas, V. Massé, Bazin, Emile Perrin, Georges Hainl,
Masset. Ces messieurs ont entendu deux cent quarante-huit candidats;
une cinquantaine seulement ont été reçus, parmi lesquels deux pension-
naires, l'un ténor et l'autre baryton, doués de très-belles voix.
^,% Voici le programme du quatrième concert populaire de musique
classique qui sera donné aujourd'hui à 2 heures, au cirque Napoléon,
sous la direction de J. Pasdeloup : 1° symphonie en ut majeur (op. ;W)
de Mozart; — 2° adagio de la symphonie l'Océan de A. Rubinslein; —
3° ouverture de concert (op. 7) , première audition, de J. Rietz ; —
•4° prélude du 5" acte de l'Africaine de Meyerbeer ; — 5" Songe d'une
nuit d'été de Mendelssohn (ouverture,— allegro appassionato, —scherzo, —
nocturne, — marche.)
>>*,.; Le dernier numéro de l'Art musical contenait une lettre adressée de
Shang-Haï à M. Azevedo, par un artiste que tout le monde se rappellera,
Rémusat, flûtiste aussi dislingué qu'il était original et gai, Réniusat, que
l'on avait cru mort pendant quelque temps et que son caractère aven-
tureux avait, après de longs voyages, pous-^é jusqu'en Chine où, après
des efforts et un travail inouï, il e.st parvenu à planter le drapeau de la
bonne musique. 11 a réussi à y créer, d'un modeste quatuor, seul alors à
la personnifier, une société de plus de trente instrumentistes et de vingt-
cinq choristes formés la plupart par lui, et à y faire admettre quatre
cent cinquante membres honoraires. Anglais, Allemands et Français l'ont
suivi dans cette voie et ont fait construire des théâtres; de sorte que
Shang-Haï n'aura bientôt plus, grâce à la flûte et au bâton de chef d'or-
chestre de Rémusat, devenu l'homme important, rien à envier à l'Europe.
«Enfin, dit-il, je viens de recevoir par la dernière malle la partition et
les parties d'orclieslre du Stabat Mater de notre grand Rossini, et il sera
exécuté dans les premiers jours d'octobre... » Qui aurait dit, il y a dix
ans, qu'on exécuterait à Shang-Haï le Stabat de Rossini? — Au reste,
Rémusat n'est pas le seul qui cherche à gagner le Céleste Empire à la
musique européenne. : Un pianiste hongrois, Franz Jachimek, qui a déjà
parcouru la Sibérie, la Perse et le Japon, a conçu et exécuté la témé-
raire idée de donner quelques concerts dans la ville de Pékin. Il a eu
chaque fois un public fort respectable, composé du corps diplomatique,
de négociants européens, et, pour une bonne part, de mandarins et de
riches particuliers chinois.
»** M. Lemmens. le savant professeur d'orgue des Conservatoires de
Bruxelles et de Londres, est attendu à Paris cette semaine. On nous fait
espérer que ce célèbre organiste se fera entendre sur les grandes orgues
de Notre-Dame et de la Trinité récemment construites par la maison
A. Cavaillé-Coll.
^*jf Outre Rubinstein et Mme Neruda, nous entendrons aussi très-pro-
bablement cet hiver Cari Tausig, le célèbre pianiste, et le non moins
célèbre violoniste Wilhelmj.
^*» Mme Miolan-Carvalho a l'intention de se faire entendre dans
beaucoup de concerts cet hiver; elle s'est déjà engagée pour ceux des
Sociétés philharmoniques de Roubaix, de Chalon-sur-Saône, de Bordeaux,
d'Orléans, etc.
^% Nous n'avons pas à faire aujourd'hui l'éloge de l'école de chant de
Duprez; les services qu'elle rend à l'art, les élèves qu'elle a formés ont
suffisamment établi et son utilité et sa réputation. Mais nous devons
signaler une amélioration d'une haute portée que le célèbre professeur
vient d'y introduire. C'est l'adjonction d'un orchestre composé de musiciens
de choix qui, au moins deux fois par mois, accompagnera les exercices du
vendredi. On comprendra aisémentrimmense avantage offert par cette inno-
vation aux élèves qui se destinent au théâtre et qui n'auront plus ainsi à
se préoccuper de la différence du chant au piano et du chant à l'or-
chestre. — L'école de Duprez aura été jusqu'à présent la seule qui ait
pris une aussi coûteuse initiative; il convient d'en féliciter son éminent
directeur.
**^, Nous annoncions dernièrement que l'excellent violoniste Alfred
Holmes venait de composer une grande symphonie ayant pour titre la
Jeunesse de Shakspeare. On nous informe que M. Pasdeloup ayant pris
connaissance de ce morceau, en a décidé spontanément la mise à l'étude
pour être exécutée à l'un de ses prochains concerts populaires.
„,*, M. Kowalski, pianiste-compositeur des plus distingués, a terminé,
le 29 octobre dernier, à Saiot-Gérmain-en-Laye, par une très-belle soirée
mu.sicale, la tournée artistique qu'il avait entreprise, en compagnie de
Mlles Schroeder et Praldl, de MM. Troy, le baryton et Lasserre, le vio-
loniste, dans plusieurs villes de l'Ouest, du Midi et de la frontière d'Es-
pagne. Partout, le public a répondu, avec le plus grand empressement,
à l'appel de ces éminents artistes, et toujours de vifs applaudissements
ont accueilli M. Kowalski dans Fexéculion de son remarquable Galop de
concert et du duo sur les Huguenots, de Thalberg et Bériot.
»*,^ Vendredi dernier, un concert fort intéressant a été donné à Nantes,
sous la direction de M. Bourgault-Ducoudray, au bénéfice de la Caisse de
secours de l'Association philharmonique. Le programme comprenait, entre
autres œuvres choisies, des chœurs de Palestrina, Orlando de Lassus, Haon-
del, Haydn, exécutés par les Sociétés chorales et un orchestre improvisé
d'une façon d'autant plus satisfaisan te, que c'était la première fols que l'on
essayait à Nantes de réunir les éléments nécessaires à l'interprétation des
œuvres chorales classiques (avec ou sans accompagnement). Les excellents
instrumentistes MM. "Weingartner, Bernard, Pusterle et Alexandre de
Czeké ont prêté leurs concours à l'exécution de deux quatuors de Beetho-
ven , dont le parfait ensemble a été accueilli avec enthousiasme. On a
applaudi chaleureusement Mlle Marie Nondin, une cantatrice d'un très-
beau talent, dans deux airs d' Auber. Les efforts de M. Bourgault-Ducou-
dray ne seront perdus ni pour la cause de la musique classique, ni pour
la prospérité de l'Association philharmonique nantaise.
»■*» M. Al. Bourgault-Ducoudray, grand prix de Rome, fonde une so-
ciété chorale d'hommes, composée d'artistes et de gens du monde. Cette
société se propose spécialement d'exécuter des chœurs sans accompagne-
ment. Les personnes qui désireraient en faire partie peuvent se présenter
chez M. Bourgault-Ducoudray, boulevard de Magenta, 136, tous les jours
entre onze heures et midi.
t*it On nous écrit de New-York : « Mlle Kellogg, engagée par Max
Strakosch pour une tournée artistique, vient de débuter ici de la façon
la plus brillante. L'annonce de son concours à un concert composé de
divers morceaux et du troisième acte de Faust avait attiré une affluence
énorme au théâtre; la recette est montée à 10,000 francs. Mlle Kellogg
excite le plus vif enthousiasme, qui s'est traduit de toutes les façons. —
Puisqu'il est question de celte cantatrice, disons que la charmante valse
chantée, dont Arditi lui a fait hommage, réunit tous les caractères d'une
œuvre populaire .'ans vulgarité, et telle que la dédicace à la gracieuse
cantatrice peut la faire supposer. La mélodie en est naturelle, entraînante,
sans cesser d'être distinguée; il ne s'y trouve pas une note qui n'ait
son effet, pas une phrase indifférente ou seulement mal placée. Le
charme ne cesse qu'à la fin, et Arditi a su le graduer avec infiniment
d'art. La Kellogg-valse atteindra, nous n'en doutons pas, au succès d'/i
Baccio.
^*^ Par une lettre des plus aimables adressée à M. Ed. Tarbé et que
publie le Gaulois, M. Henri de Pêne informe ses lecteurs qu'il abandonne
sa part de direction dans ce journal. L'intention de M. de Pêne est de
fonder une nouvelle feuille littéraire et politique destinée à remplacer la
Gazette des Etrangers ; elle aura pour titre Paris, et commencera à paraî-
tre le 13 de ce mois. La façon dont M. de Pêne a contribué au succès
qu'en si peu de temps le Gaulois a rencontré, ne laisse aucun doute sur
celui qui attend sa nouvelle entreprise, et les nombreuses sympathies
qu'il a su se concilier en sont d'ailleurs la plus sûre garantie.
„.*,(, M. Arthur Pougin, notre collaborateur, vient de prendre la direc-
tion du Paris-Magazine, avec MM. Philibert Audebrand, Louis Moland,
Henri Maret, Emile Maison, Louis Dépret, Charles Joliet, Emmanuel des
Essarts, Hippolyte Philibert, Roger du Tranois, A.lcide DusoUier, François
Coppée, Xavier de Ricard, Emile Daclin, Jules Forni, H. Cazahs, Paul
Verlaine, etc., pour collaborateurs.
t*^ Asger Hammerick, compositeur suédois, dont les œuVres sont em-
preintes au plus haut degré de la suavité et de la mélancolie des chœurs
populaires Scandinaves, chers aux étudiants de Copenhague et si heureu-
sement intronisés en France par l'Orphéon de la ville de Paris, Asger
Hammerick vient de terminer un grand opéra en cinq actes intitulé :
Hjalmar et Ingeborg. Ceux qui l'on entendu en disent le plus grand bien.
^*,j Le journal barcelonais Corre, vé y dite, dont nous annoncions
dernièrement l'apparition, a changé son titre dès le second numéro, et
s'appelle maintenant El Correo de Teatros.
^"^ Le nouveau Barbiere di Siviglia, de Constantino Dali' Argine, vient
de paraître chez l'éditeur Luigi Trebbi, à Bologne.
i*4 Sous le titre de l'Echo des concerts et des théâtres, il se publie
quatre fuis par mois un programme-revue des cafés-concerts, concerts-
promenades, théâtres, bals, etc., dont M. Ch. Grou, propriétaire de la
Librairie musicale et chansonnière est le directeur-gérant. Un public,
des renseignements et des intérêts spéciaux assureront sans doute à ce
journal la prospérité que, pour notre part, nous lui souhaitons bien
sincèrement.
„*^ Deux siècles à l'Opéra ; tel est le titre d'un volume publié chez
DE PARIS
359
Dentu, dans lequel M. Nérée Desarbres, ancien secrétaire de la direc-
tion A. Hoyer, a groupé les documents principaux relatifs au passé de
ce théâtre. Nous rattacherons l'examen de ce travail à celui de l'ouvrage,
récemment paru, de IVI. Lud. Celler: les Origines de l'Opéra, qui le com-
plète au point de vue historique.
**^. Mme Clara Pfeiffer a repris ses cours d'études sym"phoniques à
plusieurs pianos, — si utiles pour exercer les élèves à la musique d'en-
semble, — à la succursale Pleyel, rue de Richelieu.
»** L'éminent professeur de cliant Géraldy est de retour à Paris, et
il reprend ses cours pour toute la saison d'hiver.
11,*^ Les concerts de la salle A'alentino ont décidément conquis la
vogue. La direction a compris qu'ils devaient être spécialement réservés
aux familles , aussi sont-ils devenus le rendez-vous à la mode de tout
ce qui aime la bonne musique.
^*^ On annonce comme prochaine l'inauguration de grandes soirées dan-
santes qui doivent être données les mardi, vendredi et dimanche de cha-
que semaine au cirque des Champs-Elysées. En quelques jours, la salle
déjà si belle du Cirque d'été, vient d'être transformée de la manière la
plus splendide en un vrai palais, afin de l'approprier aux habitudes
d'élégance et de comfort de la haute /ashion parisienne, pour qui ces bals,
d'un genre tout exceptionnel, ont été créés, et qui doivent devenir le
rendez-vous de notre belle jeunesse dorée et des dames de la plus haute
élégance. Pour lout dire en un mot, la salle est décorée dans le goût le
plus exquis, avec des rideaux et des tentures soie et or ; l'éclairage, déjà
si splendide, est encore doublé par l'addition de huit lustres en cristal.
L'orchestre sera dirigé par H. Marx et le célèbre café Tortoni y a élu
domicile pour les rafraîchissements et les soupers-
,,% Les amis et les admirateurs de Rossini, qu'avait rassurés la façon
dont l'illustre maestro avait supporté l'opération pratiquée par M. Nélaton,
sont de nouveau inquiets. Les membres s'enflent et des dépôts d'eau se
sont formés dans les jambes. Espérons encore que la science triomphera
de ces fâcheuses complications.
**^ M. Germain Delavigne, frère de l'auteur des Enfants d'Edouard
et de Louis XI, est mort celte semaine à Montmorency, des suites d'un
refroidissement. Il était âgé de soixante-seize ans. Ami et collaborateur
de Scribe, M. Germain Delavigne, dès sa jeunesse et pendant les loisirs
que lui créait sa position de garde-magasin du mobilier de la Couronne,
sous le règne de Louis-Philippe, a écrit un très-grand nombre de pièces
de théâtre, parmi lesquelles nous citerons, en ce qui nous concerne spé-
cialement : la Neige, le Maçon, la Vieille, les Mystères d'Vdolphe, opéras-
comiques; la Muette de Portici, Robert-le-Diable (en collaboration), la
Nonne sanglante et Charles VI, grands opéras. Sa manière était élégante
et simple, non sans une certaine élévation, et son vers bien frappé se
prêtait facilement aux exigences musicales. Le service funèbre de Ger-
main Delavigne a eu lieu à Saint- Vincent-de-Paul : la Commission des
auteurs et compositeurs dramatiques y était représentée par une dépu-
tation .
*** Mme Delphine Calderon, artiste du théâtre Italien, vient d'avoir
la douleur de perdre son mari.
^*^, S. A. le duc Ernest de Wurtemberg, qui avait épousé la cantatrice
Nathalie Frassini, vient de mourir à Cobourg.
»*„: On n'a pas oublié la charmante danseuse russe, Mlle Mouravieff,
qui reçut durant deux saisons un si chaleureux accueil au théâtre de
l'Opéra. Elle avait quitté les théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg pour
faire un riche mariage; cette remarquable artiste vient de mourir pré-
maturément à Kazan.
ÉTRANGER
^'^-.jf Bruxelles. — La première représentation du Premier Jour de bon-
heur vient d'avoir lieu au théâtre de la Monnaie devant une salle comble.
Le public a fait le meilleur accueil à ce charmant ouvrage, qui est inter-
pi'été d'ailleurs avec une rare distinction par Jourdan et Mlle Marimon.
On a beaucoup applaudi le duo et la romance du ténor, au premier acte,
la chanson du petit Caporal et le finale du deuxième acte, de même que
le rondo chante par Guffroi au troisième. La chanson des Djinns, grâce
à l'émotion de la débutante, Mlle Paula, n'a pas produit tout son effet;
mais elle ne peut tarder à être appréciée comme tout le reste. — Le ré-
gisseurM. Polel a apporté tous ses soins à la mise en scène, qui est très-
réussie.
.,;*;j Londres. — Les Huguenots, avec Mlle Tietjens et Mongini, ont fait
salle comble samedi dernier à Covent-Garden. — Mlle Hauck a vu se
confirmer pleinement son grand succès le mardi suivant, où elle a joué
Zerlino de Don Giovanni. Ce rôle .semble avoir été écrit pour elle, tant elle
y met de naturel et de grâce. — Les Concerts populaires du lundi (on-
zième année) recommenceront, le 16 novembre, sous la direction de
j M. Bénédict. Il (;n siira donné dix-neuf, et l'on y entendra comme
d'habitude les artistes éminents qui ont nom Joachim, L. Strauss, Sain-
ton, Piatti, Pauer, Ch. Halle, Mmes Arabella Goddard et Clara Schu-
man n.
*** Bade. — Un très-beau concert, auquel ont pris part Mmes Viar-
<lot, Orgéni, Elise Lang, Hélène Heermann, le.i chefs d'orchestre Cari
Eckert et Miloslaw Kœnnemann, a été donné au bénéfice des inondés
de la Suisse, dans les nouveaux salons de la Maison de Convei-sation,
gracieusement mis par M. Dupre.ssoir à la disposition des organi.sateurs
de cette bonne œuvre. Malgré la .saison avancée, la .salle était pleine,
et au premier rang des auditeurs on remarquait S. M. la reine de Pru.sse,
LL. AA. le grand-duc et la grande ducliesse de Bade, S. A. R. le prince
Wasa, lady Marie Hamilton, etc. La recette, qu'aucims Irais importants
ne sont venus diminuer, a dépassé 1,300 francs.
Rotterdam. — Quatre représentations de l'Africaine, données dans le
courant d'octobre, ont exercé une grande attraction sur le public; et
cependant, dit la Cœcilia, l'exécution n'a pas été constamment irrépro-
chable. — On a repris Stradella, de Flotow, avee beaucoup de succès.
,*,^ Stuttgard. — L'oratorio Eli, de Michel Costa, a été exécuU; avec
un grand succès, le 3 novembre, dans le Kœnigsbau. Le nombre des
exécutants était moindre qu'aux festivals anglais où cet ouvrage a été
déjà donné ; mais tous étaient des artistes de premier ordre, et il en est
résulté un admirable ensemble, qui a parfaitement fait ressortir les
beautés dont l'œuvre du célèbre chef d'orchestre est pleine. Les solistes
étaient Mmes Klettner et Ellinger, MM. Schuttky, A. Jaeger, Braun, Horn
et Fromada. Le roi et la reine étaient présents. — Eli sera exécuté en-
core le jour des Rameaux. On a en outre demandé à Costa .son autre
oratorio Naaman, pour une époque encore indéterminée. — .M. Camille
Saint-Saëns, l'éminent pianiste-compositeur français, s'est fait entendre
ici avec succès.
*% Cologne. — Le premier concert du Gùrzenich a été donné le 20 oc-
tobre, sous l'habile direction de Ferd. Hitler. On y a beaucoup applaudi
le violoniste russe, Besekirsky, et le chanteur Wallenreiier, de Londres.
,^*^ Leipzig. — Au quatrième concert du Gewandhaus, le 29 octobre,
l'intérêt s'est partagé entre la Reformations-Symphonie de Mendelssohn et
l'exécution du second concerto de Weber (en mi bémol) , par une jeune
pianiste de Vienne, Mlle Gabrielle Joël, qui a fait preuve d'un sérieux
talent. — VEuterpe a donné, le 27, son premier concert, sous la direc-
tion de M. Jadassohn.
^'^,1, Berlin. — Rubinslein a donné un premier concert dans la salle
de la Sing-Académie. Il a été à sa hauteur habituelle; on l'a saltié des
applaudissements les plus enthousiastes.
^*^ Vienne. — Le succès de Mignon, donnée pour la première fois le
24 octobre, a été complet. L'ouverture a été redemandée, et plusieurs
morceaux auraient eu également les honneurs du bis, si un règlement
récent ne l'interdisait pas pour les morceaux de chant. Les rôles étaient
distribués à Mlles Ehnn (Mignon), Rabatinsky (Philine), MM. Walter
(Wilhelm Meister), et Beck (Lothario). Toute la cour assistait à cette repré-
.sentation, qui a été suivie de trois autres également brillantes.
**„: Naples. — L'ouverture du théâtre San Carlo a eu lieu, le 2.i oc-
tobre, avec l'opéra Jone, de Pelrella. La représentation a pu à grande
peine être terminée, et la toile s'est baissée au milieu des sifflets adre.ssés
au ténor et au baryton . — Le ballet nouveau de Borri, Nephté, n'a été
guère mieux reçu; la Ferraris a cependant été applaudie. — Une seconde
représentation n'a pu être achevée; et le théâtre s'est fermé pour une
semaine. 11 rouvrira avec Fausto et un nouvel imprésario, M. Presireau.
,^*, Madrid. — Mme Gueymard est arrivée et elle a débuté dans //
Trovatore. La vaillante artiste a été chaleureusement acclamée pendant
tout' le cours de la représentation, et rappelée après chaque acte. Tam-
berlick a partagé son succès.
:f*^ Lisbonne. — Fleur de Thé continue d'attirer la foule, et la critique
fait de grands éloges de la traduction portugaise due à MM. Oliveira
et Mondes Leal.
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Paris, "J* r, par au
Département», Bi-lgi<]U'; et Suisse...- '.Ht » id.
ÉtruDger Zi » Id.
Le Journal parait le Dimanche,
TTE MUSICALE
DE PARIS
SOMMAIRE. — Mort de Rossini. — Théâtre impéi'ial de l'Opéra: reprise
des Huguenots, par Blias de Banze. — Théâtre des Fantaisies-Pari-
siennes: reprise jt ce théâtre de la Fête du village voisin, opéra-comique en
trois actes, paroles de Sewrin, musique de Boieldieu. — Léon Kreutaer (2' et
dernier article), par Arthur Peng^ln. — Entrefilets. — Nouvelles des
théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — Annonces.
Rossini a succombé ! . . . . Après quinze jours d'incerti-
tudes , de douleurs et d'angoisses ; malgré les efforts de la
science, les soins d'une femme et d'amis dévoués; malgré les
vœux ardents de tous les amis de l'Art; en dépit de la sympa-
thie universelle rayonnant comme une auréole autour de ce
chevet glorieux , la Mort, l'impitoyable Mort n'a pas reculé et a
emporté, vendredi 18 novembre,, à minuit, par une soirée glaciale
et brumeuse, ce génie lumineux entre tous!
L'Europe musicale pleure l'un de ses compositeurs dramati-
ques les plus illustres et les plus populaires. En Joachim Rossini,
la musique perd une organisation merveilleuse servie par une rare
finesse d'esprit
A l'âge de trente-sept ans, alors que tant d'autres luttent encore,
Rossini avait atteint à des sommets assez élevés pour se condamner
au silence — au grand regret de ses admirateurs et de ses amis —
et pour échapper à la loi commune de ce sentiment noble et pur
qui fait cultiver l'art pour lui-même.
Nous consacrerons une étude spéciale à cette grande mémoire,
à ce génie impérissable.
L'écho des œuvres rossiniennes ne saurait d'ailleurs abandonner
\e domaine de l'art. Le Barbier, Guillaume Tell, Otello, le Stabat
et tant d'autres de styles si différents feront toujours retentir leurs
accents touchants, joyeux, passionnés ou religieux sur les grandes
scènes des deux mondes et ne cesseront de soulever les transports
d'enthousiasme des générations futures.
La mort n'a fait qu'idéaliser cette étonnante personnalité, que
lui ouvrir le chemin de l'empyrée où les Grecs plaçaient leurs
demi-dieux.
La France et Paris ont glorifié Rossini de son vivant. Paris
s'apprête à rendre à ce mort illustre un dernier et éclatant hom-
mage.
De telles funérailles ne peuvent être qu'une apothéose et comme
la préface de l'immortalité.
THEATRE mPËRIÀL DE L'OPÉRA.
Beprlse des Jffuguenot».
Après l'excellente reprise de Guillaume Tell qui fut, l'on s'en
souvient, une véritable restauration, le directeur de l'Opéra s'était
appliqué à faire pour un des chefs-d'œuvre de Meyerbeer ce qu'il
avait fait avec tant de succès pour le chef-d'œuvre rossinien. II
voulait reprendre les Huguenots, mais de façon à ne plus faire re-
gretter les beaux jours de son apparition, qui furent en même
temps ceux de son apothéose, quand les interprètes, ou plutôt les
créateurs des principaux rôles étaient : Mlle Falcon, Nourrit, Levas-
seur, etc.
Tout ce qu'on peut mettre de zèle , de soins , de bon vouloir,
de culte pour l'art, de vénération pour le Maître, d'amour pour
les œuvres impérissables, M. Perrin l'employa à cette restaura-
tion.
Il semblait donc que le directeur de l'Opéra n'eût plus qu'à
jouir et à faire jouir son public- du succès de ses efforts ; mais il
avait compté sans la male-chance, qui ne vient que trop souvent
déjouer les projets les mieux combinés !
Ainsi, au jour même de l'épreuve, c'est Mlle Hisson, — comptée
comme élément de grand intérêt dans une interprétation nouvelle
362
HEVUE ET GAZETTE MUSICALE
du rôle principal, — c'est Mlle Hisson, dont nous ne prétendons
pas pour cela diminuer le mérite, qui fait défaut! — C'est Villaret,
que l'intempérie de la saison cloue dans son lit! — Entin c'est
Mlle Battu, l'artiste vaillante, qui, malade dès la veille et comp-
tant trop sur son courage, voit son magnifique talent compromis
par son dévouement et son abnégation!
Aussi, regarder cette représentation comme le résultat vrai de la
louable tentative de M. Perrin, serait injuste et intempestif. —
Bornons-nous donc aujourd'hui à esquisser les grandes lignes
accusées par la soirée d' avant-hier et qui ont largement suffi à faire
briller, pour la S00'= fois, du plus grand éclat, l'immortel chef-
d'œuvre de Meyerbeer, c'est-à-dire : triomphe de Marie Sass; révé-
lation du talent de Colin dans un nMe considéré comme l'un des
plus lourds du répertoire et qu'il abordait à l'improviste après
quelques heures de répétition; supériorité dans l'exécution par l'or-
chestre, par les chœurs, notamment au troisième acte et dans la
Bénédiction des poignards ; enfin comme accessoires , deux belles
décorations peintes à neuf, des costumes de la plus gi'ande
richesse et l'addition au troisième acte d'un nouveau ballet
qui a remplacé celui d'autrefois.
Ce rapide aperçu nous suffira pour distribuer à chacun sa part
de mérite dans une reprise appelée à tenir avant quelques jours
tout ce qu'elle avait promis.
En procédant par ordre, nous applaudirons Faure comme le
public l'a applaudi dans ce rôle du comte de Nevers dont il a su
doubler l'importance par la beauté de sa voix, sa tenue pleine de
distinction chevaleresque et l'énergie de son accent à la grande
scène de la Conspiration.
Nous ne louerons pas Belval sans restriction ; lui aussi sans doute
subissait quelque peu l'influence de la malaria. Toutefois, il faut
signaler la belle pai't qu'il a prise au grand duo du troisième acte
avec Valcntine, et au trio du cinquième acte.
Valentine, c'était Marie Sass, attendue comme l'arc-en-ciel qui
devait ramener la sérénité troublée ; Marie Sass qui, dans le beau
duo avec Marcel, dans le grand duo du quatrième acte et dans le
trio du cinquième, a eu tour à tour des élans de tendresse con-
tenue, des accents de brûlante passion nuancés avec un talent
infini, et qui font d'elle l'interprète née de ces grands rôles.
Nous disions que le jeune ténor Colin s'était révélé dans cette
pi'ise de possession improvisée du rôle de Raoul. Personne de
ceux qui l'entendaient ne nous contredira; après avoir dit avec
beaucoup de mesure et de justesse la difficile romance du premier
acte, le duo avec la reine au deuxième, et s'être fait remarquer
dans le septuor du troisième, il a montré dans le grand duo du
quatrième les qualités les plus remarquables ; c'est-à-dire une voix
bien timbrée, passant aisément de la douceur à l'énergie, de l'am-
pleur dans la phrase et une grande expression dramatique. De
même que Marie Sass, il a provoqué des bravos aussi enthousiastes
que mérités. Après de nombreux rappels on a jeté à cette dernière
une belle couronne de fleurs ornée de rubans.
David chantait le rôle de Saint-Bris ; sa scène principale est celle
de la Conspiration. Sa voix vibrante, le caractère sombre et fana-
tique dont il a su empreindre le personnage y ont produit le meil-
leur eiîet.
Mlle Beaugrand a été pour la danse l'étoile de la soirée ; elle a
eu des échos d'une légèreté, d'une correction étonnante, mais d'une
audace à donner le vertige.
Les deux décorations nouvelles sont deux vrais tableaux ; celui
qui représente le Pré-aux-Clers fait le plus grand honneur à M.
Camhon ; le site a été reproduit avec la plus grande fidélité d'après
des dessins de l'époque.
Nous ne parlerons point de quelques rôles insuffisants tenus par
des artistes que nous ne voulons pas affliger, puisqu'ils y seront
nécessairement remplacés à la prochaine représentation.
Concluons plutôt en iélicitant de nouveau — et quoi qu'on puisse
dire — le directeur de notre première scène lyrique d'avoir consacré
ses soins et sa bonne volonté à une reprise aussi importante et
aussi généralement attendue.
Elias de RAUZE.
THÉÂTRE DES FANTAISIES-PARISIENNES.
REPRISE A CE THÉÂTRE DE
1<A ï'ËTB nu VIMiAOE VOISIIW ,
Opéra- comique en trois actes, paroles de Sewrin, musique de
BOÏELDIEU.
(Première représentation le H novembre 1868.)
Il y a un peu plus d'un demi-siècle que ce charmant opéra de
Boïeldieu fut représenté pour la première fois; il date du 5 mars
1816. Repris bien souvent depuis cette époque, nous croyons que
sa dernière exhibition, à l'Opéra-Comique, remonte au mois de
juillet 1857, oîi il fut joué pour les débuts du baryton Stock-
hausen.
Le théâtre des Fantaisies-Parisiennes, qui s'est imposé la louabie
tâche de remettre à la scène les opéras célèbres, délaissés à tort
ou à raison par ses confrères subventionnés , ne pouvait faire un
meilleur choix que celui de la Fête du village voisin. Le livret de
Sewrin, inspiré par les Jeux de l'amour et du hasard, n'est pas, à
coup sûr, un chef-d'œuvre d'esprit et d'invention; mais il n'est
pas ennuyeux , il a une marche rapide , et il affecte en outre des
proportions modestes qui ne dépassent pas les ressources d'un
théâtre limité dans ses effoj'ts, comme doit l'être celui des Fantai-
sies-Parisiennes. Il en résulte que cette pièce y est montée avec
toute la perfection désirable.
Quant à la partition de Boïeldieu, elle est toujours ravissante.
Quelques formules vieillies font à peine tache sur cette musique
tout aimable et toute gracieuse, dont la plupart des mélodies ont
conservé une saveur fraîche et parfumée, qu'on ne rencontre guère
au même degré chez les compositeurs du temps. Nous n'avons pas
à faire l'éloge de cette cavatine si connue : Simple, innocente et
joliette; elle est dans toutes les mémoires. D'autres morceaux,
dont on se souvient moins , ont pourtant aussi leur mérite et se
recommandent par une foule d'éminent(!s qualités : l'ouverture, par
exemple, un modèle de ces sortes de préfaces; l'air de la sou-
brette : La gaieté sied à notre âge; le trio du premier acte, l'air
de la petite marchande , et surtout le délicieux quintette : Quand
la mémoire est infidèle, où l'inspiration s'unit si bien à la science.
Le rôle de Henri, l'une des plus séduisantes créations de Martin,
a été joué et chanté par Arsandaux d'une manière satisfaisante,
quoique ce jeune baryton ne fût qu'incomplètement remis d'une
indisposition assez sérieuse. La cavatine du troisième acte lui a
valu plusieurs salves d'applaudissements. Mlles Gazât et Flachat
ont été fort convenables, aussi bien au château qu'au village.
Mlle Persini, la jeune et jolie marchande du deuxième acte, a bien
dit ses couplets; Mme Decroix, qui justement i-emplissait ce petit
rôle à la dernière reprise de l'Opéra-Comique, l'a échangé contre
celui de la fermière Geneviève. Enfin, Mortier, Davoust et Thierry
se sont acquittés à merveille de leurs divers personnages. Et
comme il ne faut oubher personne, nous ajouterons que l'orchestre
a fortement contribué au bon effet de cette interprétation. Il
mérite les plus grands éloges.
D.
DE PAlilS.
363
LÉON KREUTZER.
(2° ut dernier article) (1).
D'un article publié dans l'Union, par M. Laureutie, peu de
jours après la mort de Léon Kreutzer, j'extrais les lignes qui sui-
vent. IVI. Laurenlio, l'un des doyens, l'un des patriarches les plus
honorés du journalisme contemporain (je puis le dire en toute
franchise, car je suis loin de partager ses opinions), pouvait par-
ler de son collaborateur presque comme un père, car il l'avait
connu tout enfant, et la mère du jeune artiste l'avait pour ainsi
dire chargé de son avenir.
«... Léon Kreutzer, dit M. Laurentie, est le dernier qui em-
porte nos regrets et nos souvenirs. Je lui dois plus que d'autres
un hommage; car sa mère me l'avait confié en quelque sorte
comme un enfant, qui serait exposé parfois peut-être à ne savoir
que faire de son génie.
» Cette mère, Mme Kreutzer, a laissé une longue trace dans la
mémoire de ceux qui avaient vu son élégant petit salon de la rue
Saint-Georges. Femme d'un esprit orné et d'un goût délicat, elle
gardait comme un culte le nom des deux Kreutzer, et, par ce
nom qu'elle portait avec orgueil, son enthousiasme plein d'amour
remontait au nom de la reine Marie-Antoinette, qui avait entouré
d'affection et d'honneur les deux, grands artistes.
» Ces mots disent d'eux-mêmes quelle direction fut donnée à
la vie de Léon Kreutzer, et quel instinct l'associa à nos pensées
et à nos travaux. . .
» Il y a deux hommes à considérer dans Léon Kreutzer: le
compositeur et le critique. Le compositeur n'a point été connu de
la foule. Son génie — je dis son génie avec hardiesse — n'avait
rien de ce qu'il faut pour devenir populaire. Son caractère aussi
peut-être se refusait à la poursuite des moyens qui donnent la
gloire; il n'avait ni l'intrigue, ni la vanterie de soi-même, ni la flat-
terie des autres; il en avait plutôt l'inverse; insouciant et distrait,
tantôt irritable, tantôt facile, tour à tour humble et fier, il se
renfermait en son œuvre, et, content du suffrage d'une élite, il se
dérobait au jugement de la multitude. »
J'ai transcrit ces lignes parce que, tracées avec tout le tact,
toute la délicatesse d'un ami qui parle d'un ami, elles viennent
à l'appui de ce que j'ai dit moi-même plus haut du caractère un
peu fantasque de Léon Kreutzer. M. Laurentie dit encore ceci :
« Mais quel que fût son dédain de la renommée bruyante, il
avait ses échappées d'irritation contre l'indifférence des juges qui
semblent chargés de donner la gloire. Il ne pouvait s'ignorer lui-
même, il avait le droit de penser que son œuvre et son nom de-
vaient lui ouvrir l'épreuve du Conservatoire ; mais l'art français
est ainsi fait: les dieux étrangei-s sont ses dieux, et volontiers il
leur sacrifie les dieux domestiques. >>
Ces réflexions partent d'un point de vue parfaitement juste. La
Société des concerts du Conservatoire, immuable dans son prin-
cipe comme elle paraît l'être dans ses destins, s'épanche chaque
jour en doléances au moins exagérées sur la nécessité où elle se
trouve d'avoir sans cesse recours à l'art étranger, et lorsque nous
avons, chez nous, un artiste sérieux qui peut lui donner des ga-
ranties, elle passe à côté de lui sans paraître même l'apercevoir.
Nous possédions ainsi, en France, deux artistes d'un mérite très-
réel et prisé des délicats : M. Théodore Gouvy et Léon Kreutzer.
La Société ne paraît pas se douter de l'existence du premier ;
quant au second, elle vient de le laisser mourir sans lui avoir
donné la satisfaction d'entendre et sans s'être donné le mérite
(1) Voirie n" U.
d'exécuter une de ses œuvres. Il en est de même de M. Pasdc-
loup — dont la situation, il faut le dire, est plus délicate — mais
qui, nous semble-t-il, pourrait bien faire entrer plus souvent
le nom d'un artiste français contemporain dans la composition
d'un de ses programmes lorsqu'il veut faire un essai ; à tout
prendre, je crois que l'audition d'une page signée Berlioz, Théo-
dore Gouvy, Léon Kreutzer, Hen.-i Ueber, Félicien David, vaudrait
bien celle des œuvres de MM. Abert, Lachner, Ralf et tuUi
quanti.
Quoi qu'il en soit, Léon Kreutzer n'eut jamais l'honneur ni le
bonheur de s'entendre exécuter soit au Conservatoire, soit au
cirque Napoléon; et quand il produisit en public ses œuvres sym-
phoniques, ce fut à ses frais, et en prenant à sa charge toutes les
dépenses d'une exécution à grand orchestre, dépenses toujours
fort lourdes, comme chacun sait, mais que lui permettait du reste
son état de fortune. Je ne sais si les deux symphonies qu'il a
laissées (l'une en si bémol, l'autre en fa mineur) ont été ainsi
toutes deux par lui livrées au public. L'une d'elles, tout au
moins, fut entendue; j'ai le regret de ne pas la connaître, et de
ne pouvoir, par conséquent, porter sur elle un jugement motivé ;
mais ce que j'en ai entendu dire par quelques artistes m'en fait
concevoir le plus grand bien, et me porte à la considérer comme
une œuvre supérieure au point de vue de la forme , remarquable
comme inspiration, et originale sous le rapport du coloris instru-
mental.
L'œuvre la plus connue de Léon Kreutzer est son concerto-
symphonie pour piano et orchestre, que Mme Massart, femme de
l'excellent professeur du Conservatoire, exécutait avec son talent
magistral, et qu'elle a propagé avec la constance et la conscience
d'une grande artiste. Mme Massart fit entendre cette grande com-
position, d'abord dans la salle du Conservatoire, puis chez Herz,
je crois, puis enfin à l'Athénée, avant sa transformation en théâ-
tre. C'est dans ce dernier endroit que, pour ma part, j'eus le
plaisir de l'entendre. «... Enfin, dit à ce sujet M. Laurentie,
une grande épreuve éclata, comme à l'improviste; ce fut l'exécu-
tion, non pas au Conservatoire, mon Dieu! mais dans la salle oc-
troyée, non sans hésitation, de ses séances, l'exécution, dis-je,
d'un concerto-symphonie pour piano et orchestre. Cette fois, un
grand public était présent, public sérieux et compétent, mêlé
d'artistes et d'amateurs instruits, tous disposés à la justice, sans
parti pris d'enthousiasme. Mme Massart, la grande artiste, tenait
le piano ; un brillant orchestre était sous les armes ; la curiosité
était attentive. Le doute faisait silence ; il s'agissait de savoir si la
France avait un symphoniste digne d'être mis en regard du nom
glorieux de Beethoven. Ce fut un grand combat; le piano fit mer-
veille, l'orchestre rivalisa; l'œuvre se déroula savante, magnifi-
tique, resplendissante ; l'exécution dura une heure, heure pleine
d'émotions et de surprises, et Léon Kreutzer, que personne ne
vit ce soir-là nulle part, n'eut d'autre embarras que de savoir
comment il allait recevoir la gloire qui venait de lui arriver avec
cette profusion d'applaudissements et de sympathies. »
En faisant la part de l'exagération amicale, les lignes qui pré-
cèdent retracent l'exacte vérité. Léon Kreutzer remporta en effet
ce soir-là une brillante victoire, et, on peut le dire, une victoire
méritée. Son concerto était véritablement une œuvre très-remar-
quable, un peu outrée, à mon sens, dans ses développements, et
qui aurait gagnée à être un peur accourcie, mais c'était une noble
composition, aux grandes lignes, au style sévère, à l'instrumen-
tation puissante et vigoureuse par instants, délicate et sémillante
dans d'autres, et toujours remplie de détails originaux et char-
mants.
J'ai sous les yeux trois quatuors de Léon Kreutzer, pour instru-
ments à cordes, gravés en partition (premier, dédié à M. Ch.
364
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Dancla; deuxième, à M. Gouffé ; troisième, à M. Hector Berlioz).
Ces trois œuvres importantes décèlent un talent rare, une grande
sûreté de main et une forme très-personnelle. La mélodie s'y
voile parfois sous l'agencement des parties et le tissu des combi-
naisons harmoniques; elle ne s'y montre pas moins très -réelle,
et parfois très-franche. La facture est très-serrée, le sentiment,
élevé, poétique ou délicat, selon l'occasion, et le caractère relatif
à chaque instrument y est on ne peut mieux observé. Un repro-
che seulement est à faire à l'auteur relativement à la façon dont il
écrit au point de vue du doigté et du démanché. Dans l'midan-
tino du premier quatuor, je remarque divers passages en notes
coulées qui sont de véritables casse-cou , et dans le scherzo cer-
taines attaques qui sont au moins scabreuses.
Je dois mentionner aussi ses trois sonates pour piano, dont
l'une, « dana le style ancien, » est dédiée à M. Marmontel. Celle-
ci est un pastiche très-réussi, dans lequel on retrouve, non-seule-
ment la coupe des anciennes pièces de clavecin, mais les rhythmes,
les dessins et les agi'éments du temps. Léon Kreutzer, qui pour-
tant n'avait point l'esprit poussé à la gaieté, a écrit, comme troi-
sième morceau, un canon rigoureux qui est d'un effet très-singu-
lier et très-comique. Les deux autres sonates présentent des qua-
lités de premier ordre, mais, il faut bien le dire, leurs développe-
ments dépassent toute espèce de proportion; l'auteur, on le voit,
savait rarement se borner, et oubliait trop complètement l'apho-
risme de Boileau. Néanmoins, je recommande, dans la seconde,
la phrase de début de Yandante, qui est superbe et d'un caractère
admirable, puis le finale, danza rustica, dont le rhythme continu,
l'allure rapide et les dessins charmants sont pleins de feu, d'en-
train et d'originalité. Je dois faire remarquer que ces sonates
sont des morceaux de première force, qui réclament des virtuoses
consommés.
Dans ses oeuvres diverses , aussi bien que dans ses études de
piano, dans ses dix valses (qui, comme celles de Beethoven, ne
sont point faites pour être valsées), et les deux écossaises, la qua-
lité dominante du compositeur est l'horreur du banal et la re-
cherche de l'originalité, recherche qui le conduit parfois un peu
près de l'étrangeté, mais qui n'enlève jamais à son inspiration ni
la distinction des formes, ni la grâce des contours, et qui la revêt
d'une sorte de manteau brillant aux couleurs chatoyantes et aux
reflets lumineux.
Il me reste à parler maintenant de ses compositions vocales.
Celles-ci consistent en deux séries de Ballades et Mélodies (l'une
de 26, l'autre de 20), écrites sur des paroles de Ronsard, de
Charles d'Orléans, de Charles Dovalle, de Chateaubriand, Musset,
Lamartine, Victor Hugo, Th. Gautier, Casimir Delavigne,
Mme Desbordes- Val more, etc. Le seul choix de ces collaborateurs
indique suffisamment la nature de l'esprit très-cultivé de Léon
Kreutzer. Ces diverses compositions se font toutes remarquer par
un soin tout particulier de la forme, une rare souplesse de main,
un grand sentiment poétique, la recherche de la couleur et du
pittoresque, et enfin, au seul point de vue musical, par des pensées
élégantes ou élevées, une harmonie très-distinguée, quoique par-
fois peut-être un peu hardie, des accompagnements très-fouillés et
pleins d'originalité. Je suis embarrassé, vraiment, pour faire un
choix dans tout cela, et citer les unes plutôt que les autres. J'ai
cependant particulièrement distingué celles qui ont pour titre :
Ghazel, l'Ange au berceau, le Danube en colère, la Véritable Ma-
nda, Chanson d'Avril.... Mais je n'ose, je l'avoue, recommander
celles-ci plutôt que celles-là. On sent, en lisant ces pièces, de carac-
tères très-divers, que l'auteur a étudié tous les compositeurs de lieder
allemands, depuis Schubert et Mendelssolm jusqu'à Schumann et
Meyerbeer ; ce dernier surtout, pour lequel il professait une admi-
ration profonde et avec lequel son tempérament musical sympa-
thisait complètement. (Juelques-unes de ces mélodies ont été traduites
en allemand par M. Richard Lindau, et pour un certain nombre
d'entre elles l'auteur avait écrit un accompagnement d'orchestre
qui semble indiqué du reste par leur nature même.
Léon Kreutzer a laissé en manuscrit les partitions de deux ou-
vrages dramatiques : Serafina, opéra-comique en un acte, et les
Filles d'azur, opéra fantastique. Pourquoi ces deux ouvrages
n'ont-ils, malgré le nom et le talent de leur auteur, trouvé l'hos-
pitalité sur aucun théâtre? C'est ce que que je ne me charge pas
d'expliquer. J'ignore s'ils ont été exécutés dans quelque circons-
tance particulière. En tout cas je n'en saurais parler.
Je disais à l'instant que Léon Kreutzer professait une admiration
réelle pour Meyerbeer. C'est surtout comme critique qu'il en a
donné des preuves, et cela m'amène à parler de son talent d'écri-
vain. Je me rappelle encore le feuilleton enthousiaste et ému qu'il
écrivit, dans l'Union, au lendemain de la représentation de l'Afri-
caine, de cette œuvre superbe que le maître, un peu par sa faute
sans doute, n'eut pas le bonheur de voir naître à la lumière, mais
que son bruyant succès a peut-être fait frémir d'aise dans le calme
Oli il repose. Léon Kreutzer considérait Meyerbeer, on peut le dire,
comme le grand maître de l'art moderne, et l'on doit avouer
qu'il eiit pu fixer plus mal ses préférences. Il lui consacra dans
la Revue contemporaine, en 18o3, une série d'articles fort remar-
quables et dans lesquels le génie du grand créateur était soumis à
une analyse savante, détaillée et minutieuse. Il est regrettable que
ces articles n'aient pas été réunis en un volume, qui serait fort
utile à consulter, et dont la critique analytique, sévère et toute
musicale, compléterait merveilleusement les dissertations poétiques
et sensibles contenues dans le livre sincère et élégant de M. Henri
Blaze de Bury. Pour ma part, je confesse que j'ai beaucoup profité
de la lecture de ces articles substantiels lorsque, à la mort de
Meyerbeer, je publiai une biographie de ce grand homme.
Quelques-uns des lecteurs de la Gazette musicale n'ont peut-être
pas oublié la série d'articles que Léon Kreutzer donna jadis dans
ce journal sous le titre de l'Opéra en Europe. L'ensemble de ces
articles formait un tout complet, et leur auteur, dans ces derniers
temps, songeait à en faire une publication séparée, après les avoir
revus et corrigés avec le plus grand soin. Je ne sais si ce projet
a reçu un commencement d'exécution; cela serait fort à souhaiter,
et dans ce cas il est à espérer que sa famille tiendrait à honneur
d'achever l'œuvre commencée.
J'ai dit que Léon Kreutzer avait collaboré à l'Encyclopédie du
XIX<= siècle. Il rédigea particulièrement dans ce recueil, avec
M, Edouard Fournier, l'article Opéra, Opéra-Comique, dont les
deux auteurs firent faire un tiré à part sous ce titre : Essai sur
l'art lyrique au théâtre, depuis les anciens jusqu'à Meyerbeer. (Pa-
ris, Bouchard-Huzard, 1849, in-12.) Il prit part aussi à la rédac-
tion du journal le Théâtre, à l'époque oîi M. Édourd Fournier en
était le rédacteur en chef, et il fut chargé pendant un certain
temps de toute la partie musicale de cette feuille (1).
(1) Le lecteur voudra- t-il bien ne pas m'accuser d'outrecuidance si je
consigne ici un souvenir personnel ? — C'est à Léon Kreutzer que je
dois indirectement d'avoir vu mes premières lignes imprimées dans un
journal. J'étais fout jeune alors qu'il publia dans le Théâtre (où je tins
modestement plus tard la place qu'il avait occupée d'une façon si bril-
lante) un article sur le concours de violon du Conservatoire. J'étais fort
loin de partager l'opinion qu'il exprimait sur ce concours, et, encouragé
par mes camarades d'orchestre, qui étaient aussi mes camarades de
classe, j'écrivis au journal une longue lettre en réponse à son article.
Mais, par prudence, et afin de ne pas provoquer mon renvoi du Con-
servatoire en cas de publication de ma prose, je signai seulement celle-
ci de mes initiales. Léon Kreutzer crut que la réfutation de son ariicle
venait d'un des membres du jury du concours, et répondit longuement
en faisant connaître cette supposition. Un membre du jury avait en eifet
les mêmes initiales que l'auteur de la lettre : c'était Auguste Panseron.
DE PARIS.
3m
On voit que la vie de Léon Kreutzer a été laborieuse 'ol bien
remplie. C'est qu'il était de la race de ces esprits d'élite qui
croient ([uo la fortune, cette servante du hasard, ne dispense pas
l'homme des devoirs qu'il a à remplir sur la terre, et qu'un peu
d'argent n'empêche ni l'âme de songer, ni lé cerveau de réfléchir.
Intelligence rêveuse, nature mélancolique et distinguée, caractère
indépendant et fier, il avait tout ce qu'il faut pour atteindre, non
peut-être la célébrité, mais du moins une juste renommée et le
suffrage des délicats. Ce suffrage, cette renommée ne lui ont point
fait défaut, et s'il n'a pas été à même de captiver la foule, c'est
que peut-être il manquait de la force nécessaire à qui veut s'im-
poser à elle, de c(itte énergie soit patiente, soit violente, sans la-
quelle nul ne forcera jamais l'oreille du grand public , l'attention
des masses. Sa vie du moins n'a pas été inutile, et l'on peut dire
qu'il laisse, avec des œuvres très-recommandables, le souvenir
d'une carrière honorablement remplie.
Arthur POUGIN.
On lit dans l'Alsace, journal de Colmar du 7 de ce mois :
« La bibliothèque, en voie de formation, du Conservatoire de musique
de Colmar, vient d'être l'objet d'un acte de haute libéralilé. La veuve
de M. Georges Kasf.ner a bien voulu lui faire don d'un exemplaire des
œuvres les plus remarquables qui ont illustré son mari.
» Les amateurs et les artistes du Haut-Rhin se sont toujours rappelé
l'accueil bienveillant qu'ils ont reçu de Georges Kastner. Quand fut fon-
dée notre école de musique, il en avait suivi avec intérêt la création, et
plus tard, les progrès. Aussi, nulle part la mort prématurée du grand
artiste ne fut-elle plus vivement sentie qu'à Colmar.
s Le don que Mme Kastner vient de faire au Conservatoire est un
souvenir touchant de ces sentiments de sympathie réciproque.
» Parmi les œuvres dont l'étude sera la plus utile aux professeurs et
aux élèves les plus avancés, citons d'abord divers traités d'harmonie,
dHnstrumentation et de contrepoint. Ces ouvrages ont été adoptés pour
l'enseignement par l'Institut, dont Kastner fut constamment un des
membres les plus laborieux et les plus influents.
» C'e.-it lui aussi qui a été un des plus ardents promoteurs de la réor-
ganisation des musiques militaires en France. Ses idées sur ce point,
développées dans son Manuel général de musique militaire, ont été adop-
tées en très-grande partie. Grâce à lui, nos bandes de musiciens sont
d'une force aujourd'hui à lutter contre n'importe quel corps de musique
étranger.
» C'est encore à Georges Kastner que l'on doit en grande partie le dé-
veloppement du goût de la musique dans les masses et l'institution des
Orphéons, qui chantent aujourd'hui sur tous les points du sol français,
et jusque dans les plus petits villages. Ce çuafuor de chanteurs alsaciens
qu'il produisit dans le temps, dans les salons de Paris et devant les mu-
siciens les plus complets, ne tarda pas à rejeter au second plan les
chanteurs tyroliens et pyrénéens qui, jusqu'alors, avaient accaparé la
vogue. Les Chants de la vie, cycle choral, etc., contiennent tout à la fois
l'histoire du chant choral pour voix d'hommes et un recueil de mor-
ceaux à quatre, à cinq, à six, à huit voix, auquel on n'a peut-être pas
assez rendu justice.
n Citons encore parmi Ips travaux de notre grand musicien les ou-
vrages suivants dont vient d'être dotée la bibliothèque du Conservatoire:
La Harpe d'Eole et la musique cosmique ; éludes sur les rapports des phé-
nomènes, de la nature avec la science et l'art; — Les Chants de
l'armée française; — Parémiologie musicale de la langue française, ou
explication des proverbes, etc., qui tirent leur origine de la musique; —
Les Voix de Paris, essai d'une histoire littéraire et musicale des cris popu-
laires de la capitale, depuis le moyen âge jusqu'à nos jours.
n Tous ces traités, vrais trésors d'érudition, trouvent en quelque sorte
leur sanction au point de vue musical dans une composition, ordinaire-
ment une cantate, qui les suit et forme comme une sorte de résumé ou
de récapitulation des théories exposées dans la première partie. Et que
l'on ne se figure pas n'avoir à faire ici qu'aux élucubrations profondes,
mais fastidieuses, d'un savant en us. Kastner, il est vrai, était docteur
en philosophie et des mieux versés dans l'histoire et la philologie; mais
ses livres se lisent avec charme et sans la moindre fatigue. Il écrivait
avec l'érudition d'un AOemand et avec une plume toute française. Rien
de curieux et d'intéressant comme son histoire littéraire et musicale des
Voix de Paris et la symphonie humoristique qui la termine.
» Chaque page de ses œuvres contient les observations les plus pi-
quantes, les révélalions les plus inallondues. Dans ses Chants de l'armée
française, Kastner élalilit d'une manière irrécusiible les droits de Rouget
de risle, comme auteur de la HarseiUaise. Quand il arrive à la période
de 1830, il fait riiisltiire de la l'arisienne. Cliose étrange! On a tou-
jours su que Casimir Delavigne était l'auteur des paroles, nuiis pei^
sonne ne pouvait dire de qui était la musique. On l'a attribuée à Auber
et il maint autre composiioui' français. La vérité est que le cliant de la
Parisienne est tout simplement un \ieil air populaire de l'Allemagne du
Nord, que certains régiments étrangers cliantaient souvent pendant les
campagnes de 1SJ3 à I.SI.'Î. On conviendra que, pour un chant patrio-
tique franç^us, l'emprunt est assez original. La preuve de ce fait se
trouve consignée dans le recueil de Curiosa que M. Kastner a laissé et
qui doit contenir, sur la matière musicale , qui a été le culte de toute
sa vie, des documenis fort intéressants. Dei.uhe. »
Le défaut d'espace nous oblige à renvoyer au numéro prochain
la Revue des Théâtres.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
j*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et mercredi Hamlet,
et vendredi la reprise des Huguenots.
,t% Le ténor Lhérie, qui -s'était fait tout récemment remarquer dans
le rôle de Sylvain des Dragons de Villars, vient de résilier son engage-
ment avec la direction du théâtre de l'Opéra-Comique, et d'en contracter
un avec le directeur du grand théâtre de Marseille.
jf*^ Le théâtre Italien a donné cette semaine Linda di Chamouni, la
Sonnambula et Crispino. Mme Adelina Patti a joué dans ces trois pièces
avec son .succès habituel, et chaque soir devant une salle comble. —
On annonce pour mardi Semiramide avec Mlle Krauss, et prochainement
la Serva Padrona de Paësiello. Mlle Urban est chargé du rôle mimé. —
On poursuit les répétitions de Piccolino , de Mme de Grandval , et l'on
prête à M. Bagier l'idée i1e monter Idomeneo, de Mozart.
**^ Le baryton Graziani est souffrant depuis quelque temps et craint
d'augmenter cet état maladif en retournant à Saint-Pétersbourg. II y
sera remplacé par Steller, que M. Bagier a obligeamment mis à la dis-
position du directeur des théâtres impériaux. On sait que Fraschini a
aussi renoncé à son engagement.
^*^ Le Val d'Andorre et le Barbier fournissent une belle carrière au
théâtre Lyrique. Demain première de VIrato de MéhuI, et bientôt après
la reprise d'Iphigénie en Tauride. — Mlle Schroeder vient de rompre son
engagement avec M. Pasdeloup. Le chef des chœurs, M. Vast, se retire
également. — La direction vient de recevoir un opéra en trois actes.
Don Quichotte, musique de M. Ernest Boulanger, paroles de MM. Michel
Carré et J. Barbier.
^*j, Au nombre des opérettes d'Offenbach que la direction des Bouffes-
Parisiens se propose de reprendre , il faut mentionner l'excellente bouf-
fonnerie Vent d'i soir, qui obtint dans l'origine un si grand succès avec
Désiré et la blonde Mlle Garnier. La pièce a subi de la part des auteurs
quelques remaniements et additions qui doivent renouveler son succès.
»*^, Les 30 premières représentations de la Périchole ont produit
131,988 francs. Le public se porte toujours en foule au théâtre des Va-
riétés et y applaudit avec enthousiasme l'œuvre nouvelle d'Offenbach, et
ses excellents interprètes Mlles Schneider et Dupuis.
,*;j Les recettes brutes des théâtres subventionnés, théâtres secondaires,
cafés-concerts, etc., ont atteint, pendant le mois d'octobre, le chiffre de
1,776,029 fr. 56 cent.
jj** Lorsque nous donnions dimanche des nouvelles de Moscou, qui
signalaient le nouveau triomphe de Mlle Artôt dans les Huguenots, —
oii elle n'a pas été rappelée moins de 27 fois, — nous nous réservions
de payer au chef d'orchestre de la Compagnie italienne, M. Joseph Du-
pont, un tribut d'éloges bien mérité pour le zèle , l'activité et le talent
déployés dans l'accomplissement de la tâche délicate qui lui incombait,
pour produire dignement devant un public aussi connaisseur que diffi-
cile, le chef-d'œuvre d'Auber et celui de Meyerbeer. Déjà l'accueil le plus
sympathique avait été fait par ce public à M. Dupont, lors de la repré-
sentation de la Muta di Portici donnée à son bénéfice. Au moment où
il prenait place au pupitre, une salve prolongée d'applaudissements accom-
pagnait la présentation d'une belle couronne; l'ouverture soulevait en-
suite de si enthousiastes bravos que, chose sans précédent à Moscou,
l'orchestre était obligé de la redire; un nouveau témoignage de satisfac-
tion attendait M. Dupont après le deuxième acte : le public le rappelait
avec tout le personnel des artistes et des chœurs, et les abonnés lui
offraient un magnifiqtie chronomètre en or avec sa chaîne, le tout d'une
valeur de 500 roubles (2,000 francs). Enfin, à la chute du rideau, M. Du-
pont fut encore rappelé 3 fois. En présence de pareilles démonstrations,
366
HEVllE K'ï GAZETTE MUSICAIJ'",
on conçoit l'empressement des artistes à contracter des engagements pour
la Russie.
**:j La réunion des compositeurs qui ont pris part au concours musi-
cal institué au théâtre Lyrique impérial a eu lieu mardi dernier au
ministère de la maison de l'Empereur et des Beaux-Arts. Deux jurys ont
été nommés, l'un pour l'examen des partitions, le second pour l'examen
des libretti envoyés à ce concours. Le nombre des œuvres déposées s'é-
lève à quarante-trois.
;^** Fleur de Thé vient de faire son apparition au Gymnase de Mar-
seille, ave; un grand luxe de mise en scène. La pièce a parfaitement
marché, et ti'ois représentations par semaine ne ralentissent pas son
franc et loyal succès. Mlle Rolland est ravissante dans le rôle de Fleur
de Thé; Mlle Laurentis, chanteuse de talent, a de l'entrain; MM. Lesbros
et Perricaud sont d'un comique irrésistible.
*% Les journaux américains qui nous arrivent confirment le succès
qu'obtient Mme Rose Bell dans le répertoire d'Ofîenbach, et particulière-
ment dans la Grande-Duchesse , dont les représentations font encaisser
2,500 dollars par soirée (12,300 fr.) au directeur, M. Grau.
NOUVELLES DIVERSES.
^.** Le premier concert de la société des Concerts du Conservatoire
est fixé au dimanche i3 décembre prochain.
.'\ Au troisième concert populaire, on a entendu pour la première
fois dans son entier la Suite d'orchestre, œuvre dOl de Joacliim Raff,
dont deux morceaux, Vadagielto et le scherzo, avaient déjà été exécutés
l'année dernière. Cette œuvre, dans laquelle on sent la main d'un maître,
et qui se distingue par une clarté qu'on ne trouve pas toujours chez cet
auteur, a été très-favorablement accueillie. On a beaucoup applaudi
aussi la belle ouverture de Lorclei, de Vincent Wallace, et Vaïlegrctto un
poco agitato de la Symphonie-cantate de Mendelssohn a été bissé. —
Au quatrième concert, l'intérêt se concentrait sur l'adagio de la sym-
phonie l'Océan d'Ant. Rubinstein, déjà connu du public du Cirque par
une ou deux exécutions, et dont les défauts balancent les incontestables
qualités, — et sur l'ouverture de concert de Rietz, nouvelle pour Paris.
L'œuvre de l'éminent capellmeister de Dresde procède çà et et là de
Weber, de Schubert et de Mendelssohn ; elle est écrite avec un très-
grand talent, pleine de mouvement, de distinction, agréable à entendre
même pour des oreilles profanes. Nous ne comprenons donc point la
froideur avec laquelle on l'a accueillie. Le prélude du cinquième acte
de l'Africaine, supérieurement exécuté, a produit un immense eifet;
il a été redemandé avec acclamations. On a bissé également le 'scherzo
du Songe d'une nuit d'été.
^*^ Aujourd'hui à 2 heures, au cirque Napoléon, cinquième concert
populaire de musique classique, sous la direction de J. Pasdeloup. On y
entendra : 1° symphonie en ré majeur, n« 31, de J. Haydn (introduc-
tion, allegro, andante, menuet, finale) ; — 2' ouverture de Coriolan de
Beethoven ; — 3° symphonie en si bémol de R. Schumann (introduc-
tion, allegro, andante, scherzo, finale) ; — 4° larghetto du quintette
(op. 108), de Mozart, exécuté par M. Grisez (clarinette), et tous les ins-
truments à cordes; — 5° ouverture du Tannhauser de R. Wagner.
.*» Le mardi 24 novembre, à onze heures précises, l'Association des
artistes musiciens célébrera, à l'église Saint-Eustache, la fête solennelle
de Sainte-Cécile. La messe à grand orchestre, avec soli et chœurs
d'Ambroise Thomas, sera exécutée par cinq cents artistes d'élite sous la
direction de Georges Hainl, chef d'orchestre de l'Académie impériale de
musique. Les soli de cette œuvre magiotrale seront chantés par Mlle Nils-
son et M. Battaille, professeur au Cont:ervatoire, deux grandes célébrités
artistiques. Les chœurs seront conduits par MM. Hurand, Steenmann et
Pickaërt, maîtres de chapelle de Saint-Eustache, Saint-Vincent de Paul
et Notre-Dame des Victoires. Le grand orgue sera tenu par M. Edouard
Batiste. Le produit de cette solennité musicale, l'une des plus remarqua-
bles de la saison, est entièrement destiné à la caisse de secours de la So-
ciété de bienfaisance des artistes musiciens.
:j*j, Le concours international d'orphéons, de musiques d'harmonie et
de fanfares que la ville de Reims organise pour le mois de mai 1869
s'annonce comme devant avoir un éclat inaccoutumé. Il réunira dans
l'ancienne capitale de la Champagne les meilleures sociétés chorales et
instrumentales de la France, de la Belgique, de l'Allemagne et de la
Suisse. La direction de la partie active de cette solennité a été confiée
à M. Gustave Bazin, artiste de talent, qui a laissé à Paris les meilleurs
souvenirs et qui a acquis parmi l'Orphéon français, dont il fut l'un
des premiers et des plus ardents promoteurs, une notoriété légitime.
,** Pour réaliser l'excellent projet de l'adjonction d'un orchestre aux
cours de son Ecole spéciale de chant, mentionné dans notre dernier nu-
méro, M. Duprez, dont les élèves ne sont pas riches et ne pourraient sup-
porter ce surcroît de dépenses, vient d'adresser une requête d'abonnement
« à tous les amis de l'art vocal.» Moyennant iO francs une fois payés,
l'abonné deviendrait prolecteur de l'école et pourrait assister tous les
vendredis, pendant quatre mois, aux exercices ordinaires et extraordi-
naires, avec le droit de céder sa place.
**« On a beaucoup remarqué et surtout beaucoup applaudi, à l'un des
derniers concerts de Valentino, une cantatrice, Mme Tarnni , qui, après
avoir figuré avec avantage comme comédienne sur les scènes des Va-
riétés et du Palais-Royal, sous le nom de Mlle Dahmen, avait quitté
Paris, il y a cinq ans, pour se livrer à la carrière italienne ; après
avoir recueilli maints succès en Italie et en Espagne, elle est revenue à
Paris, où elle ne sera pas longtemps sans trouver sa place. On a pu
apprécier au concert d'Arban, dans un air italien et le boléro des
Vêpres siciliennes, sa jolie voix de soprano aigu et l'agilité de ses
vocalises.
^*^ M. le baron Frémont a légué à l'Académie des Beaux-Arts une
somme annuelle de 4,000 francs pour la fondation d'un prix d'encoura-
gement destiné à un jeune compositeur. Dans une de ses dernières
séances, l'Académie a décidé que ce prix serait accordé cette année à
M. Léonce Cohen, grand prix de Rome, auteur d'un solfège trè.s-complet
approuvé par l'Institut et par le Conservatoire.
»** L'assemblée générale extraordinaire de \ii Société des auteurs, compo-
siteurs et éditeurs de musique, convoquée pour discuter sur la révision des
statuts sociaux, aura lieu le Dimanche, 22 novembre courant, dans la
salle du Grand-Orient, 16, rue Cadet, à 1 heure précise. MM. les socié-
taires sont instamment priés d'assister à cette réunion.
^*^ Trois fantaisies nouvelles pour piano sur la Grande- Duchesse
viennent encore d'être publiées par les éditeurs Brandus et Dufour.
Des deux, de Brinley Richard, l'une .s'inspirant de la Déclaration d'a-
mour, met poétiquement en œuvre cette mélodie ardente et contenue,
dont l'effet est irrésistible; T'autre est une transcription burlesque du
fameux air du Sabre. Le morceau du brillant pianiste Boscowitz traite
les thèmes les plus saillants de la partition, les enchaîne avec une verve
entraînante, et les brode des plus délicates arabesques. Dans cette mine
inépuisable, les deux pianistes-compositeurs ont su trouver, chacun, un
nouveau et précieux filon. Nous aurons à reparler de ces morceaux qui
suivront l'œuvre d'Ofifenbach dans son succès toujours grandissant.
j,*^, M. et Mme Léonard sont revenus de leur tournée artistique à
Wiesbade, Ems etSpa, et ont réouvert leurs cours de violon, de chant et
de musique de chambre. Ils reprendront aussi bientôt leurs intéressantes
soirées du samedi, dans lesquelles on entendra principalement les qua- •
tuors, trios et sonates de Beethoven, Schumann, Mendelssohn et Joachim
Rafif, exécutés par M. Léonard et ses élèves.
^*^, L'excellent violoniste et compositeur, M. de Cuvillon, est de retour
à Paris, et il vient de reprendre, dans son domicile, 3, rue de Camba-
cérès, ses leçons de violon et ses cours d'accompagnement.
."i", L'éminent pianiste -compositeur E. Stœger est aussi de retour
d'une excursion à Bordeaux où il s'est fait entendre avec un très-grand
succès. Il a repris le cours de ses leçons.
."^j Carlotla Patti abandonne M. Ulmann ; c'est l'heureux M. Max
Strakosch qui la lui enlève, grâce à un contrat de 20,000 francs par mois.
Sur ce pont d'or, Carlotta passera l'Atlantique pour aller fanatiser les
Yankees. — Comment vont s'appeler désormais les concerts Patti si
tant est qu'il puisse y eu avoir encore?
^*^ Un des professeurs les plus distingués du Conservatoire, M. Révial,
vient de donner sa démission. Cette détermination a été provoquée par
une mesure qui a fait passer contre son gré un élève de sa classe dans
celle de M. Vauthrot.
„,'*» Les matinées de M. Lebouc ont commencé lundi dernier. Il y
avait beaucoup de monde, et le programme, comme l'exécution, a reçu
de l'auditoire l'accueil le plus flatteur.
,,*, Le maestro Orlandi vient de découvrir à Naples le manuscrit de
l'hymne national composé par Cimarosa en 1799, pour la république
parthénopéenne.
,*,f Un pianiste-compositeur distingué, M. Ferdinand Dulcken, déjà
connu par plusieurs œuvres accueillies avec faveur, et dont on a fort
remarqué en dernier lieu l'Adieu à Meyerbeer, une Fantaisie-Caprice et
une Marche polonaise, va faire paraître, chez les éditeurs Brandus et
Dufour, deux nouveaux morceaux : Marche turque et « l'Air de Grâce »
de Robert le Diable, fantaisie pour la main gauche. Ces deux composi-
tions font grand honneur au talent de M. Dulcken et ne peuvent qu'a-
jouter à sa réputation.
*** Cette semaine, va paraître chez les mêmes éditeurs de musique
une nouvelle œuvre d'Eug. Ketterer, destinée à faire sensation; c'est une
grande fantaisie pour le piano sur les Huguenots. On connaît et l'on
apprécie chaque jour davantage la supériorité avec laquelle Ketterer traite
ce genre de composition. La grandeur du sujet l'a encore mieux inspiré
cette fois que d'habitude, et nous ne croyons pas nous avancer en disant
qu'il va compter un grand succès de plus.
^"■^ Les éditeurs Magnus et C'" viennent de faire paraître plusieurs
morceaux nouveaux pour piano; ce sont : la Barque et le Cabriolet,
suites italiennes,par M. Ch. Widor; — Sérénade, Metamolie et Coquette,
par M. Danrède; — Rose de Mai et Sensitive, par Franz KoUbach.— Nous
les recommandons aux amateurs de bonne musique.
DE PARIS
367
^** M. Jacques Baiir est de retour à Paris. Nous avons eu souvent à
enregistrer les succès remportés, l'été dernier, dans les salons et à l'iîxpo-
sition du Havi'O, par ce jeune et dgà cclrbre pianisle-composileur, auteur
de la remarquable transcription du Chœur des Évêques de l'Africaine,
dont parlait noire dernier numéro.
*** On n'a point oublié le succès qui accueillait il y a quelques années
chacune des romances de M. Ern. Dassier à leur apparition. Son fils,
M. Alfred Dassier, paraît destiné à continuer la réputation de son père
dans ce genre de composition. On chante en ce moment à l'Eldorado
de Rouen une chansonnette de lui : Comment l'esprit vient aux yarçons,
et une trcs-jolie romance: C'est le printemps, dédiée à Adelina Patti, qui
y attirent une foule considérable et qui valent rappels, bis et bouquets
aux interprètes.
«*. Un honorable éditeur de musique, M. Jules Heinz, vient de ma-
rier sa fille, Mlle Elisa Heinz, qui se distinguait dans le personnel chan-
tant de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois. Elle a épousé lundi dernier
M. Lefevre, et, à la cérémonie nuptiale qui réunissait un auditoi^-e
nombreux et sympathique, on a entendu avec un véritable plaisir
Mme Thuot, qui a chanté avec beaucoup de sentiment, et Croisez, qui
a joué de la harpe pendant l'office religieux.
»% Le carnaval est court celte année. C'est le samedi 12 décembre
qu'aura lieu le premier bal masqué de l'Opéra, sous la direction de
Strauss; le célèbre chef d'orchestre prépare ses nouveautés, en tête des-
quelles figureront sa belle valse et son nouveau quadrille sur la Péri-
choh.
*% M. Violet d'Epagny, ancien directeur de l'Odéon, vient de mou-
rir, à l'âge de quatre-vingt-un ans, dans son château de Boigny. H s'était
acquis une certaine réputation comme auteur dramatique; ses Rivaux
de village obtinrent dans le temps quelque succès au théâtre Feydeau.
ÉTRANGER
.jf*^ Bruxelles. — Dimanche dernier a eu lieu la réouverture des
concert': populaires, sous la direction de M. Samuel. Quelque froideur
régnait au début dans la salle, mais la symphonie en la de Beethoven,
en a eu bien vite -raison. L'ouverture écossaisse de Gade, la marche
funèbre de Chopin (orchestrée), les variations de Taubert, un frag-
ment de quatuor de Mendeissohn et l'ouverture des Maîtres chanteurs
complétaient le programme. Ce dernier morceau a été accueilli par un
silence glacial. — M. UUmann et sa pléiade d'artistes ont donné le 12,
un premier concert, dont le résultat a été très- satisfaisant. Un second
aura heu mardi prochain. — Le troisième prix du grand concours inter-
national de musique religieuse, ouvert par la maison Schott, a été
décerné à M. J. Sumraers, de Paris. Derrière ce pseudonyme, se
cachait l'un de nos meilleurs compositeurs de musique d'église,
M. Nicou-Choron. — Les trois messes couronnées ne tarderont pas à
paraître en parti'ion et parties de chant séparées, chezMlI. Schott frères.
,*^ Londres. — M. Mapleson déploie une 1res grande activité, et le
succès l'en récompense. Après le Trovitore et \'orma, où Mlle Tietjens
a été très-remarquable, comme toujours, Mlle Hauck a reparu dans la
Sonnambula, puis dans Fausto^oii elle a remporté deux nouveaux triom-
phes. Le public a décidément adopté cette charmante artiste. — Mlle lima
de Murska a débuté lundi dans Lucia, avec beaucoup d'éclat. On s'at-
tendait surtout à un succès de vocalises, car Mlle de Murska est notoire-
ment une des premières chanteuses à roulades (Coloratursœngerin) d'Al-
lemagne ; on a été agréablement surpris de lui voir jouer son rôle avec
un sentiment et un soin dont elle paraissait souvent faire bon marché.
^*j^ Francforl-sur-le-Mein. ' — La Société de Sainte-Cécile ( Cœcilien-
Verein) a célébré, le 28 octobre, le cinquantième anniversaire de sa fon-
dation.
^*» Cologne. — Au second concert du Giirzenich, M. Camille Saint-
Saëns, qui accomplit en ce moment une brillante tournée en Allemagne,
a été apprécié comme virtuose et comme compositeur. On a beaucoup
goûté son concerto en sot mineur.
,f*« Berlin. — Mme Lucca est partie pour Saint-Pétersbourg, après
avoir pris congé de son public dans l'Africaine. — On a repris à l'Opéra
Ernani, qui été reçu assez froidement parle public. —Cari Eckert vient
d'être nommé chef d'orchestre de l'Opéra et des concerts de la Cour.
j*^f Leipzig. — Le cinquième concert du Gewandhaus, qui a eu lieu
le 5 novembre, était tout entier (sauf la Symphonie héroïque'), composé
d'œuvres de Mendeissohn, mort le i novembre 18i7.
^,*^ Dresde. — C'est le maître de chapelle Julius Rietz qui dirigera,
pour la neuvième fois, le prochain festival rhénan, à Dusseldorf.
,*, Florence. — La Pergola a fait une brillanic réouverture avec le
Prophète. L'œuvre de MeyerbeiT, longtemps et .soigneusement étudiée sous
la direction de Carlo Romani, confiée d'ailleurs k de bons interprètes
Mme Biancolini, une excellente Fidès, Mlle N. Roy, et Fancelli, est allée
aile stelle. La mise en scène était somptueuse et intelligente.
»*» Saint-Pétersbourg . — Lohengrin vient d'être donné pour la pre-
mière fuis. Un public très-bien disposé,allemand en grande partie, atout
applaudi, beautés et laideurs: il a témoigné sa satisfaction aux artistes
et au chef d'orchestre, qui .se sont vraiment surpassés. Mais pour qui
connaît un peu le public russe, il semble diffir.ile que ce succès, arraché
pour ainsi dire par surprise, se soutienne longtemps.
,*« Salle Valentino. — Mardi prochain, 17 novembre, inauguration
des nouvelles fêtes qui prendront pour titre : Fête des Fleurs; la salle,
déjà si belle, sera Iransformée en un magnifique jardin d'hiver. — Con-
ceits d'Arban les lundi, mercredi; vendredi grand festival.
:f** C'est mardi, 17 novembre, à huit heures et demie du .soir, qu'aura
lieu l'inauguration des Bats du Cirque de l'Impératrice. Toutes les sommi-
tés de la presse, toutes nos célébrités artisliques, tonte la fashion pari-
sienne, et les étrangers de distinclion, se donneront rendez-vous à ces fêtes
dont la magnificence et le comfort dépasseront tout ce qui a été tenté en
ce genre. Ces fêtes se continueront les mardi, vendredi et dimanche de
chaque semaine.
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la musique photographiée, dont les types, quoique aussi réduits que pos-
sible, sont cependant tiès-lisibles; enfin par un format exceptionnel qui
la rend vraiment portative. Rien de plus commode, en effet, que de
pouvoir placer dans sa poche un étui renfermant vingt à trente cartes-
musique; rien de plus gracieux à offrir comme cadeau.
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Meunière, Voyage en hiver. Chant du
Cygne, compl. et lieder choisis) 4 »
Cet album contient tous les Lieder popu-
laires de Schubert.
96. — Le même, pour mezzo soprano ou
baryton 4 »
GRANDES PARTITIONS D'ORCHESTRE
21. Bach. Chœurs, vol. I (allem.) 12 »
22. — Chœurs, vol. II (allem.) 12 »
23. — Passion de Matthieu (allem.) 12 »
24. — Messe en si mineur (latin) 12 i
25. — 3 messes courtes (latin) 16 n
26. — Oratorium de Noël (allem.) 10 »
27. — Passion de Jean (allem.) 8 »
28. — 6 motettes (allem.) 6 »
29. — Magnificat et 4 sanctus (latin) 4 »
30. Beethoven. Concert pour piano, en
ul 4 y>
31. Id. si bémol 4 »
32. Id. «« mineur 4 »
33. Id. sol 4 »
34 . — Concert de violon 4 »
35. Hœudel. Messie (allem. et angl.) 12 >
PARTITIONS POUR PIANO
avec texte.
Lille, faubourg Saint-Germain,
Bach. Passion de Matthieu (allem. ).l. .. 4 »
— Messe en si mineur (latin) 4 »
— Oratorium de Noël (allem.) 4 i
— Passion de Jean (allem . ) 3 j>
— Magnificat (latin) 2 n
— J'ai beaucoup de soucis (allem.).... 2 »
— Temps de Dieu (allem.) 2 i
— Ah ! comme c'est fugitif (allem.). .. 2 »
Beethoven. Fidelio (allem.) 2 75
— Missa solemnis (latin) .... ; » »
Clnck. Orphée (allem., franc., ital.). .
— Alceste (allem., franc.)
— Paris et Hélène (allem., franc.)..,.
— Iphigénie en Aulide (aliem., franc.).
— Armide (allem., franc.)
— Iphigénie en Tauride (allem., franc.).
Hœndel. Messie (allem., angl.)
— Judas Macchabée (allem., angl.}...
— Josué (allem., angl.)
— Samson (allem., angl.)
— Israël en Egypte (allem.)
— Fête d'Alexandre (allem., angl.)...
Haydn. Création (allem., angl.)
— Saisons (allem., angl.)
aXomelli. Requiem (latin)
Mozart. Don Juan (allem., ital.)
— Figaro (allem., ital.)
— Flûte enchantée (allem., ital.)
— Koi Thamos (allem.)
— Messe n° l en fa (latin)
— Messe n" 2 en sol (latin)
— Vesperac en ut (latinj
— Requiem (latin)
BoBSini. Barbiere (allem., ital.)
Npohr. Jessonda (allem.)
IVeber. Robin des Bois (allem.)
— Oberon (allem.)
PARTITIONS POUR PIANO A 2 MAINS
sans texte.
Beethoven. Fidelio
Bellini. Norma
— Sonnambula
Donize<ti Elisirc d'amore
Mozart. Don Juan
— Figaro
— Flûte enchantée
Bossini . Barbiere
■Weber. Robin des Bois
— Oberon
Sera continué.
1 50
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1 50
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UIPBIMERIE CENTRALE DES CHEUIIVS DE FE& — A. CHAIX ET C**', BUE BEBGÈBE, 20, A PABIS.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS. 1.
35' Année.
N' 47.
ON S'ABONNE :
Dans les Déparlements et rt rKlrunger,
chez tous les Marchands de Musique, h-s I.ibrairei.
et aux Bureaux der. Hessageries et des Postes.
_.=s-=-=v^3»io «r= -
REVUE
22 Novembre 1868.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
l'uris, -** r.para
Départements, Belgique et Suisse..., :jl> < id.
ÉlTuagCT 3i " UL
Le Journal parait le Dimanclw.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
Notre itrocliain numéro contiendra la nomenclature
des PrimeetEtrennes que nous nous proposons d'offrir,
cette année, à nos Abonnés. Ces primes, en dehors de
leur valeur artistique et matérielle, offriront un
grand intérêt d'actualité.
SOMMAIRE. — Funérailles de Rossioi, par Em. Uallitea de Honter. —
Revue des tliiiâtres , par D. A. D. Saint- Vf es. — Nouvelles des théâ-
tres lyriques. — Nouvelles diverses. — Â.DDODces,
FONËRAILLES DE ROSSINI.
Depuis hier, samedi, Gioacchino-Antonio Rossini repose au Père-
Lachaise, dans la paix éternelle du tombeau, non loin des émules
et des témoins contemporains de ses triomphes : Bellini, Chopin,
Boïeldieu, Cherubiiii, Hérold, hôtes muets, aujourdhui, hélas! de
la funèbre « Vallée des artistes ! »
La dépouille mortelle de Rossini avait sa place marquée dans
ce Panthéon parisien des morts illustres. Il ne pouvait quitter
tout à fait Paris dont il avait la marque, l'allure, les habitudes, la
prédilection, l'esprit joyeux et fort par conséquent, cet enfant de
Pesaro que Bologne et Naples ne surent pas garder et qui en se
mesurant à Beaumarchais, éleva comme à une puissance supérieure,
par l'élan de sa finesse et de sa verve, l'esprit entraînant et iro-
nique du plus vivant des Français du xv»!»: siècle et du nôtre; il
ne pouvait nous abandonner complètement, cet Italien, qui tradui-
sit dans Guillaume Tell en accents sublimes l'amour de la pa-
trie, notre honneur et notre gloire inaltérables.
Les funérailles de Rossini ont été célébrées hier, à midi, en l'église
de la Trinité (Chaussée-d'Antin), avec un appareil très-simple,
sous la présidence du nonce du Pape. Ni tentures, ni écussons.
Le cercueil, couvert d'un drap de velours noir, brodé d'étoiles
d'argent, a été porté de l'entrée de l'église dans un catafalque
d'ordonnance sévère, élevé devant la grille du sanctuaire. Sur le
drap mortuaire étaient placées deux couronnes de laurier.
Dans la grande nef, les bas-côtés, les chapelles et les galeries
se pressaient plus de quatre mille personnes représentant les aris-
tocraties d'intelligence et de talent, de naissance et de fortune,
que Paris réunit en une imposante communauté de sentiments et
d'hommages, aux grands jours de ses deuils et de ses fêles artis-
ti']ues. On remarquait au premier rang, M. Gautier et M. Camille
Doucet, les amis de l'illustre défunt; l'Institut au grand complet;
le Conservatoire impérial de musique ; le ministère de la Maison
de l'Empereur, représenté par le maréchal Vaillant; la Commission
des auteurs et compositeurs dramatiques, M. de Saint-Georges,
son président, en tête ; les députations de l'Association des artistes
musiciens, de l'Ecole de musique religieuse, de la Commission de
surveillance du chant de la Ville de Paris, des principales Sociétés
chorales et instrumentales de Paris, de plusieurs villes et Conser-
vatoires d'Italie; M. Gruneisen, délégué de la presse de Londres;
nombre de compositeurs, d'artistes célèbres, de journalistes, d'édi-
teurs , d'écrivains, de directeurs de théâtre, de dilettantes, etc.
L'Empereur s'était fait représenter par M. le vicomte de Laferrière,
son premier chambellan, et le roi d'Italie par M. le chevalier
Nigra, son ambassadeur à Paris.
Les tribunes du chœur et du grand orgue avaient été réservées
aux exécutants, groupés sous la direction de M. Jules Cohen, ins-
pecteur de la chapelle impériale. Aux chœurs composés du per-
sonnel de l'Opéra, du théâtre Italien, de trois cents élèves du
Conservatoire, et de la majorité des artistes lyriques de Paris,
s'ajoutaient des contre-basses, des harpes, et l'orgue d'accompa-
gnement parfaitement tenu par M. Salomé.
Malgré certaines difficultés d'organisation, que je crois inoppor-
tun de rappeler ici, mais dont il faut tenir compte, les honneurs
suprêmes rendus à Rossini ont été dignes de son illustration,
grâce aux artistes célèbres entre tous qui avaient tenu à honneur
d'acquitter ce tribut d'admiration ou de reconnaissance, grâce aussi
à la perfection des oisembles. Si, au point de vue exclusivement
musical, il y avait lieu de regretter l'absence d'un orchestre, il
serait injuste de ne pas reconnaître néanmoins que ces masses
chorales, soutenues par les orgues et les harpes, avaient un carac-
tère de grandeur et d'austérité bien approprié à la circonstance.
Ld nature même de cette cérémonie désignait au choix du
comité chargé d'en préparer la partie musicale, la messe de Re-
quiem composée de fragments d'œu^■res de Rossini agencés par
370
UEVUE ET GAZETTE MUSICALE
M. Aulagnier, d'après le rituel ordinaire et sur les prières de la
liturgie catholique.
Après un prélude exécuté au grand orgue par M. Cliauvet, orga-
niste de la Trinité, sur les Ténèbres de Mo'ise, et l'imposant IntroU
de la Messe des Morts de Jomelli, pour laquelle Rossini professait
une admiration particulière et souvent manifestée; le Dies irœ
adapté à la musique du « Mater Dolorosa » du Stabat de Rossini
a été dit par Mlles Nilsson et Blocli , MM. Nicolini , Tamburini et
les chœurs. Comment traduire l'impression produite par l'Alboni
et Mme Patti chantant le Quis est homo du Stabat {Liber Scriptum),
avec leur art inimitable, leurs voix merveilleuses et une émotion
qui a gagné toute l'assistance? Non, jamais nous n'entendrons de
plus nobles accents ! Venaient ensuite : le Pro peccatis {Stabat) sur
l'antienne Quid sum miser, de la Messe des Morts, admirablement
interprété par Faure ; — le Lacrymosa du Requiem de Mozart, par
les chœurs; — pour l'Offertoire, le Vidit suum du Stabat de Per-
golèse, que Mlle Nilsson a chanté avec sa voix la plus pure et un
sentiment religieux pénétrant; — ù l'Elévation, le Pie Jesu adapté
au quatuor Quanclo corpus du Stabat de Rossini, auquel Mmes Krauss
et Grossi, MM. Nicolini et Agnesi ont apporté une perfection et un
style remarquables; — enfin, pour VAgniis Dei et sur ses paroles,
cette majestueuse prière de Mo'ise, l'une des plus belles inspira-
tions du génie humain, s'élcvant comme la plainte et l'espérance
d'un peuple tout entier, avec Faure, Bonnehée et Obin chantant
à l'unisson, Mlle Bloch et les chœurs. Avant l'absoute, le quatuor
de saxophones de Sax a joué la Marche funèbre de Beethoven
(arrangée pour la circonstance par Govaërt), qui est venue ajouter
encore aux beautés mélodiques de la cérémonie et au saisissement
de l'assistance.
A deux heures, le cortège de ces obsèques triomphales se met-
tait en marche, sous un ciel assombri, et suivait la diaussée
d'Anlin et la ligne des boulevards, au milieu des flots pressés de
la population, dans l'ordre suivant :
Deux bataillons du 29^ de ligne avec leurs tambours; — les
musiques de deux légions de la garde nationale, chefs JDI. Thi-
baut et Colin, réunies sous la direction de M. Emile Jonas, inspec-
teur-général, et jouant, d'après l'arrangement de ce dernier, la
marche funèbre de la Gazza ladra, la prière de Moise et des frag-
ments du Stabat; — une voiture de deuil; — le corbillard aux ten-
tures brodées de lauriers; les cordons du poêle tenus à tour de
rôle par MM. le chevalier Nigra, M. C. Doucet, Auber, Amb. Tho-
mas, Taylor, de Saint-Georges, Fr. Bazin, prince Poniatowski,
Ehvart , Tamburini, Duprez, Faure, et autres notabilités; —
diverses députations musicales avec des bouquets d'immortelles à la
boutonnière ; l'Institut, le Conservatoire, puis une foule énorme
composée de toutes les classes de la Société.
Au Père-Lachaise, sept discours ont été prononcés, au milieu du
plus profond recueillement, par MM. C. Doucet, Amb. Thomas,
pour l'Institut; d'Ancona, au nom de l'Italie; Perrin, au nom des
théâties Lyriques; de Saint-Georges, pour la Société des composi-
teurs; le baron Taylor, au nom de l'Association des artistes dra-
matiques; Arthur Pougin, au nom de l'Association des artistes
musiciens; et A. Ehvart, au nom du Conservatoire. Nous nous
bornerons pour aujourd'hui à reproduire ceux de SIM. G. Doucet,
Amb. Thomas et Perrin.
M. Camille Doucet a pris la parole en ces termes :
Messieurs, les Arts sont en deuil, et c'est au nom de leur douleur
trop légitime que je vous vois rassemblés en ce moment autour de la
tombe qui vient de jeeevoir les restes mortels d'un de ces rares inspi-
rés que la Grèce ancienne eût divinisé sans doute, dans son admiration
naïve et sa poétique reconnaissance.
Si, moins lyrique et plus positive, notre époque n'a pas d'Olympe
pour ses artistes, elle ne laisse pas cependant que d'être aussi sensible
qu'aucune autre l'ait jamais été, au charme infini des arts. Toujours le
talent la séduit; toujours le génie la domine.
Ce que je dis là, Messieurs, personne ne l'a plus éprouvé à coup sûr,
et ne l'a mieux prouvé, que le grand enchanteur qui, depuis plus d'un
demi-siècle, a tenu le monde captif sous la puissance de ses accents.
Qu'ils s'élevassent d'abord, tour à tour de Venise ou de Rome, de Naples
ou de Milan, plus tard enfin de Paris, et avec plus d'éclat alors que
jamais, tous les échos les ont saisis, retenus et répétés sans cesse ; tous
les cœurs s'en sont émus, toutes les mains y ont applaudi.
Je m'oublierais volontiers jusqu'à retracer ici cette vie à la fois si lon-
gue et si courte; cette immense carrière parcourue en si peu de temps;
ce trésor de plus de vingt chefs-d'œuvre produits à la hâte en quinze
ans de travail, et qui, dans toute la fraîcheur de leur première jeunesse,
survivent encore maintenant à quarante années de repos. Mais en agis-
sant ainsi, j'obéirais plus à mon goût qu'à mon devoir. Cette tâche ap-
partient à d'autres qui, mieux que moi, auront qualité pour la remplir.
Il m'eût été doux cependant de pouvoir rendre hommage à la part
que Rossini a prise avec tant d'éclat à ce grand mouvement des aris et
des lettres, que les sciences continuent aujourd'hui, et qui, depuis
soixante ans, est l'un des plus brillants et des plus féconds dont la
France ait à s'honorer.
En entrant pour la première fois dans Paris, vers la fin de l'année
1823, l'auteur de Tancredi et du Barbier, d'Othello et de la Semiramide,
trouva chez nous ses œuvres triomphantes, en pleine possession de l'en-
thousiasme public, étonné peut-être un moment par la nouveauté, mais
bientôt conquis à jamais par l'admiration.
Son génie ardent a ouvert une nouvelle route et marqué une nouvelle
époque dans l'art muaical, disait alors Lesueur en saluant le nouveau
venu, et en le plaçant ainsi lui-même à la tête d'une renaissance de la
musique française.
Six ans plus tard, après une seconde carrière aussi rapide que la pre-
mière et non moins brillante, l'auteur du Siège de Corinthe et de Moïse,
du Comte Onj et de Guillame Tell, s'éloignait un jour de la France, en
promettant de lui rapporter avant peu quelque œuvre nouvelle; mais
alors, fatigué de la gloire et trompant notre espérance, il se renferma
pour toujours dans une retraite obstinée, par une sorte de caprice du
génie, par une certaine originalité qui peut-être ne messied pas à sa
grandeur.
On l'a tant dit et on le redira tant de fois encore, que j'hésite à vous
montrer Rossini, à peine âgé de trente-sept ans, ne quittant pas la terre
comme Raphaël, mais se livrant lui-même de son vivant au jugement
de la postérité, et se résignant avant l'heure à une abdication volontaire
qui, pour tout autre, eut été la source de déceptions cruelles, tandis
qu'elle ne lui \alut, en réalité, qu'une longue et constante succession
d'hommages.
On serait tenté de croire que la modestie lui inspira ce sacrifice de
lui-même, quand on le voit, au lendemain de J\Joise, refusant la croix de
la Légion d'honneur, qu'il ne voulait pas avoir encore méritée, et dont
il ne se jugea digne, en effet, que deux ans plus tard, après le succès
de Guillaume Tell, c'est-à-dire quand toute son œuvre était achevée et
sa grande tâche accomphe.
La dette des arts a été payée depuis. En -1833, le chevalier de 1829
fut nommé commandeur de la Légion d'honneur, -sans avoir passé par
le grade d'officier, et, peu d'années après, l'Empereur a voulu encore
que la croix de grand-officier honorât la glorieuse \'ieillesse d'un des
hommes qui ont le plus adopté et le plus illustré la France.
La France, à qui le testament de Rossini a légué sa dernière pensée,
sera fière de garder ses cendres, comme elle gardera sa mémoire et les
œuvres de son génie. Elle veillera avec respect sur cette tombe précieuse
que tant de douleurs entourent et devant laquelle il m'a été donné de
venir déposer publiquement un double tribut de regrets au nom des arts
et du pays.
M. Ambroise Thomas s'est ensuite exprimé ainsi :
Mon émotion est profonde et j'aurais peine à surmonter le trouble
extrême que j'éprouve, si je n'étais soutenu par cette pensée que je parle
ici au nom de l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut.
En me faisant l'honneur de me confier la mission redoutable de la
représenter en ce moment , elle a voulu que l'expression de ses regrets ,
que ce solennel et public hommage rendu par elle au confrère illustre
qu'elle était si fière de posséder, sortît de la bouche d'un musicien, le
plus humble et le plus fervent de ses admirateurs.
Messieurs, lorsque nous voyons disparaître un homme de génie, lorsque
nous voyons s'éteindre une de ces flammes qui ont illuminé tout un
siècle, s'incliner dans un douloureux silence serait peut-être le plus élo-
quent des éloges.
Je n'essaierai donc pas de vous retracer la vie et l'œuvre de Rossini,
d'autres rempliront cette tâche immense; mais, à cette heure du suprême
adieu, il appartient à l'Académie de rappeler quelle influence entraînante
cet homme extraordinaire a exercée sur son art.
DE PARIS.
371
Sorti de la belle et suave école Italienne, cloué d'une imagination
féconde, animé de l'esprit le plus étincelant, dès le début de sa glorieuse
carrière il enrichit la scène d'œuvres d'une verve et d'un éclat incom-
parables.
Qui ne se souvient de l'étonnement, des débats cl des orages que pro-
voqua son apparition en Italie? Mais de quels triomphes ces luttes furent
suivies ! Le bruit en retentit bientôt dans l'Kurope entière, qui s'éprit de
ce lumineux génie et salua l'heureux novateur.
C'est par la forme extérieure qu'il sut donner à son œuvre, et par la
variété de ses rhythmes saisissants, c'est aussi par l'art merveilleux avec
lequel il mil en évidence le talent et le charme des virtuoses du chant,
qu'il mérita ce titre de novateur.
Celle supériorité seule el l'universelle faveur alors attachée au chant
italien, jusque dans ses excès, auraient suffi pour faire de Rossini le
grand enchanteur du monde.
Sa rapide et prodigieuse renommée, due aux séductions d'un art qui
n'échappera jamais entièrement au reproche de sensualisme et de frivo-
lité, eût été de moins longue durée peut-être, si à l'attrait de cette forme
extérieure ne se joignaient des beautés d'un ordre plus élevé. La vie et
le mouvement de la scène, la vérité des caractères, l'abondance et la
clarté des idées, l'harmonie des proportions, l'élégance et la pureté
du style, voilà ces beautés que Rossini a répandues dans ses ouvrages,
les marquant ainsi du sceau d'un grand maître.
Si dans la musique légère, si dans la comédie, il s'est montré souvent
inimitable, jusqu'oîi ne s'est-il pas élevé lorsqu'il a traité les sujets les
plus sévères? Avec quelle noblesse de sentiment et de quelle main puis-
sante il a tracé les scènes les plus grandiosesl Son dernier chef-d'œuvre
dramatique, écrit spécialement pour la France, Guillaume Tell, fait res-
plendir dans la plus admirable unité l'élévation de sa pensée, la richesse
de son imagination et la sérénité majestueuse de son style.
Dans le souvenir et dans la contemplation de l'œuvre de Rossini,
n'avons-nous pas, aujourd'hui plus que jamais, à puiser un enseignement
salutaire ?
Comment ce mélodiste si merveilleusement doué est-il devenu un pen-
seur et un grand musicien? C'est par l'étude assidue des modèles de
toutes les écoles, c'est en méditant surtout Haydn et Mozart, pour lesquels
il professa toute sa vie un véritable culte, que ce génie spontané se sou-
mit aux saines traditions et qu'il acquit ce sentiment du beau, cet amour
de la forme et des grandes lignes, cette science de l'ordre architectural
qui font les œuvres d'art impérissables.
Qu'on ne s'y trompe pas ! Rossini, sous une apparence de scepticisme,
cachait un artiste de grande foi. Ceux qui l'ont vu dans ses années de
retraite, encore si remplies, encore si fécondes, on le reconnaîtra bientôt;
ceux qui ont eu le bonheur d'apprécier la finesse de son esprit et l'amé-
nité de son caractère, ceux-là savent avec quel intérêt il suivait le mou-
vement musical et comme il jugeait bien cette période de trouble et
d'égarements que traverse notre art. Il envisageait l'avenir avec calme ;
tout en lui, jusqu'au sourire, annonçait sa confiance dans le triomphe
des principes immuables du beau.
Il avait droit de compter sur l'équitable jugement de la postérité et de
croire avec nous à l'immortalité de son œuvre !
Messieurs, encore un mot, encore un hommage à rendre non pas
seulement au grand génie, mais aussi à l'homme de cœur !
Désirant laisser un dernier témoignage de son amour de l'art et de sa
sympathie pour la France, sa patrie d'adoption, Rossini vient d'instituer
deux prix de 3,000 francs, qui seront décernés chaque année et en son
nom, l'un à une poésie, l'autre à une composition musicale lyrique ou
religieuse.
L'Académie sera fière de s'associer à cette noble et généreuse pensée.
Au nom des jeunes artiste.? français, seuls admis à concourir, hâtons-
nous de déposer ici l'expression d'une vive et profonde reconnaissance.
M. de Saint-Georges a prononcé le discours suivant :
Messieurs, on peut dire que, pour l'homme illustre que nous venons
de conduire à sa dernière demeure, l'immortalité avait devancé la mort.
Cette dernière conservatrice des noms les plus éclatants est ici superflue,
car celui qui dort dans ce cercueil s'y est étendu rassasié de gloire el
de renommée.
Parmi les existences si diverses des grands artistes, il n'en est point
de plus surprenante : son adolescence fut comme une éclosion spontanée
des dons les plus merveilleux; sa jeunesse semait en se jouant des œu-
vres tour à tour charmantes et sublimes; à l'heure oii sonna l'âge viril,
au moment où d'autres commencent leur carrière, il termina volontai-
rement la sienne en la couronnant par ce chef-d'œuvre impérissable qui
se nomme Guillaume Tell.
Ne semble t-il pas que le nom de Rossini définisse à lui seul ce mot
divin: le Génie! De Tancrbde à Guillaume Tell, seize années à peine se
sont écoulées, trente partitions sont sorties de ce cerveau merveilleux.
Que d'idées jetées au courant du fleuve de l'Art, qui va roulant ses
eaux sans ces,se renouvelées, mais auquel nul ne versa des sources plus
abondantes et plus pures. Que de passions soulevées, que d'esprits char-
més, que de cœurs émus à ces accents qui retenti.s.sent à la fois sur tous
les théâtres du monde, qui traversent les mers, qui enchantent tous les
peuples, qui leur fait à tous comprendre et parler la même langue:
l'idiome fraternel de la musique.
Puis tout à coup l'aigle s'arrête en plein vol. Au sommet li; plus élevé
de sa carrière, l'artiste brise sa lyre. Il .se lait. Il veut se taire. Ni les
obsessions, ni les promesses, ni les prières ne le peuvent vaincre. Il a
scellé de ses propres mains les portes du temple de son génie. Nul ne
saura les forcer à les rouvrir.
Ne cherchons pas à pénétrer le secret de ce silence. Etait-ce lassitude
ou dédain, ou la loi suprême de son éclatante destinée? La source de l'ins-
piration n'était pourtant pas tarie. Elle s'échappait parfois e,i gerbes lu-
mineuses, témoin l'admirable Stabat, aujourd'hui si populaire, et cette
sublime messe qu'il ne voulut faire exécuter qu'une snule fois devant
un public choisi par lui; mais l'auteur de Moise et de Guiltanme-Tell
avait dit au théâtre un dernier et inexorable adieu!
L'histoire nous montre des souverains lassés de leur grandeur, dépo-
sant volontairement le sceptre et, redevenus simples citoyens, assistant
impassibles aux grands événements qu'ils avaient provoqués.
Ainsi ce souverain de l'art vécut dans la retraite, appuyé sur une af-
fection dévouée, entouré d'un petit cercle d'amis, contemplant d'un re-
regard calme el indifférent, un peu railleur, ceux de ses contemporains
qui continuaient la lutte. Il put voir s'accomplir sur ses propres œuvres
le travail patient et sûr des années. 11 suivit de ses propres yeux leur
marche ascendante, il les vit, s'élevantjour par jour, atteindre les cimes
les plus élevées de la région sereine où resplendissaient les plus purs
chefs-d'œuvre .
Ce sera l'orgueil de la scène française que d'avoir donné la plus haute
expression du génie de Rossini. Moïse eomplété, Guillaume-Tell écrit en
entier pour notre première scène lyrique, forment comme la clef de
voûte d'un édifice merveilleux. C'est l'orgueil de la France d'attirer
ainsi à elle toutes les gloires, de les absorber dans son sein, de leur
donner un nouvel éclat en les faisant nationales et françaisesi à leur
tour.
Le maître a voulu le reconnaître et témoigner de son amour pour sa
nouvelle patrie. Tandis qu'il léguait ses biens à la petite ville qui l'a
vu naître, il ordonnait que son corps reposât parmi nous, sur cette
terre française, dans ce Paris qui s'empresse autour de son cercueil et
dont le pieux concours lui fait de royales funérailles.
Certes, à voir disparaître ainsi les hommes qui ont porté si haut la
gloire de l'art musical, on se sent pris d'une inquiétude profonde,
comme d'une grande tristesse. Mais sur cette tombe même il est per-
mis de ne pas désespérer, c'est la gloire suprême de ces grands hommes
de frayer la route de l'avenir; aux clartés qu'ils projettent marchent
les talents nouveaux, et s'avancent les générations nouvelles. Rossini
repose, mais son œuvre veille; l'art ne périt pas avec ce maître immortel :
la nuit ne se fait pas dans un ciel que son génie a peuplé d'astres si
lumineux !
M. Arthur Pougin a ainsi parlé :
Messieurs, c'est au nom de l'Association des artistes musiciens, qui
m'a chargé du douloureux et périlleux honneur de la représenter ici,
que je viens rendre un dernier hommage au grand homme qui n'est
plus. Rossini était l'un des présidents d'honneur de notre Société, qu'il
avait daigné encourager de son bienveillant patronage, et qui lui doit,
plus que toute autre, son tribut d'admiration, de reconnaissance et de
regrets. Mon humble voix n'acquiert donc en ce moment quelque autorité
que parce qu'elle est l'écho sincère de la douleur de plusieurs milliers
d'individus. Pourtant je croirais, je l'avoue, amoindrir ma mission en
parlant au seul nom d'une corporation, quelque importante qu'elle soit,
en m'exprimant au nom d'un seul pays, ce pays fùt-il la France, cette
France si chère à tous les artistes, et qui, depuis longues années, était
devenue la terre d'élection de Rossini. Le rôle qu'on a bien voulu me
confier me paraît plus noble et plus élevé. « La patrie des grands
» hommes est le monde!... » a dit un illustre penseur, et l'on peut ajou-
ter : Leur génie est universel. Permettez-moi donc de considérer ici le
représentant de l'Association des musiciens français comme celui de l'art
musical tout entier, et laissez-moi croire que je parle au nom de tous
deux.
Depuis longtemps, Messieurs, Rossini était perdu pour l'art actif et
militant. Après avoir livré de rudes combats, après avoir remporté un
triomphe magnifique et plus complet que tous ses triomphes passés, il
s'était volontairement retiré de la mêlée, et spontanément avait abdiqué
la souveraineté que personne alors ne paraissait de taille à partager avec
lui . Ce grand génie s'était arrêté en pleine floraison, après avoir donné
à la France un chef-d'œuvre impérissable; cet artiste sublime s'était
condamné au repos absolu, après avoir reculé les bornes de l'art dans
372
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ce suprême chef-d'œuvre, en tête duquel il eût pu inscrire les paroles
fameuses : Ea>egi monumentum !
Mais pourtant il était là, parmi nous, toujours aimable, toujours sou-
riant ; et c'était une consolation de voir que, si l'artiste avait en quelque
sorte disparu, l'homme du moins nous restait, et que nous pouvions
chaque jour lui rendre l'hommage dû à son génie, à ses incomparables
facultés.
Hélas ! aujourd'hui, celte consolation même nous est ravie ! Nous ne
pouvons plus que pleurer sur la dépouille de celui qui nous fut cher, que
nous incliner devant cette majesté de la mort, plus grande encore que
toutes les majestés de la vie; nous no pouvons plus que déposer devant
cette tombe encore entr'ouverte l'expression désolée d'une affection pro-
fonde et d'une admiration sans bornes. 11 nous faut dire enfin : Rossini
n'est plus ! et voiler d'un crêpe funèbre la statue de l'art qu'il a si digne-
ment et si glorieusement représenté !
Rossini appartient maintenant à l'Histoire, à la Critique artistiques.
Lorsqu'en faisant large part des influences d'école, des courants
de la vogue, des entraînements de l'imagination, elles étudieront
— sans précipitation, toutefois, et sans parti-pris — cet artiste,
dans la véritable acception du mot, qui se reposa toujours sur son
génie du soin de sa réputation et dont la personne est sauvegardée
par son œuvre même, l'Histoire et la Critique n'auront garde d'ou-
blier que Rossini avait reçu dès le berceau le don de la mélodie
et de la grâce incomparable. « C'est — disait déjà le dilettantisme
cosmopolite d'il y a trente ans — c'est la floraison la plus riante,
la plus parfumée et la plus vivace de notre printemps. »
Dans un avenir prochain, sans doute, quelque grand artiste
sculptera, pour soutenir et garder le glorieux cénotaphe, les muses
éplorées de la Tragédie et de la Comédie lyriques. La mémoire
de l'auteur à'Olello et du Barbier de Séville revendique à plus d'un
titre ces allégories ; mais, pour symboliser, pour résumer d'une
manière plus complète et plus intime cette vie et cet œuvre, il
faudra qu'un ciseau délicat ajoute au monument funéraire les
figures, — bien italienne et bien gauloise chacune — de la Cavatine
et de l'Ironie.
Em. Mathieu DE MONTER.
^*jit Mardi on a ouvert le testament de Rossini ; en voici les principales
clauses : Mme Rossini a l'usufruit de toute la fortune laissée par le
maître. Après la mort de Mme Rossini, cette fortune fera retour à la
ville de Pesaro, et servira à fonder un Conservatoire de musique, qui
portera le titre de Conservatoire Rossini. — Mme Rossini a, en toute pro-
priété, la villa de Passy.— Une rente de 6,000 francs sera affectée annuel-
lement à l'Institut de France pour la fondation d'un prix de composition
d'une œuvre lyrique, savoir : 3,000 francs pour le poëte et 3,000 francs
pour le musicien. — Rossini lègue SO écus romains à la municipalité de
Bologne, et SO écus à l'hospice de la même ville.— Enfin, il est dit que
tous les objets lui appartenant, et dont il a dressé une longue liste avec
le plus grand soin, seront vendus aux. enchères, et que le produit ap-
partiendra à Mme Rossini.
*'*» M. Michotte, chargé par Mme Rossini de prendre toutes les dispo-
sitions relatives aux funérailles, a contribué, dans la mesure de sa mis-
sion, à rendre cette cérémonie digne de tous points du grand génie dont
le monde entier déplore la perte.
»•* — Le choix du Libéra de Jomelli a été motivé par l'admiration
que Rossini avait témoignée en entendant ce magnifique morceau aux
séances de la Société de musique sacrée dirigée par M- Vervoitte.
,*,> Mlle Marie Battu, par suite de l'enrouement dont elle souffrait à la
représentation des Huguenots, est forcée de garder un repos complet.
La célèbre cantatrice n'a donc pu, à son grand regret, se joindre aux
artistes qui ont pris part à la messe des funérailles de Rossini.
#•* M. Francesco Lucca, l'un des principaux éditeurs d'Italie, averti
trop tard du jour de la cérémonie des obsèques du maître, a exprimé, par
dépêche, à Mme Rossini, tout son regret de n'avoir pu se joindre, en
cette triste circonstance, à ses confrères de Paris.
Le défaut d'espace nous oblige à renvoyer au numéro prochain
les comptes rendus des opérettes : le Grand-Duc de Matapa. les
Jumeaux de Bergame et le Vengeur.
BEVUE DES THÉÂTRES.
Une petite comédie, jouée d'abord entre deux paravents, vient
de subir l'épreuve du public véritable, au Théâtre-Français, où on
l'a accueillie avec la politesse due aux proverbes de salon. His-
toire ancienne, tel est le titre de cette bluette à deux personn âges,
qui a pour auteurs MM. Edmond About et de Najac. Il s'agit
d'ime jeune veuve qui a dû naguère épouser M. Georges de Gaille
et qui, par des raisons inutiles à raconter, a pris un autre mari,
tandis que, de son côté Georges prenait une autre femme. Cinq ans
après, les deux anciens amoureux se rencontrent; Georges est
veuf aussi, et quoiqu'il soit toujours épris de Clotilde, il l'aborde
avec des intentions fort peu matrimoniales : une première union
l'a blasé sur ce chapitre. Clotilde, piquée au vif, se promet de
donner une leçon à Georges, et, dans ce but, elle lui fait accroire
qu'elle s'est remariée ; il n'en faut pas davantage pour amener
Georges à se déclarer et à se laisser prendre au piège tendu par
la veuve.
, Ce marivaudage n'a aucune importance, mais il est agréablement
distillé par Coquelin et par Mme Madeleine Brohan. Aussi, pourra-
t-il rester quelque temps au répertoire.
— M. Bélot a escompté d'avance sa nouvelle pièce de l'Odéon
dans le feuilleton du Figaro. Un certain retentissement s'est t'ait
autour du Drame de la rue de la Paix, découpé en chapitres de
roman. Il était hors de doute que ce livre, plein d'un intérêt puis-
sant et réaliste, serait tôt ou tard transporté à la scène. Mais on
se demande si sa place était indiquée au second Théâtre-Français
plutôt qu'à un théâtre d'ordre inférieur. Quelques mots d'analyse
répondront pour nous.
Un assassinai a été commis sur la personne de Maurice Vidal
et les soupçons de la justice se sont portés sur un aventurier du
grand monde, nommé Albert Savary, qui a été mis en état d'arres-
tation préventive. Le juge d'instruction l'interroge, et ne trouvant
pas contre lui de charges suffisantes, le tait mettre en liberté. Mais
la veuve de Maurice Vidal n'est pas convaincue de l'innocence
d'Albert Savary, et d'accord avec un agent qui partage ses doutes,
elle cherche à obtenir les preuves que la justice n'a pas su dé-
couvrir.
Sous un nom supposé, elle se fait présenter Albert Savary dans
une maison interlope qu'il fréquente, et elle use de coquetterie
pour attirer sa confiance. Mais elle se laisse prendre à ce jeu dan-
gereux; l'amour qu'elle a inspiré à Albert, elle le ressent pour son
propre compte, et elle se persuade peu à peu qu'un homme aussi
séduisant ne peut être un criminel. Elle va même jusqu'à repousser
avec dédain les insinuations vraisemblables de l'agent Vibert et à se
débarrasser de lui. En partant, l'agent éconduit se borne à inviter
Mme Vidal à se faire connaître à Albert sous son véritable nom.
En effet, Albert, siu-pris par cette révélation inattendue, se confesse
à la veuve de sa victime; c'est bien lui qui a tué Maurice Vidal
pour rentrer en possession de lettres de change qui étaient entre
ses mains. Après cet aveu, qui détruit toutes ses espérances d'av*!-
nir, il se plonge dans le cœur le couteau avec lequel il a commis
son crime.
N'est-on pas forcé de reconnaître que cette pièce aurait dû être
portée à un théâtre de drame? Contesté à la première représentation
le succès s'est nettement dessiné aux représentations suivantes;
il est dû surtout au premier et au dernier acte, l'un d'un intérêt
très- puissant et l'autre éminemment dramatique.
DE PAIIIS.
373
Le Drame de la nui de la Paix est, du reste, interprété avec un
grand talent par Berton et Mlle Sarali Bernliart, chargés des deux
principaux rôles. Taillade a de bons moments dans celui de l'a-
gent Vibcrt. Raynard tire un assez bon parti d'un personnage
accessoire qui a pour mission d'égayer un peu la pièce.
— Malgré l'abus que l'on a fait du titre biblique et du sujet de
l'Enfant prodigue, M. Becque, qui fut le collaborateur de M. de
Joncières pour l'opéra Sardanapale, n'a pas hésité à le donner au
vaudeville que le théâtre de la place de la Bourse vient de repré-
senter. C'est toujours le jeune gars choyé, caressé, dorloté dans la
maison paternelle, qui se lasse de cette félicité pour courir le
monde, qui, à Paris comme en Egypte, tombe entre les mains
d'hétaïres habiles à le plumer, et qui se trouve trop heureux d'être
ramené au foyer domestique par un père plus ou moins mêlé
malgré lui aux frasques de M. son lils. — Quoique ce nouvel
Enfant prodigue témoigne d'une grande inexpérience de la part de
l'auteur, on ne peut disconvenir qu'il n'ait rajeuni heureusement
par beaucoup de gaieté et d'entrain cette vieille histoire.
Il y a dans la pièce de M. Becque une \'eine de borme humeur
très-prononcée, et nous nous tromperions fort si cet auteur n'a-
vait pas de l'avenir au théâtre.
Saint-Germain et Delaunay ont fait deux bons types de l'enfant
prodigue et du papa de Montélimart. Mlle Bianca est très-avenante
sous les traits de la grisette Clarisse, et Mlle Louise Leroux, en
servante égrillarde, laisse à regretter que son rôle ne soit pas plus
développé.
— Qu'est-ce que le Monde où l'on s'amuse ? C'est celui qui tient le
milieu entre le demi-monde aux allures trop libres et le grand
monde à l'aspect trop gourmé, celui qui ouvre ses salons à des
gens d'esprit, de moeurs faciles et complaisantes, à des femmes
aimables, à de gais jeunes gens. On danse beaucoup dans ce
monde-là, on y cause encore davantage, et il n'est, pas plus que
les autres, exempt d'intrigues cachées ou transparentes. C'est donc
dans le Monde où l'on s'amuse que Paul de Bussac a rencontré la
baronne Brunner, dont le seul défaut est d'avoir un mari qui
s'attache aux préférés de sa femme, de façon à en faire des es-
claves. Paul, que son oncle veut marier, ne tarde pas à se lasser
d'un rôle qui fait du favori de Madame le souffre-douleur de Mon-
sieur. Il se fait remplacer par un ami, qui a reconnu dans la ba-
ronne certain domino dont il s'est épris au bal et qui ne trou-
vera pas la tâche trop lourde.
Cette comédie, dont l'auteur est M. Pailleron, digne du Gym-
nase où elle a été représentée, a réussi , non moins par des dé-
tails ingénieux que par une remarquable interprétation, confiée à
Ravel, Landrol, Blaisot, Mmes Pierson, Magnier et Angelo.
— La Porte-Saint-Martin a renoncé à Cadio, et pour faire oublier
cette erreur de Georges Sand elle a repris Madame de Chamblay,
un drame d'Alexandre Dumas, qui a été joué l'année dernière au
théâtre Ventadour. Brindeau y a conservé son rôle; les autres
personnages sont tenus par Charles Lemaître, Charly, Schey,
Mmes Rousseil et Desmonts. Une petite pièce de l'Odéon, la Der-
nière Idole, commence le spectacle alternativement avec la Fille
de l'Avare, et Bouffé dans le principal rôle.
— A la Gaîté, une nouvelle attraction a été ajoutée au drame
de Léonard. Thérésa s'y fait chaque soir applaudir avec fureur
dans deux chansonnettes de son répertoire.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
*% Dimanche, à l'occasion de la Siiinle-Eiijjcnie, Ions Ifis tlicAtres ont
illuminé.
»*, Le Théfttro Impérial fie l'Opéra a donné lundi la douxième représen-
tation de la reprise rt<!s Iluijucnols. La salle était encore plus remplie
qu'à la première. Colin ayant à son tour été indisposé après son succès
du premier jour, c'est Morèn; qui a chanté le rôle de Kaoul. Mlle Ha-
mackers a repris celui de la Reine et Grisy a chanté les couplets du
Rataplan. La soirée n'a donné lieu cette fois qu'à d<'s applaudissements;
Marie Sass s'y est encore surpassée, s'il est possible; et, malgré une émo-
tion bien naturelle, Morère est sorti viclorieux de sa difficile tâche. Mais
M. Perrin n'est pas encore satisfait, et il veut tenir jusqu'au bout la pro-
messe qu'il s'est faite de ne rien laisser d'imparfait dans cette reprise du
chef-d'œuvre de Moyerbeer; il a engagé pour deux ans Mme Carvalho,
qui dès demain chantera le rôle de la Reine. — Vendredi on a joué
Hamlet, et hier, par extraordinaire, en l'honneur de Ro.ssini, Guillaume
Tell.
*** S. M. la reine Isabelle et toute sa famille assistaient .samedi à la
représentation de Crispino e la Comare, au théâtre Italien. — Mme A.
Patti donne en ce moment la dernière représentation de chacune des
pièces de son répertoire. — Mardi on a représenté la Traviata, jeudi la
Lucia ; hier, on a exécuté en l'honneur de Rossini le Stabat, chanté par
l'élite des artistes, et son buste a été couronné.
5j;*,j Le théâtre Lyrique conlinue à faire de belles recettes avec le Val
cVAndorre et le Barbier. — Aujourd'hui, représentation exiraordinaire,
entièreujent composée d'œuvres de Rossini et consacrée à la mémoire du
maître. Le programme se compose de : i" ouverture de Sémiramide ;
2" Stances à Rossini, dites par M. Monjauze; 3° Vlnflammatus du Stabat,
chanté par Mlle Schrœder ; i° la Charité (chœur avec orchestre) : le solo
par Mlle Gilbert. Cet intermède suivra la représentation du Barbier. —
Mardi , première représentation de Vfphigénie en Tauride, de Gluck, qui
n'a pas été représentée depuis quarante ans à Paris. Le rôle d'Oreste
sera chanté par le baryton Aubéry.
^*^ On a donné vendredi au théâtre de l'Athénée la première repré-
sentation des Jumeaux de Bergame, musique de Ch. Lecocq, et celle du
Vengeur, paroles de MM. Nuitter et Beaumont, musique de Legouix. On
répète l'opéra-bouffe de MM. Gille et Costé, joué l'an dernier dans une
soirée particulière, au Conservatoire, sous le titre des Horreurs de la
Guerre. Ce litre devra être changé. — Les rôles ont été distribués à Léonce,
Brice, Niveleau, Mmes Van Ghell, Wilhelmine et Lévy.
,*^ Mercredi, le prince et la princesse de Galles assistaient à la repré-
sentation de la Périchole.
^** Voici comment les compositeurs, qui ont pris part au concours
du théâtre Lyrique, ont constitué leur double jury : Pour l'examen des
partitions, ils ont nommé MM. Ambroise Thomas, Victor Massé, Albert
Grisar, Limnander. Mermet, prince Poniatowski, Labarre, Deloffre; et
pour l'examen des poèmes, MM. Emile Augier, de Saint-Georges, Michel
Carré, Alexandre Dumas fils, Sardou et Fournier. Enfin, en quahté de
juges critiques des deux éléments poétique et musical, ont été nommés
encore MM. Théophile Gautier, Sarcey, Jouvin et Blaze de Bury. Plusieurs
compositeurs, auteurs et critiques en renom, ont été ajoutés à la liste
pour suppléer, s'il est besoin, aux absents ou aux non acceptants.
,1,*^ Le théâtre d'Avignon a donné, ces jours-ci , plusieurs représenta-
tions de Fleur de Tlié. Le public a fort goûté la vive et charmante mu-
sique de cette opérette, dont l'interprétation aurait pu, cependant, être
plus satisfaisante.
^** Après la Grande- Duchesse, qui vient d'être le grand succès du jour
à Alger, le théâtre Impérial de cette ville a joué la Rose de Saint-Flour,
pour la continuation des débuts de Mme Geoffroy. La pièce et sa prin-
cipale interprète ont été toutes deux fort applaudies. — L'Africaine est
à l'étude et sera jouée prochainement.
**^ Mlle Poinsot, qui fut longtemps pensionnaire de l'Opéra et qui est
de retour d'Italie, où elle a eu de beaux succès, vient d'être engagée par
M. Letellier, directeur du théâtre de la Monnaie, à Bruxelles.
^*t On nous écrit de Saint-Pétersbourg que Marta vient d'y être donnée,
avec le plus grand succès, pour la rentrée de Mme Volpini.
NOUVELLES DIVERSES.
^*, La section des beaux arts de l'Institut de France aura à donner un
successeur à son doyen, Rossini, qui était associé étranger, depuis 1833,
374
IIEVUE ET GAZETTE MUSICALE
et qui avait remplacé Paisiello, également auteur d'un Barbier de Séville.
Mercadanle et Verdi sont au nombre des neuf associés étrangers actuels
de l'Académie.
»'*^ M. Ambroise Thomas fait partie de la deuxième série des invités
aux fêtes de Compiègne.
^*^ M. Riedel s'est démis de ses fonctions de chef de musique du régi-
ment de gendarmerie de la garde.
5^*, Roger a été choisi pour remplacer M. Révial, démissionnaire des
fonctions de professeur de chant au Conservatoire. Tous ceux qui ont
si longtemps applaudi l'excellent ténor à l'Opéra-Comique et à l'Opéra
ont accueilli avec une véritable satisfaction la nouvelle de sa nomi-
nation.
**» M. Dorus, professeur de flûte au Conservatoire, vient, pour des
. raisons de santé, de donner sa démission. 11 est remplacé par M. Altès.
^% Nous recevons de M. Révial une lettre à laquelle le défaut d'es-
pace ne nous permet pas de donner place aujourd'hui. Elle n'a d'ailleurs
d'autre objet que de faire connaître les motifs tout à fait respectables
qui l'ont déterminé à donner sa démissiondo professeur de chant au Con-
servatoire, fonctions qu'il remplissait depuis vingt ans avec autant de
zèle que de talent, et nous avons, dans notre dernier numéro, mentionné
le fait et la cause qui avaient provoqué cette regrettable détermination.
*'» Par arrêté du i novembre, S. Exe. le ministre de la Maison de
l'Empereur et des Beaux-Arts vient do nommer M. Jules Cohen pro-
fesseur de la classe d'ensemble vocal au Conservatoire impérial de mu-
sique et de déclamation.
»*,j M. Dubois, ex-grand prix de Rome, maître de chapelle à l'église
Sainte-Clotilde, qui, l'an dernier, fit exécuter les Sept paroles, si bien
interprétées par Caron et Villaret, de l'Opéra, vient d'être nommé maître
de chapelle de la Madeleine.
»*» M. Maurice Strakosch vient de recevoir de S. H. le Sultan la
décoration d'officier de l'ordre du Medjidié.
^*, La Symphonie en la majeur {n° SI) d'Haydn ouvrait le concert
populaire de dimanche dernier. Le public a fait particulièrement fête au
Menuet, l'une des pages les plus délicates et les plus fraîches du vieux
maître, traduite par l'orchestre avec une précision admirable. — On a
bis.sé la magnifique ouverture de Coriolan, trop connue pour qu'il soit
besoin d'insister sur le souffle, passionné jusqu'à la fièvre, qui la traverse
et qui l'emporte. — Le Larghetto du Quintette (Op. 108) de Mozart,
exécuté par M. Grisez et tous les instruments à cordes, a également reçu
les honneurs traditionnels du bis. — La Symphonie en si bémol de
R. Schumann, qui constituait le morceau capital de cette séance, a été
écoutée avec beaucoup d'attention et un bon vouloir manifeste; on semble
aujourd'hui goiiter davantage cette oeuvre remarquable, quoique inégale,
et c'est à peine si quelques marques d'opposition se sont manifestées à
la fin.— L'orchestre a apporté à l'exécution de l'ouverture de Tannhauser,
sa chaleur et son soin habituels.
" ^\ Aujourd'hui dimanche, à deux heures, au Cirque Napoléon,
6° concert populaire de musique classique, sous la direction de M. Pas-
deloup. Ou y entendra : l" Ouverture à'Euryanthe, de Weber; — 2" Sym-
phonie héroïque, de Beethoven (allegro, marche funèbre, scherzo, finale);
— 3° Ouverture de Guillaume Tell, de Rossini ; — i" Andante religioso,
de Mendelssohn ; — b° Marche hongroise, d'H. Berlioz.
^*^ Une audition artistique a eu lieu lundi soir chez MM. PleyeWolff et
C». M. le professeur Lemraens, qu'on avait entendu dimanche sur les
grandes orgues de Notre-Dame et de la Trinité, ■ nouvellement cons-
truites par la maison A. Cavaillé-Coll, a fait connaître ses nouvelles
compositions sur l'harmonium Muslel. Elles ont vivement intéressé l'au-
ditoire d'élite qui s'était réuni chez MM. Pleyel-Wolf et C".
M. Lemmens était déjà connu dans le monde musical par des œuvres
magistrales pour le grand orgue, écrites à la manière de J. S. Bach.
Sa méthode d'orgues, adoptée par tous les Conservatoires d'Europe, a
beaucoup contribué aux progrès qui se sont accomplis en ces derniers
temps dans le grand art de l'organiste. Ses compositions pour harmonium,
quoique d'un caractère moins austère, n'en révèlent pas moins un grand
maître en l'art d'écrire et un exécutant de premier ordre. L'har-
monium devient entre ses mains un orchesire avec toutes ses nuances
et toutes ses ressources; on a particulièrement remarqué un staccato très-
brillant et d'un effet étincelant, mais d'une exécution difficile à laquelle
peu d'artistes pourraient prétendre. Les pièces traitées dans le style de
l'orgue sont d'une sévérité magistrale et d'un grand effet; on a
surtout applaudi une scène symphonique intitulée la Danse des Sorcières,
d'une grande originalité et d'un effet éblouissant ; enfin l'ouverture
de Guillaume Tell, jouée par M. Lemmeus sur l'harmonium, n'a jamais
été mieux rendue à l'orchestre. Cette séance, d'une durée de plus de
trois heures, a amplement satisfait les nombreux artistes et amateurs
qu'avait attirés la renommée déjà si grande du savant professeur.
,% On lit dans le journal la France : a Nous rappelons avec plaisir à
nos lecteurs que, conformément à une note insérée au Moniteur universel.
en date du 1-4 août dernier : « C'est par erreur que la maison Philippe-H.
» Herz neveu et C'% fondée en 1863, ne figure pas au catalogue officiel
» des récompenses décernées à l'industrie des pianos à l'Exposition uni-
» verselle de 1867. » C'était là une omission d'autant plus regrettable
(car elle est aujourd'hui réparée) que cette maison, seule en France, a
obtenu la médaille d'or, c'est à-dire la plus haute récompense décernée à
la fabrication des pianos. Tout éloge devient inutile en présence d'un
pareil succès, obtenu après cinq années d'existence seulement, et venant
consacrer avec tant d'éclat la réputation d'une jeune maison dont nous
avons eu déjà l'occasion d'encourager les efforts et de signaler les pro-
grès. »
»** Aujourd'hui, à l'occasion de la Fête de Sainte-Cécile, la messe
solennelle en si bémol de Haydn, sera exécutée dans la chapelle
du palais de Yersailles, sous la direction de M . Emile Renaud.
t,\ Aujourd'hui dimanche, à midi, en l'église Sainte-Geneviève
(Panthéon), la messe du Saint-Esprit sera chantée par les élèves
des écoles et lycées.
^;*,^ La cérémonie des funérailles de Rossini ayant eu lieu hier
samedi, le Comité des artistes musiciens a retardé l'exécution de
la messe de Sainte-Cécile qui devait être célébrée cette semaine dans l'église
Saint-Eustache, et l'a remise au mardi l*' décembre.
«*, Au programme de la dernière et très-remarquable séance des
Enfants d'Apollon, figurait le compositeur Adolphe Blanc. Ce programme
était des mieux choisis : un septuor, une sonate pour piano et cor et un
trio pour piano, flûte et violoncelle, de sa composition, ont été délicieu-
sement exécutés et longuement applaudis. La sonate surtout a été enle-
vée avec un brio extraordinaire par Mme Béguin -Salomon et M. Schlot-
mann, premier cor des Italiens. Mme Léonard a eu sa part de succès
en chantant avec beaucoup de goût l'Invitation à la Mazurka et l'Invi-
tation à la Valse de M. Blanc.
,*, La société des Orphéonistes d'Amiens vient d'engager l'excellent
violoniste-compositeur Herman pour le prochain concert qu'elle va don-
ner. Nous saisissons avec empressement cette occasion pour démentir un
bruit qui prêtait à l'émincnt artiste l'intention de cesser de se faire en-
tendre en public et de renoncer au professorat. Non-seulement il n'en est
rien, mais tout récemment encore Rossini, en entendant Herman chez
M. le comte Pillet-Will, disait en s'adressant à ce dernier: « Je n'ai ja-
» mais entendu chanter sur le violon d'une manière aussi expressive. »
Et celui-là s'y connaissait !
,*,, La Société des concerts de musique classique du Conservatoire de
Strasbourg a récemment inauguré au foyer du théâtre de cette ville sa
troisième année d'existence, par un concert qui comprenait l'ouverture
de Ruy-Blas, la Symphonie héroïque et l'introduction du Lohengrin.
Mme Viardot, qui prêtait son concours à cette solennité musicale, a été
l'objet d'ovations enthousiastes. Il faut savoir gré à M. Hasselmans de
poursuivre et de diriger avec un rare talent cette entreprise purement
artistique.
jf*^, Mme de Sievers va rouvrir prochainement son cours de compo-
sition, de chant et d'orgue.
*% L'inauguration des bals du Cirque de l'Impératrice a eu lieu mardi
dernier, ainsi que nous l'avions annoncé. La réunion était nombreuse,
mais presque exclusivement composée d'hommes, ce qui ne contribuait
guère à la rendre amusante et gaie. L'orchestre a été la partie la plus
intéressante de la soirée. Sous la baguette de Marx, il a enlevé avec
une verve magnifique les quadrilles entraînants des ouvrages en vogue,
la Grande-Duchesse, la Périchole, Fleur de thé, etc. Ce succès musical
est de bon augure.
^\ Nous avons le regret d'annoncer la mort de M. François-Jules
Simon, rédacteur en chef du journal l'Orphéon. Le chant choral popu-
laire, l'art musical, la presse spéciale, l'Association des artistes musiciens,
perdent à la fois en lui un propagateur ardent et convaincu, un virtuose
des plus distingués, un écrivain aux vues larges et au style brillant, un
confrère conciliant et dévoué. Cœur loyal, âme fière, nature sympathique,.
Jules Simon était fait pour aimer tous les arts et les pratiquer tous avec
succès. II est mort littéralement à la peine. Il emporte l'estime et les
sympathies de tous ceux qui l'ont connu. Ses obsèques ont eu lieu,
lundi dernier, au milieu d'une affluence considérable de compositeurs,
d'artistes, de journaUstes et de directeurs de sociétés chorales. Plusieurs
discours ont été prononcés sur sa tombe par MM. le baron Taylor,
Elwart, Eugène Delaporte, L. Le Roy, etc.
,*^ On annonce la mort, à Londres, le 9 novembre, de M. William
Harrison, qui chanta à divers théâtres et dirigea quelque temps celui de
Her Majesty. II était âgé de S5 ans.
DE PARIS
373
ÉTRANGER
t*^ Londres. — On répètu activement Dinorah à Covent-Gardcn. La
saison sera terminée dans quinze jours. — L'excellent violoniste Henry
Holmes annonce quatre séances de musique de eliamhre à Saint-George's
HalL La première, dont le programme était fort intéressant, a dû avoir
lieu mercredi dernier avec le concours du pianiste Ernest Pauer et de la
cantatrice Miss Robertine Henderson. — Le premier concert populaire
(onzième année) a eu lieu le 16 novembre à Saint-James's Hall. MM. Sain-
ton, Louis Ries, H. Blagrove, Piatti et Pauer ont exécuté des
quatuors et sonates de Mendelssohn, Beethoven, Mozart, Schubert, Boc-
cherini et Dussek. La salle était comble comme toujours. — Au concert
du Palais de Cristal, samedi dernier, on a beaucoup apphudi l'air • de
l'Ombre» de Dinorah, chanté par Mme Lemmens-Sherrington, et un ca-
price brillant de Stephen Heller sur la Truite de Schubert, exécuté par
M. Charles Halle.
,*^ Leipzig. — Le violoniste russe Besekirsky s'est fait entendre au
sixième concert du Gewandhaus. Il a exécuté un concerto de Paganini
et une polonaise de sa composition, avec un talent qui a été très-
apprécié. — Le Premier Jour de bonheur vient d'être donné pour la pre-
mière fois et a obtenu un très-honorable succès.
»*, Berlin. — Ant. Rubinstein a donné à la Singacadémie un concert
qui n'a pas été moins brillant que le premier.
^*j, Hambourg. — Mignon, dAmbroise Thomas, a été accueillie ici
avec peu de chaleur.
^*^ Vienne. — La Société philharmonique a donné son premier concert.
On y a exécuté avec un très-grand succès le scherzo de la Fée Mab, de
Berlioz, qui a été bissé avec enthousiasme.
,*^ Turin. — Le théâtre Carignano est sur la voie d'un grand succès
avec le nouvel opéra-comique de Lauro Rossi — le directeur du Conser-
vatoire de Milan — Gli artisti alla Fiera {libretlo de Ghislanzoni) . La pre-
mière repésentation, qui a eu lieu le 7 novembre, n'a été qu'un long
triomphe pour le compositenr et les artistes. Rossi a écrit, sur les vers
charmants de Ghislanzoni, une musique brillante, facile, élégante, ita-
lienne en un mot; c'est une bonne partition à ajouter au nombre déjà
respectable de celés qu'on lui doit déjà et parmi lesquelles s'en trouvent
de fort remarquables.
,1,*^ Florence. — Le 13 novembre, la Società del Quartette a inauguré
la huitième année de son existence par une très-brillante séance à la-
quelle ont pris part , outre les artistes habituels , le célèbre Camillo Si-
vori et deux excellents pianistes, Carlo Ducci et Mlle Mathilde Platonofi'.
Le concours du grand violoniste était l'attrait principal de ce premier
concert; le public, électrisé par sa magnifique exécution, lui a fait ova-
tion sur ovation. — On attend aussi l'arrivée de Bazzini. — Le 8 novembre,
les musiques militaires de la garnison ont exécuté, pour la première fois,
la fanfare nouvelle et dernière de Rossini, la Corona d'Italia.
^*^ Valence. — Un très-heureux début vient d'avoir lieu au Teatro
Principal : c'ast celui de Mlle Linda Caracciolo, l'une des meilleures
élèves de l'éminent maestro Panofka. Cette jeune artiste, qui est admi-
rablement douée, a pu développer entièrement, sous une aussi habile
direction, ses belles qualités naturelles; l'année dernière déjà, on pouvait
prévoir, dans les concerts où elle a chanté à Livourne, l'avenir brillant
qui l'attendait, et dont la préface est l'engagement qui lui a été offert
au théâtre de Valence. Elle abordait pour la première fois la scène,
le 28 octobre dernier, dans Un ballo in maschera; la salle a retenti
des chaleureux applaudissements. Les directions des grandes scènes ita-
liennes vont certainement avoir l'œil sur Linda Caracciolo.
«*a, Bologne. — Le Barhiere di Sivigiia de Dali' Argine, depuis si long-
temps annoncé, a été donné enfin au théâtre Communal le H novembre.
C'est, jusqu'à présent, un succès de bruit et de curiosité; deux cabales,
également ardentes, se partngent le public; le théâtre regorge chaque
soir. Il est encore difficile de savoir, en présence de ces démonstrations
passionnées, si la nouvelle partition vaut tout le tapage qu'un fait autour
d'elle.
»'', Rome. — Dinorah exerce une grande attraction au théâtre Argen-
tina. La musique de Meycrbeer est chaque jour mieux comprise, et au-
cun morceau ne passe sans applaudissements. Danieli, Cima, Mmes Mon-
gini, Dory et Gianoli remplissent leurs rôles avec zèle et talent.
^*t Lisbonne. — Une traduction portugaise des Bavards, d'Offenbach, à
laquelle travaille M. Francisco Palha, sera donnée cet hiver au théâtre
Da Trinidade. — La Grande-Duchesse a atteint, au théâtre du Principe
Real, le chiffre de HO représentations en sept mois et demi, et rempli
en proportion la caisse de l'empresa Pinto Bastos.
»*« Madrid. — La Grande-Duchesse compte un nouveau triomphe. La
foule va désormais se porter au théâtre des Bufos Ardenius, qui vient de
la représenter.
,t% Saint-Pétersbourg . — Un de nos plus anciens éditeurs de musique
de Saint-Pétersbourg, M. Bernard, qui publie aussi un journal musical
estimé, vient d'être nommé par S . M. l'Empereur, éditeur de musique de
la cour impériale.
^,% Salle Valentino. — La nouvelle fête des Fleurs a été brillamment
inaugurée. Le monde élégant qui s'y trouvait ne s'est retiré qu'à regret.
Nous sommes heureux d'enregistrer ce nouveau succès, car il en promet
beaucoup d'autres, pour les bals et les concerts qui se donnent tous les
jours. On nous promet même un grand Festival-Rossini, en l'honneur
du maître illustre dont l'art musical pleure aujourd'hui la perte.
,t*^ Cirque de l'Impératrice. — Grandes fêtes les Mar lis, Vendredis et
Dimanches. — Aujourd'hui, troisième grande fête.
Le Directeur : S. DUFOUR.
miaestro E. XHIUZZO,
Ouverture d'un cours de chant exclusivement italien.
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Chez BRANDVS et DUFOUR, éditeurs, i05, rue de Richelieu.
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ces, etc., etc., sans accompagnement, des meilleurs auteurs anciens et
modernes.
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■nftlqae tirée des aifférents ouvrages de Rosslnl. — les-te latin, adapté à la maslqne par Anlagaier.
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37(5
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Arrangements par Bertini, Cramer, Croisez, Lecarpentier, H. Herz, Osborne, Rosellen, Thalberg, Valiquet, Wolff, Bériot, Lafont,
Tulou, Walckiers, Batta, Lee, etc., etc.
Format in-i».
MUSIQUE DIVERSE
liDIMIi:^^ MÏÏBlQMIsMl
1 . La Promessa, canzonnetta 3 »
1 bis. io même, un ton plus bas. ... 3 »
2. H rimprovero, canzonetta 3 »
3. La Partenza, id 3 »
4. L'Orgia, arietta 4 oO
Huit Ariettes et quatre Duos italiens, avec une traduction française :
3. L'Invite, boléro 3 » 8 bis. La Danza, un ton plus bas. . . 5 »
6. La Pastorella dell'Alpi, triolesse . . 3 » 9. La Regata veneziana, notturno s.s. 5 »
6 bis. La même, un ton plus bas . . . 3 » 10. La Pesca, notturno s.s 3 73
7. La Gita in gondola, barcarola ... 4 30 11. La Serenata , notturno s. t. ... 4 73
8. La Danza, tarentella. ..... 3
12. Li Marinari, duetto t.b.
Transcription des douze morceaux pour le Piano seul, par F. lil^XT.
Arrangements divers par Bénédict, Bériot, Osborne, Kalkbrenner, Lecarpentier, Liszt, Seligman, Sivori.Thalberg, Tulou.
mélodies avec paroles françaises et italiennes:
L'Ame délaissée 2 50 , La Gaieté 2 50
L'Amour perdu 2 SO Orage et beau temps, 2 voix 2 30
Beppa la Napolitaine ... 2 50 Œdipe, air de basse .... 4 30
Le Chant du soir 2 30 Stances à Pie IX 3 »
JLe Rendez-vous de chasse, fanfare pour 4 trompes. S
La même, arrangée pour le piano 3
marelle du sultan Abdul-medjid, pour piano S
La même, arrangée pour le piano à quatre mains 6
Deux Pas redoubles et une marche, 3 s., 4 m., ch. 6
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35' Année.
N' 48.
29 Novembre 1808.
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Dans les Départements et l't l'KIrongfer,
chez tous les filarchands de Musique, les Librairei,
et aui ûureeux der. Messageries et des Postes.
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PRIX DE L'ABONNEMENT :
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Étranger 31 . lll.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
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pour le Piano par Boques.
SOMMAIRE. — Tliéâtre impérial de l'Opéra: reprise des Huguenots; Mme
Carvalho, par Elias de Bauze. — Théâtre impérial Italien : Semiramide,
par le même. — Théâtre Lyrique impérial : Iphigénie en Tauride, de Gluck,
par Panl Bernard. —Théâtre de l'Athénée: le Vengeur, opéra-bouffe en
un acte, paroles de MM. Nuitter et Beaumont, musique de M. Legouix. —
Théâtre des Menus-Plaisirs : le Grand-Duc de Matapa, opéra-bouffe en trois
actes et cinq tableaux, paroles de MM. Clairville et Gastineau, musique de M.
Debillemont. — Note sur un point de l'histoire de l'harmonie et de la tonalité,
par F«-ti(i.— Discours de MM. de Saint-Georges et Elwart sur la tombe de Ros-
sini. — Entre.'ilets. — Correspondance. — Nouvelles des théâtres lyriques. —
Nouvellps diverses. — Annonces.
THÉÂTRE miPÉRUL DE L'0P£RÂ.
JDe» Buguenat». — Hme Carvalbo.
Il faut remonter aux jours heureux, des premières représenta-
tions des Huguenots pour se faire une idée de celle de mercredi
dernier. On se rappelle qu'à la reprise du chef- d'oeuvre de Meyer-
beer on avait regretté des défaillances, quels qu'eussent été le zèle
et les soins de la Direction pour entourer cet ouvrage de tout
378
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'éclat qu'il exige. Non -seulement ces défaillances ont complète-
ment disparu à la représentation de mercredi, mais la soirée a été
splendide à tous les points de vue. L'attrait principal était le début,
sur notre première scène lyrique , de Mme Carvalho, — si tou-
tefois on peut se servir du mol début, pour une des plus émi-
nentes cantatrice dont s'honore l'école française, et dont la carrière
a été une suite non interrompue de brillantes créations et de suc-
cès plus brillants encore.
C'est] vraiment « par droit de conquête » que Mme Carvallio
est arrivée à l'Académie impériale de musique, et, comme il était
facile de le prévoir, sa première apparition a été un triomphe.
Elle se sentait là dans un milieu digne de son beau talent ;
on eût dit qu'elle y respirait plus à l'aise, qu'elle prenait plus li-
brement son essor. Habituée de longue date à l'interprétation des
grands maîtres allemands, elle ne pouvait liésiter à se mesurer
avec l'œuvre de Meyerbeer. Le rôle de Marguerite, quoique court et
difficile pour bien d'autres artistes, même de premier ordre, parais-
sait écrit tout exprès pour elle. C'est, d'ailleurs, le propre des beaux
rôles et des grands interprètes. L'auditoire tout entier, en lui pro-
diguant les applaudissements, se félicitait de la voir sur cette scène
et félicitait M. Pcrrin d'avoir eu l'heureuse idée de s'assurer le
précieux concours de la grande artiste.
Déjà le premier acte avait marché avec un ensemble parfait et
très-favorablement prédisposé les spectateurs. L'orchestre tout
d'abord; puis MM. Faure, Belval, Colin, et Mlle Hamackers, — un
fort gracieux Urbain, — rivalisant de zèle et de talent, avaient
fait pressentir que la représentation serait irréprochable.
Plus tard, quand Mme Carvalho a paru, il s'est fait dans la salle
un de ces silences qui révèlent en même temps la plus vive cu-
riosité et l'attention la plus soutenue. Ce silence devait être rompu
par des applaudissements, enthousiastes unanimes, répétés, aux-
quels n'ont manqué ni les rappels ni les couronnes.
Puis c'a été le tour de Mme Sass. Chez elle, rien n'étonne
plus; on l'avait déjà entendue le premier jour, alors que d'autres
hésitaient ou faiblissaient, et qu'elle seule, forte de son incompa-
rable talent, confiante dans ses moyens exceptionnels, brillait de
l'éclat le plus fulgurant et triomphait.
A partir de ce moment, nous ne dirons pas que la partie était
gagnée : avec de pareils éléments, elle n'aurait pu être douteuse ;
mais nous constaterons que le succès est allé toujours en grandis-
sant. On sait, d'ailleurs, qu'il en est de même de la marche de la
partition. Si beaux, si saisissants que soient la scène, le morceau
qu'on entend, ce qui le suit est encore plus saisissant et plus
beau. C'est un admirable crescendo qui, après s'être reposé sur
le fameux duo du quatrième acte, comme pour se complaire, ne
cesse qu'à la lin de l'ouvrage.
Et cette inimitable page de la Bénédiction des poignards ! A-
t-elle été assez largement interprétée ! A-t-elle été rendue dans
toute son ampleur et avec tout le soin scrupuleux des nuances!
La salle en était électrisée !
ML Faure, Belval, Colin, David, Mlle Hamackers, en dehors
de Mmes Sass et Carvalho, ont tous eu une large part du succès
de cette reprise que la persévérance de la direction et le talent
des artistes ont élevée au rang d'une restauration.
L'orchestre s'est surpassé, — c'est à tort que plusieurs organes de
la presse ont blâmé les mouvements dans lesquels M. Georges
Hainl a fait exécuter la partition ; ce sont précisément ceux qui ont
été indiqués par Meyerbeer lui-même à M. Hainl, et dont l'or-
chestre s'était peu à peu écarté. — Les danses ont paru plus char-
mantes , tant l'ensemble de la représentation a été remar-
quable. Mlles Beaugrand et Eugénie Fiocre ont été ravissantes.
En un mot, et pour finir par où nous avons commencé, on se
serait cru aux premières représentations des Huguenots.
Elias de RAUZE.
THÉÂTRE IMPERIAL ITALIEN.
Siemiramide.
Le théâtre Italien a rendu samedi dernier un hommage digne
de lui à la mémoire de Rossini, en exécutant avec l'élite de ses
artistes une des plus belles œuvres de l'illustre maestro : le Stabat.
Le Cujus animam a valu trois salves d'applaudissements à Nicolini,
et Mlle Krauss n'a pas été moins bien traitée après Ylnflammatus .
Mlle Grossi et Agnesi ont eu aussi une bonne part de bravos. A
l'entr'acle, l'orchestre a joué l'ouverture de la Gazsa ladra pendant
que le buste de Rossini était couronné par les artistes du théâtre et
autres qui s'étaient joints à eux, Duprez en tête.
Il fallait bien un ouvrage et une exécution qui assurassent
des lendemains aux soirées de Mme Patti. M. Bagier a un
peu tâtonné , nous devons l'avouer, mais il a fini par trouver.
C'est au répertoire rossinien qu'il a demandé cet ouvrage,
au même répertoire qui lui a donné il Barbiere. Seulement, pour
le Barbiere, il a Mme Patti, et cette fois il avait besoin d'une par-
tition de nature à réussir sans le concours de la cantatrice-étoile.
C'est Semiramide qui pourra désormais alterner sans crainte avec
le Barbiere et avec tous les autres opéras que chante Mme Ade-
lina Patti.
La représentation de jeudi soir l'a incontestablement prouvé.
Depuis le séjour à Paris des sœurs Marchisio, on n'avait pu
reprendre cette grande œuvre du maître dont le monde musical
regrette la perte récente. La disette toujours plus accusée de chan-
teurs de l'ancien répertoire contribuait, elle aussi, à rendre difficile
la reprise de Semiramide. Mais, par une heureuse coïncidence,
M. Bagier compte dans sa troupe assez d'artistes dont la spécialité
est plutôt l'ancien opéra italien. Il en a profité, et le succès lui a
donné raison.
Mmes Krauss et Grossi ont succédé aux deux sœurs Marchisio :
la première, dans le rôle de Sémiramis; l'autre, dans celui d'Ar-
sace. Chacune d'elles a montré sa vaillance dans les sali. Mais c'est
au fameux duo que le public les attendait, et, pourquoi ne le di-
rions-nous pas? il paraissait s'être dit à l'avance que le souvenir
des Marchisio nuirait inévitablement aux nouvelles pensionnaires
de M. Bagier. Il s'était trompé. Et c'est avec bonheur qu'il l'a dé-
claré, en redemandant à grands cris de bis le célèbre duo, et en
rappelant quatre fois (je souligne à dessein) les deux artistes.
Palermi a été fort bien dans le rôle d'Idreno, qui lui sied bien
mieux que tous les autres; on disait qu'il fait de rapides et sen-
sibles progrès. Non ; on ne peut progresser à ce point du jour au
lendemain. Seulement il chante mieux le répertoire rossinien que
le nouveau. Il avait eu un simple succès d'encouragement dans
Don Pasquale, il en a eu un très-légitime dans Semiramide. Nous
l'engageons seulement à ne pas trop forcer son charmant organe;
c'est plutôt le poète qui lui donne ce conseil, car il a dit (à peu
près) :
iNe forçons pas notre instrument.
Nous ne ferions rien avec grâce.
Nos félicitations les plus sincères à la basse Agnesi. Il a été su-
perbe dans le rôle si redoutable d'Assur, que Tamburini a rendu
presque impossible pour ses sucesseurs. Rarement nous avons re-
marqué autant de souplesse dans un organe aussi robuste. Et il
faut être excellent musicien pour vocaliser de la sorte. Ajoutons,
à son éloge, que l'artiste dramatique a été au niveau du chanteur.
E. R.
DE PAHIS.
379
THEATRE LYRIQUE IMPÉRIAl.
MttMgénie en TattrMe, de Cilttck.
(Reprise le 2G novembre 1868.)
Je suis heureux, pour la première fois que je viens clans ce
journal parler du théâtre Lyrique, de n'avoir guère que des élo-
ges à adresser et de pouvoir complimenter le directeur sur son
excellente idée de remonter celles désœuvrés du temps passé qui,
par leur mérite et l'influence qu'elle ont exercée sur l'art, seront
toujours remplies d'intérêt ou d'enseignement. J'aimerais qu'un
jour fût réservé par semaine au Théâtre-Français pour jouer éter-
nellement Corneille, Racine, Molière, Voltaire, elc, et je suis per-
suadé que la jeune littérature n'aurait qu'à gagner à aller écouter
des chefs-d'œuvre devenus froids peut-être, mais impérissables
comme la beauté plastique. Ce n'est donc pas moi qui trouverai
mauvais que M. Pasdeloup, à ses risques et périls, ait pris l'initia-
tive de faire connaître à notre génération YJphigénie en Tauride
de Gliick ; je le remercie au contraire de la soirée intéressante
que j'ai passée hier à écouter cette belle partition que je ne con-
naissais que pour l'avoir lue, puisque sa dernière exécution en
France remonte déjà à une soixantaine d'années. En Allemagne,
la religion de ces grandes œuvres est bien plus religieusement
conservée, et les ouvrages de Gliick, particulièrement, ne quittent
jamais le répertoire.
Chez nous il y a un certain courage à essuyer la poussière tom-
bée sur les vieux maîtres. Au théâtre les élus sont rares, les places
sont prises, les ambitions nombreuses; il semble qu'une œuvre
ancienne empêche une nouvelle d'arriver et l'on crie : Place aux
jeunes! Comme s'il ne fallait pas toujours se nourrir des belles
choses et des grands exemples. Place aux jeunes, oui certes! mais
aussi, respect aux vieux ! En musique, comme en littérature,
comme en peinture, sachons conserver notre musée du Louvre à
côté de nos expositions des Champs-Elysées.
L'accueil fait à l'exécution très-soignée d'Iphigénie a été géné-
ralement chaleureux; on voyait une salle attentive, intéressée,
reconnaissante des efforts accomplis. Les applaudissements étaient
nombreux, fréquents, et quelques parties de l'œuvre ont produit
un grand et légitime effet.
Il est juste de dire que Ylphigénie en Tauride de Gliick est l'un
des opéras les plus estimés de ce créateur réel de la tragédie ly-
rique. Placé par les connaisseurs sur la même ligne que YOrphée
et VAlceste, il ne lui manque que d'être aussi connu pour qu'on
l'apprécie à sa haute valeur. Mieux que YAlceste, cette partition
est peut-être destinée à plaire aux masses, en ce qu'elle offre une
couleur sombre moins générale et, par suite, des oppositions plus
tranchées. Les oppositions? n'est-ce pas là un des principaux mo-
biles de l'intérêt, et Orphée n'en est-il pas la preuve évidente ;
Orphée, dont chaque acte présente une couleur si tranchée?
Le sujet antique d'Iphigénie met en présence la grâce native des
Grecs et la fougue sauvage des Scythes; après les douces prêtresses
de Diane il fait surgir les impitoyables Euménides. Remarquez
aussi que l'un de ses plus touchants moyens d'action est l'amitié
d'Oreste et de Pylade, et vous comprendrez tout le parti que pou-
vait tirer d'un tel assemblage un génie aussi virilement trempé que
celui de Gliick. Les parties déclamatoires de l'œuvre sont, comme
toujours, splendides. Les effets d'orchestre atteignent quelquefois
jusqu'au sublime, et l'on se demande ce que pourrait produire
aujourd'hui un tel homme avec les ressources de l'instrumentation
moderne.
Mais laissons ces considérations générales pour examiner acte
par acte les beautés principales qui vont se présenter.
Une teinte violente et sauvage se répand sur presque tout le
premier acte. La colère des dieux, le désespoir d'Iphigénie, la
fureur des Scythes s'y succèdent presque sans répit, et l'on arrive
au dernier accord dans un état de surexcitation réelle. On lemar-
que cependant un air d'Iphigénie: Otoi qui prolongeas mes jours ,
dont la couleur expressive fait une heureuse diversion et dont la
mélodie est largement tracée. L'entrée des Scythes est saisissante
de sauvagerie, et le chœur: Il nous fallait du sang pour expier nos
crimes, a vraiment le tranchant du glaive. C'est au milieu de ce
dernier morceau que passe un fragment symphonique qui n'est
rien moins qu'un petit joyau. Cela accompagne une danse guer-
rière fort bien réglée, ma foi, et d'un effet très-pittoresque. Le
tout est comme pimenté, et quand la toile baisse on se regarde
un peu étourdi, mais subjugué. Du reste, grâce à la Société du
Conservatoire, toute cette scène des Scythes a été maintes fois ap-
préciée.
Le second acte nous présente d'abord les deux amis. Un air
d'Oreste déplorant ses malheurs et ses crimes précède l'air très-
connu de Pylade : Unis dès la plus tendre enfance. C'est un chef-
d'œuvre de sentiment que ce dernier, et il a été pour M. Bosquin,
qui possède une charmante voix de ténor, l'occasion d'un succès
très-mérité. Ce jeune artiste a détaillé dans le meilleur style
cette page hors ligne qu'on a bissée d'enthousiasme. Je citerai l'air
d'Oreste : Le calme rentre dans mon cœur, pour son joli accompa-
gnement et j'appellerai l'attention sur la grande scène des Eumé-
nides où le génie de Gliick se montre tout entier. Un air d'Iphi-
génie, avec accompagnement obligé de basson et de hautbois, pré-
cède un très-beau chœur de prêtresses où la tonalité, tournant
perpétuellement du majeur au mineur et du mineur au majeur,
produit un singulier et délicieux effet. Ce second acte d'ailleurs
est le plus riche de l'ouvrage. Dans les deux qui vont suivre nous
serons plus avare de citations et le public lui-même a paru s'y in-
téresser dans une moindre mesure. Serait-ce que dans ce genre
un peu sérieux, beaucoup vieilli, où la mélodie carrée n'existe
guère qu'à l'état d'embryon, la monotonie ne se fasse forcément
sentir au bout d'un certain temps ? Quand la fatigue survient, l'in-
térêt tombe et c'est un peu ce qui s'est présenté vers la fin de la
pièce.
Il faut dire aussi que nous sommes maintenant habitués à en-
tendre des morceaux d'ensemble destinés à faire opposition aux
soli. Les duos, les trios et jusqu'aux septuors que présentent nos
partitions modernes n'existaient pas alors. Les airs succédaient aux
airs, et il était bien rare, sauf les chœurs, que les voix se marias-
sent dans un ensemble. Un duo entre Oreste et Pylade se présente
pourtant dans le troisième acte, et je l'attendais à l'avance, persuadé
qu'il ferait sensation; il a passé inaperçu. Peut-être son exécution
a-t-elle été un peu pâle.
Dans le quatrième acte je citerai rapidement un grand air d'I-
phigénie: Je t'implore et je tremble ; l'hymne des prêtresses: Chaste
fille de Latone ; une charmante phrase dite par Oreste: Dans cet
objet touchant ; et enfin le chœur final d'allégresse écrit dans un
grand style et d'un fort beau caractère.
L'exécution mérite des éloges bien sincères. L'orchestre, dirigé
par M. Pasdeloup en personne, a été très-remarquable. Les nuances
difficiles de cette musique, les accents, les appogiatures, les grupetti,
tout cela a été rendu avec un rare bonheur. Il y a là une phalange
d'instruments à cordes qui s'est vaillamment comportée. Chose di-
gne de remarque, l'orchestration de Gliick a été conservée; c'est
l'œuvre exacte du maître que nous avons entendue, ce qui a bien
son charme.
Deux observations seulement. Tous les mouvements sont-ils bien
traditionnels et les accompagnements n'ont ils pas été quelquefois
un peu forts?
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Entre le 3" et le 4« acte, M. Pasdeloup, a fait endre le larghetto
du quintette en la de Mozart. Quoique délicieux et supérieurement
exécuté, était-il aussi bien à sa place qu'aux concerts populaires ?
La mise en scf'ne est très-soignée. On sent partout l'œil du
maître.
Les chœurs, considérablement augmentés pour cet ouvrage et
qui comptent beaucoup d'élèves du Conservatoire, ont été superbes.
Chœurs d'hommes, chœurs de femmes, chœurs réunis, tous ont
chanté juste et en mesure.
Il nous reste à parler des artistes :
A M. Bosquin la place d'honneur, et par droit de conquête et
par droit d'ancienneté. Déjà pensionnaire de M. Carvalho, il s'é-
tait fait applaudir dans Martha. Mais aujourd'hui il a fait mieux,
il s'est montré artiste de goût et chanteur délicat. Sa voix fraîche
et pénétrante s'assimile parfaitement au personnage sympathique
de Pylade.
Le début de Mme Lacaze dans le rcMe difficile d'Iphigénie est
honorable, mais pas davantage. Il y a de l'habileté dans son chant
et elle possède une certaine habitude de la scène ; par malheur la
voix est d'un timbre défectueux, le médium seul pourrait plaire,
et quant à la dicticm «lie est telle qu'on ne saisit pas une phrase,
pas un mot. Dans la musique de Gliick, cela est plus grave que
dans toute autre.
Je n'ai pas vu M. Aubéry dans le Barbier; on m'a dit qu'il y
était tort bien. Dans le rôle d'Oreste il manque d'ampleur et sa
voix est un peu cotonneuse. On sent, toutefois, le complet musi-
cien en M. Aubéry, sa phrase est correcte, ses attaques irréprocha-
bles; malheureusement, le tout manque de nerf et de vie.
M. Caillot s'est fort bien tiré du petit rôle de Thoas. 11 y a
montré une belle voix de baryton et une gi-ande bonne volonté.
Nous l'attendons à une épreuve plus importante, ainsi que
Mlle Priola, qui, dans quelques mots seulement, a fait entendre
une fort jolie voix bien timbrée, bien conduite. En résumé M. Pas-
deloup a dû être fort satisfait de cette soirée. Pendant qu'il faisait
des rêves de gloire, son caissier devait faire des rêves d'or. Mais
il ne faut pas s'arrêter en si beau chemin et négliger de mettre
en chantier quelque autre chose. Après l'ancien, le nouveau ; et
pour retourner la proposition du commencement de cet article,
respect aux vieux, dirons-nous; mais aussi, place aux jeunes!
Paul BERNARD.
THEATRE DE L'ÂTHENÉE.
liE TENCiEVR,
Opéra-bouffe en un acte, paroles de MM. Nuitter et Beaumont,
musique de M. Isidore Legouu.
(Première représentation le 20 novembre 1868.)
Allez donc vous promener en Espagne, et faites y la cour à
quelques beautés agaçantes ! Tout n'est pas roses dans le métier de
galant d'une senorita, à en juger par les mésaventures du héros
de l'opérette qu'on appelle le Vengeur. Ce pauvre Cotignac, un
Gascon, cela va sans dire, ne sait que trop ce qu'il en coûte de
s'adresser au cœur d'une Andalouse pur sang. Puisqu'il adore
Elvire, il doit être prêt à venger ses injures. Il faut qu'il la dé-
livre, par un bon coup de poignard, d'un infidèle qui a méconnu
ses attraits. Mais qu'il n'aille pas se tromper et faire disparaître le
frère de la belle, en le prenant pour son amant, car Elvire punira
le meurtrier de son frère et lui fera avaler une forte dose de poi-
son. Par bonheur, tant de tués que de blessés, il n'y a personne
de mort, et Cotignac s'échappe en jurant bien qu'on ne l'y rat-
trapera plus.
Cette petite pièce, très-bien venue et bourrée de situations plai-
santes, a inspiré à M. Isidore Legouix plusieurs motifs qui ne
manquent ni de gaîté ni de franchise. L'air d'Elvire : Je suis
Espagnol ; les couplets de Cotignac avec ce refrain populaire :
Voilà l' vengeur. Mesdames, voilà V vengeur; un petit nocturne à
deux voix, un quatuor final bien agencé, tels sont les morceaux
qui nous ont le plus frappé £t qui ont obtenu le plus de bravos.
Dans le rôle d'Elvire, Mlle Van Gheel fait preuve d'un vrai talent
de transformation. Léonce est amusant comme toujours, avec
bizairerie, dans son personnage mystifié de Cotignac. Luce et
Lorentz représentent d'une manière convenable le frère et l'amant
de l'Andalouse.
Nous ne quitterons pas l'Athénée sans adresser nos compliments
à M. Bernardin, ainsi qu'à son orchestre.
D.
THËÂTBE DES lENUS-PLÂISIRS.
I>E CBAlWn-DUC DE UATAPA,
Opéra-bouffe en trois actes et cinq tableaux, paroles de MM. Clair-
ville et Octave Gastineau, musique de M. Debillemont.
(Première représentation le 16 novembre 1868.)
Malgré ses allures bouffonnes, cette pièce est loin d'être aussi
insensée que' certaines fantaisies d'un goût déplorable, qui ont
eu leur instant de vogue. Le fils du grand-duc de Matapa, un
digne héros des contes de fées, se rend auprès du seigneur de
Cabochagiff pour épouser une de ses filles; mais en route, dans
une forêt, il fait la rencontre d'une petite chevrière dont il de-
vient très-amoureux, et finalement, cette chevrière se trouve être
une princesse à laquelle il peut s'allier, sans ternir le blason pa-
ternel .
Quoi de plus raisonnable? A cela joignez des talismans à l'aide
desquels se produisent des situations vraiment comiques, et, entre
autres, des fusils qui partent tout seuls, quand ils sont touchés du
bout du doigt par une femme... légère, et vous conviendrez qu'il
y a là quelque chose qui est fait pour plaire à l'esprit en même
temps qu'aux yeux.
Pour sa part, la musique de M. Debillemont caresse agréable-
ment l'oreille. Elle est gaie, comme il convient à une partition
d'opéra-boutfe, mais sans cesser jamais d'être fine et distinguée.
L'ouverture est bien faite; son plan est habilement tracé; les déve-
loppements en sont heureux. Le quatuor qui lui succède, pour deux
voix d'homme et deux de femme, a de la grâce et de la fraîcheur.
Les couplets de la che\rière sont bien venus, et nous pouvons en
dire autant, sous un autre aspect, de l'air comique du seigneur
de Cabochagitt'. Par un singulier hasard, la mise en scène du
finale du premier acte, où l'orage amène un effet de parapluies,
ressemble à celle du premier finale de Chilpéric. Mais là s'arrête
l'analogie; M. Debillemont a trouvé pour ce baisser de rideau un
de ses plus entraînants motifs.
Au deuxième tableau, le marquis de Cabochagiff chante une
tyrolienne fort plaisante, et Raoul de Matapa une jolie romance.
Au troisième encore un air bouffe de Cabochagiff sur les fusils en-
chantés, et des couplets avec ensemble à la suite de l'épreuve. Le
quatrième tableau nous offre un contingent encore plus riche;
deux gracieux morceaux chantés successivement par les filles du
marquis ; les couplets piquants : On a vu des rois épouser des ber-
gères et la ronde comique du grand-duc de Matapa. Ce tableau se
DE PARIS.
3Sl
ermine par un motif de danse plein de verve et de gaieté. Dans
le dernier tableau enfin, on remarque un charmant quintette cl
un duo bouffe entre Cabochagiff et le grand-duc de Matapa.
L'âme de cette pièce, c'est Gourdon, qui prête au marquis de
Cabochagiff une physionomie des plus originales. Raoul de
Matapa est fort bien joué par Aurèle. Le grand-duc de Matapa ne
paraît qu'au dernier tableau ; mais, joué par Paul Ginel, il n'en
est pas moins drôle.
Mme Debrigny-Varney, dans le rôle de la chevrière Bichette,
fait preuve d'acquit et de savoir musical ; il ne lui manque qu'un
peu plus de velouté dans le registre haut de la voix. Mme Mar-
chand et Mlle Séchel s'acquittent avec une convenance parfaite des
personnages de Finette et de Dondinette, les tilles du marquis.
Costumes et décors sont d'une exécution irréprochable ; les
choeurs fonctionnent avec ensemble, et l'orchestre mérite uue
mention toute spéciale.
D.
NOTE SUR UN POINT DE L'HISTOIRE DE L'HÂBIHOIIIE
ET DE liA TOWAI.n'E.
Je viens de lire, dans le Ménestrel du 22 novembre, la fin d'un tra-
vail de M. Gevaërt sur ce qu'il appelle les Origines de la tonalité mo-
derne, et j'y vois qu'il conteste à Monteverde la priorité d'emploi de
l'harmonie de septième mineure avec tierce majeure , de laquelle est
sortie cette tonalité, et dont je l'ai proclamé l'inventeur. M. Gevaërt
vient un peu tard pour renouveler sur ce sujet des attaques com-
mencées il y a trenle-six ans et que j'ai mises à néant. Ses arguments
sont ceux de ses prédécesseurs; ce n'était pas la peine de les reproduire.
Je n'ai plus de temps à perdre en discussion de journaux ; mais il s'a-
git d'un point important de l'histoire de la musique ; cette considération
seule me fait surmonter le dégoût que m'inspire la polémique.
Ce fut dans mon cours de philosophie de la musique, fait à Paris en
d832, que, pour la première fois, l'attention des artistes fut appelée sur
le principe générateur de la tonalité moderne, et sur l'évidence de l'exis-
tence de ce principe dans les accords dissonants naturels, dont Monte-
verde avait fait le premier usage dans son cinquième livre de Madrigali,
puWié en -1599. S'il existe encore quelques personnes qui suivirent ce
cours, elles se souviendront de l'émotion de l'assemblée lorsque je dé-
montrai, par une foule d'exemples au piano, que la tonalité actuelle, la
modulation inattendue et la vraie cadence harmonique sont inhérentes
aux accords de ce genre. Depuis lors, j'ai développé cette théorie dans
plusieurs de mes ouvrages.
Quiconque énonce une vérité nouvelle s'expose aux démentis, surtout
si cette vérité fait son chemin, comme celle dont-je parle: j'en eus
bientôt la preuve. La première attaque parut, en 1834, dans une bro-
chure anglaise dont l'auteur m'était inconnu. On y alléguait des pas-
sages d'anciens harmonistes où l'on croyait trouver , avant Monteverde,
l'existence des accords employés par lui ; tout cela provenait de prolon-
gations qui n'avaient point de rapport avec les audacieuses nouveautés
de l'illustre musicien. Je fis une réponse de quelques pages à celte bro-
chure, et je n'entendis plus parler de mon adversaire.
Ceux qui vinrent ensuite méritaient plus d'attention : le premier fut le
chanoine Proske, de Ratisbonne, savant éditeur de la Musica divina. Il
n'appartenait pas à son caractère de chercher à faire de l'effet dans un
journal, par des critiques d'opinions contraires aux siennes: ce fut à
moi qu'il exposa ses doutes dans des lettres confidentielles remplies de
bienveillance. Il croyait avoir trouvé dans les œuvres de Palestrina bon
nombres d'exemples de ces harmonies, dont j'avais, disait-il, gratifié
Monteverde. Je me livrai à l'analyse de ces passages et fis voir à mon
savant critique qu'entre ces retards de consonnances par les prolonga-
tions, et ces suspensions de cadences, et les harmonies du maître véni-
tien, il n'y avait aucune analogie tonale. Je lui citai de plus divers textes
publiés immédiatement après la publication du cinquième livre des
Madrigali de Monteverde, où se manifestent l'étonnementet l'effet que ve-
naient de produire les hardiesses harmoniques qui s'y trouvent. Après
plusieurs lettres échangées, nous nous rencontrâmes à Venise en i8U,
et M. Proske se déclara convaincu que j'étais dans le vrai.
La lulle fut plus ardente et plus longue avec le conseiller Kiesewetter,
de Vienne; car il était obstiné et médiocrement harmoniste. 11 m'oppo-
sait aussi des choses qui n'avaient que faire dans la question, et remon-
tait même jusqu'au xy'' siècle, prétendant qu'on y connaissait déjà les
harmonies de Monteverde. Je mis fin à ses dissertations, insérées dans
les journaux allemands , par l'article Monteverde de la première édition
de la Biographie des musiniens , et par le premier chapitre du troisième
livre de mon Traité d'harmonie : Kiesewetter ne souffla plus mot.
En I85:î, ce fut M. le comte Durutte qui me prit à partie et qui vint
aussi, dans la Gazette musicale de l'aris, opposer à la découverte
importante que j'avais attribuée à Monteverde , des cho.ses du genre
de celles que reproduit aujourd'hui M. Gëvaert. Par une leUre au direc-
teur de ce journal, en date du 10 avril de la même année, j'ôtai à mon
adversaire l'envie de continuer la polémique.
Je ne croyais pas' voir se renouveler ces fastidieuses diseussions où le
doute n'est plus possible pour un musicien de bonne foi, s'il comprend
la question. Que m'oppose M. Gevaërt? Que l'accord de sixte du second
degré, ré. fa, si, fait sa résolution sur i:t, mi, sol, ut, ce (/ui a manifes-
tement, dit-il, la même valeur lonaln et harmonique que ré, fa, sol, si, fai-
sant sa résolution sur le même accord! Est-ce sérieusement que M. Ge-
vaërt produit cet argument? Quoi, un insignifiant accord de sixte, au
point de vue tonal, aurait la même valeur que cet accord de septième,
qu'il suffit de faire entendre, sans que rien ne le précède ni ne le
suive, pour que le ton, quel qu'il puisse être, soit immédiitement connu
avec toutesles conditions de lagamme, etquesa résolution détermine égale-
ment le mode? Musiciens de tous les pays, que dites-vous de cela?
M. Gevaërt ne pouvait être plus mal inspiré que d'imaginer cei argu-
ment pour sa cause, dont je comprends très-bien le but.
Comme tous ses prédécesseurs, il m'oppose des passages de Palestrina
sur lesquels je me suis expliqué vingt-fois, notamment dans mon Traité
de l'Harmonie, faisant voir que ces retards de consonnances n'ont rien
à faire avec cet aciMrd de septième et celui de neuvième attaqués fran-
chement et sans préparation aucune par Monteverde, et qui, dès son appa-
rition, a créé une tonalité nouvelle. Quant au passage d'un madrigal de
Caccini, que rapporte M. Gevaërt, il est sans valeur pour ce dont il
s'agit, car l'ouvrage d'où il est tiré n'a paru qu'en 1601, à Florence,
chez Marescotti; et le cinquième livre des Madrigali de Monteverde a
été publié à Venise, chez Anijelo Gardane, en 1599. Il est vrai que Caccini
dit, dans son avis au lecteur, qu'il avait fait entendre ses pièces plu-
sieurs années auparavant à Florence et à Rome, chez des amis; mais
cela n'eut aucun retentissement avaat la publication des Nuove musiche,
tandis que les Madrigali de Monteverde causèrent une profonde émotion
immédiatement après a"oir vu le jour, comme le prouvent les critiques
qui en furent faites aussitôt. En 1600, le savant professeur de contre-point
Artusi publiait à Bologne son livre intitulé : YArfusi, overo délie imper-
fettioni délia mnderna musica, où se trouvent d'amères critiques des au-
daces de Monteverde. Au commencement du deuxième ragionamento
(feuillet 39), Artusi rapporte qu'ayant été invité à entendre de nouveaux
madrigali chez Antonio Gozetti, noble Ferrarais, on cacha d'abord le
nom de l'auteur, poiu' avoir son opinion sans prévention aucune. La
facture, dit-il, n'en était pas mauvaise {era la tessitura non ingrata),
mais on y trouvait de nouvelles règles, de nouveaux modes, de nouvelles
phrases d'expression, qui, pour le dire, sont dures et peu agréables à
l'oreille (sono pero aspri, et alV udito poco piacevoli). Après ces critiques
viennent immédiatement les passages de Monteverde, qui sont l'objet des
contestations actuelles. Plus loin (à la page -i4), Artusi ajoute : Nos an-
» ciens n'ont jamais enseigné que les septièmes dusseiTt être attaquées aussi
» résolument et sans préparation. (Le nostri vecchi non ensegnarono mai,
» che le settime si devessero usare cosi assolute et scoperte). »
Ne nous étonnons pas de voir un savant professeur, élevé dans la docte
école bolonaise, repousser des nouveautés qui allaient transformer l'art et
porter de rudes atteintes aux choses qui avaient charmé sa jeune.sse, en
créant des beautés qu'il ne pouvait prévoir : réservons plutôt notre éton-
nement pour ceux qui ferment les yeux pour ne pas voir, nient l'his-
toire de ces transformations et en méconnaissent les monuments. On
accorderait, n'importe à qui, la gloire d'avoir trouvé cette tonalité, à la-
quelle nous devons tant d'œuvres magnifiques de musique dramatique
et autres, plutôt que de reconnaître pour son auteur le seul homme de
génie de la fin du xvi" siècle et de la première moitié du xvn". C'est
cependant ce même artiste qui, le premier, a trouvé de vrais accents
dranmatiques pour la douleur A' Ariane abandonnée; qui a inventé le ré-
citatif obligé, avec des formes d'instrumentation dont nous nous servons
encore, dans l'épisode du combat de Clorinde et de Tancrède; qui a rem-
pli sa partition de VOrfeo d'une multitude de choses intéressantes incon-
nues avant lui; enfin, à qui l'on dut les premiers opéras représentés sur
les théâtres de Venise, lesquels furent accueillis avec enthousiasme. C'est,
dis-je, à ce même homme qu'on dispute l'invention qui a donné nais-
sance à la tonalité moderne, nonobstant les preuves évidentes que je
viens d'en donner pour la dixième fois. Peut-être demandera-t-on la
cause de cette obstination contre la vérité? Cette cause, je la connais;
mais je ne crois pas devoir la dire.
FÉTIS.
Nous donnons les discours prononcés sur la tombe de Rossini
par M. de Saint-Georges, au nom de la Commission des auteurs
KEVUE ET GAZETTE MUSICALE
dramatiques (1), et celui de M. Elwart, au nom du Conservatoire.
La Commission des auteurs et compositeurs dramatiques, qui s'Iionore
d'avoir compté parmi ses membres le grand maître que nous pleurons,
s'empresse d'apporter sur cette tombe le tribut de ses immenses regrets.
L'une des plus éclatantes lumières de ce siècle vient de .s'éteindre;
l'un de ces rares météores qui traversent le monde en l'éblouissant a
disparu, mais non sans laisser des traces brillantes de son passage.
Rossini n'est plus!
Le créateur de toute ime splendide école . le novateur hardi qui se
fraya sa route au milieu de toutes les gloires qui avaient précédé la
sienne, Rossini s'est élancé vers les sources éternelles de ces divines
mélodies qui descendaient du ciel dans son âme et ne se tarirent jamais
pour lui.
Des voix plus autorisées que la mienne vous raconteront l'odjssée de
ce conquérant de l'art, dont chaque pas fut marqué par un triomphe.
C'est au burin de l'histoire à graver pour la postérité les travaux im-
mortels de ce maître unique, sans faiblesse, sans défaillance, ei toujours
parfait, quelque genre qu'il abordât, quelque sujet qu'il lui plût de
traiter.
Tel est, Messieurs, le privilège du génie !
Et quel génie fut plus constamment égal à lui-même que celui qui
écrivit la plus spirituelle musique de notre époque dans le Barbier de
Séville el trouvâtes chants sublimes de Guiilaume Tell'!
Tragique comme Shakspeare dans Othello, biblique et inspiré comme
les prophètes dans Moïse, il fait tressaillir en nos âmes l'amour de la
patrie aux accords du Siège de Corinihe, et y jette la terreur avec les
sombres et magnifiques harmonies de Sémiramis .
Puis, par une merveilleuse métamorphose, habile enchanteur, il nous
transporte de ces hauteurs lyriques dans les plaines riantes de la gaieté,
devant ces ravissantes folies de la Cenerentola, de l'Italienne à Alger, <lu
Turc en Italie, adorables joyaux qui n'ont rien perdu de leur premier
éclat.
Ne citons plus, Messieurs ; laissons parler le maître lui-même, juge
bien sévère de ses œuvres pour la place qu'il leur assignait dans l'a-
venir.
A l'une de ces heures d'épanchement où il se révélait à ses amis,
Rossini nous dit un jour : « La musique est un art fugitif; ce qu'ad-
mirait un siècle, un autre siècle le dénigre, et le courant de la mode
entraîne bien souvent avec lui ce qu'une génération croyait impérissa-
ble!... J'espère pourtant que trois choses me survivront: le troisième
acte à'Olhello, le second de Guillaume Tell et fe Barbier de Séoille tout
entier. »
Non, grand maître I ce qui te survivra, c'est ton œuvre complète!...
Pour toi pas d'enthousiasme d'école ou de parti !.. Tu n'es pas le
musicien d'un pays; tu es et tu resteras celui de toutes les nations! car
ta renommée est de celles qui franchissent les distances comme elles tra-
versent les âges et bravent les caprices du temps.
Pourquoi Rossini brisa-t-il sa lyre, quand elle aurait dû résonner long-
temps encore? Etrange mystère qu'il ne révéla jamais! Peut-être pensa-
t-il avoir assez fait pour sa gloire. . . Triste résolution néanmoins qui
nous priva de plus d'un chef-d'œuvre!
Le dieu rentra dans son temple, et ne voulut plus être que le meil-
leur et le plus charmant des hommes...
Et c'est là que devient plus amère la douleur des nombreux amis qui
entourent ce tombeau ! . . .
Qui nous rendra cet esprit séduisant, ce sourire affectueux à notre
approche, cet accueil bienveillant, ces causeries intimes auxquelles on
se sentait heureux et fier d'être admis?
Et quand il voulait bien nous ouvrir le trésor de ses souvenirs,
quelle mine féconde et riche, dont chacun de nous pouvait rapporter
quelques parcelles précieuses !
Si le talent de Rossini créa des fanatiques , les qualités de son cœur
lui valurent de vives amitiés, et ces amitiés là lui sont restées fidèles
jusqu'à la mort !
Messieurs, on n'inspire pas de tels regrets quand on ne fut qu'il-
lustre !
Que sa grande âme plane sur nous !
Que ces chants sacrés que nous venons d'entendre, derniers échos de
son génie et de sa foi, accompagnent son entrée dans un monde meil-
leur!
L'immortalité ne commence pas pour lui..., elle continue!
(d) Nos lecteurs ont pu remarquer, dans notre dernier numéro, que
par une inadvertance d'impression , le discours de M. de Sainl-Georges,
reçu trop tard, a été attribué à M. Emile Perrin.
M. Elwart s'est exprimé ainsi :
Si je ne considérais que ma propre faibles,se, je n'offrirais au grand
artiste, cause d'un deuil universel, que le tribut de mes larmes soli-
taires.— Mais c'est au nom d'une Ecole, sur les progrès de laquelle le
génie de Rossini a exercé une action puissante que je viens déposer sur
sa tombe l'expression de suprêmes hommages et de regrets éternels.
L'influence de Rossini, Messieurs, a été immense sur les transforma-
tions de notre art dont son génie a reculé les limites. — Sa muse,
comme la colombe de l'arche, est descendue sur la terre au moment
où l'Europe décimée par une guerre de Titans, était plongée dans une
anxiété profonde. — Elle a jeté son poétique rameau sur le passé,
consolé le présent et donné plus d'espoir en l'avenir. L'apparition de cet
astre mélodieux a lait surgir en Italie, puis en France, de brillants sa-
tellites qui, rayonnant de sa lumière, se sont partagé d'avance une par-
tie des palmes de son immortalité.
Sortez de vos glorieux tombeaux, venez, Bellini , Donizetti, Hérold,
Adolphe Adam, Pacini! venez confesser ici que c'est à Ro.^sini que vous
êtes redevables d'avoir donné à vos productions la vie, la forme et la
couleur; ces trois grandes vertus esthétiques qui constituent la beauté
de toute œuvre d'art. Pourquoi pleurer, Messieurs, sur la perte de ce
grand génie? Depuis plus de quarante ans déjà l'immortalité n'avail-
elle pas ceint son front de sa couronne glorieuse, lorsque le souffle de
la mort a flétri ses lauriers terrestres ?
Le Conservatoire, plus que toute autre institution musicale , avait le
droit, Messieurs, d'exprimer ici son admiration pour le grand artiste
qui, par ses œuvres sublimes et si variées, fut le protesseur moral de
ses professeurs, et le maître favori de leurs élèves les plus acclamés.
Rossini, Messieurs, possédait une qualité bien précieuse : il aimait la
jeunesse; et lui, qui fut toujours jeune par son charmant esprit et son
caractère enjoué, n'était jamais plus heureux que lorsqu'il se voyait en-
touré des jeunes maîtres de notre temps.
On ne doit pleurer. Messieurs, que ceux qui, en quittant la terre,
meurent tout entiers! — mais vous, cher regretté, votre nom survivra à
toutes les révolutions qui pourront, dans l'avenir, changer la face de
l'art.
Comme l'œuvre de Palestrina, de Pergolèse, de Bach, de Haendel, de
Mozart, d'Haydn et de Grétry, votre œuvre traversera la nuit des temps,
et nos arrière-neveux se réchaufferont aux rayons lumineux de votre
génie immortel !
Adieu, cher maître!
Reposez en paix dans le sein de Dieu dont vous avez sublimement
célébré la toute -puissance et la miséricorde par une œvre religieuse
qui, à votre insu, aura été votre testament d'artiste et de chrétien I
Adieu, une dernière fois I
Mme Rossini a été vivement touchée de l'hommage rendu à son il-
lustre époux. Dans l'impossibilité de s'adresser individuellement à cha-
cun des artistes qui ont bien voulu y prendre part, elle leur en témoi-
gne publiquement sa profonde reconnaissance.
Les branches de laurier tressées en couronne et déposées sur le cercueil
de Rossini le jour de ses obsèques provenaient de deux arbres de son
jardin de Passy, plantés par Méry en 1853 : leurs boutures avaient été
empruntées aux lauriers du tombeau de Virgile, à Naples, et du tom-
beau du Tasse, au jardin de Saint-Onuphre.
Des manifestations nombreuses et témoignant toutes d'une admiration
respectueuse et unanime ont eu et ont encore lieu, dans les principales
villes de l'Italie, en l'honneur de Rossini. — Le gouvernement italien a
décrété qu'un service solennel serait célébré aux frais de l'Etat , à la
mémoire de l'illuslre maestro, et qu'une souscription nationale serait
ouverte pour lui élever, dans Santa-Croce, un monument dont le mu-
nicipe de Florence s'est empressé d'offrir l'emplacement. — A Milan,
une Commission présidée par Lauro Rossi a pris l'initiative d'un Con-
cert funèbre dont le produit servira de base à une plus large collecte
ayant pour objet d'ériger dans cette ville une statue au grand homme.
— Bologne et Pesaro, héritières de Rossini, suivent l'exemple de la
Lombardie. — Par une lettre adressée à l'éditeur Tito Ricordi et destinée
à la publicité. Verdi a émis le vœu que « les compositeurs italiens les
plus distingués, Mercadante en tête, composassent un Requiem qui se-
rait exécuté à San Petronio, de Bologne, le jour anniversaire et à tous
les anniversaires de la mort du grand musicien. » Cette messe, qui ne
devrait ni prêter à la spéculation, ni se prêter à la curiosité, serait dé-
posée, dans ce but, aux archives du Conservatoire de Bologne. — Dans
presque tous les théâtres lyriques de la Péninsule, au Carcano, de
DE PARIS
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Milan, notamment, le buste [de Rossini, voilé de crfpe, a été publi-
quement couronné. — L'orchestre du théâtre communal de Trieste,
entre autres faits de ce genre, a exécuté, debout, devant l'assistance,
également debout et découverte, la symphonie de la Gazza Ladra, tan-
dis que les artistes en deuil venaient saluer le portrait du maître sur la
scène toute tendue de noir. — Les journaux italiens sont remplis des
récits de ces ovations posthumes, parmi lesquelles nous avons dû forcé-
ment choisir.
La députation italienne qui a assisté avec un caractère officiel aux ob-
sèques de Rossini se composait de M. le sénateur comte Amiani, an-
cien ministre de S. S. le pape Pie [X, de M. le marquis d'Ancona, dé-
puté de Bologne au Parlement italien, de M. Liverani, délégué de Pe-
saro, et du maestro Vaccaj, auteur estimé de l'opéra Romeo e Giuletta.
M. d'Ancona, ainsi que nous l'avons dit, a porté la parole au nom de la
députation, en s'excusant, au préalable, de son peu d'habitude de notre
langue : son discours, aux vues larges et élevées, développait cette thèse
que l'Italie, en donnant Rossini à la France, était quitte envers la
France qui lui avait donné l'unité nationale.
Des villes de France, après Paris, Rouen a été la première à rendre
un soleimel hommage d'outre-lombe à Rossini, l'admirateur et l'ami de
son glorieux enfant, Boïeldieu. Guillaume Tell a été exécuté avec un soin,
un luxe de mise en scène et d'interprétation chorale dignes de la cir-
constance. Après la lecture de strophes de M. Henri Brière, une riche
couronne a été posée sur le buste de Rossini, pendant que l'orchestre
exécutait la prière de Mo'ise.
Le dernier concert populaire a été également témoin d'une ovation
faite à la mémoire de Rossini. Après l'andante de l'ouverture de Guillaume
Tell, après la pastorale et à la fin de l'ouverture, spectateurs et musi-
ciens se sont levés en masse luttant de bravos frénétiques, et le his a été
réclamé avec un enthousiasme indescriptible.
Samedi, jour de l'enterrement de Rossini, le Conservatoire impé-
rial de musique et de déclamation a été fermé par ordre du ministre
de la maison de l'Empereur et des Beaux -Arts.
Voici le texte de la disposition testamentaire de Rossini en faveur de
la France :
« Je veux qu'après mon décès et celui de mon épouse, il soit fondé
à perpétuité, à Paris, et exclusivement pour les Français, deux prix, de
chacun 3,000 francs, pour être distribués annuellement : un à l'auteur
d'une composition de musique religieuse ou lyrique, lequel devra s'at-
tacher principalement ii la mélodie, si négligée aujourd'hui; l'autre à
l'auteur des paroles (prose ou vers) sur lesquelles devra s'appliquer la
musique, et y être parfaitement appropriées, en observant les lois de la
morale dont les écrivains ne tiennent pas toujours assez compte. Ces
productions seront soumises à l'examen d'une commission spéciale prise
dans l'Académie de Beaux-Arts de l'Institut, qui jugera celui des con-
currents qui aura mérité le prix dit Rossini, qui sera décerné en séance
publique après l'exécution du morceau, soit dans le local de l'Institut
ou au Conservatoire.
» J'ai désiré laisser à la France, dont j'ai reçu un si bienveillant ac-
cueil, ce témoignage de ma gratitude et de mon désir de voir perfec-
tionner un art auquel j'ai consacré ma vie. G. Rossini. »
CORRESPONDANCE.
A M. le directeur de ta Revue et Gazette musicale.
Monsieur,
Voulez-vous me donner dans votre journal l'hospitalité que je n'ai pu
rencontrer ailleurs? Avant la représentation des Jumeaux de Bergame,
j'avais informé par une lettre M. Jules Prével , rédacteur du petit cour-
rier des théâtres au Figaro, « que la dernière répétition ne m'ayant pas
satisfait, j'avais notifié à la Direction que la pièce serait jouée malgré
moi et que je déclinais la responsabilité de cette exhibition. »
Maintenant vous savez que je n'ai pu retirer définitivement ma pièce
qu'après deux représentations qui, si elles n'avaient pas eu lieu, m'eus-
sent épargné les quelques .sévérités de la critique, sévérités qu'a dCi par-
tager mon infortuné collaborateur, le chevalier de Florian.
Agréez mes cordiales salutations.
Ch. Lecocq.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
;^*« La représentation de Guillaum£-Tell, qui devait être donnée, au
théâtre impérial de l'Opéra, à l'occasion des obsèques de Rossini et que
l'indisposition de Villaret avait dû faire ajourner, a eu lieu hier au bé-
néfice de la Caisse des pensions de retraite des artistes lyriques.
^.'^ Lundi, on a représenté la Fiancée de Corinlhe et le Corsaire;
mercredi et vendredi, les Huguenots. — Les trois premières représenta-
tions de cette reprise ont produit le maximum de la recette, c'est-à-dire
qu'elles ont dépassé 12,000 francs.
n:*jf II est question de reprendre aussi lioberl le Diable avec Mmes Car-
valho et Niisson.
«** La députation de Pesaro, venue à Paris pour les obsèques de Ros-
sini, assistait heir, à l'Opéra, à la représentation extraordinaire de
Guillaume Tell, dans une loge que M. Perrin lui avait offerte.
i,*<f Nous avions dit que Mme Carvallio avait été engagée par M. Em.
Perrin pour deux ans; c'est pour trois ans que cet engagement a été
fait. — Celui de Mlle Niisson avait été, quelques jours avant, renouvelé
pour un an.
»*:t Hier samedi a eu lieu au théâtre de l'Opéra-Comique la première
représentation du Corricolo, opéra de MM. Labiche et Delacour, musique
de M. Poise. Nous en rendrons compte dimanche. Mme Cabel y jouant
le principal rôle de femme, c'est Mlle Cico qui a pris depuis quelques
jours celui d'Hélène dans le Premier Jour de bonheur.
a,*4 Le poëme du nouvel opéra-comique de MM. Meilhac et Nuitter,
dont J. Offenbach compose la musique, a été lu cette semaine aux ar-
tistes, et voici comment les rôles ont été distribués : Valentin, sous le
nom de Vert- Vert, Capoul ; — le comte, officier de dragons, Barré ; —
Bitaubin, maître de danse, Couderc ; — Binet, jardinier, Sainte-Foy ; —
Bellecour, chanteur, Ponchard ; — Bergerac, officier de dragons, Potel ;
— Friquet, officier de dragons, Leroy ; — Maniquet, directeur de théâtre,
Bernard; — La Corilla, cantatrice, Mmes Girard; - Mimi, pensionnaire,
Cico; — Mlle Paturelle, sous-maîtresse, Révilly; — Batilde, Moisset ; —
Emma, Tuai.
»** M. Deloffre vient d'être engagé comme chef d'orchestre par
MM. de Leuven et Ritt. Il entrera en fonctions le i" janvier prochain.
M. Delofire n'a accepté la place qu'à la condition qu'une pension de
retraite serait servie à son prédécesseur, M. Tilmant, vieilli sous le harnais
et tombé de nouveau malade.
:j:*,s Dimanche et mardi le directeur de théâtre Lyrique avait eu l'idée
très-opportune d'ajouter à la repré.sentation du Barbier un intermède
composé d'œuvres de Rossini; la salle était comble. —Jeudi on a donné
la première représentation de la reprise d'//)%em'e en Tauricfe, de Gliick;
nous en rendons compte aujourd'hui .
^*^, Le théâtre des Bouffes-Parisiens va renouveler en grande partie
son affiche et reprendre trois pièces d'Ofifenbach: Apothicaire et Perru-
quier, Lischen et Fritzchen et M. Choujleuri restera chez lui. — On a mis
à l'étude au même théâtre, Jean belle-face, opéra en deux actes, paroles
de M. de Najac, musique de M. Louis Deflfès.
»*a, L'Enfant de 36 mères, donné mardi au théâtre Déjazet pour les
représentations de Darcier, n'a pas été favorablement accueilli. La pièce
est loin d'être amusante. Darcier est un peu trop mûr pour jouer les enfants,
et quant à la musique, qui est de M. Déjazet et qui paraît faite avec
soin, l'exécution en a été si déplorable qu'il a été impossible de la
juger.
*% Le succès constant de la Périchole, qui réalise 4,000 francs de re-
cette chaque soir, a déterminé le directeur des Variétés à ne pas donner
de revue cette année. Outre diverses pièces à l'étude, on s'occupe d'une
opérette en un acte, d'Ofifenbach, destinée aux débuis à ce théâtre de
Mlle Zulma Bouffar, et de la nouvelle arrivée, Mlle Aimée.
*** La Commission d'examen a autorisé M. Gille à garder pour son
opérette de l'Athénée le titre des Horreurs de la guerre. — On la répète
activement.
,1,*^, La Périchole a été jouée lundi à Lille. Le succès a été très-grand
et Mlle Garait du théâtre des Variétés, en ce moment en congé, en a eu
sa bonne part. Elle a été charmante dans le rôle de la Périchole et a
dû répéter la romance de la Lettre. — Les couplets de Viqml\o( Les Fem-
mes), la chanson espagnole « II grandira » et tout le finale du premier
384
KEVUE Ei GAZETTE MUSICALE UE PAKIS.
acte ont été chaudement applaudis.— Le directeur, M. Bertrand, n'avait
d'ailleurs rien négligé pour assurer la réussite; décors etcoslumesétaient
de la plus grande exactitude et trè* soignés. — Lille est la première
ville de province qui aura représenté la Périchote.
t*t La Poupée de Nuremberg, d'Adolphe Adam, est représentée en ce
moment avec beaucoup de succès au théâtre de Gand ; l'interprétation
de cette amusante petite pièce ne laisse rien à désirer.
t*t L'ouverture du théâtre Italien de Saint-Pétersbourg s'est faite par
Marta. La troupe est ainsi composée : Prime donne : Mmes Lucca (du 16
novembre au 28 décembre 1868); Adelina Patti (du 43 janvier 1869 jus-
qu'à la fin de la saison, c'est-à-dire jusqu'au Lo mars); Fricci, Volpini,
Trebelli et Gall. Seconde donne : Mmes Dali' Anese, Berini, Perdrini.
Primi tenori: Calzolai-i, Stagne (en remplacement de Fraschini), Marco
et Neri-Baraldi. Secondi tenori: Rossi et Paltrinieri. Primi bariloni: Stel-
ler, Graziani, Gassier et Meo. Primi bassi : Angelini, Bagagiolo. Primo-
basso-bu/fo : Zucchini. Secondo basso: Forluna. Chef d'orchestre: Vianesi.
Régisseur en chef : Harris.
*% La direction des. théâtres impériaux de Russie a fait as>^igner Fras-
chini en inexécution de traité et lui demande un dédit de 80,000 francs
pour avoir refusé de venir chanter à Saint-Pétersbourg comme il s'y
était engagé. La cause, appelée mercredi, a été remise à huitaine. M.
Caraby plaidera pour la direction.
NOUVELLES DIVERSES.
,*:,: Jeudi de la semaine dernière, chez M. le comte de Nieuwerkerke,
surintendant des beaux-arts, M. Membrée a lu au piano quelques frag-
ments d'un opéra inédit de sa composition : la Filleule des Anges, dont
les paroles sont de M. Foussier. Le succès de cette audition, à laquelle
assistaient nombre d'hommes marquants dans la musique et le théâtre,
a été très-accentué.
^*^ Aujourd'hui dimanche, à onze heures précises, à l'église Sainte-
Geneviève (Panihéon), Mme de Grandval fait exécuter une messe de sa
composition. Les chœurs et l'orchestre seront dirigés par M. Pasdeloup.
^i*^ Mardi, messe solennelle de Sainte-Cécile de M. Ambroise Thomas,
exécutée à Saint-Eustache par l'Association des artistes musiciens, sous
la direction de M. George Hainl, avec MlleNilsson et M. Battaille comme
solistes. Les chœurs seront conduits par JIM. Murand, Steenmann et
Pickaërt; le grand orgue sera tenu par M. Edouard Batiste. Le produit
de cette solennité musicale est, comme ou le sait, destiné à la caisse de
secours des artistes musiciens.
^*4 Dimanche 6 décembre, deuxième exécution, à l'église Saint-Séverin,
à 10 heures du matin, d'une messe composée par M. Covin, maître de
chapelle de la paroisse.
»*^ Voici le programme du septième concert populaire de musique
classique, qui sera donné aujourd'hui, à 2 heures, au cirque Napoléon,
sous la direction de J. Pasdeloup : 1° Réfomiations-Sinfonie, n° 3, de
Mendelssohn (introduction, allegro, — scherzo, andante, — choral de Lu-
ther, — finale.) ; — 2° adagio du septuor de Beethoven (exécuté par M. Gri-
sez (clarinette), Espeignet (basson), Mohr (cor), et tous les instruments
à cordes); — 3° symphonie en mi bémol de Mozart; — i° andante et va-
riations de Haydn; — 3° ouverture du Vaisseau-Fantôme de R. Wagner.
»■*« M. J. Bonewitz reprendra le samedi 3 décembre, à la salle Herz,
ses soirées de musique de chambre. Le programme de la première se
compose du septuor de Humrael, de morceaux de Mozart et Mendelssohn,
d'un psaume de Martin Luther, d'un duo de Kalkbrenner pour deux
pianos, exécuté par M. Bonewitz et une de ses jeunes élèves, d'un trio
de M. Bonewitz, de la scène Ah ! perfido de Beethoven et de deux lieder
de Schubert, chantés par Mlle Gastoldi.
»*,t La partition de la Périchole pour piano seul, arrangée par Léon
Roques, vient de paraître chez les éditeurs Brandus et Dufour.
j*j L'Académie des beaux-arts, dans sa séance du 25 novembre, a élu
M. Charles Blanc à la place d'académicien libre, vacante par suite du
décès de M. le comte Waleswski .
^*^ Dans l'assemblée géuérale de la Société des auteurs, compositeurs
et éditeurs de musique, qui a eu lieu dimanche au Grand-Orient, il a
été voté,^ à la majorité de vingt-trois voix, qu'il y avait lieu de reviser
les statuts. — La commission nommée pour formuler uj projet à cet
égard se compose de MM. Léo Lespès, Henriou, Tourte, Audray-Deshor-
ties, Avenel, Bazzoni, Marc-Constantin, de Villebichot, Poizot, auteurs de
paroles et compositeurs, et des éditeurs Gérard, Gambogi et Vieillot. —
Quatre membres supplémentaires ont été nommés: ce sont MM. A. Boïel-
dieu, Javelot, Ettling et Philibert. — Les voix se sont divisées sur deux
éditeurs, MM. Lemoine et Lebailly, ce qui exphque pourquoi un qua-
trième éditeur ne fait pas partie de la commission. — Sa première réunion
doit avoir lieu le 2 décembre.
**, On sait que la ville de Hal fait élever un monument à Servais.
M. Godebski, son gendre, à qui a été commandée la statue qui doit
décorer ce monument, est le même artiste qui a sculpté le beau buste
de Rossini, dont le marbre ornait la chambre de l'illustre maestro, et
dont le plâtre a été cédé à MM. Brandus et Dufour.
ÉTRANGER
^% Londres. — Dinorah a été donnée samedi et marài à Covent-
Garden, avec Mlle lima de Murska dans le rôle principal, Santley dans
celui de Hoël, et Bettmi dans celui de Corentin. C'est un immense suc-
cès pour ces excellents artistes, principalement peur MUe de Murska,
qui, tout en lançant ses éblouissantes vocalises, ne néglige pas la partie
dramatique et s'y montre l'égale de ses plus célèbres devancières. La salle
était comble à ces deux représentations. Lundi, 30, clôture de la saison.
— La Grande- Duchesse vient d'être donnée au Standard, avec les mêmes
artistes qu'à Covent-Garden, il y a quelques mois ; le succès l'y a fidè-
lement suivie. — Au concert de samedi dernier, au Crystal-Palace, on a
exécuté pour la première fois la Symphonie inédite de Schubert, en ut
(n° 6), dont la critique p.îrle avec admiration, et qui a produit un très-
grand effet sur le public. — Mlle Minnie Hauuk a chanté cette semaine
les rôles de la comtesse dans les Nozze di Figaro et de Zerlina dans Don
Juan. Elle y a obtenu le plus éclatant succès. — Lundi prochain elle doit
faire ses adieux au public iiar le rôle de Marguerite de Faust.
*% Carlsruhe. — Mme Viardot quitte Bade pour passer ici l'hiver.
Nous posséderons donc, quelque temps au moins, une belle école de
chant qui, jusqu'à présent, nous a fait défaut.
,*4 Weimar. — Joseph Servais, le fils du célèbre violoncelliste belge,
vient d'être nommé violoncelle-solo de l'orchestre grand-ducal, 11 occupe
la place laissée vacante par le concertmeister De Swert, appelé à Berlin
il y a quelques mois déjà.
»*, Berlin.-^VOpèra. a donné, le 19, les Huguenots pour la première fois
de la saison. Mlle Sessi chantait le rôle de Marguerite; elle a recueilli
les applaudis-semenLs du public et les éloges de la critique.
t% Valentino. — Le succès toujours croissant des Concerts-Arban va
recevoir encore une nouvelle impulsion, avec le magnifique Festival que
l'infatigable chef d'orchestre prépare pour le vendredi 4 décembre. Ce
Festival sera entièrement consacré à Rossini ; parmi les morceaux que
l'on y exécutera, nous citerons : les grandes fantaisies (avec chœurs) sur
Guillaume Tell et Moise, chantées par les Enfants de Lutèce; des frag-
ments du Stabat Mater, chantés par des lauréats du Conservatoire. Ce
programme se complétera par les célèbres ouvertures de l'illustre maître.
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SOMMAIRE. — Tliéâtre impérial de l'Opéra-Comique : le Corricolo, opéra-
comique en trois actes, paroles de MM. Labiche et Delacour, musique de M.
Ferdinand Poise, par Paul Bernard. — Études sur Charles-Marie de
Weber (troisième partie, 10° article), par Edmond IVenkomin. — La
Semaine religieuse. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses.
— Annonces.
THÉÂTRE mPERIÂL DE L'OPÉRÂ-COmQDE.
KiB COBBlCOliO,
Opcra-comique en trois actes, paroles de MM. Labiche et
Delacour, musique de M. Ferdinand Poise.
(Première représentation le 28 novembre 1868.)
Je ne vou.s dirai pas ce que c'est qu'un « corricolo. » Alexandre
Dumas nous l'a appris dans ses inimitables causeries sur l'Italie,
et nous savons tous à l'en croire que ce véhicule était à peu de
chose près à Naples ce que le coucou fut si longtemps à Paris.
L'un comme l'autre, renversés par la ci-silisation moderne, sont
passés à l'état légendaire, et il faut vraiment aller à l'Opéra-
Comique pour en retrouver quelque vestige.
MM. Labiche et Delacour se sont, il paraît, voués aux pièces
voyageuses, puisque, à leur Voyage en Chine, d'heureuse mémoire,
ils font succéder aujourd'hui un imbroglio dont le principal inci-
dent repose sur un ctmflit de voitures, et qui se déroule cahin-
caha à travers les plaines de la Lombardie.
En quelques mots, voici ce dont il s'agit :
Un peintre français, quoique marié à une jeune femme char-
mante, est allé en .Italie faire de l'art et autre chose encore , si
l'on en croit les bruits qui parviennent jusqu'aux oreilles de la
pauvre délaissée. Décidée à savoir à quoi s'en tenir, celle-ci fran-
chit les monts, ayant pour porte-respect son intendant déguisé
en vieux général et qu'elle présente comme son oncle. Dans une
auberge, elle fait la rencontre de son mari fort occupé à courir
après une cantatrice dont il s'est épris, mais pour se venger elle
feint de ne point le connaître, et se faisant passer pour demoi-
selle, accepte les soins d'un ami de son volage époux. C'est alors
386
KEVUE ET GAZE'ITE MUSICALE
que celui-ci, pour empfclier la fuite de sa femme, casse une
roue du corricolo qui doit l'emmiener; le jeune soupirant en em-
prunte une à son tour à celui du mari pour reconstituer le sien,
et en fin de compte, l'infidèle reste en butte aux quolibets de tout
le village pendant que le couple fugitif s'envole du côté de Venise.
C'est à Bergame qu'on se retrouve, et là je renonce à vous ra-
conter toutes les péripéties qui se présentent. Un podestat comme
il a dû en exister fort peu, un véritable podestat d'opéra-comique,
prend le dé de l'action et remplit le rôle du Deus ex machina. Il
lui faut six mille sequins, à ce pauvre podestat, pour acquitter
le tribut que l'on doit à Venise, et, sous prétexte de rançonner les
voyageurs qui passent par Bergame, il arrête la jeune femme et
son cavalier, il arrête le faux oncle, il arrête le mari. Ce financier
éméi'ite a trouvé un singulier moyen de remplir les caisses de la
municipalité. Il a rédigé un tarif où toutes les actions de la vie
sont soumises à un droit. Les déclarations d'amour, les sérénades,
les soufflets môme, tout se paie, et, grâce à cette idée lumineuse,
il espère pouvoir bientôt contenter l'insatiable Venise. Nos person-
nages, du reste, lui donnent parfaitement la réplique. Le mari,
sachant qu'on court après une chanteuse qui s'est enfuie avec le
neveu du podestat, fait passer sa femme pour elle, mais le jeune
soupirant à son tour, dénonce le pauvre mari comme l'imprésario
de la troupe. Imprésario, d'accord, dit ce dernier; puis il ré-
clame le jeune homme comme premier ténor et le faux oncle
comme basse-taille. Les voilà tous en prison.
Le dernier acte nous les montre faisant une répétition sous les
yeux môme de l'autorité, qui veut leur faire donner une répré-
sentation, toujours au bénéfice des six mille sequins. Tout en
répétant, ils pensent à s'évader; mais la Providence, qui n'aban-
donne jamais le dénoiîment d'un opéra-comique, veille sur eux,
Dieu merci ! et, grâce à l'intervention de Venise elle-même, les
voilà délivrés. La jeune femme pardonne, le mari en est quitte
pour la peur, et tout le monde est content, sauf toutefois le pau-
vre amoureux qui n'a servi que d'amorce et dont je n'apprécie
pas bien la récompense.
La pièce est gaie et fourmille de détails plaisants. On sent,
comme dans le voyage en Chine, la griffe des vaudevillistes.
Peut-être la sent-on trop, car cela n'est pas favorable au musi-
cien. Ce qui manque en somme à ce nouvel ouvrage, c'est un
intérêt soutenu, c'est un nœud réel à l'action. Pendant trois actes
la situation est la même et ne saurait avoir d'autre solution.
Aussi, la fatigue prend-elle le dessus, à un moment donné, et les
plaisanteries un peu surannées du podestat ont-elles beaucoup de
peine à en triompher.
Je viens de le faire pressentir, la tâche du musicien était un
peu ingrate; sauf deux ou trois morceaux habilement triturés au
point de vue musical, le reste des situations prêtait peu à l'agen-
cement lyrique. Il faut reconnaître que M. Poise s'est tiré fort
habilement de cette épreuve difficile. Il est du nombre de ces com-
positeurs que l'on pourrait comparer à ces causeurs aimables au-
près desquels n'existe pas l'ennui, et qui savent donner du charme
aux choses les plus ordinaires. Sa musique, facilement faite, sem-
ble taillée à grands coups de ciseaux dans une étoffe riche et
brillante. Elle participe de l'école charmante de notre adorable
Adolphe Adam. M. Poise était du reste un élève chéri du maître,
et l'on retrouve souvent en lui la touche délicate et sentimentale
de l'auteur du Chalet. Quelques harmonies finement ciselées, une
mélodie constante et essentiellement gracieuse, voilà leurs points
de contact. Un peu de faiblesse de facture, une orchestration bien
faite mais sans recherche, voilà au contraire ce qui établit une
différence entre le maître et l'élève. Patience! M. Poise n'en est
encore qu'à son premier ouvrage en trois actes.
L'ouverture, fidèle aux traditions de l'opéra-comique, fait enten-
dre tout d'abord quelques motifs principaux de la pièce ; j'y ai
remarqué un très-joli solo de cor anglais, tiré d'un duo du second
acte. J'aime beaucoup toute l'introduction formée d'un chœur vil-
lageois et d'une petite sayiiette entre deux fiancés. C'est frais et
pimpant, joyeux et distingué. Beaucoup de jolies choses se pré-
sentent maintenant coup sur coup : des couplets très-fins, chantés
par Mme Cabel : Un baiser par-ci , par-là ; d'autres couplets dans
la bouche de Mlle Heilbron, dont le refrain : C'est indiscret, ofl're
une gracieuse terminaison; l'air du Corricolo; un duo entre Lau-
rent et Barré :
Ta, ta, ta, je le dis,
C'est encore une cousine.
Et enfin une très-jolie romance, adorablement dite par Barré,
certainement la plus franche inspiration de la partition et aussi la
plus suave, sur ces paroles :
Faut-il que sitôt on oublie.
La première phrase en est très-nouvelle; elle procède par une
note longuement répétée et d'un elfet vraiment original.
On me permettra de ne citer, dans le second acte, que le sex-
tuor en mi majeur, morceau capital et fort habilement traité, dans
lequel ces mots : C'est le tarif! reviennent chaque fois d'une ma-
nière plus ingénieuse et plus piquante. Voilà qui fait le plus grand
hoimeur à M. Poise; c'est le morceau d'ensemble de la partition le
mieux réussi.
Le troisième acte renferme un duetto des deux femmes, des
couplets de Sainte-Foy, un duo entre Mme Cabel et Barré, et enfin
le grand morceau de la répétition basé sur le motif de l'abre
d'Eglantine :
11 pleut, il pleut, bergère. ^
Ce motif populaire est curieusement agencé et modulé. Il est
en outre rehaussé de délicates et brillantes variations comme
Mme Cabel sait les gazouiller. Cela rappelle pour la forme les va-
riations du Toréador; nous leur souhaitons le même succès.
Dirai-je que, dans le courant du premier acte, on a entendu pas-
ser dans la salle comme un écho des Hirondelles, de Félicien David,
et qu'au second acte une certaine sérénade a fait penser à Don
Pasquale?. . .
Si je le dis, je n'en adresserai pas moins tous mes compliments
à M. Poise, en l'engageant toutefois pour l'avenir à choisir des
livrets dans lesquels l'élément tendre soit plus développé que dans
le Corricolo. A en croire le souvenir que m'ont laissé ses œuvres
antérieures, la corde sentimentale serait en lui l'une des plus com-
plètes et des plus naturelles. Les Absents, Don Pèdre sont là pour
le prouver. Bonsoir voisin vient montrer dans quelles proportions
l'élément comique peut venir s'y joindre.
L'exécution générale de l'ouvrage est convenable, comme dans
un théâtre qui se respecte. Les honnem-s de la partie scénique
reviennent à Sainte-Foy, qui, dans le rôle du podestat, s'est véri-
tablement surpassé. Mme Cabel est toujours le rossignol de la salle
Favart ; Mlle Heilbron me semble en voie de progrès ; je la crois
appelée à rendre de réels services. Prilleux parle toujours comme
une trompette ; c'est drôle quelquefois. M. Barré, le baryton élé-
gant, est décidément un enfant gâté du public ; les bis et les ap-
plaudissements ne lui font jamais défaut. M. Laurent, transfuge
des Fantaisies-Parisiennes, débutait dans le rôle du ténor. Sa voix
est fraîche et agréable, mais rien pour le reste ne s'élève au-dessus
de l'ordinaire. Attendons une seconde épreuve pour voir s'il se
dessinera en lui un peu de personnaUlé.
L'orchestre a fait de son mieux en attendant son nouveau chef,
dont nous félicitons grandement la direction de l'Opéra-Comique
de s'être assuré le concours. Le passé de M. Deloffre répond de
DE PARIS.
387
l'avenir. Les auteurs ne pourront que se fùliciter do voit' leurs
intérêts l'emis en de si vaillantes mains.
La mise en scène et les décors qui ont été brossés par MM.
Rubé et Chaperon, sont de tout point dignes de l'Opéra-Comique.
Disons enfin que si le Corricolo ne fournit pas un aussi long
trajet que le Voyage en Chine, il n'en est pas moins vrai que
MM. Labiche et Delacour sont de fort agréables compagnons de
route. Aussi, dès aujourd'hui, je m'inscris comme excursionniste
pour leur premier train de plaisir. Je 'souhaite bien sincèrement
que M. Poise en fasse partie.
Paul BERNARD.
ETUDES SDK CHÂRLES-fflÂRIG DE WEBER,
D'après la blograpUic écrite par son tilti.
TROISIEME PARTIE,
{10" article) (1).
Aux premiers beaux jours du printemps de 1822, Weber s'ins-
talla dans son cottage d'Hosterwitz, pour y goûter un repos dont
il avait grand besoin après son séjour à Vienne. Il se mit aussitôt
à travailler à Euryanthe, qu'il avait promis de livrer au commen-
cement de l'année suivante; et, selon sa coutume, il ne suivit
pas l'ordre du libretto , prenant au hasard les fragments qui lui
convenaient : c'est ainsi que l'air d'Adolar, Je vais la voir, et le
duo entre Eglanline et Lysiart, au second acte, furent composés
en premier. Vinrent ensuite : le chœur d'introduction du premier
acte, le lécitatif Eh bien, tu sais quel est le beau séjour, et l'en-
semble qui suit, portant la date du 14 juin; puis la romance
Qu'il m'est doux, charmants rivages et le chœur Gloire à son nom;
enfin il compléta le premier acte, à l'exception du final, par la
vision, le duo Maintenant, je dois tout craindre (27 juillet), l'air
d'Eglantine, Ah! pour elle il a pu me fuir, et la cavatine Le flot
soupire (24 octobre).
En outre de ces fragments, il composa une fanfare pour le régi-
ment des hussards noirs , qu'il introduisit plus tard dans le pre-
mier final A'Euryanthe , et il refit son grand concerto pour bas-
son. Une cantate pour le mariage du prince Jean, qui obtint un
Irès-grand succès, l'occupa durant les derniers mois de l'année.
Le retour d'Hosterwitz eut lieu dès les premiers jours de l'au-
tomne , à cause d'un séjour que Spontini fit à Dresde vers cette
époque. Weber s'efforça de le recevoir dignement; il lui fit les
honneurs dé la cour et de la ville, et réunit plusieurs fois chez lui,
en son honneur, le cénacle qui composait sa société habituelle. On
sait que ce cercle comprenait toutes les illustrations littéraires et
musicales de Dresde. Le poëte Théodoie Hell, qui en était l'un des
principaux fidèles, a tracé de l'une de ses réunions, tenue chez le
restaurateur Chiapone, un récit charmant, dont nous ne pouvons
nous empêcher d'extraire un fragment relatif à Weber, parce que
ce fragment peint son caractère et aussi ses petites faiblesses. La
piété filiale de Mas de Weber n'a pas craint de l'introduire dans
son ouvrage; nous ne serons donc pas accusé d'un crime de lèse-
génie en le reproduisant :
« Je mentirais, — ainsi s'exprime Théodore Hell, — en disant
que la conversation resta longtemps dans les bornes de la plus
stricte convenance. Weber ne l'entendait pas ainsi. Quand il le
fallait, il pouvait être sérieux. Mais quand les circonstances lui
permettaient de se laisser aller à son joyeux naturel , il se don-
nait tout entier ; il devenait enfant et communiquait sa bonne
humeur à toute l'assistance. C'était un feu d'artificede bons mots
et do traits d'esprit marqués toutefois au coin de la plus grande
bienveillance . . Il faisait malheureusement, s<)us ce rapport, une
exception à l'endroit de Rossini, et c'est dans cette seule circons-
tance que le grand homme se montra petit. A l'égard de Rossini,
il demeura et voulut demeurer aveugle. Il ne convint jamais des
beautés que renferment les ouvrages de ce maître... Bien plus,
le peu d'estime de Weber pour la musique italienne moderne , et
en particulier pour celle de Rossini, lui mit maintes fois la plume
du critique à la main, notamment un jour, oià, dans sa mauvaise
humeur, il parodia le sermon du capucin, de Schiller, pour lan-
cer tous ses sarcasmes à la face du cygne de Pesaro. Je le dis
hautement : c'était indigne de lui, et cette action est à mes yeux,
une tache sur sa mémoire, quels que soient le respect et l'admiration
qu'elle m'inspire... Dans la suite, il m'a pourtant semblé que le
Barbier avait trouvé grâce auprès de lui. . . Ce jour-là, chez Chia-
pone, la discussion fut encore plus chaude que de coutume... »
Il est à noter que Spontini, pendant son séjour k Dresde, com-
muniqua à Weber les premiers journaux français qui avaient
parlé de ses œuvres ; c'étaient le Journal des Débats et le Courrier
des Spectacles. Ils appelaient l'attention des musiciens sur Ylnvi-
tation à la valse, ou plutôt \' Introduction à la valse. Ces articles,
fort élogieux, causèrent une grande joie à Weber.
Cependant la composition d'Euryanthe avançait, malgré les sur-
croîts de travaux occasionnés par une grave maladie de Morlacchi;
de son côté, l'autre directeur, Schubert, se mourait depuis déjà
plusieurs mois ; de sorte que leurs tâches respectives retombaient
sur Weber qui menait de front : l'église, la chambre royale, les
concerts, le théâtre italien et l'opéra allemand. Le peu de temps
que ces diverses fonctions lui laissaient de libre, il l'employait à
composer. Le matin, il écrivait ses idées, mais de telle sorte que
lui seul pouvait s'y reconnaître ; au point que lorsqu'on voulut,
après sa mort, mettre au jour ses Trois Pintos, qui étaient es-
quissés de cette façon, Marschner, puis Meyerbeer, chargés de com-
pléter la partition, durent y renoncer, n'arrivant pas à deviner les
intentions de l'auteur; à tout moment ils étaient déroutés. Ainsi
que nous l'avons déjà dit, en effet, Weber n'écrivait un morceau
que lorsqu'il était complètement terminé dans son esprit, et alors
il lui sufTisait de quelques indications, — vagues pour tout autre,
— pour se retrouver quand venait le moment d'orchestrer. Cela
est si vrai, que beaucoup de musiciens ont déclaré avoir entendu
jouer à Weber, sur ses partitions ainsi préparées , des fragments
très-longs de ses ouvrages avec toutes les intentions, toutes les
nuances et tous les détails qu'on y remarqua dans la suite. —
Dans la journée, il se promenait plusieurs heures durant les-
quelles il composait. Le soir, il orchestrait. Pour donner une idée
de la célérité avec laquelle il accomplissait ce dernier travail, il
nous suffira de dire que, bien qu'il ne pût y consacrer que bien
peu d'instants chaque soir, le premier acte d'Euryanthe fut or-
chestré en douze jours, le second en treize, le troisième en quinze.
— Ajoutons, pour compléter ce tableau de la manière de travail-
ler de W^ebçr, que bien qu'il considérât un morceau comme par-
fait, quand il l'écrivait, il ne faisait aucune difficulté pour y in-
troduire des changements, sur l'avis de personnes compétentes ;
par exemple, l'allégro : Trompeurs attraits, soyez maudits, du se-
cond final d'Euryanthe, ne vint qu'à la suite d'un troisième rema-
niement, et le motif de l'apparition d'Emma fut introduit dans
l'ouverture aux dernières répétitions de l'ouvrage à Vienne.
Un remaniement, dont l'opportunité se faisait bien autrement
sentir, c'était celui du libretto tout entier, dont le manque absolu
de valeur et d'intérêt s'accentuait davantage à mesure que Weber
avançait dans son travail de composition. Ce n'était pourtant pas
faute d'avoir été remanié qu'on y remarquait d'aussi nombreuses
388
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
imperfections ; car Mme de''Chezy ne l'avait pas refait moins de
neuf fois. La destinée d'Euryanthe fut d'ailleurs d'être remanié
jusqu'au jour même de son apparition. Les poètes Tiek et Fors-
ter, auxquels Weber soumit le cas pendant, déclinèrent le soin de
le résoudre, ainsi qu'il les en priait ; ils donnèrent leur avis,
mais ce fut tout; Eioryanthe demeura donc, comme devant, dans
ses données essentielles, et le maître se remit à composer sur les
vers de Mme de Cliezy.
Sur la fin de l'année, une bonne nouvelle parvint à Weber.
Après une glorieuse carrière de dix-huit mois, le Freischutz allait
être représenté pour la cinquantième fois à Berlin, et à cette oc-
casion tous les cercles littéraii'es et musicaux de cette ville pré-
paraient une manifestation éclatante en l'honneur du composi-
teur. Weber, surchargé de travaux, dut refuser, à son grand regret,
l'invitation qui lui fut faite d'y assister, et il dut se contenter d'une
lettre officielle de M. de Briihl, accompagnée d'une gratilication
de... cent Ihalers! — Il est bon de noter que l'ouvrage avait rap-
porté jusqu'à ce jour plus de trente mille ihalers à l' administra-
tion. — La lettre fut bien accueillie; quant à la gratification,
Weber la refusa, cela va sans dire.
Dans les premiers mois de l'année 1823 sa fièvre de composi-
tion se ralentit un peu. Morlacchi et Schubert étaient toujours
très-malades. Weber, quoique soufl'rant aussi , succombait donc
sous la charge des occupations de leur ressort. En outre, il s'ap-
pliquait à monter dignement le Fidelio de Beethoven , qui devait
servir de début à Wilhelmine Schrœder, engagée par lui lors de
son dernier séjour à Vienne. Fidelio était à ses yeux le chef-d'œu-
vre des chefs-d'œuvre, et il avait même coutume de dire que
c'était une des œuvres sublimes de l'esprit humain. Pour que rien
ne manquât à l'éclat de la représentation qu'il se proposait d'en
donner, il se mit en relation avec Beethoven. Les deux grands
hommes échangèrent alors plusieurs lettres au sujet de cet ou-
vrage. Cette correspondance lenfermait sans doute de précieux
renseignements; malheureusement, il ne nous est pas doimé d'en
profiter, car les lettres qui la composaient n'ont jamais été re-
trouvées. En tous cas, ces rapports établirent entre Beethoven et
Weber un commerce d'amitié sincère et solide, qui se cimenta
davantage encore lorsqu'ils se connurent à Vienne. Ces détails
font tomber la croyance généralement accréditée d'une rivalité qui
aurait existé entre les deux maîtres. Max de Weber dit à ce su-
jet : « Tout ce que Schindler et d'autres ont écrit relativement îi
des ditférends qui se seraient élevés entre Beethoven et Weber est
de pure invention ! »
Fidelio fut représenté le 29 avril. Un incident grotesque, — un
chien traversant la scène au moment le plus pathétique, — faillit
compromettre le succès, à cause du fou rire qui s'empara du pu-
blic et des artistes. L'ouvrage fut apprécié à Dresde mieux que
partout ailleurs. Après Fidelio, Weber réussit à faire représenter
son Abou-Hassan, pour les débuts de l'excellente Mme Haase, et,
à l'occasion d'une visite et sur la demande expresse du roi Louis
de Bavière, Preciosa. — Joconde, de Nicolo, fut également monté
par lui dans ce temps.
Pendant' les rares loisirs que lui laissaient ces importantes créa-
tions, Weber travaillait à son Euryanthe, dont on hâtait, de
Vienne, l'achèvement. Le 7 mars, il écrivit la grande scène de
Lysiart, par laquelle s'ouvre le second acte, puis le 22 du même
mois le duo d'Adolar et d'Euryanthe au troisième acte, et peu de
jours ensuite le grand final du premier acte; entre ces deux mor-
ceaux se place, à la date du 28 mars, le charmant chœur des
paysans : Au mois de mai, bergère. Le 1" avril, il commença le
travail d'orchestration. Enfin, il compléta sa partition dans le
courant des mois qui suivirent ; le 8 août elle était entièrement
achevée, à l'exception de l'ouverture qui fut écrite plus tard à
Vienne.
Le 16 septembre, Weber quitta son cher Hostcrvvitz, où étaient
venus lui dire adieu ses amis Wolff, Hummel et Pixis, pour se
rendre à Vienne, afin d'y diriger sa nouvelle œuvre. Son fidèle
Benodict l'accompagnait.
En passant par Prague, il traita avec le directeur du théâtre de
cette ville pour £'!(/'(/a7i^/ie, et celui-ci lui compta 10 ducats de
plus qu'il n'avait demandés, bien que rien ne pût faire augurer
encore du succès de l'ouvrage. Rara avis in terra! s'écria Weber,
qui allait se trouver en rapport avec des gens moins magnifiques.
Edmond NEUROMM.
(La suite prochainement )
LÀ SEMAINE RELIGIEUSE.
Hentie de Siafnte-Céclle, «l'jftmbrolse Tbomas, exécutée
à Kafnt-EuBlaclie, pour la fètc de r Association des
Artistes muslclenai. — liesse de Kalnte-Céclle. de lime
de Orandval. à JÉtalnte-tienevIève.
11 y a seize ans, alors que tant d'autres compositeurs do musique sacrée
égaraient la pensée religieuse, pour eux confuse, dans les nuages de la
fantaisie, l'otouffaient sous les caprices de l'imagination ou la noyaient
dans le luxe exubérant d'une orchestration théâtrale, Ambroise Thomas
ressaisissait déjà, plus qu'aucun, l'idéal du symbolisme chrétien, et il l'ap-
pliquait surtout à sa messe dite de Sainte-Cécile, sans effort et comme par
unedéduction invincible. Dans cette œuvre le présent se rattache au passé,
les formes des diverses écoles se fusionnent, et le caractère aiisière et
profond de la tradition se pare de toutes les richesses de la science harmo-
nique. Varié, mais constanunent tnajestueux et élevé, ce style impres-
sionne, émeut profondément, en même temps qu'il permet d'augurer une
prochaine et désirable transformation dans les compositions de musique
religieuse de notre pays.
Le Revue cl Gazette musicale a analysé cotte œuvre lors de sa pre-
mière et de sa seconde exécution, à Saint-Eustache, en 1832 et 1833.
Elle a mis en relief les beautés hors ligne qu'elle renferme, le Credo
notamment, dont le début est imité d'un plain-chant dorien, le Laudate
final magniliquement déployé sur le plain-chant du sixième mode ecclésiasti-
que, etc. Je n'ai donc pas à revenir sur ce que mes prédécesseurs ontdit
avec toute l'autorité de leur talent et de leur compétence.
Mardi dernier, cette même messe a été une fois encore chantée à
Saint-Eustache, l'Association ayant voulu témoigner ainsi de sa respec-
tueuse svmpathiH pour l'un de ses membres les plus célèbres et s'associer
aux hautes distinctions dont il a été l'objet cette année.
L'exécution, dirigée, sous l'œil et les indications du maître, par
M. Georges Hainl — l'homme des masses vocales et instrumentales —
avec un soin, un tact et une autorité remarquab'es, a été de tous points
digne de l'Association, de la circonstance, de la pensée qui avait pré-
sidé au choix de l'œuvre et de cette ceuvre elle-même. On ne se rappelle
pas avoir depuis longtemps entendu, à Paris, une interprétation de messe
avec chœurs d'hommes, de femmes et d'enfants, soli et orchestre, aussi
correcte, aussi pure, aussi bien menée, sans tiraillements et sans à peu
prés, dans ses moindres détails. Les principaux théâtres lyriques avaient
fourni le contingent choral et instrumental; le personnel de l'Opéra était
au grand complet. MM. Pickaërt ri Steenmann conduisaient les chœurs
avec leur expérience consommée. Le morceau joué au grand orgue par
M. Batiste a préludé d'une façon noble et solennelle à la majesté et à la
pompe de la messe d'Amb. Thomas. L'organiste du chœur a droit à
sa part de félicitations. Les soli ont été magnifiquemimt chantés par les
excellents MM. Battaille et Grisy, dont l'éloge n'est plus à faire; par
Mlle N'ilsson qui dans l'Ave Maria de Gounod, à l'offertoire, a certainement
égalé l'Alboni aux obsèques de Rc-ssini et a produit une impression égale,
aussi saisissante. Cette voix cristalline et veloutée, douce dans la force, d'une
puissance contenue dans la douceur, ce sentiment d'une pureté angélique,
cet art exquis et sûr de lui-même, tout cela fait monter les larmes aux
yeux et courir un frisson chez tous ceux qui ont l'amour et le culte du
beau.
Les nefs et le transept de Saint-Eustache étaient remplis d'une foule
compacte ; la quête faite au profit de la caisse de l'Association a produit
une somme élevée. L'intérêt qui s'attache de plus en plus aux mani-
festations de l'art religieux n'a pas seulement la curiosité pour base; on
reconnaît la vraie grandeur de la musique sacrée, on la proclame, on
DE PARIS.
sm
veut s'honorer soi-même en lui trouvant de nouvelles raisons d'être et de
s'accroître. Mardi dernier, la messe de sainte Cécile a répond» à ces vœux
et satisfait à cos aspirations. Je n'hiisile pas, pour ma part ;i ranger cef.c
solennité parmi les événements artistiques de l'année et ;i exprimer le
vœu que les voûtes de nos vieilles basiliques retentissent aux jours de
grandes fêtes, des sublimes accents de cette partition essentiellement
chorale, d'une hante porlée, d'un caractère véritablement relljçieux, et
dans laquelle la science, loin d'accuser un pompeux étalage, .se colore du
rayon mélodique et se déguise sous les fleui's de la poésie.
*
* *
Mme la vicomtesse de Grandval, dont les compositions jouissent d'iine
certaine réputation dans le dilettantisme mondain, a entouré du plus
grand luxe vocal et instrumental : — sept cents enfants des écoles, Pasde-
loup et son orchestre, elle-même, l'auteur, chantant les soli avec Mme la
baronne de Caters et un ténor fort distingué de maintien, mais excessi-
vement ému, — l'exécution à Sainte-Geneviève, dimanche dernier, de sa
messe de Sainte-Cécile, déjà chantée, l'an pas>é , à Saint-Eustache.
Cette partition, au caractère essentiellement mélodique, accuse moins de
la part de son auteur la possession complète des soui'ces' pures du
grand art des Palestrina que l'étude de Lesueur et le vif désir d'atteindre
aux effets eherubiniens. La partie vocale est bien écrite, bien traitée,
dans le /l'j/n'e et l'Agnus, surtout, qui sont très-remarquables ; par contre,
l'orchestre visant constamment au pompeux, à grand renfort de cuivres
et de batteries, n'arrive qu'au bruyant, et ce n'est pas même chose, La
messe de Mme de Grandval n'en est pas moins, ces réserves faites, une
œuvre fort honorable et imprégnée d'un sentiment religieux pénétrant.
M. M.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^% Le théâtre impérial de l'Opéra a donné, lundi, Hamlet ; mercredi
et vendredi, les Uuyuenots.
„.*,(; Le succès de la reprise des Huguenots s'est encore accru mer-
credi par le concours de Caron, auquel M. Perrin a confié le soin de
chanler \e Bâta plan du troisième acte. Il y a produit sur les spectateurs la
plus agréable surprise et le plusgrand effet; couvert d'applaudissements,
il a dû le répéter aux acclamations de la salle entière. Obin chantait le
rôle de Marcel en remplacement de Belval indisposé. L'ensemble des
interprètes est donc aujourd'hui aussi complet qu'on puisse le désirer. Aussi
l'empressement du public à entendre le chef-d'œuvre de Meyerbeera-t-il
pris de telles proportions, que le bureau de location est littéralement
assiégé et qu'à la représentation de vendredi les bureaux sont restés fer-
més, comme ils l'avaient été pour la précédente.
^*^ La représentation solennelle de Guillaume Tell, donnée le samedi 28
pour honorer la mémoire de Rossini, a été digne de l'illustre composi-
teur comme de notre première. scène} lyrique. — La statue de Rossini, œuvre
d'Etex, placée dans le vestibule d'entrée et son médaillon par Chevalier
suspendu dans le foyer public avaient été ornés de couronnes. Entre le
deuxième et le troisième acte, le rideau s'est relevé, laissant voir le buste
du défunt par Dantan, placé sur un piédestal orné de fleurs et de guir-
landes de laurier. Autour, neuf sujets de la danse représentant les
Muses, et tout le personnel des artistes étaient groupés et occupaient
la scène jusqu'aux derniers plans. Pendant que le busie était couronné
aux applaudissement frénétiques de la salle entière, l'orchestre exécutait
le commencement de l'introduction de Moise et le finale du quatrième
acte de Guillaume Tell, sur de nouvelles paroles appropriées à la circon-
stance et chantées avec une indicible expression par Faure, Obin, Ylllaret,
Mlle Battu et les chœurs augmentés de ceux du théâtre Italien, qui avaient
tenu à honneur de concourir à celte solennité. On a dû lever le rideau
une seconde fois aux acclamations des spectateurs qu'accompagnait une
pluie de fleurs et de couronnes d'immortelles. — La députation de Pesaro
assistait à cette imposante cérémonie dans la loge de Rossini; elle est
venue ensuite sur le théâtre remercier au nom de l'Italie les artistes
français.
^:% En assistant, samedi de la semaine dernière, à cette repré.sen-
tation, le public ne se doutait pas qu'il entendait pour la dernière
fois Mlle Marie Battu sur cette scène. D'un commun accord, en
effiet, elle venait de résilier son engagement avec M. Em. Perrin.
Ce n'est pas sans avoir fait de pressantes instances, pour retenir la
célèbre cantatrice, que M. Perrin a consenti à la laisser partir. On eût
dit, au reste, que Mlle Battu voulait, dans cette soirée, laLsser un souvenir
ineffaçable de son séjour à l'Opéra; car jimals elle n'avait été plus admira-
ble dans ce beau rôle de Mathilde , qu'elle joue et chante si supérieure-
ment, et jamais aussi elle n'y avait été applaudie avec plus d'enthousiasme.
Mlle Battu est dans toute la force de son talent et danst tout l'épanouisse-
ment de sa beauté; elle a brillé d'un grand éclat dans la carrière
italienne et à l'Opéra, elle n'a donc pas à s'inquiéter de son avenir ;
les portes de toutes les grandes scènes lyriques lui sont ouvertes.
.JK*, M. Justament, que M. Perrin avait chargé de régler le divertisse-
ment dansé au Iroi.sième acte des Ilunuenols, vient d'être engagé en qua
llté de maître de ballets de l'Académie impériale de musique.
»% Le ténor Ch. Nicot, premier prix au dernier concours du Con-
servatoire, qui avait signé un engagement au théâtre des Fantaisies- Pa-
risiennes, vient, aux termes des règlements, d'être réclamé par le théâ-
tre impérial de l'Opéra-Comlque, et c'est sur celte scène qu'il fera .ses
débuts.
*** Adelina PattI a été Indispo.sée cette semaine, à la suite d'un re-
froidissement, et elle a été obligée de garder le Ut. — Mlle Grossi a dû,
au dernier moment, la ren)placer dans le rôle de Rosine d'il Barbiere,
qui était affiché, et elle s'est acquittée de sa tâche avec autant de bonne
volonté que de talent. Toutefois, la majeure partie des spectateurs venue
pour entendre A. Patti s'est fait restituer son argent, et la recette était
de 17,000 francs ! .Jeudi, ou a joué il Trovatore au lieu de Crii/jino e
la Coinare; Mmes Krauss el Grossi, NIcolini et 'Verger s'y sont fait beau-
coup applaudir. — Hier, samedi, la eleuxlèuie représentation de Semira-
mide a confirmé le succès de la première, et valu le plus chaleureux
accueil aux deux cantatrices et à Aj;n&sl, excellent dans le rôle d'Assur.
^*t Mme Adelina PattI va beaucoup mieux. Son départ de Paris est
toujours fixé au 20 de ce mois ; elle s'arrêtera à Bruxelles pour y don-
ner trois représentations, et elle .sera rendue à Saint-Pétersbourg dans
les dix premiers jours de janvier, délai fixé par son engagement.
**t Mlle MInnie Hauck est arrivée de Londres. La jeune et charmante
canthtrice, qui vient d'y chanter avec un .si beau succès, s'est mise à la
disposition de M. Bagier, et ses débuts auront lieu à la fin du mois.
*'^* Le Piccolino, de Mme de Grandval, et la Serua Padronn, de Paë-
siello, passeront presque en même temps au théâtre ItHlien, dans une
huitaine de jour.s.
*** L'effet produit par Iphiyénie en Tauride, à la première repré.sen-
tation, s'est encore plus accentué aux suivantes, et M. Pasdeloup n'a
qu'à se féliciter de son initiative. — Le Brasseur de Preston, d'Ad. Adam,
est à l'étuJe. — Don Quichotte a été lu, mais la disiribution des rôles
n'est pas encore arrêtée. — Mlle Saint-Urbain, que le public n'a point
oubliée, vient d'être engagée à ce théâtre.
.^■'^ Le théâtre de l'Athéiu-e donne en ce moment les dernières repré-
sentations du Petit Poucet.— La première des Horreurs de la Guerre, opéra-
bouffe en deux actes, est irrévocablement fixée à mardi prochain, 8 cou-
rant.
*** Les cinquante représentations de la Périchole, données jusqu'à ce
jour, ont produit 206,890 francs; soit une moyenne de l,13J fr. iO c.
par soirée.
t*^ Le succès de la Périchole, en France et à l'étranger, se propage
avec rapidité. Nous avons mentionné celui qu'elle obtient à Lille avec
Mlle Garait. — Demain , elle sera jouée à Bruxelles. — Marseille, Bor-
deaux, Nice, Avignon, Châlons, Dunkerque, Valenciennes , Cambrai.
Genève, etc., l'ont mise à l'étude, et nous recevons de .\ew-York l'avis
que la Direction Battman la répétait activement au théâtre Pike, où la
première représentation est annoncée pour cette semaine même. — Nous
avons des nouvelles analogues de RIo-Janeiro.
*% Fleur de Thé vient d'obtenir un très-grand succès au théâtre
d'Alger.
*** Le Casino de Hombourg vient d'engager, pour la saison prochaine,
Mme A. Patti, Nicolini et Verger.
NOUVELLES DIVERSES.
t*» Le concours d'harmonie écrite et d'orchestration des élèves mili-
taires du Conservatoire impérial de musique a eu lieu lundi sous la pré-
sidence de M. Auber. En voici le résultat : Premier prix : M. Schwartz,
du 10= de ligne, élève de M. François Bazin. — Deuxième prix : M. Ey-
bert, du 3" du génie, élève de M. François Bazin. — Premier accessit :
MM. Michelin, du Al" de ligne, élève de M. François Bazin, et Jacoutot, ,
du 16° pontonniers, élève de M. Jonas. — Deuxième accessit : M. Stoitz,
du l" de ligne, élève de M. Jonas. — Troisième accessit : M. Meister, du
49= de ligne, élève de M. François Bazin. -~ Voici le résultat du con-
cours de solfège (classe des élèves militaires) qui a eu lieu lundi dernier
au Conservatoire : Premier prix : M. Welsch, élève de M. Alkan, et
MM. Schwartz et Meister, élèves de MM. Emile Durand. — Premier ac-
cessit : M. Gassian, élè\e de M. Emile Durand. — Deuxième accessit :
M. Marx, élève de M. Emile Durand. — Troisième accessit : M. Lieber,
élève de M. Alkan.
^*^ Le programme du sixième concert populaire n'off'rait aucune nou-
veauté ; aussi, n'avons-nous guère à signaler que l'accueil enthousiaste fait
à l'ouverture de Guillaume Tell, qui trouvait là sa place toute naturelle
au lendemain des funérailles de son immortel auteur. — Au septième
concert, M. Pasdeloup a fait exécuter la Reformatiotis-Sijmphonie de
Mendeissohn, déjà donnée l'année dernière, et qui, tout inférieure qu'elle
390
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
soit aux autres grandes œuvres du maître, gagne à être mieux connue.
Le piquant et gracieux Scherzo, instrumenté avec la délicatesse familière
à Mendelssohn, a été bissé. Peut-être n'est-il pas en harmonie avec la
couleur un peu sévère de l'ouvrage entier; il fait notamment le plus
grand contraste avec le final, bâti sur le choral : Ein' (este Burg ist unser
Gott, et dans lequel Mendelssohn use et abuse du genre fugué. — On a
bissé encore Vandante, avec variations de Haydn, et la bataille ordinaire
s'est livrée à la fin du concert, à propos de l'ouverture du Vaisseau
fantôme, de Richard Wagner.
»»** Aujourd'hui dimanche, à deux heures, au Cirque-Napoléon, hui-
lièiiie concert populaire de musique classique, sous la direction de .]. Pas-
deloup. On y entendra : 1° Ouverture d'Athnlie, de Mendelssohn; — ^<'
Symphonie en fa, de Beethoven ; — 3° Fragment symphonique, de F.
Schubert; — i" Huitième concerto pour violon, de Rode (exécuté par
M. Heymann, premier prix du Conservatoire 1868) ; — .'i" Prélude de
Lohem/rin, de R. Wagner ;— (i" Invitation à la valse, de Weber (orchestrée
par Berlioz).
^% M. Lebouc a déjà fait entendre deux programmes aux deux séries
d'invités de ses matinées du lundi; il est toujours entouré des mêmes
artistes d'élite qui interprètent admirablement la musique des grands maî-
tres : Mme Beguin-Salomon, MM. A. Duvernoy, Rose, White, Diépedaal,
Trombetta et Gouffé. En fait de morceaux nouveaux nu peu connus,
signalons les variations de Weber pour piano et clarinette, le quintette
de Schumann, deux transcriptions pour violoncelle d'un air de Lotti et
d'une mazurka de Chopin, par M. Lebouc, la valse de concert pour vio-
lon, d'Ad. Blanc, une étude pour piano, d'A. Duvernoy, enfin une
mélodie de Mendelssohn, Suleilca, très-bien chantée par Mlle Doré. A la
dernière matinée, Mme Marie Damoreau a obtenu un grand succès dans
trois morceaux du regretté Ro.s.sini : la romance du Saule, A'Otello, et les
airs de Guillaume Tell et de l'Italienne à Alger.
^.*^. Lundi dernier, la société chorale allemande, le Liederkranz, diri-
gée par M. Ehmant, donnait son premier concert dans U salle du Grand-
Orient, et y exécutait, avec ce soin et cet admirable ensemble qu'on lui
connaît, les chœurs à'Athalie, de Mendelssohn. A celte brillante soirée,
qui avait réuni de nombreux invités, se sont fait également entendre
Mlle Schrœder, la sympathique cantatrice du théâtre Lyrique, le bril-
lant pianiste Henri Fi.ssot, qui a pris rang depuis longtemps parmi les
maîtres, et l'habile violoncelliste Lasserre.
^*^ Mlle Cécile Meyerbeer, seconde fille de l'illustre compositeur, vient
d'être fiancée au baron Adrian-Walburg, membre de l'Institut archéolo-
gique à Vienne .
**» On annonce l'arrivée à Paris de Mlle Rosario Zapater, la jeune et
déjà célèbre cantatrice- poëte de Madrid, l'auteur du libretlo de l'opéra
italien Gli Amanti di Terruel, applaudi à Valence il y a trois ans, et,
sous le modeste voile du pseudonyme, l'une des plumes les plus vaillan-
tes de la critique littéraire et musicale en Espagne.
^*t M. Camille Saint-Saëns est de retour à Paris de sa brillante tour-
née artistique en Allemagne. 11 doit exécuter, au concert du 20 dé-
cembre, son nouveau concerto de piano en sol mineur.
^*,fc Alfred Jaëll a quitté la compagnie IJlmann à Bruxelles, pour se
rendre en Hollande, oii il se fera entendre, avec sa femme, dans une
douzaine de concerts. Le directeur des concerts populaires de Bruxelles,
M. Samuel, l'a engagé pour la séance du 20 décembre. Paris possédera
M. et Mme Jaëll pendant une partie de l'hiver prochain.
^*,i, M. Dancla a obtenu le prix décerné tous les ans à la musique
de chambre par l'Académie des beaux-arts.
»% Nous recommandons, au début de l'Avent, quatre Offertoires pour
orgue (sans pédales) écrits spécialement pour ce temps liturgique de l'an-
née, par l'éminent organiste de la Trinité, M. A- Chauvet, et publiés
par Mme Mayens-Couvreur.
^*^ Mlle Delanoue vient de rouvrir ses cours de piano pour la saison
d'hiver, 7, rue Saint-Lazare. Ces cours, qui se divisent en cours élémen-
taires pour les jeunes enfants, en deuxièmes cours et en cours supérieurs,
ont lieu deux fois par semaine et sont très-suivis; Mlle Delanoue, excel-
lent professeur, y donnant personnellement tous ses soins.
^^*^ Nous sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs que Mme M.
Persiani, élève et fille de la célèbre et regrettée Mme Persiani, continue
l'enseignement du chant que Péminente artiste avait professé avec tant
d'éclat, et qui a formé de nombreuses et brillantes élèves. — Mme M.
Persiani s'est réservé certains jours de la semaine pour se rendre chez
les élèves qui ne pourraient venir chez elle, rue de Chartres, 2 (porte
Maillot), Neuilly.
,^*„ M. Paliantl, — le fils de l'excellent régisseur du théâtre de l'O-
péra-Comique, — qui depuis longtemps était premier violon au théâtre du
Gynmase, vient d'être nommé second chef d'orchestre ; M. Montigny ne
pouvait faire un meilleur choix.
^*^ M. Goldberg, l'excellent professeur de chant, l'auteur d'un bon
nombre de charmantes compositions vocales, parmi lesquelles nous ci-
terons le Message, quitte définitivement Londres pour se fixer à Paris.
Le succès qu'à toujours rencontré son habile et artistique enseignement
l'y suivra certainement.
„,** On nous promet pour cet hiver la vi.site du célèbre chanteur
Jules Stockhausen.
„,*„, (Jn grand nombre de violonistes se pressaient samedi delà semaine
dernière à l'hôtel Drouot, où se vendait toute une collection de violon? de
Stradivarius, de Bergnnzi, de WillaumedeMéricourt ; d'archetsde Tourte,
de Lafleur, de Pecaite, et quelques violoncelles. Un Stradivarius a été
vendu 2,400 fr., un Bergonzi, 700 fr.
,,,** Le grand violoniste Caniillo Sivori est en ce moment à Bologne,
où il se propose de donner quelques concerts.
,!(*„, Un épouvantable incendie vient de dévorer à Londres, dans
Drury Lane, les ateliers de MM. Grieve , peintre.s-décorateurs de la plu-
part des théâtres anglais. Les décors destinés à l'ouverture d'Her Ma-
jesty's ont été réduits en cendres.
;^** M. Emile Abraham, collaborateur des journaux i'Enfr'octe et la Vo-
gue parisienne, auteur des Croqueuses de pommes, a épousé jeudi Mlle Ul-
mann.
^*t Les Sociétés orphéonique et philharmonique d'Arras ont célébré,
cette année, la fête de sainte Cécile avec un éclat inaccoutumé. La
messe de Cherubini, dite mes.se du sacre, a été remarquablement exé-
cutée par elles, sous l'habile direction de MM. Duhaupas et Pois,son.
Talent et bienfaisance peuvent résumer cette solennité musicale.
**» Séances d'orgues d'église, système nouveau et perfectionné, les
lundis et vendredis, de quatre à six heures, par les plus célèbres orga-
nistes, dans l'établissement Merklin-Schiitze (Société anonyme des grandes-
orgues), boulevard Montparnasse, 49. Entrée gratuite.
#*^c Une me.>-se du bout de l'an a été célébrée mercredi matin à Notre-
Dame-de-Lorette en l'honneur de M. Benazet. En outre des parents du
défunt on y comptait un nombre considérable de ses amis, auxquels s'é-
tait jointe une foule de littérateurs et d'artistes restés fidèles à la mé-
moire de celui qui les a accueillis si longtemps avec une hospitalité prin-
cière. Faure a chanté à la messe un Pie Jesu avec un sentiment et une
voix incomparables.
*■** Barrez, l'ancien maître des ballets de l'Opéra, vient de mourir;
il était âgé de soixante-quinze ans.
»% On annonce de Leipzig la mort de M. Brendel, auteur d'une His-
toire de la musique qui a eu quatre éditions. 11 a été le fondateur de
l'As-sociation musicale allemande et le propagateur des grandes réunions
périodiques des artistes allemands.
DÉPARTEMENTS
^*f: Versailles. — L'organiste de la chapelle du palais de Versailles
M. Emile Renaud a fait exécuter, le dimanche 22 novembre, à l'occa-
sion de la fête de .sainte Cécile la messe en si bémol de Haydn. Le Credo de
Dumont a été chanté par Bus?ine et répondu alternativement par 250 voix
du petit séminaire. VO salutari^ admirablement chanté par Mlle Dron-
sart et M. Dekéghel, a produit beaucoup d'effet. M. Alexandre Batta, le
célèbre violoncelliste, a joué l'Ave Maria de Schubert et l'air de Stradella
avec la perfection qu'on lui connaît. 11 était admirablement accompagné
sur l'orgue par M. Emile Renaud. La quête pour les pauvres de la ville
a été très alîondante.
,t'*.if Poitiers. — Notre collaborateur M. Charles Lucas, architecte, en tour-
née archéologique dans l'ouest de la France, nous écrit de Poitiers: « J'ai
eu la bonne fortune d'assister à une messe en musique du R. P. Hermann,
célébrée le dimanche 22, en l'honneur de sainte Cécile, dans l'église de
Sainte-Radegonde. Un organiste de talent et une société chorale ont fait
merveille; mais j'ai surtout été impressionné par une élégie exécutée par
le violon pendant l'élévation et que l'on m'a dite avoir été récemment
écrite par l'auteur M. Emile Lévêque à la Mémoire de Eossini. Ce mor-
ceau empreint d'un profond sentiment mélancolique et dont le chant,
large et grandiose, revêt un heureux caractère mélodique fait honneur à
M. Lévêque, violoniste de talent, applaudi autrefois à Paris dans les
concerts du Comité central des artistes, auteur de nombreuses compositions
pleines de charme, et premier violon solo de la Grande Association mu-
sicale de l'Ouest.
^*j. Marseille. — Le ténor Lherie, qui e.st venu en représentation
l'année dernière et qui n'est point un inconnu pour notre public, a été
engagé par M. Husson, immédiatement après la résiliation de son enga-
gement avec l'Opéra-Comique de Paris; il a remplacé Duwast et son dé-
but a été parfaitement accueilli.
ÉTRANGER
^*j Bruxelles. — On vient de reprendre, au théâtre de la Mon-
naie, la Juive, avec Warot et Mlle Poinsot, qui ne s'est point mon-
DE PAhIS
391
trée à la hauteur de sa tâche dans le rôle de Rachcl ; et Ilmjdéc, qui a
valu à Jourdan et à Mme Sallard un accueil des plus syinpatliiques.
— Une imprudence de Mlle Marimon, qui aurait pu avoir des suites fort
graves (la sympathique artiste s'est presque empoisonnée en prenant une
dose trop forte de belladone pour retrouver sa voix momentanément
altérée), va nous priver quelque temps encore du Pardon de IHonmel ;
contre-temps d'autant plus fâcheux que le répertoire n'est rien moins que
varié. — Ferdinand Hiller a donné, au Cercle artistique et littéraire,
une très-intéressante séance où il a fait entendre un bon nombre de ses
compositions , et entre autres sa jolie Opérette sans paroles. De chaleu-
reux applaudissements ont prouvé, ii l'éminent directeur du Conserva-
toire de Cologne , en quelle haute estime on tient ici son double talent
de compositeur et de virtuose.
3;% Londres. — La courte campagne d'automne, entreprise par M. Ma-
pleson à Covent-Garden sur un terrain rival, que la " clôture annuelle »
rendait neutre, s'est terminée lundi dernier par une brillante représen-
tation de Guillaume Tell. On a fêté tous les artistes en leur associant
l'habile chef d'orchestre Arditi, le bras droit de M. Mapleson, dont l'ac-
tivité et le talent sont universellement appréciés. — La question de l'adop-
tion du diapason normal français, déjà établi dans presque toute l'Alle-
magne et l'Italie, préoccupe en ce moment le public musical. Le célèbre
chanteur Sims Reeves a adressé à la Sacred Harmonie Society une lettre,
dans laquelle il déclare qu'il se retuse à prêter désormais son concours
à cette institution, dont il a été toujours le meilleur soutien, si elle ne
se décide pas à introduire dans son orchestre le nouveau diapason.
^'^t Berlin. — Une Américaine, iMlle Maria Calisto, a débuté dans la
Traviata. On lui a trouvé une assez grande habileté technique, mais
peu d'expression. Elle chantait en italien , ainsi que les artistes chargés
des principaux rôles, tandis que le chœur lui donnait la réplique en
allemand. — MJI. Dorn et Taubert ont cessé d'être chefs d'orchestre à
l'Opéra-Royal de Berlin; M. Charles Eckert a été récemment nommé à cet
emploi. M. Dorn ne reste attaché à l'Opéra que comme professeur de chant
pour les jeunes élèves artistes, et M. Taubert conserve seulement ses
fonctions de directeur des concerts de la Cour et des soirées sympho-
niques. — Tausig a donné un grand concert qui a fait sensation,
comme ceux de Rubinstein, son émule. Ces deux grands artistes se par-
tagent l'attention générale, et on ne saurait dire lequel l'excite à un
plus haut degré.
^''^ Leipzig. — Au septième concert du Gewandhaus, Friedrich Griitz-
macher a exécuté pour la première fois le concerto pour violoncelle de
Robert Schuraann (œuvre 129).
,^*,„ Zurich. — Le compositeur Fr.-X. Schnyder de Wartensee, mort
dernièrement à Francfort à l'âge de quatre-vingt-trois ans, a laissé par
testament toute sa fortune à notre ville, à charge par elle d'en con-
sacrer le revenu à la publication de bons ouvrages scientifiquos ou ar-
tistiques, dont le manque de ressources ou d'éditeurs empêcherait l'im-
pression .
j% Turin. — On vient de représenter Un Fallo (une Faute), ballet
de Rota, avec un succès complet. Elvira Salvioni a été chaleureusement
applaudie.
^*jf, Florence. — Les représentations du Profeta sont toujours très-suivies
à la Pergola; le public prodigue ses encouragements à la Biancolini. —
— Sivori a donné deux concerts au théâtre Pagliano. Il a joué ses mor-
ceaux les plus applaudis, le Carnaval de Venise, la Prière ae Moise, etc.,
avec cette merveilleuse aisance, ce brio, cette incomparable beauté de
son qu'on lui connaît, Après fe Carnaval de Venise, le grand virtuose a
été rappelé six fois. — Une crise financière a obligé le théâtre l'agliano
à fermer ses portes. La direction, dans l'impossibilité de satisfaire inimé-
dialenjcnt aux réelanjations du corps de ballet, a dû interrompre la re-
présentation et renvoyer le public, qui n'a pas môme eu la consolation
de ravoir sou argent, la recette ayant été saisie.
»% Bologne. — On commence à pouvoir porter un jugement impartial
sur le nouveau Barbierc de Dali' Argine, et ce jugement est bel et bien
une condamnation sans appel. Le jeune et présomptueux mae.stro aurait
pu essayer de faire non pas mieux, mais autrement que Ro.ssini, comme
Rossini avait fait autrement que l'aisiello; il a préféré prendre le sujet
corps à corps, sans changer une syllabe au libretto dont s'ist servi
l'illustre Pésarais et l'a revêtu d'une musique prétentieuse et lourde,
presque n)élodramatique. La plupart des caractères, celui de Figaro en
première ligne, sont manques. L'unité est absente de cette œuvre indi-
geste et tous les styles s'y heurtent. M. Dali' Argine a une bonne mémoire,
mais point d'originalité ni de finesse. Quelques morceaux n»stz réussis
ne rachètent point ces graves défauts
^'■,( Madrid. — Les Huguenots ont été donnés le 2-1 novembre pour la
première fuis de la saison. Cette splendide représentation n'a été qu'un
long triomphe pour l'œuvre et ses interprètes, Mmes Gueymard, Son-
nieri, Morensi, MM. Tamberlick, Selva et Padovani.
^*,p Barcelone. — On a aussi représenté ici les Huguenots le 27 no-
vembre, et pour la première fois également. Immense succès pour Steger
et Mme Giovannoni-Zacchi. — La reprise de l'.ifricainc est annoncée
comme très-prochaine.
„;*, Saint-Pétersbourg.— Apres l'inauguration brillante de notre théâtre
italien par Maria, avec la Volpini et Calzolari, suivie de la Norma pour
la Fricci, nous attendions avec impatience la rentrée de Mme Lucca,
annoncée depuis trois semaines et qui provoque des demandes de pla-
ces à des prix fabuleux. Malheureusement cette rentrée est retardée par
une indisposition de la célèbre cantatrice. — Le Société nmsicale russe a
inauguré la saison par quatre séances de quatuors, sous la direction de
M. Balakireff, et avec le concours de MM. Auer, Pickel, Weiksman et
Davidofl'. — Elle donnera cet hiver dix concerts à orchestre dans lesquels
elle fera entendre grand nombre de fragments d'opéras ^us^es. — On
écrit de Moscou que le Grand-Théâtre vient d'engager Mme Monbelli
pour la saison de 1869-1870.
,j% Bals de l'Opéra. — Incessamment l'ouverture des bals masqués.
Strauss et son orchestre. — Abonnement pour la saison 1868-1869 (dix
bals, 40 francs). — S'adresser pour la location, rue Drouot, 3.
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1. Ballade 5
2. Conte 6
3. Rêverie du Gondolier S
Op. 122. Valses-rêveries pour piano 10
Op. 123. Feuilles volantes pour piano 12
Op. 124. Scènes d'enfants pour piano 12
Op. 125. (Sous presse.) 24 études d'expression et de rliytlune en
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français et allemand, net 8
Op. 104. Trois préludes pour piano 9
Op. 10!- bis. Trois études pour piano. 9
Op. 105. Sonate en sol mineur pour piano 10
Op. 106. Sonate en si bémol pour piano . 10
Op. 107. La Réformation, symphonie à grand orchestre en par-
titinn, in S", net 13
I.a même, en parties séparées, net 1S
La même, arrangée à .4 mains, net 10
La même, arrangée pour piano 12
Op. 109. Romance sans paroles pour violoncelle, avec accompa-
gnement de piano 0
Op. 109 bis. Romance sans paroles pour piano seul 6
ÉDITION
Adopté au Conservatoire et approuvé par l'Institut,
FÉLIX LE COUPPEY
1. L'A B C, méthode pour les commençants iS
2. L'ALPHABET, 25 études très-faciles et sans octaves, op. 17. . -12
3. LE PROGRÈS, 25 études faciles et sans octaves, op. 24. ... 12
4. LE RHYTHME, école de la mesure, 25 études sans octaves.
op. 22.
5. L'AGILITÉ, 25 études progressives de mécanisme et de légèreté,
op. 20 12
6. LE STYLE, 23 études de genre, op. 21. 13
7. LA DIFFICULTÉ (sous presse), 13 études pour délier les doigts. 12
8. ÉCOLE DU MÉCANISME, 13 séries d'exercices 15
Altermann (E.). Polka-mazurka pour violon, avec accompa-
gnement de piano
Bazia (F.). Op. 7. Souvenir de Monchoix, fantaisie-impromptu
pour piano
— Op. 8. Marrhe solennelle pour piano
Belaiise (S.). Op. 3. Trois impromptus pour piano
Ebmant (A.l Op. 13. Dix mélodies pour soprano, avec accom-
pagnement de piano, paroles allemandes
Haner (J.-C). Op. 1. Rêverie pour piano
Hartos {E. de). Op. 46. Suite pour deux violons, alto et
violoncelle
Op. 48. Prologue symphonique pour Jeanne d'Arc, de
Schiller, arrangé pour piano à quatre mains par H.
Salomon
Klel (Fréd.). Op. 12. Trois morceaux pour violoncelle et piano.
— Op. 26. Deux caprices pour piano, n°' 1 et 2, chaque . .
— Op. 36. Trois gigues pour piano
— Op. 38. Souvenirs de voyages pour piano, 1" livre. . . . .
— Op. 41. Id. id. 2= livre
Op 42. Humoresques pour piano à quatre mains. . , .
— Op. 43. Trois valses pour piano
liacombe (P.). Op. 8. Sonate pour piano et violon
Iianghanfs (L.). Op. 18. Deux sonatines pour piano, chaque. .
L.e Couppey (Félix). Transcriptions pour piano :
N* 13, Mozart, duo de Don Juan : « La ci darem la mano » .
N° 14, Haydn, rondo hongrois, extrait du 1" trio. . . .
Hlkuli (C). Op. 3. Mazurka pour piano
— Op. 4. Id.
Pfelâffer (G.). Op. 38. Deux feuillets d'album pour piano. . .
4 »
6 .
6 »
9 »
12 ..
10 »
10 >.
6 »
6 »
6 »
6 »
10 .
7 30
18 »
6 I)
5 »
6 »
5 »
RafT (J.). Op. 125. Trois morceaux pour piano :
N- 1. Gavotte
N* 2. Berceuse
N» 3. L'Espiègle, valse-impromptu
— Op. 126. Trois morceaux pour piano :
N° 1. Menuet
N" 2. Romance
N» 3. Capricietto
Saint-Saens (C). Op, 19. Les Noces de Prométhée, cantate,
pour solos, chœursetorchestre. Grande partition , net . .
Partition, chant et piano, net
— Op. 20. Concerto pour violon avec accompagnement depiano.
Le même, grande partition d'orchestre, net
Sari (L.). Op. 7. Marie-Thérèse, valse pour piano
Scbubert (Fr.). Op. 94. Pensées musicales pour piano, en
deux suites, chaque
Scbumann (Rob.). Op. 112. La Vie d'une rose, légende pour
solos, chœur et orchestre, partition chant et piano (texte
français et allemand), net
iSpindler (Fr.). Op. 148. Valse de salon arrangée pour piano
à quatre mains
SteinkttlUer (Em.). Op. 69. Douze études caractéristiques
pour piano
— Op. 72. 4» trio pour piano, violon et violoncelle
IViaor (Ch.-M.). Op. 4. Airs de ballet pour piano.
— Op. 7. Quintette pour piano, deux violons, alto et violon-
celle, net
— Op. 9. Caprice pour piano
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SOMMAIRE. — Études sur Charles-Marie de Weber (troisième partie, H' ar-
ticle), par Edmond IVenkonun. — Théâtre de l'Athénée: les llorrews
de la guerre. — Revue des théâtres, par D. A. D. Siaiiit-lTtes. —
Entrefilets. — Nouvelles des théâtres lyriques. — Nouvelles diverses. — An-
nonces.
ETUDES SUR CHARLES-ffiÂRIE DE WEBER.
D'après la blograpble écrite par son flls.
TROISIEME PARTIE.
(11" article) (1).
Le temps était on ne peut plus mal choisi pour l'apparition
d'Euryanthe à Vienne. L'engouement du public pour l'opéra
italien était à son comble dans cette ville, et les maîtres allemands,
Beethoven en tête, relégués dans les salles de concerts, avaient
dû s'incliner devant le sceptre tout-puissant de Rossini, écrasés
qu'ils étaient surtout par l'interprétation merveilleuse de ses œu-
vres préférées. La troupe réunie alors à Vienne pouvait en effet
passer à juste titre pour la plus remarquable qu'on eût possédée
jusque-là. Weber lui-même, qu'on n'accusera pas de complai-
sance à l'endroit des Italiens, s'en montre émerveillé: d Vois-tu,
écrit-il à sa femme au sortir d'une représentation du Matrimonio
segreto, vois-tu, je n'ai pas encore vu une paire d'artistes comme
la Fodor-Mainvielle et Lablache. C'est la perfection la plus pure;
c'est ce que la nature a pu faire pour les voix de plus sublime et
déplus grand ; c'est tout, tout ce qu'on peut exiger de deux artistes.
J'étais ému au possible et la Fodor a chanté si merveilleusement
un air intercalé, que, j'en suis sûr, si elle chantait Euryantlie, on
en deviendrait fou. Quel sentiment! quelle passion ! et avec cela
comme elle est toujours maîtresse de ses moyens d'action ! . . . Il
est heureux que mon opéra soit retardé, car du moins l'opéra
italifa sera un peu sorti de leurs oreilles. »
Pour expliquer cette phrase, il est bon de dire que la saison
italienne touchait à salin, et que l'opéra allemand, qui lui succé-
(1) Voir les n" 18, 21, 23, 25, 28, 31, 36, 39, të et 49.
394
HEVUE ET GAZETTE MUSICALE
(lait, devait s'ouvrir peu de temps après par un ouvrage de Riotte;
Euryanlhe était inscrit pour être représenté en second. C'est en
effet le 2S octobre seulement que ce chef-d'œuvre fit son appari-
tion à Vienne.
Nous ne suivrons Weber, pendant le temps qui sépare le jour
de son arrivée à Vienne de cette date, que dans les circonstances
se rapportant directement à l'étude et à la représentation à'Eu-
ryanthe, bien que son séjour, dans cette capitale, ait été marqué
par mille incidents qui appartiennent à sa biographie; il nous
suffira de dire que les ennuis ne lui manquèrent pas, là comme
ailleurs, et que notamment, sa collaboratrice, Mme de Cbezy, ne
lui laissa pas un moment de repos, l'obsédant sans cesse de ses
exigences pécuniaires aussi peu édifiantes que mal fondées. A un
autre point de vue, il serait intéressant de passer en revue les
grands artistes avec lesquels il se trouva en rapport; mais le temps
nous presse, et pour arriver à compléter cette étude dans les
'imites fixées, il faut que nous sacrifiions impitoyablement tout ce
qui n'est pas du ressort immédiat de la vie artistique de Weber.
Ici se place cependant une circonstance que l'on lie saurait
passer sous silence, nous voulons parler de la rencontre de Bee-
thoven et de Weber qui a été si étrangement appréciée par les
biographes de l'auteur de Fidelio. Nous la rétablissons dans
toute sa vérité d'après le témoignage de Bénédict, qui accompa-
gnait Weber dans sa visite à Bade, près Vienne, où le vieux lioti
vivait retiré.
Jusqu'à l'époque où le Freyschiitz fit son apparition, Beethoven
avait tenu Weber en médiocre estime. Aussi se montra-t-il fort
étonné lorsqu'il parcourut cette partition : « Eh ! mais, dit-il,
ce beau muguet, je ne l'aurais jamais cru capable de cela ; il faut
maintenant qu'il écrive des opéras, de vrais opéras, opéra sur
opéra. » Et après le second finale: « C'est bien, mais j'en suis
tout abasourdi, je vois bien ce qu'a voulu Weber, mais il y a
fourré^toutes sortes de diableries; quand je parcours ce finale, —
là, surtout à la chasse infernale, — je ris malgré moi ; et pour-
tant il est dans le vrai ; » puis il ajouta, avec un long soupir :
« Il faut entendre cela, — seulement l'entendre. »
Le cœur battait à Weber et à son élève Bénédict, quand ils en-
trèrent dans la chambre où se tenait le grand maître, et là quel
spectacle s'offrit à leurs yeux? Un désordre effroyable; par terre,
pèle mêle de la musique, des effets, de l'argent ; sur le lit, sale et
défait, du linge empilé; le piano, couvert de poussière; sur la
table, une cafetière cassée. Quant au maître du logis, voici le
portrait qu'en a laissé Bénédict : «Il nous apparut, dit-il, comme
le roi Lear ou les bardes ossianesques : les cheveux gris, épais,
échafaudés sur la tête, par places entièrement blancs ; le front et
le crâne extraordinairement bombés ; le nez carré comme celui
d'un lion; la bouche noble et agréable; le menton large et une
mâchoire à casser les noix les plus dures; une couche de rouge-
brun recouvrait sa face grêlée ; enfin, sous des sourcils touffus et
se rejoignant, de petits yeux brillants [mais pleins de douceur. »
Beethoven reconnut de suite Weber ; il le serra dans ses bras
s' écriant : « Eh! te voilà donc, mon gaillard; car sais-tu que tu
es un fameux gaillard; sois le bien-venu. » Puis il lui tendit son
ardoise et la conversation s'établit. Tout en causant, le vieux
maître, jetant à terre la musique qui encombrait le sopha, se mit
en devoir de s'habiller sans cérémonie devant ses visiteurs. Beetho-
ven se plaignit amèrement de la position qui lui était faite; il dé-
clama contre toutes choses : contre les directeurs de théâtres,
contre les entrepreneurs de concerts, contre le public, contre les
Italiens, contre le goût du jour, et surtout contre l'ingratitude de
son neveu. Weber lui conseilla de faire une tournée artistique en
Allemagne pour se rendre compte de ce que le monde pensait
de lui. — « Trop tard, » répondit Beethoven en faisant le mouve-
ment de jouer du piano.
« Eh bien, reprit Weber, allez en Angleterre où chacun vous
admire.
— Trop tard, trop tard,» répéta Beethoven, en passant son bras
sous celui de Weber pour l'emmener dîner à l'auberge où il pre-
nait ses repas. Le dîner fut très-gai; Beethoven se montra d'une
joie tout à fait insolite. La conversation ne tarda pas, comme on
pense, à tomber sur Euryanthe; Beethoven s'informa du libretto,
et, comme Weber faisait la moue : « C'est toujours la même chose,
fit-il avec un gros rire, les poètes allemands ne savent pas faire
un libretto.
— Cependant Fidelio? interrompit Weber.
— L'original est français^ il a été traduit en italien d'abord, et
ensuite en allemand.
— Et quels libretti tenez-vous pour les meilleurs?
— Ceux de la Vestaleet du Porteur d'eau, » répondit sans hésiter
Beethoven.
Weber ne se faisait plus, à cette époque, aucune illusion sur le
poëme d' Euryanthe ; les faiblesses lui en apparaissaient davantage au
fur et à mesure que les travaux des répétitions avançaient. En
effet, la première fois que Weber lut l'ouvrage aux artistes, ce fut
un déluge d'observations et de demandes d'éclaircissements, qui ne
fit que s'accroître aux répétitions suivantes; malheureusement, il
n'était plus temps d'introduire des changements, et l'on se rappelle
d'ailleurs que le poëme tout entier n'avait pas été remanié moins
de neuf on dix fois.
Dans les premiers jours qui avaient suivi son arrivée ci Vienne,
Weber avait fait la distribution des rôles : les excellents chanteurs
Leipoldt, Haitzinger et Forti devaient représenter le roi, Adolar
et Lysiart; chacun se montrait fort content de la tâche qui lui
incombait. Moins satisfaite était Mme Grunbaum, à laquelle était
échu le rôle d'Églantine; et comme ce n'était pas celui qui don-
nait le titre à la pièce, elle voulait que l'on changeât ce titre.
Restait Euryanthe... Un jour que l'on avait demandé à Weber
pour qui il a\'ait composé ce rôle, il avait répondu : « Pour Eu-
ryanthe ! » Malgré cette réponse, il est cependant permis de pen-
ser qu'il avait en vue, en le composant, la cantatrice Charlotte
Unglier, qui l'avait fortement impressionné lors de son premier
voyage. Dans l'intervalle, on lui avait proposé la jeune Henriette
Sontag, qui venait de débuter avec succès à Vienne. On se rap-
pelle l'opinion peu flatteuse qu'avait émise d'elle Weber, après
l'avoir entendue vers la même époque à Prague ; aussi ne se
montra-t-il tout d'abord que très - médiocrement disposé à
lui confier le premier rôle de son nouvel ouvrage, et ce choix
parut- il d'autant plus étrange, quand il l'eut ratifié; le bon
public ne manqua pas de dire que c'était parce que le maître
était amoureux de la débutante. Weber étudia donc avec soin ses
moyens avant de se décider, et, en vérité, il ne la reconnut
pas tout d'abord, tant ses progrès tenaient du merveilleux. Dans
Don Juan, où elle jouait, avec un égal succès, tantôt le rôle de donna
Anna, tantôt celui de Zerline, elle le ravit; puis, l'ayant entendue
dans la Donna del Lago, son parti fut pris : dès le lendemain, il se
rendit chei elle, sa partition sous le bras et lui chanta le rôle
qu'il lui destinait; cette première entrevue acheva de le décider.
« La mère et la fille, écrit-il à sa femme, se sont montrées très-
émues; les larmes ont coulé, et ma foi, moi, vieille bête, qui ai
pourtant fait la chose, cela m'a remué aussi. »
Le rôle d'Euryanthe fut le commencement de la fortune d'Hen-
riette Sontag. On sait quelle carrière brillante parcourut cette
grande cantatrice, dont le nom et la gloire ont rempli l'univers.
Il n'y eut pas moins de dix-sept répétitions d'Eurtjanthe, du-
rant lesquelles Weber ne perdit pas un seul instant courage.
DE PARIS.
395
malgré ses appréhensions au sujet du libretto. Ses lettres témoi-
gnent de son contentement ainsi que du zèle montré par tous ses
interprètes; il ne tarit pas d'éloges à l'endroit des chœurs et de
l'orchestre ; en un mot il paraît sûr de vaincre. — Heureuse con-
fiance! car le public viennois, alors sous le charme du plus
grand enchanteur de la Péninsule, le public viennois si élégant,
si grand seigneur, si folâtre dans ses goûts et dans ses amusements,
devait paraître bien autrement difficile à persuader que celui de
Berlin ! — Heureuse insouciance, dirons-nous encore ! Car dans la
ville on ne se faisait pas faute de clabauder par avance sur le
mérite de l'œuvre qui était très-discuté par les musiciens admis aux
répétitions, à la tête desquels nous voyons à regret figurer le grand
Franz Schubert.
On critiquait aussi beaucoup, — et l'on n'avait pas tort, — la lon-
gueur de l'ouvrage, et les beaux-esprits proposaient déjà de chan-
ger le titre d' Euryanthe contre celui d'Ennuijante. Heureusement,
Weber n'entendait pas ou ne voulait pas entendre ce qui se disait
dans les ruelles; il savait qu'il pouvait compter sur la partie intel-
ligente du public, ainsi que sur la presse qui lui était toute dé-
vouée, cela lui suffisait, et puis, il savait surtout qu'il pouvait
compter sur son œuvre même, dont il estimait les beautés à leur
valeur.
Aussi est-ce sans crainte qu'il vit arriver la date du 25 octobre,
fixée dès longtemps. Deux heures avant la représentation, il écri-
vait une longue lettre, qui se termine par ces mots: « Je suis dans
cet état qui résulte de l'attente des choses, quand bien même on
est assuré, comme je le suis, d'une heureuse solution. Car enfin,
le ciel m'a favorisé jusqu'à ce jour; mon étoile a eu sa bonne
portion d'éclat. Donc je compte sur le bon Dieu et sur Eu-
ryanthe. »
C'est dans cette disposition d'esprit qu'il se rendit au théâtre,
où peu d'instants après devait s'engager la plus émouvante partie
qui eût marqué sa vie d'artiste.
Edmond NEUKOMM.
(La suite prochainement.)
THEATRE DE L'ATHÉNÉE.
l.i:« HORREURS DE I.A dUERBE,
Opéra-bouffe en deux actes, paroles de M. Philippe Gille,
musique de M. Jules Costé.
(Première représentation le 9 décembre 1868.)
Cette pièce n'était pas précisément une nouveauté pour les trois
quarts des spectateurs qui assistaient à sa première représentation.
L'Union des Arts en eut la primeur, et pius tard Mme la princesse
de Beauvau en fit la principale attraction d'une soirée consacrée
à une œuvre de bienfaisance. Les amis de M. Jules Costé se re-
trouvaient donc en nombre mercredi, au théâtre de l'Athénée, où
devait avoir lieu cette fois une épreuve décisive ; disons de suite
qu'elle a été tout à l'avantage des auteurs.
La pièce de M. Ph. Gille a le mérite d'être courte et de faire
rire. Ce sont de ces sujets qui ne se racontent pas, il faut les voir
et les entendre. Deux caricatures de princes allemands, un peu
cousins de la grande-duchesse de Gérolstein , sont voisins.
L'un possède 136 sujets, l'autre 137 ; mais le duc Cédéric est
marié et le duc Ernest est garçon. Or, celui-ci chasse sur les terres
conjugales de son voisin : inde hélium. Seulement, cette guerre ne
fera pas couler beaucoup de sang ; car les deux adversaires n'ont
pas plus envie l'un que l'autre de se rencontrer, et ils y réussis-
sent en prenant un chemin différent pour envahir chacun de son
côté le domicile ennemi et y faier main basse sur le mobilier.
Seulement, la part du duc Ernest a été la plus riche puisqu'il s'est
cmpai'é de la duchesse Frédérique. La paix se fait à la condition
que la duchesse sera rendue, — plus ou moins intacte, — à son
auguste époux.
M. Jules Costé est un "musicien amateur,' es qui ne veut pas dire
qu'il n'ait tous les droits possibles au titre d'artiste expérimenté
et consciencieux. Il y a déjà plusieurs années qu'il a fait ses preu-
ves, et nous avons souvenance d'une certaine polka intitulée le
Carillon de Nancy, qui eut un très-franc succès aux concerts
Musard de l'hôtel d'Osmont, et dont l'effet était doublé par un
accompagnement obligé de cloches. Ce n'était qu'un début origi-
nal et plein de promesses. Depuis, M.Jules Costé a fait de sérieuses
études; son talent s'est développé, et les Horreurs de la guerre
nous ont révélé un compositeur avec lequel il faudra désormais
compter. Sa manière est simple, facile, exempte de prétentions;
son style est élégant, et sa mise en œuvre décèle une connais-
sance parfaite des ressources de l'harmonie. Il possède en outre
l'instinct de la scène, et l'art peu commun de restreindre ses dé-
veloppements dans des limites raisonnables. Aucune longueur
n'entrave la marche de sa partition.
Une introduction gracieuse, de quelques mesures seulement,
précède le lever du rideau , et la pièce s'ouvre par un morceau
d'ensemble habilement agencé, dans lequel les habitants des deux
principautés célèbrent les douceurs de la paix, du repos et de la
promenade à l'ombre des grands arbres. Celte entrée en matière
est excellente, et se complète par un morceau de nature différente,
où ces mêmes peuples boivent de la bière avec leurs sou\erains à
la perpétuité de la concorde qui règne parmi eux ; il y a là une
phrase enlevée par la duchesse de Nihilbourg et répétée par les
autres femmes qui est d'une hardiesse entraînante. Comme contraste,
nous avons ensuite des couplets pleins de charme et de sentiment
sur cet adage si connu : Une chaumière et Ion cœur. Il est \Tai
que Mlle Van-Ghell, qui joue le rôle de la duchesse, les fait valoir
avec une rare perfection. Le morceau final du premier acte, une
véritable trouvaille, dans le genre bouffe, est chantée tour à tour
par les hommes des deux duchés, sur ces mots : Nous avons des
fusils se chargeant par la culasse, et les femmes s'y unissent par
une sorte de prière de l'effet le plus heureux et le plus comique.
C'est le morceau capital de la pièce.
Au deuxième acte, nous citerons un chœur de femmes sur le
thème de l'introduction^ un duo d'amour, parodie spirituelle des
duos généralement donnés par cette situation, et une délicieuse
valse, chantée en forme de récit par la duchesse sur ces paroles :
// était nuit. La reprise du chœur Nous avons des fusils, termine
de la façon la plus heureuse ces horreurs guerrières pour rire.
A la première représentation, presque tout les morceaux ont été
bissés, notamment ceux chantés par Mlle Van-Ghell. C'est qu'en
réalité, il est difficile d'être plus complètement attrayante que
cette nouvelle étoile ; tout en elle séduit et entraîne.
Que dire de Léonce dans le rôle du duc Ernest de Microbourg?
c'est toujours le comédien bizarre et imprévu que vous savez. 11 a
pour compère dans le personnage du duc de Nihilbourg, un ac-
teur soigneux, un chanteur agréable du nom de Luce, qui lui
donne merveilleusement la réplique. Il faut les voir tous les deux,
à chaque moment d'effusion, s'attacher sur la poitrine une dé-
coration tirée d'une. petite boîte, et, quand la boîte est vide, aller
en chercher dans l'uniforme de leurs courtisans.
N'oublions pas, dans les rôles secondaires, Mlle Bonelli, mieux
partagée ordinairement, ainsi que Brice et Niveleau qui représen-
tent deux armuriers, dans lesquels on a cru deviner une inten-
tion Chassepot.
Nous serions surpris si l'Athénée ne tenait pas un succès, et
396
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
nous ajouterons qu'il sera mérité par la manière dont les Horreurs
de la guerre ont été montées ; les costumes et les uniformes alle-
mands constitueraient à eux seuls un véritable attrait de curiosité.
D.
REVUE DES_THÊÂTRES.
Vaudeville : Miss MuUon; Autour du lac; le Petit Voyage. —
Palais-Royal : le Roi d'Amatibou. — Porte-Saint-Martin : la
Dame de Monsoreau. — Folies-Marigny : A la barque! A h,
barque !
Le Vaudeville n'y va pas de main morte ; d'un seul coup, il a
renouvelé son affiche, par l'exhibition de trois pièces nouvelles,
dans une même soirée. La plus importante a trois actes et s'ap-
pelle Miss Multon. C'est un drame dont les situations n'offrent
guère de variété, mais se résument dans un sentiment maternel,
fort apprécié des masses et principalement de leur portion
féminine. M. Maurice Delatour n'a pas eu à se louer de sa pre-
mière femme, qui est pai'tie en lui laissant deux enfants, ce qui
ne l'a pas empêché d'en prendre une seconde, lorsqu'on est venu
lui apprendre que le n° 1 avait péri dans la traversée des Etats-
Unis. Mais c'était un faux bruit; Fernande n'est pas morte, et,
après quelques années d'absence et de remords, elle a été prise
de la nostalgie du ménage, ou plutôt de la maternité; sachant
que Maurice a contracté de nouveaux liens, elle ne songe pas un
seul instant à les faire rompre. Elle n'a qu'un but, c'est de se
rapprocher de ses enfants, et pour cela elle se présente au foyer
conjugal sous le nom de miss Multon, et s'y fait accepter comme
gouvernante. Est-elle tout d'abord reconnue par soa mari ? C'est
ce que nous ne saurions affirmer. Un vieux professeur est le seul
être de la maison qui soulève son masque et qui cherche, mais
vainement, à l'éloigner. Fernande a retrouvé son cœur de mère,
et elle ne peut se résoudre à abandonner encore une fois ses
enfants. D'un autre côté, il y a un bien grand danger pour elle à
affronter chaque jour le spectacle du bonheur de la rivale qui lui
a succédé dans les affections de Maurice. Un moment arrive où
elle est prête à éclater et à revendiquer ses dj-oits d'épouse. Mais
alors Maurice n'hésite plus; il accepte la déclaration de Fernande;
seulement il exige que, pour reprendre sa place, elle révèle elle-
même à ses enfants les causes terribles qui la lui ont fait perdre.
Il n'en faut pas davantage pour ramener Fernande à la raison et
pour la décider à reprendre la route de son exil.
On devine tout le parti qu'une habile comédienne peut tirer de
ce rôle de femme coupable, et, malgré tout, de mère intéressante.
Mlle Fargueil a dépassé, sous ce rapport, ce qu'on était en droit
d'attendre de son talent et de sa haute intelligence. Aussi, est-ce
à elle seule qu'il faut attribuer l'empressement du public à adop-
ter Miss Multon . Ce n'est pas la pièce de MM. Nus et Belot qu'on
applaudit, c'est l'actrice, et jamais Mlle Fargueil n'a obtenu un
triomphe plus mérité.
On joue avant Miss Multon, au lever du rideau, une petite co-
médie sans prétention, intitulée Autour du lac. Encore une
femme du inonde qui est prise pour une cocodette et qui se venge
du quiproquo en mystifiant son adorateur de rencontre. Un débu-
tant du nom de Vérat, a réussi dans cette bluette, à côte de Saint-
Germain et de Mlle Lovely.
Le spectacle se termine gaiement par une pochade de M. Labi-
che, basée sur la manie britannique des nouveaux ménages qui,
en sortant de l'église, montent dans une chaise de poste et ac-
complissent un Petit voyage, au hasard du chemin de fer et des
auberges de province. Les tribulations piquantes de Saint-Germain
et de Mlle Davril sont assaisonnées par un rôle narquois de valet,
dans lequel Ai'nal est d'un comique achevé.
M. Labiche n'a pas été aussi heureux avec le Roi d'Amatibou,
dont la représentation a provoqué une véritable tempête au théâtre
du Palais-Royal. Nous n'avons donc pas à nous occuper de cette
triste cocasserie, si ce n'est pour constater que directeurs et auteurs
ont fait acte de déférence envers le public, en la supprimant
après la troisième épreuve et en la remplaçant par la Cagnotte.
— A la Porte-Saint-Marlin, la reprise de la Dame de Monso-
reau atteint chaque soir le maximum des recettes, comme si
c'était la Biche au bois. Ce retour de faveur au profit du
drame historique est d'ailleurs justifié par le soin extrême que
M. Raphaël Félix a déployé dans la mise en scène de la pièce
de MM. Alexandre Dumas et Maquet. Et puis le rôle de Chicot est
un des meilleurs de la riche cargaison de Mélingue. Quelle re-
vanche de Cadiol Les autres personnages ne sont pas moins bien
distribués cette fois. Maurice Coste représente dignement le roi
Henri III ; Charles Lemaître a de bons moments dans Bussy, ainsi
que Charly dans le duc d'Anjou. Brésil est irréprochable sous le
harnais du sire de Monsoreau; le moine Gorenflot semble avoir
été créé et mis au monde pour ce brave Laurent. Enfin, la
Dame de Monsoreau est convenablement tenue par Mlle Léonide
Leblanc.
— Pour inaugurer sa prise de possession du petit théâtre des
Folies-Marigny, M. Montaubry avait convoqué, l'autre soir, toute
la presse à une représentation extraordinaire de sa nouvelle
revue, qui a été offerte le lendemain au public véritable, sous le
titre de : A la barque! A la barque! Malgré nos préventions
pour ces sortes de pièces, dont le règne commence à passer, nous
sommes forcés de convenir que celle-ci remplit toutes les condi-
tions voulues pour galvaniser le succès au delà des bornes les plus
invraisemblables. Les dix tableaux dont elle se compose sont
pleins de surprises ingénieuses et de plaisanteries spirituelles. Il
n'y a pas de revue sans compère ; c'est à l'ancien directeur
Montrouge qu'est dévolue cette tâche dont il s'acquitte à merveille
en compagnie de Mlle Marie Jolly. Dans le défilé des curiosités du
jour, nous citerons aussi Mme Macé-Montrouge, au jeu si entraî-
nant, Mlle Bade qui dit à ravir la jolie musique de M. Léveillé et
Paul Legrand qui parodie Hervé-Chilpéric de la manière la plus
amusante. Ajoutons à la louange de M. Montaubry, que son ballon
d'essai ne laisse rien à désirer, au point de vue de la richesse et
du bon goût.
D. A. D. SAINT-YVES.
A notre grand regret, le défaut d'espace nous force à remettre
à dimanche prochain une réponse que nous recevons de M. Ge-
vaert à la note de M. Fétis publiée dans notre n° 48.
Nous avons publié la note rectificative par laquelle le Moniteur
universel, réparant l'omission commise dans le Catalogue officiel
de l'Exposition de 1867, au préjudice de la maison Philippe H.
Herz neveu et Cie, constatait que cette jeune maison était la seule,
en France, qui eût obtenu la médaille d'or pour la perfection et la
supériorité de ses instruments.
A l'époque de l'inauguration de ses salons de la rue Scribe,
en 1864, la presse avait été unanime à reconnaître, avec tous les
artistes, les progrès énormes que le chef de la nouvelle manufac-
ture venait de réaliser dans la fabrication des pianos , et l'admi-
j.ation provoquée alors par ses produits faisait facilement prévoir la
victoire remportée à l'Exposition de 1867.
Dans cette industrie de la fabrication des pianos, qui a pris tant
d'extension depuis quelques années, cinq médailles d'or seulemen
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DE PARIS.
397
ont été accordées par le jury international : deux à la facture
américaine, une à l'Autriche, une à l'Angleterre, une enfin à la
facture française, décernée à M. Philijjpe H. Hcrz neveu et Cie.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
»** Le théiltrc impérial de l'Opéra a donné lundi et mercredi les Hu-
guenots ; vendredi liainlet. - Aujourd'hui rcprésenlation extraordinaiio
de Guillaume Tell.
t*^ Faust, interprété par Mlles Nilsson et Mauduit, Faure, Colin et
Devoyod, va entrer en répétition, et on espère qu'il pourra Cire donné
en février prochain. — Avant son départ pour Rome, M. Gounod a re-
mis à. M. Perrin la musique du divertissement qui sera exécuté pendant
la nuit de Walpurgis et aussi celle d'un nouveau morceau ajouté au rôle
de Méphistophélès.
^% En attendant le Vert-Vert d'Offenbach, la direction du théâtre de
rOpéra-Comique se propose de reprendre Jagnarila d'Halévy. — La
semaine prochaine aura lieu la représentation à bénéfice due à
Mme Ugalde. La célèbre cantatrice s'y montrera dans les rôles qui
furent le plus à son avantage.
^*^ Mme Adelina Pat'i a pu enfm reparaître hier dans Rosine d'/i Bar-
hiere: inutile de dire comment la diva a été reçue par un public en-
thousiaste, qui, malgré une augmentation de prix, remplissait la salle
jusqu'aux combles. — Espérons pour M. Bugier que la santé de la
célèbre cantatrice lui permettra de donner sans interruption les quelques
représentations dont ses admirateurs ont encore à jouir avant son départ
pour la Russie. — Mardi et jeudi la direction a suppléé à son absence
parle Trovatore et Riç/oletto. C'est Mlle Krauss qui la remplaçait dans le
rôle de Gilda. — N'eus n'aurons pas le mauvais goût et nous ne commet-
trons pas la maladresse d'établir des comparaisons. Elles sont toujours
malséantes et souvent désagréables. On ne compare, d'ailieurs, que deux
choses homogènes, deux talents de la même nature. Nous redirons seule-
ment, car nous l'avons déjà dit, i[ue Mlle Krauss est une excellente mu-
sicienne. C'est ce qui lui permet d'aborder tous les rôles, depuis Sémi-
rainis jusqu'à Piccolino (qu'elle va bientôt créer dans l'opéra de MM. Sar-
dnu et de Lauzières, n)usique de Mme de Grandval). Elle sait chanter,
et sa voix est souple et étendue; elle sent ce qu'elle chante, et sait trou-
ver des accents dramatiques. Le seul tort qu'a eu la direction, a été
de l'engager cinq ou six ans trop tard. Quoi qu'il en soit, on l'a
vivement applaudie dans le rôle de Gilda, et elle y a été parfaitement
secondée par tous ses partenaires. .
**^ C'est à partir de la semaine prochaine que Tamberlick commen-
cera ses représentations ; à la Gn du mois débutera Mlle Minnie Hauck,
et le 10 janvier Mlle de Murska se mettra à la disposition de -M. Bagier.
*% Le théâtre Lyrique s'occupe avec activité de Don Quichotte, dans
lequel un jeune artiste, nommé Giraudet. créera le rôle du Chevalier de
la Manche. Ricnzi est également à l'étude.— En attendant, le Val d'An-
dorre, le Barbier et Iphifjénic forment un répertoire qui attire le public.
— L'exécution à^Iphigénie a beaucoup gagné depuis son apparition.
^** Le théâtre des Bouffes-Parisiens vient de faire débuter, dans Lis-
chen et Frilzchen, une artiste jeune et accorte, Mme Rayniande, qui pa-
raissait pour la première fois sur le théâtre. Mme Raymonde n'a qu'à
se féliciter de l'accueil encourageant qu'elle a reçu. Le rôle de Fritzchen
est une des bonnes créations de Désiré, qui y fait preuve d'excellente
bouffonnerie. — La semaine prochaine, passera sans doute la pièce de
MM.do.Xajac et Detfès. — Pour les débuis de Hamburger, on donnera une
bouffonnerie de MM. .laime et Gille, musique de Léo Delibes, et c'est
dans un nouvel ouvrage d'Offenbach, en collaboration avec MM. Meilhac
et Halévy, la Diva, que reparaîtra Mlle Schneider à ce théâtre.
»% M. Sauvage vient de traiter, avec M. Martinet, pour faire jouer
sur son théâtre Gille Ravisseur, de Grisar, dont il a é^rit le poëme. Cet
ouvrage qu'on n'a pas entendu depuis plu^ieurs années, sera revu
avec plaisir aux Fantaisies-Parisiennes.— Léopold Ketten, le jeune ténor
qu'on a entendu au théâtre italien, a été engagé à ce théâtre, pour
créer, dans l'opéra de Ricci, le principal rôle destiné d'abord au ténor
Nicot. — M. Martinet avait également annoncé le Toréador; mais la di-
rection du théâtre de l'Opéra-Comique, qui le donnera mardi, l'nyant joué
depuis moins d'un an et un jour, lui en interdit judiciairement la re-
présentation.
*'.j L'Eldorado passe définitivement à l'état de théâtre. Après te Sou-
per d'Arlequin, \oici qu'on y donne l'Hisluire d'un Sou, vaudeville de
Clairvilliï et Lambert Tliiboust, joué il y a quelques années au Palais-
Royal, et que M. Léon Roques vient de transformer en opérette en y
adaptant une fort jolie musique de sa composition.
»*^ Plusieurs directions théâtrales de province traversent en ce mo-
ment de rudes épreuves par suite des exigences déraisonnables et tou-
jours croissantes du public, exigences qui se traduisent par des violences
et des brutalités inqualifiables. Elles ont été si loin à Toulouse que l'au-
torité a dû fermer le théâtre du Capitole, et qu'à IJijon et ailleurs pareils
excès cniraiiieiont sans doute pareilles mesures.
^*, Ou nous écrit de Bordeaux : « Le directeur de notre Grand-Théâtre
compte autant de succès que de repré.sentations. Au nombre des plus
accentués il faut mentionner Martiui; chaque fois que l'opéra si mélo-
dieux de Flolow est annoncé, les bureaux de location ne désemplissent
pas et on renvoie du monde.— La pièce est d'ailleurs interprétée d'une
façon hors ligne par Mlle Baretti et Peschard, qui recueillent tous les
soirs des bravos aussi chaleureux que légitimes. »
*'•* On lit dans le Guide musical de Bruxelles : « La reprise de l'Afri-
caine vient d'avoir lieu sur notre scène lyrique avec le plus brillant
succès. En attendant que nous en parlions avec détail, bornons-nous à
constater que .Mme Franchino, une débutante, chargée du rôle d(; Sélika.
s'est montrée à la hauteur de .sa tâche, et qu'elle a reçu du public un
excellent accueil. Ajoutons que M. Warot, qui abordait pour la première
fois, à Bruxelles, le rôle de Vasco de Gama, un de ses succès de Paris,
en a vaillamment surmonlé toutes les difficultés. Jamais le duo du qua-
trième acte n'avait été aussi bien chanté à Bruxelles. Les artistes ont
été chaleureusement applaudis et rappelés à la chute du rideau. »
*** On nous écrit de la même ville que la l™ représentation de la
Périchole, montc'e avec le plus grand soin par M. Delvil, a obtenu un
succès fou sur le théâtre des Galeries-Saint-Huhert. Mme Delvil a été
ravissante dans le rôle de la Périchole, et l'on n'a cessé depuis le com-
mencement jusqu'à la fin d'applaudir la musique du maestro et de
ses interprètes. Les couplets : Les femmes, les femmes, ceux de l'I-
vresse; la complainte -.11 grandira; la lettre de la Périchole, n'ont pas
produit moins d'effet qu'à Paris. C'est une suite longue et assurée de
représentations fructueuses pour M. Delvil.
*** On mande de Madrid que le départ de Tamberlick va porter le
dernier coup au théâtre de POriente, dont la situation, par suite des af-
faires politiques , était déjà fort précaire. — Mme Gueymard se pré-
parait à retourner à Paris.
*'^. Les recettes des théâtres subventionnés, théâtres secondaires, con-
certs, cafés-concerts, etc., ont atteint dans le mois de novembre le chiffre
de 1,783,151 fr. 10 c.
NOUVELLES DIVERSES.
^** Le concert populaire de dimanche derniers'ouvraitparlamagnifique
ovtverhne d'Athalie, de Mendeissohn, dont l'effet a été très-grand, comme
d'ordinaire. La symphonie en fa de Beethoven, qui venait ensuite, a dû au
charme irrésistible qui y règne d'un bout à l'autre, d'être applaudie, quoique
les mouvements en aient été certainement trop précipités. Cette accélération
s'est fait surtout remarquer dans le ravissant allegretto scherzando qu'on
a néanmoins bissé avec acclamations.— On a fait le meilleur accueil au
fragment de la symphonie inachevée en si mineur de Schubert (déjà
exécuté l'année dernière), une des plus heureuses et des plus poétiques
inspirations de ce maître chez qui la fibre sentimentale devait être bien
vivace et bien vraie, puisque, dans son œuvre immense, dont peu de
parties sont réellement faibles, il intéresse constamment par elle seule
et, pour ainsi dire, sans l'aide de la science qu'il ne s'était pas donné le
temps d'acquérir.— M. Heymann, un tout jeune homme, élève d'Alard et
lauréat des derniers concours du Conservatoire, a exécuté le premier allegro
du huitième concerto de Rode avec beaucoup de pureté et de justesse,
et un son très-joli quoique un peu faible; mais il paraît assez bien or-
ganisé pour gagner sous ce rapport. — Une tempête comme le Cirque
n'en avait pas encore vu a été soulevée par le prélude du Lohengrin de
Wagner, dont le bis était demandé par une fraction de l'auditoire, tandis qu'il
était repoussé par l'autre. Après avoir vainement essayé de le faire ré-
péter, M. Pasdeloup, que le sang-froid a abandonné un instant, a pro-
noncé quelques paroles intempestives, sans doute, mais dont la conclu-
sion, très-raisonnable du reste, renvoyait à la fin du concert la répé-
tition du morceau contesté, ce qui laissait aux opposants la faculté de
l'entendre ou de s'en aller. Espérons que ces regrettables conflits ne se
reproduiront plus!
„:*« Aujourd'hui dimanche à 2 heures, dans la salle du Conservaloire,
a lieu le premier concert de la Soci('té des concerts; il sera dirigé par
Georges Hainl, et en voici le programme: 1° symphonie en fa, de M.
Gouvy ; — 2" 98" psaume (double chœur), de Mendeissohn ; — 3° ada-
gio du septuor, de Beethoven, exccuié par deux clarinettes, deux cors,
deux bassons et tous les instruments à cordes; — i" chœur des Pèle-
rins du TannhaU-er, de R. W^igncr; — S' .symphonie en ut majeur, de
Beethoven .
,^*^ Voici le programme du neuvième concert populaire de musique
classique, qui aura lieu aujourd'hui à '2 heures au cirque Napoléon,
sous la direction de M. J. Pasdeloup : 1" symphonie en la mineur de
Mendeissohn ; — 2" adagio du 36° quatuor d'Haydn , exécuté par tous
15EVUE lîT GAZETTE MUSICALE
les instruments à cordes; — 3° ouverture de Léonore. (n" 3), de Beetho-
ven ; — -4° concerto en sol mineur pour piano, de Saint-Saijns (andante
soslenuto, sclierzo), exécuté par l'auteur (première audition); — S" ou-
verture d'06eron, de Weber.
*** Mardi dernier, la salle Sax s'est ouverte pour la première fois
aux soirées intimes et artistiques dirigées par Mlle Virginie Huet et
M. d'Ernesti, pianistes. Un public d'élile, des artistes d'un mérite re-
connu, l'exécution d'œuvres intéressantes, permettent de bien augurer
de l'avenir de cette entreprise. La seconde et la troisième soirée sont
fixées aux mardis 1 3 et 29 de ce mois.
*** Mme Pierson-Bodin a donné, dimanche 29 novembre, sa première
matinée musicale, avec le concours d'excellents artistes et devant un bril-
lant auditoire. Un sextuor de Mme Farrencpour piano et instruments à
vent, a été interprété à la perfection par Mme Pierson, MM. Taffanel,
Lalliet, Turban, Schlottmann et Verroust. M. Ad. Lebrun, dans une so-
nate de Haydn avec Mme Emile Louis; M. Schlottmann, dans un solo de
cor délicieux; MM. Lalliet et Taffanel, dans un duo pour hautbois et
flûte sur Guillaume Tell; Mlle Carmen Munoz dans une chanson espa-
gnole d'Yradier, ont proi'oqué les plus vils applaudissements.
*** Dimanche prochain, 20 décembre, à huit heures du soir, dans la
grande salle de la Sorbonne, concert au profit de l'insiitut de la Provi-
dence. On y entendra, pour la partie vocale, Mlle M. Bruneili, M. Ma-
rochetti, etpour la partie instrumentale Mlle Valérie Janscn, MM. Sara-
sate et Jules Lasserre.
»** M. Dorus, professeur de flOite au Conservatoire, a donné sa démis-
sion pour raison de santé. 11 est remplacé par M. Allés.
^*^, Mlle Minnie Hauck et Capoul viennent d'être engagés pour chan-
ter dans un grand concert donné par le Cercle du Nord à Lille.
^*^ Mme Adelina Paiti vient d'offrir à la tombola des Artistes dra-
matiques une magnifique coupe d'argent ciselé de la maison Barbedienne.
*** M. Cappa, musicien espagnol distingué, auteur de nombreuses com-
positions fort appréciées par delà les monts, est en ce moment à Paris .
,^'*,p . L'éditeur Colombier vient de mettre en vente la musique du Pe-
lit-Poucet, se composant des airs détachés de la partition pour piano et
chant, et des airs de danse de Strauss très réussis. On sait le suc-
cès qu'a obtenu à l'audition le charmant ouvrage de M. Laurent de
Rillé ; la môme faveur est réservée à la lecture de sa partition .
^*, Depuis plus de vingt ans, M. Alphonse Royer amassait et classait
les documents relatifs à son Histoire universelle du Théâtre, dont les deux
premiers volumes viennent de paraître chez l'éditeur Franck. Après quel-
ques vues génér'ales sur le théâtre antique, l'auteur passe successive-
ment en revue, époque par époque, les théâtres des différents peuples,
et il esquisse toutes les figures, grandes ou petites, qu'évoque son sujet.
Le second volume s'arrête au début du xvii" siècle. Les sympathies du
public ne feront pas défaut à cette œuvre immense, qui a demandé tant
de recherches et qui révèle tant d'érudition et de goût. Ce livre, recom-
mandé d'ailleurs par un nom à bon droit estimé et par des éludes pré-
liminaires fort intéressantes, entre autres dos traductions de Tirso de
MolinaetdeCarloGozzi, aura bien certainement tout le succès qu'il mérite.
j*^ Nous croyons être utile aux professeurs de piano et à tous ceux
qui jouent de cet instrument, en leur recommandant le tabourei-Conla-
min. Commodes, solides, élégants et légers, ces sièges s'exhaussent spon-
tanément et s'abaissent avec rapidité, .sans pivoter sur eux-mêmes; ils
portent une échelle graduée qui permet au maître de modifier et de corriger
les mauvaises positions de l'élève. On trouve le tabouret-Contamin, dont
le prix n'est pas plus élevé que les tabourets et chaises à vis, à la ma-
nufacture de pianos de Henri Herz et au magasin de musique Brandus,
103, rue de Richelieu.
^% Une souscription est ouverte en Allemagne pour élever un monu-
ment à la mémoire de Gliick dans sa ville natale, Weidenwang, district
de Beilngries, dans le Haut-palatinat bavarois. Les sommes doivent être
adressées à M. Fischer, bailli de Beilngries.
^*^ Un service funèbre a été célébré à Rouen, dans Téglise de Sainte-
Madeleine, à la mémoire de M. Verdrel, maire de cette ville ; toutes les
notabilités rouennaises y assistaient. M. Charles Vervoitte, ancien maître
de chapelle de la cathédrale, remplissant aujourd'hui les mêmes fonc-
tions à l'église Saint-Roch , à Paris, avait tenu à honneur d'y apporter
son concours; deux des meilleurs artistes de sa maîtrise ont chanté,
sous sa direction , des morceaux d'un très-beau caractère , qui n'ont fait
qu'ajouter à l'imposant effet de cette cérémonie.
»*» L'éditeur Jules Heinz a interjeté appel du jugement de première
instance qui l'a condamné en 200 francs de dommages-intérêts envers
M. Ch. Dancla, dans un différend ayant pour objet des titres de mor-
ceaux de musiquiî publiés il y a dix ans.
if*. Notre collaborateur Arthur Pougin vient de réunir en une élé-
gante brochure les articles qu'il a consacrés, dans la Revue et Gazette
musicale, a la mémoire de Léon Kreutzer. Cette brochure, intitulée Léon
Kreutzer, et tirée seulement à cinquante exemplaires, se trouve chez
MM. Liepmannssohn et Dufour, à la librairie ancienne et moderne, H,
rue des Saints-Pères.
«% MM. Tessier et C', longtemps établis à Tours, se proposent d'ouvrir
prochainement un magasin pour la vente de la musique et des instru-
ments, rue de Rivoli, n"> •Ili.
**» L'éminent pianiste compositeur W. Kriiger, ouvre un cours de
piano que' son nom et son talent recommandent suffisamment. Voici
d'ailleurs en quels termes il motive sa détermination :
« Une longue expérience acquise dans l'enseignement du piano, et
affirmée depuis spîze années par les réunions annuelles de mes élèves,
m'autorise à fonder une école de piano classique et moderne.
» Deux motifs principaux me guident dans cette entreprise :
» Le premier est de prendre l'élève dès le début de son éducation mu-
sicale, pour le conduire progressivement au but qu'il doit atteindre, au
moyen d'un enseignement méthodique;
. Le second est d'offrir au public cet enseignement dans les condi-
tions qui doivent en faciliter la gér.éralisation.
» J'ai la conviction qu'apportant à cette œuvre ma direction person-
nelle, tout mon zèle et tout mon dévouement, j'obtiendrai bientôt de»
résultats dignes de m'assurer la faveur des personnes qui désirent faire
profiter leurs enfants de l'enseignement de mon Ecole.
>' W. Krugek.
» Pianiste de S. M. le roi de IVurtemberg. »
»** Notre collaborateur M. Mathieu de Monter vient d'épouser Mlle
Louise-Amélie Bonneville.
,** On annonce la mort d'Auguste Marque, violoniste, l'un des doyens
des arti,>.tes musiciens français. Né à Paris le 26 janvier 1781, il avait
été élève du célèbre chevalier de Saint-Georges et de Navoigille, puis
chef d'orchestre des bals du prince de Condé et du duc d'Orléans.
.*„, Un de nos vaudevillistes les plus applaudis de 1813 à 1840, un
librettiste qui fut le collaborateur d'Hérold, et écrivit avec lui Charles de
France et les Troqucurs , M. Achille d'Artois de Bournonville, vient de
mourir îi Versailles, âgé de soixanlcdix-sept ans.
*% On annonce aussi la mort : à Londres, de Desmond Henry Ryan ,
critique musical distingué, el sub-editor â\i «Musical World» depuis 1846 ;
— ;i Milan, du maestro Ronzoni, âgé de 77 ans, ancien chef d'orchestre
du théâtre d'Odessa; — à .New-York, d'un des critiques musicaux de
cette ville, Edouard Rimack, âgé de 36 ans, né dans la Pologne prus-
sienne.
ÉTRANGER
^,*^ Bruxelles. — Il y a des concerts de toutes sortes; il y en a de
sérieux et de frivoles, de robustes el de délicats. 11 y a des concerts appro-
priés à tous les degrés de culture musicale et de dilettantisme, des con-
certs du passé et de l'avenir; des concerts de musique d'ensemble et de
virtuosité privée. Celui dont nous allons parler n'appartient à aucune de
ces catégories. Il est à part, comme espèce et comme genre; il se dis-
tingue des autres autant par ses éléments que par les impressions des
auditeurs qui ont eu la bonne fortune d'y être admis. C'était un concert
sans grandes affiches, sans pompe solennelle, en petit comité, ayant pour
assistants un nombre limité de fervents amateurs. Dans cette matinée
rare et charmante, on a entendu Mme Pleyel, qui, depuis plusieurs
années, se montrait avare d'un talent dont on se demande si elle avait
bien le droit de priver les amis de la musique, attendu que quiconque
possède de grandes facultés d'artiste est tenu d'en user au profit du pu-
blic, non du profanum vulgus , mais des personnes capables de l'appré-
cier. On a d'abord entendu un trio de Mendel.ssohn, dans lequel Mme Pleyel
avait pour partenaires MM. Beumer et Massart; superbe début offrant le
double intérêt d'une composition magistrale et d'une interprétation accom-
plie, où la vaillante artiste met tout ce qui est possible, et plus encore,
de puissance, de grâce, d'élégance, de brillantes couleurs et de nuances
délicates; rendant admirablement la pensée du maître; faisant apparaître
Mendelssohn tout entier dans son œuvre. Des mélodies très-originales de
Ferdinand Hiller, parfaitement chantées par M. Warnots , ont séparé le
trio de Mendelssohn de deux études oii Mme Pleyel a déployé toute la
puissance et tout le charme d'un talent inépuisable en ses ressources.
Deux choses dominent dans l'exécution des pianistes de notre époque :
la vigueur et la grande vélocité. Ces deux choses, Mme Pleyel les a ;
elle y joint la grâce et la séduction qui ont malheureusement disparu
du domaine du piano. Ce qu'elle possède encore, c'est l'art de varier les
timbres de l'instrument, d'en tirer des sons qui ne se produisent sous
aucune autre main que la sienne. L'inexorable mécanique disparaît; le
moyen matériel du coup de marteau semble être supprimé : la corde
sonore vibre pure et moelleuse. Le piano ne se borne pas à retentir; il
chante; chaque note a un accent et un sens. Le grand attrait de cette
séance où tout fut attrayant, c'était la transcription pour le piano de la
Révolte de Struensée de Meyerbeer, avec le chœur invisible chanté par
les membres de la Réunion Lyrique. Ce fut merveille vraiment d'en-
UE PAhIS
399
tendre comme le piano rc-niplaça l'orcheslrc, comme il en reproduisit
tous les efifets, tomes les sonorités. A peine est-il permis d'appeler cet
accompagnement une réduction , tant il rendait complètement dans ses
masses comme dans ses détails la p;irlition s^mplioniquo. Quelque invrai-
semblable que cola soit, il est certain que le talent de Mine l'ievcl s'est
élevé, pendant ces dernières années de retraite et d'études, à un degré
auquel il n'atteignait pas à l'époque où l'on ne supposait point qu'il put
grandir encore. Voilà ce que se disaient tous ceux qui avaient assisté à
cette belle et intéressante matinée dont ils conserveront un précieux
souvenir. L'excellent instrument, joué par Mme Pleyel dans cette ma-
tinée, sort des ateliers de la mai.'^on Pleyel, Wolff et Cie.
^*^ Gand. — L'Africaine, qui dans l'origine avait obtenu un si grand
succès sur notre théâtre, vient d'être reprise à la grande satisfaction de
notre public, qui, depuis longtemps, n'avait été k pareille fête; l'exécu-
tion est de beaucoup supérieure à celle que nous avons eue déjà du
chef-d'œuvre de Meyerbeer. Mme Smitz-Erambert, tout simplement
magnifique dans le rôle de Sélika, s'est vue l'objet des bravos les
plus enthousiastes. Le baryton Lepers (Nelusko), le ténor Cazabon
(Vasco) et Mlle Guérin l'ont parfaitement secondée.
n:*^ Londres. — La Sacred Harmonie Society a repris ses concerts.
L'oratorio Naaman, de Michel Costa, a été exécuté à la première séance
avec son succès habituel.
fy Fribourç/ en Brisgau. — Un nouvel opéra. Le Roi Georges, paroles
et musique du directeur de musique Ehrlich, de Magdebourg, vient d'être
représenté pour la première fois et a réussi.
^*^ Berlin. —On va monter Dinorah, le seul ouvrage de Meyerbeer qui
n'ait pas encore été représenté ici. Les rôles sont distribués à Mlle Mathilda
Sessi qui sera une excellente Dinorah, à MM. Betz (Hoël) et Wo-
worsky (Corentin). — Mlle Mallinger, du théâtre de Dresde, vient d'être
engagée à l'Opéra; son début n'aura lieu qu'au mois de novembre de
l'année prochaine. — Le Voyage en Chine de F. Bazin retrouve au
théâtre de Friedrich-Wilhelmsiadt le succès qui l'a accueilli en 18(57
au Wallner-Theater.
Leipzig. — On a exécuté, au huitième concert du Gewandhaus, la
cantate avec chœurs Salamis (chant de victoire des Grecs) de Fr. Gerns-
helm, qui a obtenu un très-beau succès. La musique de M. Max Bruch
sur le même, texte, a été déjà reçue, il y a quelque temps par le même
public, d'une manière aussi favorable.
^,*4 Venise. — Le théâtre de San-Benedetfo, pour qui Rossini a écrit
l'Italiana in Algieri et Edoardo e Crislina, s'appellera désormais « Teatro
Rossini. » Le 3 décembre, on a fêté la nouvelle dédicace par une repré-
sentation extraordinaire composée exclusivement d'œuvres du maître.
**,t Saint-Pétersbourg. — Mme Lucca est toujours malade, et Graziani,
indispose à son tour, a dû être remplacé pir Steller, qui a chanté, du
reste, la Traviata et Unballo in maschera d'une façon très-remarquable.
Mme Volpini a été applaudie avec enthousiasme dans ces deux opéras ;
grâce à elle, on attend sans trop s'impatienter le rétablissement de
Mme Lucca.
j^.** Woscou. — Mlle Sarolfa a débuté, le 4 décembre, dans Don Gio-
vanni, avec un succès colossal ; elle a été acclamée et rappelée un grand
nombre de fois. Elle a dû chanter ensuite la Traviata.
if*jj. Hais de VOpèra. — Samedi 19 décembre, l""' liai masqué. SinAiiss
et son orchestre. Les portes ouvriront à minuit. S'adresser pour la lo-
cation, rue Drouot, 3.
,^*,i, Les bals du Cirque de l'Impératrice, dont l'orchestre est dirigé par
Marx, continuent à jouir de la vogue du public. Les mardis et verAredis,
grandes soirées dansantes. Les dimanches le prix est réduit à 3 francs.
Le mardi 22 décembre, inauguration des Bols masqués.
^*^, Salle Valentino. — Le grand Festival k la mémoire de Rossini a
définitivement placé les Concerts Arban au premier rang. — Soirée com-
plète et intelligemment conduite. — Grand succès pour Mme de Baunay,
MM. Idrac, Echetto, Mourey et les Enfants de Lutèce. La deuxième au-
dition a encore été plus brillante que la première. — Les Fêtes des
Fleurs, de chaque Mardi, sont dorénavant inscrites sur le carnet du
monde amateur de plaisirs. — Samedi, 19 décembre, premier grand
Bal masqué.
le Directeur ; S. UUFOUH.
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Bureau de musique à Leipzig et Berlin.
(Suite du catalogue inséré'dans le numéro du 15 novembre 1868 de la Gazette musicale.
Piano à 2 mains.
Clemcuti. 13 sonatines.
iSchubert. 10 sonates.
Ouvertures pour piano à 2 mains.
Rectkovpii. 11 ouverturps.
Uuz.-irt 10 ouverluns. . .
Wcber. 10 niiverturps. . .
Schubcri, Spolir, LiMdpuin
Ouvertures
1 50
1 50
Lieder pour piano à 2 mains sans texte.
[Schubert. La belle Meuni(:re 1 40
— Voyage en hiver 1 40
— Le Chant du Cygne 1 40
— 22 Lieder célèbres 1 40
Piano à i mains.
Beethoven. 11 ouvertures ' 2 73
Slozart. 10 ouvertures 3 »
IVcbcr. 10 ouvertures 2 »
Nchuberf: Spohr, Lindpaintner; 8 ouvertures. 2 75
— Compositions, vol. 1°'' 3 50
— — II 3 50
— — III 3 50
Piaiio et violon.
Beethoven. Toules les 10 sonates 6 y>
llozart. 'foules les 18 sonates 14 »
Schubert. La llelle Meunière 2 25
— Voyage en hiver !f 25
Le Chant du Cygne 2 25
-- ■ 2 25
22 Lieder célèbres
Envois franco à ces prix nets contre mandais de poste ou timbres-poste
Piano et violoncelle.
Schubert. La Belle Meunière 2 25
— Voyage en hiver 2 25
— Le Chant du Cygne 2 25
— 22 Lieder célèbres 2 25
Pour paraître prochainement :
Ucthoven. Tous ses concertos à 2 mains. . 4 »
— 'Ions les duos de violoncelle 4 »
— Tous les trios pour piano 10 n
— Touslesquaiuorspourinstrumentsàcordcs. 8 »
Clcmeiiti. Les célèbres £o;iates 2 75
Uiiyiln. Les célèbres trios pour piano 4 »
— Les célèbres symphonies à 4 mains. . . 4 d
.Schubert. Quatuors pour instruments à cordes ô »
Oberon, Euryanthe, Preciosa, Norinn, la .Somnambule,
Monlecchi, les Puiitains, t'ElUir d'amour, à 4 m.
400
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Paris, chez COLOMBIER, éditeur, 6, me Vivienne.
Il ]E ]p 3E T 1 ^T" IF O U O ^ T
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Il est né le divin enfant 6
Hélas! quelle douleur 6
Quand l'eau sainte 6
Goûtez, âmes ferventes 6
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Triorapliez, Reine des cieux 6
J IiE¥B%CH. — Bécréations caractërlstiques .
4. Tyrolienne , 6
5. Danses de Naïades 6
6. I Puritani 6
7. Nornia 6
C'H. IaK COBBEIIiliER.
Les gouttes d'or, rêverie 6
OUVRAGES DE THÉODORE GOUVY
Publiés par Simon Ricliault. 4. boulevard des Italiens.
OËuv. 4-6. Sérénades pour piano seul, n°' 2 à 5,
— 8. 1" trio pour piano, violon et violoncelle
(en mi mineur)
symphonie en mi b. partition in-8°,
net
Parties d'orchestre
La même, à quatre mains
— 10. 6° sérénade pour piano seul
— 11. Sérénade en quintette pour 2 violons,
alto, violoncelle et contrebasse
La même, à quatre mains
— 12. 2° symphonie en /o, partition in-8°, net
Parties d'orcliestre
La même, à quatre mains
— 13. 1" ouverture de concert (en ré] id..
— U. 2» ouverture de concert (en mi) id..
— 15. Le dernier hymne d'Ossian, sc^ne ly-
rique pour voix de basse avec orchestre
Partition in-8°, net
Parties d'orchestre
La même, avec accompagnem. de piano.
— 16. Deui quatuors pour 2 violons, alto et
basse, chaque
— 17. 1" sonate pour piano seul
— 18. 2"'trio (en la mineur) pour piano, vio-
lon et violoncelle
— 19. 3' trio (en si b.) id
— 20. 3° symphonie (en ut majeur), partition
in-8*, net
Parties d'orchestre
La même, à quatre mains
(Kuv. 21 . Six mélodies pour voix de baryton, pa-
roles françaises et allemandes , réunies. :
— 22. 4' trio (en fa] pour piano, violon et
violoncelle '.
— 23. Douze chœurs à 6 voix d'homme, sans
accompagnement, paroles françaises et
allemandes, net
— 2i. Quintette pour piano, 2 violons, alto
et violoncelle :
— 25. 4' symphonie (en rf mineur), partition
in-S", net.
Parties d'orchestre i
La même, à quatre mains
— 56. Douze lieder pour voix de téuor, pa-
roles françaises et allemandes, en 2 ca-
hiers, chaque
— 27. Trois sérénades pour piano seul, n°« 7,
8, 9, cliaque
— 28. Décaméron, dix morceaux pour piano et
violoncelle en 5 livres, chaque
— 29. 2' sonate pour piano seul
— 30 5' symphonie en si b., partition in-S",
Parues d'orchestre
— 31. Sérénade en quatuor pour piano, vio-
lon, alto et basse
— 32. Trois chœurs à Capella, cantiijues de
Rousseau, 2 sopranos, ténor et ba>se,
avec :.ccomp. de piano ad libitum, net .
— 33. 5' trio p. piano, violon et violoncelle.
4 50
7 50
C£uv. 31. Cinq duettos pour pinnoet violon, ch. 6
— 35. Hymne et marche, dans la forme
d'une ouverture, partition, net 5
Parties d'orchestre 15
La même, à quatre mains 9
— 36. Sonate à quatre mains 20
— 37. Six odes de Ronsard, pour voix de
ténor avec accompagnement de piauo. . 15
— 38. Trois sérénades pour piano seul, 10',
U' et 12°, chaque 4 C
— 39. Trois sérénades, id., 13% 14% 15*, ch. 4 !
— 41. Neuf poésies de Ronsard, pour une
voix avec accompagnement de piano . . 15
— 42. Six poésies de Ronsard, pour voix de
ténor ou soprano 15
— 43. Quatre odes de Ronsard, pour voix de
baryton 12
— 44. Huit poésies de Ronsard, pour voix de
ténor ou soprano 15
— 45. Dix-huit poésies de Desportes, pour
une voix avec accompagnement de piano »
— 46. Trois élégies à deux voix, chaque . . 4
— 47. Sept poésies de Ronsard, avec piano. 15
Les quarante poésies de Ronsard, réunies
en 1 vol. in-8°, paroles françaises et al-
lemandes, net 15
— 48. La Pléiade française, douze poésies
du XVI* siècle, pour une voix avec piano »
— 49. 2* sonate à quatre mains »
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Hitler (Ferd.). Op. 106. Opérette sans paroles,
douze morceaux ponr le piano à quatre
mains 16 »
— Opérette 110. Fantaisie pour le piano à
2 mains 4 70
Hendelssohn (F. Bartholdy). Op. 1 03. Marche
funèbre pour musique d'harmonie, par-
tition. 2 »
Hendelssahii. Parties séparées 4 »
— Pour grand orchestre, partition 2 »
— Parties séparées 4 »
— Pour piano à 4 mains 3 »
— — à 2 mains 2 »
Schubert (François). Grand'messe en mi bé-
mol, partition 30 70
— Parties séparées d'orchestre 25 35
Schnbert. Partition de piano 20 d
— Parties séparées de chant 2 »
— Pour piano à quatre mains 14 »
— Trois morceaux de piano, n"" 1, 2, 3. . . 2 70
Schamann (R). Scherzo et presto appassionato
pour piano, n" 1, scherzo 2 »
— N° 2, presto 4 »
PRIX ACCORDÉ A l'dNANIHITÉ A l 'EXPOSITION
ONIVBRSBLLE DB LONDRES 1851.
Vourulsseur des ininlstèrei» de la
ttiierre et de la Marine de rrnnce
Seul agent à Londres
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INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN CUIVRE * l'exposit.os dniversellb de paris 1855.
Exposition Universelle de Londres 1862
MM. les Membres du Jury International décernent la Médaille à
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ET POUR TODIE SA COLLECTION d'iNSTRDBENTS EN GÉNÉRAL.
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l'Académie Impériale de Paris.
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La maison ANTOINE COURTOIS ayant agrandi ses ateliers, est en mesure de satisfaire à toutes les demandes qui pmirront lui être
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20 Décembre 18()8.
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et aux uurcaux der Messageries et dos Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMENl ;
Paris -* r. iKir (in
Département», Belgique et Suisse.... :Ht » id.
Ûirooger 3i -. i(L
I.e Journal parolt le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
1869
PRIMES 1869
Offertes aux Abonnés de la Revue et Gazette musicale,
A l'occasion du renouvellement de l'année.
(36° ANNÉE DE SON existence)
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Avec accompagnemenl de Piano. Musique tirée des différents ouvrages de
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Ouvrage approoré par Rossini,
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MORCEAUX DE PIANO INÉDITS
SAVOIR :
méditation M. Bergson.
I/Attente, romance sans paroles Paul Bernard.
Esquisse Stephen Heller.
Elodia. mazurka de salon E. Ketterer.
Scherzo (de Sonate) D. Magni's.
marche funèbre E. Stoeger.
Chanson polonaise E. Wolff.
Un beau portrait de la cantatrice
Dessiné sur pierre, d'après nature, par Desmaisons.
Dans le courant de l'année 1869, la Gazelle musicale donnera
chaque mois, en supplément, un morceau de Piano ou de Chant.
Au mois de janvier nos Abonnés recevront comme prime
exceptionnelle un volume format grand in- 8", contenant:
Vingt-qualrc Préludes pour le Piano
Composés par STEPHEN HELLER
SOMMAIRE. — Études sur Charles-Marie de Weber (troisième partie, 12' ar-
ticle) , par Edmond IVenkomin. — Société des Coacerts du Conservatoire
impérial de musique et de déclamation, par Charles Bannelier. — Mlle
Uinnie Hauck. — Correspondance. — Nouvelles des théâtres lyriques. —
Nouvelles diverses, — A-nnonces.
ÉTPES SUR CHÂRLES-MÂRIE DE WEBER.
D'après la biographie écrite par son fils.
TROISIEME PARTIE.
(12= article) (1).
Bien avant l'heure fi.vée, une foule compacte s'était entassée
dans le théâtre de la porte Kaernthner [Kaernthnerthor-theater) .
Comme à Berlin, l'aristocratie de la naissance et de l'argent gar-
nissait les loges, parée comme pour une représentation de gala;
tout ce qui appartenait au monde musical de Vienne remplissait
le parterre et les galeries.
Peu d'instants avant qu'on ne commençât, un incident grotesque
se produisit, qui n'était pas à l'avantage de la situation ; un grand
bruit se fit à l'entrée du parterre et l'on vit s'avancer, au milieu
des rires et des huées, enjambant les banquettes et semant l'alarme
sur son passage, une grosse mégère, mal mise, les épaules cou-
vertes d'un châle homérique, et qui criait à tue-tête : « Faites -moi
place, je suis l'auteur des paroles ! »
C'était eu effet Mme de Chezy qui, ayant oublié son billet chez
elle, s'ouvrait ainsi un passage jusqu'à ce qu'enfin elle tombât
comme une masse, au milieu de jurons de toutes sortes, sur un
banc déjà encombré.
L'apparition de Weber à l'orchestre mit fin aux rires qui sem-
blaient ne pas vouloir prendre fin. A sa vue un enthousiasme
indescriptible éclata dans toutes les parties de la salle. Après avoir
salué à diverses reprises, il frappa plusieurs coups sur son pu-
pitre pour donner le signal .
(1) Voir les n»»
18, 21, 23, 23, 28, 31, 30, 30, «, iO et 50.
402
lîEVUE ET GAZETTE MUSICALE
Un silence religieux s'en suivit :
L'ouverture commença et son début impressionna vivement l'au-
diloire; malheureusement, son exécution ne devait pas être à la
hauteur de la réputation de l'orchestre de Vienne. Soit que les
musiciens eussent péché par excès de zèle, soit que, ce qui est plus
probable, les répétitions à l'orchestre n'eussent pas été assez nom-
breuses, l'ensemble manqua absolument, et en plusieurs endroits
les violons jouèrent taux; — aussi l'enthousiasme du public pour
cette grande page fut-il bien loin d'égaler celui qui l'accueillit
plus tard à Berlin et à Dresde.
L'introduction, avec son contraste bien accentué entre le char-
mant chœur de femijies et l'ensemble si noble des chevaliers, fut
admirablement enlevée. Elle eût obtenu un succès immense sj
les danses qui [suivent n'eussent distrait et refroidi l'attention.
A vrai dirCj la mise en scène de ce tableau n'était pas conforme à
l'idée du maître: le public rie voulut y voir qu'une pâle copié du
menuet de Don Juan.
La romance d'Adolar n'eut pas le don de faire i-evcnir l'audi-
. toire de celte fâcheuse impression.
L'entrée de Lysiart ranima l'attention; mais Forli, voulant don-
ner à son rôle un caractère par trop « mauvais sujet, » dépassa
le but et n'obtini pas du public l'accueil favorable auquel il était
habitué.
Le début de l'ouvrage n'était donc pas de nature à rassurer
Weber. Heureusement, la grande scène du déli fut vivement
applaudie et le maître acclamé.
L'apparition d'Euryanthe amena imc véritable explosion de bra-
vos et de vivais. On lit à Henriette Sonntag, alors dans la lleur de
sa grâce et de sa beauté, une entrée triomphale; l'ovation dura
plus de cinq minutes. « A'ie' aïe! dit Weber en se penchant
à l'oreille d'un musicien son voisin, ils brûlent trop tôt leur
poudre! »
Il n'avait pas lort, car la cavatine, prise trop lentemçnt, de l'avis
de tous les juges compétents présents à cette représentation, laissa
le public parfaitement froid.
L'entrée de ftlme Griinbaum, qui avait été jusque-là l'idole du
public, fut bien moins chaleureuse que celle que l'on venait de
faire à Mlle Sonntag; aussi l'air si passionné de : Oh\ ma peine est
bien amére, fut â peine remarqué.
Le r-^citatif qui suit et le récit d'Euryanthe fatiguèrent par leur
longueur. — Dès la seconde représentation Weber élagua cette
scène.
L'enthousiasme se ranima au duo des deux femmes. Mais aussi
quelle interprétation ! Jamais ce morceau n'a été chanté depuis,
comme il le fut ce jour-là par les deux grandes cantatrices. On
voulut l'entendre et l'applaudir deux fois.
La grande scène d'Ëglantine, qui vient ensuite, produisit un effet
beaucoup moindre.
Mais les trompettes du finale éclatent; le chœur avec ballet,
l'apostrophe si passionnée de Lysiart et la réponse mélodieuse
d'Euryanthe se déroulent au milieu d'une indicible émotion; la
chaleur, la vie sont revenues dans la salle, et le premier acte se
termine au milieu d'un immense enthousiasme. A la chute du
rideau, Weber fut rappelé deux fois avec tous ses interprètes.
Ce iinale du premier acte avait ramené la confiance dans tous les
cœurs dévoués au maître; au foyer, dans les couloirs, tout le
monde en fredonnait les motifs et déjà les enthousiastes prédisaient
à Euryanthe un plus grand succès qu'au Freisclmts. — Mais,
comme l'avait bien dit Weber, on avait déjà brûlé trop de poudre,
le public commençait à se fatiguer: une réaction se lit bientôt
sentir, et elle influa défavorablement sur la destinée des deux actes
suivants.
Forti n'avait ni la grâce voulue pour l'andante, ni la fougue
nécessaire pour l'allégro de son grand air d'introduction, qui pro-
duisit peu d'effet; mais il s'échauffa dans le duo qui suit, entraîné
qu'il était par le jeu magistral de Mme Griinbaum ; ils furent rap-
pelés tous deux après ce morceau.
Le décor de la galerie royale éclairée pour la fête, succédant à la
scène ténébreuse de la conjuration, fut salué par une nouvelle
explosion d'applaudissements, à laquelle succédèrent des murmures
occasionnés par la façon pénible dont Hailzinger chanta son air :
Comme un heureux z-éphir, qui est pourtant une merveille de grâce
et de tendresse.
Le duo suivant, dans lequel on se plut à trouver une réminis-
cence du Tancrède, de Rossini, eut un meilleur sort: il est même
à remarquer que les spectateurs des loges, qui jusque-là s'étaient
abstenus de toute manifestation, mêlèrent, à cet endroit, pour la
première fois, leurs applaudissei»ents à ceux de la niasse du
public. Le duo fut redemanclé.
Le finale ne produisit pas l'effet auquel on s'attendait ; Mlle Sonn-
tag paraissait très-fatiguée; sans la slrette : Trompeurs attraits,
soyez maudits, admirablement enlevée par les chœurs, le second
acte se serait terminé au milieu d'un silence glacial.
(irâce à ce fragment, le maître fut rappelé, mais l'opposition
qui s'était lus au premier acte, se manifesta alors très-visible-
ment.
Un nouvel entr'acte d'une demi-heure indisposa encore davan-
tage l'auditoire.
Mlle Sonntag, de plus en plus lasse, ne put réussir à faire
goûter le long duo par lequel s'ouvre le troisième acte. Haitzin-
gcr donnait également des marques d'épuisement. La scène d'Eu-
ryanthe et la cavatine Là, près des flots ne purent effacer l'impres-
sion produite, (!t les amis de Weber virent avec désespoir que les
loges commençaient à se vider.
A ce moment, la partie pouvait être considérée comme perdue; les
plus vaillants perdaient confiance; les plus fervenls se regardaient
en hochant la tête; le péril était imminent, la chute inévitable,
quand soudain le chœur des chasseurs, avec son rhylhme nouveau
et ses effets de cor, vint relever la situation. Le succès de cet en-
semble fut immense, il dut être répété trois fois !
Par jnalheur, le duo d'Euryanthe et du roi vint refroidir mo-
mentanément l'enthousiasme provoqué par ce morceau; l'air
d Euryanthe le releva de nouveau. Le public voulait l'entendre
deux lois, mais la pauvre Mlle Sonntag, morte de fatigue,
s'excusa. Une autre perle mélodique, le chœur des paysans : Au
mois de mai, bergère aux yeux si bleus, fut égalemenl redemandé;
l'heure avancée ne permit pas de répondre au vœu du public.
La marche nuptiale eut un sort moins favorable, elle passa ina-
perçue, ainsi que la scène entre Ëglantine et Lysiart. La lassitude
gagnait la salle, qui accueillit avec la même froideur le grand duo
avec chœur, l'une des pages les plus dramatiques de l'œuvre. Par
contre, le finale, dans lequel revient la phrase : Viens,viens encore à
moi, qui était encore dans toutes les oreilles, réveilla une dernière
fois l'enthousiasme, et c'est au milieu d'applaudissements prolon-
gés que se termina cette mémorable représentation.
Tels furent les incidents qui en marquèrent le cours. Le nouvel
ouvrage avait-il remporté un véritable succès? Ce fut du moins l'avis
de Weber, qui était trop sous l'inqjression d'une excitation nerveuse
pour juger sainement, car il écrivait le soir même à sa femme:
(I Ma bonne chérie, remercie Dieu avec moi du grand succès
d'Euryanthe. J'ai été rappelé après chaque acte; deux fois après
le second. Le chœur des chasseurs a dû être répété trois fois. A
demain les détails, je suis mort de fatigue Charles.»
La lettre du lendemain confirmait cette bonne opinion :
« Ainsi s'est terminé ce jour, écrit-il, qui ne s'effacera jamais
DE PAUIS.
403
de ma mémoire et dont la place est, je l'espère, marquée dans
l'histoire de l'art. »
Quoi qu'il eu soit, quelle différence entre l'apparition d'Eurijaii-
ihe et celle du Freischulii, deux ans auparavant!
Edmond NEUKOMM.
(La suite prochainement )
SOCIËTE DES CONCERTS
DU CO:%SëRVATOIRE IUPÉIIIALi oc lUL»iIQUE.
(il" ANNÉE.)
l'reinier concert, le dimanche 13 décembre 1868.
Quarante et un ans se sont écoulés, et cette vaillante Société est
toujours debout, plus solide que jamais! En y soni?eant, on n'a
plus la force de lui faire pour la centième fois un reproche de sa
tmiidité en face du nouveau, depuis surtout quelle a fait quelques
etforls pour la surmonter. Elle a bien le droit, en considérant son
glorieux passé, de voir la garantie de son avenir dans sa prudence
habituelle; et elle vivra parce que, si elle est circonspecte, on ne
peut dire qu'elle soit vraiment réfractaire au progrès et qu'elle se
refuse à croire au mouvement.
C'est toujoui^ cet admirable orchestre qu'aucun autre ne sur-
passe, dont l'équilibre, l'entrain, et en même temps la sagesse
n'ont pas varié ; c'est à peine si, de temps à autre, une légère
tache, un accroc isolé se fait remarquer au miheu de cet étonnant
ensemble. S'entendre traduire par de pareils interprètes est m\ pri-
vilège envié, et M. Théodore Gouvy, îi qui cet honneur était
accordé pour la première fois, dimanche dernier, peut hardiment
attribuer à la splendeur de l'exécution une partie du succès ho-
norable, bien qu'assez peu accentué, qui a accueilli sa symphonie
en fa.
Cette symphonie est connue en Allemagne, où l'auteur réside
depuis longtemps; elle a été jouée à Paris à l'ancienne Société
des jeunes artistes et aux concerts populaires en mars 1863. Elle
a d'ailleurs au moins vingt ans de date et a été publiée il y a long-
temps (1). C'est la deuxième des cinq qu'a composées M. Gouvy,
et celle qu'il produit le plus volontiers en public, parce que c'est
celle dont l'effet est le plus immédiat. De fait, il nous a semblé
que M. Gouvy cherchait l'expression de la force et qu'il ne ren-
contrait que l'éclat, c'est-à-dire assez encore pour séduire certaines
organisations. Ses idées mélodiques ne sont pas toujours très-châ-
tiées, non plus que très-heureuses; mais il développe habilement et
manie supérieurement l'orchesire.Le morceau le mieux réussi est sans
contredit le scherzo, Irè.s-déiicat et original, qui a pourtant le tort
de pouvoir être pris dès le début pour un allegretto qui en dou-
blerait la mesure. Le premier morceau, qui est le meilleur après
le scherzo, débute pompeusement; on y trouve des sonorités et des
formes qui conviendraient plutôt à une ouverture. Cette observa-
tion s'applique bien mieux encore au linale. Décidément, ce mal-
heureux linale est la partie la plus souvent manquée d'une sym-
phonie, et partant la plus diflicile à faire. On ne s'en douterait
guère à voir l'-apkmib avec lequel certains musiciens, qui même
ont du talent, attaquent ïj cette place un pas redoul)lé pour termi-
ner avec entrain ; cela fait l'effet d'une fugue sur Amen après un
beau morceau religieux. — Ceci ne regarde point M. Gouvy, qui,
nous l'avons dit, a presque fait une ouverture. Son andante est très-
soigucusenient travaillé; on y reconnaît la main du musicien ha-
bile et exercé. Comme inspiration, il n'a rien de bien remarquable.
(I) Chez l'éditeur Kicliaull.
— Eu sonnnc, cette symphonie, avec ses imperfections, n'était
nullement indigne du baptême de la Société des Concerts. L'auteur
est un homme d'un sérieux talent dont l'œuvre, assez considé-
rable, renferme peut-être des parties plus complètement réussies;
nous désirons vivement les connaître.
Nous nous sommes attardé avec M. Gouvy, et il ne nous reste
que peu d'espace pour parler du reste du programme. Le ma-
gnifique 98' psaume de Mendeissohn (double cliœur, avec orgue,
harpes et orchestre) a été supérieurement l'cndu. Dans l'adagio
du septuor de Beethoven, qu'on sait un peu trop par cœur, les
instruments à vent sont doublés pour faire équilibre à la masse des
cordes; il en résulte que, bien qu'ils ne jouent pas constamment
à due, il se produit lorsqu'ils sont à découvert, suitout dans l'aigu,
une légère discordance, des battements qui pruvieinient du défaut
de justesse absolue de deux instruments à vent jouant à l'unisson,
et qui ne laissent pas que d'être sensibles. On pourrait obvier à
cet inconvénient en évitant de doubler ailleuis que dans les forte
et dans le médium ou le grave.
Le chœur des Pèlerins du Tannhœuser, parfaitement exécuté,
a été bissé; enfin l'oi'chestre a terminé par la symphonie en ut
majeur de Beethoven, qu'il a dite avec sa maestria habituelle.
Charles- BANNELIER.
La presse anglaise s'est beaucoup occupée des débuts à Covent-
Garden de Mlle Minnie Hauck, dont l'apparition à Londres a fait
sensation, et que le public français va être appelé à juger dans
quelques jours. L'Illustrated London News a cons.icré à la jeune
cantati'ice une notice biographique à laquelle nous empruntons
quelques fragments aussi curieux qu'intéressants.
« La nouvelle pensionnaire de M. Bagier est née à New- York,
le 16 novembre 18o.3. Son père, Allemand de naissance, homme
érudit et distingué, embrassa avec ardeur, en 1848, les idées nou-
velles et prit une ])art eff'ective au mouvement révolutionnaire
qui agitait alors l'Europe entière. Forcé de s'expatrier, il se rendit
aux États-Unis avec sa famille.
» Excellente musicienne dès l'âge de huit ans, Minnie Hauck
fut appelée à chanter des cantiques à l'église métropolitaine. Elle
y déploya une voix si pui'e et un sentiment si profond que tous
les fidèles eu furent émus aux larmes. Ces auditions se répétèrent,
et durant plusieurs années il ne fut question, à New- York, que de
la petite prima donna de la chapelle catholique. Cependant Minnie
travaillait et grandissait en talent, sous la direction des meilleurs
maîtres, lorsque des événements imprévus obligèrent son père à
se rendre avec sa famille dans l'Arkansas (Ouest des Etats-Unis).
C'était au moment le plus terrible de la guerre de 1861. Ici se
place une aventure qui exerça sur les destinées de la jeune fille
une influence décisive. L'histoire pourra paraître invraisemblable
à ceux qui ont perdu de vue celte guerre fratricide et les inci-
dents à In fois horribles et bizarres qu'elle a enfantés : elle est vraie
pourtant dans ses moindres détails. Vivant au milieu des Indiens,
la famille Hauck fut avertie un matin qu'un riche habitant du
Nord, M. Jérôme, était tombé entre les mains d'un parti d'Indiens
tenant pour les gens du Sud. Les sauvages avait imaginé pour
M.. lérôme un supplice étrange et en rapport avec leurs mœurs bar-
bares. Après l'avoir mis dans l'impossibilité dese mouvoir, lis l'avaient
placé sur les rails d'un chemin de fer au moment même où un
ti'ain lancé à loute vapeur devait y passer. Déjii l'on entendait le
sifflet strident de la locomotive, les Indiens s'étaient retirés, lors-
qu'une jeune fille, une enfant, s'élança sur la voie et, année d'un
couteau, coupa en un clin d'œil les lidis qui uiveloppaicnt de
toutes parts l'infortuné prisonnier. Gjtte enfant, c'était Minnie
404
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Hauck. M. Jérôme était sauvé d'une luorl att'reuse; les Indiens,
stupéfaits par cet acte d'audace sans pareil, s'agenouillèrent de
vant la Irêle enfant et laissèrent la famille Hauck recueillir celui
qui venait d'être aussi miraculeusement sauvé.
» Quelques années plus tard, M. Jérôme faisait bâtir, dans sa
maison, à New-York, et tout exprès pour Minnie Hauck, un ma-
gnilique théâtre, sur lequel elle fit ses premiers essais dramati-
ques. Mais là ne devait pas s'arrêter la reconnaissance du riche
New-Yorkais :
» Le soir même du début de Mlle Hauck à l'Académie de mu-
sique de New-York, il lui remit devant témoins un chèque de
iOOjOOO dollars (200,000 francs), en accompagnant cette donation
des plus tendres paroles et des plus touchantes exhortations. Min-
nie Hauck était riche dès ce jour, mais, éprise de son art et d'ac-
cord avec ses parents et son bienfaiteur, elle résolut de poursui-
vre la carrière dans laquelle elle venait, d'ailleurs, de remporter
un succès qui, du premier coup, la plaçait au nombre des canta-
trices en vogue. C'est ainsi qu'elle parcourut, l'année dernière,
avec éclat, les principales scènes des Etats-Unis. Arrivée à Paris,
au commencement de cet été, elle fut immédiatement engagée
par M. Mapleson, l'intelligent directeur du théâtre de la Reine, à
Londres. La voici de retour à Paris, prêt'' à se produire au théâ-
tre impérial Italien, où il n'est pas douteu.v que sa jeunesse, sa
grâce et son talent ne plaident victorieusement sa cause devant le
public à la fois le plus difficile et le plus bienveillant de l'Eu-
rope. »
CORRESPONDANCE.
A M. le Directeur de la Revue et Gazettk musicale.
Monsieur,
Sous le titre de Note swr un point de l'histoire de l'harmonie et
de la tonalité, votre numéro du 29 novembre contient un article
de M. Fétis où je suis vivement pris à partie. Mon célèbre compa-
triote y défend avec une ardeur toute juvénile ses doctrines histo-
riques : rien de plus naturel. Ce qui a droit de m'étonner, c'est
que M. Fétis donne à entendre que mes opinions, en cette matière,
seraient dictées par des considérations étrangères à la science...
A deux reprises, il est question de je ne sais quel but occulte que
M. Fétis connaît et qu'il ne veut pas révéler. . . Je déclare ici
hautement que le sens de ces allusions m'échappe tout à fait.
Aussi je ne m'en occuperai pas davantage, à moins toutefois que
M. Fétis ne se décide à mettre de côté les réticences et les sous-
entendus pour s'expliquer clairement.
Quant à la question scientifique, c'est différent. Malgré la répu-
gnance que j'éprouve à engager une polémique avec un homme
dont l'âge et les travaux considérables m'inspirent un profond
respect, j'ai le devoir de maintenir ce que je crois la vérité.
Veuillez, Monsieur le rédacteur, donner une place dans vos co-
lonnes à cette lettre et à la note que j'ai l'honneur de vous
adresser, et agréer l'assurance de mes meilleurs sentiments.
Mole en réponse à celle de M, Fétfs,
Dans rinlention.de son auteur, celte note était destinée à réfuter les
idées que j'ai émises sur l'origine de notre tonalité, dans une conférence
tenue, il y a quelques moif, à la Société des compositeurs de musique
et dont le résumé a paru dans le Ménestrvl (numéros du S, 15 et 22
novembre 1868) . En réalité mon savant contradicteur se borne à re-
produire une fois de plus sa thèse favorite: « l'invention de l'accord de
septième de dominante par Monteverde. » Bien que ce ne soit là qu'un des
-petits cûics du problème que j'ai traité, j'accepte le débat sur le terrain
étroit qu'il a plu à M. Fétis de choisir, et je vais fournir quelques nou-
velles preuves à l'appui des arguments que j'invoque.
Ces arguments, au dire de M. Fétis, ne sont pas nouveaux; je n'en
sais rien; assurément les siens ne le sont pas davantage, et je ne sache
pas qu'il y ait ajoute un iota depuis 183S.
Qu'il me soit permis de préciser encore une lois le point en discussion.
Monteverde, oui ou non, est-il le plus ancien conipositeur chez lequel
on trouve l'accord de septième de dominante sous une forme autre que
celle de la syncope? M. Fétis dit oui. D'autres musiciens plus ou moins
fompelenis disent non. Je suis de ces derniers, et à l'affirmalion de M. Fé-
tis j'uppote les t<^lis suivants:
PriEMiÈUE ODjECTioN. — L'cmploi constant, depuis le xn"^ jusqu'au xvn«
siècle, du second renversement de l'accord en question {re-fa-(sol)-si),
avec suppression de la quarte (fondamentale de l'accord). Cette assimi-
lation n'est pus admise par mon contradicteur qui ne voit dans l'agré-
gation ré-fa-si, qu'un simple accord de sixte insignifiant au point de
VUE TONAi,... Comment! insignifiant au point de vue tonal, l'accord qui
renferme le triton, le fameux diabolus in musicâ du moyen âge. N'est-ce
pas M. Félis qui écrit dans son Traité d'harmonie (§ 23, p. 9): « 11 est
reniaïquable que ces intkuvalles (fa-si, si-fa) caractérisent la tonalité
MODEiiNE par les tendances énergiques de leurs deux noies constitutives :
la note sensible appelant après elle la tonique, et le quatrième degré suivi
eu général du troisième. »
Quoi qu'il en soit, AI. Fétis trouve mon argument parfaitement absurde,
et, dans une apo^tl•ophe tant soit peu théâtrale pour la circonstance, il
prend à témoin de mon ignorance les musiciens de tous les pays! Je
suppose qu'il exclut de son appel la plupart des théoriciens harmonistes
qui, sur ce point, me donnent complètement raison Parmi ceux que
j'ai sous la main, je me bornerai à citer deux Allemands : Reicha
(Cours de composition musicale, p. 33) et Marx (Di'e Lehre von der musi-
kalischcn Composition, I, Ml) ; deux Français : Baiibereau {Traité de
lomposition, 1, il, 132), et Ucrutte (Technie, ou Lois génér.les du si/s-
Icme harmonique, 128); enfin un Espagnol : Eslava (Escuela de composi-
ci'on, Tralndo primera, i3, Madrid, 1801). Je ne possède malheureusement
aucun traité d'harmonie italien, anglais ou russe, mais il n'est pas dé-
raisonnable de supposer que je trouverais encore de ce côté quelque
témoignage en faveur de mon opinion.
Deixiè.me OBJECTION. — L'existencc de l'accord complet de septième
dominante chez les conlrepointistes et notamment chez Palestrina dans
son motet si répandu : Ajaramus le Chrisle... Voici comment M. Fétis
rétorque cet argument : » Comme tous ses prédécesseurs, if (M. Gevaërt)
m'oppose des passages ('!) de Palestrina sur lesquels Je me suis expliqué
vingt lois, notamment dans mon Traité d'harmonie. » J'ai toujours lu
avec asidité les écrits de M. Fétis; son Traité d'harmonie en particulier
m'est bien connu, mais je n'ai pu découvrir huile part un commentaire
sur le pa.ssage en question. Je .«erais curieux, je l'avoue, de voir cette
succession expliquée par le seul mécanisme de la .syncope ou ligature au
sens des anciens conlrepointistes.
L'exemple de Palestrina est le seul, au reste, que j'ai cité pour la
période du contrepoint classique. J'aurais pu en ajouter quelques autres :
j'aurais pu même citer une foule de cas où ce fameux accord est com-
pliqué (d après la théorie de M. Félis) d'une substitution et d'une pro-
longation, mais il n'entrait pas dans mon plan de dépouiller toutes les
compositions du moyen -âge pour constater un fait d'importance très-
secondaire à mes yeux.
J'arrive à ma troisième et dernière objection, que je reproduis textuel-
lement pour éviter toute équivoque.
« Que si l'on objectait qu'il s'agit de l'emploi de la septième de domi-
nante à rétat direct et immédiatement avant le repos tonal, nous répon-
drions que, même à cet égard, Monteverde ne peut prétendre à la priorité.
En effet, ce cas se' présente dans la plupart des morceaux des Nuuue
Musiche (je l'ai relevé en plus de vingt-cinq endroits), et notamment
dans un des plus anciens essais monodiques de Caccini- le madrigal do-
vrà dunquc morire, composé bien certainement avant 1398. »
M. Fétis ne conteste pas absolument ma date (je l'ai établie dans l'In-
troduction historique, qui ouvre le premier volume des Gloires de l'Ita-
lie), mais il trouve l'argument sans valeur pour le cas dont il s'agit,
car, dit-il, « l'ouvrage d'où le madrigal est tiré n'a paru qu'en 1601,
deux ans api es le cinquième livre des Madriyali de Monteverde. 11 est
vrai que Caccini dit, dans son avis au lecteur , qu'il avait fait entendre
ces pièces plusieurs années auparavant, à Florence et à Rome, chez des
amis; mais cela n'eut aucun retentissement avant la publication des Nuove
Musiche. »
On a lieu de s'étonner d'une affirmation énoncée en termes aussi
absolus. Eh quoi ! des œuvres exécutées devant un auditoire composé de
gens tels que Galilei, Mei, Rinuccini, Péri, Cavalicri, répétées ensuite
devant toute la ville de Florence, le centre intellectuel et artistique de
l'Italie, ces œuvres seraient restées inconnues à Monteverde ? Caccini ne
dit-il pas expressément que bien longtemps avant la publication de son
volume, SCS madrigaux et ses airs étaient continuellement exécutés par
DE PARIS.
40S
les plus fameux chanteurs elles plus célèbres cantatrices d'ilalie et qiie
tous les compositeurs s'étaient approprié son style. Et la publication des
A'uorc Musiclie n'eùt-ellc pas précisément pour but de donner une version
exacte de ces chants qui s'élaicnt altérés en passant de main en main ?
Si M. Fétis pouvait douter de l'influence exercée sur Monteverde par
les nionodistes florentins, (pi'il prenne la peine de relire la célèbre lettre
de Pietro deila Valle et quelques passages de Doni (entre autres le cha-
pitre IX du Trattalo dclla inusica scenicai, il verra quelle était à cet égard
l'opinion des contemporains. El ce fut non-seuleinent en Italie que les
compoï-itions de Caccini causèrent une profonde impression, elles péné-
trèrent jusque dans le nord de l'Europe. La belle mélodie « AmariUi mia
bcUa » était devenue populaire en Hollande aux temps du vénérable poète
Cats, ainsi qu'on peut s'en convaincre par l'examen d'une de ses chan-
sons composées vers 1630. (Aile de Wercken van Jacob Cals, Zwolle, 1862
I, G2!l). La même uiélodie est indiquée dans un autre chansonnier hol-
landais de la même époque . (h'ruls ; M inné Spiujhd dcr deughJen. Ams-
terdam, 1640, o, li.)
Si les nouveautés de Caccini à leur apparition ne provoquèrent pas les
censures des théoriciens, cela tient au milieu dans lequel elles se pro-
duisirent. Les académiciens de Florence se souciaient fort peu du contre-
point, le destructeur de la poésie, laceramcnto délia poesia, selon eux;
d'un autre côté, la monodie était un genre trop dédaigné par les Artusi
pour qu'ils se donnassent la peine d'y relever les infractions aux règles
établies . . .
Qu'on ne se trompe pas sur le sens de mes paroles. Je ne veux pas
élever autel contre autel, opposer Caccini à Monteverde, dénigrer celui-ci
pour exalter celui-là. Je n'imiterai pas M. Fétis quand il dit, de son
héros, qu'il fut le seul homme de génie de la fin du xvi« siècle et de la pre-
mière moitié du xvu'. .\ la rigueur, c'est là une simple affaire de goiit
individuel, mais encore M. Fétis devrait-il nous expliquer comment il est
devenu tout à coup si sévère pour Cavalieri, Frescobaldi, Giovanni Ga-
brieli, Gumpellzhaimer, Jean-Léon Hassler. Péri; et pourquoi il retire à
ces illustres contemporains de Monteverde le brevet d'homme de génie,
dont il les gratifiait si généreusement dans la 2« édition de sa Biogra-
phie universelle ?
Comment en un plomb vil Vor pur s'est-il changé'.'
Plus loin nous lisons que « c'est à Monteverde que l'on dut les pre-
miers opéras représentes sur les théâtres de Venise. • M. Fétis cepen-
dant ne peut ignorer que cette gloire revient plus légitimement à Ma-
nelli, Sacrati, Cavalli, Ferrari, dont les opéras ont précédé ceux de Monte-
verde sur les scènes vénitiennes (vérifier dans les catalogues d'Ivanovich
et de Groppo).
Maintenant que j'ai répondu presqueligneparligneà lanoledeM. Fétis,
qu'il veuille bien me permettre de lui adresser une question. Pourquoi
s'est-il borné à un point accessoire de mon étude, et s'est-il tu sur mes
conclusions générales, qui contredisent bien plus gravement son système
historique que mes opinions sur la septième dominante? Ce silence me
surprend d'autant plus que j'ai eu soin d e répéter ces conclusions dans la
dernière partie de mon travail.
Eh quoi ! M. Fétis ne trouverait-il rien à objecter à ces proposi-
tions? Mais alors que devient la question Monteverde?... Une simple cu-
riosité d'érudit, un petit problème chronologique.
Si, au contraire, comme il est plus simple de le supposer, M. Fétis n'a-
bandonne aucune de ses convictions, alors qu'il définisse rigoureusement ce
qu'il appelle la tonalité du plain chant, ainsi que les principes harmoniques
et mélodiques sur lesquels elle est basée ; qu'il nous démontre que cette
tonalité ne s'est pas altérée dans ses éléments essentiels, depuis saint
Grégoire jusqu'à la veille de la publication de ces fameux madrigaux, et
que les transformations que je constate, siècle par siècle, sont une pure
illusion; qu'il explique (toujours par les données de son système) la fu-
sion graduelle des deux modes majeurs antiques, l'apparition de la note
sensible dans le dorius, l'extinction graduelle du phrygius, et l'existence
d'un majeur unique au commencement du xvi* siècle.
En outre, arrivé à la fin de ce xvii" siècle, qu'il nous fasse voir clai-
rement l'action destructive de la septième de dominante sur cette tonalité
dix fois séculaire; surtout qu'il n'omette pas de nous expliquer comment
cet accord, selon lui, la cause, l'agent direct de la révolution, comment,
dis-je, cet accord à peine entrevu, disparaît presque complètement pen-
dant un demi-siècle, juste au moment où sa présence est le plus néces-
saire. Quand il ne restera plus rien de tout ce que j'ai avancé, quand
mes exemples seront re onnus apocryphes, mes assertions mal fon-
dées, mes conclusions vicieuses, quand il sera bien prouvé que notre
onaiité, cette atmosphère musicale que nous respirons, ce moule qui a
suffi à contenir la pensée d'un Bach et d'un Beethoven, que cette chose
essentiellement impersonnelle est l'œuvre d'un seul homme, alors M. Fé-
tis pourra être justement fier d'avoir révélé au monde un fait unique et
sans analogies dans les annales de l'esprit humain. Alors, mais alors seu-
lement, il .sera intéressant de savoir si l'humanité doit saluer ce nouveau
Prométhée du nom de Monteverde ou de Caccini.
Jusque-là, que M. Fétis con.sentc à voir .ses doctrines historiques dis-
culées, ses as.sertions contrôlées, seshypothèses réduites à leur juste valeur.
Loin de moi la prétention de donnera M. Fétis une leçon d'histoire ou
d'a.spirer moi-même au titre d'historien. Je n'aspire ([u'au rôle plus
humble d(! vulgarisa'.eur. Si je me suis parfois exercé à traiter, dans de
modestes réunions, quelque sujet ayant Irait au passé de notre art, mon
but n'a été que de mettre mes confrères au courant des résultats positifs
de la science de notre temps, de fixer leur attention sur des travaux
trop peu connus; jamais je n'ai appelé la publicité sur ces essais, encore
moins ai-je cherché à provoquer des polémiques.
Ce que j'ni eu toujours à cœur, c'est de me dégager de tout parti
pris, de n'avancer que des faits que j'avais examinés par moi-même ;
d'avouer mon ignorance sur les puinUs que je n'avais pas suflisamment
étudiés, de tenir grand compte des opinions d'autrui et surtout de ne
jamais supposer chez mes contradicteurs un autre mobile que le simple
amour de la vérité.
F. -A. GKVAERT.
Paris, 10 décembre 1868.
Le défaut d'espace nous oblige à ajourner au prochain numéro
le compte-rendu du premier e.\.ercice avec orchestre des élèves
de l'Ecole spéciale de chant, de MM. Duprez, qui a eu lieu ven-
dredi dernier avec un grand succès.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
if*,t Le théâtre impérial de l'Opéra a donné cette semaine deux fois
les Huguenots et une fois Hamlet. — Aujourd'hui représentation extraor-
dinaire de la Muette de Portici.
^*^ Lundi, après la centième représentation d'Un Premier Jour de bon-
heur, les artistes de l'orchestre du théâtre de l'Opéra-Comique se sont
rendus chez M. Auber pour lui donner une aubade. L'illustre maître
s'est montré fort touché de cette attention et il en a remercié les ar-
tistes avec effusion .
Si** Le Toréador a été donné mardi avec Mlle Girard, Gailhard et
Ponctiard. L'autorisation des auteurs, dont M. Martinet se prévaut pour
jouer également ce charmant ouvrage, va probablement donner lieu à
un procès.
,i,*3j La représentation au bénéfice de Mme Ugalde est annoncée pour
mercredi 23. — L'excellente cantatrice s'y fera entendre dans le premier
acte du Domino noir, le deuxième acte de Galathée, le troisième et le qua-
trième acte de Gil-Blas. Les Noces de Jeannette seront jouées, cette seule
fois, par Mme Yandenheuvel-Duprez, le tout sera varié par des intermèdes
auxquels concourront Mmes Carlotta Patti Wertbeimber, Cabel, Galli-Ma-
rié, Girard, Bélia, Lambquin ; — MM. Capoul, Achard, Bataille, Couderc,
Sainte-Foy, Sarrasate et Diemer. — Après cette représentation, la béné-
ficiaire se rendra à Toulon, oii elle est engagée pour un mois. Elle y
jouera le répertoire d'Offenbach en compagnie de M. Grenier, et y créera
le rôle de la Périchole.
,*,(. Adelina Patti a terminé cette semaine ses représentations au théâtre
Italien; elle a joué dans Don Pcisqualr, L'ucia et Crispino. Aujourd'hui,
pour dédommager les abonnés que sa maladie avait privés de l'en-
tendre, elle donne une dernière représentation qui se compose du
deuxième acte de Crispino, — du premier acte de la Traciata, — du troi-
sième acte de la Sonnambula. — et du deuxième acte de Semiramide,
chanté par Mmes Krauss, Grossi, et MM. Palermi et Agnesi. — Mme Ade-
lina Patti part pour la Russie, d'oii elle reviendra pour chanter tout le
mois d'avril à Paris. — Mardi, Tamberlick fera sa rentrée dans Otello.
,^** Le théâtre Lyrique a repris dimanche le Maître de Chapelle, de
Paér ; il a été très-bien iniei'prété par Caillot, Legrand et Mlle Duval. —
C'est Lutz qui , dans Iphigénic en Tauridn , a pris le rôle d'Ore^te que
chantait M. Aubéry. M. Pasdeloup a, de cette façon, parfaitement com-
plété l'exécution de l'œuvre de Gluck, car M. Lutz est un artiste aussi
distingué que consciencieux, et son succès a été aussi grand que légitime.
— Le Val d'Andorre va céder la place au Brasseur de Preston, qui sera
joué mercredi. — Deux ouvrages, qui avaient été reçus par M. Carvalho,
le Timbre d'Argent, de Saint-Saëns, et Quentin Metzijs , de M. Chérou-
vrier, ont été de plus agréés par le directeur actuel. — Enfin les études
de Don Quichotte et de Rienzi se poursuivent avec activité.
^*^ On a donné hier, aux Bouffes-Parisiens, la première représenta-
tion de Petit bonhomme rit encore, paroles de M. de Najac, musique de
M. Deifès. — Nous en rendrons compte dimanche prochain.
^*^ Le titre de l'opéra de Fr. Ricci, qui doit être représenté au théâtre
des Fantaisies-Parisiennes, vient de subir une modification. Au lieu de
M. de La Palisse, il s'appellera Une folie à Rome. On pense au théâtre
qu'il pourra être donné dans la première quinzaine de janvier.
406
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
^** l.îi princesse de Melternich assistait à la quatrième représentation
des Horreurs de lu guerre. La salle est comble tous les soirs el l'on applau-
dit beaucoup la charmante musique de M. Jules Costé. La pièce, qui a
des scènes d'unf bouffonnerie très-originale, est fort bien jouée par
Léonce, Luce et Mlle Yan Ghell.
^«, f.a Périchole. ne devant plus avoir qu'un petit nombre de repré-
sentaîions avec Mlle Schneider, qui passe aux Bouffes à la fin du mois,
éprouve une recrudescence de succès, et, depuis trois jours, on refuse
du monde chaque -^oir. — La pièce d'OffVnbach , qu'on prépare pour
Mlles Zulma Bouffar et Marie-Aimée, s'appellera le Saut de Leucate.
^*^ La fermeture du théâlre de l'Oriente a ramené tous les attisles
qui étaient à Madrid , entre autres les époux Tiberini, Everardi, Sca-
lese, etc. — Mme Gueymard est de retour depuis lundi et s'est mise à
la disposition de M. Perrin.
^*^ On nous écrit de Nantes que les représentations de la troupe ita-
licnie, au théâtre de la Renaissance, sont de plus en plus suivies.
Mlle Laure Harris y est l'idole du public. — MM. Strozzi et Tombesi la
secondent très-bien.
**., Mme Borgtii-Mamo donne eu ce moment des représentations au
théâtre impérial de Nice; son succès y est immense. Chaque soir ramène
les applaudissements, les bouquets et les manifestations enthousiastes de
la veille.
**^ Les éditeurs Brandus et Dufour viennent d'acquérir la propriété
de l'opérette-bouffe les Horreurs de la guerre, de MM. Ph. Gilles et Jules
Costé, représentée au théâlre de l'Athénée.
NODVELLES DIVERSES.
**» Voici le résultat du concours de solfège (classes des élèves militaires)
qui a eu lieu au Conservatoire, la semaine dernière : 1'"'' prix : M. Welscli,
élève de M. Alkau; et MM. Schwartz et Mei ter, élèves de M. Hmile Du-
rand; i" accessit : M. Gassian, élève de M. Emile Durand; 2« accessit :
M. Marx, élève rie M. Emile Durand; 3° accessit : M. Liéber, élève de
M. .\lkan.
,*,j. Au concert populaire de dimanche dernier, on a beaucoup ap-
plaudi M. Camille Saint-Sacns et sou concerto de piano en fol mineur.
L'œuvre le méritait a l'égal du jeu nerveux et brillant du virtuose. La
liei-uc et Gazette musieale a déjà dii en temps et lieu tout le bien qu'elle
pensait de ce concerto, dont le scherzo, en particulier, est une perle, et
qui vient d'obtenir un véritable succès en Allemagne, où l'auteur l'a
exécuté. — Le reste du concert se composait d'oeuvres du répertoire
classique : la symphonie en la mineur de Mendelssolm (Symplionie écos-
saiseï, l'adagio du SO' quatuor de Haydn, et les ouvertures de Léanore
et d'Otcron.
;j*. Aujourd'hui, ;i deux heures précises, deuxième concert donné par
la Société des Concerts dans la salle du Conservatoire, sous la direction
de Georges Haiul. On y entendra : 1° symphonie en fa de M. Guuvy;
■ — i" 98° psaume (double chœur), de Mendelssohn; — 3" adagio du sep-
tuor de Beethoven (exécuté par deux clarinettes, deux cors, deux bnssons
et tous les instruments à cordes); — 4° choeur des Pèlerins du Taniiluu-
ser de M. Wagner; — 3° symphonie en ut majeur de Beethoven.
^*^ Le dixièniH concert populaire de musique classique aura lieu au-
jourd'hui à deux heures, au cirque Napoléon, sous la direction de
J. Pasdeloup. En voici le programme : !<• ouverture de Sémiramis de
Rossini; — 2° symphonie en rc mineur (!'" audition), de R. Schumann
{introduction, — romanza, — scherzo. — finale) ; — 3° air de ballet de
Promcthée de Beethoven (le solo de violoncelle par M. Poëncet) ; —
•4' fragment de Itoméo et Julielle de H. Berlioz (le jardin de Capulet,
scène d'amour); — 5° largo et finale de Haydn.
»*,t Le jour de Noël, à Saint-Roch, M. Charles Vervoitte fera exécuter
l'Oratorio de Lesueur pendant la messe, et le soir, après vêpres, un salut
solennel de sa composition.
^*^ Le double jury élu par les compositeurs qui ont pris part au con-
cours ouvert au tnéâtre Lynque impérial est aujourd'hui définitivement
constitué, et se compose, pour la musique: de MM. Benoît, Deloffre, Du-
pré, Eug. Gautier, Labarre, Victor Massé, prince Poniatowski, Weber,
et, pour les poëuies, de M. Azevedo, Blazc de Bury, Alexandre Dumas
fils, Edouard Fournier, Jouvin, Hippolyte Prévost, Louis Roger, Sar-
cey. L'examen des ouvrages envoyés à ce concours a commencé le 17 de
ce mois; quand une décision aura été prise, les concurrents en seront
. officiellement informés.
3,',;. M. Leroy e^t nommj pr^ife-^seur de clarinette au Conservatoire, à
partir du mois de janvier prochain, sn remplacement de M. Klosé, ad-
mis à faire valoir ses droits à la retraite.
- „:*, Le gouvernement italien vient de fiire célébrer en grande pompe,
à Sauta-Croce de Florence, les obsèques de Rossini. La plupart des mi-
nistres et de nombreuses députations s'y sont rendus spontanément.
^*f Mme Rossini a consenti h ce que les cendres de son mari fussent
déposées dans l'église florentine de Sanla-Croce; la dépouille mortelle
rie l'illustre iléfunt y sera donc transportée. Mme Rossini y a mis pour
condition qu'elle reposerait elle-même, après sa mort, dans la partie
extérieure ilu caveau attenante au monument et ménagée à cet effet en
dehors de l'église .
^*^ /,'■ Mémorial diplomatique contient Is catiiloguc des œuvres pos-
thumes de Rossini. Nous reproduisons cette pièce, curieuse à plus d'un
titre : « Los amis intimes du maître ont souvent vu ce catalogue qui
était très-exactement et trôs-soigneusemenl tenu par lui. 11 forme une
trentaine do feuillets d'une écriture compacte, et est divisé en deux
parties , en tête de chacune desquelles ont lit ces «nets: Péchés devieillessc
de G. Hossini. I.a première partie se compose de: i" Miscellanée:, com-
prenant la petite messe et vingt-deux autres morceaux, dont quelques-
uns sont considérables. Un d'eux porte le titre facétieux de : Canon
anti-sacant, dédié aux Turcos par le Singe de Pcsaro; — 2" Album ita-
lien, J2 morceaux; — 3° Album français, paroles d'E. Pacini, 12 mor-
ceaux également; — i" Album olla pudrida, 12 morceaux encore, dont
un, le Chant des Titans, a été exécuté à grand orchestre, en 18(51, au
Conservatoire, et a eu un succès prodigieux: cependant il n'a point été
publié. La seconde partie du catalogue porte des divisions analogues:
l" Miscellnnées, 16 morceaux; — 2" Les quatre iIendi^nts et les quatre
Hors-d'œuore, divisés en 8 morceaux, intitulés : les Figues, les Aman-
des, les Noisettes, les Raisins, les Radis, le» Anchois , les Cornichons et
le Beurre; — 3" Album pour les enfants adolrscenls ; — i" Album pour
les enfants dégourdis ; — 3" Album de chaumière ; — (i" Album de château.
Chacun de ces albums contient 12 morceaux; quelques-uns portent les
titres suivants : Oufl les pelils pois, farce écrite après une indigestion de
légumes {sic); — Boléro tarlare, morceau dé.sopilant d'une difficulté en-
diablée; — Etudes d'fcartcment pour le piano, à l'usage des pianistes
doués d'un large mélarcarpe; — Hachis romantique; — Etude asthma-
tique; — l'Huile de ricin, petite valse; — Valse anti-dansante, etc. »
,*. Lundi dernier a vu naître à la place de la Gazette des Etrangers,
un grand et beau journal ayant pour titre Paris — capitale de l'Europe. —
lin véritable bataillon d'écrivains, parmi lesquels nombre de noms
réputés dans la pres.se, s'est chargé, sous la direction d'un chef qui a fait
ses preuves, M. Henri de Pêne, de lui donner la vie et la pui.ssance, et,
à en juger par les numéros déjà publiés, la nouvelle feuille paraît cons-
tituée de façon à ne manquer ni de l'une ni de l'autre. Du reste, pour tous
ceux cpii depuis quinze ans ont vu à l'œuv re le rédacteur en chef du Paris,
pour qui a pu apprécier les sympathies qu'il a su se concilier et la part
qui lui revenait dans le succès d'un journal lancé tout récenimcnt; pour
tous ceux-là, disons-nous, l'avenir de sa nouvelle entreprise n'a pu lais-
ser un instant de doute, el nous ne serons pas les seuls, si nous n'avons
pas été les premiers, i lui souhai'er la bonne chance que mérite son
infatigable labeur.
,*» A rocca>ion de la fête de la patronne des musiciens, la Société
chorale d'Elbeuf a chanté, dans l'église de Saint-Etienne, une messe dont
les différents morceaux avaient été choisis avec un goût parfait, et dont
l'interprétation, rcnlorcée par quelques artistes de Paris, a été vraiment
irréprochable. M. Vervoitte, l'éininent maître de chapelle de Saint-Roch,
était venu veiller lui-même à l'exécution d'un Saloe liegina de sa com-
position, qui a été fort apprécié.
^"if. On écrit de Metz : <i Anna Meyer vient de donner ici et aux en-
virons une série de concerts qui lui ont valu les plus brillants succès.
Le Moniteur de la Moselle s'exprime ainsi sur la jeune artiste : «< Mlle
» .4nna Me>er nous a fait apprécier son brillant talent, que nous n'a-
» \ions plus entendu depuis huit ans. L'enfant est devenue une char-
» maure jeune fille, et nous a séduits par la grâce de son mnintien, le
» perlé de son jeu, la vigueur tempérée de délicatesse avec laquelle elle
» a fait valoir plusieurs morceaux de divers genres. » A Luxembourg,
à la suite de son concert, le prince et la princesse des Pays-Bas ont vi-
vement complimenté l'éminente pianiste, et lui ont offert un bijou de
prix,
f,*^ On lit dans plusieurs chroniques que Camille Schubert vient de
publier son album, composé cette fois d'une valse, le Charme, et des Syl-
phide, qui seront le succès de cet hiver. Les deux quadrilles : Faust
aux Enfers, le Beau Postillon, accompagnés de Tourbillonnetle, polka-
scholtisch, et de la Rose de Sévitle, polka-mazurka, charmante composi-
tion, n'obtiendront pas moins de vogue sur tous les pianos.
»% M. Aloys Klein, compo.-iiteur distingué, organiste de la métropole
de Rouen, vient de faire paraître un recueil de cinquante noëls choisi»
et harmoni.>és par lui pour l'orgue ou l'ocfiue expressif et exécutés annuel-
lement aux offices de la métropole. S. Em. le cardinal de Bonnecho.'se en
a accepté la dédicace et ils sont précédés d'une notice trè.s-curieuse de
M. A. de Beauvoir, sur l'origine de ces cantiques. — Cette publication
.■^e recommande particulièrement aux organistes de toutes les paroisses de
France.
»*i .\près sa brillante saison au casino de Deauville, oii son orchestre
a fait merveille, De.sgranges est de retour à Paris et déjà il est demandé
pour les bals qui se préparent; il dirigeait hier la belle fêle annuelle
donnée au profit des pauvres par M. Fr. Lévy, maire du Xl« arron-
bE PAMS
407
dissement, dans les beaux salons de la mairie. — La semaine dernière,
dans les salons du Louvre, les organisateurs du beau bal donné par
la Sociélé des agents coniplaldes n'avaient pas voulu a'autre or-
chestre que le sien. Jusqu'à (i heures du matin, il a fait exécuter les
morceaux les plus nouveaux de son répertoire, au nombre de.squels il a
dû répéter plusieurs fois les quadrilles, valses et polkas de la Grande-
Duchesse, de Fleur de Tlié et de la Périeholo.
:,,% Après son séjour au Havre pendant la durée de l'exposition
F. Brisson vient de revenir à Paris, oi'i il a repris le cours de ses leçons.
L'excellent professeur d'orgue et de piarjo réunissait la semaine passée
ses élèves dans une charmante soirée, oii ils ont exécuté plusieurs com-
positions de leur maître et oîi lui-môine a joué quelques morceaux
nouveaux.
^*:i; M. Walleufi;], dont la renommée de violoncelliste est depuis long-
temps établie, vient de donner à Strasbourg un très-beau concert où il
a exécuté, entre autres, une fantaisie de Servais sur Roméo et Juliette,
et un autre morceau de sa propre composition. Un auditoire aussi
nombreux que sj'mpathique a acclamé le violoncelliste solo du théâtre
et professeur au Conservatoire de Strasbourg, qui depuis quelques an-
nées n'avait pas donné de concert, et prouvé ainsi que sa modestie égale
son talent.
^*^ Le carnaval est court cette année. Il n'y aura que dix bals à
l'Opéra. — Le premier a lieu ce soir et l'orchestre de Strauss a mis
toutes voiles dehors pour que cette inauguration soit fulgurante.
,*« Cette semaine est mort à Bellevue, près Paris, à l'âge de soixanle-
treize ans, M Empis, inspecteur-général des bibliothèques, ancien di-
recteur de la Comédie-Française et qui avait remplacé à l'Académie M .
Jouy, l'un des auteurs du livret de Guillaume Tell. Ecrivain conscien-
cieux, M. Empis avait débuté dans les lettres par quelques opéras écrits
en collaboration: Sapho, entre autres, musique de Heicha, Jeanne d'Arc,
Hcrcu'.e à Trachine, Romulus, l'Enlèvement des Sabines, Vendôme en lis-
pagne, dont les musiciens n'étaient autres, pour ce dernier ouvrage,
qu'Hérold et M. Auber. — Ses obsèques ont été célébrées à Bellevue,
en présence d'un très-grand nombre d'amis intimes, d'hommes de let-
tres et d'artistes dramatiques. — Par une bien triste coïncidence, la
fille de M. Empis est morte dans la nuit qui a précédé l'enterrement
de son père.
^*ig Nous avons également le regret d'annoncer la mort de M. Louis
Desnoyers, l'un des fondateurs de la Société des gens de lettres, direc-
teur de la partie littéraire du Siècle et l'un do ses propriétaires, décédé à
Paris, mercredi dernier, à l'âge de soixante-six ans. M. Louis Des-
noyers avait signé le compte-rendu des théâtres au Voleur en 1831, et
repris au Nationul le feuilleton musical confié d'abord à M. Fétis. On a
de lui plusieurs romans et vaudevilles. Depuis que sa maladie avait pris
de la gravité, son gendre, M. Chadeuil le remplaçait au Siècle, dont il
rédi.'ea.t habituellement le Courrier musical.
iif*,^ M. Jules Micheli, ancien chef d'orchestre, auteur de plusieurs mé-
lodies chantées avec succès dans les concerts vient de mourir à Paris.
ÉTRANGER
.j,*jf Bruxelles. — Mlle Marimon, remise de l'accident qui avait failli
lui coûter la vie, a reparu au théâtre de la Monnaie dans le Premier Jour
de Bonheur. On attend avec impatience le Pardon de Pkërmel, où cette
excellente cantatrice doit remplir le principal rOle. — [^'Africaine vient
d'être jouée quatre fois on huit jours, et constanmient devant une .salle
comble. La voix fraîche, le jeu gracieux quoique encore inexpérimenté
de Mlle Franchiiio, continuent à séduire le public qui lui a fait un excel-
lent accueil. — Warot produit toujours la meilleure impression dans le
rôle de Vasco; Dumestre et Cazeaux se tirent à leur honneur de ceux de
Nélusko et de l'amiral.
j*^ Colorjne. - Le premier Jour de bonheur vient d'être donné pour la
première ibis, et a reçu du public le plus favorable accueil.
,n*^ Rifja. — La première représentation de VAfrimine a eu lieu ré-
cemment avec un tris grand succès.
^,** Berlin. — Wachtel a fait sa rentrée ii l'Opéra le 8 décembre dans
son rôle favori du Postillon de Lonjumeau. 11 a été, comme toujours,
très-applaudi, ainsi que Mlle Grûn, qui chantait îi côté de lui. — Mlle Or-
geni a débuié le 11 dans I^ucie avec beaucoup de succès.
^*» Leipzig. — Le neuvième concert du Gewandhaus a été tout entier
consacré à la mémoire do Rossini. On y a exécuté son Slabat, des frag-
ments de ses opéras et l'ouverture de Guillaume Tell.
^""^ Moscou, a .septembre. — Notre théâtre italien était en fête hier;
on donnait Fausto au bénéfice de Désirée ArtOt dont l'engagement tou-
che à ta fin et qui est sur le point de nous quitter. Depuis longtemps
toute la salle était louée et l'on n'aurait pu y loger une personne ou en-
caisser un rouble de plus, car la recette avait atteint 20,000 francs! et
bien des loges avaient été payées des prix fous. — Quoique accoutumés aux
prodiges de son merveilleux talent, la foule des admirateurs de la diva
a été transportée par l'art avec lequel elle a saisi et interprété dans ses
nuances les plus tendres comme dans ses désespoirs les, plus dramatiques,
ce rôle de Marguerite, l'un des plus beaux de son répertoire. Aussi
rendrait-on diificilement fenihousiasme qu'elle a excité pendant tout le
cours de la représentation, enthousiasme qui ne s'est pas seulement tra-
duit par des bravos et des rappels sans fin, par une pluie de bouquets
accompagnés d'écharpes, par les acclamations des spectateurs agitant
leurs mouchoirs dans toutes les loges, mais aussi par une véritable ova-
tion après l'acte du jardin et pendant laquelle il a été offert à la grande
cantatrice, par les abonnés qui avaient organisé une souscription à cet
I effet et réuni plus de 3,000 roubles (12,000 francs), une rivière
et des boucles d'oreilles en diamants, une chaîne avec médaillon
en or, travail russe, une belle broche dans le style oriental garnie
de perles roses, et, ce qui l'a le plus touchée, un présent des étudiants
consistant en un beurrier en argent niellé, travail de Toula, en-
touré d'une devise portant ces mots: Donné par la jeunesse de Moscou
qui vous adore. Le gouverneur de Moscou n'avait pas voulu être en
reste de ces libéralités et il y avait joint un beau bracelet fermant par
un saphir entouré de diamants. Enfin, à la sortie du théâtre l'artiste ido-
lâtrée de notre public a été reconduite en triomphe jusqu'à sa demeure
par les étudiants qui l'avaient attendue.
»*j; Salle Valentino. — La Fête des fleurs de mardi dernier a été
splendite, plus de deux mille personnes y assistaient. Les concerts Arban
font affluer le monde à la salle Valentino, dont la transformation est
une des merveilles de Paris. Les bals masqués y feront fureur cette an-
née, et auront lieu tous les samedis.
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Méditation M. Bergson.
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SOMMAIRE. — Théâtre Lyrique impérial : reprise du Brasseur de Preslon, par
Panl Bernard. — Théâtre impérial Italien : Otello: la Serva padrona,
par Elias de Bauze. — Théâtre des Bouffes-Parisiens: Petit bonhomme
vit encore! — Théâtre des Fantaisies-Parisiennes: reprise de Gilles ravisseur.
— Nouvelles séances théâtrales à l'Ecole spéciale de chant. — La Musique de
la Périchole, par Paul Bernard. — Nouvelles des théâtres lyriques. —
Nouvelles diverses. — Annonces,
THÉÂTRE LYRIQUE ÎMPËRIÂI.
Beprise du Bfaasewr ae M*realot»,
Opéra-comique en trois actes, paroles de MM. de Leuve.n et
Brunswick, musique d' Adolphe Adam.
11 y a juste trente ans que le Brasseur de Preston fut représenté
pour la première fois sur le théâtre de l'Opéra-Comique. Ce fut
Berlioz qui, dans ce journal, en fit le compte rendu.
L'éminent critique constatait le succès de la nouvelle pièce et se
plaisait à y reconnaître des qualités brillantes agissant sur les
masses, ainsi qu'une grande entente de la scène et de jolis effets
d'orchestration :
« On peut, disait-il, citer un duo, un trio, plusieurs couplets, la
scène entière où le sergent apprend à Robinson le maniement des
armes, un chœur fugué dans lequel se trouve un effet de decres-
cendo charmant et imprévu, différents passages d'instrumentation
où les flûtes et les clarinettes sont habilement groupées en trio et
en quatuor. ' succès n'a pas été douteux un seul instant, ajou-
tait-il, et ' lOms des auteurs ont été proclamés au milieu des
applaudis .ents. »
Aujoui'' nui le goût du public a un peu changé et les habitués
de l'Opéra-Comique, tout les premiers, ne laisseraient pas de
reconnaître eux-mêmes que certaines parties de l'œuvre ont
vieilli et sont moins en rapport avec nos appétits nouveaux. Le
[tremier acte surtout, toujours considéré comme le plus faible
d'ailleurs, garde l'empreinte d'une autre époque; son influence
un peu surannée n'a pu cependant compromettre le succès de cette
heureuse reprise. Le second acte est venu brillamment enlever la
410
KEVUE Ei GAZETTE MUSICALE
position, c'était justice. Il est difficile, comme poëme, de trouver
un canevas d'opéra-comique plus amusant, et comme musique,
des morceaux plus appropriés aux situations. C'est aimable, frais,
gai et toujours de bon goût.
La pièce, créée en 1838; avait été reprise une première t'ois au
théâtre lyrique du boulevard du Temple en 1847. Il y avait donc
vingt ans qu'on ne l'avait entendue et la curiosité était vi'aiment
sui-excitée par le souvenir de son ancien succès; il ne sera peut-
être pas indifférent d'en connaître la distribution primitive com-
parée à celle d'aujourd'hui.
1838 1868
Robinson M. Chollet. M. Meillel.
Effie Mlle Prévost. Mlle Daram .
Toby M. Henry. M. Wartel.
■lenkins M. Ricquier. M. Legraud.
Mulgrave M. Grignon. M. Giraudet.
Lovcl M. Fosse. M. Géraizer.
Bob M. Tessier. M. Verdcllet.
En 1847, ce fut Mme Henri Potier qui joua le rôle d'Eftie avec
succès; le rôle de Robinson était tenu par Cabel, plus illustré par
sa femme que par lui-même.
Aujourd'hui, il était difficile de trouver un meilleur Robinson
que notre excellent Meillet. Il s'est tiré à son plus grand honneui'
d'une tâche ardue et périlleuse en ce qu'il s'agissait de concilier
les traditions de ceux qui avaient vu Chollet et le goût rcctilié de
ceux qui ne l'ont pas connu. En effet, cet acteur, enfant gâté s'il
en fut, offrait une personnalité très-marquée, pleine d'écueils pour
ses imitateurs et à laquelle les musiciens d'alors sacrifiaient volon-
tiers, parce que le public sanctionnait ce genre évidemment un
peu faux. Le chant de Chollet, il faut l'avouer, était une espèce de
J.a-i-tou perpétuel, et les rôles écrits pour lui n'étaient vraiment
ni pour ténor, ni pour baryton. L'autre soir, nous avons surtout
remarqué ce défaut dans le premier acte du Brasseur. Une persis-
tance sur ré, mi, fa dièze se trouve liors des moyens naturels
du baryton et les fusées en voix de tête qui s'y rencontrent à
chaque instant sont aujourd'hui tout à fait démodées. La voix sini-
pathique et bien posée de M. Meillet se trou\ait mal à l'aise accro-
chée à ces tours de passe-passe ; heureusement le deuxième et le
troisième acte, en rentrant dans de meilleures conditions vocales,
lui ont fourni amplement l'occasion de mettre en relief ses qua-
lités sérieuses. 11 a délicieusement dit sa romance du troisième acte
et un bis bien mérité dans l'air original du cheval est venu le ré-
compenser de ses efforts. Comme comédien, il est pariait ; ce l'ùle
moitié bouffe, moitié sentimental de soldat malgré lui, est une
création qui lui sera comptée et qui prouve une fois de plus la
valeur réelle de cet artiste consciencieux.
Tous nos compliments à Mlle Daram; elle est charmante dans
le rôle gracieux et mutin d'Effie. Le fameux trio du second acte, si
joli, si connu, a été pour elle l'occasion d'un bis et d'un franc
succès. Coiame chant, elle progresse tous les jours, elle a du feu,
de la verve ; qu'elle tâche seulement dans le dialogue de parler
plus naturellement et l'avenir lui appartient.
Wartel, dans le personnage du sergent Toby, a conservé sa
voix un peu cotonneuse et ses grandes jambes toujours pliées.
Soyons juste toutefois, il joue avec intelligence et dépense
une forte somme de bonne volonté.
Dans la catégorie des mentions honorables se placent MM. Ver-
dellet, Legrand et Giraudet. Les chœurs ont chanté à tue-tête; l'or-
chestre s'est distingué, mais il joue toujours un peu fort ; il y a
en lui comme une exubérance de jeunesse. Je vous recommande
un tambour qui, dans la partie militaire de l'ouvrage, fait du bruit
comme quatre ; somme toute, un peu de sourdine à la clef ne
ferait pas de mal, au contraire.
Pour nous résumer, le public ira voir le Brasseur de Preston,
parce que la musique en est cluirmante, l'interprétation très-soi-
gnée, et la pièce fort amusante dans les deux derniers actes sur-
tout.
Paul BERNARD.
THEATRE IMPÉRIAL ITALIEN.
OlcIIo< — lia Serva padrona.
Le ténor au puissant ut dièze a fait sa rentrée mardi dernier,
salle Ventadour, dans Otello. Au premier acte, à l'air notamment,
on se demandait si le temps qui ne respecte rien, pas même les
chefs-d'œuvre supérieurs qui, malgré d'incontestables beautés,
semblent vieillir chaque année, si ce temps, disons-nous, n'avait pas
commencé à entamer l'organe auti'efois si robuste de Tamber-
lick, à l'affaiblir, sinon à l'érailler, à l'user en un mot. Mais quand
le' fameux duo avec Yago est arrivé, et que l'artiste a pu lancer
à deux reprises sa note exceptionnelle, la salle tout entière a fait
éclater des applaudissements et le triomphe du célèbre ténor n'a
plus été douteux. 11 a fallu cependant le fameux ict dièze pour
l'assurer! En somme, le talent est toujours le même; la voix a
faibli légèrement dans le chant (|ue les Italiens appellent spianato,
c'est-à-dire dans le largo, l'adagio, voire même dans le récit; mais, dans
les notes d'élan et partout où il faut de la vigueur, de l'énergie,
partout oh. la voix est soutenue par le sentiment dramatique,
elle est encore pleine, forte, vibrante, et elle trouve des effets sai-
sissants.
On sait qu'au troisième acte seulement, l'opéi'a de Rossini
tlevienl shakspearien. Les deux premiers actes sont plutôt une
série de superbes morceaux de concert, que, s'il les avait écrits
de nos jours, Rossini aurait sans doute dépouillé de tous les
traits, vocalises et fioritures qui les enjolivent. Mais au troisième
acte, à partir de l'inimitable plainte du gondolier, la musique suit
de près le sujet, le serre et s'identifie avec lui. C'est ici que l'on
a pu admirer le talent des deux artistes, de Tamberlick, qu'on
connaissait déjà dans ce rôle, et de Mlle Krauss qui s'y est montrée
excellente cantatrice, comme toujours, et tragédienne distinguée.
MM. Verger et Agnesi ont eu leur part du succès; mais une
part encore plus large en a été faite au jeune ténor Palermi, dont
le talent — d:ins le répertoire rossinien surtout — s'affirme chaque
jour davantage.
— Jeudi le spectacle se composait des deux derniers actes de
Rigoletto et de la Serva padrona (servante maîtresse), non pas de
Pergolèse, mais de Paisiello. Cette seconde Serva padrona date de
1777. Le maître napolitain l'écrivit en Russie, un peu avant son
Barbier.
Quel contraste frappant avec la musique fougueuse et véhémente
de Verdi ! Si la direction a voulu viser à cet effet d'antithèse, elle
y a parfaitement réussi, mais nous ne savons pas si la musique
calme, douce, un peu naïve et presque parlée de Paisiello gagne
à être ainsi rapprochée de celle de Verdi ! On aurait dû au moins
commencer par la Serva padrona. Quoi qu'il en soit, celle-ci gagne-
rait à ne pas être donnée le môme soir qu'un opéra de Verdi.
Lequel des deux maîtres veut-on faire servir de repoussoir à
l'autre?
Ceci dit, nous nous empresserons de constater que Mme Krauss ,
— toujours elle ! — après avoir trouvé des accents déchirants dans
le rôle de Gilda du Rigoletto, a été ravissante sous le costume de
soubrette de Zerbine, tout à la fois coquette, enjouée, accorte, dé-
lurée, câline ; charmante en un mot. Qu'elle chante Rossini,
Verdi ou Paisiello, elle est toujours sûre de réussir, car elle est mu-
DE PARIS.
4H
sicienne dans l'âme. La basse comique Ciampi l'a admirablement
secondée. Mlle Urban, pour laquelle on avait développé et
agrandi le rôle muet de Vespino, a été adoral>le do verve et de
brio, tantôt sous le costume coquet du frère de Zerbine, tantôt
sous celui de la pensionnaire, tantôt enfin sous l'habit militaire
du capitaine Tempesta ; il taquine, agace, fait damner le pau-
vre vieux Pandolplie et aide de toute sa malice au mariage de sa
sœur, servante devenue maîtresse.
La Serva Padvona sera un très-joli appoint aux opéras trop
courts, tels que la Snnnainbula ou Lucia, etc.
Elias de RAUZE.
THÉÂTRE DES BOUFFES-PARISIENS.
PETIT BO.^iHOSINE TIT ENCOBÉ!
Opéra-comique en deux actes, paroles de M. de Najac, musique
de M. \ji Deffës.
(Première représentalion le 19 décembre 1868.)
L'opéra-comique de M. Deffès est la première nouveauté que la
direction des Bouffes-Parisiens a donnée depuis sa soirée d'ouvei--
ture, ce qui semble dénoter une situation prospère, et fait l'éloge
de M. Jules Noriac. Faut-il aussi constater, à sa louange, que cet
ouvrage n'est pas tout à fait insensé, et qu'il a même des allures
presque raisonnables? Le public est-il mûr pour cette espèce de
renaissance ? Nous souhaitons que M. Jules Noriac n'apprenne pas
à ses dépens qu'il s'est aventuré trop tôt dans la voie de la réac-
tion.
Le sieur Jean Belleface a quitté sa femme à la suite d'une scène
de ménage, et il s'est mis à courir le monde. Mais lorsque, un
jour, il a été • conduit par la misère à rentrer au bercail, il a
trouvé porte close. Mme Belleface, s'appuyaut sur un extrait mor-
tuaire de son coupable époux^ refuse de le reconnaître. Ce n'est
plus d'ailleurs la marchande de modes d'autrefois; elle est devenue
une cantatrice célèbre, sous le nom de la signora Florini, et elle
a autour d'elle une cour nombreuse d'adorateurs. Parmi ceux-ci
figure en première ligne le prince russe Onséky, dont elle a peine
à repousser les offres brillantes. Enfin, elle se décide à partir avec
lui, et le pauvre mari, pour veiller sur ses droits contestés, ne
trouve pas d'autre moyen que d'entrer au service du prince russe
en qualité de valet de chambre.
Nous laissons de côté une folle qui le prend pour un amant
déguisé, et qui abandonne son mari pour le suivre. A la première
étape, Jean Belleface perd tout à coup patience; il se débarrasse
de sa folle en la rendant à son époux, et, prenant le costume
et les manières d'un beau du Directoire, il entre en lutte de sé-
duction avec le prince, et reconquiert le cœur de sa femme, qui
veut bien finir par reconnaître que Petit bonhomme vit encore!
Cette pièce a des parties plaisantes; mais son principal mérite
réside dans l'agréable musique de M. Louis Deffès. Si elle ne
brille pas par une grande originalité, on y rencontre du moins
les qualités ordinaires de ce compositeur, l'esprit, la grâce, la
distinction.
Il y a, au premier acte, dans le trio d'introduction, de forts
jolis couplets vocalises par la signora Florini, plus loin, une bam-
boula très réussie, une joyeuse chanson de matelot, et sui'tout un
finale qui, au talent de la mise en œuvre, joint le bonheur de
l'inspiration. C'est, selon nous, le meilleur morceau de la parti-
tion.
Dans le deuxième acte, on peut encore citer un gentil duo pour
deux voix de femme, un quatuor terminé en quintette, une chan-
son de table, et les couplets de la fin : Je suis Jejin Belleface, qui
ont de la gaieté et de la rondeur.
Le rôle de ce Jean Belleface, ou, si vous voulez, de Cocomero,
qui prend toutes sortes de noms et de déguisements, pour se rap-
procher de sa femme, est joué avec infiniment de verve par
Berthelier. Ce n'est pas à lui qu'on reprochera de laisser languir
la situation.
Mlle Fonti est charmante sous les traits de la Florini ; elle est
bonne comédienne et elle chante en véritable virtuose italienne,
comme c'est son devoir.
Lanjallais a fait un type très-réussi du prince russe ; Bon-
net tire tout le parti possible d'un rôle baragouiné et Mlle Gilbert
porte à ravir l'étrange costume du Directoire.
THEÀTBE DES FÂNTÂISIES-PÂRISENNES.
Reprise de CHIlea waviasetttr.
Opéra-comique en un acte , paroles de M. T. Sauvage, musique
de M. A. Grisar.
(Le 21 décembre 1868.)
M. Martinet poursuit , aux Fantaisies-Parisiennes , l'œuvre
qu'il a entrepris, de ressusciter quelques-uns des bons opéras qui
sont délaissés, pour une raison ou pour une autre, par nos grands
théâtres lyriques. Sa dernière reprise, celle de Gilles ravisseur, ne
pourrait être mieux choisie, car cet ouvrage est un bijou musical,
et l'un des plus scintillants de l'écrin d'Albert Grisar.
Aussi la pièce de M. T. Sauvage, si habilement agencée, d'a-
près l'ancien opéra-coinique de D'Hell, et la partition de Grisar,
ont-elles retrouvé, aux Fantaisies-Parisiennes, leur succès de 1848.
Gabriel Bonnet n'a pas fait oublier Mocker dans le rôle de
Gilles, dont ce dernier fit une si charmante création, mais il y a mis du
naturel et de la gaieté. 11 dit fort bien sa ronde de Joli Gilles. Bar-
nolt remplace Sainle-Foy, adroitement, mais il a fort à faire encore
pour l'égaler. Crispin est joué parSoto, dont nous avons plusieurs
fois remarqué l'heureuse voix bien timbrée et la bonne méthode.
L'air: Regardez à la ronde, a été pour lui l'occasion d'un vrai
succès. Les beaux yeux de Mlle Persini sont un talisman qui la
protège dans le rôle d'Isabelle.
Au résumé, l'opéra de MM. Sauvage et Grisar est très-convena-
blement monté, et il a pour soutien un orchestre irréprochable.
D.
NOUVELLES SÉANCES THÉÂTRALES
A L'ÉCOLE SPÉCIALE DE CHANT.
Vendredi dernier, l'inauguration à l'École spéciale de chant, di-
rigée par MM. Duprez, des exercices d'élèves avec orchestre, a
bien été ce que promettait leur programme : un spectacle varié,
honnête, intéressant sous le rapport musical.
Au début delà séance, M. G. Duprez, dans un speech humoris-
tique et qui a produit, quoique débité d'une voix enrouée, un excel-
lent effet, a remercié les protecteurs de l'école de leur^ empresse-
ment à encourager « les jeunes adeptes de l'art sérieuxet » à vouloir
être les témoins assidus de leurs progrès.
Le spectacle, — nous disons bien, — que M. Auber honorait de
sa présence, se composait de la grande et dramatique scène finale
du Roméo et Juliette, de Vaccaï, et de Jéliole, opéra-comique en
un long acte, de M. H. Lucas et Ed. Duprez pour les paroles, et
412
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
du grand Duprez lui-même pour la musique. Sous le couvert du
quiproquo classique et dans le naïf développement d'une intrigue
à l'eau de rose, cet ouvrage présente des situations musicales
nombreuses, trop nombreuses peut-être, et renferme plusieurs
morceaux-études habilement combinés pour faire valoir par leurs
contrastes les moyens vocaux et dramatiques des élèves.
Les exécutants, en effet, n'étaient que des élèves, et si nous les
nonunons, c'est moins pour leur accorder des éloges dangereux
que dans la pensée de les encourager simplementet de fixer lepoint
de départ de leurs progrès réels. Mlle Mina Smidt (Roméo), nouvelle-
ment débarquée d'Allemagne, possède une voix de contralto ma-
gnifique : ce sera, plus tard, quand on lui aura appris à s'en servir,
puissant, étendu de registre, velouté de timbre. L'Ecole spéciale
changera également en qualités la voix et le jeu automatiques, mais
vigoureux, de Mlle Fogliari. Quant à Mlle Wugk, c'est l'étoile de
la petite salle de la rue de Laval : fort jolie personne, gracieuse,
élégante, douée de naturel et de finesse, comédienne d'instinct,
elle tire le meilleur parti, — et non pas sans beaucoup de cette assu-
rance et de ce diable-au-corps que donne la méthode de Duprez,
— d'une voix remarquablement belle et colorée; il y a là tout
un avenir artistique, si on ne sème pas au vent la moisson labo-
rieusement amassée. Du côté des jeunes gens, je citerai M. Fau-
quez : la voix est bonne, mais exigera toujours bien des ména-
gements; il ne saurait donc trop connaître l'art du beau chant.
Pour le jeu, ce jeune ténorino (Jéliotte) rappelle le mot de Ni-
non, sa conterapor.aine, dans la pièce : vraie boule de neige fri-
cassée dans la glace. Un petit amoureux du théâtre du Gymnase,
M. Ernest Vois, élève de l'Ecole, a brûlé les planches avec beaucoup
d'esprit et de bonne humeur dans le rôle du perruquier Pingouin.
MIVL Duprez père et fils s'étaient travestis pour donner la réplique
à leurs élèves ; le père a eu dans le finale dé son propre opéra un
succès de professeur et de robe de chambre dont l'ombre d'Arnold
a paru satisfaite ; mais à quelle étrange voix de Ijasse peu\ent donc
insensiblement arriver les ténors !
Les costumes et les décors étaient d'une fraîche simplicité. J'a-
jouterai que l'orchestre s'est tiré à son avantage de l'orches-
tration touffue de G. Duprez, et que M. Auber a félicité ce der-
nier.
Tout a donc marché pour le mieux dans cette petite fête de fa-
mille que chaque mois ramènera deux fois. En sortant à 6 heures
du soir de cette matinée tliéâtrale, on était tant soit peu dérouté
tant il semblait — et c'est là le meilleur compliment, je crois,
qu'il convienne d'adresser aux directeurs et aux élèves d'élite de
l'Ecole spéciale de chant — tant il semblait avoir assisté dans une
vraie salle de spectacle à une vraie représentation lyrique.
M. M.
£A MUSIQUE DE LA P£BICH0LE.
Comme tout le monde, nous avons été voir la Périckole, rire de
cette pièce amusante et du jeu de ses désopilants interprètes ; comme
tous, nous avons remarqué dès le premier soir la musique
élégante, alerte et facile que le maître du genre, il maestro Of-
fenbach, a semée avec sa verve habituelle depuis l'ouverture jus-
qu'au dernier finale; comme presque tous, séduit parla première
audition, nous sommes retourné voir cette spirituelle bouffon-
nerie qui, sans en avoir l'air, touche parfois , comme la
Grande-Duchesse, à certains travers de notre société , et
la musique, réentendue une seconde fois, nous parut alors mériter
une étude spéciale de ses moyens et de ses effets, pour en appré-
cier plus complètement la valeur réelle et le caractère tout par-
ictulier.
La partition étant parue, nous la prîmes donc aussitôt en mains,
et c'est avec un vrai plaisir que la lecture succédant à l'audition,
l'analyse expliquant la sensation, nous pûmes fixer notre juge-
ment sur la manière générale d'Offenbach, et spécialement sur la
musique de la Périchole.
C'est une oeuvre charmante, dans ce qu'elle est. Inutile de lui
demander plus qu'elle ne donne, plus qu'elle ne doit donner.
L'épopée n'a rien à démêler avec le madrigal et le poëme épique
n'empêche pas le conte en vers d'êti'e une agréable et délicieuse
chose. Laissons donc pour aujourd'hui dormir en paix le grand
genre, et de même que nous lirions un chapitre de Vert-Vert ou
du Lutrin vivant, effeuillons ensemble cette gentille partition de
la Périr.hole qui personnifie vraiment la poésie légère en musique,
et qui peut en toute justice valoir à son humoristique auteur le
surnom de Gi'esset musical.
Savez-vous qUe ce genre-là n'est pas si facile à traiter que cela
pourrait le paraître tout d'abord? On peut bien avoir quelques
idées mélodiques dans le genre bouffe, mais on tombe alors si
rapidement dans le trivial, dans "le vulgaire, dans la chanson de
carrefour ! Avec Off'enbach il n'y a rien décela à craindre. Sa phrase
conserve une saveur native qui annonce son parfait musicien ; ses
harmonies sont fines et élégantes, et il sait greffer avec un tact
que lui seul possède la corde sentimentale sur le canevas comi-
que. Nous citerons dans ce dernier ordre la déclaration de la
Grande-Duchesse et la lef'-e de la Périchole. Impossible de ren-
contrer des mélodies plus traîches et plus senties. C'est le parfum
de la rose s'unissant à la simplicité de l'églantine ; c'est pur,
c'est délicat, c'est charmant. On ne sait s'il faut s'attendrir ou
continuer à plaisanter; dans tous les cas, on s'amuse, et c'est là
l'essentiel. La musique amusante ! OfTenbach en est bien le créa-
teur et le public lui en a conféré le brevet. D'autres y ont par
hasard réussi ; combien, hélas ! y ont échoué.
C'est du reste là qu'il est parfaitement dans son centre; il
trouve alors de ces effets comiques dont il garde la clef et aux-
quels personne n'aurait pensé, pas même ses collaborateurs. Ses
grands finales bouffes naissent dans sa tête sans que rien puisse
les faire pressentir. Les librettistes écrivent une scène bien cou-
pée, bien conduite; le compositeur se met à l'œuvre et c'est tout
autre chose qui sort de sa plume. Un seul vers, un seul mot
quelquefois lui font trouver un effet, un morceau tout entier où
la partie musicale vient jouer son rôle et prendre le haut du pavé.
Il surgit alors de ces cocasseries qui savent arracher le rire aux
plus flegmes et font pâmer les esprits joyeux. Il y a de tout là
dedans : de la charge italienne, de la gasconnade, de la farce
gauloise. C'est du Rabelais en musique; la note sautille, les ins-
truments jacassent, les accords jouent à saute-mouton tandis que
les syllabes jouent à cache-cache ; la joie déborde et les fronts les
plus académiques sont déridés.
Le plus remarquable, c'est qu'au milieu de toutes ces folies
régnent une sûreté de touche, une entente de la scène, un res-
pect de la forme qui classent les œuvres d'Offenbach dans le ré-
pertoire véritablement artistique. Nous sommes de ceux auxquels
répugnent les bas-fonds de l'art, sans nommer rien ni personne.
En suivant Offenbach, si loin qu'il aille dans le domaine du ca-
price et de l'excentricité, on est toujours sûr de rester en bonne
compagnie et de n'avoir pas les oreilles souillées; mieux que cela,
on est certain d'avoir entendu de bonne musique, et très-souvent
de pouvoir enregistrer des inspirations de premier ordre.
Maintenant passons aux détails.
L'ouverture s'annonce gaiement et nous fait connaître de suite
deux des principaux motifs de l'ouvrage: le refrain de l'Espagnol
et la lettre de la Périchole; nous en reparlerons à leur place. Un
chœur de fête ouvre brillamment le premier acte, mais l'atten-
DE PARIS.
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tion se porto davantage sur la chanson des trois cousines. Ce
morceau en forme de valse est agencé d'une façon charmante, et
la phi-ase où le cliœui- répond : Versas, à nous versez, est d'une
fraîcheur sans égale. C'est un vrai cliœur d'opéra-comique. Les
couplets du vice-roi qui viennent ensuite sont d'un sentiment
bouffe de bon aloi, et sui' ces paroles :
Je vais, je viens, je me faufile
Incognito,
se pose un refrain traité fort spirituellement. J'aime moins, par
tempérament, la complahite de l'Espagnol et de la jeune Indienne.
Cependant je dois avouer qu'elle porte bien le cachet d'une chan-
son des rues. C'était ce qu'il fallait et le compositeur a rencon-
tré juste. Encore ici un refrain qui deviendra populaire :
Il grandira, car il est Espagnol.
En disant qu'il deviendra populaire je ne suis guère sorcier;
ne l'est-il pas déjà ?
Voici la letti-e de la Périchole. En même temps qu'une perle
de mélodie, c'est un petit bijou de sentiment , d'originalité , de
diction et d'exquise finesse. Il est vrai de dire que IMlle Schneider
détaille cela à ravir. La pau\re Périchole explique à son amant
que, bien que folle de lui, il faut se séparer. L'amour est un
grand maître, mais la faim est une mauvaise conseillère, et sur
des paroles inspirées de la Manon de l'abbé Prévost, se pose une
phrase musicale d'une simplicité adorable. C'est fait de rien,
mais d'un rien d'or. Tout le monde chantera cette bluetle, et
chacun y trouvera son compte, amateurs et artistes, par le
charme qui s'adresse à tous et par la valeur intrinsèque d'une
inspiration vraie.
Nous arrivons au grand finale du premier acte, et nous allons
rencontrer bon nombre de ces surprises dont je parlais tout à
l'heure. Un chœur et le duetto des notaires préparent fort bien
la Cbfémonie funambulesque de ce mariage en goguette. Atten-
tion! voici la fiancée. Elle marche légèrement de biais et dit tout
bas :
Je suis un peu grise.
Faut pas qu'on le dise.
Chut ! . . . faut pas. =
La musique se prête avec une grande finesse à cette confidence
naïve ! Voici maintenant le marié :
Ah! les autres étaient bien gris,
Mais il l'est tant celui-là, gris,
Qu'à lui tout seul, il est plus gris
Que tous les autres n'étaient gris.
La partie musicale relève encore la drôlerie de ce refrain, puis
un point d'orgue impossible, comme Ofl'enbach sait les trouver et
Dupuis les chanter, amène un charmant petit duo entre les deux
époux ; après quoi, la cérémonie se termine au milieu d'un chœur
à tout casser sur un galop identique à celui de la Belle Hélène,
et dans lequel passe un charmant épisode scénique. C'est la for-
mule légale du mariage mise eu musique; c'est vraiment drôle.
Enfin, l'acte s'achève sur le retour de la phrase ; // grandira, car
il est Espagnol, et l'on se demande comment tant de choses fol-
les et jolies ont pu se trouver si bien et si rapidement accou-
plées.
Une valse faite de plusieurs fragments déjà entendus ou qu'on
entendra bientôt sert d'entr'acte; puis le rideau se lève sur le chœur
des dames de la cour, en si bémol mineur, un véritable petit
morceau d'artiste, une romance sans paroles de Mendelssohn;
vous voyez qu'il y en a pour tous les goûts. Les couplets des can-
cans qui viennent ensuite sont aussi d'une couleur fort distinguée.
Mais changeons de point de vue. Le chœur des seigneurs, imité
de la Favorite, présente de curieuses modulations, tout en rappe-
lant la phrase de Donizetti. Les couplets : f.es femmes il n'y a
que ça, sont élégants et comiques; ceux : Ah! Que les liommes
sont bêtes! en font l'aimable contre- partie. Puis vient un très-
joli rondo de bravoure pour la présentation, le galop de l'arres-
tation : Sautez dessus I une vraie folie ; enfin le mor(»au des
maris récalcitrants, et là le comique arrive à son comble. La mu-
sique en est charmante; elle est, du i-esle, fort curieusement cou-
pée par une nouvelle imitation-charge de la Favorite, sur ces
paroles : Dans son palais, ton roi t'appelle. Cette partie de l'ou-
vrage est des plus entraînantes, la mélodie en est franche,
coulée d'un jet et l'agencement des plus heureux.
Dans la partition se présente ici un duo qui ne se dit pas aux
Variétés. Il est cependant charmant, mais son cadre étant plutôt
celui de l'opéra-comique, il pouvait paraître un peu froid aux
spectateui's chauffés à blanc par le morceau précédent.
Ce qui reste maintenant est peu de chose. Citons pourtant le
chœur qui précède le dîner du roi et une séguedille des plus
alertes dite par-Piquillo et la Périchole. Cette séguedille, dans les
premières représentations, était chantée au premier acte sur de
piquantes paroles de couleur tout à fait espagnole :
Vous a-t-on dit souvent :
Ecoutez-moi, la fille"?
Cette guitare en deux couplets, comme l'annoncent les acteurs, a
le privilège de réveiller l'attention quand il semble qu'il n'y ait
plus qu'à baisser le rideau. Il baisse cependant à minuit moins dix
sur le refrain dominant de la pièce :
il grandira, car il est Espagnol.
Avais-je raison de vanter l'habileté, l'adresse, la profusion du
maestro Oifenbaclt? En comptant les choses charmantes de la Pé-
richole, les passages d'une valeur incontestable qui s'y présentent, en
appréciant la facilité de facture, la connaissance des eff'ets que met
en œuvre cet aimable musicien, on est forcé de l'econnaître qu'il
sait rendre intéressant le genre léger et que ses partitions ont
plus de mérite que beaucoup d'autres plus ambitieuses et bien
plus vides.
C'est ce qui explique, sans plus chercher, le succès qiii s'attache
à la plupart de ses œuvres et l'intérêt qui se développe à l'appa-
rition de ses nouveaux ouvrages.
Paul BERNARD.
Nous recevons trop tard, pour pouvoir l'insérer aujourd'hui , la
réponse de M. Fétis à la lettre de M. Gevaert que nous avons
publiée dimanche. Ce sera pour notre prochain numéro.
NOUVELLES DES THÉÂTRES LYRIQUES.
^*if La représentation de la Muette, dimanche dernier, au théâtre de
l'Opéra, a été fort belle ; la salle était comble et l'on a clialeureusenient
applaudi Villaret et Devoyod dans les rôles de Masaniello et de Pietro.
^"^^ Lundi et vendredi on a joué les Huguenots auxquels le public
continue de se porter en foule. — Mercredi, Hamlet. — Aujourd'hui,
par extraordinaire, la Juive.
^*^ La représntation donnée mercredi au bénéfice de i\Ime Ugalde a
été fort brillante et la recette a dépassé 8,000 francs. Mme Carlotta Palti,
qui avait promis son concours à la bénéficiaire, n'a pu lui tenir parole.
En reparaissant sur le théâtre de ses premiers succès, Mme Ugalde n'a
pu se défendre d'une certaine émotion, mais bientôt remise, elle s'est
montrée, particulièrement dans Galathée, création dans laquelle elle est
restée inimitable, à la hauteur de sa réputation.
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
,*^ .leudi, à l'Opéra-Comique, Leroy a dû chanter au pied levé, dans
}i' Pirmicr Jour de bonheur, le rôle de Capoul, indisposé. 11 s'en est fort
bien tiré. — Le ténor Nicot va débuter incessamment dans le Pré aux
Clercf:,
,■** Les adieux d'Adelina Patti ;i la scène italienne de la place Ven-
tadour avaient attiré, dimanche dernier, plus de monde que la salle
n'en peut contenir. La représentation n'a été qu'une ovation perpétuelle
pour la diva, qui rst partie lundi pour Bruxelles, chargée de bravors de
bouquets et de couronnes. — Une dépêche de cette dernière ville an-
nonce que sa première apparition, dans Lwia, au théâtre de la Monnaie,
acte splendide. — La recette a atteint le chiffre de 16,706 francs.
^*:; La maladie d'Offenbach , qui vient de le retenir deux semaines
chez lui, a apporté du ralentissement dans les études de Vert-Vert à
l'Opéra-Comique.— Le fécond compositeur s'occupe à la fois de l'opérette
en un acte que va donner le théâtre des Variétés, pour les débuts de
Zulma Bouffar et de Mlle Aimée, et de la partition de la Dira, - la
pièce de rentrée de Mlle Schneider aux Bouffes, — ce qui ne reuqiêche
pas de songer déjà ii lu l'rinresse de Trébizonde, de MM. Tréfeu et Nuitter,
qui doit être jouée cet été ;i Bade, oii M. N'oriac transportera pour l'in-
terpréter sa troupe, pendant la fermeture de son théâtre. On voit que
ce n'est pas l'activité qui manque au maestro.
*** Toujours grande foule à l'Athénée pour entendre /-'î llorretirs de
la (jucrre de MM'. Gille et Costé, interprétés de la façon la plus bouf-
fonne par MM. Léonce et Luce et la plus cliarmante par Mlle Van (îhell.
— Mlle Lovato a pris depuis quelques jours le rôle de Wilhelmine, qui
n'a rien perdu au changement. — Le Venijeur complète wu ne peut mieux
le spectacle.
,% Le théâtre des l''olies-|)ramalique< va mettre procliainemeiit en
répétition un opéra-boufté que l'on dit de la plus excentrique originalité
et qui est intitulée l'Arrachease de dents. Le poème est de M. Bernard de
Lopez, et la partition sera le début au théâtre d'un umsicieu très-
connu dans les concerts ei les salons, M. Jo.seph O'Kelly.
^*» Fleur de Thé vient d'obtenir au Théâtre français ;i llouen le succès
qui l'accueille sur tous les théâtres où elle est montée. On a franchement
applaudi tous les morceaux de la jolie partition de M. Lecocq, gaiement
enle\és parles interprètes MM. Thomasse, Mesmacker et Maxime, Mlles'
Hurez et Debay. Tous ont ont été rappelés à la chute du rideau.
.*^ Le tiibunal de première instance, dans son audience de mercredi,
a débouté la Direction des théâtres impériaux de Ru.ssie de la demande
en 100,000 francs de dommages-intérêts qu'elle avait forir.ée contre le
célèbre ténor Fraschini, et l'a condanmée aux dépens.
* Les journaux artistiques italiens publient en ce moment, suivant
leurliabitude, le bilan de la Péninsule en opéras non-eaux, éclos pen-
dant l'année l.S(>8. Il y en a vingt-quatre : c'est, à quelques umtés près,
le nombre accoutumé. Les succès, — succès italiens, raie n dire ephe-
,y,jres, — et les chutes sont en proportion raisonnable.
,*^ Notre correspondant de Moscou ajoute queUiues détails à ceux que
contenait notre dernier numéro sur la représentation de Fauslo donnée au
bénéfice de Mlle Désirée Artôt. « Une d( s meilleures soirées que nous ait
données l'opéra Italien, dans le cours de la saison qui va finir, a ete la
représentation des iVo:;c di Figaro. Mlle ArtAt, (Suzanna), la Ferrncci
(Contessa), laBenati (Cherubino), Ucta et Rossi, composaient un ensemble
parfait sous tous les rapports. Mlle Artôt a fait une merveilleuse créa-
tion du charmant rôle de Suzanne, qu'elle chante et joue délicieusement.
— Les Nozzc di' F/i/cf 1-0 ont été rendues avec un soin religieux, grâce au
chet d'orchestre, M. Joseph Dupont. Le public reconnaissant a voulu le
rappeler après la 1"- représentation, et l'on assure que l'administration
de l'Opéra russe aurait l'intention d'en proposer la direction musicale ii M.
Joseph Dupont. — L'opéra de Seroff, «oiyncdo, vient d'être donné pour la
première fois ii Moscou, avec un grand luxe de mise en scène et de cos-
tumes La musique de cet ouvrage rencontre de très-chauds partisans, et
de non moins ardents détracteurs, ce qui est une preuve certaine de .sa
valeur. L'action de liogneda se passe à l'époque de l'introduction du
christianisme en Russie. La musique est surtout remarquable par la
couleur locale, et une originalité incontestable, bien que fréquemment
critiquable. Seroff est un disciple de l'école wagnérienne, école peu en
faveur jusqu'à ce jour en- Russie, comme le prouve l'accueil très-froid
qu'a rencontré Lohengrin dernièrement à Petersbourg. — La Société
des concerts de la Soaété musicale russe a donné ses premières séances
svmphoniques. Nicolas Rubinstein est l'âme de cette magnifique institu-
tion à laquelle le public moscovite doit de splendides exécutions des
chefs-d'œuvre classiques. Le programme du deuxième concert offrait, outre
la symphonie en la de Mendelssohn, des fragments de Saiil et une ouverture
de M Joseph Dupont, auquel, la Société, selon l'usage, avait confié la
direction de son œuvre. Elle a eu un très-grand succès. — A Saint-Pé-
tersbourg, Mme Lucca a fait sa première apparition dans l'Africaine, et a
produit une énorme sensation. Cet opéra servait aussi de début au
ténor Slagno, transfuge de l'opéra Italien de Moscou, qui a été fort bien
accueilli.
NOUVELLES DIVERSES.
,i;% Au .second concert du Conservatoire, qui répétait, comme d'habitude,
le programme du précédent, on a fait un accueil très-favorable à la sym-
phonie de M. Gouvy, et le chœur îles pèlerins du Tamihœuser a été bissé
cette fois encore. Orchestre et chœurs se sont vaillamment comportés.
^*i^ Le concert donné dimanche à la Sorbonne au profit de l'Institut
de la Providence a été au.ssi brillant que fructueux; nous regrettons de
ne pouvoir disposer de plus d'espace pour distribuer individuellement,
aux artistes appelés à concourir à cette bonne œuvre, la part d'éloges
qui leur revient. Constatons seulement que Mlle Brunetti et M. Maro-
chetti pour le chant, Mlle Valérie Janssen pour le piano, MM. Sarrasate
et Lasserre pour le violon et le violoncelle, ont été à la hauteur de leur
talent et qu'on 'es a chaleureusement applaudis.
^*^ Mme .Nina de Caillas donnait dernièrement, àl'Ecolc lyrique une in-
téressante soirée, dans laquelle, outre la bénéficiaire, compositeur et pia-
niste de talent, on a beaucoup applaudi Mlle Nina deRionnelle récemment
arrivée de Nice, où elle a obtenu de beaux succès dans les rôles drama-
tiques. La Jeune cantatrice a chanté i)lusieurs morceaux d'un genre dif-
férent; chacun d'i^ux, et particulièrement la Berceuse de l'Afrieaine, lui
ont valu de chaleureux bi-avos.
»*, M. Gouffé a déjà donné chez lui plusieurs matinées musicales
intére.îsantes. A la dernière concouraient deux pianistes distinguées,
Mmcs Béguin-Salomon et Verdavaine. Un quintette pour instrumenta* à
cordes, d'Adolphe Blanc, tort bien interprète par MM. Guerreau, Ri-
gnault, Hcis, Lebouc et Gouffé, a été très-goùté.
""vT^oici le programme du onzième concert populaire de musique
'hlassiqîV , qui aura lieu aujourd'hui à 2 heures, au cirque Napoléon,
sous la direction de J. Pasileloup : 1" ouverture de Médée. de W. Bar-
gicl ; — 2" symphonie pastorale, de Beethoven; — :!" ouverture de la
Grotte de Fingal, de Mendelssohn; — i" adagio du quintette en sol mi-
neur, de .Mozart; — 5" suite d'orchestre (op. 113), de Franz Lachncr
(prélude, menuet, variations, marche).
»% Quatre excellentes .sociétés chorales allemandes de Paris, lu Teu-
tonia, la Liederlafrl. !a Germania t'ia Coneordia, réunies pour la première
fois sous le titre de Deutseher Saugerlnmd, ont donné samedi dernier une
très-belle fête dans la salle Dourlans, sous la direction de M. Hugo
Vittmann, l'habile chef de la Teutonia. Des chœurs de Franz Abt, Ri-
chard Wagner, Speidel et Fischer ont été fort bien rendus et très-applaudis;
l'orchestre, qui a exécuté les ouvertures de liosamunde, de Schubert, et
à'E-iinjanlhe, et accompagne chorisies et .solistes, s'est parfuitcraent ac-
quitté de sa lâche. Des bravos enthousiastes ont accueilli MM. Henri Fis-
sot, qui a admirablement joué le concerto en sol mineur de Mendelssohn,
et Tafi'anel, dont le beau talent de flûtiste est aujourd'hui dans toute sa
maturité, lùilin, le triple concerto de Beethoven pour piano, violon et
violoncelle, qu'on entend tri's-rarement et qui par conséquent était une
nou'cauté pour beaucoup d'auditeurs, a été exécuté par MM. Delaborde,
Lamoureux et Las.serre; c'est un des ouvrages les plus faibles du maître,
et toute la virtuosité et la bonne volonté des trois artistes n'a pas réussi
à en dissimuler les longueurs et a lui donner l'intérêt qui lui manque.
Il n'en faut pas moins savoir gré à l'éclectisme de M. Wittmann, grâce
auquel on a pu au moins emporter une opinion .-iur une œuvre aussi peu
connue.
**, Le concert des Orphéonistes d'Amiens vient d'avoir lieu avec un
immense succès: le théâtre était comble et la recette a dépassé i.OOO fr.
On avait demandé le concours de plusieurs artistes de Paris. M. Devoyod
de l'Opéra et Mlle Schrœder du théâtre Lyrique ont chanté plusieurs
morceaux. Herman, de son côté, a électrisé la salle avec son violon; ses
chants de Joseph et sa fantai.'ie .sur Rigoletto lui ont valu plusieurs rap-
pels successifs.— Mme Victoria Lafoutaine et son mari, du Théâtre-Fran-
çais, ont terminé le concert par une petite pièce qui a fait le plus grand
plaisir.
^*^, iVinsi que nous en avions déjà donné la nouvelle sommaire , M.
Bourgault-Ducoudray cherche à recruter « parmi les personnes des
classes élevées dévouées au culte du beau, » une société orphéonique
dont le but est la vulgarisation de la belle musique chorale : œuvres de
Palestrina, Bach, Haendel. Haydn. Mozart, etc. On peut prendre con-
naissance des statuts de la société, chez M. Bourgault-Ducoudray, 136,
boulevard de Magenta. Les cents sociétés chorales parisiennes, pour
ne parler que de celles-là, attendent à l'œuvre dans les concours aux-
quels « il ne s'interdit pas de prendre part, « l'Orphéon distingué de
M. Bourgault-Ducoudray.
,;,*,;, MM. Juvin, \. Querm, de Panette et Jessel ont remporté les prix
d'un concours, ouvert par M. Ad. Papin, pour la composition d'une
messe chorale à quatre voix d'homme.. La messe de M. Juvin, premier
prix, sera exécutée à l'église de la Trinité, au bénéfice de la caisse de
secours de l'Association des artistes musiciens.
^*^ M. Henri Hess, premier prix du Conservatoire impérial de musi-
que,*ancien organiste de Saint-Ambroise, à Paris, vient d'être nommé
maître de chapelle de la cathédrale de Nancy.
DE PARIS
-ilo
*% M. J.-J. Masset, proresseiir ûo chant au Conservatoire, vient de
recevoir, du roi de Suède, la décoration de l'ordre de Gustave Wasa.
C'est M. Masset qui a commencé rédiication musicale do Mlle iNilsosn.
/* Mlle Nilsson, qui a fait don aux Associatioiisdcs artistes musiciens
et dramatiques du produit de la représentation à iiénétice stipulée par
son nouvel engagement à l'Opéra, en a été oiïicicllement remerciée, au
nom des deux comités, par M. le baron Taylor. !.c comilé des artistes
musiciens a également remercié la célèbi'e cantatrice de son concours h
la messe solennelle de Sainte-Cécile.
^*^, Après une excursion de cinq mois en Allemagne et dans le midi
do la France, Mlle Octavie Caussemille , l'cxcellonle pianiste, est de re-
tour k Paris où elle compte passer la saison d'iiiver.
**^ Le couple Jaell vient d'accomplir une brillante tournée en Hol-
lande. Il est en ce moment k Bruxelles engagé par M. Samuel au pro-
chain Concert populaire et au gr.ind concert de la Société de la Grande-
Harmonie. Les deux éminents artistes seront de retour à Paris en jan-
vier.
,** Les éditeurs Brandus et Dufour viennent de mettre en vente les
deux nouvelles œuvres d'A. Dassier : Comment l'esprit vient aux Garçons,
chansonnette et C'est le printemps, romance dont Adelina Patti a accepté
la dédicace. Ces deux compositions se distinguent autant par le choix
des par-oies que par le charme des mélodies et un grand succès leur est
réservé
,*^ Un jeune compositeur M. Albert Loron, connu par plusieurs œu-
vres variées, vient de faire paraître quatre nouvelles compositions : les
Echos de Rotjat, quadrille; — Rcots de jeunesse, nocturne — étude; — le
Réveil de l'Aurore, polka-mazurka; les Gardes Mobiles, quadrille; nous les
recommandons aux amateurs.
^*if Poésies charmantes, inspirations musicales exquises, le Recueil dr
vingt mélodies choisies de Français Schubert, édité par H. Gautier, 62, rue
Turenne, à Paris a sa place marquée dans les familles et les pension-
nats, aussi bien comme cadeau d'étrennes que comme répertoire \ociû
varii'> pour les jeunes personnes.
^*j, L'éditeur Carlereau, seul propriétaire, du chef de l'auleur des pa-
roles, M. Sewrin, de la Fête du village voisin, va faire paraître la paru-
tion pour piano solo de cet opéra , i-éduite au piano par M. Ad. Boïel-
dieu.
-1;*,, Le violoncelliste Emile Dnnklcr vient de conclure, avec M. Max
Str-akosch, à de magnifiques conditions, un engagement de six mois pour
ilïic tournée de concerts na-ï JiItor.c.Ujxis _
^*^ L'éminent pianiste-composileur D. Magnus, recevant fr'équemment
des lettres et communications destinées à l'honorable éditeur de musi-
que du nrême nom, avec lequel il n'est aucunement allié, serait heur-eux
que la publicité donnée à celte homonymie pui'e et simple fît cesser les
légers inconvénients qui en résultent.
^** Le jury du concours international de musique religieuse institué
en Belgique sous le patronage du gouvernement, arâit, au mois de sep-
tembi'e dernier, décerné le troisième prix à M. Summers, de Paris. Il
paraît que sous ce pseudonyme il faut lire le nom de M. Nicou Choron.
,|.*^ 11 y avait un monde fou au premier bal de l'Opéra; près de
20,000 francs de recette, sur lesquels M. Str-auss a versé à l'Association
des artistes musiciens 1,700 fr-ancs prélevés sur les billets de faveur. —
Hier, samedi, deuxième bal.
„*^ L'éditeur de musique N. Simrock, de Bonn, est mort le 13 di'
cerabre dans cette ville, à l'âge de soixante-seize ars.
ÉTRANGER
,*^ Bruxelles. — La reprise du Pardon de Ploérmel a eu lieu avec
éclat cette semaine. Mlle Marimon, entièrement rétablie et en pleine
possession de ses moyens, a été charmante d'un bout à l'autre de son
rôle. L'air célèbre de « l'Ombre » lui a valu de chaleureux applaudisse-
ments et un double rappel. M.. Carman (Hoël), qui a faibli au début,
n'a pas tardé à se relever et s'est tiré d'affaire à son honneur. M. Guf-
froy a été irréprochable dans le rôle de Corentin ; on voudrait seulement
un peu plus de volume à sa voix. — La représentation de la Juive, qui
a suivi, n'a pas été heureuse pour Mlle Fi-anchino ; le public, qui l'avait
applaudie dans l'Africaine, a refusé de lui continuer ses bonnes grâces. . .
Warot a été beaucoup mieux traité, et il le méritait d'ailleurs. — Le pre-
mier concert du Conservatoire a eu lieu dimanche dernier. On y a exé-
cuté entre autres morceaux une ouverture inédite de M. Fétis, œuvre
d'une haute portée, et oij l'on sent par-tout l'expérience et le talent du
maître.
*"* Ralen-linden. — M. Duprn.ssoir ne veut ptts être pris au dépour-
vu; il s'est déjà occripr'i des représentations d'opéra allemand pour l'au-
tomne prochain. On donnera, le M septembre ISti'J, les Jotjcuscs corn-
mitres, de Nicolaï; li; H, Tannhwuser, le 18, les Huguenots, et le 22, la
Juive. Niemann, W.'chtel et Sonthcim chanteront les principaux rôles.
**,j, Berlin. — Mlle Orgéni est loujoui-s trè.s-fétée. Klle a beaucoup
gagné depuis l'époque de son premier début à Berlin, il y a trois ans,
sous le rapport de l'expression dramatique. Klle a clianti: avrn; succi's
cette semaine dans la Traviata, Lucie et Faust.
^''.;f Leipzig. — Au dixième concert du Gewandhaus, le llîitisle De
Yroyr; a obtenu un tr'ès-grand succès avec un concerto de Demer^serrran
et un larghetlo de Spohr. La beauté du son qu'il tire de son instrument
et les qualilc's tout .■u-iistiqucs de soir jeu, lui ont corrcilié tous les
suff'rages.
**,j Munich. — Un nouvel opéra-corrrique, Dcr Holhmantel (le Manteau
rouge), de Krempel.setzer, vient d'être donrré avec succè.-, au Bésidenz-
theatcr.
^,*^ Vienne. — L'art lyrique vient de faii-e une nouvelle recrue dans
le monde aristocratique : la baronne Heiligensttcdt de Kœnigsberg, a dé-
buté à l'Opéra sous le nom de Giovannina Stella, dans le rôle d'Isabelle
de Robert-lc-Diablc. Sans être absolument iir-éprochables son chant et
son jeu ont beaucoup de charme, et le public ne lui a [las mar'clrandé
les encouragements. — Le théâtre An der Wien rnonlelns Horreurs de la
Guerre.
»*„; Milan. — La dir'i^ction de la Scala a publié sorr cartellone. La
saison durera du 26 décembr-e au 30 avril. On représentera Don Carlos
et la Forza del Deslino de Verdi, Mosé de Rossini, Fieschi de Montuoro,
et Ruij-Blas de Marchetti, outre deux ballets nouveaux de Monplaisir.
Xous avons déjà donné les noms des artistes du chant. Le nouveau chef
d'orchestre est Eugénie ïerziani ; ses suppléants : Franco Faccio et Giano
Brida. — Un grand concert à la mémoire de Rossini a été donné à
ce théâtre le 13 décenrbre ; trois ouvertur-es et d3 nombi-cux fr-agments
des opér-as du maîtr'e ont été exécutés. Mlle Rosa Csillag et Pancani ont
admirablement chante'', la pr-emière, un air de Maometto, le second, un
air de Zelmira.
^*^ Bologne. — Une imposante cérémonie or-ganisée par la célèbre
Académie pirilharmonique, a eu lieu le 9 décembre en l'honneur de Kos-
sini, dans l'égliseSan-Giovanni in Monte. La composition des divers mor-
ceaux de la messe avait été confiée à plusieur\s maéstri ; on a particu-
lièrement remarqué Vlntroit et le Kyrie du profe;^seur Busi, le Dies irce
de C-Aria, VAgii-us el le Lux.œterna de Parisiui.
,i.*4 Madrid. — La Société des quatuors a donné le 0 décembre sa
première séance. Elle est toujours composée de MM. Monaslerio, Per'cz,
Lesta n , Castellano et Mendizabal (piano). Ces artistes ont exécuté des
œuvres de Mozart, Beethoven et Haydn.. — La direction de l'Opér-a, mu-
nie d'une autorisation préalable, s'est décidée à suspendre ses représen-
tations jusqu'au -i février.
^*^, Lisbonne. — Les ténors Naudin et Lefranc sont (Migagés à San-
Carlos.
,p'*^ Saint-Pétersbourg. — Après une indisposition de trois semaines
Mme Lucca a pu enfin paraître dans Bon Juan. Pour dorrner une idée
de l'accueil enthousiaste qui lui a été fait, il suffit de dii-o qu'elle a été
rappelée vingt-quatre fois dans le cours de la représentation. — Elle a
chanté ensuite l'Africaine; nouveau et magnifique triomphe. — On au-
rait désiré que, en compensation des représentations dont un enrouement
malencontreux a privé le public, le séjour de Mme Lucca put être quel-
que peu prolongé ici, et des démar'ches ont été faites en ce sens; mais
le temps de la célèbre prima donna est compté et mesuré bien à l'a-
vance, l'intendance royale de Berlin n'a donc pu donner son consen-
tement
— Salle ValenUno. — Le premier bal masqué a fait fur'eur. - Ai'ban
avait organisé un grand concert vocal et instrumental pour le jour de
Noël, avec le concours de Mlle de Baunay et de la Société des Enfants
de Lutèce. MM. Arban et Dunkler s'y sont aussi fait entendre.
— ERRATUM. — Nos lecteurs se seront facilement aperçus de la
faute d'impression qui, dans l'article consacré à Mlle Minnie Hauck, nous
a fait donner seulement treize ans à la charmante cantatrice, tandis
qu'elle en a dix-sept. Au lieu de 1815,'), c'est 18,')1 qu'il faut lire comme
année de sa naissance.
: s. r)llFOr:ll.
416
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LES HORREURS DE Li GUERRE
Opéra-bouffe en deux actes,
MUSIQUE DE
Paroles de Ph. Gjlle.
Les airs de cliant détachés avec accorapagiienient de piano.
Invocatton à l'Amour, chantée par Mlle Van-Ghell : Dans
tous ses traits ta noblessi^ respire 2 50
CUant d'iilliancp, cli.imi' par Mlles Van-Ghell, lîonelli,
MM. Léonce et Luce : Moi, duc Cédéric cent-vingt trois... 4 n
Cou|>lclN chantés par Mlle Bonelli: JenpwKO'/Jcrs ô.monmena(/p 2 SO
une cbaiignltTe et Ion cœur, couplets chantés par
Mlle Van-Ghell : Dans iin désert nous irons A »
E.e fuMil à uiguillo, chant de guerre à deux voix: Nous
avons un fusil se chargeant par la culasse 3 »
' VALSE par Strauss. — QUADRILLE par Arban. —
6. Béverlo, chantée par Mlle Van-Ghell : Adieu patrie et jours
de fête r
7. Duo, chaulé par Mlle Van-Ghell et M.Léonce: Non, ta beauté
me charme
8. Eileil nllomand, chanté par M. Luce : Aiif eincm Iknim
ein Kuckurk
9. Ron<l4i-valNo, chanté par Mlle Yan-Ghcll : // était nuit,
tout dormait en silence .
2 50
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